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2
L’adaptation des villes
au changement climatique
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Le changement climatique a des conséquences majeures sur les
conditions de vie des populations urbaines. Il se traduit notamment par une
augmentation des températures maximales estivales et une fréquence
accrue des épisodes de canicule. En raison de leur situation géographique
et des caractéristiques de leur aménagement, certaines villes sont plus
sujettes que d’autres à cette évolution. Ainsi Paris, qui a connu un record
de chaleur à 42,6 °C le 25 juillet 2019, est la capitale européenne la plus
exposée en cas de canicule
246
.
L’augmentation des températures n’est pas la seule conséquence du
changement climatique. Ce dernier
est également à l’origine de difficultés
nouvelles dans l’approvisionnement en eau potable et d’un risque accru
d’inondations. Toutefois, le présent chapitre se concentre principalement sur
la question de l’adaptation des villes à l’augmentation des températures. Ce
phénomène constitue en effet la partie la plus visible par nos concitoyens du
changement climatique et occupe à ce titre une place prééminente dans les
stratégies d’adaptation mises en place, notamment à travers la végétalisation.
L’enquête qui a donné lieu au présent chapitre a été réalisée par la
Cour et sept cham
bres régionales des comptes. Elle s’est appuyée sur des
investigations menées auprès des administrations centrales des ministères
compétents et de dix-neuf villes et groupements de communes de plus de
50 000 habitants
247
.
246
Pierre Masselot, Malcolm Mistry, Jacopo Vanoli, Rochelle Schneider, Tamara
Iungman, David Garcia-Leon et alii,
Excess mortality attributed to heat and cold: a
health impact assessment study in 854 cities in Europe, Lancet Planet Health
2023, 7,
e271
81, publié en ligne le 16 mars 2023.
247
La ville et l’Eurométropole de Strasbourg, Orléans et Orléans Métropole, Blois et
Blois Agglopolys, Besançon, la métropole Rouen Normandie, Saint-Étienne et Saint-
Étienne Métropole, Nancy et la métropole du Grand Nancy, Mulhouse et Mulhouse
Alsace Agglomération, Montpellier et Montpellier Méditerranée Métropole, Val
d’Europe Agglomération, Île
-de-France Nature et la ville de Paris.
COUR DES COMPTES
290
Les collectivités urbaines ont adopté tardivement des stratégies
d’adaptation
au
changement
climatique
qui
ne
répondent
que
partiellement aux enjeux identifiés (I). Leurs effets sur les organisations
demeurent limités et l’évaluation des coûts associés est lacunaire (II).
Les
projets de végétalisation qui en résultent constituent une solution
émergente qui doit s’inscrire dans le cadre plus large d’une trajectoire
d’adaptation des villes aux épisodes de chaleur (III).
I -
Des stratégies d’adaptation
qui ne répondent que partiellement
aux enjeux du changement climatique
Les mesures prises par les villes face au changement climatique
doivent s’inscrivent dans une stratégie décrite par des documents territoriaux
de planification. Fondée sur des diagnostics souvent incomplets et datés (A),
cette stra
tégie est aujourd’hui éclatée entre divers documents
, pas toujours
cohérents entre eux, qui appellent une simplification drastique (B).
A -
Des diagnostics souvent incomplets et datés
1 -
Une prise en compte insuffisante des effets du changement
climatique en ville
Pour faire face au changement climatique, les villes doivent prendre
des mesures qui nécessitent d’être inscrites dans une stratégie d’adaptation
cohérente. Jusqu’en 2015, il revenait ainsi aux communautés urbaines et
aux communes de plus de 50 000 h
abitants de se doter d’un «
plan climat-
énergie territorial » (PCET). Depuis 2016, ce sont les seuls établissements
publics de coopération intercommunale de plus de 20 000 habitants qui
doivent
inscrire
leur
action
dans
des
« plans
climat-air-énergie
territoriaux » (PCAET).
Ces documents stratégiques doivent s’appuyer sur un diagnostic des
risques associés au changement climatique. Or celui-ci demeure très
insuffisant dans la plupart des cas. Ainsi, les études sectorielles sur lesquelles
se fondent ces diagnostics sont parfois anciennes. Surtout, elles ne tiennent
pas toujours compte des hypothèses de changement climatique. Ainsi, la
mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) du Grand Est relève
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
291
que le plan de gestion des risques d’inondation des
districts hydrographiques
Rhin et Meuse 2022-2027
« ne donne aucune directive sur la prise en compte
du changement climatique pour le calcul de l’aléa inondations
»
.
Les îlots de chaleur urbains ne figurent pas toujours dans le
diagnostic, alors qu’ils
constituent un phénomène aggravant fortement les
conséquences du changement climatique dans les villes.
Le phénomène d’îlot de chaleur urbain
L'îlot de chaleur urbain est un phénomène climatique matérialisé par
un écart de température positif entre le centre des agglomérations et les
zones rurales ou naturelles périphériques. Cet écart est lié à différents
paramètres
: la densité et la forme urbaine, l’artificialisation des sols, les
propriétés d’absorption et de stockage de la chaleur des matériaux, les
ac
tivités humaines ou la raréfaction d’espaces végétalisés ou en eau. Une
étude de l’atelier parisien d’urbanisme
248
montre que cet écart s’élevait par
exemple à 8,4 °C entre le centre de Paris et Melun pendant la nuit lors de la
canicule de 2012.
Schéma n° 10 :
structure des îlots de chaleur urbains
Source
:
Cerema
Enfin, les données scientifiques utilisées se révèlent insuffisantes
pour établir un diagnostic fiable de l’effet du changement climatique sur
certains paramètres, comme le niveau des précipitations. C’est nota
mment
le cas dans le nord de la France.
248
Les îlots de chaleur urbains à Paris
, Atelier parisien d’urbanisme, 2012.
COUR DES COMPTES
292
Afin d’améliorer la qualité du diagnostic sur lequel se fondent les
documents de planification territoriaux, ces derniers devraient donc mieux
prendre en compte les connaissances actualisées sur le changement climatique
et ses conséquences. Les « études locales de vulnérabilité » devraient
notamment être établies conformément aux projections climatiques retenues
par le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC).
2 -
Des stratégies hétérogènes qui identifient mal
les trajectoires d’adaptation
Les prescriptions relatives au contenu des « plans climat-air-énergie
territoriaux
»
(PCAET)
en
matière
d’adaptation
demeurent
peu
nombreuses et assez formelles. Le décret du 28 juin 2016 dispose
seulement qu’outre
une « étude de vulnérabilité », le plan doit identifier
« le coût de l'action et celui d'une éventuelle inaction »
et les objectifs
opérationnels en matière d’adaptation
249
.
Comme
l’observe
une
étude
conduite
par
l’Agence
de
l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’ampleur des
stratégies d’adaptation des collectivités urbaines s’avère très hétérogène.
Certaines demeurent superficielles et insuffisantes. Le volet « stratégie
d’adaptation
» de ces PCAET se réduit le plus souvent à une énumération
des mesures prises sur le territoire sans déclinaison des étapes dans le temps.
Les trajectoires d’adaptation
La communication de la Commission européenne du 27 juillet 2023
relative aux lignes directrices sur les plans d’adaptation des États membres
invite les autorités en charge de leur élaboration à définir et hiérarchiser les
actions d’adaptation dans le cadre de trajectoires.
Prenant l’exemple de la gestion des ressources en eau, le graphique
ci-
dessous montre comment une trajectoire d’adaptation peut s’appuyer sur
différentes étapes de degré de complexité croissant : amélioration des
technologies, réforme de la tarification, puis mise en service d’une
installation de réutilisation de l’eau.
249
Article R. 229-51
du code de l’environnement
.
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
293
Graphique n° 23 :
exemple de trajectoire d’adaptation
pour la gestion des ressources en eau
Source : : Kingsborough et al., 2016, cité par la communication 2023/C 264/01 de la
Commission européenne du 27 juillet 2023.
Certaines collectivités se sont dotées d’une planification spécifique.
Ainsi, la métropole Rouen Normandie a souhaité élaborer, à partir de
février 2023, un «
plan d’adaptation au changement climatique
».
Afin d’améliorer la cohérence entre les documents nationaux et
locaux de planification, un socle commun de mesures pourrait être défini à
cet effet, en s’appuyant
notamment sur la notion de trajectoire d’adaptation.
