Sort by *
5
Les déchets ménagers : un défi
au quotidien pour les intercommunalités
et un nouvel enjeu pour les régions
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Les déchets ménagers et assimilés (DMA) sont, pour l’essentiel, les
déchets municipaux produits quotidiennement par les foyers (80 %) et les
petits commerces et services (20 %). Ils sont principalement collectés en
porte à porte. Les DMA représentent 12 %
du volume de l’ensemble des
déchets produits en France (582 kg par habitant et par an dont la moitié
non triée, soit 249 kilos d’ordures ménagères résiduelles –
OMR) mais
61,5 %
des dépenses publiques de collecte et de traitement (10,9 Md€).
Le cadre législatif et réglementaire français de gestion des DMA a été
profondément révisé depuis 10
ans en vue d’instaurer une économie dite
« circulaire », qui considère les déchets comme des ressources réutilisables
et hiérarchise leurs modes de traitement dans l’ordre préférentiel suivant
:
prévention, réemploi, recyclage, valorisation énergétique, incinération sans
valorisation énergétique et enfin, stockage en décharge.
Cette orientation est d’autant plus nécessaire que 80
% des ordures
ménagères résiduelles pourraient faire l’objet d’une valorisation adaptée
à leur nature si elles étaient triées par les usagers et orientées vers des
filières de traitement spécifiques. Tel est le cas en particulier pour les
déchets organiques et ceux relevant d’une filière à responsabilité élargie
des producteurs (REP), comme les emballages en plastique.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
426
Si cette politique de prévention et de gestion des déchets ménagers
repose sur une organisation territoriale cohérente, articulant les
interventions des établissements de coopération intercommunale (EPCI),
des syndicats de traitement et, plus récemment, des régions, sa mise en
œuvre reste insuffisante
265
. Ainsi la France ne pourra rejoindre les pays
européens les plus avancés dans la maîtrise des déchets ménagers et
atteindre les objectifs nationaux qu’elle s’est fixés qu’au prix d’une
déclinaison et d’un suivi plus rigoureux de ces derniers et d’un
investissement accru des régions dans la planification et le financement de
la modernisation des installations de traitement.
I -
Les intercommunalités appelées
à promouvoir la prévention et le tri auprès
des citoyens
A -
Un service public intercommunal des déchets
transformé par l’économie circulaire
La France, jusqu’à présent, n’est pas parvenue à réduire le volume
d’ordures ménagères qu’elle produit. Les chiffres restent stables sur la
dernière décennie à 582 kg par habitant en 2019
266
soit une baisse de
seulement 0,9 %
par rapport à 2010 alors que l’objectif était de
- 10 %.
L’objectif supplémentaire de réduction pour 2030 (
- 15 % par rapport à
2010) sera donc difficile à atteindre au regard de la tendance actuelle.
265
Cour des comptes,
Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers : une
ambition à concrétiser
, rapport public thématique, septembre 2022.
266
Source SINOE
®
déchets, base de données sur la gestion des déchet ménagers et
assimilés, juin 2021. Les dernières données disponibles à la date de rédaction du présent
chapitre conce
rnent l’année 2019 pour les chiffres nationaux et l’année 2018 avec des
données provisoires pour les chiffres Eurostat.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
427
Graphique n° 1 :
production de déchets ménagers par habitant
en France depuis 2009
Source :
Cour des comptes, d’après des données du SINOE. Production
: en trait
plein, les tonnages constatés et en pointillés, les projections. Objectifs : à partir
des chiffres 2009 et des pourcentages de réduction prévus dans la loi
Cette difficulté à réduire les volumes de déchets produits doit
conduire à mettre en place une organisation de la gestion des déchets
tournée vers leur prévention et leur valorisation, et non plus leur simple
élimination. Cette organisation repose sur le double principe de la
hiérarchie des modes de traitement et de l’économie circulaire.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
428
Schéma n° 1 :
hiérarchie des modes de traitement
et économie circulaire
Source : Cour des comptes
Une partie du cycle de vie d’un produit qui aboutit
au déchet
échappe à l’action du citoyen. En amont, la production des objets est une
responsabilité des entreprises, désormais appelées par la loi à utiliser moins
de matières premières non recyclables dans le cadre de l’éco
-conception
des produits. En aval, leur prise en charge sous forme de déchets relève de
la responsabilité des collectivités territoriales et établissements publics
locaux qui doivent les collecter, recycler, incinérer ou enfouir. Les
établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) disposent
de manière obligatoire de l’ensemble de ces compétences. En pratique,
cependant, ils en confient une partie, correspondant généralement au
traitement des déchets, voire la totalité, à des syndicats intervenant sur une
plus vaste échelle géo
graphique. La marge d’action du citoyen s’insère
entre ces deux étapes « amont » et « aval ».
Les habitudes de consommation et le geste de tri, qui conditionnent
le recyclage et la valorisation des déchets, constituent le maillon essentiel
de la réussite de cette action citoyenne.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
429
Les lois récentes, prenant en compte ces priorités, ont mis l’accent,
en ce qui concerne la prévention, sur l’orientation du consommateur vers
les achats les moins producteurs de déchets et le réemploi et, pour la gestion
des déchets, sur le développement du tri des biodéchets et des plastiques.
1 -
Développer la prévention pour éviter la production de déchets
a)
L’orientation du consommateur vers l’achat écoresponsable
Le meilleur déchet étant celui qu’on ne produit pas, le consomma
teur
est invité à privilégier dans ses achats des biens plus durables, qui produisent
des déchets moins volumineux et plus facilement recyclables. Il ne peut agir
en ce sens que si l’industrie met sur le marché des produits bénéficiant à la
fois d’un effort d’écoconception et de logos fiables et compréhensibles. Ces
conditions ne sont pas encore remplies
aujourd’hui. Un quart des 1,2 million
de tonnes
d’emballages en plastique mis sur le marché en 2020 n’est pas
recyclable. Ces emballages pourraient être supprimés ou donner lieu à
substitution, notamment dans le cas des contenants à usage unique (qui
représentent 50 % des plastiques utilisés pour la consommation) ou sans
fonction technique (comme celle de protéger les produits alimentaires). Les
efforts récents de simplification des pictogrammes visibles sur les
emballages facilitent les gestes de tri. La confusion persistante des labels
verts
267
continue en revanche de perturber le geste d’achat
268
.
Pour encourager l’achat écoresponsable, l’État peut, dans le
cadre
du marché unique européen, interdire certains produits, imposer un taux
minimal d’incorporation de matières recyclées
et simplifier, harmoniser et
contrôler les logos et labels. Il peut aussi pénaliser l’achat des biens
produisant le plus de déchets
, par l’intermédiaire des cahiers des charges
imposés aux éco-
organismes. L’écocontribution versée par les entreprises
à ces éco-organismes diminue en effet leurs marges ou augmente le prix de
vente au consommateur.
267
Les labels verts désignent les produits qui respectent certaines normes
environnementales, sanitaires et sociales incluant la gestion des déchets. Ex : label NF
environnement, Écolabel européen, label pour forêt durable, indice de réparabilité,
global recycled stantard
,
organic content standard
,
bluesign
.
268
Cour des comptes,
L
e soutien à l’agriculture biologique
, rapport public thématique,
juin 2022.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
430
b)
Le réemploi et la réutilisation
Une des méthodes les plus efficaces pour diminuer la quantité de
déchets est de favoriser les actions dites en « R » (réparation, réemploi,
ressourcerie et réutilisation). Elles contribuent en effet directement au
prolongement de la durée de vie des produits et favorisent la transition vers
une économie circulaire.
Les collectivités territoriales doivent, depuis 2020, dans toutes leurs
déchetteries, disposer d’une zone de dépôt destinée aux produits
réemployables
. Elles ont l’obligation de permettre par contrat
aux acteurs
de l’économie sociale et solidaire d’y
récupérer et traiter les objets en bon
état et réparables.
En 2030, 5 % du tonnage de déchets ménagers, notamment des
textiles et des équipements électriques et électroniques et
d’ameublement,
devraient ainsi être orientés vers une seconde vie
269
. Au regard de certains
exemples étrangers, les marges de progrès restent en France considérables.
Des exemples étrangers de réseaux de réemploi
La Belgique (Flandre) et l’Autriche, considérées comme pionnières dans
ce domaine, ont mis en place des réseaux denses de réemploi/seconde main.
En Flandre, ces réseaux sont présents au travers de centres municipaux
(ou communs à plusieurs municipalités voisines) avec des objectifs de volume
par habitant. Les biens sont déposés par les habitants dans ces centres ou
collectés dans les déchèteries (une benne pour les biens hors d’usage et une
benne pour les biens réparables/réutilisables) afin d’être revendus.
En Autriche, le réseau « repanet » regroupe 35 organisations,
principa
lement des entreprises de l’économie sociale actives. Il emploie
1 800 personnes dans 140 lieux (principalement pour le textile et les
équipements électroniques).
2 -
Améliorer le tri :
les gestes de l’écocitoyen
Le développement de la qualité du tri constitue
l’autre enjeu
essentiel pour améliorer la gestion des déchets.
269
Article L. 541-1 I. 3° du c
ode de l’environnement
.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
431
a)
Le tri sélectif des bio déchets : un enjeu majeur
La séparation des biodéchets du flux des déchets résiduels et leur
exploitation par le compostage, l’épandage ou la méthanisation
ont un
impact déterminant sur le poids des ordures ménagères résiduelles (OMR).
Le tiers des OMR est encore en effet composé de biodéchets (75 kg
par habitant et par an). Or, le retour au sol de ces matières organiques,
composées majoritairement d’eau
, pour enrichir les sols agricoles ou leur
méthanisation pour produire de l’énergie seraient beaucoup plus utiles que
leur traitement par incinération.
Le code de l’environnement fixe l’objectif de la généralisation du tri
à la source des biodéchets au 31 décembre 2023. À cette date, chaque
citoyen devra disposer d’une solution lui permettant de ne pas jeter ses
biodéchets avec les ordures ménagères résiduelles. Deux solutions sont
envisageables :
soit la collecte séparée en porte à porte ou en point d’apport
volontaire, s
oit la gestion de proximité à l’aide de composteurs individuels
ou partagés en pied d’immeuble, à l’échelle d’un quartier ou d’un village.
Photo n° 1 :
les trois modalités du tri à la source des bio déchets
Source : présentation de la société Les Alchimistes à destination des juridictions financières, octobre 2020
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
432
Le compostage de proximité apparaît comme un axe de progrès,
y compris en milieu urbain, puisqu’il permet l’accès à un équipement pour
l’ensemble des usagers, professionnels et particuliers.
Des expérience
s de compostage partagé existent d’ores et déjà,
y compris dans des résidences collectives, parfois de taille importante, où
elles contribuent en outre au renforcement du lien social.
