FINANCES ET COMPTES PUBLICS
ANALYSE DE L’EXÉCUTI
ON
BUDGÉTAIRE 2022
Compte de commerce
« C
ouverture des risques financiers de l’
État »
Avril 2023
Sommaire
SYNTHÈSE
..................................................................................................................................
5
RÉCAPITULATIF DES RECOMMANDATIONS
.................................................................
7
INTRODUCTION
.......................................................................................................................
9
CHAPITRE I UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE 202
2 À L’ORIGINE D’UN G
AIN EN
DÉPIT D’UNE DÉPRÉCIATION DE L’EURO
....................................................................
11
I - LE FONCTIONNEMEN
T ET L’EXÉCUTION DU
COMPTE EN 2022
......................................
11
II - UN GAIN DE CHANGE EN EXÉCUTION GRÂCE AUX OPÉRATIONS DE COUVERTURE
...................................................................................................................................................................
12
III - LA CONFORMITÉ AUX PRINCIPES ET RÈGLES DE DROIT BUDGÉTAIRE
..................
14
CHAPITRE II DES AMÉLIORATIONS RÉCENTES POUR RÉPONDRE
AUX LIMITES DU COMPTE
.................................................................................................
15
ANNEXES
..................................................................................................................................
19
ANNEXE N° 1.
LISTE DES PUBLICATIONS RÉCENTES DE LA COUR DES COMPTES EN
LIEN AVEC LA
NOTE D’
ÉVALUATION BUDGÉTAIRE
...............................................................
20
ANNEXE N° 2.
LA CONVENTION ENTRE
LE MEAE, L’AFT ET LE
S SCBCM DES FINANCES
ET DES AFFAIRES ÉTRA
NGÈRES D’AVRIL 2018
.........................................................................
21
Synthèse
Institué par l’article 54 de la loi de finances pour 2006, le compte de commerce 910
-
Couverture des risques financiers de l’État
retrace les opérations destinées à protéger les
dépenses du budget général de l’appréciation des devises et de la hausse des prix des produits
pétroliers. Effectuées au moyen de deux instruments financiers dérivés, les achats à terme de
devises et les éch
anges de prix d’achat à terme dits
swaps
sur produits pétroliers, ces opérations
figent le montant en euros des contributions libellées en devises que la France doit verser à
différentes institutions internationales et des produits pétroliers qu’elle doit
acheter. Par ces
couvertures, l
’objectif du dispositif est de sécuriser l’exécution budgétaire
, dans la mesure du
possible, au niveau des montants inscrits en loi de finances.
Ce compte de commerce n’est pas doté de crédits
: ses dépenses sont intégralement
compensées par les recettes perçues des programmes budgétaires bénéficiant des opérations de
couverture. Le compte est donc systématiquement à l’équilibre. Il ne fait l’objet que d’une
autorisation de découvert, qui correspond au cumul des sommes à verser au titre des différents
contrats de couverture, dont le montant
s’
est établi à 726
M€
en 2022.
L’exécution du compte du commerce au titre de 202
2
Le montant des recettes et des dépenses du compte avait été évalué en loi de finances
initiale à 1,38
Md€.
Le montant total des opérations de couverture en 2022 a finalement atteint
1,71
Md€
.
L’écart entre la valeur en euro des devises reçues et
le montant des versements en
provenance des programmes ou comptes bénéficiaires de la couverture de leurs risques de
change a généré un gain de 92,39
M€.
Les opérations de couverture des risques liés à l’approvisionnement en produits pétroliers
enregistrent quant à elles une recette nette de 46,43
M€.
Au total, le compte enregistre un gain
de change de138,83
M€
, qui est répercuté dans les reversements du compte aux programmes
du budget général avant que le compte soit soldé à l’équilibre.
Des progrès dans la couverture des risques de change mais la persistance
de pratiques peu efficientes
À la suite des pertes de change constatées en 2015 et en réponse aux recommandations
des précédentes notes
d’analyse de l’exécution
budgétaire de la Cour et d
’un
rapport conjoint
de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires étrangères
(IGAE) d’
août 2016 sur la couverture des risques de change, les responsables des programmes
concernés
, la direction du budget, la direction générale du Trésor et l’Agence France Trésor
(AFT) ont progressivement amélioré leur coordination en matière de politique de couverture du
risque de change.