3 -
Une adoption tardive et encore incomplète des documents
de planification
Toutes les collectivités contrôlées dans le cadre de l’enquête,
soumises à cette obligation, ont adopté un PCAET comprenant un volet
relatif à l’adaptation au changement climatique. Cependant, aucune n’a
respecté l’échéance fixée par le législateur au 31 décembre 2016
250
. La
250
L’échéance a été reportée
au 31 décembre 2018 pour les établissements publics de
coopération intercommunale (EPCI) dont la population est comprise entre 20 000 et
50 000 habitants (article L. 229-26 du code de
l’environnement).
COUR DES COMPTES
294
plupart ont adopté leur plan avec plus de trois ans de retard. En avril 2023,
sur les 753 groupements de communes de plus de 20 000 habitants qui
doivent élaborer ce document, seuls 52
% l’avaient adopté et 54 groupements
de plus de 100 000 habitants (43
%) n’en disposaient pas encore.
B -
Un foisonnement de documents de planification
qui appelle une simplification drastique
1 -
Une articulation déficiente des stratégies d’adaptation suivies
aux niveaux national et local
Les politiques locales s’inscrivent dans tous les domaines d’action
retenus par le deuxième Plan national d’adaptation au changement
climatique (PNACC).
Les indicateurs retenus pour suivre la mise en œuvre de ce plan ne
font cependant pas référence aux plans territoriaux, les PCAET, sauf en ce
qui concerne les actions 3
« Articulation territoriale en métropole »
et 6
« Solutions fondées sur la nature »
. La plupart des autres indicateurs de
suivi du Plan national relevant de
l’initiative du bloc communal demeurent
non renseignés, faute de transmission aux services compétents des
informations nécessaires par les ministères chargés de leur suivi. Les
résultats de l’évaluation à mi
-parcours du PNACC 2 (2018-2022)
251
montrent en outre que les comités régionaux de l’adaptation n’ont jamais
été réunis. Dans ces conditions, l’articulation des stratégies suivies aux
niveaux national et loca
l en matière d’adaptation au changement climatique
apparaît très perfectible.
2 -
Un enchevêtrement de documents de planification
dont la simplification reste inachevée
Le Plan national (PNACC) et les plans territoriaux (PCAET)
doivent s’insérer dans le panora
ma foisonnant des documents de
planification de la démarche air-énergie-climat prévus par le code de
l’urbanisme. La complexité de cette articulation est accrue en Île
-de-
France, où s’appliquent des dispositions spécifiques.
251
Cf
. le chapitre introductif.
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
295
Schéma n° 11 :
schéma simplifié de la planification air-énergie-climat
Source : Cour et chambres régionales des comptes (hors Île-de-
France et collectivités d’outre
-mer)
Afin de simplifier cet enchevêtrement de plans, une ordonnance du
17 juin 2020 a ouvert la possibilité de fusionner certains schémas entre eux.
Au sein de l’échantillon, seule la métropole Rouen Normandie
252
s’est
engagée dans cette voie.
252
Selon les données de l’Ademe, à l’échelle nationale, six collectivités se sont déjà
dotées d’un schéma de cohérence territoriale (SCoT) valant PCAET.
COUR DES COMPTES
296
Les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) peuvent
comporter des mesures d’adaptation au changement climatique, à travers
des orientations d
’aménagement et de programmation (OAP). La
métropole du Grand Nancy a ainsi approuvé une orientation en ce sens dans
ses documents d’urbanisme. Dans le cadre d’une OAP
« environnement »
,
Val d’Europe Agglomération (Seine
-et-Marne) a adopté des règles
établ
issant des surfaces minimales d’espaces verts à créer pour chaque
opération d’aménagement.
L’articulation de ces documents avec les PCAET est toutefois
souvent problématique. Dans les communautés d’agglomération de
Mulhouse et Val d’Europe, la coexistence
de plans d’urbanisme
communaux rend cette articulation encore plus complexe.
Le travail de simplification de ces différents documents mériterait
d’être poursuivi.
II -
Un effet encore limité sur les organisations
et une évaluation lacunaire des coûts
Pour fai
re face au changement climatique, les acteurs locaux n’ont
pas suffisamment revu leur organisation, ce qui limite leur efficacité (A).
Par ailleurs, les coûts associés aux mesures prises ne font pas l’objet d’un
suivi suffisant et demeurent mal connus (B).
A -
Un effet limité sur l’organisation des acteurs
1 -
Une coordination de l’action publique territoriale à renforcer
Contrairement à d’autres États, comme l’Allemagne ou le
Royaume-
Uni, qui privilégient l’initiative locale,
la France a opté pour un
cadre contrai
gnant à l’endroit des collectivités territoriales en matière
d’adaptation. En contradiction avec ce choix, les services de l’État et de ses
opérateurs ont donné la priorité à des mesures d’incitation. La plupart des
PCAET examinés n’ont pas été modifiés po
ur tenir compte des avis rendus
par les préfets constatant une irrégularité ou une insuffisante prise en
compte des vulnérabilités.
D’autres acteurs institutionnels interviennent par ailleurs en matière
d’adaptation au changement climatique. Ainsi, l’Ademe
a pour mission
d’accompagner les collectivités locales dans l’élaboration de leurs documents
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
297
de planification. Toutefois, les collectivités engagées volontairement dans la
démarche de labellisation
« Territoires engagés
Transition écologique »
proposée
par l’Ademe sont amenées à multiplier les études et diverses
formalités au détriment du suivi et de la mise en œuvre des PCAET. Selon
l’Ademe, la convergence de ces dispositifs mériterait d’être examinée.
La multiplication des démarches de contractualisation complique
encore la coordination des acteurs. Ainsi les
« contrats de relance et de
transition écologique »
récemment initiés par l’État, de même que les
conventions proposées par l’Office français de la biodiversité et par les
agences de l’eau, viennen
t concurrencer les autres outils de planification.
La réunion d’instances locales spécifiques à l’adaptation apparaît donc
nécessaire pour coordonner les initiatives de ces différents acteurs et
assurer la cohérence globale de leurs interventions.
2 -
Le rôle du niveau communal à réaffirmer
Alors que, depuis 2015, les communes de plus de 50 000 habitants ne
sont plus soumises à l’obligation d’adopter un PCAET, de nombreuses
communes continuent d’adopter des «
plans climat ». Cette situation résulte de
l’exercice de nombreuses compétences nécessaires à l’adaptation au niveau
communal. Ainsi, la rénovation thermique des bâtiments publics concerne
davantage le niveau communal que le niveau intercommunal, de même que la
gestion des crises et la prévention des risques sanitaires auxquels sont exposées
les personnes vulnérables, qui relèvent également des maires.
253
Au sein de l’échantillon, les villes de Strasbourg, de Nancy, de
Besançon et d’Orléans
ont continué
d’adopter des plans
« climat »
. Le
conseil municipal de Blois a approuvé formellement le plan élaboré
conjointement avec le niveau intercommunal. Par ailleurs, la ville de Paris
s’est dotée de documents de planification pour adapter la ville au changement
climatique (plan
« climat »
, plan
« Paris Frais »
).
Les plans communaux, qui permettent de formaliser une réponse plus
intégrée au changement climatique, s’ajoutent à la somme considérable des
documents de planification prévus par le législateur. Le défi de l’adaptation
au changement climatique fournit ainsi, s
’il en était besoin, une nouvelle
illustration de la nécessité d’une rationalisation des compétences locales. Á
défaut, l’adoption des PCAET conjointement par les intercommunalités et
par les communes qui en sont membres permettrait de renforcer la cohérence
des
stratégies d’adaptation
mises en œuvre au niveau local.
253
Cf.
chapitre relatif à l’adaptation des logements au
changement climatique.
COUR DES COMPTES
298
3 -
Une gouvernance locale appelée à évoluer
La recherche d’une gouvernance adaptée aux enjeux de l’adaptation
est une préoccupation de toutes les collectivités contrôlées. Un degré élevé
de mutualisation entre les services administratifs, le plus souvent entre
l’intercommunalité et la ville centre, facilite la mise en place d’un pilotage
transversal, comme à Blois ou à Orléans.
La réorganisation des organigrammes s’accompagne d’un effort de
formation à destination des élus ou des agents. Les collectivités peuvent
s’appuyer sur le catalogue proposé par le Centre national de la fonction
publique territoriale, qui propose depuis 2021 une offre de formation
adaptée aux différents métiers concernés.