Une expérience de distribution de composteurs individuels
rapidement amortie
270
Depuis 2019, la communauté de communes de l’Île d’Oléron (CCIO)
a distribué 15 000 composteurs individuels gratuits et 50 à 60 composteurs
partagés pour les particuliers ne disposant pas d’assez d’espace. Les
économies sur la collecte et le traitem
ent représentent l’équivalent de
l’investissement en composteurs (120 000
).
Le coût de ce schéma de développement du tri est estimé à 10,5
M€
sur six ans mais la réduction du coût de traitement est évaluée à 14
M€
. Une
première évaluation produite en février 2021 met en évidence la valorisation
potentielle de plus de 10 % de biodéchets représentant près de 5 000 tonnes.
b)
Le tri des plastiques pour améliorer leur valorisation
Le plastique est aujourd’hui au cœur de plusieurs enjeux
environnementaux du fait des ressources consommées pour sa production
et de la quantité de déchets qu’entraîne sa courte durée d’utilisation,
comparée à sa longue durée d’élimination dans le milieu naturel. Ses
conséquences néfastes sont désormais bien connues sur l’empreinte
carbone, la santé et la biodiversité.
Le rattrapage du retard pris par la France dans le taux de recyclage
des plastiques, qui reste très inférieur aux moyennes européennes
271
, est
largement conditionné par la qualité de la collecte séparée de ces matières.
Le
développement de l’extension des consignes de tri (ECT) du plastique,
prévu par la loi, répond à cet objectif.
270
CRC Nouvelle-Aquitaine,
Communauté de communes de l’Île d’Oléron –
Saint-
Pierre d’Oléron
, rapport d’observations définitives, décemb
re 2021.
271
Le taux de recyclage des plastiques (permis par la collecte séparée) était, en 2018, de 24 %,
alors que la moyenne européenne atteignait 32 % (source : Données de
Plastics Europe
).
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
433
L’ECT consiste à demander à l’usager de déposer la totalité des
emballages plastiques (pots, barquettes, films, tubes, etc.), et non plus
seuleme
nt certains d’entre eux (bouteilles et flacons), dans le bac jaune et les
collecteurs de tri. Cette évolution vise à faciliter le geste de tri, à améliorer le
respect des consignes et à augmenter les quantités d’emballages collectés. Le
code de l’environne
ment prévoit son extension à tous les habitants avant
2022. Cependant, selon l’éco
-organisme Citeo, la proportion de la population
concernée n’était que de 70
% au 30 juin 2022.
Cette
amélioration
indispensable de
la qualité du
tri
doit
s’accompagner d’un
e responsabilisation accrue des entreprises qui mettent
sur le marché des emballages en plastique.
L’objectif chiffré de recyclage des
emballages assigné par l’État en 2020 aux éco
-organismes dans leurs cahiers
des charges (75 %
) n’a été atteint ni en 2020
(65 %) ni en 2021 (72 %).
B -
Les intercommunalités en première ligne
pour le financement et les innovations
1 -
L’exercice et le financement du service public
de gestion des déchets
Comme d’autres politiques décentralisées, celle relative aux déchets
doit trouver un équilibre entre une gestion au plus près des attentes des
citoyens pour répondre aux besoins spécifiques des territoires et un cadre
centralisé pour en garantir la cohérence.
Cet équilibre repose en France sur une mission de programmation
relevant
de l’État et, plus récemment, des régions et une mission
opérationnelle confiée aux intercommunalités (établissements publics de
coopération intercommunale).
L’État participe à la négociation des directives européennes avant
leur transposition ; il assure la programmation nationale et le contrôle des
installations classées. Les régions interviennent comme échelon de
planification intermédiaire.
La mission opérationnelle de collecte et de traitement des DMA
le
service public de gestion des déchets (SPGD)
est assumée principalement
par les intercommunalités. Elles assurent directement la collecte soit en régie,
soit par recours à un prestataire. Elles confient le traitement à des syndicats
préexistants, souvent de niveau départemental voire interdépartemental
(exemples : Sictoba
Basse Ardèche et Gard, Sytrad
Drôme et Ardèche).
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
434
Schéma n° 2 :
les dépenses du service public des déchets
Source : Cour des comptes
Cette politique est financée principalement par la fiscalité (Teom)
ou la tarification locale (REOM), à hauteur de 83 %.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
435
Graphique n° 2 :
répartition et financement des coûts de gestion
des déchets : charges et produits en euros par habitant
Source :
Cour des comptes, d’après Ademe, référentiel des coûts du SPGD, édition
2021 (chiffres 2018)
Note : le taux moyen de couverture des charges par les produits est de 105 %
. L’excédent des produits sur
les charges correspond principalement à la constitution de provisions pour de futurs investissements.
Les modalités de financement du service public par l’usager
Deux possibilités de financement existent pour les EPCI (ou les
syndicats) :
- la
taxe d’enlèvement des ordures ménagères (
Teom), basée sur la
valeur locative foncière, payée par le propriétaire du logement (qui peut la
faire régler par le locataire usager du logement) ;
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
436
- la
redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM), dite
« classique »
qui n’est liée qu’indirectement au service rendu (elle est
calculée selon le nombre de personnes habitant le logement par exemple) et
est
payée par l’occupant du bien.
Lorsque ces deux modalités comprennent des parts liées directement
aux quantités de déchets produits (volume ou nombre de bacs ou de sacs
remis), elles deviennent alors des tarifications, au moins pour partie,
incitatives (TeomI ou REOMI).
La taxe d’enlèvement des
ordures ménagères, modalité de
financement largement dominante, n’a pas de lien avec les quantités de
déchets produits par les usagers et ne présente donc pas de caractère
incitatif sur l’évolution de leur volume.
L’efficacité de la tarification incitati
ve a pourtant été confirmée par
plusieurs études récentes
272
. En moyenne, la mise en place de la tarification
incitative permet de réduire de 41 %
la quantité d’OMR et de 8
% celle des
DMA. En comparaison avec la moyenne nationale (249 kg par habitant en
2021), 97 % des intercommunalités qui produisent moins de 150 kg
d’OMR et
100 % de celles qui produisent moins de 100 kg
d’OMR par habitant avaient
recours en 2021 à une tarification incitative. La tarification incitative pousse
également à l’optimisation des
coûts de collecte et de traitement, comme l’ont
observé les juridictions financières dans plusieurs territoires (communauté
d’agglomération d
es Mauges et communauté urbaine de Besançon).
2 -
Un accompagnement passant principalement
par la communication et des actions innovantes
Si la limitation des déchets produits relève au premier chef des
entreprises, qui sont en mesure de réduire à la source la quantité de matières
mises sur le marché, le rôle des collectivités territoriales et des EPCI est
essentiel dans l’accompagnement du citoyen.
Les
actions
engagées
portent
très
majoritairement
sur
la
communication. Toutefois, dans certains territoires pionniers, encore
minoritaires, leurs effets peuvent être déterminants sur la prévention en
accompagnant la consommation responsable, l’autogestion des déchets
et
le geste de tri des citoyens.
272
Étude du commissariat général au développement durable de mars 2016 et étude de
l’A
deme
sur l’implantation de la
tarification incitative - TI (bilan à mi-parcours TI
AMO), 4 novembre 2021.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
437
a)
La communication, axe principal de l’accompagnement de l’usager
La communication est un élément indispensable de la prévention et
de la gestion des déchets, dont les intercommunalités se sont
progressivement emparées.
Les plans locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés
(PLPDMA), élaborés par les intercommunalités, sont leur plan d’actions pour
réduire les déchets. Ils comprennent un volet consacré à la communication.
Les actions de communication de ces plans sont centrées sur la
sensibilisation du public à travers la distribution de guides du tri et du
compostage, le recrutement d’
» ambassadeurs de tri » et de « référents
compostage » chargés de faire du porte à porte. Elles passent aussi par
l’organisation de manifestations grand public, l’édition de lettres
d’information, des animations scolaires, la fourniture d’autocollants
« stop
pub » et des actions en faveur de la propreté des espaces publics.
Toutefois, ces actions générales demeurent encore insuffisantes
pour contribuer à former des « écocitoyens ».
Comme le montrent le schéma ci-dessous et les expériences de
territoires pionniers en France et à l’étranger, les actions de prévention
couvrent un champ plus large que la seule communication.
Schéma n° 3 :
les actions de prévention accessibles aux collectivités
Source : Cour des comptes
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
438
b)
Des actions innovantes en faveur de la prévention à promouvoir
Plusieurs territoires ont pu réduire de manière significative leurs
quantités de déchets par des actions innovantes d'économie circulaire
financées dans le cadre d’un programme national. 153
EPCI, retenus au
terme d’appels à manifestations d’intérêt organisés dans le cadre du
programme « Territoire Zéro Déchet Zéro Gaspillage » (TZDZG), ont en
effet
bénéficié
d’un
soutien
financier
et
d’un accompagnement
méthodologique de l’Ademe pour l’élaboration de leurs plans d’actions.
Le plan local de prévention de Besançon
273
Le syndicat de traitement de l’agglomération de Besançon (Sybert)
a appuyé son action sur un plan Territoire Zéro Déchets Zéro Gaspillage
bénéficiant d’un soutien de l’Ademe de 450 000
.
Les orientations du plan 2015-2020 regroupaient :
-
des indicateurs clés de baisse de volume des OMR, des DMA et des
déchets dangereux ;
-
la
promotion
et
l’accompagnement
des
différe
nts
modes
de
compostage
en fonction de la densité de l’habitat
: collectif en pieds
d’immeuble, chalet de compostage, composteur électromécanique,
lombricompostage, composteurs individuels ;
-
des actions de sensibilisation du public : prêt de vaisselle réutilisable,
promotion d’un
« Gourmet Bag » auprès des restaurateurs pour prévenir
le gaspillage alimentaire ;
-
des dispositifs d’évitement des déchets
: prêt de kits de couches lavables,
promotion du réemploi et de la réparation à travers l’installation de l
ocaux
dédiés aux ressourceries dans les déchèteries.
À côté d’autres mesures comme l’extension des consignes de tri, ces
actions ont contribué à la réduction des OMR, qui ne représentaient plus que
136 kg par an et par habitant fin 2020, soit une très bonne performance par
rapport à la moyenne nationale (249 kg), à la performance de cette
agglomération en 2014 (154 kg) et aux meilleurs ratios des territoires ruraux
(95 kg).
273
CRC Franche-Comté,
Syndicat de traitement de l’agglomération de Besançon
(Sybert)
, rapport d’observations définitives, janvier 2021.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
439
Des initiatives plus ciblées portent par exemple sur la lutte contre le
gaspillage alimentaire avec le réseau Regal (réseaux de lutte contre le
gaspillage alimentaire
), lancé par le ministère de l’agriculture. Elles visent
à mobiliser, à l'échelle d'un territoire régional (Regal Normandie, Grand
Est, Provence-Alpes-
Côte d’Azur) ou infra régional (
Regal Hauts-de-
France/Saint-Quentinois), l'ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire
(professionnels de l’alimentation, assoc
iations, acteurs institutionnels,
porteurs de projets, citoyens).
