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6
Une organisation inadaptée aux enjeux
de la gestion quantitative de l’eau
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Aux termes de l’ar
ticle L. 210-
1 du code de l’environnement,
«
L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa
mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le
respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général
».
L’eau est indispensable à notre alimentation, à l’hygiène de la
population, à l’agriculture, à l’industrie, notamment à la production
d’énergie, à tous les services y compris les activités de loisirs et le
transport. Elle est également un élément essentiel de l’équi
libre des milieux
naturels et de la régulation du climat. L’article L.
211-1 du code de
l’environnement fixe l’objectif d’une gestion équilibrée et durable de la
ressource en eau visant à concilier ces différents enjeux.
La directive-cadre européenne sur l
’eau (DCE) 2000/60/CE du
23 octobre 2000
289
impose aux États d’atteindre le
« bon état » des masses
d’eau à l’horizon 2027.
Pour autant, la multiplicité des usages provoque
des tensions dans la mise en œuvre de la politique de l’eau.
289
Transposée en droit français par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006
sur l’eau
et les milieux aquatiques, dite LEMA.
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472
Schéma n° 1 :
les principaux usages de
l’eau
Source : juridictions financières
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UNE ORGANISATION INADAPTÉE AUX ENJEUX
DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
473
L’action publique s’est pendant longtemps concentrée sur le petit
cycle de l’eau, constitué de l’approvisionnement en eau potable et de
l’assainissement. Puis il est apparu qu’elle ne serait efficace que si elle
p
renait en compte le cycle naturel de l’eau (le grand cycle de l’eau) depuis
son évaporation jusqu’à son retour dans les sols, les cours d’eau et les
nappes souterraines.
D’ores et déjà, sur une partie croissante du territoire, la
consommation liée aux différents usages excède, sur des périodes de
l’année de plus en plus longues, la capacité des milieux à fournir de l’eau,
et les mesures de restriction prises par l’autorité administrative se
multiplient. L’insuffisance de la ressource et l’intensification de
s usages
de l’eau, dont la consommation augmente dans de nombreux territoires
depuis 2017, exacerbent les conflits d’usage. La capacité de dilution des
polluants résultant de l’activité humaine dans les cours d’eau et les nappes
est plus réduite qu’auparavant et les objectifs de qualité de l’eau sont plus
difficiles à atteindre. La gestion quantitative de l’eau, prise sous l’angle de
la rareté de la ressource, est devenue une préoccupation majeure.
Le présent chapitre est issu d’une vaste enquête réalisée p
ar la Cour
et treize chambres régionales des comptes
290
auprès des services centraux
et d’un large échantillon de services déconcentrés de l’État, collectivités
territoriales, groupements de communes et établissements publics
nationaux et locaux contribuant
à la gestion de l’eau. Il montre que
l’efficacité de la politique de l’eau souffre de la complexité et du manque
de lisibilité de son organisation (I), laquelle doit être structurée et clarifiée
autour du périmètre des sous-bassins versants (II).
290
Toutes les chambres régionales des comptes de métropole, à l’exception de la CRC
Centre-Val de Loire, et les chambres régionales des comptes de la Guadeloupe, de la
Guyane et de la Martinique.
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COUR DES COMPTES
474
I -
Une or
ganisation peu lisible entre l’État
et les collectivités locales
Avant même la décentralisation et l’adoption du cadre juridique
européen, la France avait choisi, dès 1964
291
, d’organiser la gestion de l’eau
par bassin hydrographique et sous-bassin versant. Un bassin correspond à
la zone géographique recevant les eaux de pluie circulant naturellement
vers un cours d’eau et ses affluents, ainsi que vers les nappes du sous
-sol
de cette zone. Il existe sept bassins hydrographiques métropolitains et cinq
bassins ultra-marins
292
.
Carte n° 1 :
bassins hydrographiques / régions
Source : site OIEau 2017
291
Loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux
et à la lutte contre leur pollution.
292
Artois-Picardie, Rhin-Meuse, Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Adour-Garonne,
Rhône-Méditerranée, Corse, Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et Mayotte.
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UNE ORGANISATION INADAPTÉE AUX ENJEUX
DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
475
Cette organisation en bassins hydrographiques est cohérente avec la
réalité physique et géographique de la ressource en eau. Cependant, hors
des territoires insulaires, elle ne correspond à aucun des découpages
administratifs du pays. Cette situation complique la répartition des
compétences entre l’État et les collectivités territoriales, l’identification de
leurs responsabilités respectives et la coordination de leur action.
Une planification par bassin hydrographique
Le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage)
fixe à l’échelle du bassin hydrographique les orientations à mettre en œuvre,
pour une période de six ans. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du
30
décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques
293
, il doit prendre en
compte les adaptations nécessaires au changement climatique
294
pour
assurer une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau.
Le schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sag
e) décline à
l’échelle du sous
-bassin versant hydrographique les orientations du Sdage.
Ces documents d’orientation sont élaborés dans la perspective
d’atteindre le bon état des masses d’eau tel qu’il est défini par la directive
cadre sur l’eau du 23
octobre 2000.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3
janvier 1992 sur l’eau, un
schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux est élaboré dans
chaque bassin hydrographique, par un comité de bassin dont le secrétariat
est confié à l’agence de l’eau d
u bassin. Il est arrêté par le préfet
coordonnateur de bassin pour une période de six ans. L’agence de l’eau,
établissement public administratif national, collecte les redevances
prélevées sur les usagers de l’eau et finance les actions en faveur d’une
meilleure gestion de la ressource en eau du bassin. La direction régionale
de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal)
295
, l’Office
français de la biodiversité (OFB) et l’agence de l’eau assurent l’appui
technique du comité de bassin.
Le Sdage peut prescrire, pour un ou plusieurs sous-bassins,
l’élaboration d’un schéma d’aménagement et de gestion des eaux par une
commission locale de l’eau (CLE). Les Sage sont arrêtés par le préfet de
département concerné. Le portage des CLE et des Sage est assuré par des
293
Loi n° 2006-1772 du 30 décembre
2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA).
294
Articles L. 212-1 et L. 211-1
du code de l’environnement pour les Sdage, a
rticles
L. 212-3 et L. 211-1 du même code pour les Sage.
295
Direction régionale et i
nterdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et
des transports (Drieat) en Île-de-France, qui est soumise à une organisation spécifique.
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COUR DES COMPTES
476
acteurs différents d’un territoire
à l’autre
: syndicats mixtes, collectivités
territoriales, établissements publics territoriaux de bassin ou établissements
publics d’aménagement et de gestion de l’eau (Epage)
selon les cas.
Les établissements p
ublics d’aménagement et de gestion de l’eau
(Epage) et les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB)
Les établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau
(Epage), prévus à l’
article L. 213-
12 du code de l’environnement
, sont des
syndicats mixtes, constitués à l’échelle d’un bassin versant d’un fleuve
côtier
sujet
à
des
inondations
récurrentes
ou
d’un
sous
-bassin
hydrographique d’un grand fleuve, en vue d’assurer la prévention des
inondations et des submersions ainsi que la gestion des cours d’eau non
domaniaux. Ils regroupent notamment les collectivités territoriales et les
EPCI à fiscalité propre compétents en matière de gestion des milieux
aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi).
Les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB), prévus au
même article, sont des syndicats mixtes, constitués à l’échelle d’un bassin
ou d’un groupement de sous
-bassins hydrographiques, en vue de faciliter la
prévention des inondations et la défense contre la mer, la gestion équilibrée
et durable de la ressource en eau, ainsi que la préservation, la gestion et la
restauration de la biodiversité des écosystèmes aquatiques et des zones
humides et de contribuer, s'il y a lieu, à l'élaboration et au suivi du Sage. Ils
peuvent également définir, après avis du comité de bassin et des
commissions locales de l’eau concernés, un projet d’aménagement d’intérêt
commun. Ils assurent la cohérence des actions des collectivités et de leurs
groupements par un rôle de coordination, d’animation, d’information et de
conseil ainsi que la cohérence de l’activité de maîtrise d’ouvrage des Epage.
Plusieurs ministères, de nombreuses directions d’administration
centrale, leurs services déconcentrés, des établissements publics nationaux,
des instituts de recherche, tous les niveaux de collectivités territoriales et
différentes formes de groupements de collectivités participent à la
définition et à la mise en œuvre des politiques de l’eau.
En effet, la gestion quantitative de l’eau est à la fois déconcentrée et
décentralisée, gérée à l’échelle des bassins hydrographiques puis au niveau
local. L’État, à travers les Dreal, les agences de l’eau et les directions
départementales des territoires (DDT), joue un rôle très important dans sa
définition, son financement et sa mise en œuvre, alors qu’au niveau local,
aucune collectivité territoriale n’est identifiée comme cheffe de file.
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TATIVE DE L’EAU
477
Schéma n° 2 :
présentation simplifiée
296
de la gouvernance de l’eau
Source : juridictions financières
Misen :
mission interservices de l’eau et de la nature
; EPCI : établissement public de coopération
intercommunale ; Sraddet :
schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des
territoires ; Scot : schéma de cohérence territoriale ; PLUI :
plan local d’urbanisme intercommunal.
296
Pour en faciliter la lecture, le schéma ne recense pas l’ensemble des acteurs de la
politique de l’eau (par exemple, les communes dont certaines continuent d’exercer, à titre
provisoire, des compétences en matière d’eau et d’assainissement) et des outils utilisés
(par exemple, les plans territoriaux de gestion de l’eau, les plans d’actions opérationnels
territorialisés, etc.). Il
ne rend pas compte non plus des particularités liées à l’organisation
spécifique en Île-de-France, en Corse et outre-mer.
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COUR DES COMPTES
478
A -
L’État fixe les règles mais manque de cohérence
dans l’action
1 -
Un rôle incontesté : fixer le cadre législatif et règlementaire,
assurer la police de l’eau
L’amélioration de la qualité
de l’eau et de sa disponibilité en
quantité suffisante nécessite une action continue dans la durée. Le
Gouvernement et le Parlement fixent le cadre législatif et règlementaire de
la politique de l’eau, l’assiette et les fourchettes des taux des redevances
perçues par les agences de l’eau et le plafond annuel du produit des
redevances au-
delà duquel il est affecté au budget général de l’État.
Les préfets coordonnateurs de bassin arrêtent les Sdage, signent les
arrêtés fixant les grands principes à mettre e
n œuvre dans le bassin dont ils
ont la responsabilité et prennent des arrêtés désignant les masses d’eau
comprises dans les zones de répartition des eaux. Les préfets de
département arrêtent les Sage ; ils prennent les arrêtés limitant les
prélèvements en période de sécheresse ; ils déterminent la liste des
communes comprises dans les zones de répartition des eaux de leur
département et délivrent les autorisations de prélèvement aux organismes
uniques de gestion collective dans ces zones ; ils notifient les volumes
prélevables en basses eaux dans les zones en tension.