La planification de l’adaptation au changement climatique doit respecter
le cadre de l’association des citoyens aux décisions publiques en matière
d’environnement
,
prévue par la Charte de l’environnement et les principes
généraux figurant dans le code de
l’environnement. Selon diverses modalités,
toutes les collectivités de l’échantillon ont mis en place des démarches
d’association du public à l’élaboration de leurs stratégies pour améliorer leur
acceptabilité et prendre en compte des demandes de la population (conseil
participatif
« climat »
, consultation en ligne, ateliers thématiques).
La nécessaire association des citoyens à l’adaptation
au changement climatique : le cas des
« assises de la transition
écologique »
à Rouen
Les collectivités locales peinent à surmonter les difficultés propres à
la participation citoyenne pour mobiliser au-delà des cercles militants ou
impliquer le public dans la durée. Elles ont recours à des outils comme les
budgets participatifs, qui permettent de concrétiser des initiatives
individuelles ou associatives, notamment dans le cadre d’opérations de
végétalisation de grande ampleur.
Une démarche plus ambitieuse a été entreprise à Rouen, où la métropole
organise chaque année depuis 2020 l’évènement
« Rouen Normandie, capitale
du monde d’après »
. Le bilan de l’opération s’avère cependant décevant en
termes de fréquentation. En janvier 2021, des assises de la transition écologique
ont réuni pendant six mois les différents acteurs du territoire et les citoyens.
Rouen Normandie
Métropole a fait le choix d’une forte dimension participative
et collégiale à travers de nombreux ateliers mobilisant des élus, des techniciens
et des acteurs locaux. Dans la continuité de cette opération, un
« village de la
transition écologique »
permet
de rendre compte chaque année de l’avancée des
actions inscrites dans la feuille de route métropolitaine.
L
’ADAPTATION DES VILL
ES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
299
B -
Une évaluation lacunaire des coûts
1 -
Des programmes d’action qui n’évaluent pas le montant des
dépenses
Contrairement à ce que prévoit l’article R.
229-51 du code de
l’environnement, aucun des plan
s climat air-énergie territoriaux (PCAET)
élaborés par les collectivités contrôlées dans le cadre de l’enquête n’évalue
le coût de l’inaction. Compte tenu des difficultés méthodologiques qu’une
telle évaluation présente
254
, cette obligation mériterait d’être réexaminée.
La plupart des plans d’actions ne font pas davantage l’objet de la
programmation financière prévue par la même disposition réglementaire,
de sorte qu’il est impossible d’évaluer même approximativem
ent leur coût
global. Le renforcement du contrôle
a priori
des PCAET par les services
de l’État permettrait de faire respecter cette obligation.
Au sein de l’échantillon, la plupart des collectivités dont les PCAET
avaient été adoptés avant la fin de l’an
née 2019,
n’avaient pas procédé à
l’évaluation à mi
-parcours également prévue par la réglementation.
L’enquête a par ailleurs mis en évidence quelques situation
s où les
actions envisagées ne répondent pas aux enjeux posés par le diagnostic.
Ainsi, les dép
enses identifiées dans le PCAET de Val d’Europe
Agglomération correspondent aux investissements programmés en matière
d’eaux pluviales et d’eau potable pour accompagner la croissance de la
ville nouvelle davantage que pour l’adapter au changement climatiqu
e.
2 -
Des financements disponibles mais encore insuffisamment sollicités
Les données disponibles montrent que les montants mobilisés sont
souvent
faibles
au
regard
des
enjeux.
Ainsi,
la
communauté
d’agglomération et la ville de Blois indiquent avoir mobilisé
au moins
4
M€ depuis 2018 pour financer les mesures du PCAET relatives à
l’adaptation, soit 2
% des dépenses d’investissement sur la période.
À
Besançon, depuis 2017, les dépenses pour l’adaptation s’élèveraient à
15,3
M€, soit 7,3
% des dépenses d’investi
ssement réalisées sur la période.
Différentes sources de financement peuvent être mobilisées par les
collectivités locales, selon la nature des opérations retenues pour adapter
leur territoire au changement climatique (budget général, subventions dans
le
cadre d’appels à projets sectoriels, taxe GEMAPI pour la prévention des
inondations, fonds européens, etc.).
254
Cf.
la méthodologie d’évaluation du
coût de l'inaction face au changement
climatique et à la pollution de l'air à destination des collectivités en charge de
l’élaboration d’un PCAET proposée par le Cerema.
COUR DES COMPTES
300
Les agences de l’eau proposent également un soutien financier aux
collectivités locales. L’adaptation au changement climatique figure parmi
les pr
iorités de leurs programmes pluriannuels d’intervention pour la
période 2019-2024. Le montant prévu pour les mesures territoriales de
gestion de l’eau et de la biodiversité s’élève à 936
M€ en 2023.
Le Fonds vert mis en place par le Gouvernement en 2023 vise à
accélérer les investissements des collectivités locales dans la transition
écologique. Doté de 2 Md
€, il finance le renforcement de la performance
environnementale des territoires, leur adaptation au changement climatique
et l’amélioration du cadre
de vie. Il comporte un programme de
renaturation des villes qui concrétise l’annonce faite en juin 2022 de
l’affectation de 500
M€ à l’adaptation au changement climatique.
Les taux d’exécution budgétaire montrent que ces financements ont
été jusqu’en 2022
peu mobilisés par les collectivités locales. Toutefois, les
contrats territoriaux signés entre les agences de l’eau et les collectivités,
notamment dans le bassin Rhin Meuse, où cette démarche est généralisée,
et la création du Fonds vert se traduisent par une hausse des demandes qui
devrait accroître leur consommation dès l’exercice 2023.
3 -
Des
« budgets verts »
à fiabiliser
Pour mieux identifier le coût de la transition écologique, le
Gouvernement a créé un groupe de travail interministériel chargé de concevoir
une méthodologie commune d’élaboration de budgets verts locaux et de suivre
les politiques publiques partagées en la matière entre les collectivités
territoriales et avec l’État. Au sein de l’échantillon, cinq collectivités ont
expérimenté l’élaboration d’un budget vert. Les méthodes utilisées ne sont pas
homogènes et portent avant tout sur les mesures budgétaires de réduction des
émissions de gaz à effet de serre. Aucune collectivité locale n’a élaboré un
budget vert permettant d’identifier les dépens
es et les recettes associées aux
mesures d’adaptation au changement climatique.
Certaines collectivités ont envisagé d’appliquer la démarche
proposée par l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), visant à
présenter les comptes au regard des objectifs inscrits dans leurs stratégies
d’adaptation. Elles se sont toutefois heurtées au manque de fiabilité des
imputations fonctionnelles et à la difficulté de ventiler les dépenses
structurantes en matière d’adaptation au sein d’opérations complexes.
Une révi
sion de la nomenclature fonctionnelle et l’introduction de
commentaires méthodologiques dans les instructions budgétaires et
comptables
applicables
faciliteraient
l’identification
des
rubriques
adéquates pour classer les opérations. Le contrôle de leur mis
e en œuvre
par les comptables publics pourrait également être renforcé.
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
301
4 -
Des coûts de la mal-adaptation à identifier
pour mieux les prévenir
En ce qui concerne l’adaptation au changement climatique, l’enjeu
de la budgétisation verte réside autant dans l’ide
ntification des dépenses
permettant de diminuer les vulnérabilités que de celles qui les accroissent.
Il s’agit ainsi de prévenir les coûts d’une éventuelle
mal-adaptation
255
.
Ainsi, l
a ville et l’Eurométropole de Strasbourg ont élaboré un
schéma
de
promotion
des
achats
socialement
et
écologiquement
responsables (SPASER) dont la grille d’évaluation préalable comporte des
critères relatifs à l’adaptation. L’État pourrait inciter à la généralisation de
tels schémas de promotion des achats, obligatoires depuis le 1
er
janvier 2023
pour les collectivités locales dont les dépenses effectuées dans le cadre de
leurs marchés sont supérieures à 50
M€.
III -
La végétalisation, une solution émergente
à inscrire dans une trajectoire plus large
Afin de s’adapter au change
ment climatique, les villes ont eu
largement recours à des mesures fondées sur la végétalisation (A). Cette
orientation s’inscrit dans les objectifs de la Commission européenne qui
propose dans son « Pacte Vert » de 2022 que 10 % de la surface des villes
e
t des agglomérations soit arborée à l’horizon 2050. Toutefois, la
végétalisation des villes reste encore une politique en construction (B) qui
doit s’affirmer, notamment en mobilisant mieux le foncier privé (C).