L’enjeu de l’aménagement de déchetteries plus tournées vers la
récupération et la valorisation a conduit le syndicat mixte intercommunal
de collecte et de valorisation du libournais (SMICVAL) à proposer en 2017
un premier « supermarché inversé » basé sur le don.
Une expérience innovante : le supermarché inversé
Le « supermarché inversé » est une structure complémentaire de la
déchetterie traditionnelle et accolée à celle-
ci, qui propose, à la manière d’un
magasin classique (avec un système de rayonnages) un ensemble d’objets
et de matériels qui ont été dépos
és par d’autre usagers.
La
différence
avec
une
recyclerie
réside
dans
l’absence
d’intervention (réparations) sur les objets proposés et la totale gratuité du
service. Les propriétaires qui laissent des objets doivent seulement s’assurer
qu’ils fonctionnent
.
Le concept ne repose pas sur le troc :
il n’y a pas obligation de
déposer pour récupérer.
Le succès de ce premier supermarché inversé (10 000 objets déposés
chaque année) a conduit le SMICVAL à ouvrir un second « magasin » en
2022
274
.
Les intercommunalités sont en première ligne pour faire face à ces
enjeux nouveaux de proximité. Comme le montrent ces exemples, elles
disposent des ressources, de la créativité et des compétences suffisantes
pour y faire face. La situation peut être différente à l’égard des
responsabilités plus complexes et plus éloignées de la vie quotidienne,
qu’elles délèguent à des syndicats de traitement.
274
Ces initiatives ne sont pas limitées aux villes de petite taille, comme le montre
l’exemple de Munich. Cette ville
a ouvert en 2016 un lieu dédié au réemploi, à la
réparation et à l
économie circulaire, « Halle 2 », qui permet d
éviter chaque année la
production de 1 000 tonnes de déchets, de proposer des alternatives au neuf et de créer
du lien entre habitants et acteurs locaux.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
440
II -
Les syndicats départementaux et
interdépartementaux de traitement confrontés
au défi de la modernisation des installations
Le traitement des déchets collectés regroupe leur préparation (tri
dans des centres de tri préalable au traitement), leur valorisation (recyclage,
valorisation organique et énergétique) et leur élimination (stockage en
décharge ou incinération sans valorisation énergétique).
A -
Une transformation en profondeur du traitement
Les installations de traitement des déchets nécessiteront dans les
prochaines années de lourds investissements en raison tant d’évolutions
techniques que des objectifs ambitieux que la France s’est f
ixés en matière
de recyclage et d’élimination.
1 -
Une évolution technique des modalités de traitement
Le traitement des déchets se trouve aujourd’hui dans une phase
intense de modernisation. Comme le montre le graphique ci-dessous, la part
des déchets recyclés a augmenté de huit points et celle des déchets enfouis
dans des décharges a diminué de manière symétrique entre 2009 et 2018.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
441
Graphique n° 3 :
évolution des modes de traitement des déchets
municipaux en France sur la période 2009-2018
Source :
Cour des comptes d’après les dernières données disponibles d’Eurostat
a)
La première étape du traitement : les centres de tri
Les centres de tri doivent être adaptés et automatisés pour améliorer
la qualité du tri et donner leur plein effet aux mesures d’élargissement du
tri à la source (déchets plastiques et organiques). Alors même que les
nouveaux emballages en plastique devaient, à partir de 2022, être admis en
centres de tri dans toute la France et que leur automatisation a fait l’objet
d’un vaste programme pluriannuel, soutenu
par les fonds de l’Ademe et du
plan de relance, un quart des syndicats de traitement n’a pas encore adapté
ses équipements. Les syndicats de traitement doivent par ailleurs continuer
à augmenter leurs capacités (qui sont passées de + 50 % entre 2000 et 2016)
tant que la prévention et le réemploi n’auront pas réduit drastiquement les
volumes de déchets (+ 40 %
en moyenne d’augmentation des flux collectés
en déchèteries).
Ces investissements devront s’accompagner d’une restructuration
du maillage territorial des centres de tri français. Ceux-ci se caractérisent
en effet par un coût élevé, une performance insuffisante, une taille modeste
et une dispersion sur le territoire
275
.
275
Leur zone moyenne de chalandise couvre 250 000 habitants, contre 500 000 en
Espagne et 1 000 000 en Allemagne et en Belgique (Ademe, mai 2014).
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
442
b)
La deuxième étape du traitement :
les installations exutoires des déchets triés
Les plateformes de compostage et de méthanisation vers lesquelles
sont orientés les déchets ménagers organiques non compostés en foyer vont
voir leur nombre croître fortement dans les prochaines années.
Les installations de stockage, dont le nombre a été divisé par deux
entre 2000 et 2016, ont été agrandies et modernisées pour permettre
notamment de récupérer et de valoriser les gaz qui s’en échappent.
Les installations de valorisation énergétique (UVE) sont en
revanche vieillissantes (28 ans en moyenne) et mal distribuées sur le
territoire. Elles doivent s’adapter à la forte augmentation des tonnages
incinérés (+ 40 %
en 15 ans), aux besoins d’une production d’énergie de
proximité et à la valorisation des combustibles solides de récupération
(CSR
276
). Elles doivent aussi se moderniser pour respecter les normes
européennes de rendement énergétique et d’impact environnemental,
auxquelles seulement 44 %
sont adaptées aujourd’hui, et pour mieux
contribuer à l’alimentation des réseaux de chaleur urbains
277
.
2 -
Des objectifs de traitement ambitieux
Les données aujourd’hui disponibles
278
sur le taux de recyclage des
déchets ménagers en France (44 %
) montrent qu’il se situe légèrement en
dessous de la moyenne européenne.
276
Les CSR, déchets ultimes à haut pouvoir calorifique, représentent la fraction triée
mais non recyclable issue des centres de tri et destinée à une valorisation énergétique
industrielle.
277
Cour des comptes,
Le chauffage urbain
, rapport public thématique, septembre 2021.
278
Une harmonisation européenne des données est en cours, qui pourrait améliorer à la
marge les indicateurs des pays qui n’enregistrent que l
es flux sortants des centres de tri
vers une filière de valorisation
matière ou organique sans inclure, comme d’autres pays,
leurs flux entrants.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
443
Graphique n° 4 :
part recyclée dans la production totale
de déchets municipaux (en kg/habitant/an)
Source :
Cour des comptes d’après données Eurostat (2020)
Un chemin significatif reste donc à parcourir pour rejoindre les pays
les plus avancés, comme l’Allemagne, l’Autriche, les Pays
-Bas et les pays
scandinaves et surtout atteindre les objectifs actuels de « valorisation
matière »
279
fixés
par le code de l’environnement
: 55 % en 2025, 60 % en
2030 et 65 % en 2035, soit 21 points de plus que les dernières données
disponibles. Les taux de valorisation observés aujourd’hui sont él
evés en
zone rurale, mais beaucoup plus faibles dans les territoires urbains.
Dans un rapport publié en 2020 au titre du règlement UE
n° 1176/2011, la Commission européenne a estimé que ces objectifs
nécessiteraient en France des investissements estimés à
3,3 Md€ sur la période
2021-2027, dont environ 1,5
Md€ à la charge des collectivités territoriales,
soit le niveau le plus élevé de l’Union européenne en valeur absolue.
L’écart constaté entre, d’une part, les résultats des pays voisins de la
France et, d’
autre part, les objectifs fixés dans la loi est moins significatif
pour les modes de traitement de dernier ressort. Ainsi, l’incinération
représente 35 % des exutoires en France, contre 29 % pour la moyenne
européenne. L’objectif est d’en réduire la part à
25 % en 2035. La part des
279
Cf. le
4° de l’article L. 541
-
1 du code de l’environnement
, issu de la loi du 17 août
2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (dite « loi LTECV »).
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
444
déchets enfouis dans des décharges s’établit à 21
%, contre une moyenne
européenne de 23 %
. L’objectif est de la réduire à
10 %
en 2035. L’atteinte
de ces objectifs reste cependant incertaine au regard de la tendance observée.
Graphique n° 5 :
situation constatée et objectifs de débouchés
pour les déchets ménagers
Source : Cour des comptes à partir des données Eurostat
B -
La difficulté des syndicats de traitement
à faire face seuls à cette transformation
L’évolution technique des lourdes infrastruc
tures de tri ou de
traitement (unités de valorisation énergétique, méthaniseurs) et l’ambition
des objectifs fixés par le législateur impliquent que les opérateurs aient une
taille suffisante pour réaliser des économies d’échelle et mutualiser les
coûts d’exploitation et d’amortissement.
Cette contrainte incite déjà les syndicats de traitement à des
regroupements à une échelle départementale, voire supra départementale.
Or, nouer des partenariats à ces échelles élargies, mobilisant un nombre
important d’act
eurs aux profils et intérêts potentiellement divergents à
l’échelle de zones géographiques vastes, n’est pas aisé. Les syndicats de
traitement ne disposent par ailleurs pas toujours des capacités financières et
techniques pour financer les investissements de modernisation nécessaires et
assurer la gestion des équipements.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
445
L’unité de valorisation énergétique de l’agglomération d’Annecy
:
un équilibre économique qui ne peut plus être assuré
sans changement d’échelle
Dans un contexte de baisse continue des volumes de déchets à
incinérer,
le syndicat mixte de traitement des déchets du lac d’Annecy (SILA)
n’est plus en mesure d’assurer la via
bilité économique de son incinérateur
avec ses seuls adhérents. Aussi recherche-t-
il d’autres syndicats qui pourraient
apporter des volumes d’OMR supplémentaires pour faire fonctionner sa
nouvelle usine de valorisation énergétique au maximum de ses capacités.
Selon qu’il parviendra ou non à trouver ces nouveaux partenaires, ses
tarifs de traitement pourraient varier, d’ici 2026, d’une baisse de 8
% (en cas
d’une arrivée suffisante d’OMR), à une augmentation de 9,5
% (sans apport
de tonnages complémentaires).
Dans ce contexte, les choix technologiques et le dimensionnement
des installations (fours, centres de tri, méthaniseurs) nécessitent un effort
d’anticipation et d’adaptation lors de la programmation des équipements.
Une telle analyse implique une capacit
é d’expertise des collectivités
territoriales et de leurs groupements pour, le cas échéant, remettre en
question les offres techniques du secteur très concentré de l’industrie des
déchets. À défaut, le risque existe d’investir massivement dans des
solutions de traitement inadaptées, tel le tri mécano-biologique (TMB)
280
,
qui a par la suite été remis en cause par le législateur.
Ces investissements doivent être coordonnés et répartis de manière
cohérente pour atteindre un bon équilibre entre proximité et efficacité et
pour adapter les exutoires aux flux de déchets et aux nouvelles normes de
traitement. Pour atteindre ces objectifs multiples, les syndicats de
traitement gagneraient à s’appuyer davantage sur les régions, compte tenu
des compétences qu’elles exer
cent déjà.