Les zones de répartition des eaux (ZRE) et les organismes uniques
de gestion collective (OUGC)
Les zones de répartition des eaux sont caractérisées par une
insuffisance chronique d’eau par rapp
ort aux besoins des différents usagers,
c’est
-à-dire la situation dans laquelle la consommation constatée excède la
capacité des milieux à renouveler la ressource. Pour rétablir l’équilibre, des
mesures particulières de gestion sont prises dans ces zones afin de limiter
les prélèvements d’eau.
L’une de ces mesures est la constitution d’office par l’autorité
administrative d’un organisme unique de gestion collective de l’eau
destinée à l’irrigation des terres agricoles. Ces organismes sollicitent une
autori
sation de prélèvements pour le compte de l’ensemble des irrigants
d’un territoire déterminé. Ils doivent ensuite en gérer la répartition entre les
agriculteurs, assurer le respect de l’autorisation de prélèvement et rendre
compte de la consommation d’eau. La responsabilité de l’OUGC est
souvent assurée par une chambre d’agriculture.
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TATIVE DE L’EAU
479
L’État assure la police administrative de l’eau, mais ses services
déconcentrés manquent de moyens pour l’exercer, qu’il s’agisse de
l’Office français de la biodiversité, des Dr
eal ou des directions
départementales des territoires. Il est aussi responsable de la police
sanitaire et judiciaire, avec les mêmes difficultés
297
.
En Vendée, par exemple, les contrôles concernant la gestion quantitative
de l’eau portent essentiellement su
r le respect des arrêtés préfectoraux dits
« sécheresse ». Ils portent très peu sur le respect, par les gestionnaires des
barrages, des débits réservés, ou encore le respect de leurs autorisations de
prélèvement par les agriculteurs irrigants (période, volumes, etc.).
Les agences de l’eau disposent de l’essentiel des moyens financiers et
humains consacrés par l’État à la politique de l’eau
298
. Elles élaborent les
programmes d’intervention définissant les actions qui peuvent être
subventionnées et à quel taux.
Leur influence sur la politique de l’eau est
déterminante.
Les agences de l’eau
Créées par la loi n° 64-1465 du 16 décembre 1964 sur le régime et la
répartition des eaux et la lutte contre la pollution, les agences de l’eau sont
des établissements publics
de l’État placés sous la tutelle de la direction de
l’eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique et de la
cohésion des territoires. Elles assurent une mission d’intérêt général visant
à gérer et à préserver la ressource en eau et les milieux aquatiques.
Leur conseil d’administration est composé de représentants de l’État
et de ses établissements publics, de représentants des collectivités
territoriales, de représentants des usagers économiques et non économiques,
de personnalités qualifiées et de représentants des personnels.
Il existe six agences de l’eau
299
qui correspondent aux bassins
hydrographiques métropolitains. L’une d’entre elles est chargée des bassins
Rhône-Méditerranée et Corse.
297
Cour des comptes,
Les effectifs de l’administration territoriale de l’État
,
observations définitives, mai 2022.
298
D’autres sources de financement contribuent de façon substantielle à la politique de
l’eau
: l’Union européenne, les collectivités locales et les personnes privées.
299
Artois-Picardie, Adour-Garonne, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée-
Corse et Seine-Normandie. Outre-
mer, les offices de l’eau, établissements publics locaux
prévus par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d
orientation pour l
outre-mer, sont les
pendants des agences de l’eau. Il existe quatre offices de l’
eau en Guadeloupe, Guyane,
Martinique et à La Réunion.
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COUR DES COMPTES
480
2 -
Une action affaiblie par son manque de cohérence
Les administrations de l’État ne partagent pas la même vision
stratégique de la gestion des ressources hydrologiques du pays. Le ministère
de la transition écologique et de la cohésion des territoires privilégie l’atteinte
des objectifs de bon état de
s masses d’eau fixés par la directive
-cadre sur
l’eau à l’échéance 2027. Le ministère chargé de l’agriculture entend pour sa
part préserver les possibilités de prélèvement d’une agriculture confrontée à
des épisodes de sécheresse plus fréquents et prolongés. Le ministère de la
santé veille d’abord à la qualité sanitaire de l’eau potable.
C’est ainsi que le Gouvernement a convoqué des Assises de l’eau, de
novembre 2018 à juin 2019, dont les conclusions ont privilégié la
préservation qualitative et quantitat
ive de l’eau en limitant les prélèvements
et en protégeant les zones de captage. Puis, au milieu de l’année 2021, le
Gouvernement a organisé un «
Varenne de l’eau et du changement
climatique »
, boycotté par une partie des participants aux Assises de l’eau,
pour répondre aux revendications de certains syndicats agricoles qui
souhaitent constituer des réserves d’eau à certains moments de l’année pour
irriguer. Un délégué interministériel a été nommé pour suivre la mise en
œuvre des décisions prises à cette oc
casion, ce qui ne simplifie pas
l’organisation administrative.
De la même façon, les ministères chargés de l’industrie et de
l’énergie cherchent à préserver les intérêts de ces secteurs d’activité, qui
connaissent des difficultés croissantes d’approvisionn
ement en eau
conduisant à des pertes de production.
Les décisions prises par les représentants de l’État sur le territoire
sont le fruit de compromis entre ces intérêts et priorités contradictoires.
Au niveau local, un bassin hydrographique s’étend généra
lement sur
plusieurs régions administratives et le territoire d’une région peut recouper
plusieurs bassins hydrographiques. Un sous-
bassin versant peut s’étendre sur
plusieurs départements et le territoire d’un département être partagé entre
plusieurs sous-bassins versants. Ainsi, les préfets de région et de département
sont en lien avec plusieurs préfets coordonnateurs de bassin et doivent
composer avec des réalités politiques locales diverses, voire contradictoires,
qui sont autant de motifs d’apporter de
s solutions différentes dans un
territoire administratif donné à des problèmes de même nature.
Cette situation rend la coordination des services déconcentrés de
l’État complexe. Les préfets coordonnateurs de bassin parviennent
difficilement à maîtriser la diversité des situations de vastes bassins
hydrographiques. Les préfets de départements limitrophes prennent parfois
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DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
481
des mesures contradictoires pour un même cours d’eau. C’est pourquoi une
nouvelle procédure de gestion de crise a été instituée en 2019, qui permet au
préfet coordonnateur de bassin de désigner des préfets coordonnateurs de
sous-
bassins versants interdépartementaux. C’est ainsi que le préfet
coordonnateur du bassin Adour-Garonne a désigné les préfets de
département coordonnateurs interdépartementaux des principaux cours
d’eau du bassin hydrographique.
Une gestion différenciée des mesures de restriction
sur un même sous-bassin versant
Dans le bassin Artois-Picardie, plusieurs sous-bassins versants sont
situés sur le territoire des départements du Nord et du Pas-de-Calais,
notamment le delta de l’Aa, l’Audomarois, le Lys, la Marque, la Deûle, la
Scarpe amont, la Sensée et l’Escaut. Un arrêté
-cadre sècheresse du 13 mars
2012 fixe le cadre d’action en identifiant ces sous
-bassins versants comme
des « unités hydrographiques cohérentes » dans lesquelles la gestion doit
être coordonnée. Cependant, les situations de sècheresse ne font pas l’objet
d’arrêtés inter
-préfectoraux.
Les préfets des deux départements prennent chacun un arrêté
sècheresse. Les deux documents sont très similaires, mais présentent des
différences. Ainsi, à la fin de l’été 2022, le préfet du Pas
-de-Calais a
maintenu l’état d’alerte jusqu’au 31 décembre 2022, alors que celui du Nord
l’a maintenu jusqu’au 15 septembre avant de le prolonger jusqu’à fin
novembre. Depuis la fin du mois d’août 2022, les sous
-bassins versants de
la Scarpe amont, la Sensée et l’Escaut sont maintenus en
« alerte » dans le
Nord et sont en « vigilance » dans le Pas-de-Calais, ce qui implique des
restrictions sur une partie des sous-
bassins et pas sur l’autre.
Le préfet du Pas-de-Calais considère que les différences entre les
mesures prises par les deux départements sont justifiées par leur situation
respective en amont et en aval du cours d’eau et fait valoir q
ue le décalage
des réunions des comités départementaux de gestion de la ressource justifie
les discordances calendaires des mesures prises.
Sur un même bassin versant, certains préfets promeuvent les
organismes uniques de gestion collective, alors que d’a
utres ont plus de
difficulté à surmonter l’opposition de certains acteurs locaux.
La DDT du Maine-et-Loire, par exemple, recommande la création
de telles structures et estime que «
l’irrigation du futur est collective et
coordonnée »
. En conséquence, la gestion collective des prélèvements
constitue le deuxième objectif du plan d’actions opérationnel territorialisé
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COUR DES COMPTES
482
(PAOT) 2016-2018 du Maine-et-
Loire, alors que cet objectif n’apparaît pas
dans le PAOT de la Loire-Atlantique voisine.
Pour surmonter l’inadéquation entre la carte administrative de l’État
et celle des organismes de gestion de l’eau, des dispositifs de coordination
ont été mis en place. Les missions interservices de l’eau et de la nature
coordonnent ainsi au niveau départemental les services de l’
État ayant des
missions de gestion et de police de l’eau et élaborent un plan de contrôle
interservices. Mais cela ne suffit pas toujours pour surmonter les
divergences de position.
Le rôle de l’Office français de la biodiversité (OFB), issu de la
fusion récente de plusieurs organismes publics
300
, reste mal connu des
parties prenantes. De ce fait, il est parfois mis en cause.
Enfin, l’État se présente comme le garant d’un système
d’information et de connaissance sur l’eau. Il est certes chargé du réseau
de surveillance national mais la connaissance est partagée entre diverses
administrations (ministère de la transition écologique et de la cohésion des
territoires, agences de l’eau, BRGM
301
, OFB, entités locales, etc.) et il reste
difficile d’obtenir une vision globale de la situation d’un cours d’eau ou
d’une nappe et d’en déduire des mesures de gestion qui puissent être
considérées par tous comme légitimes.
Les contrôles réalisés par les chambres régionales des comptes
montrent à quel point l’information dont d
isposent les directions
départementales des territoires est fragmentaire et peu fiable. Les systèmes
d’information utilisés pour remonter les contrôles ne sont pas utilisés par tous
les partenaires et contiennent des données partielles et discordantes avec les
bilans des
missions interservices de l’eau et de la nature
.
L’État éprouve des difficultés réelles à faire respecter les règles du
jeu qu’il détermine. Il doit concilier une logique administrative (régions,
départements) et une logique hydrographique (sous-bassins versants). Les
moyens dont il dispose pour assurer ses missions de police et de contrôle
sont insuffisants. Présent partout, l’État est souvent trop faible pour
assumer les responsabilités auxquelles il prétend. L’intrication entre ses
responsabilités et celles des collectivités locales rend leur répartition
incompréhensible et contribue à la dilution des responsabilités de chacun.
300
Il résulte de la fusion, au 1
er
janvier 2020
, de l’Agence française pour la
biodiversité
(AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage
(ONCFS).
301
Bureau de recherches géologiques et minières, service géologique national.
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DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
483
Conscient de ces difficultés, le Gouvernement a donné mission à
quatre inspections
302
de tirer les leçons de la cri
se de l’été 2022, marquée
par une chaleur et une sécheresse exceptionnelle, afin de faire des
propositions d’amélioration de la gouvernance territoriale de l’eau et de la
coordination des services de l’État.
B -
L’introuvable collectivité territoriale cheffe d
e file
1 -
L’organisation administrative complexe
de la gestion du grand cycle de l’eau
Aussi longtemps que la gestion du petit cycle de l’eau constituait
l’essentiel de la politique de l’eau, les communes et leurs syndicats
303
répondaient aux besoins. L’éparpil
lement et la petite taille des services
publics de distribution d’eau et d’assainissement limitaient leur efficacité
mais ne posaient pas de problème majeur de gestion de la ressource,
celle-ci étant abondante.
Les
collectivités
territoriales,
notamment
les
départements,
pouvaient intervenir dans tous les éléments de la gestion du grand cycle de
l’eau jusqu’à l’adoption des lois dites
« MAPTAM » du 27 janvier 2014
304
et « NOTRé » du 7 août 2015
305
.
La loi MAPTAM a attribué aux seuls établissements publics de
coopération intercommunale (EPCI) la nouvelle compétence de
« gestion
des milieux aquatiques et prévention des inondations »
(Gemapi)
306
et la
responsabilité de la mise en œuvre d’une partie des actions de préservation
302
Inspection générale de l’environnement et du développement durable
(IGEDD),
Inspection générale des finances (IGF), Inspection générale des affaires sociales (Igas),
C
onseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces
ruraux (CGAAER).
303
Les communes étaient historiquement compétentes pour la gestion du petit cycle de
l’eau mais cette mission est en cours de transfert aux EPCI. La loi
n° 2015-991 du
7 août 2015 relative à la nouvelle organisation de la République (NOTRé) prévoit ainsi
un transfert au 1
er
janvier 2020. Toutefois, en 2018, le législateur a ouvert aux
communautés de communes la possibilité de reporter cette échéance au 1
er
janvier 2026.
304
Loi n° 2014-
58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publiqu
e territoriale
et d’affirmation des métropoles (MAPTAM).
305
Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la
République (NOTRé).
306
L’exercice de cette compétence, prévue à compter du 1
er
janvier 2015 par la loi
MAPTAM, a été reportée au 1
er
janvier 2018 par la loi NOTRé. L’objectif de cette
réforme est de rapprocher la gestion des milieux aquatiques et la prévention des
inondations des politiques d’urbanisme en les confiant au même échelon territorial.
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COUR DES COMPTES
484
du grand cycle de l’eau
307
. La loi NOTRé a supprimé la clause de
compétence générale des départements et des régions. Cependant, pas plus
que ces derniers, le territoire des EPCI ne correspond à celui des
sous-
bassins versants, qui constituent l’échelle pertinente d’une gestion de
l’eau à la mesure
des enjeux climatiques.
Gemapi et gestion quantitative de l’eau
La Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des
inondations) concourt à la gestion quantitative de l’eau, dans la mesure où
la gestion des milieux aquatiques, l’aménagement des cours d’eau et la
préservation des zones humides favorisent la rétention de l’eau par les sols
et son infiltration dans les nappes, réduisant ainsi l’évapotranspiration qui
accentue les conséquences des épisodes de sécheresse.
La recherche d’une solution à
ces difficultés conduit à une grande
instabilité législative, qui les aggrave plus qu’elle ne les corrige. La
loi n° 2017-1838 du 30
décembre 2017 relative à l’exercice des
compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la Gemapi,
a apporté des assouplissements aux deux lois précédentes, ce qui a rendu
le cadre juridique encore plus complexe. Les EPCI peuvent transférer ou
déléguer aux établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) et aux
Epage tout ou partie de leur compétence en matière de Gemapi et les
départements ou les régions, qui exerçaient des missions dans ce domaine
avant le 1
er
janvier 2018, peuvent continuer à intervenir sous réserve de la
conclusion de conventions d’une durée maximale de cinq ans avec le ou
les EPCI concernés.
Des évolutions législatives déstabilisantes
pour l’EPTB Saône et Doubs
À la suite de l’adoption de la loi MAPTAM et conformément à la
volonté de l’État et de l’agence de l’eau de recentrer l’activité de l’EPTB
sur les axes Saône et Doubs, des désaccords sont apparus au sein de
l’établissement sur l’organisation à mettre en place pour l’exercice de la
compétence Gemapi et la révision de ses statuts qui devait s’ensuivre. Ces
désaccords ont pu empêcher la réunion de tous les membres du comité
syndical, p
uis entraîner l’annulation de certaines de ses délibérations et
l’absence de définition d’un projet partagé, ce qui a fait perdre deux années
dans la mise en œuvre des orientations de la politique de l’eau.
307
Cf. les 1°, 2°, 5° et 8
° de l’article L. 211
-
7 du code de l’environnement.
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DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
485
De nouveaux statuts ont finalement été adoptés en 2022. Six
départements se sont retirés et 19 communautés de communes ont rejoint
l’EPTB. Ces évolutions ont abouti à une baisse des contributions des
adhérents.
Un recul de la coopération dans le Morbihan
Le syndicat « Eau du Morbihan » a pour mission de développer les
réseaux, notamment en zone rurale, de sécuriser l’approvisionnement et de
garantir un prix unique de l’eau grâce à la solidarité entre les communes.
L’
article 67 de la loi NOTRé prévoyait un mécanisme de
préservation des grands syndicats
d’eau potable. Pourtant, à l’occasion des
transferts
de
compétences
aux
intercommunalités,
l’agglomération
vannetaise a choisi de ne plus confier les compétences production et
transport d’eau au syndicat Eau du Morbihan.
De ce point de vue, la nouvelle organisation mise en place ne
correspond pas à l’intention du législateur puisqu’elle a entraîné une
régression de la coopération et de la solidarité entre les différents acteurs de
la production d’eau potable.
Ainsi, la création d’un bloc de compétences Gemapi, qui ne recouvre
qu’une partie de la gestion de la ressource en eau, n’a pas renforcé
l’intégration de l’action publique. Beaucoup d’établissements publics de
coopération intercommunale ont délégué les compétences qui leur ont été
confiées par la loi à des établissements publics locaux existants ou constitués
pour l’occasion. Ce type de décision s’explique par le fait que, les
groupements de communes auxquels la gestion des milieux aquatiques et de
la prévention des inondations a été confiée n’ayant pas été constitués en
fonction des sous-
bassins versants, leur périmètre géographique n’est pas
pertinent pour conduire ces actions.
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COUR DES COMPTES
486
Schéma n° 3 :
répartition des missions du grand cycle de l
’eau prévue
par l’article L.
211-
7 du code de l’environnement
Source : juridictions financières
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DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
487
2 -
L’intervention de tous les niveaux de collectivités locales
Comme indiqué
supra
, la politique de l’eau ne fait plus partie des
compétences générales des départements et des régions. Cependant, tous
les niveaux de collectivités locales interviennent dans la gestion de l’eau.
De nombreux départements sont des acteurs historiques de la
politique de l’eau. Ainsi le syndicat mixte d’étude et de gestion de la
ressource en eau du département de la Gironde (SMEGREG), créé en 1998
par le département de la Gironde et la communauté urbaine de Bordeaux
(devenue Bordeaux Métropole en 2015), porte le Sage des nappes profondes
de la Gironde. De la même façon, l’Institution Ado
ur, créée en 1978 par les
départements du Gers, des Hautes-Pyrénées, des Landes et des Pyrénées-
Atlantiques
308
, est la structure support des trois Sage du bassin de l’Adour.
Les départements ne peuvent normalement plus intervenir que dans
des cas limitativement prévus par le code général des collectivités
territoriales ou le code de l’urbanisme. Ils peuvent toutefois apporter une
aide technique et financière aux communes et à leurs groupements. Ils
jouent également un rôle dans l’émergence de syndicats d’alim
entation en
eau potable au périmètre départemental.
La plupart des
agences de l’eau déplorent le retrait
des
départements, en particulier financier, alors que les besoins sont croissants.
Cela ne va pas sans soulever des difficultés juridiques. Dans le cadre de
l’enquête, deux présidents de conseil départemental (
Côte-
d’or et Drôme)
ont exprimé le vœu d’une évolution du cadre législatif permettant de
sécuriser l’intervention des départements dans la politique de l’eau.
L’intervention du département de la C
ôte-
d’Or dans la gestion
quantitative de l’eau remise en cause par le juge administratif
Le département de la Côte-
d’Or intervient dans la gestion
quantitative de l’eau sur son territoire. Situé en amont de trois bassins
hydrographiques,
ses
caractéristiques
géologiques
le
rendent
particulièrement vulnérable à la sécheresse.
308
L’institution Adour est devenue un syndicat mixte ouvert fin 2016.
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COUR DES COMPTES
488
Il agit comme chef de file de la solidarité territoriale. Il cofinance
avec les communes et les établissements publics de coopération
intercommunale des investissements concourant à
l’alimentation en eau
potable, à la gestion quantitative de l’eau ou à la récupération et au
traitement de l’eau de pluie par les agriculteurs. Il a également développé
une activité de conseil aux communes et EPCI et réalise une évaluation de
la vulnérabil
ité de la ressource. Enfin, il propose la création d’un syndicat
départemental des eaux auquel il adhérerait.
Les
agences
de
l’eau
Rhône
-Méditerranée-Corse
et
Seine-
Normandie ne s’opposent pas à l’intervention du département de la
Côte-
d’Or. Deux accords o
nt été signés afin de coordonner leur action.
Cependant, un jugement du tribunal administratif de Dijon du
14
décembre 2021 a annulé l’autorisation de programme de 5,25
M€
adoptée par le département et destinée au financement d’études de maîtrise
d’œuvre pour ses projets d’investissement
309
.
En dépit de la suppression par la loi NOTRé de la clause générale de
compétence, bien d’autres départements continuent à intervenir dans la
gestion de l’eau. Ils le font sous couvert de conseil aux autres collectivités
et
de leur compétence en matière d’aménagement du territoire.
Tel est, par exemple, le cas du département de la Gironde, qui s’est
positionné comme maître d’ouvrage du schéma stratégique départemental
de l’eau potable et apporte son concours financier à la mise en œuvre du
Sage des nappes profondes, porté par l’EPTB SMEGREG, en particulier
pour le recensement des prélèvements d’eau effectués chaque année dans
les nappes aquifères.
Quatre régions exercent tout ou partie des missions d’animation et
de concertat
ion dans le domaine de la gestion de l’eau et de la protection
de la ressource en eau et des milieux aquatiques (Bretagne, Pays de la
Loire, Grand Est et Provence-Alpes-
Côte d’Azur)
310
.
309
Le tribunal administratif a retenu qu’aucune des dispositions du code général des
collectivités territoriales, du code de l’environne
ment ni du code général de la propriété
des personnes publiques n’était de nature à fonder la compétence du département pour
adopter la délibération attaquée.
310
En application des dispositions du I
ter
de l’article L.