A -
La végétalisation, stratégie privilégiée
de
l’adaptation des villes aux vagues de chaleur
1 -
La végétalisation, un instrument largement utilisé
pour contribuer au rafraîchissement des villes
Les mesures d’adaptation fondées sur la nature constituent des
options considérées comme
« sans regret »
et sont, à ce titre,
recommandées par le plan national d’adaptation au changement climatique
(PNACC). Elles s’appuient sur les services écosystémiques que la nature
rend en ville et associent des solutions vertes et bleues rappelées ci-après.
255
Cf.
l’encadré intitulé
Adaptation, mal-adaptation et mesures sans regret
figurant
dans le chapitre introductif.
COUR DES COMPTES
302
La palette des sol
utions d’adaptation
L’Ademe, le Cerema et le bureau d’études TRIBU proposent une
typologie des différentes solutions d’adaptation :
-
les solutions vertes privilégient le végétal pour améliorer le confort
thermique ;
-
les solutions bleues
s’appuient sur l’effet rafraîchissant de l’eau
: elles
peuvent être fondées sur la nature (reméandrage de cours d’eau, création
d’ouvrages paysagers de gestion des eaux pluviales) ou impliquer des
infrastructures artificielles (fontaines, brumisateurs) ;
-
les solutions grises
relatives aux infrastructures s’appuient sur des
dispositifs techniques : la forme urbaine, le mobilier urbain (ombrières),
le revêtement, les dispositifs liés aux bâtiments ;
-
les solutions douces impliquent une modification des modalités de gestion
de la ville et des comportements des citoyens (décalage des horaires de
travail, ouverture des fenêtres la nuit, etc.).
Les effets combinés de l'évapotranspiration et de l'ombrage des
arbres contribuent localement à baisser significativement la température de
l’air et à lutter contre les îlots de chaleur urbain. La température peut être
abaissée de 7 °C entre le milieu de la rue et la zone ombragée
256
.
Selon la surface et la forme de l’espace vert, le rafraîchissement peut
s’observer à une échelle plus large
257
. Le sol peut être désimperméabilisé
pour favoriser l’infiltration des eaux pluviales. Cet aménagement contribue
au rafraîchissement de la ville, à la recharge des aquifères
258
et au stockage
de l’eau dans les végétaux. La restauration de la qualité du sol
participe
également de ce cercle vertueux.
256
Triollet Loïse, Laïlle Pauline, Saudreau Marc,
COOLTREES : les résultats du
programme de recherche
ANR.INRAE, Plante & Cité, 2021.
257
Cf. par exemple le guide ISadOrA (intégration de la santé dans les Opérations
d’Aménagement)
produit par
l’École des Hautes Études en Santé Publique
.
258
Un aquifère est un sol ou une roche réservoir originellement poreuse ou fissurée,
contenant une nappe d'eau souterraine et suffisamment perméable pour que l'eau puisse
y circuler librement.
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
303
La désimperméabilisation des sols
La désimperméabilisation est une notion consacrée par la doctrine de
référence
en
matière
d’assainissement
.
Elle
vise
à
maîtriser
le
dimensionnement des réseaux et à limiter les rejets sans traitement dans le
milieu naturel en favorisant l’infiltration de la pluie
. Elle offre de nombreux
bénéfices
: moindre risque d’inondation, rafraîchissement
des espaces
publics
, réduction de la pollution de l’eau par lessivage des sols,
etc.
Schéma n° 12 :
techniques d'infiltration des eaux pluviales
Source
: agence de l’eau Seine Normandie
Comme l’illustrent les exemples d’autres villes européennes, à
l’instar des projets ambitieux de
« réintroduction de la nature »
de Londres
ou de mise en place d’une
« forêt métropolitaine »
à Madrid, la plupart des
stratégies d’adaptation adoptées par les collectivités contrôlées accordent
une part importante à la régulation du climat urbain par le végétal, pour
limiter les effets des vagues de chaleur.
COUR DES COMPTES
304
Forêts en villes
: l’expérience de Londres et de Madrid
Le maire de Londres a engagé en décembre 2021, au lendemain de
la COP 26 de Glasgow, un projet de
« réintroduction de la nature en ville »
(
« rewilding »
). Il se traduit par la restauration d’une faune sauvage en
recréant un habitat adapté pour les animaux, et par la création d’un
écosystème autorégulé, avec une faible intervention humaine à long terme,
dans une ville qui abrite déjà plus de 16 000 espèces animales sauvages
(1 300 à Paris). À cet effet, la ville met en place des « corridors naturels »
le long des lignes de trains et des friches industrielles pour permettre la
circulation des castors. Ces derniers peuvent ainsi aider à s’adapter au
changement climatique en modifiant les écosystèmes pour créer des zones
humides riches en biodiversité dans l’estuaire de la Tamise.
Pour la municipalité, qui a déjà investi 28 millions de livres dans
l’environnement, réintégrer la nature peut aider à refroidir la ville pendant
les vagues de chaleur et à modifier les débit
s des cours d’eau, ce qui
contribue à atténuer les inondations.
La ville de Madrid s’est lancée dans un projet stratégique sur 30
ans
de forêt métropolitaine, caractérisé par une ceinture périphérique de 75 km
de long comprenant plus de 2 300 hectares de nouvelles forêts urbaines, des
connexions avec les zones vertes existantes et la plantation de plus de deux
millions de nouveaux arbres. Le contexte du projet, dont la mise en œuvre
s’est traduite par cinq projets lauréats de concours internationaux, est
différent de celui de Londres
: il s’agit, dans une capitale nettement moins
marquée par le passé industriel, de récupérer des terrains périphériques en
tant qu’espaces verts pour les reboiser et les joindre aux espaces verts
existants afin de créer un espace récréatif de proximité.
Les fonctions spécifiques à ce projet ne sont donc pas seulement
écologiques mais font aussi apparaître la forêt métropolitaine comme lien
social : permettre une connexion des banlieues entre elles, créer une zone
piétonne de 75
km de long et faciliter l’accès au centre
-
ville en vélo. Il s’agit
de rendre la ville de Madrid plus résistante aux effets du changement
climatique grâce à l’amélioration de la qualité de l’air, l’atténuation de l’îlot
de chaleur urbain et l’enrichissement
de la biodiversité.
D’autres villes prévoient des plans de végétalisation de l’espace
urbain. Elles associent aux objectifs de plantation des mesures pour
favoriser l’infiltration des eaux pluviales, qui s’appuient le plus souvent sur
des programmes de dé
simperméabilisation des cours d’école, et pour
améliorer la fonctionnalité des corridors écologiques et la biodiversité.
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
305
Schéma n° 13 :
les services rendus par les arbres en ville
Source : Cerema, ville de Metz et Metz Métropole dans le cadre du projet Services Écosystémiques
rendus par les Arbres, Modulés selon l'Essence (SESAME)
À supposer que les objectifs retenus dans les plans de végétalisation
soient atteints, leurs effets en termes de rafraîchissement ne seront
complètement effectifs qu’à long terme. Il faut en e
ffet attendre une
vingtaine d’années pour qu’un arbre arrive à maturité.
COUR DES COMPTES
306
2 -
La nécessaire diversification de la palette des solutions
La place prééminente qu’occupent les programmes de végétalisation
dans les stratégies d’adaptation des villes témoigne du car
actère encore
récent de cette politique, appelée à se diversifier. En particulier, la prise en
compte de l’adaptation des logements y est peu développée. L’inscription
de cette planification dans une trajectoire d’adaptation à plus long terme
reste encore à construire.
Des options
« avec faibles regrets »
, qui peuvent être efficaces à
court terme et sans incidence négative à long terme, pourraient enrichir le
spectre des réponses aux vagues de chaleur. Davantage de solutions
artificielles bleues ou grises pourraient figurer dans les stratégies
d’adaptation, comme dans le plan
« Paris frais »
, qui comporte un
programme d’ombrage artificiel par l’installation d’ombrières là où il n’est
pas possible ou trop coûteux d’implanter un ombrage naturel. La mise en
ch
antier d’une canopée urbaine dans le secteur des Allées Delacroix à
Rouen répond aux mêmes principes. Les villes de Paris, Strasbourg et
Montpellier procèdent également à l’installation de fontaines à boire et de
brumisateurs à proximité des points chauds.