280
Le traitement mécano-
biologique permet d’extraire
la fraction organique des déchets
ménagers en les séparant des autres matériaux recyclables (métaux, plastiques et verre).
La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire
(dite « loi AGEC
»), qui interdit d’utiliser cette fraction organique dans la fabrication
de compost à partir de 2027, fait perdre de sa pertinence au TMB.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
446
III -
Les régions, acteurs clefs en soutien
des syndicats de traitement
Conformément au principe de libre administration des collectivités
territoriales, les niveaux supra-
intercommunaux, c’est
-à-
dire l’État et les
régions, interviennent aujourd’hui e
n recourant principalement aux outils
de planification et de cofinancement. Le renforcement de ces outils
implique moins une évolution significative des compétences de l’État ou
de ses opérateurs qu’une plus grande implication des régions.
A -
La difficile coo
rdination par l’État
de l’action des syndicats de traitement
1 -
L’insuffisance de la planification
Pour assurer la déclinaison par les intercommunalités des objectifs
législatifs nationaux
281
, l’État s’appuie sur plusieurs leviers. Outre sa
responsabilité de contrôle des installations classées, ses crédits budgétaires
de soutien à l’investissement local et son pouvoir réglementaire sur les
filières REP, il utilise un instrument de droit souple : la programmation.
Les plans nationaux de prévention et de gestion
282
constituent la
version française des instruments de programmation prévus par la
directive-cadre sur les déchets du 19 novembre 2008. Ces plans reprennent
les objectifs législatifs en précisant les modalités pour les atteindre.
La programmation nationale se décline ensuite en cascade de plans
régionaux et locaux
283
, dans lesquels les EPCI et syndicats concernés
arrêtent leurs objectifs chiffrés et leurs modalités de mise
en œuvre.
281
Le code de l’environnement (
article L. 541-1 4°
ter
) fixe pour le SPGD une quarantaine
d’objectifs chiffrés de réduction et de traitement des déchets avec une échéance
(exemple :
tendre vers l’objectif de 100
% de plastiques recyclés au 1
er
janvier 2025).
282
Plan de prévention (plan national de prévention des déchets - PNPD) et plan de
gestion (plan national de gestion des déchets - PNGD).
283
Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des
territoires (Sraddet), plans régionaux de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) et
programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés (PLPDMA).
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
447
Pour être à la hauteur des défis à relever et faire face au besoin d’un
maillage d’installations de traitement moderne et cohérent, ces différents
plans doivent être précis sur leurs objectifs et leur suivi, couvrir tout le
territoire et bénéficier de financements des échelons supérieurs. Or ces
conditions ne sont, le plus souvent, pas réunies.
Les plans locaux ne couvraient que 13 millions d’habitants en 2019
et 90 %
d’entre eux fixent des objectifs chiffrés moins ambitieux que les
objectifs nationaux.
En outre, l’État ne s’est pas donné les moyens d’assurer un suivi de
ses objectifs dans chaque territoire. Les comptes rendus annuels d’activité
que les intercommunalités doivent réaliser sont mal renseignés et produits
en retard. La synthèse qu’en
réalise l’Ademe est dès lors très tardive et ne
peut être utilisée pour corriger les tendances observées.
2 -
Les limites des cofinancements nationaux
Les fonds dont dispose l’État,
via
l’Ademe, pour accompagner la
politique des déchets, notamment la restruct
uration de l’outil industriel de
traitement, proviennent du reversement d’une part de la recette de la taxe
générale sur les activités polluantes (TGAP).
La TGAP est entrée en vigueur le 1
er
janvier 2000 avec l’objectif
d’appliquer le principe pollueur
-payeur et de lever des fonds pour financer
les politiques environnementales. L’augmentation progressive des taux de
TGAP jusqu’en 2025 enchérit le coût de la tonne enfouie et, dans une
moindre mesure, celui de la tonne incinérée.
La hausse de la taxe a l’inco
nvénient de frapper indistinctement les
déchets qui pourraient être mieux triés grâce à l’intervention des EPCI et des
syndicats de traitement (ex : les nouveaux emballages en plastique admis
dans la poubelle jaune et les biodéchets) et certains déchets volumineux non
recyclables du fait des choix techniques des entreprises. De nouvelles filières
REP se mettent en place pour prendre en charge ces déchets (secteurs des
lingettes, jouets, bâtiment, bricolage, jardin, sports et loisirs) mais les EPCI
et syndicats doivent assumer financièrement la longue phase de transition
vers cette prise en charge.
La répercussion des charges correspondantes sur le coût global de
gestion des déchets suscite des débats, notamment au sein des associations
de collectivités territoriales. Ils portent plus particulièrement sur les
modalités d’application de la taxe et sur la destination des recettes collectées.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
448
En 2021, le produit de la TGAP prélevée sur les organismes en
charge du traitement des déchets s’est élevé à 787
M€
. Cette même année,
le montant alloué aux fonds « économie circulaire » et « chaleur » de
l’Ademe a été de 534
M€
.
Les associations de collectivités territoriales critiquent cet écart et
demandent la restitution intégrale, sous la forme de soutiens financiers à la
prévention et la gestion
des déchets, des hausses de TGAP qu’elles ont
subies depuis 2016.
B -
Le nécessaire renforcement du rôle des régions
1 -
Un rôle de planification à affirmer
Les compétences des régions en matière de déchets ont été
renforcées par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le
gaspillage et à l’économie circulaire (dite
« loi AGEC »), qui leur a conféré
un rôle d’animation et de coordination des acteurs de l’économie circulaire.
En
matière
d’installations
classées
pour
l
a
protection
de
l’environnement (ICPE), les régions s’appuient sur les directions
régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal),
services déconcentrés de l’État chargés de délivrer les autorisations. Ces
deux acteurs se concertent
dans la mise en œuvre du plan régional pour
éviter la création ou la poursuite de l’exploitation d’installations de
traitement inadaptées aux besoins du territoire.
Les régions apportent leur assistance technique aux EPCI et aux
syndicats de traitement, en partenariat avec les éco-
organismes et l’Ademe.
Grâce à un suivi dynamique des données, elles veillent à la déclinaison
territoriale de leurs objectifs. Elles les soutiennent aussi en matière de choix
technologiques et de dimensionnement de leurs installations de traitement.
Les observatoires régionaux constituent un outil primordial des
régions pour la mise en œuvre de leurs plans, le suivi des objectifs chiffrés
des syndicats et des EPCI, la collecte et la diffusion des données et la
concertation dans
les territoires. Cependant ils n’existent pas dans toutes les
régions et, lorsque c’est le cas, ne disposent pas toujours des ressources
nécessaires
284
.
284
Il n’y a pas d’observatoires en
Centre-Val de Loire, en Martinique, en Polynésie
Française, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
449
La déclinaison opérationnelle de la stratégie régionale
en Provence-Alpes-
Côte d’Azur (
Paca) et dans le Grand Est
La région Paca
a conclu des contrats d’objectifs
avec des EPCI
(35 fin 2022)
volontaires pour, en contrepartie d’une contribution au
financement d’équipements de traitement des déchets, de prestations
d’ingénierie et d’actions de prévention, s’e
ngager dans une démarche de
prévention et de gestion des déchets en cohérence avec la planification
régionale (réduction des OMR, développement du tri et du recyclage, mise en
place d’une tarification incitative ou encore inscription dans les documents
d
’urbanisme et de programmation budgétaire des équipements nécessaires).
La région Grand Est a adopté en 2021 un programme d’accélération
pour une économie circulaire, qui se veut la déclinaison opérationnelle du
volet « déchets et énergie » de son plan.
Un
partenariat étroit noué avec la Dreal lui permet notamment d’être
associée aux autorisations d’exploitation des installations de traitement afin
d’accélérer la réduction de l’enfouissement des déchets. La région articule
aussi son action avec celle de l’A
deme pour animer une communauté de
partage des pratiques de gestion des déchets et financer la réalisation des plans
locaux, des études sur la tarification incitative ou des travaux de
modernisation des déchèteries.
La région Grand Est a été l’une des prem
ières à créer en 2019 un
observatoire des déchets, qui joue un rôle primordial en matière d’information
et d’appui aux collectivités locales et aux entreprises sur tous les types de
déchets. La région consacre à cette structure 1
M€
par an et y a affecté 1,5 ETP.
Dans le cadre de leurs responsabilités en matière de développement
économique et à l’égard des filières productrices de déchets non ménagers
(déchets des activités économiques et du BTP, déchets dangereux), les
régions pourraient également participer au suivi du bon accomplissement
des objectifs des filières REP des déchets ménagers sur leurs territoires.
Pour y parvenir, ces objectifs, fixés par leurs cahiers des charges et repris
par arrêtés ministériels, devraient être déclinés et suivis à l’éche
lle des
régions et de chaque EPCI. Les informations transmises par les éco-
organismes
285
seraient suivies par les observatoires régionaux. Les régions
disposent, à l’égard de ces filières, de moyens (subventions, critères
environnementaux des marchés publics) leur permettant de peser sur la
bonne atteinte des objectifs régionaux.
285
Articles L. 541-15-2 et D. 541-20 du c
ode de l’
environnement.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
450
Schéma n° 4 :
un rôle des régions à affirmer
Source : Cour des comptes
Certaines régions ont déjà engagé cette déclinaison opérationnelle
dans leur plan par l’intermédiaire de contrats signés av
ec les éco-
organismes. Ces démarches doivent être généralisées et enrichies.
2 -
Un rôle de financeur à instituer
Pour donner toute leur portée à ces actions d’animation et de
coordination et permettre une déclinaison territoriale optimale des
investissements à réaliser, notamment les plus coûteux, les régions doivent
prévoir également des aides financières pour les maîtres d’ouvrage.
Aujourd’hui, elles financent des études et des prestations
d’ingénierie au bénéfice des EPCI, bien plus que des travaux. Même da
ns
le cas où elles sont engagées dans le cofinancement de certaines
installations, leur apport reste modeste au regard du coût élevé des
équipements de traitement.
Pour renforcer l’implication des régions aux côtés des EPCI, la loi du
21 février 2022 relative à la différenciation, à la décentralisation, la
déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action
publique locale (dite « 3DS ») du 21 février 2022
286
a prévu la délégation
aux régions d’une partie des fonds
« chaleur » (transition énergétique) et
« économie circulaire »
, actuellement gérés par l’Ademe. L’agence délègue
aux régions volontaires l’attribution de subventions et de concours financiers
au titre de sa contribution au contrat de plan État-région. Elle ne peut
286
Article L. 131-
6 du code de l’environnement
.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
451
s’opposer à la délégation d’un montant annuel de subventions représentant
un maximum de 75 %
de la moyenne des crédits qu’elle a mobilisés dans le
cadre du dernier contrat de plan État-région.