211-7 du code de
l’environnement intr
oduites par la loi NOTRé, et de décrets pris pour chaque région. En
effet, l’État peut par décret confier aux régions qui le demandent le soin d’exercer tout ou
partie des missions d’animation et de concertation dans le domaine de la politique de l’eau.
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DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
489
L’exercice par la région Bretagne de missions d’animation
et de concertation
L’État a confié à la région Bretagne les missions d’animation et de
concertation dans le domaine de la gestion de l’eau et de la protection de la
ressource en eau et des milieux aquatiques.
Dans ce cadre, un «
plan breton pour l’eau
» a été adopté par le
conseil régional de Bretagne le 22 juin
2018. Son objectif est d’atteindre les
cibles fixées par le Sdage Loire-Bretagne et par le plan de gestion des
risques d’inondation (PGRI). La région a par ailleurs créé, en janvier 2022,
une « assemblée bretonn
e de l’eau
», instance de débat et de recherche de
solutions à l’échelle régionale, à la suite d’une précédente conférence de
l’eau qui avait montré ses limites.
La politique de l’eau repose sur une forte présence de l’État
conjuguée à une décentralisation très importante de sa définition et de sa
mise en œuvre. À cette première source de complexité s’ajoute un partage
de compétences encore mal défini entre les collectivités locales. Le
transfert de compétences des communes aux établissements publics de
coopération intercommunale est en cours mais son achèvement a été
repoussé à 2026 ; les départements sont encore très présents alors que la loi
visait à les priver de compétences dans ce domaine ; certaines régions
interviennent, d’autres non.
Les résultats de cette gouvernance complexe ne sont pas à la hauteur
des problèmes posés par la gestion de l’eau dans le contexte du changement
climatique.
En dépit des moyens humains et financiers consacrés à la politique
de l’eau depuis une soixantaine d’années, 56
%
des masses d’eau de
surface et 33 %
des masses d’eau souterraines ne sont pas en bon état au
sens de la «
directive communautaire sur l’eau
». Les données disponibles
montrent également que 43,3 %
des masses d’eau de surface sont affectées
par des pollutions diffuses (nitrates, pesticides notamment), 25,4 % par des
pollutions ponctuelles et 19,4 %
par des prélèvements d’eau excessifs, et
que 10,7 %
des masses d’eau souterraines sont affectées par des
prélèvements excessifs. En 2027, 67 %
des masses d’eau d
e surface (7 646
sur 11 407) et 40 % des
masses d’eau souterraines risquent de ne pas
atteindre le bon état au sens de la directive cadre européenne.
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COUR DES COMPTES
490
L’organisation administrative du pays n’est pas seule responsable
de cet écart entre les objectifs et le
s résultats. Il s’explique aussi par la
lenteur de la prise de conscience de l’importance des problèmes, la
difficulté à faire évoluer les comportements, la rémanence de pollutions qui
implique de longs délais entre l’action et les résultats, les effets du
changement climatique. Pour autant, l’organisation a sa part de
responsabilité dans ces résultats insuffisants. Des améliorations peuvent et
doivent être apportées pour garantir aux citoyens la disponibilité d’une eau
de qualité permettant de satisfaire durablement tous les usages.
II -
Structurer et clarifier l’organisation
autour des sous-bassins versants
Les bassins hydrographiques sont de vastes entités très hétérogènes
par leur taille et par la nature des difficultés qu’ils connaissent. Le bassin
Artois-Pi
cardie s’étend sur 20
000 km
2
, celui de Loire-Bretagne sur
158 427 km
2
. Il y a également une grande diversité de situations à
l’intérieur de chaque bassin hydrographique et la gestion quantitative de
l’eau pose des problèmes très différents d’un sous
-bassi
n versant à l’autre.
Par exemple, la situation des territoires parcourus par la Loire est très
différente de celle des départements bretons ou de la Vendée, qui ne sont
traversés que par de petits cours d’eau côtiers.
L’organisation territoriale de la gestion de la politique de l’eau au
niveau du sous-
bassin versant est cruciale. Elle suppose l’identification d’une
structure porteuse dotée de moyens propres, d’un pouvoir de décision effectif
et d’un périmètre d’action correspondant au sous
-bassin versant.
A -
Définir un périmètre cohérent au niveau
des sous-bassins versants
1 -
La nécessité d’une gestion intégrée de l’eau
Les masses d’eau sont interconnectées et une gestion cohérente entre
l’amont et l’aval d’un cours d’eau est indispensable, de même que la prise e
n
compte des relations entre les eaux souterraines et les eaux superficielles.
Cette approche intégrée sous-
tend l’objectif de la directive cadre sur l’eau et
la législation française. Elle a également justifié la création, dès 1964,
d’agences de bassin, devenues depuis lors agences de l’eau.
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DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
491
Le plan Loire Grandeur Nature, développé à partir de 1994,
concernait tout à la fois la gestion des inondations, la sécurisation de
l’alimentation en eau potable et la préservation de la nature. La réalisation
du lac
de barrage de Naussac s’inscrit dans ces objectifs et permet un
soutien d’étiage pour l’aval de l’Allier et de la Loire.
Pour les cours d’eau de plus petite taille, les Sage doivent refléter cette
volonté de gestion intégrée de la ressource en eau. Le périmètre de la plupart
des schémas d’aménagement et de gestion des eaux correspond à un cours
d’eau, mais certains Sage correspondent à des nappes souterraines.
Ainsi, le Syndicat mixte d’étude et de gestion de la ressource en eau
du département de la Girond
e met en œuvre le Sage des nappes souterraines
du département de la Gironde et poursuit plusieurs études pour améliorer
la compréhension des liens entre aquifères profonds et eaux de surface.
C’est une préoccupation que partage le département de la Drôme,
porteur
d’un Sage de préservation d’eaux souterraines, qui réalise une modélisation
de la nappe pour mieux comprendre les liens avec les cours d’eau et adapter
les prélèvements.
Les difficultés de coordination de la gestion des eaux de surface
avec celle des eaux souterraines dans le bassin Artois-Picardie
Les prélèvements pour l’alimentation en eau potable du bassin
Artois-Picardie sont réalisés à 94 % dans les eaux souterraines. Ce bassin
est intégralement couvert par des Sage portant sur les eaux superficielles.
Le contrôle du syndicat intercommunal de distribution d’eau du Nord –
syndicat intercommunal d’assainissement du Nord, principal acteur de l’eau
potable dans ce département, a mis en évidence les difficultés de
coordination de la préservation des eaux souterraines et de celle des cours
d’eau en l’absence de coordination entre les Sage. Le Sdage 2022
-2027 met
en avant la nécessité d’une gestion de la ressource à la bonne échelle pour
garantir la disponibilité en eau potable. Les études sur les volumes
prélevables qu’il préconise doivent être coordonnées avec l’étude sur la
vulnérabilité de la ressource réalisée à l’échelle du bassin hydrographique.
La définition de l’aire géographique des Sage est donc déterminante
et doit permettre de couvrir non seulement les eaux de surface mais aussi
les nappes souterraines lorsque cela apparaît pertinent.
La mise en place de la compétence Gemapi a été accompagnée d’une
demande d’élaboration de stratégies d’organisation des compétences
locales de l’eau (Socle) an
nexées aux Sdage 2015-2021 puis 2022-2027.
Mais les Socle sont des documents non prescriptifs.
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COUR DES COMPTES
492
En Isère, le schéma départemental de coopération intercommunale
propose une réflexion sur la Gemapi, avec une répartition du territoire
départemental entre plusieurs syndicats qui correspondent à la carte
hydrographique.
Cependant
cette
réflexion
s’arrête
aux
limites
départementales, alors que la plupart des sous-bassins versants sont
interdépartementaux.
Il reste donc encore beaucoup à faire pour parvenir à une
organisation correspondant aux sous-bassins versants.
L’ambition du
Syndicat
mixte pour l’assainissement et la gestion
des eaux du sous-
bassin versant de l’Yerres
-Seine (Syage)
d’assurer une gestion intégrée de l’eau
Initialement
créé
pour
porter
l’assain
issement,
le
Syage
a
progressivement étendu ses missions. Il est aujourd’hui également compétent
pour la gestion des eaux pluviales, la Gemapi et la mise en œuvre du Sage de
l’Yerres. Le périmètre du syndicat recouvre la quasi
-totalité du sous-bassin
versa
nt de l’Yerres. Cette cohérence des périmètres lui a permis de devenir un
établissement public d’aménagement et de gestion des eaux (Epage) en 2021.
2 -
La nécessaire planification de la politique de l’eau
dans les sous-bassins hydrographiques
Si les Sdage pour la période 2022-2027 ont été adoptés dans tous les
bassins hydrographiques, la carte de France des Sage reste très incomplète.
En 2022, seulement 54,3 % du territoire était couvert par un Sage. Cette
couverture est en augmentation de 25 % depuis 2010, mais reste faible au
regard des enjeux liés à la ressource. Le nord et
l’
ouest de la France
métropolitaine sont particulièrement bien couverts, avec un taux de 100 %
pour le bassin Artois-Picardie, 87 % pour le bassin Loire-Bretagne et 78 %
pour le bassin Adour-
Garonne. À l’inverse
, le centre,
l’
est et le sud
comptent peu de Sage : le taux de couverture par un Sage atteint 41 % pour
le bassin Seine-Normandie, 44 % en Rhône-Méditerranée, 31 % pour le
bassin Rhin-Meuse.
Le comité de bassin Rhône-Méditerranée a mis en place une
stratégie fondée sur la signature de contrats plutôt que sur l’élaboration de
Sage pour mettre en œuvre les orientions du schéma directeur
d’aménagement et de gestion des eaux. Le comité de bassin Rhin
-Meuse a
retenu la même solution. Dans les outre-
mer, l’élaboration d’un schéma
d’aménagement et de gestion des eaux n’apparaît pas toujours pertinente
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TATIVE DE L’EAU
493
lorsque le Sdage lui-même couvre un territoire restreint. Cependant, le
Sdage du bassin de Guadeloupe n’est pas décliné en Sage à Saint
-Martin,
alors que la Guadeloupe est éloignée de 260
km par la mer et qu’il existe
des problèmes de gestion quantitative de l’eau propres à Saint
-Martin.
Carte n° 2 :
périmètres des Sage (zones hachurées)
en cours de mise en œuvre ou d’élaboration
En outre, la carte de France des Sage ne coïncide pas avec celle des
sous-bassins confrontés à des problèmes qualitatifs et quantitatifs de
ressource en eau, même si elle la recoupe en partie. Les préfets de
département ont la possibilité de déterminer des périmètres de Sage
311
lorsque les acteurs locaux ne l’ont pas fait, si la situation locale le justifie.
Ils n’ont encore jamais fait usage de cette compétence.
Faute de schémas d’aménagement et de gestion des eaux élabor
és
par les parties prenantes à l’échelle d’un sous
-bassin hydrographique, les
orientations données par les Sdage risquent de n’être qu’une pétition de
principe.
311
Articles L. 212-3 et R. 212-
27 du code de l’environnement.
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COUR DES COMPTES
494
Condition nécessaire, l’existence d’un schéma d’aménagement et de
gestion des eaux n’est parfois pas suffisante pour assurer la mise en œuvre
du Sdage. L’interaction des masses d’eau nécessite en effet une collaboration
entre les structures porteuses de Sage de plusieurs sous-bassins.
L’association locale des présidents de CLE de Bretagne a ainsi p
roposé de
constituer un cadre d’échange et de mutualisation inter
-Sage.
Les préfets et les agences de l’eau prônent la signature de contrats
territoriaux, qui ont connu des dénominations diverses au fil du temps, dont
récemment celle de projet territorial
pour la gestion de l’eau. Ils présentent
cette
solution
comme
alternative
à
l’élaboration
d’un
schéma
d’aménagement et de gestion des eaux, au motif qu’il serait plus facile de
parvenir à un accord sur un contrat que sur un Sage.
La complémentarité du sché
ma d’aménagement et de gestion
des eaux et du projet territorial pour la gestion de l’eau (PTGE)
L’article L. 212
-
3 du code de l’environnement prévoit l’élaboration
de Sage dans les termes suivants : «
Le schéma d’aménagement et de
gestion des eaux institué pour un sous-bassin, pour un groupement de
sous-bassins correspondant à une unité hydrographique cohérente
(…)
fixe
les objectifs généraux et les dispositions permettant de satisfaire aux
principes énoncés aux articles L. 211-1 et L. 430-1
» [N.B. : il s
’agit des
principes de gestion durable et intégrée de l’eau].
La démarche contractuelle du projet territorial pour la gestion de
l’eau résulte de deux circulaires, l’une du 4 juin 2015, abrogée par une
seconde du 7 mai 2019. Elle trouve son origine dans l
a demande d’une partie
des représentants des agriculteurs de construire des retenues d’eau pour
l’irrigation des terres agricoles, qui est à l’origine de nombreux conflits
d’usage locaux parfois violents. Les PTGE n’ont donc pas d’existence
légale ou réglementaire.
La circulaire du 7 mai 2019 précise que «
Le Sage met en œuvre une
gestion intégrée de la ressource en eau et des milieux aquatiques en
définissant des objectifs plus larges
[N.B. : que ceux des PTGE],
notamment
de qualité des eaux et du bon fonctionnement des milieux aquatiques et
humides
»
et qu’
«
en l’absence de Sage, il serait pertinent que le PTGE soit
une première étape dans l’élaboration d’un Sage, permettant de mettre en
place une gestion de l’eau équilibrée et concertée sans attendre
».
L
es PTGE ne sauraient donc remplacer les Sage. Ils n’ont pas la
même force juridique, les premiers résultant d’une circulaire sans valeur
réglementaire, les seconds de la loi et du pouvoir réglementaire. La
circulaire du 7 mai 2019 indique que les projets territoriaux pour la gestion
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DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
495
de l’eau sont une étape dans l’élaboration d’un schéma d’aménagement et
de gestion des eaux, c’est
-à-
dire dans une gestion intégrée de l’eau.
La décision d’élaborer un Sage ne résulte pas de la seule volonté
locale. Elle est prescrite par les Sdage ou, si nécessaire, par les préfets en
l’absence de prescription des Sdage.
La promotion des PTGE ne doit donc pas être un motif d’abandon de
la démarche d’élaboration de Sage. L’adoption d’un schéma d’aménagement
et de gestion des eaux
est d’autant plus nécessaire que le changement
climatique généralise les problèmes de gestion quantitative de l’eau.
Sans méconnaître
les difficultés d’élaboration des Sage mises en
avant par les préfectures et les agences de l’eau, la Cour recommande d’
en
poursuivre l’élaboration dans tous les sous
-bassins hydrographiques. Le
renforcement de l’organisation de la gestion de l’eau à l’échelle du
sous-bassin versant doit être recherché au travers des stratégies
d’organisation des compétences locales de l’ea
u, annexées aux schémas
directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, pour inciter les
établissements publics de coopération intercommunale à constituer des
structures correspondant au périmètre d’un sous
-bassin ou de plusieurs
sous-bassins cohérents.
B -
Identifier des acteurs opérationnels
Une fois qu’un périmètre cohérent a été défini, un acteur
opérationnel doit être constitué ou identifié au niveau du sous-bassin
versant pour élaborer et mettre en œuvre la politique de l’eau.
1 -
Constituer les établissements publics territoriaux
pour conduire l’action locale
Les établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) et les
établissements publics d’aménagement et de gestion des eaux (Epage)
doivent, à l’échelle d’un bassin ou d’un groupement de sous
-bassins
hydrographiques, devenir la forme générale de gestion de la ressource en
eau au niveau local. Ces formes d’organisation doivent couvrir des sous
-
bassins cohérents et permettre l’implication des acteurs locaux.
De nombreuses collectivités territoriales se sont organisées en
syndicats mixtes dont les périmètres correspondent aux sous-bassins
versants. C’est le cas par exemple du
Syndicat mixte du bassin du Lay
(Vendée) ou encore du Syndicat mixte de la rivière Drôme.
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COUR DES COMPTES
496
Mais dans certains territoires, aucun a
cteur opérationnel n’est
associé aux sous-
bassins délimités. Cela ne facilite pas l’élaboration des
schémas d’aménagement et de gestion des eaux lorsqu’ils n’existent pas.
Et lorsque des Sage ont été élaborés, leur mise en œuvre est souvent
entravée faute
de structure capable d’en assurer l’exécution. Le sous
-bassin
de l’Allan (Vosges du sud), par exemple, est doté d’un Sage mais son
animation est confiée à l’EPTB Saône et Doubs, qui intervient à une échelle
beaucoup plus vaste et dans lequel les collectivités du sous-bassin de
l’Allan sont peu représentées. La création d’un Epage de l’Allan garantirait
un portage politique du schéma d’aménagement et de gestion des eaux qui
n’existe pas aujourd’hui.
Les acteurs opérationnels à qui la commission locale de l’e
au confie
l’animation du Sage doivent pouvoir consacrer des moyens humains et
financiers suffisants aux études nécessaires à l’élaboration de ce document
de planification et au suivi de sa mise en œuvre
312
. Il s’agit d’un travail
considérable incluant la réalisation de procédures administratives
complexes et de plans de financement des actions.
Les syndicats mixtes constitués à l’échelle d’un ou plusieurs
sous-bassins versants devraient donc prioritairement prendre la forme,
respectivement, d’Epage et d’EPTB
réunissant les collectivités locales
intéressées. Ces deux catégories d’établissements publics spécialisés dans la
gestion de l’eau présentent l’avantage de pouvoir associer d’autres personnes
publiques que les établissements publics de coopération intercommunale
intéressés à la politique de l’eau, notamment les départements.
312
Article R. 212-
33 du code de l’environnement
.
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TATIVE DE L’EAU
497
L’exemple du sous
-
bassin de l’Adour
:
une diversité d’acteurs
locaux dont une partie seulement est réunie au sein de l’EPTB
Le sous-
bassin de l’Adour fait partie du bassin hydrogr
aphique
Adour-Garonne. Son territoire de 17 000 km
2
s’étend entre le Sud de la région
Nouvelle-Aquitaine et une partie de la région Occitanie. Il couvre 22 % du
département du Gers, 55 % du département des Landes, 66 % du département
des Hautes-Pyrénées et 96 % du département des Pyrénées-Atlantiques. Il
recoupe en tout ou partie le territoire de 40 groupements de communes et de
11 syndicats de rivière exerçant la compétence Gemapi.
L’Institution Adour est l’EPTB du sous
-bassin. Il porte les trois Sage
existants.
Cependant seule une partie des collectivités et établissements publics
locaux en sont adhérents. Ainsi, l’EPTB regroupe en son sein une région,
les quatre départements concernés, 24 EPCI, soit 52 % de la superficie du
bassin, et huit syndicats de rivières.
La création des Epage et EPTB reste facultative. Les schémas
directeurs d’aménagement et de gestion des eaux peuvent la demander mais
tous ne le font pas. La loi MAPTAM visait pourtant la généralisation de
ces établissements publics à l’initiative
des préfets coordonnateurs de
bassin et des collectivités territoriales concernées. En pratique, peu de
syndicats mixtes existants ont été transformés en Epage ou EPTB. Ce retard
est dommageable et doit être comblé.
L’exemple du bassin Rhin
-Meuse
Le bassin hydrographique est en grande partie couvert par des
EPTB : deux EPTB (Meurthe et Madon, et Meuse) ont déjà été créés et un
est en cours de constitution (Alsace-
Moselle). L’agence de l’eau a mis en
avant le fait que l’initiative locale de ces structures é
taient déterminante
pour leur implication dans la gestion concertée de l’eau.
La Cour des comptes recommande
de constituer dans l’ensemble
des territoires des Epage et EPTB favorisant une gestion intégrée de la
ressource en l’eau à l’échelle d’un sous
-bass
in versant ou d’un groupe
cohérent de sous-
bassins versants. Les stratégies d’organisation des
compétences locales de l’eau devraient définir l’organisation à atteindre et
le calendrier de sa mise en œuvre, de manière plus précise qu’elles ne le
font aujou
rd’hui. Le cas échéant, les préfets coordonnateurs de bassin
peuvent imposer la création d’Epage et d’EPTB
313
.
313
Article L. 213-
12 du code de l’environnement
.
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COUR DES COMPTES
498
2 -
Renforcer l’influence des commissions locales de l’eau
L’identification ou la création d’organismes locaux chargés de la
politique de l’eau à l’échelle d’un sous
-bassin conforte le rôle de la CLE,
chargée d’élaborer le schéma d’aménagement et de gestion des eaux. Il
s’agit donc d’un préalable indispensable au renforcement de son influence.
L’indépendance de la commission locale de l’eau vis
-à-vis de
l’établissement public doit être garantie par des présidences distinctes et
des dispositifs de prévention des conflits d’intérêts
314
.
Mais pour que la CLE soit elle-même identifiée comme un acteur
incontournable de la politique de l’eau, d’autres évolutions
peuvent être
recommandées.
Le rôle des commissions locales de l’eau
Les commissions locales de l’eau se composent de trois collèges
:
celui des collectivités locales, celui des usagers (chambres consulaires,
associations syndicales de propriétaires, associations de protection de
l’environnement,
associations
professionnelles,
etc.)
et
celui
des
administrations de l’État.
Cette composition vise à assurer une représentation de l’ensemble
des parties prenantes à la politique de l’eau, bien que l’objectif de
représentation équilibrée ne soit pas nécessairement atteint.
L’un des rôles essentiels des CLE est d’élaborer les schémas
d’aménagement et de gestion des eaux qui sont ensuite arrêtés par les
préfets. Le temps d’élaboration des Sage par ces commissions
est très long.
Il est fréquemment de neuf à dix ans, si bien que leur contenu est parfois en
décalage avec la réalité lorsqu’ils sont adoptés, en raison des évolutions
rapides de la situation dans le contexte du changement climatique.
Tout d’abord, les commissions locales de l’eau devraient
systématiquement être associées aux décisions de mise en œuvre des Sage,
ou à la rédaction des contrats territoriaux qui les mettent en œuvre, comme
les projets territoriaux de la gestion de l’eau. Le recours à ces contr
ats
s’accompagne souvent de la constitution de comités de pilotage dont la
composition ne recoupe pas forcément celle de la CLE. Dans ce contexte,
apparaît par exemple comme une bonne pratique à généraliser celle qui a
314
CRC Pays de la Loire,
Syndicat mixte bassin du Lay
, EPTB de la Sèvre nantaise,
rapport d’observati
ons définitives, novembre 2022.
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UNE ORGANISATION INADAPTÉE AUX ENJEUX
DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
499
consisté à faire de la commission loc
ale de l’eau de l’Ouche (Côte
-
d’Or) le
comité de rivière chargé du contrat de bassin déclinant le Sage.
Par ailleurs, les CLE sont perçues comme des acteurs dont le travail
se limite à la gestion structurelle de la ressource en eau (détermination,
dans le
s schémas d’aménagement et de gestion des eaux, des volumes
prélevables, des débits objectifs d’étiage, etc.). En pratique, la gestion de
crise prend souvent le pas sur la gestion structurelle qui n’a pas permis
d’éviter le recours à des mesures de restriction des prélèvements. C’est
alors le préfet qui intervient, en s’entourant le plus souvent d’un comité
ad
hoc
distinct de la commission locale de l’eau. C’est pourtant l’avis de
celle-ci qui devrait être recueilli avant la décision administrative.
Enfin,
l’avis des CLE sur les documents d’aménagement du territoire
intéressant leur sous-bassin devrait être obligatoirement sollicité et rendu
public, dans la mesure où ils ont un impact direct sur la qualité et la
disponibilité de l’eau. Le législateur a prév
u que nombre de ces documents
devaient être compatibles avec le plan d’aménagement et de gestion durable
du Sage et que le règlement de ce schéma leur était opposable
315
. Pour autant,
aucune procédure n’est formalisée pour s’assurer de cette conformité ni de
cette compatibilité, qui restent dans les faits très incertaines.
La compatibilité de la stratégie d’aménagement des territoires
avec celle de la gestion de l’eau
Les objectifs d’une gestion équilibrée et durable de la ressource en
eau prenant en compte les adaptations nécessaires au changement
climatique, tels qu’ils sont énoncés à l’article L. 211
-1 du code de
l’environnement, s’imposent aux documents stratégiques relatifs à
l’aménagement des territoires.
Aussi bien le code de l’urbanisme, pour les sché
mas de cohérence
territoriale (SCoT) et les plans locaux d’urbanisme, le cas échéant
intercommunaux (PLU et PLUi), que le code général des collectivités
territoriales, s’agissant des schémas régionaux d’aménagement, de
développement durable et d’égalité de
s territoires (Sraddet)
316
, prévoient
que ces documents soient compatibles ou prennent en compte les
orientations fondamentales d’une gestion équilibrée de la ressource en eau.
315
Article L. 212-5-
2 du code de l’environnement
.
316
Ou Schéma directeur de la région Île-de-France.
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COUR DES COMPTES
500
Instaurer une consultation obligatoire des commissions locales de
l’eau, permettant de s’assurer du respect par les SCoT, PLU et PLUi de
l’obligation de compatibilité vis
-à-
vis des schémas d’aménagement et de
gestion des eaux, favoriserait une approche intégrée de la gestion de l’eau et
la cohérence de l’action publique. Cela donner
ait également plus de portée
aux Sage et augmenterait la probabilité d’atteindre l’objectif de bon état des
masses d’eau. Même s’ils présentent le risque de ne pas être suivis, des avis
simples pourraient dans un premier temps être demandés. Sans attendre une
modification législative, les CLE sont parfois déjà associées à des processus
d’élaboration de documents stratégiques au
-delà des Sage. Par exemple, la
commission locale de l’eau de l’Ouche et celle du bassin de la Tille, ainsi
que l’inter
-CLE Vouge-Ou
che, ont pu s’exprimer tout au long de la
procédure de révision du schéma de cohérence territoriale du Dijonnais.
L’ensemble de ces considérations amènent la Cour des comptes à
recommander d’adosser les commissions locales de l’eau aux Epage et
EPTB et de
renforcer leur rôle, tout en garantissant leurs moyens d’agir et
leur indépendance.
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UNE ORGANISATION INADAPTÉE AUX ENJEUX
DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
501
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
L’administration de la politique de l’eau mise en place depuis 1964 a
permis d’assurer l’alimentation en eau potable de la population et de
réduire
une partie de la pollution des milieux aquatiques. Cependant les résultats
obtenus ne permettent pas de garantir aux citoyens un accès durable à tous
les usages pour lesquels l’eau est indispensable, tout en préservant la qualité
de la ressource et en limitant les prélèvements à un niveau compatible avec
son renouvellement. Les schémas directeurs d’aménagement et de gestion
des eaux adoptés en 2022 pour la période 2022-2027 en témoignent,
puisqu’ils prévoient tous des objectifs moins stricts que le
bon état des
masses d’eaux en 2027, en recourant à la dérogation correspondante
autorisée et encadrée par la directive cadre sur l’eau.
La politique de l’eau est à la fois déconcentrée et décentralisée. Elle
offre
un
exemple
de
décentralisation
inachevée,
confiant
des
responsabilités importantes aux collectivités locales, conjuguées à une
intervention
permanente
de
l’État
qui
manque
de
cohérence.
L’intervention des collectivités locales souffre de son morcellement et elle
est trop souvent conduite à une échelle géographique inadaptée.
Une décentralisation plus effective des responsabilités contribuerait
à clarifier, pour les citoyens, la responsabilité des différents intervenants
dans la gestion de cette politique publique essentielle. Il convient de dépasser
les inconvénients résultant de la discordance entre la carte des bassins et
sous-
bassins hydrographiques et celle des services de l’État et des
organismes locaux participant à la gestion de l’eau.
C’est pourquoi, sans
préjudice des recommandations qu’el
le formulera dans un prochain rapport
plus général relatif à la gestion quantitative de l’eau, la Cour adresse
au
ministère de l’intérieur et des outre
-mer et au ministère de la transition
écologique et de la cohésion des territoires les recommandations suivantes :
1.
promouvoir
l’élaboration de schémas d’aménagement et de gestion
des eaux dans chaque sous-bassin versant (2024) ;
2.
promouvoir
,
dans
l’ensemble
des
territoires,
la
constitution
d’établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau et
d’ét
ablissements publics territoriaux de bassin favorisant une gestion
intégrée de l’eau à l’échelle d’un sous
-
bassin versant ou d’un groupe
cohérent de sous-bassins versants ;
3.
adosser
les commissions locales de l’eau aux établissements publics
d’aménagement et de gestion de l’eau ou établissements publics
territoriaux de bassin et renforcer leur rôle, tout en garantissant leurs
moyens d’agir et leur indépendance.
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Réponses
Réponse de la Première ministre
............................................................
505
Réponse du président du conseil départemental de la Côte d’Or
............
506
Réponse du président du Golfe du Morbihan-Vannes Agglomération ... 508
Réponse du
président de l’
établissement public territorial
de l’eau du Bassin Saône et Doubs
.........................................................
509
Réponse du président
de l’
établissement public territorial
de l’eau du Bassin Institution Adour
......................................................
510
Réponse du
directeur général de l’
agence
de l’eau Rhône
-Méditerranée-Corse
.......................................................
512
Réponse du président du syndicat Eau du Morbihan
..............................
513
Réponse du président du syndicat interdépartemental
des eaux du Nord de la France
................................................................
514
Destinataires n’ayant pas d’observation
Madame la directrice générale de l'agence de l'eau Seine Normandie
Destinataires n’ayant pas répondu
Monsieur le président du conseil départemental de la Gironde
Madame la présidente du s
yndicat mixte d’é
tude et de la gestion
de la ressource en eau du département de la Gironde (SMEGREG)
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RÉPONSE DE LA PREMIÈRE MINISTRE
Vous trouverez ci-
dessous les remarques qu’appelle le chapitre de
votre rapport annuel 2023 intitulé « Une organisation inadaptée aux
enj
eux de la gestion quantitative de l’eau
».
Tout d’abord, je me félicite que la Cour des comptes se soit saisie
du sujet de la gestion quantitative de l’eau, qui est majeur pour nos
concitoyens, dont la prise de conscience des enjeux du changement
climatiqu
e s’est largement accrue. Avec l’intensification des sécheresses
et la diminution de la ressource en eau disponible, le changement
climatique va accentuer les tensions autour du partage de l’eau. La
question de la répartition des compétences entre l’État e
t les collectivités
revêt ainsi un caractère politique majeur pour les années à venir.
La sécheresse intense et longue de l’été 2022 a mis à l’épreuve notre
gestion de la ressource en eau, dont vous qualifiez l’organisation
d’
« inadaptée ». Je tiens à souligner que le système a pourtant tenu bon et
qu’il a montré de vraies qualités. La situation a été bien anticipée et suivie
au niveau national, grâce au Comité d’anticipation et de suivi
hydrologique (CASH) piloté par le président du Comité national de l’ea
u.
Les mesures de restriction adaptées ont été mises
en œuvre et contrôlées
au niveau local, ce qui a évité des ruptures généralisées d’alimentation en
eau potable et permis le maintien des usages, dont le refroidissement des
centrales nucléaires.
Bien évidemment, le système est perfectible et nous devons en tirer
les enseignements pour les prochains étés. C’est le sens de la mission que
j’ai
confiée
à
l’Inspection
générale
de
l'environnement
et
du
développement durable (IGEDD), à l’Inspection générale des
affaires
sociales (IGAS), à l’Inspection générale des services (IGS) et au Conseil
général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux
(CGAAER) afin de dresser le retour d’expérience de la crise.
En matière d’adaptation de l’agriculture, le
Gouvernement a
conduit les travaux du Varenne agricole et du changement climatique et a
nommé un délégué interministériel chargé du suivi des actions et travaux
engagés. Contrairement à ce qu’indique la Cour des comptes, cette
délégation ne complexifie pas le paysage administratif. En effet, cette
délégation n’exerce pas de compétences vis
-à-vis des usagers : les
différents ministères, en particulier ceux de la transition écologique et de
la cohésion des territoires, et de l’agriculture et de la souverainet
é
alimentaire, ont chacun conservé leurs compétences. La délégation
s’assure de la bonne mise en œuvre des différentes actions du Varenne
agricole de l’eau. Le délégué interministériel garantit ainsi, par le bon
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COUR DES COMPTES
506
avancement de chacun des axes du Varenne, la
cohérence de l’action de
l’État. La délégation me rend compte, ainsi qu’aux deux ministres, de
l’avancement des actions.
Ensuite, je partage votre constat sur la nécessité de consolider la
gouvernance territoriale de l’eau, à l’échelle des bassins versant
s, qui sont
les périmètres pertinents de gestion de cette ressource. La constitution
d’établissements de bassin que la Cour des comptes recommande rejoint
l’action de l’État en la matière, notamment par le biais des stratégies
d’organisation des compétences locales de l’eau (SOCLE) adossées aux
schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).
En matière de planification, les schémas d’aménagement et de
gestion des eaux (SAGE) sont encore insuffisamment déployés, alors qu’ils
doivent fournir un cadre permettant la préservation à long terme de la
ressource, des milieux aquatiques et des différents usages, moyennant des
mesures fortes d’adaptation au changement climatique des secteurs
concernés. Ces démarches doivent se généraliser, en commençant par les
territoires identifiés dans les SDAGE 2022-2027 comme nécessitant des
SAGE prioritairement.
Pour répondre aux besoins des territoires, le ministère de la
transition écologique et de la cohésion des territoires a lancé un chantier
de modernisation de cet outil, afin de le rendre plus stratégique et
prospectif et d’en améliorer la portée.
En conclusion, je note que les trois recommandations du projet de
chapitre que vous avez bien voulu me soumettre rejoignent les constats et
propositions faites
par le Comité national de l’eau à l’occasion de ses
travaux de planification écologique et sur lesquels mon Gouvernement va
travailler dans les prochaines semaines.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL DÉPARTEMENTAL
DE LA CÔTE D’OR
Vous m'avez adressé le 22 décembre 2022 un chapitre intitulé « une
organisation inadaptée aux enjeux de la gestion quantitative de l'eau »
destiné à figurer dans le rapport public 2023 de la Cour des comptes.
Les investigations que vous avez menées, en liaison avec les
chambres régionales, vous ont permis d'appréhender l'incohérence de
l'organisation actuelle en matière de gestion quantitative de l'eau.
La lecture du projet de chapitre montre que d'autres collectivités
font également ce constat, ce qui conforte mon analyse.
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DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
507
J'en tire une double satisfaction. D'abord parce que les collectivités
que vous avez interrogées partagent ce point de vue et ensuite parce que
d'autres départements s'expriment en faveur d'une évolution du cadre
législatif. En effet, la nouvelle répartition des compétences issue de la loi
du 7 août 2015 dite loi « NOTRé » supprime la clause générale de
compétences des d
épartements les empêchant ainsi d’intervenir dans le
domaine de l'eau, dès lors que le projet concerne l'eau potable. Les
départements peuvent seulement être appelés au cofinancement sans
contribuer autrement au projet.
La réalité montre que le législateur a commis une erreur
d'appréciation à laquelle il convient de remédier.
L'eau constitue un bien universel qui doit être accessible à tous en
quantité comme en qualité quel que soit le lieu de résidence choisi.
L'organisation actuelle n'est pas satisfaisante, ni efficace, alors qu'il
appartient à la puissance publique d'assurer une répartition ajustée aux
besoins des territoires, au développement des activités et de l'habitat.
La commune présente un périmètre d'action trop restreint.
L'intercommunalité est surchargée et exsangue financièrement. Les
syndicats compétents en matière d'approvisionnement en eau potable, très
hétérogènes, font trop souvent face à des enjeux qui les dépassent. La
région est trop éloignée des préoccupations de terrain.
Le département, en revanche, chef de file des solidarités humaines
et territoriales apparaît comme l'échelon d'intervention le plus adapté. En
effet, sa composition, son organisation et sa présence territoriale
déconcentrée, son ingénierie et son assistance technique au profit des
communes et des intercommunalités notamment, lui permettent d'engager
une réflexion élargie transpartisane.
La restauration des compétences des départements en ce domaine
permettrait de répondre à la question que vous posez, à savoir
« l'introuvable collectivité territoriale cheffe de file ».
Je réitère à nouveau mon souhait que le Gouvernement et le
Parlement se saisissent de cette impér
ieuse réforme rendue d’autant plus
indispensable par les effets du changement climatique.
Conformément
aux
dispositions
du
code
des
juridictions
financières, je souhaite que le présent courrier soit publié avec le texte
définitif du rapport public annuel 2023.
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COUR DES COMPTES
508
RÉPONSE DU PRÉSIDENT
DU GOLFE
DU MORBIHAN-VANNES AGGLOMÉRATION
En premier lieu, nous faisons part de notre étonnement sur
l'intégration de l'encart relatif au Syndicat Eau du Morbihan (EDM), dont
est membre Golfe du Morbihan-Vannes agglomération (GMVa), dans ce
chapitre relatif à l'organisation administrative complexe de la gestion du
grand cycle de l'eau.
En effet, si le syndicat agit dans la gestion du petit cycle de l'eau
(eau potable notamment) et reste un acteur territorial essentiel dans la
gestion de la ressource eau, il n'a pas vocation à intervenir directement
dans la gestion du grand cycle de l'eau (Gemapi). Cette compétence est
gérée par GMVa qui compte 9 bassins versants et assure une coopération
effective avec l'ensemble des acteurs territoriaux impliqués.
En second lieu, sur le prétendu recul de la coopération, il est précisé
que les communes de Vannes et Séné font partie des 11 communes du
département non-adhérentes au Syndicat EDM, et ce avant même le
transfert de compétences. Ces deux communes représentent à elles-seules,
en terme quantitatif, plus de la moitié des besoins en eau à l'échelle du
territoire de GMVa. Dans le cadre du transfert de la compétence eau et
assainissement à GMVa, il était nécessaire d'assurer une gestion cohérente
à l'échelle du territoire.
Il est également souligné que dès 2018, GMVa a proposé au
Syndicat Eau du Morbihan le maintien d'une collaboration sous la forme
d'une convention de partenariat.
Depuis 2020, GMVa participe, aux côtés du Syndicat EDM, de
Lorient Agglomération et de l'établissement public territorial du bassin
Vilaine (EPTB), aux comités des producteurs d'eau. Cette cellule technique
vise à coordonner et à sécuriser l'approvisionnement en eau de l'ensemble
du département. GMVa a également participé à la rédaction de la
convention tripartite de Vente en Gros entre le Syndicat EDM, l'EPTB et
GMVa, actée par la délibération n° 35 du conseil communautaire du
16 décembre 2021.
L'appréciation d'une collaboration doit être envisagée sous
l'ensemble des formes qu'elle peut revêtir. Ces dernières années, GMVa a
œuvré au maintien d'une coopération effective par la signature de
conventions multipartites, incluant le Syndicat EDM, afin de répondre aux
exigences liées au transfert de compétence et à l'intention du législateur de
préserver l'action des grands syndicats d'eau potable.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
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DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
509
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT DE L’ÉTABL
ISSEMENT PUBLIC
TERRITORIAL DE L’EAU
DU BASSIN SAÔNE ET DOUBS
Par courrier en date du 22 décembre, vous avez bien voulu me faire
parvenir les extraits du chapitre du rapport public annuel 2023 de la Cour
des comptes concernant la gestion quantitative de l'eau, qui citent
l'établissement public territorial du bassin Saône et Doubs.
Cette rédaction fait suite à une consultation le 13/10/2022 à laquelle
nous avions répondu le 3/11/2022. Les modifications intervenues par
rapport à la version proposée ne me semblent pas traduire exactement les
intentions des acteurs et les risques encourus par notre structure lors de
l'ébranlement provoqué par les différentes évolutions législatives citées.
Aussi, je renouvelle mes observations en vous proposant de
conserver les formulations suivantes :
Consécutivement à l'adoption de la Loi MAPTAM, et aux souhaits
de l'État et de l'agence de l'eau de voir un recentrage de l'activité de l'EPTB
sur les axes Saône et Doubs pour favoriser l'émergence de structures
locales sur les affluents, des désaccords sont apparus... ».
En effet, votre formulation (« À la suite de l'adoption MAPTAM et
conformément à la volonté de l'État et de l'agence de l'eau de recentrer
l'activité de l'EPTB sur les axes Saône et Doubs, des désaccords sont
apparus... ») constitue à mes yeux un lapsus qui révèle bien que l'État et
l'Agence considèrent pouvoir « piloter » directement les activités d'un
Établissement Public issu de collectivités. Par ailleurs elle ne précise pas
les raisons de cette intervention.
Également, je vous avais proposé de préciser
« Ces modifications ont abouti à une baisse des contributions
globale des adhérents [...1, renforçant la dépendance de l'établissement
aux financements de l'État et de l'agence de l'eau et à leurs variations de
taux et de modalités ».
Vous avez retenu : « Ces évolutions ont abouti à une baisse des
contributions des adhérents ». Or, il me semble que cela passe sous silence
la dépendance financière des collectivités du monde de l'eau aux
différentes subventions et à leurs évolutions, qui explique en partie leur
fragilité
et
leur
susceptibilité
face
aux
différentes
évolutions
réglementaires subies.
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COUR DES COMPTES
510
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT DE L’ÉTABL
ISSEMENT PUBLIC
TERRITORIAL DE L’EAU
DU BASSIN INSTITUTION ADOUR
Par courrier référencé ci-avant, vous m'avez notifié des extraits du
chapitre destiné à figurer dans le rapport public annuel 2023 de la Cour
des comptes. En réponse à cette notification et sur la base des extraits que
vous m'avez notifiés, je souhaite formuler plusieurs remarques.
La première concerne le titre du chapitre une organisation inadaptée
aux enjeux de la gestion quantitative de l'eau ») ainsi que la dernière phrase
de l'introduction de ce chapitre (« il montre que l'efficacité de la politique de
l'eau souffre de la complexité et du manque de lisibilité de son organisation,
laquelle doit être structurée et clarifiée autour du périmètre des sous-bassins
versants ») En effet, en tant que président d'un établissement public
territorial de bassin dont le périmètre, le bassin versant de l'Adour, est
partagé d'un point de vue administratif, entre deux régions et quatre
départements, je ne peux que confirmer cette difficulté de prise en compte de
l'échelle bassin versant en termes d'organisation, notamment concernant
celle de l'administration déconcentrée de l'État. Comme indiqué aux deux
inspecteurs de la chambre régionale des comptes Nouvelle-Aquitaine, il me
semblerait pertinent que soit envisagée la possibilité de mise en place au sein
des services de l'état d'un « préfet de l'eau » et des services associés, et ce,
afin d'éviter les disparités entre les différents services déconcentrés
régionaux ou départementaux, et les difficultés d'exercice de la fonction de
Préfet coordonnateur de sous-bassin.
La seconde porte sur la partie II - B - 1 Constituer les établissements
publics territoriaux pour conduire l'action locale. Il y est mentionné que
« les syndicats mixtes constitués à l'échelle d'un ou plusieurs sous-bassins
versants devraient donc prioritairement prendre la forme, respectivement
d'Epage et d'EPTB réunissant les collectivités locales intéressées ».
Si je partage cette analyse, force est de constater que la qualification
d'EPTB ou d'Epage n'apporte pas, en l'état actuel du droit, de plus-value
suffisamment prégnante et, par ailleurs, n'est pas clairement portée par les
services déconcentrés de l'État en Adour-Garonne. J'en veux pour preuve
que les deux stratégies d'organisation des compétences locales de l'eau n'ont
apporté aucune préconisation concrète, seulement des recommandations,
contrairement à d'autres bassins (Rhin-Meuse, par exemple) et que le préfet
coordonnateur de bassin n'a, jusqu'alors, pas pris l'initiative de proposer des
périmètres d'EPTB ou d'Epage selon la procédure prévue au 2 0 du IV de
l'article L.213-12 du code de l'environnement.
En complément, et ce sera ma dernière remarque, dans la partie
précitée du rapport, vous développez l'exemple de I'ETPB Adour,
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UNE ORGANISATION INADAPTÉE AUX ENJEUX
DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
511
établissement que je préside depuis 2015, en mettant en exergue que, alors
que le bassin de l'Adour concerne 4 départements, 2 régions, 40 EPCI-FP
et 11 syndicats mixtes de rivière, seulement une partie des régions, EPCI-
FP et syndicats de rivière sont membres de I'EPTB. Il serait effectivement
pertinent voire indispensable que l'ensemble des différents niveaux de
collectivité soit membre de l'EPTB et c'est dans ce sens que j'ai porté la
transformation de l'EPTB fondé en 1978 sous la forme d'une institution
interdépartementale, en syndicat mixte ouvert à la carte.
En effet, dans l'objectif de rassembler le maximum de collectivités
intéressées à la gestion de l'eau dans sa dimension grand cycle à l'échelle
du bassin de l'Adour, les modalités d'adhésion fixées en accord avec le
comité syndical étaient les suivantes :
-
chaque collectivité dispose d'un siège et d'un nombre de voix variable
(de 1 à 6 voix) ;
-
la contribution statutaire appelée est symbolique (inférieure à 1000
par an pour les syndicats mixtes et les EPCI-FP et de 14 000
pour
la région.
Traduite dans ces modalités, la volonté qui anime le comité syndical
de l'EPTB est, en premier lieu, de rassembler toutes les collectivités
concernées du bassin de l'Adour, et ce afin d'assurer la représentativité
territoriale la plus pertinente, de consolider la gouvernance de L'EPTB et
ainsi de dimensionner une intervention la plus juste possible à l'échelle du
bassin. Cependant, aujourd'hui, aucune obligation d'adhésion à l'EPTB ne
prévalant, chaque collectivité est libre d'en devenir membre ou pas. En
effet, en l'état actuel du cadre législatif et réglementaire, il y a lieu de
distinguer la reconnaissance d'établissement public territorial de bassin
dont dispose l'Institution Adour telle qu'elle lui a été conférée par l'État,
laquelle lui confère sur la totalité du périmètre du bassin de l'Adour les
missions indiquées au l. du L. 213-12 du code de l'environnement, de son
statut de syndicat mixte ouvert dans le cadre duquel elle exerce des
missions définies dans ses statuts, pour le compte de ses membres, en vue
d'œuvres ou de services présentant une utilité pour chacun de ses membres
à l'échelle du périmètre d'intervention.
Dès lors, comme le confirme le I bis du R.213-49, rien n'impose que
l'adhésion de la totalité des collectivités (le type de collectivité visé pour
adhérer à un EPTB n'est d'ailleurs pas précisé dans les textes) soit requise
pour l'exercice des missions de coordination, d'animation, d’information
et de conseil à l'échelle du bassin dévolues aux EPTB. Aussi, les
qualifications d'EPTB et d'EPAGE, telles que définies dans le code de
l'environnement, si elles sont déterminées par la cohérence d'un périmètre
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512
hydrographique,
ne
sont
pas
inhérentes
à
l'exhaustivité
de
la
représentativité des collectivités concernées. Seule la forme de syndicat
mixte est requise. Dès lors, il me semblerait nécessaire d'envisager une
évolution réglementaire du label EPTB afin que l'ensemble des
collectivités
concernées
d'un
bassin
soit
automatiquement
(obligatoirement à l'image des communes rattachées à un EPCI-FP)
englobé et donc membre de l'EPTB et non plus sous forme d'une adhésion
volontaire qui aura toujours ses limites de contexte local et politique.
Au regard des changements climatiques à l'œuvre, la m
ission
confiée par la loi aux EPTB en termes de coordination et de mise en
cohérence de la gestion de l'eau (quantitative et qualitative, de surface et
nappes profondes) des milieux aquatiques, des zones humides, de la
biodiversité et de la prévention des inondations, passe inexorablement par
la fédération des multiples acteurs impliqués dans la politique de l'eau si
l'on veut privilégier efficacité et efficience des interventions et politiques
publiques locales dans ces domaines à l'échelle cohérente d'un bassin.
RÉPONSE DU
DIRECTEUR GÉNÉRAL DE
L’AGENCE DE L’EAU
RHÔNE-MÉDITERRANÉE-CORSE
Par courrier du 22 décembre 2022, vous m’avez transmis des
extraits du chapitre destiné à figurer dans le rapport public annuel 2023
de la Cour des comptes, intitulé Une organisation inadaptée aux enjeux de
la gestion quantitative de l’eau, et je vous en remercie.
La lecture de ces extraits appelle de ma part les remarques
suivantes :
Le retrait d’un certain nombre de départements du financement des
projets des collectivités du bloc communal est effectivement regrettable, car
les aides de l’agence sont parfois insuffisantes pour pouvoir accompagner
certaines collectivités dans des investissements pourtant indispensables en
matière d’alimentation en eau potable et d’assainisse
ment. Rien dans la
législation actuelle n’impose un tel retrait et nous avons de nombreux
exemples dans le bassin Rhône-Méditerranée de conseils départementaux
qui soutiennent les projets des communes et des intercommunalités dans le
domaine de l’eau et dont l’action est très complémentaire à celle de
l’agence
:
départements de l’Ain, du Doubs, de l’Hérault, de la
Haute- Saône, de la Haute-Savoie, par exemple (liste non exhaustive).
L’agence de l’eau Rhône
-Méditerranée-Corse a à ce titre
effectivement signé un accord-cadre avec le conseil départemental de la
Côte d’Or, qui renforce la synergie entre les actions conduites par les deux
signataires, dans le respect des compétences de chacun. Le contentieux
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UNE ORGANISATION INADAPTÉE AUX ENJEUX
DE LA GESTION QUANTI
TATIVE DE L’EAU
513
évoqué dans le chapitre est très spécifique et ne porte
pas sur l’intervention
du département en soutien à ces projets du bloc communal, mais sur la
volonté de ce conseil départemental de fournir de l’eau potable aux
collectivités, ce qui n’entre pas dans ses compétences.
Le constat dressé à l’échelle nationale en matière d’atteinte du bon
état des eaux masque une grande diversité de situations selon les bassins,
fruit de la diversité des pressions qui s’exercent sur les milieux aquatiques.
Ainsi, sur le bassin de Corse, 88 % des milieux aquatiques sont en bon état
écologique et 98 % en bon état chimique. Ce résultat remarquable résulte
pour l’essentiel de la faiblesse des pressions anthropiques (population
faible et concentrée sur le littoral, activités industrielles et agricoles peu
développées). A contrario, parmi les autres bassins de métropole, le bassin
Artois-Picardie, très densément peuplé, industrialisé et avec une
agriculture intensive est celui qui a le plus faible taux de masses d’eau en
bon état. En outre, ces pressions tendent globalement à augmenter
(augmentation de la population, de la fréquentation touristique, de l’usage
agricole de l’eau), et leurs effets sont aggravés par le changement
climatique (débits d’étiage plus creusés et généralisation des assecs,
augmentation de la température de l’eau
, etc.). Tout ceci rend beaucoup
plus difficile l’atteinte du bon état et menace à l’inverse de faire diminuer
le nombre de masses d’eau en bon état. Dans ce contexte, la question des
modes d’action mérite sans doute d’être posée, mais pas seulement à
l’aune de la seule politique de l’eau
: la politique en matière
d’aménagement des territoires, ou la politique agricole, par exemple,
peuvent en effet impacter de manière très significative l’état des masses
d’eau, selon la façon dont elles sont définies et co
nduites.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU SYNDICAT EAU DU MORBIHAN
Suite à votre courrier cité en référence, vous trouverez ci-après mes
observations sur le projet de chapitre « Une organisation inadaptée aux
enjeux de la gestion quantitative de l’eau
».
En préambule, je note que mes observations formulées par courrier
du 8 novembre 2022 ont été prises en compte et je vous en remercie.
Je m’interroge cependant sur la pertinence de l’encart relatif à Eau
du Morbihan, illustrant l’évolution de l’organisation des services d’eau
potable (petit cycle), dans un chapitre portant sur «
L’organisation
administrative complexe de la gestion du grand cycle de l’eau
» dans
lequel, au vu de l’extrait communiqué, cette question d’organisation
semble porter sur la compétence Gemapi.
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À ce titre, il convient de noter que le périmètre technique de la
production et de la distribution d’eau potable est par définition différent
du bassin versant. Pour autant, en termes de prélèvement et de gestion de
la ressource, Eau du Morbihan prend bien évidemment en compte sa
disponibilité à l’échelle du bassin, en lien et cohérence avec la collectivité
compétente en Gemapi.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU SYNDICAT
INTERDÉPARTEMENTAL DES EAUX DU NORD DE LA FRANCE
Par lettre en date du 22 décembre 2022, vous
m’avez transmis des
extraits du chapitre destiné à figurer dans le rapport public annuel 2023 de la
Cour des comptes et, dans votre correspondance, vous me demandez de vous
communiquer pour le 24 janvier au plus tard la réponse dont je souhaite la
publication conformément aux dispositions du code des juridictions financières.
Par la présente, je tiens d’ores et déjà à remercier la Cour pour
l’intérêt porté à notre
syndicat qui a été heureux de pouvoir apporter sa
contribution à l’enquête menée par la format
ion commune à la Cour et aux
c
hambres régionales des comptes sur la gestion quantitative de l’eau.
Dans le cadre de celle-ci, nous avons répondu aux demandes
formulées par monsieur le premier conseiller de la chambre régionale des
comptes des Hauts-de-France en évoquant notamment les interconnexions
que nous avons développées sur le territoire de compétence de notre
syndicat, incluant près de 650 communes réparties essentiellement sur les
départements du Nord, du Pas-de-
Calais et de l’Aisne.
Ces interconnex
ions, qui ont fait l’objet d’investissements réalisés ces
trente dernières années par notre syndicat, permettent au SIDEN-SIAN et à sa
régie SIDEN-SIAN
Noréade Eau de mutualiser les ressources d’origines
souterraines provenant de masses d’eau distinctes
situées sous les territoires
de différents s
chémas d’
aménagement et de gestion des eaux (SAGE).
Or, la délimitation des territoires des SAGE correspond aux bassins
versants hydrographiques des principaux cours d’eau et de leurs affluents qui
sont généralem
ent indépendants des contours des masses d’eau souterraines.
Il en résulte que, pour ce qui concerne l’alimentation en eau potable
des abonnés de notre régie SIDEN-SIAN
Noréade Eau, et uniquement à
cet égard, la pertinence de l’échelon
« SAGE »
s’avère l
imitée.
Ceci a d’ailleurs été pris en considération par la
préfecture du Nord
qui a étendu l’alerte sécheresse durant l’été dernier à l’ensemble du
territoire départemental.
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