La mise en œuvre de ces dispositifs temporaires ou de dispositifs
pérennes, comme les jeux et miroirs d’eau, peut conduire à une
consommation d’eau supérieure aux solutions fondées sur la nature. Mais
elle présente l’intérêt d’être plébiscitée par les hab
itants et de prévenir
l’ouverture des bouches d’incendie
259
et les baignades illicites. L’agence
de l’eau Rhin Meuse a ainsi soutenu la création d’un miroir d’eau à Nancy.
L’harmonisation de la doctrine du réseau des agences à l’égard de ces
projets permettr
ait d’en assurer un déploiement plus large, associé à une
meilleure maîtrise de leur consommation d’eau. À plus long terme, la
réflexion pourrait être élargie à la généralisation de réseaux de froid urbains
comme celui qui existe à Paris, dont les résultats sont prometteurs.
259
Voir par exemple le rapport final du projet VISION, porté par
Eau de Bordeaux
Métropole
, subventionné par l’
agence de
l’eau Adour Garonne
.
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
307
Le réseau de froid urbain de la ville de Paris
Les réseaux de froid constituent une solution « grise » pour répondre
au besoin de rafraîchir les bâtiments en évitant le recours à la climatisation
individuelle. Ils font circuler en circuit fermé une eau glacée qui retourne à
la centrale frigorifique après avoir gagné quelques degrés en rafraîchissant
les bâtiments où elle est distribuée. Selon la programmation pluriannuelle
de l’énergie 2019
-2028, ils présentent une efficacité énergétique et
environnementale cinq à dix fois supérieure à la climatisation électrique
classique. Quand ils reposent sur la technique du refroidissement naturel
dans l’eau (
« free-cooling »
), ils permettent également de réduire le
phénomène d’îlot de chaleur u
rbain en évitant la dissipation de la chaleur
résiduelle dans l’air ambiant de la ville. La ville de Paris dispose d’un réseau
de 93 km dont l’eau est principalement rafraîchie par la Seine. En
application de son plan « Climat
», elle s’est dotée d’un sché
ma directeur
qui vise à tripler sa taille pour couvrir l’ensemble de la ville d’ici 2050.
Des trajectoires d’adaptation élargie aux vagues de chaleur feraient
également apparaître la nécessité de planifier des mesures permettant de
répondre à l’ensemble d
es enjeux associés à la multiplication des canicules.
Certains documents d’aménagement comportent des orientations relatives
à l’adaptation du bâti aux principes du bio
-climatisme (sobriété
énergétique, exposition solaire, recours à des matériaux isolants bio ou
géosourcés, etc.). Mais l’amélioration du confort thermique d’été est
généralement prise en compte de manière insuffisante
260
.
Le rapport de la
mission d’enquête
« Paris à 50 °C »
met en question l’habitabilité des
derniers étages des bâtiments dont
l’isolation n’est techniquement ou
réglementairement pas envisageable. Il fait apparaître des pistes de
réflexion en la matière.
B -
La végétalisation des villes, une politique
en construction
1 -
Une mesure impliquant la coordination de nombreux acteurs
et la con
ciliation d’objectifs distincts
Outre la détection préalable des points chauds, le rafraîchissement
de la ville par la végétalisation implique, pour les collectivités locales,
d’identifier le foncier disponible en proximité en tenant compte de
contraintes
d’ordre technique et réglementaire.
260
Cf
. le chapitre sur l’adaptation des logements au changemen
t climatique.
COUR DES COMPTES
308
L’identification du foncier disponible et l’entretien des plantations
supposent de mobiliser de manière transversale les autorités chargées de la
gestion du domaine public selon la répartition des compétences sur un
territoire donné et les différents services responsables au sein de la
collectivité. À Paris, la compétence partagée avec la préfecture de police
sur la voirie constitue une contrainte supplémentaire.
La coordination des acteurs doit également permettre de concilier
l’objectif de régulation du climat urbain associé à la végétalisation a
vec
les objectifs de
« zéro artificialisation nette »
et de désimperméabilisation
des sols.
Désartificialisation, désimperméabilisation et végétalisation
La désartificialisation des sols est définie à l’article L.
101-2-1 du
code de l’urbanisme comme une mesure de compensation complémentaire
de la préservation des espaces naturels pour atteindre l’objectif
« zéro
artificialisation nette »
tout en préservant une marge pour le développement
de la ville à l’échelle du territoire.
Elle consiste à
faire revenir à l’état naturel (
« renaturer »
) des
espaces
artificialisés
ou
semi-artificialisés
en
rétablissant
des
fonctionnalités écologiques favorables au vivant. E
lle s’appuie sur la
végétalisation mais peut comprendre des restrictions de l’accessibilité au
public des sites concernés.
Par ailleurs, l’annexe de l’article R.
101-1 du
code de l’urbanisme classe les parcs et jardins dans la catégorie des sols
artificiels qui peuvent être urbanisés sans accroître le
ratio
d’artificialisation
du territoire.
La désimperméabilisation peut contribuer à la transformation
d’
espaces artificiels imperméables en surface végétalisée, mais peut aussi
reposer sur des ouvrages artificiels (enrobés drainants, structures
alvéolaires) qui n’ont pas d’effet rafraîchissant.
La coordination des acteurs doit également permettre de s’appuyer
sur les plans d’urbanisme pour protéger le patrimoine végétal existant et
favoriser son extension, à l’image de l’Orientation d’aménagement et de
programmation
« Nature en ville »
introduite dans le plan local
d’urbanisme de la ville de Saint
-
Etienne. Pour bénéficier d’un apport
optimal en termes de lutte contre les îlots de chaleur, ainsi que de stockage
de carbone, préserver, utiliser et pérenniser l'existant doit être le premier
objectif poursuivi.
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
309
2 -
Des contraintes techniques et réglementaires à prendre en compte
Les collectivités locales doivent tenir compte des distances minimales
à respecter entre les infrastructures souterraines et les plantations. Ces
contraintes sont particulièrement fortes dans les zones denses, comme à
Paris. Pour optimiser l’occupation du sol, la ville de Mulhouse a élaboré un
projet de protocole pour la cohabitation des arbres et des réseaux (CARE).
Un protocole pour la cohabitation des arbres et des réseaux à Mulhouse
L’encombrement du sous
-sol par des câbles et réseaux (électricité,
télécommunication, eau, assainissement, gaz) limite le volume de pleine-
terre disponible pour la croissance des végétaux. À
l’inverse, la poussée des
racines est susceptible d’endommager les infrastructures avec des
conséquences potentielles graves s’agissant des canalisations de gaz. Dans
ce contexte, la ville de Mulhouse et trois concessionnaires (GRDF, Enedis,
Orange) ont élaboré en 2022 un projet de protocole, en application de la
norme NF P 98-332
261
qui prévoit que
« les plantations d'arbres au-dessus
des réseaux ne peuvent être effectuées que dans le cadre défini par des
protocoles spécifiques »
. La norme définit en effet les règles d'implantation
respective des végétaux et des réseaux, afin de garantir l’intégrité des
ouvrages et de permettre leur maintenance. Elle n’autorise pas, hors
protocole, l’implantation d’arbres à des distances inférieures
à 1,50 m.
La réflexion a été portée au plan national avec France Urbaine et
plusieurs collectivités déjà engagées dans cette démarche, telles que la ville
de Nantes et la métropole du Grand Lyon, afin d’élaborer un protocole
spécifique avec GRDF, d’aider
les villes dans le choix des végétaux et des
solutions techniques à mettre en œuvre : essences à enracinement puissant
à proscrire, choix des mottes, adaptation des fosses de plantation, mise en
place de protections, inventaire des sites de cohabitation, etc.
De même, des contraintes comme la pollution du sol ou la
configuration géographique et géologique des bassins versants urbains
peuvent limiter le recours aux solutions vertes de gestion des eaux pluviales.
La présence de perspectives architecturales et paysagères protégées
requiert l’autorisation préalable des architectes des bâtiments de France. Le
projet d’extension du plan de sauvegarde et de mise en valeur du
patrimoine (PSMV) au quartier de la Neustadt à Strasbourg montre qu’un
dialogue approfondi entre les parties prenantes permet de concilier des
objectifs de préservation du patrimoine historique et de végétalisation.
261
NF P 98-332 de février 2005
Chaussées et dépendances - Règles de distance entre
les réseaux enterrés et règles de voisinage entre les réseaux et les végétaux
.
COUR DES COMPTES
310
3 -
Une évolution nécessaire des services et des pratiques
en matière de gestion des espaces verts et de nature
Le recours aux solutions vertes s’accompagne d’une évolution des
pratiques des services techniques vers une gestion patrimoniale de la nature
en ville impliquant des compétences nouvelles. À
titre d’illustration, la
direction des espaces verts, sportifs et forestiers de la ville de Besançon a été
transformée en direction de la biodiversité et des espaces verts, placée sous
la responsabilité d’un écologue
262
, et est désormais associée à la définition
de tous les projets d’intervention de la collectivité sur l’
espace public.
Cette évolution doit s’accompagner d’un effort d’investissement
suffisamment massif pour que les plantations contribuent effectivement au
rafraîchissement de la ville. Un ajustement des moyens de fonctionnement
dans le long terme est égaleme
nt nécessaire, notamment pour l’entretien
des projets de micro-végétalisation des trottoirs. La taille modeste des
surfaces concernées et l’insuffisance d’entretien qui les caractérisent le
plus souvent limitent fortement l’effet de rafraîchissement attend
u.
Il est possible d’identifier des opérations d’aménagement réussies
au regard de l’ensemble de ces enjeux, comme la zone d’aménagement
concertée
« Austrasie »
à Nancy ou le projet
« Mulhouse Diagonales »
.
Cependant le passage à l’échelle de la ville s’av
ère complexe.
La végétalisation à l’échelle de la ville à Nancy et Mulhouse
Implantée sur une friche industrielle à Nancy, la zone d’aménagement
concertée « Austrasie » a été créée en 1997 pour répondre à des enjeux de
développement économique et redonner au site une fonction résidentielle.
Depuis 2020, la métropole du Grand Nancy a ajouté une dimension
écologique à l’aménagement des hectares restant disponibles en visant une
densification raisonnée conforme à
l’
orientation d'aménagement et de
programmation (OAP) « adaptation au changement climatique » du plan
local d’urbanisme en voie d’achèvement. Le schéma d’aménagement a été
révisé pour mettre en valeur la biodiversité à travers un maillage d’espaces
verts publics favorisant les îlots de fraicheur. Les surfaces à commercialiser
font l’objet d’une classification permettant de calculer leur valeur écologique
et de déterminer un coefficient de biotope par surface (CBS) pour la
préservation de la biodiversité. La surface des espaces de pleine terre a été
multipliée par quatre et celle des enrobés imperméables divisée par trois.
L’évolution du projet a conduit à une augmentation du coût total de
l’opération (de 7
M€ HT à 32,2 M€ TTC) prise en charge par les parties
prenantes et objet d’une demande de soutien d
u Fonds vert pour 1
M€.
262
L’ingénieur écologue (ou chargé d’études écologue, chef de projet écologue, etc
.) a
pour mission de prévoir l’impact des activités de l’homme sur son environnement.
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
311
Le projet « Mulhouse Diagonales » vise à créer à l'horizon 2028 un
parcours de nature à travers la ville en valorisant les berges des cours d’eau qui
la traversent et en faisant réapparaître ceux dont le cheminement avait été
recouvert. Le tracé représente trois diagonales en forme de Z qui connectent une
majorité des quartiers mulhousiens. Le projet qui intègre la restauration
écologique de friches industrielles favorisera le développement de la biodiversité
au centre de Mulhouse, améliorera le cadre de vie des habitants avec davantage
d’espaces végétalisés et une multiplication des accès à l’eau. Ces espaces
contribueront au rafraîchissement de l’air sur les différents secteurs et à la
protection contre les inondations. Le coût total du projet, réparti entre différentes
maîtrises d’ouvrage, est estimé à 32 M€ dont près de la moitié à la charge de la
ville, et bénéficie notamment du soutien de l’agence de l’eau Rhin
-Meuse.
4 -
Un cadre juridique en construction
En l’absence d’un cadre nat
ional
263
, les performances respectives
des programmes locaux de végétalisation ne sont pas objectivables. Les
données permettant de mesurer un état initial et les indicateurs de suivi
qu’elles retiennent (indice de couvert arboré, surface par habitants,
acce
ssibilité à moins de 300 m d’une résidence, etc.) sont produits par les
collectivités selon des méthodes et des nomenclatures qui leur sont propres.
La stratégie européenne en faveur de la biodiversité à horizon 2030
appelle les villes de 20 000 habitants ou plus à élaborer
« des plans
ambitieux
d’écologisation
de
l’espace
urbain
»
. La
Commission
européenne a présenté le 22 juin 2023 une proposition de règlement sur la
restauration de la nature qui prévoit que la superficie totale nationale des
espaces vert
s urbains augmente d’au moins 3
% d’ici à 2040 et d’au moins
5
% d’ici à 2050 et que la surface du couvert arboré urbain atteigne au
moins 10
% dans les villes d’ici à 2050.
La stratégie nationale Biodiversité 2030 présentée par le
Gouvernement le 27 novembre 2023 affirme le soutien de la France à cette
proposition. Il prévoit l’élaboration d’un plan national pour la restauration
des écosystèmes associé aux indicateurs retenus par le règlement européen
d’ici la fin de l’année 2025 et des actions pour souten
ir la structuration de
la filière du génie écologique.
263
Adoptée dans un environnement institutionnel fortement centralisé et désormais
désuète, sauf en Île-de-
France où les principes qu’elle fixe continuent d’orienter l’acti
on
de l’agence régionale des espaces verts, une circulaire
datant de 1973 est le dernier texte
en date qui établit les définitions, les indicateurs et les objectifs nécessaires à une
politique nationale des espaces verts urbains.
COUR DES COMPTES
312
Dans cette perspective, des objectifs de restauration des écosystèmes
urbains pourraient être prévus par les documents stratégiques locaux.
C -
Une mesure au coût limité qui implique
la mobilisation du foncier privé
Sous les réserves liées au manque de fiabilité de la présentation
fonctionnelle des comptes locaux mentionnée plus haut, les dépenses
d’investissement qu’elle permet d’identifier en matière d’espaces verts
urbains s’élèvent en 2022 à 542
M€ pour
le bloc communal. Elles
représentent 2,7
% des dépenses d’investissement des communes et 0,6
%
des celles des groupements de communes. Les dépenses de fonctionnement
s’élèvent à 2,3 Md
€ et représentent 3,4
% des dépenses de fonctionnement
des communes et 1 % au niveau intercommunal
264
.
Une étude produite par le centre commun de recherche de la
Commission européenne
265
a montré qu’en 2018, les espaces verts urbains
représentaient 40,6 % de la superficie des zones urbanisées des villes
françaises (15 670 km
2
). Le couvert arboré en représentait 8,3 %.
Le coût de la création d’un espace vert, qui varie fortement selon la
nature du projet, est difficilement identifiable dans les comptes des collectivités
locales. Porter à 10 % la part du couvert arboré dans les zones urbanisées des
villes françaises en 2050 représenterait un investissement total de 3,6 Md
€ pour
planter 2,4 millions d’arbres, soit un coût annuel de 360
M€ en concentrant les
investissements entre 2025 et 2035 pour tenir compte de la durée de croissance
et une augmentation des coûts de fonctionnement de 131
M€ en 2035. À
supposer qu’il soit intégralement assumé par les collectivités publiques, cet
effort apparaît soutenable au regard de la part de ces dépenses dans les comptes
consolidés du bloc communal et de la dotation du Fonds vert.
Cependant, compte tenu des difficultés.identifiées pour mobiliser le
foncier public, le principal défi à relever pour accroître de manière
significative la surface des espaces verts urbains concerne la mobilisation
du foncier privé.
264
Rapport 2023 de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locale.
265
Babi Almenar, J., Marando, F., Vallecillo, et autres,
Urban Ecosystem accounts
following the SEEA EA standard : A pilot application in Europe
,
Publications Office of
the European Union
, Luxembourg, 2023.
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
313
Pour y parvenir, certaines collectivités mettent en place des
dispositifs incitatifs expérimentaux. La ville de Mulhouse a inséré dans un
bail emphytéotique des obligations réelles environnementales portant sur
la plant
ation et la gestion d’une forêt urbaine pendant 30
ans. Portant sur
des surfaces plus significatives, le programme
« Espaces Extérieurs
2023 »
, promu
par l’Eurométropole de Strasbourg en faveur des bailleurs
sociaux, a permis la création de 3 500 m² d’espa
ces verts.
Dans le cadre du Fonds vert, l’expérimentation d’un dispositif pour
subventionner des plantations d’espaces verts sur des emprises foncières
privées constituerait un outil supplémentaire. Selon les paramètres retenus,
un tel dispositif permettrait également de réduire le coût des aménagements
portés par les collectivités publiques.
COUR DES COMPTES
314
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La prise de conscience par les exécutifs locaux de la nécessité
d’adapter les villes au changement climatique est récente et
concomitante
à la multiplication d’épisodes météorologiques extrêmes ces dernières
années. Le foisonnement des documents de planification qui les encadrent
appelle une rationalisation
.
Celle-
ci faciliterait la mise en œuvre de
trajectoires définissant les étapes à franchir et les objectifs à atteindre pour
réduire les vulnérabilités associées au changement climatique.
L’élaboration de trajectoires d’adaptation faciliterait également
l’émergence
de
transformations
structurelles.
Pour
prévenir
la
multiplication des équipements de climatisation individuelle, identifiée
comme un facteur de « maladaptation », le déploiement à grande échelle
de réseaux de froid urbain, comme celui existant à Paris mais dont la taille
demeure modeste, est une option qui pourrait être examinée lors de
l’élaboration des stratégies d’adaptation. La question de l’articulation des
objectifs de densification des villes et de leur adaptation au changement
climatique ne peut être abordée sans lien avec la transformation des
logements et des réseaux, évoquée par ailleurs dans le présent rapport.
Dans ce contexte , la Cour formule les recommandations suivantes :
1.
rationaliser les documents de planification relatifs à
l’adaptation au
changement climatique, notamment en améliorant l’articulation
entre le
plan national d’adaptation au changement climatique et le volet relatif
à l’adaptation des plans climat air énergie territoriaux (ministère de la
transition écologique et de la cohésion des territoires) ;
2.
associer les communes à la planification
locale de l’adaptation au
changement climatique, en prévoyant l’élaboration de stratégies
conjointes avec le niveau intercommunal (ministère de la transition
écologique et de la cohésion des territoires) ;
3.
mettre en œuvre de manière effective l’obligation
de programmation
financière et de suivi de l’exécution des dépenses d’adaptation au
changement climatique (établissements publics de coopération
intercommunale soumis à l’obligation d’adopter un PCAET)
;
4.
introduire dans le socle commun des stratégies local
es d’adaptation
,
un plan prévoyant des mesures de protection du patrimoine naturel et
d’augmentation de la surface des espaces verts et du couvert arboré
(ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires).
Réponses reçues
à la date de la publication
Réponse du ministre de l’économie, des finances et
de la souveraineté
industrielle et numérique
........................................................................
316
Réponse du ministre de la transition écologique et de la cohésion
des territoires
..........................................................................................
317
Réponse du président-
directeur général de l’Agence de
l’environnement
et de la maîtrise de l’énergie (Ademe)
........................................................
318
Réponse du directeur général de l’Office français de la biodiversité (OFB)
. 319
Destinataires n’ayant pas d’observation
Monsieur le directeur général du Centre d’études et d’expertise
sur les
risques, la mobilité et l’aménagement (Cerema)
Monsieur le directeur général de l’agence de l’eau Loire
-Bretagne
Monsieur le directeur général de l’agence de l’eau Rhin
-Meuse
Madame la directrice générale de l’agence de l’eau Seine
-Normandie
Monsieur le directeur général de l’agence de l’eau Rhône
-Méditerranée-Corse
COUR DES COMPTES
316
RÉPONSE DU MINISTRE DE
L’ÉCONOMIE, DES FINA
NCES
ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE
La Cour accueille favorablement le projet d'élaboration d'un « budget
vert » par les collectivités locales. Celui-ci permettra de mesurer l'impact de
leurs dépenses au regard des enjeux de la transition écologique et de mieux
suivre les politiques partagées avec l
État en la matière. En pratique, la Cour
fait valoir qu'une « révision de la nomenclature fonctionnelle et l'introduction
de commentaires méthodologiques dans les instructions budgétaires et
comptables applicables faciliteraient l
identification des rubriques adéquates
pour classer les opérations. Le contrôle de leur mise en œuvre par les
comptables publics pourrait également être renforcé ».
Le Gouvernement partage ces orientations que des travaux, menés en
concertation avec les collectivités locales, doivent permettre de préciser.
L'article 191 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de
finances pour 2024 prévoit que le compte administratif ou le compte
financier unique des collectivités territoriales, de leurs établissements et
groupements de plus de 3 500 habitants, comporte une annexe permettant
de mesurer l
impact du budget sur la transition écologique.
La démarche s'appuie sur la présentation des dépenses à la fois par
nature et par fonction prévue par l
instruction budgétaire et comptable
M57. Elle sera mise en œuvre de façon progressive, d’
abord sur les
dépenses d
investissement, et selon un nombre qui pourra être limité
d
axes de la taxonomie européenne. La priorité sera donnée aux axes
« adaptation au changement climatique » et « atténuation du changement
climatique », ceux-ci étant utilisés par les collectivités déjà engagées dans
un exercice de cotation environnementale de leurs dépenses.
Des travaux interministériels sont en cours avec les associations
d'élus locaux pour définir un premier périmètre de cotation et une
méthodologie de cotation uniforme, articulée aux standards de cotation de
l'annexe présentant l'impact environnemental du budget de l
État,
permettant la production de données dès les comptes clos 2024. Les
collectivités les plus avancées dans la démarche et volontaires pourront
naturellement aller plus loin dans les travaux de cotation dès l'année 2024.
Les travaux en cours aboutiront, dans un premier temps, à la
communication d'une documentation méthodologique partagée et pourront
donner lieu, dans un second temps, à un ajustement des nomenclatures
budgétaires et comptables et à une réflexion sur les contrôles exercés par
le comptable public.
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
317
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES
Les villes sont un acteur crucial de l
adaptation au changement
climatique. Elles doivent aujourd’hui pouvoir bénéficier des outils
nécessaires pour analyser leurs vulnérabilités face au changement
climatique et prendre les mesures d
adaptation nécessaires. En lien avec les
trois premières recommandations de la Cour des comptes, le troisième plan
national d'adaptation au changement climatique (PNACC 3), actuellement
en cours d
élaboration, a pour ambition de soutenir les acteurs territoriaux,
notamment en définissant le scenario de réchauffement de référence qui
s
appliquera aux documents de planification territoriale, en particulier dans
les plans climat-air-énergie territoriaux. Le PNACC 3 vise également à
rendre opérationnelle la mise en œuvre d'actions concrètes d'adaptation, par
la diffusion d
une liste d'actions sans-regret, pouvant être mises en place par
toutes les villes pour faire face, sans mal-adaptation, aux effets du
changement climatique. Enfin, le travail initié à l'automne 2023 avec le
lancement des COP (Conférences des parties) territoriales doit permettre à
tous les acteurs du territoire de se réunir pour définir ensemble leur propre
stratégie d
atténuation des émissions de gaz à effet de serre et d
adaptation
au changement climatique.
Nous partageons l
intérêt de la 4
e
recommandation. Dans le cadre
des outils de planification à la disposition des élus, afin de garantir
l
appropriation des projets par les habitants, nous préconisons que les
mesures de protection du patrimoine naturel et d'augmentation de la
surface des espaces verts et du couvert arboré s'appuient entre autres sur
le levier de la démarche paysagère. Cette méthode permet en effet de
constituer des écosystèmes urbains cohérents et pérennes.
L'action publique de l
État positionne l'adaptation des villes au
changement climatique au sein d'une vision holistique de l
aménagement
urbain, en soutenant les réponses intégrées aux défis de la ville durable
mises en
œuvre dans les territoires. Dans cette optique, concernant les
solutions fondées sur la nature, l
État continue à porter la renaturation,
plutôt que la seule végétalisation. Les leviers d'adaptation dits « gris »
(conception urbaine bioclimatique) sont également à exploiter. La
retranscription en France du règlement européen sur la restauration des
écosystèmes concrétisera les objectifs surfaciques de renaturation
recommandés par la Cour des comptes. La mesure dédiée à la renaturation
des villes et des villages au sein du fonds vert accompagne les opérations
portées localement. Le succès rencontré en 2023 et le renouvellement en
2024 permettent de confirmer qu
elle rencontre l
intérêt des territoires.