Cette délégation pourrait représenter un transfert de crédits aux
régions estimé à 20 % du montant des fonds « économie circulaire » et
« chaleur »
, soit de l’ordre de 100
M€
287
. Ces crédits répartis sur l’ensemble
des régions sont modestes au regard des besoins d’infrastructures. Ils ne
pourront donc pas constituer un levier suffisant pour enclencher un
investissement. Ils devraient toutefois permettre aux régions de s’engager
davantage en faveur de la transition vers une économie circulaire.
Du fait de leur positionnement (proximité avec les EPCI,
responsabilité dans l’élaboratio
n et le suivi des Sraddet
, vision d’ensemble
de la problématique de déchets), les régions apparaissent en effet légitimes
pour recevoir délégation de ces financements de l’Ademe.
Dotées de ces moyens supplémentaires, elles pourraient, par
exemple, assurer,
via
leur observatoire des déchets, la collecte et la
consolidation des données des EPCI et la production de tableaux de bord
synthétiques. Les régions qui ne le font pas déjà pourraient aussi apporter
aux EPCI une assistance technique « de transition », pour faciliter le
passage à la tarification incitative, généraliser le traitement à la source des
biodéchets ou encore moderniser leurs déchèteries.
L’attribution aux
régions de ces nouvelles ressources devrait également leur permettre de
financer davanta
ge les travaux de création, d’adaptation et de
modernisation des équipements structurants pour le territoire (centres de
tri, unités de valorisation énergétique (UVE), méthaniseurs, etc.), qui sont
indispensables à la concrétisation des objectifs nationaux.
Les juridictions financières invitent donc les régions à se saisir de la
faculté qui leur est ouverte par la loi de demander une délégation de crédits
de l’Ademe pour affirmer leur rôle de planificateur, d’animateur, de
coordonnateur et de cofinanceur de
s acteurs de l’économie circulaire
(collectivités territoriales et leurs groupements, entreprises, filières REP).
La généralisation dans toutes les régions de cette délégation de crédits
offrirait par ailleurs l’occasion de clarifier les domaines d’interve
ntion
respectifs des régions et de l’Ademe en veillant à respecter à la fois les
critères de cohérence nationale fixés par l’Agence et l’autonomie d’emploi
des crédits par les régions.
287
En 2021, le fonds « économie circulaire » a été doté de 164
M€
et le fonds
« chaleur » de 370
M€
.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
452
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La politique de prévention et de gestion des déchets ménagers
répond aux enjeux globaux, inscrits dans les objectifs de développement
durable de l’Agenda 2030 des Nations
-Unies
288
. Cette dimension amène
l’État, dans le cadre des directives européennes, à réglementer et à taxer
les produits générateurs de déchets et à fixer des objectifs chiffrés de baisse
des ordures non triées et non recyclées. Mais cette politique repose aussi
sur l’action quotidienne de chaque citoyen. Pour l’accompagner dans cette
démarche, une intervention de proximité des collectivités territoriales est
nécessaire. Les intercommunalités demeurent à cet égard l’acteur de
terrain en capacité de promouvoir la prévention, l’éco
-exemplarité, le
réemploi et surtout la collecte. Le traitement des déchets, de plus en plus
complexe et onéreux, nécessite une implication accrue des régions aux
côtés des syndicats de traitement, avec l’appui technique de l’Ademe.
La Cour formule les recommandations suivantes :
1.
confier en 2023 aux observatoires régionaux de la gestion et de la
prévention
des déchets le suivi de la mise en œuvre par les
intercommunalités des objectifs nationaux (ministère de la transition
écologique et de la cohésion des territoires, régions) ;
2.
généraliser les contrats entre éco-organismes et régions pour la
déclinaison des objectifs nationaux de ces filières au niveau régional
(régions) ;
3.
intégrer dans chaque contrat de plan État-région la délégation des
crédits de l’Ademe en matière de transition énergétique et d’économie
circulaire (ministère de la transition écologique et de la cohésion des
territoires, régions).
288
ODD n° 12 (consommation et production responsables) et ODD n° 11 (villes et
communautés durables dont gestion municipale des déchets).
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Réponses
Réponse du ministre de la transition écologique
et de la cohésion des territoires
...............................................................
455
Réponse de la présidente de l’
association Régions de France
................
458
R
éponse du président de l’
association Intercommunalités de France
.....
463
Réponse du président de l’
association nationale des collectivités,
des associations et des entreprises pour la gestion des réseaux
de chaleur, de l'énergie et des déchets (Amorce)
....................................
466
Réponse du président du syndicat mixte de traitement des déchets
du lac d’Annecy (S
ila)
............................................................................
469
Destinataires n’ayant pas répondu
Madame la présidente de l’
association France Urbaine
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES
Par courrier en date du 17 novembre 2022, vous avez souhaité me
transmettre le chapitre du rapport public annuel 2023 de la Cour des
comptes intitulé « Les déchets ménagers : un défi quotidien pour les
intercommunalités et un nouvel enjeu pour les régions ». Je vous prie de
bien vouloir trouver ci-dessous la réponse que je souhaite donner à cette
communication.
Je tiens à souligner en premier lieu que je partage l'analyse de la
Cour des comptes sur l'absence de réduction suffisante de la production
des déchets ménagers et assimilés depuis 2010.
C'est la raison pour laquelle la réforme de la fiscalité en 2018 et la
loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire du
10 février 2020 (dite « loi AGEC ») ont institué des changements de fond
en matière de prévention et de gestion des déchets, dont les mesures
d'application viennent d'être définies et dont les effets ne pourront donc se
révéler que dans les mois et années à venir.
Les effets de certaines de ces mesures seront particulièrement forts
pour les déchets ménagers et assimilés (DMA) :
-
lutte contre le gaspillage : la loi a fait de la lutte contre le gaspillage
un axe important de notre politique de prévention des déchets. Elle
interdit la destruction des produits nonalimentaires invendus, elle
encourage le développement de la vente en vrac en libre-service, elle
vise à supprimer les emballages en plastique à usage unique d'ici 2040
et elle contient plusieurs mesures pour supprimer dès à présent
certains produits générateurs de déchets (notamment suppression de
divers produits à usage unique dès 2021, fin de la distribution gratuite
de bouteilles en plastique dans les établissements recevant du public,
fin progressive du suremballage des fruits et légumes sur la période
2022-2026, fin de la vaisselle jetable pour la restauration sur place
en 2023). La loi contient également plusieurs mesures pour favoriser
la réparation et le réemploi, notamment à travers la réforme des
filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) ;
-
information des consommateurs : pour l'améliorer, la loi prévoit la mise
à disposition par les metteurs sur le marché des caractéristiques
environnementales des produits, comme par exemple l'incorporation de
matière recyclée, l'emploi de ressources renouvelables, la recyclabilité,
ou encore la présence de substances dangereuses. Elle a également créé
un indice de réparabilité pour certaines catégories d'équipements
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
456
électriques et électroniques, destinés à permettre au consommateur de
choisir les produits plus facilement réparables ou plus robustes ;
-
transformation des modes de production : l'un des principaux outils
pour atteindre cet objectif est le renforcement des filières REP. La
France va ainsi doubler le nombre de filières d'ici 2025 et la loi prévoit
de nouvelles ambitions dans l'encadrement des filières, notamment
définition d'objectifs contraignants, mise en place d'une modulation des
écocontributions (bonus
malus) visant à renforcer I l incitation
économique à l'éco-conception des produits, mise en place d'un fonds
de financement de la réparation et d'un fonds de financement du
réemploi pour certaines filières, définition de plans de rattrapage de
performance dans les territoires ultra-marins, élargissement à
plusieurs filières du service de reprise des produits usagés par les
distributeurs (en magasin ou en livraison), application du principe de
REP aux places de marché considérées comme producteurs par défaut ;
-
amélioration de la collecte et du tri des déchets : au-delà des actions
menées dans le cadre de la réforme des filières REP, la loi prévoit une
harmonisation des consignes de tri des déchets des ménages. Elle
prévoit par ailleurs qu'un logo et une information simple sur ces
règles de tri soient apposés sur tous les produits mis sur le marché.
En outre, elle comprend plusieurs mesures qui visent à renforcer la
qualité des biodéchets produits afin d'en faciliter la valorisation, par
production de biogaz renouvelable ou de compost par exemple. Elle
prévoit notamment la généralisation du tri des biodéchets des
ménages et leur compostage de proximité ou leur collecte par les
collectivités d'ici fin 2023 ;
-
incitation financière à la prévention et au recyclage : la réforme
fiscale de 2018, qui va augmenter le niveau de la taxe générale sur les
activités polluantes graduellement jusqu’en 2025, permettra de
garantir que le c00t de la mise en décharge ou de l'incinération sans
valorisation énergétique des déchets soit plus important que celui du
recyclage, et d'aligner notre niveau de taxation pour l'élimination
avec celui de nos voisins européens.
Dans ce contexte, l'orientation et les recommandations afférentes de
la Cour des comptes s'inscrivent dans la continuation de ces évolutions, et
je me félicite de cette convergence d'appréciation.
S'agissant de la recommandation n° 1 qui propose de confier en 2023
aux observatoires régionaux de la gestion et de la prévention des déchets le
suivi de la mise en œuvre par les
intercommunalités des objectifs nationaux :
je partage l’importance de mettre en œuvre, au bon niveau, un suivi fiable et
cohérent des objectifs nationaux. Les régions, avec les observatoires
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
457
régionaux, sont investies dans le suivi des objectifs nationaux et européens
du fait de leur traduction au sein de leurs documents de planification
territoriale. Les schémas régionaux d'aménagement de développement
durable
et
d'égalité
des
territoires
(Sraddet)
pour
les
régions
métropolitaines, ainsi que les plans régionaux de prévention et de gestion
des déchets (PRPGD) pour les départements et régions d'outre-mer, la
Corse et l'Île-de-France, contiennent les modalités et les indicateurs de suivi
et d'évaluation en matière de prévention et de gestion des déchets. La loi
dispose que ces documents prescriptifs font l'objet d'une évaluation tous les
six ans. Quels que soient l'organisation retenue et le rôle dévolu aux
différents niveaux de collectivités, j'attire toutefois votre attention sur le fait
que les données issues des établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI) sur l'atteinte des objectifs nationaux (et européens)
doivent pouvoir continuer à être traitées et remontées pour les rapports
annuels des autorités françaises à la Commission européenne. Ce rapport
est réalisé par mon ministère en s'appuyant sur l'Ademe et l'outil Sinoe
qu'elle a mis en place depuis de nombreuses années. Un des enjeux pour
éviter la multiplication de données potentiellement divergentes et continuer
à remplir nos obligations européennes est donc de veiller à ce que les
données des observatoires régionaux soient bien identiques aux données
issues des EPCI telles que retraitées par l'Ademe et transmises ensuite au
niveau européen.