COUR DES COMPTES
6
Trois ministères sont plus particulièrement concernés
: le ministère de l’économie, des
finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le ministère de l’Europe et des affaires
étrangères et le ministère des armées.
Les opérations en devises relevant des ministères économiques et financiers recouvrent
des contributions pluriannuelles à des fonds multilatéraux dont le montant définitif en euros est
connu et dont la couverture par achat à terme de dollars est effectuée systématiquement, sauf
cas particulier, sur l’ensemble
de la période de leur versement. Ce risque est globalement
maîtrisé, cette couverture couvrant 96,6 % du montant des versements en 2022.
S’agissant
des contributions internationales ou des opérations de maintien de la paix
libellées en devises relevant du
ministère de l’Europe et des affaires étrangères
(MEAE), il
revient au responsable de programme de prendre l’initiative de la couverture, d’en fixer la date
et les modalités techniques. Les rôles respectifs du MEAE,
de l’AFT et des SCBCM des
ministères des finances et des affaires étrangères ont été clarifiés dans la convention révisée le
12 avril 2018, au terme de laquelle l
e MEAE peut bénéficier de l’appui technique de l’AFT.
Les opérations
libellées en devises étrangères du ministère de l’Europe et des affaires
étrangères n’ont cependant presque pas été couvertes pour l’exécution 2022, le ministère ayant
fait le choix de ne pas y procéder.
S’agissant
des rémunérations du personnel du MEAE en devises
, qui n’entre
nt pas dans
le champ de la convention précitée et pour lequel le risque de change n’est pas provisionné, des
progrès ont été réalisés grâce à l’expérimentation
autorisée en 2019 et reconduite en 2020 et en
2021 visant à mobiliser la réserve de précaution en fin de gestion pour couvrir le risque de
change, à la baisse comme à la hausse, sur les dépenses d’indemnités de résidence à l’étranger
et sur la masse salariale des agents de droit local.
Ces progrès vont dans le sens de la recommandation formulée par la Cour en 2020
à la
direction du budget et à la direction générale du Trésor, qui était de : «
renforcer la maîtrise
des risques liés aux aléas de change sur le budget de l’État par un recensement des opérations
susceptibles d’y être
exposées, par un cadre de référence commun et un soutien technique des
responsables de programme dans l’engagement d’opérations de couverture, et par une
clarification dans le cadre de la procédure budgétaire du traitement des risques non couverts
».
Le
risque est reconnu et l’appui technique est organisé
par la convention précitée de 2018.
Le MEAE dispose désormais des
moyens de se prémunir contre l’effet change des
rémunérations de son personnel.
Il conviendrait de compléter
ce dispositif d’ensemble
en vérifiant par un recensement des
dotations budgétaires exposées au risque de change que tout programme susceptible de
représenter un enjeu budgétaire significatif a fait l’objet d’un examen
quant à
l’opportunit
é de
prévoir un dispositif de couverture de change ou de financement de ce risque.
Récapitulatif des recommandations
La Cour ne formule pas de recommandation.
Introduction
Le compte de commerce 910
–
Couverture des risques financiers de l’État
, créé par
l’article
54 de la loi de finances pour 2006, retrace les flux financiers liés aux opérations de
couverture de deux catégories de risques
financiers (risque de change et risque d’appréciation
du prix du pétrole)
, à l’exception de
s opérations liées à la gestion de la dette négociable et non
négociable et de la trésorerie de l’État, qui, en application de l’article 22 de
la loi organique
relative aux lois de finances du 1
er
août 2001, relèvent d’un compte distinct.
Ces opérations de couverture des risques de change et de prix ont pour objectif de sécuriser
l’exécution budgétaire en figeant les montants en euros des contrib
utions que la France doit verser
à différentes institutions internationales et des produits pétroliers qu’elle doit acheter.
Ce compte de commerce ne retrace que la partie des opérations de couverture de change
et de prix pétroliers exécutée par l’Agence France Trésor (AFT). D’autres activités de
couverture de risques monétaires sont exécutées pour le compte de l’État par Natixis et
Bpifrance Assurance Export et sont retracées comme telles dans le compte général de l’État
1
ou dans le compte de commerce 915
–
Soutien financier au commerce extérieur
2
.
Ces opérations, qui sont de nature industrielle et commerciale, sont exécutées par l’AFT,
à titre accessoire de sa mission principale
de gestionnaire de la dette et de la trésorerie de l’État.
L’AFT recourt à deux types d’instruments financiers
: les contrats d’achats de devises à
terme et les contrats d’échange de prix à terme dits
«
swaps »
de produits pétroliers.
Les instruments financiers de couverture des risques
Pour les dépenses en devises, les contrats de change à terme consistent à fixer, au moment de
la négociation du contrat, les montants en devises et en euros qui seront échangés à échéance (la
banque apporte les devises, l’État apporte les euros). Ces contrats sont négociés par
l’AFT sur
instruction du ministère ordonnateur. Plusieurs banques sont sollicitées, la mieux-disant est retenue.
Pour les achats de produits pétroliers, des contrats d’échange à terme dits
swaps
sur prix de
produits pétroliers prévoient le versement, une fois par mois, du différentiel entre la moyenne des prix
de marché observés depuis un mois et du prix convenu au contrat d’échange ou
swap
. La banque paie
le prix de marché, l’État paie le prix fixé au contrat. Le différentiel est versé par la contrepartie
dont
le prix est le plus élevé. Les opérations de couverture des approvisionnements en produits pétroliers
sont réalisées par l’AFT au profit du service des essences des armées (SEA).
1
Le
compte général de l’État
pour 2021 donne des informations utiles sur ces couvertures de change, cf. note
22.2.1.4 Garantie au titre de la procédure de stabilisation de taux d’intérêt des crédits à l’exportation, que Natixis
gère conformément à l’article 41 de la loi de finances rectificative pou
r 1997 (engagement de stabilisation et
contrats de couverture associés) et la note 32.1.1 Instruments financiers à terme négociés par Bpifrance Assurance
Export, pour la garantie de change accordée aux exportateurs.
2
La section 3 dénommée « Change » retrace les opérations couvrant le risque de change constituant un risque
monétaire, dans le cadre des garanties publiques pour le commerce extérieur accordées pour des opérations
d’assurance des risques monétaires, au sens du a du 1° de l’article L. 432
-2 du code des assurances.
COUR DES COMPTES
10
Il appartient aux responsables des programmes budgétaires ministériels de définir la
stratégie de couverture des opérations libellées en devises
et d’en arrêter les modalités (date,
désignation de la devise, du montant et des échéances).
D’un exercice à l’autre, l
es principaux ministères concernés par ce dispositif sont :
-
le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) notamment au titre des
contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix
financées sur les programmes 105
–
Action de la France en Europe et dans le monde
et
209
–
Solidarités à l’égard des pays en développemen
t.
Ces deux programmes n’ont pas
fait l’objet de couverture pour l’exercice budgétaire de 2022
3
;
-
le ministère de l’économie, des finances et de la
souveraineté industrielle et numérique
au
titre des contributions aux institutions multilatérales de développement financées par le
programme 110
–
Aide économique et financière au développement
et au titre des prises de
participations dans les banques de développement, via le compte d’affectation spéciale
Participations financières de l’État
(CAS PFE) ;
-
le
ministère
des
armées
au
titre
des
opérations
du
compte
de
commerce
901
–
Approvisionnement des armées en produits pétroliers
.
Les opérations non couvertes réalisées par l’AFT sont retracées dans le com
pte
d’opérations monétaires 953 –
Pertes et bénéfices de change.
Compte de commerce
couverture des risques financiers de l’état
Compte 910
–
Couverture des risques financiers de l’État
Graphique n° 1 :
recettes = Dépenses
–
exécution 2022
(en M€)
Source : Agence France Trésor
3
Le programme 209 est absent des rapports annuels de performance des exercices 2019 à 2021 car il n’a pas fait
l’objet d’opérations de couverture pour ces exercices.
1 341,3
1 413,5
1 517,7
2 368,8
1 715,4
0
500
1000
1500
2000
2500
2018
2019
2020
2021
2022
Chapitre I
Une exécution budgétaire 202
2 à l’origine d’un gain
en dépit d’une dépréciation de l’euro
I -
Le fonctionnement et l’exécution du compte en 2022
Conformément
à l’article 22 de la LOLF, le compte de commerce ne fait l’objet, en loi
de finances initiale, que d’une autorisation de découvert. Les évaluations des recettes et les
prévisions des dépenses ont un caractère purement indicatif.
C
e compte n’a pas d’existen
ce autonome : il isole
par un jeu d’écriture
les gains et pertes
nets réalisés sur les opérations de couverture qui se retrouvent dans les programmes budgétaires
concernés. À
l’équilibre
par construction, son solde est nul.
Tableau n° 1 :
solde du compte de commerce 910 en 2022
Montants en M€
Exécution2021
LFI 2022
Exécution 2022
Recettes
2 368,80
1 374,00
1 715,40
Versements en provenance des programmes ou comptes
bénéficiaires, au titre de l'acquisition des instruments
de couverture des risques
1 186,24
687,00
788,29
Flux financiers reçus des contreparties financières
1 182,56
687,00
927,12
Dépenses
2 368,80
1 374,00
1 715,40
Versements aux contreparties financières, pour l'acquisition
des instruments de couverture des risques
1 186,24
687,00
788,29
Autres charges et versements
1 182,56
687,00
927,12
Solde
0
0
0
Source : Agence France Trésor
Le fonctionnement actuel du compte ne donne pas une vision économique des activités
effectuées par l’AFT et nécessite de retraiter certains flux pour faire apparaitre le solde effectif.
COUR DES COMPTES
12
II -
Un gain de change en exécution grâce aux opérations
de couverture
Les évaluations de recettes et les prévisions de dépenses en loi de finances initiale ne concernent
que les principaux contrats de devises à terme engagés au moment du projet de loi de finances (PLF).
Pour 2022, elles étaient évaluées à 687
M€ à l’été 2021
et se répartissaient comme suit :
-
10
M€ au titre des contributions internationales et opérations de maintien de la paix
du
programme 105
–
Action de la France en Europe et dans le monde,
au titre du fonds
asiatique de développement
–
FAsD ;
-
677
M€ au titre du programme 110 –
Aide économique et financière au développement
,
dont 445
M€ de crédits de paiement (CP) pour la contribution à l’association internationale
de développement (AID), 151
M€ de CP pour la contribution au fonds africain de
développement (FAD), 52
M€ de CP pour la contribution au fonds pour l’environnement
mondial (FEM) et 29
M€ de CP pour la contribution au fonds international de
développement agricole (FIDA).
Le montant des
swaps
sur les produits pétroliers est considéré comme nul en prévision,
car il repose sur un différentiel entre le prix convenu et le prix effectif à terme qui ne peut être
anticipé. Le montant notionnel d’achat de 39
M€ mentionné dans le projet annuel de
performance sur les comptes de commerce annexé au PLF pour 2022 correspond au montant
des contrats de couverture des achats de produit pétroliers pour l’année 2022 déjà négociés et
sert à déterminer le montant maximal du découvert autorisé.
L’exécution des opérations de change se réalise en deux phases
:
-
les sommes en euros convenues au taux fixé à la souscription du contrat à terme et provenant
des programmes budgétaires bénéficiant de la couverture sont inscrites en recettes (1) et leur
versement à la contrepartie bancaire est inscrit, une fois effectué, en dépenses (2) ;
-
lors du dénouement du contrat, les devises reçues de la contrepartie bancaire converties en
euros au taux de change du jour sont inscrites en recettes (3) et les montants correspondants
versés au programme budgétaire bénéficiant de la couverture sont inscrits en dépenses (4).
UNE EXÉCUTION BUDGÉT
AIRE 2022 À L’ORIGINE D’UN GAIN EN DÉPIT
D’UNE DÉPRÉCIATION DE L’EURO
13
Tableau n° 2 :
exécution du compte de commerce
Couverture des risques financiers
de
l’État
au 31 décembre 2022
(M€)
Recettes constatées
Dépenses constatées
1) Réception des montants issus
des programmes et comptes bénéficiaires
des instruments de couverture des risques
2) Versement de ces montants aux contreparties financières
pour l’acquisition des instruments de couverture des
risques
- depuis le programme 110
Aide économique et financière
au développement
687,18
-
au titre de l’aide économique et
financière au développement
687,18
- depuis le compte de commerce 901
Approvisionnement des armées en
produits pétroliers
- au titre des approvisionnements en
produits pétroliers
- depuis le CAS PFE
101,11
- au titre du CAS PFE
101,11
Total 1)
788,29
Total 2)
788,29
3) Réception des flux financiers
de la part des contreparties financières
4)
Autres
charges
et
versements
(reversement dans les programmes)
-
au titre de l’aide économique
et financière au développement
778,33
-
pour l’aide économique et
financière au développement
778,33
- au titre des approvisionnements
des armées en produits pétroliers
46,43
- pour les approvisionnements des
armées en produits pétroliers
46,43
- au titre du CAS PFE (programme 731)
102,35
- pour le CAS PFE (programme 731)
102,35
Total 3)
927,12
Total 4)
927,12
Total recettes 1) + 3)
1 715,40
Total dépenses 2) + 4)
1 715,40
Source : Agence France Trésor
Note de lecture : «
l’État apporte les euros
» : 687,18
M€ prévus aux taux fixés par les contrats à terme sont prélevés du
programme 110 pour être inscrits en recettes (1) et versés
à l’établissement bancaire le mieux
-disant (2). Inversement « la banque
apporte les devises » : 778,33
M€ résultant de la conversion de devises au taux du jour du dénouement du contrat sont inscrits en
recettes pour solde du compte de la banque (3), et en dépenses pour être reportés dans le programme 110 concerné (4).
Les opérations constatées en 2022
s’élèvent à 788,29
M€
et le montant total des dépenses
et des recettes se porte à 1 715,40
M€ (cf
. tableau n° 2 ci-dessus).
L
’écart
de 101
M€
entre la prévision des opérations de change (687
M€) et les sommes
couvertes pour ces opérations (788,29
M€) est principalement dû aux contrats à terme
demandés et négociés après la loi de finances initiale (+101
M€ sur le programme
731 du CAS
PFE
; +10M€ au programme
110, -10
M€ au programme 105
)
4
.
Alors que la couverture de ces opérations de change a été réalisée dans un contexte de
dépréciation significative et continue de l’euro tout au long du premier semestre 2022, le mécanisme
de couverture a réussi à prémunir le
s ministères concernés d’une perte de change importante.
Il a même réussi à dégager un gain de 138,83 M€ entre les sommes couvertes (788,29
M€) et
l’exécution finale au dénouement des contrats de couverture (927,12
M€ obtenus à terme), qui
représente 17,6
% des sommes couvertes, et démontre l’efficacité du mécanisme. Ce gain a été
répercuté sur les programmes et comptes bénéficiaires des couvertures pour être utilisé à d’autres fins.
4
La quasi-totalité des opérations libellées en devises étrangères (80 %) du programme 105
–
Action de la France
en Europe et dans le monde
géré par le MEAE n’
ont
pas fait l’objet d’une couverture en 2022
.
COUR DES COMPTES
14
Il se décompose en gain de couverture sur le programme 110 (+
92,39 M€
) et en recette
nette de 46,43 M€ issue des opérations de couverture sur les produits pétroliers au bénéfice du
compte de commerce
Approvisionnement des armées en produits pétroliers
.
III -
La conformité aux principes et règles de droit budgétaire
La régularité des
opérations réalisées à partir du compte de commerce s’apprécie au
regard de l’article 22 de la L
olf, qui attribue un caractère limitatif au découvert autorisé en loi
de finances
–
il s’agit de la principale contrainte pesant sur le compte en exécution, se
s recettes
et ses dépenses n’ayant en revanche pas le caractère de crédits et n’ayant donc pas à être
autorisées. En cas de dépassement
de l’autorisation de découvert par
le solde déficitaire (cumul
annuel des dépenses nettes des recettes), le ministre chargé des finances en informe les
commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances.
Le montant de
l’autorisation de découvert
(726
M€
en 2022) correspond, par convention,
à la somme des contrats de change à terme prévus au moment de la rédaction du PLF pour les
contributions (687
M€) et l’approvisionnement de produits pétroliers (
39
M€), en
supposant
que les parités de change constatées au dénouement seront égales à celles convenues aux
contrats. Il permet donc, théoriquement, de souscrire ces contrats sans que le compote ait encore
reçu les fonds correspondants en provenance des programmes du budget général.
Ce montant n’a pas été dépassé, même si le total des versements en provenance des
programmes ou comptes bénéficiaires, au titre de
l’acquisition des instruments de couverture et
à destination des contreparties financières s’est élevé à 788,29
M€.
En effet, les contrats conclus prévoient un échange de flux de paiement le même jour :
une dépense et une recette sont en principe enregistrées simultanément de sorte que le compte
de commerce 910
Couverture des risques financiers de l’
État
n’est jamais à découvert en fin
de journée. En exécution ce principe a été respecté.
Chapitre II
Des améliorations récentes pour répondre
aux limites du compte
Ainsi que le souligne la Cour depuis l’exécution budgétaire 2013, l’utilisation du compte
Couverture des risques financiers
de l’État
pour couvrir les risques de change présente des
limites
en termes d’exhaustivité des risq
ues couverts, mais le
mécanisme de couverture qu’il
retrace reste efficace
lorsqu’il est utilisé
.
Une couverture des risques qui avait montré ses limites en 2014-2015
Le mécanisme de couverture du compte de commerce
Couverture des risques financiers de
l’État
a trouvé ses limites à partir de l’été 2014, la dépréciation de l’euro vis
-à-vis du dollar conduisant
paradoxalement le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) à
cesser d’y recourir. Au cours des années précédentes, le ministère n’avait souscrit de
couverture que
lorsque le taux de change était égal ou supérieur au « taux de budgétisation
5
»
, c’est
-à-dire au taux
ayant servi à la préparation du PLF, en vue de dégager des gains de change, et non pour couvrir des
crédits budgétaires et « figer » d
’éventuelles
pertes
de change qu’il aurait dû supporter sur son budget
.
En 2015, le MAEDI s’est trouvé con
fronté à des problèmes de soutenabilité en exécution, car la
position de l’euro par rapport au dollar s’était dégradée entre la préparation du PLF et le versement
en devises des contributions à la charge du ministère, occasionant une perte estimée à 101,7
M€.
Ces difficultés ont été évoquées par la Cour dans ses notes
d’analyse de l’
exécution budgétaire
de l’
exercice 2015 et dans s
a communication à la commission des finances, de l’économie générale
et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale sur les
contributions internationales de la France
en octobre 2015, dans laquelle elle recommandait de :
« mettre en place, après une analyse
économique rétrospective et prospective, un mécanisme efficace de couverture du risque de change,
sans préjudice d’un aju
stement des crédits dans le cadre de la programmation budgétaire »
.
5
Or, selon la direction du budget, le taux de change mentionné dans les documents budgétaires ne revêt qu’une
valeur indicative et ne constitue pas, selon elle, un taux plancher en deçà duquel le ministère ne devrait pas recourir
à une couverture.
COUR DES COMPTES
16
En réaction à ces difficultés et à la demande du Parlement, le Gouvernement a saisi
l'inspection générale des affaires étrangères (IGAE) et l'inspection générale des finances (IGF)
pour produire : «
un rapport établissant un bilan de l'utilisation du mécanisme d'achat à terme
de devises utilisé depuis 2006 et un bilan du recours à la réserve de précaution pour couvrir
les risques de change auxquels sont exposés les crédits de la mission Action extérieure de l'État.
Ce rapport examine également l'opportunité d'introduire un mécanisme budgétaire
automatique et pérenne de couverture de ces risques de change.
»
6
.
Remis au Parlement en octobre 2016, le rapport reprenait le constat et la recommandation
de la Cour et formulait 37 recommandations opérationnelles. Analysées en 2017 par un groupe
de travail interministériel
7
, ces recommandations ont principalement abouti le 12 avril 2018 à une
nouvelle convention entre le MEAE, l’AFT et les SC
BCM des finances et des affaires étrangères
8
.
Dans l’attente
de travaux complémentaires, la Cour a reconduit
jusqu’en 2021, sur
l’exécution 2020, sa
recommandation en la reformulant
, afin d’inciter les parties à
recenser les
opérations susceptibles d’être
exposées au risque de change, à établir un cadre de référence
commun, à offrir un soutien technique aux responsables de programmes dans
l’engagement
d’opérations de couverture et
à clarifier le traitement budgétaire des risques non couverts. En
effet, le m
écanisme de couverture demeure pertinent s’il est bien utilisé
9
.
En conclusion de l’analyse de l’exécution 2021, elle a par ailleurs recommandé de
conforter les efforts entrepris
et d’examiner l’opportunité de prévoir un dispositif de couverture
de change ou de financement du risque de change pour toutes les dotations budgétaires
susceptibles de représenter un enjeu budgétaire significatif.
En 2022, au regard de l’exécution de 2021, la direction générale du Trésor et l’AFT ont
souhaité limiter la couvertur
e maximale du risque de change de l’État, faisant valoir qu
e
l’incidence des aléas de change sur le budget de l’État
est neutre sur longue période
et que l’
État
demeure son propre assureur
. Elles envisageaient toutefois de sécuriser l’exécution budgétaire
des opérations de fort montant les plus prévisibles.
Dans les faits, les opérations en devises des ministères économiques et financiers ont été
couvertes
par achat à terme de dollars sur l’ensemble de la période de leur versement
, à hauteur
de 97 % en 2021 et de 96,6 % en 2022, en exécution.
Pour les opérations en devises relevant du MEAE, deux solutions ont été déployées pour
maîtriser le risque de change en exécution 2021 et auraient pu l’être en exécution 2022
:
6
Selon l’article 129 de la loi de finances initiale de 2016.
7
Le groupe de travail se composait de représentants de la direction du budget (bureau des affaires étrangères et du
développement), du MEAE (direction des affaires financières), de la direction générale du Trésor (bureau aide publique
au développement), l’AFT (cellule trésorerie), des SCBCM, de la direction générale d
es finances publiques
(département comptable ministériel et Mission Chorus), de la direction spécialisée des finances publiques pour
l’étranger et de l’agence pour l’informatique financière de l’État. Sa coordination a été confiée à la direction du budget.
8
Non signataire de la convention, la direction du budget a participé à sa révision.
9
Pour illustrer ce point, selon la mission IGF-IGAE de 2016, pour la seule année 2015 et les seules dépenses en dollars et
francs suisses identifiées par Chorus, 330
M€ au minimum de dépenses auraient pu être évitées si une couverture à terme
avait été passée globalement au regard des prévisions d'engagement de l'État en dollars et francs suisses à l'été 2014.
DES AMÉLIORATIONS RÉCENTES POUR RÉPONDRE AUX LIMITES DU COMPTE
17
-
pour les dépenses liées à des contributions internationales ou à des opérations de maintien
de la paix, la convention du 12 avril 2018 constitue un outil adapté. À tout moment, le
MEAE peut bénéficier de l’appui technique de l’AFT.
En 2021, les dépenses programmées
en devises prévues au stade de la loi de finances initiale ont été couvertes à 82 %. En se
limitant aux opérations libellées en dollars, cette couverture a été d’environ 89
% ;
-
pour les autres dépenses qui n’entrent pas
dans le champ de la convention précitée et
pour lequel le risque
de change n’est pas provisionné, l’expérimentation ouverte par
lettre
–
plafond en 2019 et tacitement reconduite, permet de mobiliser la réserve de
précaution en fin de gestion pour couvrir le risque de change
10
. Elle limite
l’effet change
des rémunérations du personnel du MEAE en euros
sur les dépenses d’indemnités de
résidence à l’étranger
11
et sur la masse salariale des agents de droit local
12
. Cette faculté
n’a pas été
encore mobilisée en raison
d’importantes sous
-consommations sur les
dépenses de personnel
en 2021 et n’a pas été utilisée en 2022.
Pour les opérations en devises liées à des contributions internationales ou à des opérations
de maintien de la paix au titre de la gestion de 2022, le MEAE a choisi de ne pas recourir à la
couverture de change organisée selon les stipulations de la convention de 2018.
En effet, il
n’a pas souhaité «
figer » de pertes au cours du second semestre 2021,
contrairement aux demandes de la direction du budget formulées dès août 2021, car le taux de
change lui était moins favorable que le taux de change utilisé lors de la préparation du PLF
2022.
La dépréciation continue de l’euro au deuxième semestre 2021 s’est en effet traduite par
un recul de 15 % par rapport au taux de budgétisation de 1,21 USD/EUR qui avait été retenu.
Face à cette situation, le MEAE a procédé au règlement de 80 % de ses contributions
internationales et opérations de maintien de la paix au taux de chancellerie en vigueur dès le
mois de février 2022, sur devis et non sur factures plus tard
dans l’année comme il est d’usage.
La direction du budget estime que cette décision a occasionné une dépense budgétaire de
34,3
M€ supérieure aux crédits budgétaires prévus par la loi de finances initiale pour 2022, soit
une perte bien supérieure à celle qui aurait pu être constatée si une couverture avait été prise en
août 2021. Cet arbitrage a permis, selon le MEAE, de limiter la perte potentielle de 21,5
M€
par rapport à un versement en août 2022 (il aurait alors dû payer 55,8
M€ de plus que les
dotations inscrites en LFI 2022).
Pour 2023, le MEAE a accepté de passer des contrats à terme dès le mois de mai 2022
pour 90 % des dépenses en devises du programme. Sur les 10 % restants, le taux de
budgétisation communiqué par la direction du budget a été appliqué.
10
La mobilisation de la réserve de précaution doit être strictement limitée à la couverture des aléas de gestion qui
ne peuvent être anticipés par le responsable de programme et qui ne peuvent être couverts par des redéploiements,
conformément, notamment, au principe d’«
auto-assurance » fixé par la circulaire du Premier ministre du 14
janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques.
11
368,7 M€ exécutés en 2021, en euros mais ajustées
chaque trimestre au titre du change et du prix.
12
130,2 M€ exécutés en 2021
.
COUR DES COMPTES
20
Annexe n° 1.
liste des publications récentes de la Cour des comptes en lien
avec la
note d’évaluation budgétaire
Cour des comptes,
Les contributions internationales de la France 2007-2014
,
Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
de l’Assemblée nationale,
octobre 2015.
ANNEXES
21
Annexe n° 2.
la convention entre
le MEAE, l’AFT et les SCBCM des finances
et des affaires
étrangères d’avril 2018
Pour les contributions internationales et les opérations de maintien de la paix libellées en
devises étrangères, la convention conclue en 2006 entre
le MEAE, l’AFT et les SCBCM des
finances et des affaires étrangères a été modifiée en avril 2018 pour préciser les conditions de
mise en œuvre du dispositif et
clarifier les rôles et responsabilités de chaque partie.
L’objectif de cette nouvelle convention est de ne pas réitérer la situation dans laquelle
s’est trouvée le MEAE en 2015 de devoir supporter une p
erte de change de 101,7
M€ (cf.
encadré du point 2).
La convention stipule qu’il
revient au responsable de programme de
prendre l’initiative de la couverture, d’en fixer la
quotité, la date et les modalités techniques
pour maîtriser ce risque.
Extraits de la convention de couverture de risque de change du 12 avril 2018
-
Article 3 : «
La politique de couverture est conçue par le ministère de l’Europe et des Affaires
étrangères (MEAE). Concernant les contributions internationales et les opérations de maintien de la
paix, il conçoit et met en œuvre une politique de couverture de change par le biais d’achats à terme
de devises, appelées « éléments de couverture ».
La fixation de l’horizon de couverture, du montant, du calendrier et de la devise choisie pour
les couvertures est une décision du MEAE. »
-
Article 5 : «
La réalisation de la couverture relève du ministère de l’Economie et des Finances
(MINEFI). Les transactions d’achats à terme sont négociées par l’AFT avec les Spécialistes en
Valeurs du Trésor (SVT) sur instructions précises transmises par le MEAE. Le suivi post-marché
des opérations est de la responsabilité de l’AFT.
»
-
Article 12 : « Les opérations sont réalisées dans une logique de micro-
couverture. Le MEAE s’assure
en conséquence avant chaque ordre
d’achat à terme de devises que celui
-
ci est bien adossé à l’échéance
d’une dépense identifiée, étant entendu que l’usage final des devises achetées à terme peut changer en
fonction de l’évolution des priorités à financer et des appels à contribution effect
ivement reçus. La
totalité des devises est utilisée à l’échéance pour les dépenses ainsi identifiées.
Le MAE en tant qu’ordonnateur principal est le seul juge de l’opportunité des achats à terme
et seul responsable de la justification de l’opération de co
uverture vis-à-vis de la Cour des comptes
et de la mesure des performances dans le cadre du rapport annuel de performance concerné ».