COUR DES COMPTES
318
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR G
ÉNÉRAL DE L’AGENCE
DE
L’ENVIRONNEMENT E
T DE LA MAÎTRISE DE
L’ÉNERGIE (ADEME)
Pour faire suite à votre courrier du 7 décembre 2023 relatif à la
notification du chapitre «
L’adaptation des villes au changement
climatique » destiné à figurer dans le rapport public annuel 2024 de la
Cour des comptes, je tiens à vous faire part de trois remarques principales.
En premier lieu, si nous partageons très largement les éléments et
propositions consignées dans ce chapitre, je tiens à souligner une
mauvaise interprétation de la Cour sur la démarche « Territoire Engagé
pour la Transition Écologique
» portée par l’ADEME. La rédaction
proposée paragraphe II-A-1 laisse entendre que son déploiement se fait
au détriment du suivi et de la mise en œuvre de le
ur PCAET. Cette
perception est inexacte. En réalité, « Territoire Engagé » permet
précisément à une collectivité de formaliser son PCAET dans un cadre
d’action organisé, en facilitant un suivi et une programmation des actions,
assortis d’indicateurs d’éval
uation. « Territoire Engagé » fournit donc un
cadre opérationnel, permettant de mettre facilement le PCAET en action,
et ne nuit en rien à son bon déroulement.
Je souhaite également vous faire part de l’ambition forte que je
porte, dans le cadre de l’élabo
ration du PNACC3, de renforcer la
coopération entre établissements publics pour mettre en place d’un guichet
partenarial unique, permettant de réunir les actions et accompagnements
des différents opérateurs de l’État (Météo France, OFB, Agences de l’eau,
C
erema, etc.) dans une approche coordonnée s’appuyant sur notre
démarche TACCT (https://tacct.ademe.fr/), citée dans votre chapitre, et qui
est la seule plateforme d’accompagnement opérationnelle qui déploie la
méthode des trajectoires, méthode préconisée par le GIEC, normalisée, et
reconnue au niveau international.
TACCT permet la mise en place de «
trajectoires d’adaptation
»,
dont le principe est d’anticiper les changements à venir et de s’y adopter
progressivement, plutôt que de réagir uniquement aux situations de crise.
Il s’agit à la fois de réduire les vulnérabilités actuelles et à venir, mais
aussi d’intégrer transversalement la transition écologique dans le
développement des territoires et des activités économiques. Dans le cadre
de ce partenariat multi-opérateurs, TACCT serait ainsi utilisée comme une
plateforme de portage global de l’action d’adaptation au changement
climatique d’une collectivité, faisant appels aux offres et outils des autres
opérateurs. L’ac
cès des collectivités aux différentes compétences et outils
d’accompagnement serait ainsi facilité, ce qui favoriserait leur
engagement dans des trajectoires d’adaptation.
L’ADAPTATION DES VIL
LES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
319
Enfin, vous mentionnez également dans le paragraphe II-A-1, 8 que
«
L’ADEME a pour mission d’accompagner les collectivités locales dans
l’élaboration de leurs documents de planification
». En réalité, l’ADEME
n’aide pas directement les collectivités à élaborer leurs documents de
planification, mais elle les aide, en revanche, à y intégrer les enjeux de la
transition écologique. Pour se faire, nous mettons à disposition des
ressources documentaires, des méthodologies, de l’aide à l’ingénierie, des
expérimentations, permettant aux collectivités de saisir les enjeux et de
disposer des connaissances et compétences nécessaires à cette intégration.
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE
L’OFFICE FRANÇAIS
DE LA BIODIVERSITÉ (OFB)
Cette insertion, qui rappelle les enjeux du changement climatique
sur les milieux urbains et dresse le bilan des politiques publiques
mobilisées à cette fin, souligne un certain nombre de constats auxquels
l’Office français de la biodiversité (OFB)
souscrit pleinement.
Je partage
tout d’abord
les remarques de la Cour sur le caractère
bien souvent incomplet des diagnostics. La prise en compte parfois
insuffisante des effets du changement climatique par exemple sur la
ressource en eau ou sur la biodiversité et le recours trop limité à des
trajectoires précises d’adaptation ne permettent
en effet pas de mobiliser
l’ensemble des levi
ers favorisant les nécessaires changements systémiques,
notamment le recours aux solutions fondées sur la nature. Il importe ainsi
que des diagnostics complets de l’état des écosystèmes et des trames, ainsi
que des potentialités de restauration soient conduits, afin d’établir
une
stratégie transversale de réduction de la vulnérabilité des habitants. Je
souscris également à l’analyse de la Cour recommandant le renforcement
de l’articulation entre les différents documents de planification
, le plan
national d’adaptation au changement climatique (PNACC) et les plans
climat-air-énergie territoriaux (PCAET) ce qui permettra de mieux
intégrer les problé
matiques liées à l’eau et la biodiversité
.
La Cour constate par ailleurs le besoin de renforcement de la
coordination de l’action publique territoriale, notamment en clarifiant
l’articulation
en
tre
les
obligations
des
PCAET
et
les
démarches
d’accompagnement mises en place par certains opérateurs de l’État,
notamment l’Ademe, le Cerema, les agences de l’eau et l’OFB. Même si je
partage pleinement cet objectif, il ne me semble pas pour autant que les
conventions proposées par l’OFB ou les agences de l’eau viennent
concurrencer les autres outils de planification. Elles permettent au contraire
d’apporter des solutions aux collectivités pour mieux prendre en compte des
COUR DES COMPTES
320
aspects peu ou pas traités dans les PCAET (eau, biodiversité). Il est cependant
effectivement essentiel de s’assurer que ces actions sont bien complémentaires
et non concurrentes. C’est dans cet objectif que l’OFB, le CEREMA et
l’ADEME se sont d’ores et déjà engagés dans une démarche de r
approchement
de leurs travaux en vue de concevoir et de proposer une ingénierie d’appui
cohérente et lisible en matière d’adaptation au changement climatique.
En complément, je souscris à l’analyse de la Cour constatant
l’insuffisante évaluation des coûts de l’adaptation au changement climatique
et je partage l’importance d’intégrer les coûts de la mal
-adaptation ou de la
non adaptation afin de lutter contre les opérations néfastes. Il convient en
parallèle de fiabiliser les budgets verts et d’intégrer plei
nement les coûts de
fonctionnement liés à l’entretien des solutions fondées sur la nature.
Je partage également les réflexions de la Cour sur l’importance
stratégique de la végétalisation, en relevant avec satisfaction l’accent mis
sur la qualité des projets de végétalisation : planification en lien avec la
restauration des trames, choix des essences, montée en qualité de la gestion
des espaces verts, optimisation pour la restauration des fonctions utiles à la
biodiversité. Des plantations mal conçues peuvent en effet également relever
de la mal-
adaptation. Cela doit s’accompagner, comme le souligne la Cour,
d’un effort important de formation des élus, des techniciens des collectivités
territoriales, mais également des différents opérateurs de génie écologique
qui interviennent en appui
: bureaux d’études, aménageurs, entreprises de
travaux, etc. Le recours aux solutions grises doit être considéré davantage
comme des solutions temporaires, en veillant à ne pas induire de pression
supplémentaire sur les ressources ou la biodiversité en ville.
Comme le relève la Cour, le cadre juridique et stratégique de la
résilience des territoires urbains face au changement climatique s’affirme
autour de la convergence des enjeux de retour d’une nature en ville en bon
état et
d’adaptation au changement climatique. C’est ainsi le sens des
objectifs portés par le projet de règlement européen relatif à la restauration
de la nature, qui doit faire l’objet d’un examen final au Parlement européen
au premier trimestre 2024, comme par la Stratégie nationale biodiversité
2030 publiée par le Gouvernement le 27 novembre 2023. Dans ce cadre, les
PCAET doivent pouvoir être mobilisés pour construire une véritable
stratégie de reconstitution d’écosystèmes urbains en bon état à travers les
trames vertes, bleues, brunes, noires, blanches, stratégie qui sera seule
garante d’un effet d’adaptation à moyen et long
-terme ne se limitant pas à
des plantations opportunistes sur le foncier public.
Je partage ainsi entièrement les recommandations de la Cour, en
précisant que leur mise en œuvre doit veiller à la bonne implication des
citoyens en s’assurant de leur mobilisation, à la prise en compte des
dépenses d’entretien et à la qualité de gestion des espaces verts.