En ce qui concerne la recommandation 2 visant à généraliser les
contrats entre éco organismes et régions pour la déclinaison des objectifs
nationaux de ces filières au niveau régional : je souhaite attirer votre
attention sur le fait que la loi AGEC prévoit que les éco organismes
transmettent chaque année aux
conseils régionaux, chargés de
l'élaboration et du suivi du Sraddet, ou, le cas échéant, du PRPGD,
différentes informations relatives aux activités des éco-organismes dans
les territoires. L'arrêté, qui définit les données à transmettre, doit être
publié en cette fin d'année 2022. Cette mesure leur permettra de mieux
suivre la mise en œuvre des différentes filières REP sur leur territoire et
d'en tenir compte dans leurs missions de planification. Les dispositions
actuelles permettent donc de répondre à la préoccupation de la Cour des
comptes en termes de suivi et d'évaluation.
S’agissant de la recommandation 3 qui propose de l’intégrer dans
chaque contrat de plan État-Région (CPER) la délégation des crédits de
l'Ademe en matière de transition énergétique et d'économie circulaire : je
suis défavorable à une généralisation dès à présent, dans chaque CPER, de
cette délégation de crédits. Je souhaite rappeler qu'il s'agit actuellement
d'une possibilité donnée par la loi aux régions, fondée sur le principe de la
liberté contractuelle entre les parties à la délégation, et non d'une obligation.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
458
Cette mesure nouvelle nécessite un temps d'appropriation de la part des
collectivités territoriales concernées de façon à pouvoir en tirer les
enseignements avant d'étudier une éventuelle évolution législative du
dispositif. En outre, les CPER 2021-2027 viennent d'être signés. La
généralisation proposée par la Cour des comptes supposerait donc
d'engager la négociation d'avenant à des contrats tout juste signés.
Je tiens à remercier la Cour des comptes pour l'ensemble de ses
recommandations, mes services s'attacheront à les faire valoir selon les
lignes développées ci-dessus.
RÉPONSE DE LA PRÉSID
ENTE DE L’ASSOCIATIO
N RÉGIONS
DE FRANCE
Par courrier en date du 17 novembre, vous avec bien voulu me faire
parvenir le rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes intitulé
« Les déchets ménagers : un défi au quotidien pour les intercommunalités
et un nouvel enjeu pour les régions »
et vous m’invitez à formuler une
réponse relative aux observations de la Cour au nom des régions.
À titre liminaire, j’observe que la Cour a tenu compte, dans son
rapport, de certaines des remarques formulées par Régions de France dans
sa réponse au rapport d’observations provisoires. De l’étude du rapport, il
ressort
néanmoins une persistance d’observations en décalage par rapport
à l’exercice effectif de cette compétence et qui appellent une évolution de sa
rédaction en ce qui concerne particulièrement la compétence de
planification régionale, sur notre appréciation de points de difficultés ou de
limites quant à son exercice et, enfin, sur l’identification des leviers à activer
pour renforcer la planification régionale et favoriser sa territorialisation.
Aussi je vous prie de trouver ci-après les observations de Régions
de France.
1 - Sur les contours et la portée de la compétence régionale de
planification des déchets et d’animation coordination de l’économie
circulaire en lien avec les collectivités en charge de la mise en œuvre
La compétence « déchets » reste éclatée entre plusieurs niveaux
d’acteurs institutionnels
:
l’État (règlementation des sites et transports des
déchets, autorisations sur l’enfouissement selon le principe de proximité
aujourd’hui délivrées par le préfet de région, avec avis du conseil
régional
), les EPCI (maîtrise d’ouvrage collecté et stockage) et les Régions
(programmation).
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
459
Les r
égions ont su s’appuyer sur des outils efficients (plans d’action
en faveur de l’économie circulaire) et des stratégies adaptées et concertées
(stratégies régionale
s pour l’économie circulaire) pour aller au
-delà de la
seule compétence de planification en développant des solutions et en
engageant l’ensemble des acteurs –
entreprises, collectivités, citoyens
dans une démarche globale de transition vers une économie circulaire.
Le renforcement de leur compétence dans la loi relative à la lutte
contre le gaspillage et à l'économie circulaire du 10 février 2020 (article
109) avec un rôle d’animation et de coordination des acteurs de
l’économie circulaire vient appuyer l
eur légitimité pour aller plus loin
encore dans un contexte de crise qui impose une résilience de notre
économie. Pour autant, ces dispositions restent sans aucun impact concret,
en l’absence de moyens financiers dédiés pour l’accompagnement des
acteurs. Dans ce contexte, la Région est le seul acteur susceptible de
disposer d’une capacité à agir, qu’elle est en charge du
Sraddet, incluant
le PRPGD et qu’elle est interlocuteur direct des EPCI dans ces domaines
d’intervention.
Les plans régionaux contribuent
à l’atteinte des objectifs nationaux.
La Cour relève que le PRPGD est un document cadre. Il convient à cet
égard de rappeler que la loi n’impose pas aux Régions d’atteindre les
objectifs nationaux mais d’y contribuer, en fonction des spécificités de
chaque territoire (touristiques, urbains denses, rurales...).
2 - Sur les limites de la compétence des régions
Des contraintes fortes ont pesé sur les régions au moment du
transfert.
En l’absence totale de document de cadrage national pour
l’exercice de cette c
ompétence, ni de transfert de personnel, les régions ont
été conduites à apprécier les conditions dans lesquelles elles devaient s’en
saisir en tenant compte de leur situation et des appréciations de leurs
interlocuteurs de l’État local. Il en va, par exem
ple, de même pour le
transfert de la compétence de gestion des sites Natura 2000 à compter de
janvier 2023, sans transfert de personnel, sans accompagnement de l’État,
ni définition d’aucun cadre opérationnel d’exercice de la compétence.
Certaines régions ont malgré tout pu porter des objectifs plus
ambitieux que ce que prévoyait la loi, parfois même anticipé des objectifs
devenus obligatoires depuis, à l’instar d’objectifs en matière de réduction
des tonnages de déchets ménagers et assimilés admis en stockage, de
consigne pour réemploi, de réduction des dépôts sauvages.
Il est utile de rappeler que les régions exercent une compétence de
planification, et non une mission opérationnelle, les compétences
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
460
« collecte » et « traitement » appartenant aux EPCI à compétence
« déchets ». Le rôle des régions est, à cet égard, de définir les orientations
stratégiques de développement des installations de traitement de déchets
en fonction des besoins identifiés aux horizons six ans et douze ans.
Enfin, le contexte de fusion des régions a constitué un élément
supplémentaire de complexité liée à la superposition des calendriers des
chantiers engagés, tout comme la fusion de nombreux EPCI (élargissement
de périmètre, changement de régime fiscal de l’EPCI...). Par ailleurs,
l’absence d’un observatoire régional existant lors de l’élaboration des
plans a limité la connaissance de la situation qu’en avaient les régions, qui
ne sont généralement pas parvenues à disposer dans des délais
satisfaisants des données nécessaires à doc
umenter l’exercice de la
compétence, y compris de la part des DREAL.
Le maillage des installations sur le territoire régional doit être
compatible avec les principes de libre-concurrence et de subsidiarité.
S’il a
pu être possible d’indiquer les installati
ons qui, à termes, pourraient fermer,
ou se développer (projets), en ce qui concerne les installations à créer, ce
sont généralement les capacités qui ont été calculées. En effet, le lieu
d’implantation de nouveaux équipements répond certes à des besoins l
ocaux,
mais aussi aux dispositions des opérateurs à bien vouloir construire un tel
équipement. Aussi, le plan régional cadre l’évolution des installations et la
répartition géographique sans programmation précise des équipements afin
de ne pas se heurter au principe de libre-concurrence. Le rôle de la Région
est d’assurer un maillage territorial équilibré.
Il appartient aux acteurs compétents en matière de prévention et de
gestion des déchets de spatialiser les besoins en équipements en fonction
d’états des
lieux territoriaux et, dans leurs documents d’urbanisme, en
fonction des règles établies dans les plans régionaux. En effet, « le niveau
régional semble le plus pertinent pour organiser une programmation
optimale » des projets mais pas des investissements propres aux EPCI à
compétence « déchets » et aux opérateurs privés. Les PRPGD et les volets
« prévention et gestion des déchets » des Sraddet doivent déterminer les
besoins en installations de traitement des déchets non pas sur « les douze
prochaines années » mais les installations à créer, à modifier ou à fermer
dans le pas de temps des documents de planification, soit 12 ans.
Pour certains types d’installations, les
régions ont respecté un
calendrier défini réglementairement. Pour les installations de stockage de
déchets non dangereux non inertes par exemple, les documents de
planification permettent de définir des stratégies afin de respecter
l’objectif de réduction de moitié de l’enfouissement par rapport à 2010,
stratégie contrainte par des capacités réglementaires déjà autorisées et
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
461
supérieures à l’objectif de réduction à atteindre. Les PRPGD ont été
élaborés dans le souci constant du respect de la libre administration des
collectivités, qui est inscrit à l’article 72, alinéa 3 de la Constitution mais
également de respect de la libre concurrence, du code des marchés publics.
Le principe de proximité est à compléter avec d’autres leviers.
Les
PRPGD et les volets “
prévention et gestion des déchets
” des
Sraddet
doivent couvrir l’ensemble des déchets, qu
el que soit le producteur, et le
document de planification doit être cohérent avec les quantités des déchets
produits à l’échelle régionale en respectant le principe de proximité auquel
les Régions sont attachées mais qui peut se heurter aux réalités des choix
industriels des opérateurs. La portée de la compétence régionale de
planification doit pouvoir être complétée avec d’autres leviers (dispositifs
d’accompagnement, animation, coordination territoriale).
3 - Sur les leviers à activer pour renforcer et territorialiser
les plans régionaux
Les régions sont proactives dans une démarche de suivi et
d’animation des plans.
La loi NOTRé a également créé les schémas
régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des
territoires (Sraddet) et souha
ité qu’ils intègrent des plans sectoriels dont le
PRPGD. Les régions auront eu trois ans après la publication de cette
ordonnance pour élaborer un Sraddet
, soit à l’horizon 2019. Ainsi les
PRPGD ont été abrogés (art. L.4251-7 du code général des collectivités
territoriales). La commission consultative de s
uivi du PRPGD n’a plus eu
d’existence légale dès l’approbation du
Sraddet
. Toutefois, l’ensemble des
régions couvertes par un Sraddet ont décidé de continuer de les réunir, et
ainsi de communiquer auprès des parties prenantes le suivi du volet
prévention et gestion des déchets
” du
Sraddet.
