LA GOUVERNANCE DES UNIVERSITÉS
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La gouvernance des universités
Au terme de différentes enquêtes concernant l’enseignement
supérieur - et plus particulièrement dans son rapport public particulier
sur « la gestion du système éducatif » d’avril 2003 ainsi que dans son
rapport « Efficience et efficacité des universités : observations récentes et
nouvelles approches » rendu en décembre 2005 à la commission des
finances, de l’économie générale et du plan de l’Assemblée nationale -, la
Cour avait appelé à un renforcement de la direction et de la gestion des
universités. Cet affermissement lui apparaissait comme une condition
nécessaire et préalable à l’approfondissement de leur autonomie, qui
implique pour elles d’assumer pleinement leurs responsabilités et de
pouvoir rendre compte de l’utilisation des moyens alloués.
La loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des
universités répond à plusieurs recommandations constantes de la Cour.
La Cour recommandait d’accroître les capacités réelles de
direction conférée aux organes centraux, et en premier lieu au
président.
La Cour estimait en effet que le système complexe de
gouvernance des universités, la confrontation avec les multiples
légitimités internes, faisaient obstacle à la conduite de projets
d’établissements
suffisamment
forts
et
visibles.
Elle
avait
notamment indiqué que la dimension du conseil d’administration
lui paraissait excessive, et ses débats insuffisamment resserrés sur
les grandes orientations stratégiques ; elle avait préconisé, dans son
rapport précité de 2005, une durée égale pour les mandats des
présidents et des conseils d’administration, en phase avec la
période d’application des contrats passés avec le ministère.
48
COUR DES COMPTES
La loi du 10 août 2007 a réformé leur gouvernance. Le
conseil d’administration comprendra désormais de vingt à trente
membres ; ses prérogatives sont précisées, l’articulation entre les
trois conseils
8
est revue et clarifiée, un comité technique paritaire
est créé dans chaque établissement. Le président est élu pour une
durée de
quatre ans renouvelable une fois, et bénéficie de pouvoirs
propres précisés et renforcés. Les mandats des organes centraux
sont harmonisés. Ces mesures rencontrent donc pour une large part
les préoccupations exprimées par la Cour, et devraient favoriser
l’émergence d’une gouvernance plus affirmée.
La Cour recommandait, dans son rapport précité de 2003,
d’accroître l’autonomie des universités par une allocation de leurs
moyens sous la forme d’un budget global incluant la masse salariale.
La loi du 10 août 2007 permet aux universités volontaires
de bénéficier d’une dotation globale prévue par le contrat
pluriannuel d’établissement, distinguant les montants affectés à la
masse salariale, les autres crédits de fonctionnement et les crédits
d’investissement. Ces dispositions s’appliqueront à l’ensemble des
universités dans un délai de cinq ans.
Pour que les universités puissent assumer cette autonomie
renforcée, la Cour estimait toutefois indispensable une amélioration
significative de leurs capacités de gestion.
La Cour faisait le constat de fréquentes défaillances :
défaut de fiabilité des comptes, procédures budgétaires peu
efficaces, maîtrise insuffisante de la gestion financière. Les
dispositions du décret du 14 janvier 1994 sur la mise en oeuvre et le
suivi d’un budget de gestion et l’élaboration d’une comptabilité
analytique
apparaissaient
peu
appliquées.
Les
universités
méconnaissaient généralement leurs coûts de fonctionnement
internes, voire les modalités de conduite de certaines activités en
leur sein. La Cour demandait, d’une façon générale, un
renforcement des outils de pilotage.
8) Conseil d’administration, conseil scientifique, conseil des études et de la vie
universitaire.
LA GOUVERNANCE DES UNIVERSITÉS
49
Les évolutions récentes positives constatées sur ce sujet
nécessitent d’être confortées dans la durée. Dans le cadre de la
mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances de 2001,
des budgets de gestion répondant aux actions définies dans les
programmes budgétaires de l’Etat ont été institués à compter de
2006 : il appartiendra aux établissements d’en faire de véritables
supports de gestion par objectifs. Par ailleurs, la loi du
10 août 2007 dispose que les universités doivent mettre en place un
outil de contrôle de gestion et d’aide à la décision de nature à leur
permettre d’assumer l’ensemble de leurs missions, compétences et
responsabilités. Pour les universités exerçant des responsabilités et
des compétences élargies – c'est-à-dire toutes dans un délai de cinq
ans -
la loi prévoit que «
l’établissement assure l’information
régulière du ministre chargé de l’enseignement supérieur et se
dote
d’instruments d’audit interne et de pilotage financier et
patrimonial selon des modalités précisées par décret
». Leurs
comptes annuels devront faire l’objet d’une certification.
Ces dispositions demandent donc encore à être, pour
l’essentiel, traduites dans les faits. Elles nécessiteront en outre un
effort particulier de formation envers les personnels, ainsi qu’un
renforcement de l’encadrement administratif des établissements.
S’agissant des relations entre les établissements et le
ministère, la Cour, constatant que la portée de la contractualisation
avait été jusque-là trop limitée, préconisait de faire des contrats
pluriannuels d’établissement un outil de gestion par la performance
et
d’augmenter
de
façon
significative
la
part
relative
des
financements contractuels par rapport aux dotations forfaitaires.
La place centrale des contrats pluriannuels d’établissement
a été affirmée par la loi du 10 août 2007, qui dispose qu’ils doivent
porter sur les activités de formation, de recherche et de
documentation, et, le cas échéant, sur les modalités de participation
à un pôle de recherche et d’enseignement supérieur ; ils sont
étendus à certains aspects de gestion des ressources humaines, ce
qui répond à un souhait de la Cour. La refonte de ces contrats,
entreprise depuis 2005 dans le cadre de la mise en application de la
LOLF, doit cependant encore être poursuivie et approfondie au
rythme des vagues annuelles de signature afin qu’ils traduisent, en
fonction des objectifs arrêtés, une stratégie et des priorités, et qu’ils
fassent l’objet d’une évaluation permettant d’en mesurer les
résultats préalablement à leur renouvellement. La réforme de
50
COUR DES COMPTES
l’allocation des financements, dans le cadre d’une gestion par
objectifs adaptée aux contextes locaux, nécessite en outre que la
révision des modalités d’attribution des dotations sur critères soit
menée à bien. Enfin, la logique des contrats d’objectifs ne sera
pleinement atteinte que si les universités disposent de réelles
marges de manoeuvre : elle nécessite donc d’aller au terme du
processus
de
responsabilisation
des
établissements
et
de
globalisation des crédits.
Dans ses rapports, la Cour indiquait que les universités avaient
déjà montré dans un passé récent leur capacité d’adaptation à des
évolutions majeures. La réussite des réformes entreprises en matière de
gouvernance,
l’amélioration
de
la
gestion
des
établissements,
conditionnent l’approfondissement de l’autonomie des universités et leur
capacité à faire face aux nouveaux défis auxquels elles sont confrontées
dans un contexte de concurrence internationale accrue.
LA GOUVERNANCE DES UNIVERSITÉS
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RÉPONSE DE LA MINISTRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
ET DE LA RECHERCHE
Au terme de ses précédentes enquêtes concernant l’enseignement
supérieur (rapports d’avril 2003 sur « la gestion du système éducatif » et de
décembre 2005 sur l’efficience et l’efficacité des universités), la Cour avait
appelé à un « renforcement de la direction et de la gestion des universités,
[qui lui apparaissait] comme une condition nécessaire et préalable à
l’approfondissement de leur autonomie ».
Rappelant les recommandations formulées dans ces travaux, la Cour
examine les suites qui leur ont été données, à la lumière notamment des
dispositions introduites par la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et
responsabilités des universités.
La mise en oeuvre des recommandations préconisées par la Cour en
matière de gouvernance des universités dans ses précédents travaux appelle
les quatre séries de remarques développées ci-après.
z
L’accroissement des capacités de direction des organes centraux
La Cour recommandait d’accroître les capacités réelles de direction
conférées aux organes centraux, et en premier lieu au président. Elle estimait
excessive la dimension du conseil d’administration et préconisait une durée
égale pour les mandats des présidents et des conseils d’administration.
La loi du 10 août 2007 relative aux Libertés et Responsabilités des
Universités (dite loi « LRU ») a réformé la gouvernance des universités.
L’autorité et la légitimité du président sont renforcées sur les
composantes de l’établissement et le recrutement des personnels afin
d’affirmer son rôle de stratège.
Les compétences du président sont élargies. Il s’impose comme
l’animateur d’une équipe de direction cohérente et le porteur du projet
d’établissement. A cet effet, il est élu à la majorité absolue des membres élus
du conseil d’administration pour un mandat d’une durée de quatre ans,
renouvelable une fois.
La durée du mandat est synchronisée avec celle des membres élus du
conseil d’administration (à l’exception des représentants des étudiants dont
la durée est maintenue à 2 ans pour assurer une meilleure représentation des
cycles d’études).
Il est choisi parmi l’une des catégories de personnels qui ont vocation
à exercer des fonctions d’enseignement et de recherche. Il pourra notamment
être choisi hors du conseil d’administration de l’université, être de
nationalité française ou étrangère.
52
COUR DES COMPTES
Détenteur de l’autorité de droit commun en matière de gestion et
d’administration, le président d’université dispose d’un droit de regard sur
toutes les affectations prononcées dans l’établissement.
Sous réserve des dispositions relatives à la première affectation des
personnels recrutés par concours national d’agrégation de l’enseignement
supérieur, aucune affectation, sur le modèle de ce que prévoit l’article
L. 713-9 du code de l’éducation pour les directeurs des instituts et écoles
internes, ne peut ainsi être prononcée s’il émet un avis défavorable motivé.
Ce droit de veto est encadré puisqu’il peut faire l’objet d’un recours pour
excès de pouvoir conduisant à l’annulation de toute décision arbitraire. Il
s’accompagne de l’institution d’une nouvelle procédure de recrutement des
personnels enseignants faisant intervenir un comité de sélection ad hoc, dans
le but de permettre une gestion plus réactive des emplois scientifiques qui
soit mieux adaptée à la mobilité nécessaire au monde universitaire.
Dans la nouvelle gouvernance, le président par ses décisions, le
conseil d’administration par ses délibérations, le conseil scientifique et le
conseil des études et de la vie universitaire par leurs avis assurent
l’administration de l’université.
Les compétences des trois conseils sont redéfinies : au conseil
d’administration le rôle de stratège, aux deux autres conseils, une
compétence consultative venant éclairer le conseil d’administration dans sa
prise de décision.
Le conseil d’administration s’ouvre davantage aux personnalités
extérieures à l’université et au monde socio-économique. Sa taille est divisée
par deux sans préjudice des grands équilibres de la représentation des
personnels et des étudiants. Ses compétences sont étendues : il délibère sur la
création des unités de formation et de recherche (UFR) et des fondations, il
fixe la répartition des emplois, vote le budget, approuve les comptes
financiers et le rapport annuel d’activité présenté par le président.
De surcroît, afin de favoriser l’expression du dialogue social au sein
de l’université et d’alléger les ordres du jour du conseil d’administration, un
comité technique paritaire (CTP) est créé dans chaque établissement par
décision du président après délibération du conseil d’administration. Outre
les compétences dont cette instance sera amenée à connaître en application
du statut général de la fonction publique de l’Etat (problèmes généraux de
l’établissement,
conditions
générales
de
son
fonctionnement,
règles
statutaires et questions d’hygiène et de sécurité), le CTP devra aussi être
consulté sur la politique de gestion des ressources humaines de
l’établissement et un bilan de la politique sociale devra lui être présenté
chaque année.
LA GOUVERNANCE DES UNIVERSITÉS
53
z
La mise en place d’un budget global
La Cour recommandait d’accroître l’autonomie des universités par
une allocation de leurs moyens sous la forme d’un budget global incluant la
masse salariale.
La loi « LRU » permet aux universités de bénéficier d’une dotation
globale distinguant les montants affectés à la masse salariale, les crédits de
fonctionnement et les crédits d’investissement.
Le budget global deviendra l’instrument stratégique d’exécution des
priorités de l’établissement dans le domaine de l’enseignement comme dans
celui de la politique scientifique.
z
L’amélioration des capacités de gestion des universités
La Cour estimait indispensable une amélioration significative des
capacités de gestion des universités pour que celles-ci puissent assumer cette
autonomie renforcée.
Une fois adoptées les nouvelles règles de gouvernance, toutes les
universités disposeront d’un délai de cinq ans pour bénéficier de nouvelles
compétences comprenant notamment un budget global. Ce budget global
s’accompagne de la mise en place d’instruments d’audit interne et de
pilotage financier et patrimonial destinés à renforcer la capacité de gestion
de l’université.
En contrepartie, les établissements doivent instaurer un service de
contrôle de gestion et développer des systèmes d’information permettant ce
type de contrôle, et recourir à la comptabilité analytique afin de connaître
les coûts de fonctionnement interne notamment des activités de recherche
hébergées en leur sein.
Un décret doit préciser les modalités de mise en oeuvre par les
établissements d’instruments d’audit interne et de pilotage financier et
patrimonial leur permettant d’assumer l’ensemble de leurs missions,
compétences et responsabilités ainsi que d’assurer le suivi du contrat
pluriannuel.
Par ailleurs, dans le cadre de la circulaire relative à la campagne
d’emplois 2007, les objectifs clairement identifiés visaient principalement au
soutien de la politique de la recherche mais également au renforcement de
l’encadrement et des capacités d’expertise des établissements. Ainsi, des
demandes de créations destinées à la structuration de la fonction gestion des
ressources humaines ou au renforcement de la fonction de contrôle de
gestion ou gestion du patrimoine ont été satisfaites.
Dans le cadre de la circulaire relative à la campagne d’emplois 2008,
les demandes de transformations d’emplois et de repyramidages de
personnels IATOSS, destinées à doter les établissements de l’encadrement
nécessaire à l’exercice des responsabilités élargies et des capacités
54
COUR DES COMPTES
d’expertise, sont encouragées. Une attention particulière est portée à la
structuration de la fonction gestion des ressources humaines et au
renforcement de la fonction contrôle de gestion et gestion du patrimoine.
z
Le renforcement du rôle du contrat dans la relation établissements /
ministère
Constatant que la portée de la contractualisation avait été jusque-là
trop limitée, la Cour préconisait de faire des contrats pluriannuels
d’établissement un outil de gestion par la performance et d’augmenter de
façon significative la part relative des financements contractuels par rapport
aux dotations forfaitaires.
L’accroissement des dotations versées sur la base d’évaluations
effectuées dans le cadre du contrat quadriennal a déjà été engagé. Un tel
système de répartition, accordant davantage d’importance à l’évaluation, est
en phase avec les pratiques de la plupart des pays de l’OCDE, le
renforcement de la démarche contractuelle participant à l’amélioration de la
gouvernance des établissements.
Les travaux conduits avec la conférence des présidents d’université
(CPU) ont permis d’aboutir à une première grille de répartition des moyens
suivant le mode d’attribution : forfaitaire ou sur le fondement d’une
évaluation. Cette grille d’analyse, acceptée par les partenaires, peut
désormais servir de guide pour l’élaboration plus précise des modalités de
répartition des moyens.
La loi « LRU » prévoit que la dotation globale sera définie dans le
cadre du contrat. Dès lors, l’essentiel des financements sera contractuel. Au
sein de la dotation, une part sera calculée sur la base de critères d’activité,
une autre part sera fonction de la performance.
Le renforcement de l’évaluation au travers du contrat d’objectifs et de
moyens conclu entre l’Etat et chaque université est un principe structurant de
la réforme engagée. Dans le but d’affirmer l’engagement de l’Etat partenaire
aux côtés des universités, le contrat pluriannuel d’établissement est rendu
obligatoire. Son volet financier tient compte des résultats de l’évaluation de
l’établissement réalisée par l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de
l’Enseignement Supérieur (AERES).
Le contrat quadriennal devient, dans la démarche initiée par la Loi
Organique relative aux Lois de Finances (LOLF), un véritable contrat
d'objectif, les établissements s’engageant dans une logique de performance.
En matière d’évaluation externe, les calendriers de travail de
l’AERES et de l'IGAENR ont été articulés avec la procédure contractuelle.
L'objectif de la direction générale de l’enseignement supérieur est de pouvoir
disposer en amont de chaque campagne contractuelle des évaluations des
établissements.
LA GOUVERNANCE DES UNIVERSITÉS
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Les indicateurs élaborés seront renseignés établissement par
établissement tous les quatre ans pour trois périodes différentes : celle du
contrat précédent, celle du contrat en cours d'exécution et la période
correspondant à la projection de l'établissement à la fin du contrat en
préparation.
Les "indicateurs contrats" répondent à trois logiques :
- mesurer la contribution de chaque établissement aux objectifs
stratégiques fixés par le Parlement dans le cadre des programmes 150
(« formations
supérieures
et
recherche
universitaire »)
et
231
(« vie étudiante ») ;
- documenter le dialogue de gestion entre le ministère et les
établissements ;
- mesurer l'impact des actions engagées par chaque établissement
dans le cadre de sa stratégie propre.
Le président d’université associe les composantes à la préparation et
à la mise en oeuvre du contrat pluriannuel.
La création, la suppression ou le regroupement de composantes sont
inscrits dans le contrat, le cas échéant par voie d’avenant.