La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire
(AGEC) du 10 février 2020 a permis de renforcer le rôle d’animation et de
coordination des a
cteurs de l’économie circulaire. Elle impose aussi des
objectifs encore plus ambitieux en matière de réduction des déchets
ménagers et assimilés (-15 %
d’ici 2030), de mise en place de la collecte
sélective
de
biodéchets
pour
les
producteurs
de
plus
de
5
tonnes par an d’ici 2023 ou bien encore de recyclage des plastiques (100
%
d’ici 2027). De tels objectifs demandent d’anticiper rapidement les besoins
et les capacités de traitement, et ainsi revoir les objectifs des plans tant en
termes de maillage (exuto
ires) qu’en terme d’incitativité (AAP, AMI).
Le renforcement de la compétence des régions dans le cadre de la
l
oi AGEC avec un rôle d’animation et de coordination des acteurs de
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
462
l’économie circulaire
permet aux régions de jouer pleinement leur rôle
d’anima
teur des territoires.
La mise en cohérence et la mutualisation des plans nationaux est un
cadre indispensable.
À l’avenir, pour faciliter la compétence de
planification régionale, il convient que l’État veille à assurer davantage
de cohérence et de mutualisation dans les plans nationaux tels que le Plan
national de prévention des déchets (PNPD) et le plan national de gestion
des déchets (PNGD) avec des dates de référence harmonisées.
Conclusion :
des
moyens
réglementaires
et
financiers
à
mettre
à la hauteur des ambitions
Bien que le transfert ait été conduit dans des conditions dégradées à
tous égards, les régions ont su jouer pleinement leur rôle de chef de file de
la planification des déchets, en l’absence de moyens financiers nouveaux.
À l’avenir, l’exerc
ice de cette compétence requiert de mobiliser
davantage d’outils réglementaires et de moyens financiers pour animer les
plans et mettre en œuvre les feuilles de route sectorielles en appui des
acteurs collectivités et opérateurs et construire dans le cadre de la relance
une « économie circulaire territoriale »
au travers d’expérimentations,
d’aides ciblées et de localisations sur toute la chaine.
Afin de soutenir la trajectoire de réduction des déchets, il
conviendrait de :
maintenir le calendrier de mise en place des futures filières REP
(responsabilité élargie des producteurs) notamment dans le bâtiment ;
s’appuyer sur les REP en place pour assurer la continuité du service
public
et l’articulation des différents maillons de la chaîne et la
préparation (déchetterie) ;
fixer aux éco organismes une obligation de déclinaison régionale de leur
objectif nationaux et plan d’actions en lien avec les
régions pour
favoriser le développement de solutions adaptées aux territoires ;
assouplir davantage les modalités de modification/ révision future des
plans régionaux déchets (PRPGD) dont la trajectoire pourrait être
impactée par la crise et harmoniser les différentes procédures de
modification/révision des Sraddet ;
renforcer la mise en place d’une gouvernance régionale
qui est
d’ailleurs un axe clé du protocole d’Alliance entre Régions de France et
l’ADEME du 29 septembre 2018
;
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
463
transférer aux régions la gestion (et pas la seule délégation) du fonds
économie circulaire en lien avec l’A
deme ;
ouvrir le chantier de révisi
on de l’affectation
des recettes de la TGAP
issue des installations d’élimination des déchets, avec un fléchage vers
les collectivités dont les Régions au titre de leur compétence de
planification, afin qu’elles disposent de moyens financiers plus
conséque
nts et en rapport avec l’ampleur de la tâche à mener
notamment pour les territoires en retard sur l’atteinte de certains
objectifs.
Telles sont les remarques dont je voulais vous faire part sur le
rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes intitulé « Les déchets
ménagers : un défi au quotidien pour les intercommunalités et un nouvel
enjeu pour les régions ».
RÉPONSE DU PRÉSIDENT
DE L’ASSOCIATION
INTERCOMMUNALITÉS DE FRANCE
Au nom d’Intercommunalités de France, je tiens à vous remercier
pour avoir sollicité, par votre courrier du 17 novembre 2022, les réactions
de notre association au chapitre destiné à figurer dans le rapport public
annuel 2023 « Prévention, collecte et traitement des déchets ménagers :
une ambition à concrétiser » que la Cour publiera prochainement.
[Il]
appelle de notre part les commentaires exposés ci-après.
Intercommunalités de France partage pour l’essentiel le diagnostic
établi par la Cour dans son [rapport] concernant la gestion des déchets
ménagers par les collectivités locales. En premier lieu, la Cour souligne la
difficulté à réduire les volumes de déchets produits et s’inquiète de
l’atteinte de l’objectif de réduction de 30
% pour 2030 par rapport à 2010.
Face à ce constat, Intercommunalités de France considère
qu’une
meilleure prise en charge financière de la collecte et du traitement des
déchets par les producteurs et metteurs en marché est un point
d’amélioration essentiel
. Le système de filières de responsabilités élargies
des producteurs (REP) fait pleinement partie de la gestion des déchets et
de son financement. Les progrès restants à faire dans ce domaine, en
matière de couverture des coûts sont indispensables pour atteindre des
objectifs ambitieux de réduction des volumes de déchets dans les centres
de stockage et d’
amélioration des performances de tri et de recyclage.
Intercommunalités de France a appelé à plusieurs reprises à une
sécurisation et un rééquilibrage des financements pour la gestion et la
prévention des déchets ménagers et assimilés. C’est ainsi l’une de
s raisons
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
464
pour lesquelles j’ai adressé, en juin 2021, un courrier à Madame la ministre
de la Transition écologique, Barbara Pompili, portant sur les positions de
l’association sur ce sujet. Intercommunalités de France plaide depuis de
nombreuses années pour une meilleure responsabilisation et implication des
producteurs de déchets en amont. Les collectivités ne peuvent en effet à elles
seules assumer la politique de prévention et de réduction.
1 -
La prévention des déchets et le déploiement de l’économie ci
rculaire
Nous partageons avec la Cour le constat de la non-atteinte des
objectifs nationaux de réduction de la production de déchets ménagers.
Nous tenons toutefois à souligner que ce mandat sera marqué par l’entrée
en vigueur de nouvelles obligations qui permettront une réduction à la
source de la production de certains déchets :
-
g
énéralisation de l’extension des consignes de tri plastique à compter
du 31 décembre 2022 ;
-
généralisation du tri à la source des biodéchets au 31 décembre 2023 ;
-
poursuite de l
a mise en œuvre de nouvelles filières REP
;
-
mise en place en déchèterie de zones de réemploi ouvertes aux
associations et entreprises de l’
économie sociale et solidaire.
Par ailleurs, comme le remarque la Cour, faire évoluer les
habitudes de consommation constitue un enjeu essentiel pour la réduction
des déchets ménagers. Les collectivités ne disposent cependant que de peu
de leviers d’action pour influer sur la réemployabilité et la recyclabilité
des produits d’une part et l’orientation des consommateurs v
ers des achats
écoresponsables d’autre part.
Visant à faciliter le geste de tri et massifier les quantités
d’emballages collectés, l’extension des consignes de tri a suscité une large
mobilisation des intercommunalités pour son déploiement. Notre
associat
ion insiste sur le niveau d’avancement réel de son déploiement sur
le territoire et elle se félicite également du constat dressé par la Cour sur
les progrès accomplis en matière de traitement des déchets et des efforts et
investissements menés par les intercommunalités ces dernières années
pour y parvenir. À ce titre, notre association insiste sur le besoin
d’accorder des délais minimums pour être en mesure de s’adapter aux
évolutions réglementaires
. De même, nous considérons qu’il est essentiel
de donner une visibilité suffisante sur les évolutions impactant les
investissements pas encore amortis, comme le souligne la Cour avec
l’exemple des installations de tri mécano
-biologique (TMB).
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
465
2 - Le financement du service public de gestion des déchets
Intercommu
nalités de France estime que l’atteinte des objectifs
nationaux et régionaux assignés aux politiques et actions d’économie
circulaire suppose des ressources comme la TGAP. Ces ressources sont
aujourd’hui dissoutes dans le budget de l’État sans que les fond
s
nécessaires pour la prévention et pour l’économie circulaire ne soient
rendus disponibles. Intercommunalités de France continue d’appeler à un
retour des recettes de la TGAP vers le financement d’actions vertueuses
dans lesquelles s’engagent les collecti
vités dans le traitement des déchets.
Comme le rappelle la Cour, la loi de finances de 2019 a acté une
trajectoire haussière de la TGAP, dans l’objectif de pénaliser le traitement
par enfouissement ou incinération et encourager le déploiement d’une
économie circulaire. Notre association regrette que les recettes de cette
taxe, particulièrement problématique pour les collectivités, ne soient pas
intégralement restituées sous la forme de soutiens financiers à la
prévention et la gestion des déchets.
Notre as
sociation plaide en effet en faveur d’une TGAP amont sur
tous les produits des filières pour responsabiliser les metteurs en marché.
Cette dernière concernerait autant d’incitation à la durabilité, à la
réutilisation qu’au recyclage matière. Cette tarifica
tion permettrait la
prise en charge de tous les produits manufacturés devenus déchets (qui
seront facturés par l’État 6,5 centimes par
kg en 2025), sans pour cela que
le consommateur puisse arbitrer sur ses achats.
Intercommunalités de France exprime sa satisfaction concernant la
proposition de la Cour, que nous partageons,
d’impliquer davantage les
régions dans la planification, l’animation, et le financement qui acterait le
lien entre les plans régionaux de prévention et de gestion des déchets
(PRPGD) et les programmes locaux de prévention des déchets ménagers
(PLPDMA).
En matière de planification des installations de traitement des déchets
et de suivi des objectifs, la Cour note un certain nombre d’améliorations
concernant notamment le maillage, les financements ainsi que les outils de
suivi des objectifs. Intercommunalités de France considère ainsi le levier de
la planification comme un axe indispensable pour améliorer la maîtrise des
coûts et la visibilité sur les besoins de financements. Nous saluons également
la recommandation de la Cour d’intégrer dans chaque contrat de plan État
-
Région la délégation des crédits de l’A
deme en matière de transition
énergétique et d’économie circulaire.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
466
3 - Déploiement de la tarification incitative
En outre, nous réitérons notre analyse consistant à remarquer que
les différents acteurs en responsabilité en France, ne bénéficient pas des
mêmes remarques et injonctions à agir. Les intercommunalités sont ainsi
incitées à mettre en place des formes de tarification incitative (TI) pour
exercer un effet responsabilisant sur les usagers. Cette application
concrète du principe « pollueur-payeur » repose essentiellement sur
l’usager et le contribuable. Notre association plaide ainsi pour qu’elle
pèse davantage au moment de l’acte d’achat, via le consommateur, à
travers une prise en charge accrue par les filières REP.
Intercommunalités de France demeure favorable au déploiement
d’une dimension incitative dans la tarification du SPGD lorsque cela est
possible mais estime qu’elle ne constitue qu’un levier parmi d’autres de
prévention des ordures ménagères résiduelles (OMR), d’autant plus
qu’elle opère en aval de la chaîne, après les actes de production et de
consommation.
Telles sont les observations que nous souhaitions porter à votre
connaissance. Espérant que ces éléments répondront à vos attentes et
pourront contribuer au travail d’évaluation et de propositions de la Cour.
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT DE L’ASSOC
IATION NATIONALE
DES COLLECTIVITÉS, DES ASSOCIATIONS
ET DES ENTREPRISES POUR LA GESTION DES RÉSEAUX
DE CHALEUR, DE L'ÉNERGIE ET DES DÉCHETS (AMORCE)
La
C
our des comptes soumet pour avis à Amorce son rapport 2023
intitulé ”
Les déchets ménagers : un défi au quotidien pour les
intercommunalités et un nouvel enjeu pour les régions
” avant publication
définitive.
Le rapport met en exergue le retard pris par la France dans
l’atteinte des objectifs nationaux et européens. Il rappelle le rôle des
collectivités locales dans les actions de prévention et de valorisation
matière pour parvenir aux objectifs nationaux. Il formule in fine des
préconisations sur les relations entre les régions, les intercommunalités et
les éco-
organismes, avec la délégation des crédits de l’A
deme dans les
contrats de plan État-région.
Dans son postulat, le rapport mentionne une organisation
territoriale cohérente entre les interventions entre les EPCI en charge de
la gestion des déchets, des syndicats de traitement et les régions, tout en
soulignant les insuffisances. Amorce
soulève l’absence un acteur
:
l’État
.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
467
Ce dernier ne joue suffisamment pas son rôle de régulateur, notamment
auprès des éco-organismes.
Concernant la prévention, le rapport présente la valorisation
comme une action à mettre en œuvre pour réduire les déchets. Il convient
de rappeler que les déchets valorisés rentrent dans le calcul de la
production des déchets et qu’ils ne s’inscrivent pas dans une démarche de
prévention. La valorisation matière intervient par conte comme un objectif
à poursuivre -
, d’une part pour respecter la hiérarchisation
des modes de
gestion des déchets par rapport aux solutions moins vertueuses, et surtout
afin de réduire les couts de la gestion des déchets avec une diminution du
recours au stockage.
Pour Amorce, le retard pris en matière de prévention des déchets
est d’a
bord de la responsabilité des metteurs sur le marché qui n'ont pas
respecté les objectifs fixés par l'État. En effet, à l'exception du compostage
de proximité qui dépend d'une politique ambitieuse de tri source des
biodéchets (cf. point ci-après), les actions de prévention d'une collectivité
sont nécessaires mais impactent peu la baisse des tonnages. Elles
dépendent davantage des évolutions de consommation et des metteurs sur
le marché qu'il s'agirait pour Amorce de contraindre davantage.
Le rapport fait é
galement état de l’efficacité de la tarification
incitative pour réduire la quantité de déchets produits. Amorce rappelle
sur ce point sa position et les deux questions à se poser.
-
Quel type de signal prix ou autre forme d’incitation ou de dissuasion
financière ou fiscal faut-il développer et sur quel acteur, pour que les
citoyens contribuent davantage par leur comportement d’achat,
d’utilisation, de réparation, de tri au respect des objectifs de
prévention, de réemploi, de collecte sélective et de tri à la source, de
recyclage et de valorisation des déchets ménagers et assimilés ?
-
Comment doit se répartir le financement de la gestion de la gestion
des déchets ou plus largement la boucle d’économie circulaire au
regard des responsabilités de chacun des acteurs de la chaîne
d’économie circulaire (collectivités via la fiscalité locale, metteurs sur
le marché via les REP, acteurs économiques du recyclage et de la
valorisation via les prix de reprise et recette de valorisation, État via
les aides de l’
Ademe issues des recettes de TGAP (bien que non
affectées)
?
(Minoration
du
montant
pour
les
collectivités
performantes, franchise de TGAP sur le gisement sur lequel les
collectivités ne peuvent agir...).
Des éléments de réponse ont été transmis à la cour dans une
précédente saisine.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
468
Dans les exemples cités comme des expériences innovantes à suivre,
le rapport mentionne le cas du « supermarché inversé » mis en place par
le SMIVAL. Cette expérience et surtout ses résultats en termes d’objets ou
de matériaux déportés de la déchèterie classique sont à mettre au regard
des investissements nécessaires à la conception et à la gestion d’une telle
infrastructure. Il convient également de rappeler qu’aujourd’hui,
l’A
deme -
ou l’État sur d’autres modes de financements
-
n’apport
e aucun
soutien aux investissements nécessaires à la modernisation et à
l’agrandissement des déchèteries, voire à leur transformation sur le
modèle du SMICVAL Market.
La Cour des comptes souligne les efforts financiers en termes
d’investissements à réalise
r dans les installations de traitement de déchets.
Elle mentionne en premier lieu les centres de tri, qui doivent encore
s’adapter en augmentant leur capacité et en se modernisant. A
morce
souligne les efforts déjà consentis par les collectivités et leurs prestataires
pour moderniser les centres à tri à la généralisation de l’extension des
consignes de tri telle que définie dans la loi TECV. Cette modernisation se
fait dans un contexte réglementaire mouvant qui ne sécurise pas les
investissements à moyen terme. Il convient à cet effet de renvoyer aux
conséquences que pourrait avoir la mise en place de la consigne des
bouteilles en PET clair tel qu’affiché dans la loi AGEC. La cour mentionne
que ces investissements représentent une charge de 1,5 Mds d’euros su
r la
période 2021-
2027 pour les collectivités territoriales, sans qu’aucun
financement de l’État de soit prévu, ce que le rapport souligne en
mentionnant les positions d’A
morce et des autres associations de
collectivités territoriales sur l’utilisation des
recettes de la TGAP.
Enfin, le rapport place les régions dans un rôle de leviers et d’appui
des syndicats de traitement des déchets et comme un acteur stratégique
entre l’État et les collectivités en charge de la gestion des déchets. A
morce
a prévu de réaliser une enquête auprès des régions et des collectivités
territoriales afin d’évaluer ce rôle. Il souligne l’absence dans certaines
régions d’observatoires régionaux et de mécanismes de soutiens pour les
investissements dans les installations de traitement. En cela, la délégation
d’une partie des fonds
« chaleur » et « économie circulaire »
de l’
Ademe
aux régions est jugé modeste, ce qu’A
morce concède. La Cour suggère la
dotation de moyens supplémentaires pour subvenir aux besoins des
territoires, avec l’a
ttribution de nouvelles ressources aux régions, avec un
recours plus important à ces mécanismes de dotation. Amorce soutient
cette proposition qui doit dans le même temps s’accompagner d’une
augmentation de l’enveloppe mobilisable et transférable aux régio
ns.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
LES DÉCHETS MÉNAGERS : UN DÉFI AU QUOTIDIEN POUR LES
INTERCOMMUNALITÉS ET UN NOUVEL ENJEU POUR LES RÉGIONS
469
Dans ses conclusions, le rapport recommande de confier aux
objectifs régionaux le suivi de la mise en œuvre des objectifs nationaux par
les intercommunalités, de généraliser les contrats entre les éco-organismes
et les régions avec des déclinaisons des objectif par filière au niveau
régional et l’inscription dans les CPER de la délégation des crédits de
l’A
deme aux régions.
Si la plupart de ces recommandations sont pertinentes et soutenues
par Amorce, elles ne sont pas à la hauteur des enjeux posés par les
juridictions financières dans ce même rapport.
Amorce demande une affectation financière plus efficace pour
mettre en œuvre la planification territoriale avec un signal prix fort en
amont au niveau des metteurs sur le marché impactant les habitudes de
consommation, au niveau intermédiaire avec les modulations des filières
REP et la tarification incitative appliquée aux usagers et en aval via la
TGAP, pour la rendre plus incitative (minoration à la performance des
collectivités) et pour redistribuer son
produit en faveur d’investissements
pour la transition écologique dans les territoires.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU SYNDICAT MIXTE
DE TRAITEMENT DES DÉ
CHETS DU LAC D’ANNEC
Y (SILA)
Par courrier du 17 novembre, vous m’adressez un extrait d’un
chapitre destiné à figurer dans le rapport public annuel 2023 concernant
les déchets ménagers et assimilés.
Ces observations reflètent bien les difficultés rencontrées par les
intercommunalités pour mettre en œuvre l’ensemble des politiques et
objectifs qui peuvent s’avérer
parfois contradictoires et financièrement
très impactant.
L’exemple de notre syndicat que vous avez bien voulu citer
deviendra
rapidement
la
norme
au
niveau
national
et
l’effort
d’anticipation et d’adaptation que vous citez, ne suffira pas au niveau des
échelles décisionnelles actuelles. Les régions doivent se donner les moyens
pour mener une réflexion globale en lien fort avec les réalités de terrains
et basée sur des données récentes compte-tenu des évolutions extrêmement
rapides des stratégies et des équipements.
Le rôle des acteurs du territoire doit être mieux défini
les
responsabilités et le pouvoir décisionnel éclaircis et cohérents.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
470
Par ailleurs, dans le contexte actuel de tensions fortes sur les
énergies fossiles, les élus de nos territoires démo
ntrent que l’énergie issue
de nos déchets est une ressource locale essentielle.
Nombreux sont, par exemple, les gestionnaires de réseaux de chaleur
qui prennent conscience de l'intérêt économique et environnemental de cette
source d'énergie disponible à l'échelon local, conjuguant le progrès
écologique au temps de la défense du pouvoir d'achat.
La valorisation énergétique des déchets souffre pourtant encore et
de manière injuste d'une image négative auprès de l'opinion publique.
Cette vision du traitement thermique ne tient pas compte des progrès
techniques réalisés depuis 30 ans. Qu'il me soit permis de ne citer ici qu'un
exemple : la France dispose d'un parc d'unités de valorisation énergétique
(UVE) performant sur le plan environnemental qui contribue à alimenter
de plus en plus de logements à moindre coût.
Dans un contexte qui verra les capacités de stockage de déchets se
réduire considérablement pendant cette décennie, avec des enjeux accrus
d'indépendance énergétique et de pouvoir d'achat des ménages, les
investissements nécessaires à la modernisation, voire à l'accroissement du
parc d'UVE
afin de répondre aux inévitables tensions, seront
considérables. Nos collectivités sont prêtes à s'engager mais auront
nécessairement besoin du soutien de l'État, et d'une visibilité quant aux
trajectoires à venir.
Les attentes financières et fiscales spécifiquement, notamment sur
de l’évolution de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)
seront prégnantes dans les années à venir. Les élus nationaux doivent
prendre conscience que produire de l'énergie est une activité vertueuse qui
permet de valoriser une ressource locale essentielle. Elle ne peut souffrir
d’une taxe, réel frein aux investissements à réaliser dans l’urgence du
changement climatique.
Espérant que ces compléments puissent alimenter votre rapport et
être portés à la connaissance du gouvernement pour des prises de
décisions éclairées.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes