4
Festivals et territoires :
les défis d’une politique partagée
en matière de spectacle vivant
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
La France a connu pendant les 40 dernières années un
développement très important des créations de festivals, dans des
proportions sans commune mesure avec ce qui est observé dans les pays
voisins. On comptait ainsi 7 282 festivals en 2021, soit près de quatre fois
plus que 20 ans auparavant. De multiples facteurs expliquent ce
phénomène, au premier rang desquels figure la conjugaison d’une
dynamique propre aux collectivités territoriales et du rôle joué par l’
État,
dans un domaine - la culture - qui ne constitue pas une politique
décentralisée mais partagée entre l’État et toutes les catégories de
collectivités territoriales, sans chef de file clairement désigné.
L’État
témoigne en effet de longue date un intérêt marqué pour le
soutien aux festivals. Après s’être montré plus
sélectif à partir de 2003, il
a depuis trois ans renouvelé son appui au monde festivalier. Ce
réinvestissement a répondu à la fragilisation du secteur par la pandémie
de la covid 19.
Il s’est traduit par un renouvellement du dialogue avec les
organisateurs de festivals, par la mobilisation de concours financiers
supplémentaires et par la volonté d’accompagner plus fortement les
festivals sous un angle artistique pour permettre à ces structures
économiques globalement fragiles de faire face aux défis que représentent
les diverses transitions auxquelles elles sont confrontées.
Cette volonté ne saurait cependant occulter le fait que le soutien
financier de l’
État aux festivals reste mineur par rapport à celui que leur
apportent les collectivités territoriales
. L’action culturelle constitue en
effet un élément important du développement local et contribue à
l’attractivité des territoires. Aussi, le développement des festivals a
représenté un important volet de l’action menée à partir des années
70 et
80 au titre de la décentralisation culturelle.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
394
L’enquête dont est issu le présent chapitre a été conduite par la
Cour et trois chambres régionales des comptes auprès d’un échantillon de
huit festivals de spectacle vivant organisés dans les régions Grand Est,
Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-
Côte d’Azur, ainsi que des services
de l’État compétents pour définir et mettre en œuvre la politique de l’État
en faveur du spectacle vivant (direction générale de la création artistique
et directions régionales des affaires culturelles). Elle montre que
l’important appui des collectivités territoriales aux festivals, qui a conduit
l’État à intervenir de façon plus sélective pour soutenir les festivals à
rayonnement national et international, a permis de rééquilibrer l’accès à
l’offre culturelle sur le territoire national (I). Elle met toutefois aussi en
évidence l’intérêt qui s’attache à réformer la gouvernance des structures
organisatrices
pour
la
rendre
plus
exigeante
en
matière
de
démocratisation des publics et mieux concer
tée entre les services de l’État
et les collectivités territoriales concernés (II).
I -
Un fait culturel de grande ampleur,
principalement porté par les collectivités
territoriales, qui a permis de rééquilibrer
l’accès à l’offre culturelle
A -
Un paysage festivalier marqué par sa richesse
et sa diversité
Un recensement effectué par le ministère de la culture, en lien avec
deux chercheurs et les acteurs du secteur, a montré que la France comptait
7 282 festivals en 2022
245
. Ce chiffre est sans commune mesure avec ce qui
est constaté dans des pays voisins : il y aurait autour de 2 000 festivals en
Italie, 1 000 en Allemagne et au Royaume-Uni
246
.
245
Recensement initié en 2020 et finalisé en juillet 2022, auquel ont contribué
M. Emmanuel Négrier, directeur de recherche au
CNRS, dirigeant le centre d’études
politiques et sociales de l’Université de Montpellier et M.
Aurélien Djakouane, maître
de conférences à l’Université Paris Nanterre et chercheur au Sophiapol (sociologie,
philosophie et anthropologie politiques), ainsi q
ue l’association France Festivals.
246
Selon l’association France Festivals
.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
395
Pour cerner au plus juste la réalité de cette activité et repérer les
événements culturels entrant dans la catégorie des festivals, quatre critères
ont été retenus :
-
avoir eu lieu en 2019
247
;
-
avoir connu au moins deux éditions antérieurement à 2019 ;
-
se dérouler sur plus d’une journée
;
-
comporter au moins cinq spectacles, représentations, concerts ou
projections.
Les festivals de spectacle vivant constituent près des trois quarts des
événements recensés selon ces critères : les festivals de musique en
représentent environ 45 % et les festivals de théâtre, danse, arts de la rue,
arts du cirque, arts du conte et humour près de 30 %.
Ces manifestations sont par ailleurs marquées par la pluralité des
formes artistiques ou des périodes qu’elles recouvrent. Ainsi, les festivals
de musique se déclinent en musique ancienne (classique, baroque),
contemporaine, actuelle (rock, jazz, blues, variétés, etc.).
Cette diversité se reflète également dans la taille des festivals : 56 %
d’entre eux sont fréquentés par moins
de 5 000 personnes et 6 % par plus
de 50 000
248
. Il en va de même sous l’angle financier
: leur budget est
inférieur à 270 000
€
pour 75 % des festivals recensés, il est compris entre
270 000
€
et 1,4
M€
dans 20 % des cas, il dépasse 1,4
M€
pour 6 %
d’entre
eux
249
. De ce fait, leur impact en matière de développement économique et
territorial, leur place dans l’offre culturelle et l
a dynamique de création sont
éminemment variables. La plupart (près de 80 %) sont portés par des
structures associatives offrant une grande souplesse de fonctionnement.
Aussi leurs modalités d’organisation et leur degré de professionnalisation
sont-ils également fortement différenciés.
247
Parce qu’elle est antérieure à l’épidémie de covid
19, 2019 a été retenue comme
année de référence.
248
Emmanuel Négrier, Aurélien Djakouane,
Festivals, territoire et société
, Presses de
Sciences Po/Ministère de la Culture (DEPS), 2021, p. 27. L’échantillon retenu concerne
1 400 festivals de la France entière (soit 20
% du total). C’est à ce jour l’échantillon le
plus important jamais constitué pour prendre la mesure de la réalité festivalière.
249
Ibid
., p. 30.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
396
B -
Un secteur principalement soutenu
par les collectivités territoriales
Comme la Cour l’a montré dans son rapport public thématique de
mai 2022
250
, la vision d’ensemble des financements relatifs au spectacle
vivant reste difficile à établir de façon fiable et celle des financements des
festivals l’est donc tout autant. Les données disponibles montrent
cependant que, même si l’État a accru son soutien à la suite de la crise
sanitaire, celui des collectivités territoriales est prépondérant.
1 -
Le soutien récemment renforcé mais ciblé de l’État
Le financement de l’
É
tat à l’égard de l’ensemble des festivals est
porté par quatre programmes du ministère de la culture (les programmes
131 -
Création
, 334 -
Livre et industries culturelles
, 224 -
Soutien
et
361 -
Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
, parmi
lesquels le premier occupe une place prépondérante) ainsi que par trois
opérateurs de l’État (les centres nationaux du ciména et de l’image animée,
de la musique et du livre). Le tableau ci-
dessous retrace l’évolution des
financements correspondants sur cinq exercices.
Tableau n° 1 :
financements de l’
État (en
€
)
Financement État/festivals
2018
2019
2020
2021
2022
Ministère de la culture
23 260 495
24 801 229
35 537 697
36 490 668
36 042 525
Centre national du cinéma
et de l’image animée
8 783 003
8 937 659
8 735 216
9 064 711
9 158 636
Centre national de la musique
1 560 500
1 622 000
908 000 13 791 605
4 000 000
Centre national du livre
2 483 291
2 659 923
2 526 366
2 691 605
1 264 161
Total opérateurs
12 826 794
13 219 582
12 169 582
25 547 921
14 422 797
Total ministère de la culture
et opérateurs
36 087 289
38 020 811
47 707 279
62 038 589
50 465 322
Source : Ministère de la culture/DGCA
250
Cour des comptes,
Le soutien de l’État au spectacle vivant
, rapport public
thématique, mai 2022.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
397
Les financements alloués aux structures organisatrices des festivals
proviennent de crédits budgétaires et d’une partie du produit de taxes
affectées. Leur évolution récente a été marquée par des augmentations
significatives en 2020 et 2021, liées à la crise de la covid 19, dont un peu
plus de la moitié a été pérennisée en 2022 afin d’accompagner les
« principes
d’engagement de l’
État en faveur des festivals »
définis fin 2021 (cf.
infra
).
Toutefois, il est probable que l’effort de l’
État est sous-estimé en raison de
la difficulté d’identifier des dépenses indirectes réalisées en faveur des
festivals (artistes en résidence, coproductions, actions éducatives, etc.).
Le contexte de la pandémie a conduit le ministère de la culture à
poursuivre la réflexion stratégique autour du fait festivalier en associant
étroitement les acteurs eux-
mêmes dans le cadre d’états généraux des festivals,
lancés en juillet 2020. À
l’issue de
ce processus, le ministère a publié, fin 2021,
une charte des
«
principes d’engagement de l’
État en faveur des festivals »
, qui
a été traduite en avril 2022 dans une
« instruction technique »
ayant pour objet
de structurer les diverses aides qui leur sont allouées.
Le Centre national de la musique
Le Centre national de la musique (CNM) est un établissement public
à caractère industriel et commercial. Créé par une loi du 30 octobre 2019, il
est issu de la fusion du centre national de la chanson, des variétés et du jazz
et de plusieurs associations de soutien à la filière musicale.
Le CNM est chargé de collecter la taxe sur les spectacles de variétés
(égale à 3,5 % du produit de la billetterie hors taxe). Selon les années et hors
période de crise sanitaire, le rendement de cette taxe se situe entre 30 et
35
M€
. Une quote-part représentant les deux tiers de son produit est reversée
automatiquement aux redevables. Le solde est attribué
via
des commissions
pour soutenir la création, la production et la diffusion. Une commission
« festivals » au sein du CNM a été particulièrement active lors de la
pandémie, en particulier en 2021 lorsque l’apport du ministère a permis de
porter le budget de la commission à près de 13,8
M€
d’aides afin de soutenir
les festivals de mu
sique actuelle, quel que soit le statut fiscal de l’organisme
concerné (redevable de la taxe ou non).
Depuis 2022, le CNM intervient pour les festivals compris dans le
champ de la taxe et pour l’octroi d’aides
« transversales », tous festivals
confondus.
Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC)
soutiennent les festivals de musiques dites savantes et certains festivals de
musiques actuelles qui mettent en œuvre des actions structurantes et qui
nécessitent un soutien renforcé (création, action culturelle, notamment).
Enfin, l’ensemble des festivals sont aidés par l’établissement public au titre
des aides transversales (transition écologique, égalité entre les femmes et
les hommes, etc.).
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
398
En 2021, l’
État a subventionné 593 festivals
251
, soit 8 % des
7 282
festivals recensés sur l’ensemble du territoire national. Les
subventions aux festivals de spectacle vivant ont atteint 40,9
M€
. Elles ont
représenté 70 % du montant total des subventions allouées la même année
par le ministère de la culture et ses trois opérateurs à l’ensemble des
festivals (58,5
M€
).
Les financements attribués se sont inscrits dans une échelle de
1 000
€
à 4,4
M€
et ont atteint 64 000
€
en moyenne pour le théâtre. Ils ont
varié entre 2 300
€
et 4,16
M€
et se sont élevés à 99 000
€
en moyenne
pour la musique. Les aides consenties sont très concentrées : les festivals
d’Aix
-en-Provence et Avignon ont, à eux seuls, bénéficié de plus du quart
du financement du ministère de la culture (hors opérateurs).
Même si 8 %
seulement des festivals en bénéficient, l’appui
financier de l’
État se caractérise donc à la fois par une importante
dispersion et une grande sélectivité.
Cette situation traduit le souhait de l’État de soutenir fortement les
festivals de renommée internationale, qui sont de fait intégrés à sa politique
en matière de création et de diffusion, sans renoncer à accompagner sur le
plan local des festivals dont le financement relève principalement des
collectivités territoriales, compte tenu de leurs enjeux propres en matière
d’attractivité et de rayonnement.
Il peut, en outre, agir de plusieurs manières vis-à-vis des festivals au-
delà du levier financier, notamment par la promotion et la communication,
l’accompagnement et l’expertise, ainsi que par la possibilité de créer des
filières artistiques
via
la labellisation de structures organisatrices de festivals.
2 -
Un effort financier des collectivités territoriales mal connu
mais nettement supérieur à celui de l’État
Le montant consolidé des concours financiers des collectivités
territoriales aux festivals n’est pas disponible. Les travaux entrepris depuis
2020 par le ministère de la culture pour mieux appréhender le fait
festivalier, notamment
via
les informations recueillies auprès des DRAC,
lui ont pourtant offert l’occasion de recueillir les données nécessaires pour
procéder à cette consolidation.
251
483 ont été subventionnés par le ministère de la culture directement et 110 par le
Centre national de la musique.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
399
L’effort de connaissance engagé à l’occasion de la crise sanitaire
permet toutefois de disposer d’une vision, certes approximative, mais
reposant sur un échantillon couvrant près de 20 % du secteur, et donnant
une indication utile de la répartition des efforts de financement.
Issues de l’enquête menée par le ministère de
la culture en 2020 et 2021
avec l’appui du
Centre national de la recherche scientifique (CNRS), les
données alors rassemblées montrent que, sur le périmètre de l’enquête de la
Cour (ensemble du secteur du spectacle vivant), l’écart est de 1 à 10 entre les
recettes apportées par l’Éta
t
252
et celles qui proviennent des collectivités
territoriales. Plus précisément, ce rapport est de 1 à 10 s’agissant des musiques
actuelles, 1 à 20 pour la musique classique et 1 à 9 pour le spectacle vivant.
Du côté des collectivités territoriales, les premiers financeurs sont les
communes, suivies par les régions. Il est néanmoins probable que l’effort des
communes est sous-
estimé, comme en témoignent d’ailleurs les contrôles
particuliers menés par les juridictions financière
s, du fait de l’absence de prise
en compte des dépenses en nature, en particulier s’agissant de mises à
disposition de locaux, de moyens techniques et de ressources humaines au
bénéfice d’associations qui sont souvent animées par des bénévoles.
En prenant
l’écart de 1 à 8 sur la base de l’année 2019 et en
circonscrivant la mesure aux seules dépenses budgétaires, l’effort des
collectivités territoriales pourrait être estimé à plus de 300
M€
.
C -
Une dynamique territoriale porteuse
d’une plus grande
égalité
d’accès à la culture
L’extrême diversité des activités festivalières et la rapidité de leur
essor expliquent qu’avant la pandémie de la covid 19, l’
É
tat n’en avait pas
une connaissance précise. À
titre d’exemple, un rapport produit fin 2019
par l’Inspection générale des affaires culturelles faisait état de
3 135 festivals en France, soit 4 147 de moins que le recensement finalisé
en 2022
253
. Cette méconnaissance résulte également du fait que
l’initiative
privée et locale contribue fortement à l’essor des festivals.
252
État central et déconcentré ainsi que ses opérateurs.
253
Inspection générale des affaires culturelles,
Mission Référent Festivals, quelques
enseignements sur la situation des festivals
, décembre 2019. Rapport produit à la
demande de la ministre de la culture Françoise Nyssen par M. Serge Kancel, dans le
contexte de la hausse des coûts des festivals et des effets de la concentration dans le
milieu des musiques actuelles. Ce rapport a été actualisé en octobre 2020 dans le cadre
du lancement des états généraux des festivals.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
400
1 -
Une dynamique surgie dans les années 70,
relayée par l’État dans la décennie
80
La politique culturelle qui a été engagée après l’élection de François
Mitterrand en mai 1981 a eu po
ur effet d’amplifier un phénomène né dans
les années 70
254
. Privilégiant en effet le caractère festif et spontané des
manifestations culturelles, leur ouverture et leur accessibilité à un public
populaire (création de la fête de la musique en 1982), elle en a légitimé de
façon accrue la dimension évènementielle.
Le premier acte de la décentralisation, intervenu au début des
années 80, a fait du festival, pour les élus locaux, un événement à la fois
culturel, social, territorial et économique, contribuant à v
aloriser l’initiative
territoriale, à conférer une identité au territoire et à combler l’écart culturel
entre Paris et le « désert français ».
Dans le contexte de montée en puissance des finances locales, la
relative maîtrise des coûts en matière d’infra
structures et de diffusion, les
perspectives de revenus offertes aux artistes
255
, ainsi que la socialisation
importante des revenus des professionnels
via
le régime de l’intermittence,
ont conduit à rendre attractif, pour les collectivités territoriales, le modèle
économique du festival
256
.
Par ailleurs, si la dynamique culturelle au sein de laquelle le festival
peut aisément trouver sa place doit beaucoup aux impulsions de l’
État, celui-
ci n’en a pas moins, pendant plusieurs décennies, concentré une grande par
tie
des soutiens financiers qu’il allouait à cette activité aux festivals que le
ministère avait historiquement intégrés dans une politique culturelle, tels que
le Festival d’Avignon ou celui d’Aix
-en-Provence (cf.
supra
).
254
Ont alors été créés, notamment, le Festival interceltique de Lorient, le Printemps de
Bourges, le Festival d’Automne.
255
Le ministère de la culture considère que les festivals représentent la moitié des
rémunérations des artistes de musiques du monde ou des formations de jazz et plus du
tiers des revenus des artistes des ensembles classiques.
256
L’émergence de ce phénomène va de pair avec la dynamique de création
d’équipements culturels par les collectivités elles
-mêmes.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
401
2 -
Le rôle moteur des collectivités territoriales pour améliorer
l’accès à la culture dans les régions
La dynamique de création des festivals a connu une évolution
extrêmement forte depuis les années 90. Alors que leur nombre se situait
aux alentours de 600 à l’orée de la décennie 90, il e
st passé à environ 2 000
en 2000
257
, puis a presque quadruplé au cours des 20 années suivantes
258
.
L’essor de l’activité festivalière au tournant du siècle a conduit
l’
État à modifier quelque peu son approche en la matière. Pour des motifs
budgétaires, mais a
ussi en raison d’une conception de la culture moins
favorable à l’événement et à sa dimension festive, le ministère de la culture
a, à travers la directive nationale d’orientation (DNO) de 2003, opéré un
recentrage de ses interventions, laissant ainsi un très large champ à
l’initiative des collectivités territoriales.
Pour autant, bien qu’ayant marqué qu’il n’était pas disposé à assumer,
dans ce domaine, une politique visible et volontariste, l’
É
tat ne s’est
nullement désintéressé du fait festivalier, qu’il
s’agisse des grands
événements culturels insérés de fait dans une politique nationale, ou des
initiatives privées ou de collectivités territoriales que les DRAC, en première
ligne
259
, ont estimé devoir soutenir et accompagner selon des modalités
diverses (subventions directes ou indirectes, appui aux stratégies de
transformation et développement, rôle de facilitation, etc.). D’ailleurs, si le
nombre de festivals aidés par l’
État a baissé de manière significative (passant
de 342 à 175 entre 2004 et 2014), le montant global du financement est resté
stable, emportant un quasi-doublement du montant moyen de la subvention
étatique allouée à
chacun d’eux (de 56
000
€
à 107 000
€
260
).
257
Philippe Poirrier,
Dictionnaire des politiques culturelles
, Larousse, 2004, p. 283.
258
La mesure de la hausse de la fréquentation des festivals est d’abord attestée par
l’augmentation du nombre de ces manifestations. Une étude du ministère de la culture,
initulée
Cinquante ans de pratiques culturelles
, publiée en 2020 sur la base d’une
enquête menée en 2018 auprès de 9 200 personnes, atteste de cette hausse. En 1981,
7 % des personnes interrogées avaient déclaré avoir fréquenté un festival. Cette
proportion est passée à 16 % en 2008 puis 19 %
en 2018 (la question n’a pas été posée
dans le cadre des enquêtes réalisées en 1988 et 1997).
259
De fait, le suivi des festivals a été progressivement déconcentré puisqu’en 2022 seuls
le Festival d’Avignon et le Festival international d’art lyrique d’
Aix-en-Provence restent
directement suivis et accompagnés par la direction générale de la création artistique.
260
Note de l’Inspection du ministère de la culture du 31 juillet 2020.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
402
Il reste que c’est au dynamisme persistant dont ont fait preuve les
collectivités locales depuis les années 80
que le fait festivalier doit de s’être
fortement diffusé : 62 % des festivals existants ont été créés après 2000,
33 % après 2011
261
. De son côté, l’enquête du ministère a montré que 49
%
des festivals existants en 2019 et ayant répondu à ses demandes sont apparus
lors des dix années précédentes
262
. Ces différentes données permettent de
conclure que la dynamique de création de festivals n’a cessé de
s’accélérer
263
, en particulier dans le cas des musiques actuelles.
Cette dynamique a permis de contribuer au rééquilibrage de
l’accès à l’offre culturelle entre régions, comme le montre la carte ci
-après.
Le nombre de festivals pour 100 000 habitants (20) est identique en
Bretagne et en Bourgogne-Franche-
Comté à ce qu’il est en Provence
-
Alpes-
Côte d’Azur et supérieur à ce qu’il est en Auvergne
-Rhône-Alpes,
Occitanie et Nouvelle-Aquitaine (15).
261
Festivals, territoires et sociétés
,
op. cit.
, p. 23.
262
MCC/DEPS,
Cartographie nationale des territoires 2022
. 3 000 festivals ont
répondu à cette enquête. Un peu moins de la moitié n’existait pas en 2010.
263
Mais en l’absence de données sur la disparition de festivals, il n’est pas possible
d’appréhender cette dynamique en terme
s de flux.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
403
Carte n° 1 :
répartition des festivals sur le territoire national (données 2019)
Source :
Cour des comptes d’après données du ministère de la culture/DEPS
II -
Mieux articuler les interventions
des collectivités territoriales et de l’État
:
la nécessité d’une gouvernance concertée et exigeante
Par leur origine, leur gouvernance, leur ancrage territorial, la
diversité de leurs productions, ainsi que leur modèle économique, les huit
festivals contrôlés par les juridictions financières dans le cadre de l’enquête
conjuguent des enjeux permettant de prendre la mesure de problématiques
structurantes auxquelles leur secteur d’activité est aujourd’hui confronté.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
404
Schéma n° 1 :
principales caractéristiques des huit festivals
contrôlés dans le cadre de l’enquête (données 2019)
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
405
Source : Cour des comptes
Le principal enjeu réside dans la modernisation et le renforcement de
la gouvernance des structures porteuses de ces manifestations. Ces
évol
utions conditionnent en effet l’amélioration de la coordination du soutien
que leur apportent l’État et les collectivités territoriales et l’atteinte des
objectifs de démocratisation de l’accès à la culture qui justifient ce soutien.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
406
A -
Une gouvernance reflétant la diversité des statuts
et la pluralité des acteurs en présence
L’échantillon de huit festivals contrôlés par les juridictions
financières recouvre des formes juridiques diverses : association à but non
lucratif (Festival d’Avignon, Furies, Festival d’Aix, Musica, Petits
comédiens de chiffons, Passages), société publique locale (Chorégies) ou
encore société par actions simplifiée (Francofolies).
Cette diversité des formes juridiques peut toutefois varier au fil du
temps et de l’implication des parties
prenantes, publiques comme privées.
Ainsi, le Festival d’Avignon n’a formalisé son statut associatif qu’au début
des années 80, après avoir été directement porté par la mairie d’Avignon
au sein d’une régie municipale, ce qui montre l’importance du rôle qu
e peut
jouer une collectivité territoriale à l’endroit d’un événement culturel
d’envergure nationale.
Le Festival d’Aix
-en-Provence a, quant à lui, connu différents
statuts, au gré de sa situation financière et de la nécessité d’impliquer
davantage ses partenaires publics : confié à une association créée en 1973,
puis, en 1991, à une société d’économie mixte à directoire dissoute en
2006, le festival a alors retrouvé une forme associative et bénéficié d’un
apport massif de fonds publics tant de l’É
tat que des collectivités
territoriales partenaires, venant combler plusieurs déficits cumulés.
Dans le cas des Francofolies, le festival a été porté par une
association de sa création en 1985 jusqu’en 1999, avant qu’une société à
responsabilité limitée ne lui succède en 2000 et ne soit transformée en
société par actions simplifiée en 2004.
Enfin, s’agissant des Chorégies d’Orange, le festival a longtemps
été organisé par une association avant que sa situation financière (liée à
plusieurs années de déficit) n’exige
son refinancement et sa transformation
en société publique locale dont la région Provence-Alpes-
Côte d’Azur est
l’actionnaire majoritaire. L’implication accrue des collectivités territoriales
de la région démontre à cet égard une inflexion majeure dans la
gouvernance d’un festival autant historique qu’emblématique.
Les festivals Musica et Furies n’ont, en revanche, connu qu’un statut
associatif depuis leur création, respectivement en 1982 et 1990, ce qui
n’exclut pas le rôle d’impulsion que peuvent y jouer
les collectivités
publiques (ministère de la culture et ville de Châlons-en-Champagne).
D’autres festivals, comme Passages et le festival mondial des
théâtres de marionnettes, également constitués sous la forme associative,
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
407
ont une histoire plus ancienne et qui a pu évoluer au fil du temps au gré
d’un changement de lieu ou de direction (le festival Passages a ainsi
déménagé de Nancy à Metz en 2011 et est devenu Passages Transfestival
en 2020) ou du développement de nouvelles activités avec, en particulier,
la création d’un label par le ministère de la culture en 2021 (label
« centre
national de la marionnette »).
Dans ce contexte, le rôle joué au sein des conseils d’administration
par les représentants des financeurs publics est d’autant plus important que
ceux-ci peuvent avoir un impact sur leurs orientations politiques générales
et l’emploi des deniers publics qui leur sont alloués. Au sein des
associations précitées, l’
État comme les collectivités territoriales sont en
principe représentés au sein du collège des membres de droit.
L’association de gestion du Festival d’Avignon est, quant à elle, au
cœur d’une gouvernance nationale et territoriale complexe, fruit de son
histoire et des relations étroites nouées depuis 1947 entre l’État et les
collectivités
territoriales, en particulier
la
ville d’Avignon. Cette
gouvernance nationale et territoriale est reflétée par la composition du
conseil d’administration, constitué de membres de droit et de personnalités
qualifiées. Les membres de droit sont au nombre de huit et représentent à la
fois l’État (préfecture de Vaucluse, direction générale de la création
artistique, direction régionale des affaires culturelles), la ville d’Avignon, la
communauté d’agglomération du Grand Avignon, le département de
Vaucluse et la région Provence-Alpes-
Côte d’Azur.
Cette gouvernance partagée n’est toutefois pas homogène, comme
en attestent les statuts des Francofolies dont la forme juridique
–
une
société par actions simplifiée
–
ne prévoit pas de conseil d’administration
mais une
gouvernance resserrée autour d’un président et d’un directeur
général, eux-
mêmes élus par l’assemblée générale des associés. Le
président donne les grandes orientations, impulse une dynamique artistique
et fixe le cap. Néanmoins, force est de constater que les partenaires publics
ne sont pas associés à un contrôle interne de la structure dans le cadre d’une
gouvernance partagée.
B -
L’enjeu clé d’une gouvernance mieux partagée
S’il se traduit dans l’éventail des concours financiers dont les
festivals bénéficient de la part des différentes collectivités publiques, le
principe de compétence partagée qui régit la politique culturelle ne trouve
pas toujours à s’appliquer de façon harmonieuse dans la constitution et le
fonctionnement de leurs structures de gouvernance. Dès lors que leur soutien
respectif peut donner lieu à une certaine concurrence entre l’
État et les
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
408
collectivités territoriales, la question du niveau de la représentation
(administratif ou politique, gestionnaire ou décisionnaire) dévolue à chacune
de ces entités publiques est primordiale. À cet égard, il apparaît que, dans les
statuts qui régissent certains festivals, les modalités d’exercice partagé de la
gouvernance ne semblent pas toujours clairement arbitrées.
Dans le cas notamment des Chorégies d
’Orange, la montée en
puissance des collectivités territoriales dans le financement du festival s’est
accompagnée d’une marginalisation de la place de l’
État, pourtant
financeur public à part entière. Jusqu’en 2018, la gouvernance était
partagée au sein d’
une structure associative. Cependant, la substitution du
statut de société publique locale (SPL) au statut associatif, qui visait à
garantir l’implication des collectivités territoriales devenues actionnaires
de la structure, a conduit à l’absence des représentants de l’
État dans le
mode de gouvernance retenu. Et même s’il a été prévu d’associer ces
derniers, sur un mode informel, aux séances du conseil d’administration,
ils n’y ont été jusqu’à présent invités qu’une seule fois, avec voix
consultative uniquement.
Pourtant, même s’il sont tenus de ne pas empiéter sur les
prérogatives artistiques dévolues aux directeurs des festivals (à qui est
reconnue «
la plus totale liberté »
en matière de programmation, selon les
termes de la convention pluriannuelle de financement liant le Festival
d’Avignon à ses partenaires publics), les conseils d’administration n’en
restent pas moins l’organe de contrôle et d’orientation des structures
concernées, devant lesquels leurs dirigeants rendent compte et rendent des
comptes : situation financière, recettes de billetterie, diversification des
ressources propres, diversité des publics, actions spécifiques, en particulier
dans le champ de l’éducation artistique et culturelle, etc.
Si le cas des Chorégies d’Orange n’est sans dou
te pas représentatif
du fait festivalier dans son ensemble, il témoigne de ce que peuvent être les
difficultés auxquelles se heurte la déclinaison opérationnelle du principe de
compétence partagée, gage d’une coordination appropriée de l’action de
l’
État e
t des collectivités locales au service de l’intérêt des territoires.
Le
contre-exemple
du
festival
mondial
des
théâtres
de
marionnettes, qui
s’inscrit fortement dans son territoire et dans la stratégie
des collectivités territoriales, permet de souligner
l’importance que revêt
cet objectif.
Aux côtés de l’association organisatrice de ce festival, la ville
de Charleville-Mézières et les pouvoirs publics locaux se sont également
engagés pour le développement de cette filière artistique qui est devenue
au fil du temps un marqueur identitaire fort du territoire. La ville et
l’agglomération ont ainsi contribué financièrement à la réalisation des
nouveaux locaux de
l’
École supérieure nationale des arts de la marionnette,
livrés en 2017.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
409
Un projet municipal, intitulé « cité des arts de la marionnette » et
déjà inscrit au contrat de plan État-région 2015-
2020, vise aujourd’hui la
rénovation et le réaménagement de locaux afin de «
créer un véritable pôle
d’excellence de création, de conservation, de médiation, de for
mation et de
restauration et un vaste parcours autour de la marionnette dans le centre
historique de la ville »
, ce qui lui permettrait de «
maximiser les retombées
économiques et touristiques, et donc l’emploi, pour tout l’argent investi dans
la marionnette
». Entre le label du ministère de la culture (« centre national
de la marionnette »
, 2021) et l’implication des collectivités partenaires,
l’association les Petits comédiens de chiffons est, à cet égard, l’exemple
même d’une gouvernance réussie entre ni
veaux local et national.
C -
La nécessité d’une formalisation conventionnelle
et d’un suivi plus rigoureux des objectifs poursuivis
1 -
La multiplicité d’objectifs stratégiques
insuffisamment formalisés
En contrepartie des financements publics, certains festivals se voient
assigner des objectifs formalisés dans différents documents de cadrage :
lettre de mission adressée à son dirigeant lors de sa prise de fonction, arrêtant
les orientations prioritaires de son action future ; convention pluriannuelle de
financement liant État et collectivités territoriales ayant pour objet de donner
à la structure une visibilité en matière de ressources ; contrat de performance
assorti d’indicateurs chiffrés permettant le suivi et l’évaluation des actions
conduites sur le long terme.
Or, force est de constater que la logique qui devrait présider à la
déclinaison et à l’articulation de ces différents documents n’est que
rarement respectée :
certains ne sont jamais produits, les périodes qu’ils
couvrent s’enchevêtrent ou ne correspon
dent pas aux mandats des
dirigeants, les critères retenus par chacun d’eux ne sont pas homogènes, les
évaluations
ex post
ne sont pas réalisées, etc.
Bien que les statuts du Festival d’Avignon prévoient que les
partenaires publics adressent une lettre de mission au directeur, celui qui a
été en fonctions de 2013 à 2022 n’a reçu aucun document de ce type au cours
de ses mandats successifs. N’ont donc pas été formalisés les objectifs qui
étaient attendus de lui ou dont il entendait faire ses priorités, et qui auraient
dû structurer les conventions liant le festival à ses tutelles. Cette carence est
d’autant plus dommageable qu’en l’espèce, le directeur est autorisé à mener
en parallèle son activité d’artiste, laquelle n’est donc pas cadrée.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
410
Les conventions plu
riannuelles de financement mises en œuvre au
Festival d’Aix
-en-Provence ont reposé sur un diagnostic effectué par
l’
Inspection
générale des affaires culturelles, puis sur les bilans d’activités
du festival. À
partir de ces constats objectivés et de l’expre
ssion, partagée
avec celui-
ci, des actions qu’il lui incombe de mener en matière de
programmation (part dédiée à la création et aux productions), de formation
professionnelle des jeunes artistes, d’ancrage territorial et de politique des
publics, les colle
ctivités publiques s’engagent à soutenir financièrement le
festival en signant avec lui une convention triennale
. Il n’en reste pas moins
que, du côté des collectivités publiques, l’exécution de leur engagement reste
subordonnée aux décisions de leurs assemblées délibérantes qui doivent être
renouvelé
es chaque année en vertu du principe de l’annualité budgétaire.
En outre, s’il est prescriptif, ce cadrage ne comporte aucun
indicateur chiffré permettant de mesurer la réalisation des objectifs
assignés aux différents volets de l’activité du festival. Com
me en
témoignent les procès-
verbaux de ses réunions, c’est seulement au sein du
conseil d’administration que l’ensemble des partenaires se prononcent sur
ce sujet, sans pour autant disposer d’indicateurs garantissant l’objectivité
de leurs analyses et de leurs conclusions.
De manière générale, les conventions ne servent guère de support au
suivi régulier de l’activité d’un festival. Ce constat peut être fait dans le cas
des Chorégies d’Orange, pour lesquelles les collectivités territoriales, bien
qu’actionnaires, s’impliquent peu dans la mise en œuvre et le suivi des
actions conduites par la direction (politique tarifaire, politique des publics,
éducation artistique et culturelle, éco-conditionnalité, etc.).
Un constat similaire peut être dressé s’agissant d
u festival Musica,
pour lequel il existe une convention pluriannuelle quintipartite, déclinée
annuellement en conventions financières bilatérales. La convention
pluriannuelle précise que le projet global de l’association participe des
politiques de l’État
et des trois collectivités territoriales concernées et répond
à un «
intérêt public local, en ce qu’il sensibilise le public le plus large aux
expressions musicales contemporaines européennes et est non lucratif
».
Exprimant «
n’attendre aucune contreparti
e directe
»
, l’État et les
collectivités participent donc aux coûts directement liés au festival et aux
coûts indirects (frais de structure) sans conditionner leur soutien en fixant des
objectifs de résultat (nombre de spectateurs, enjeux locaux, nombre de
créations, etc.) ou d’impact plus global (touristique, économique, culturel).
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
411
Dans le cas des Francofolies, le dispositif conventionnel est constitué
par la combinaison de conventions annuelles signées avec chaque collectivité
publique, ce qui nuit à la
lisibilité de l’ensemble et ne donne guère de
visibilité sur la trajectoire à moyen terme des ressources du festival.
Au regard de la multiplicité des finalités stratégiques fixées aux
festivals, ces observations conduisent à souligner la nécessité d’assu
rer la
formalisation et l’encadrement de leurs objectifs, ainsi que leur évaluation
ex post
. Sans aller jusqu’à une clause de conditionnalité liant
rigoureusement les financements à l’atteinte des cibles retenues, les lettres
de mission, conventions pluriannuelles et contrats de performance doivent
prévoir de justes contreparties aux soutiens publics.
Y recourir de manière systématique permettrait par ailleurs aux
représentants de l’
État, comme à ceux des collectivités territoriales, de
coordonner leurs priorités et de les intégrer dans la définition du projet
stratégique de chaque festival.
La politique de nomination permet d’infléchir l’action d’un
festival tout en l’inscrivant dans un objectif de politique publique
Levier cardinal de l’action du ministè
re de la culture, la politique de
nomination permet d’orienter le projet culturel des festivals bénéficiant de
financements publics, dès lors qu’au
-delà de leur personnalité, le choix des
dirigeants est aussi celui de la vision stratégique qu’ils portent.
Du fait de
l’implication conjointe de l’État et des collectivités territoriales, ces
nominations supposent une concertation effective entre les deux pour garantir
l’adhésion commune au projet qui sera mis en œuvre par le futur dirigeant.
Au travers des nominations de MM. Olivier Py (2013) et Tiago
Rodrigues (2022) au poste de directeur du festival, le cas du Festival d’Avignon
est à cet égard emblématique à la fois de la fonction prescriptrice de l’État et de
la nécessité d’associer la pluralité des acteur
s à ses choix stratégiques.
Définies par les statuts de l’association de gestion du Festival
d’Avignon (AGFA), les conditions de nomination doivent suivre une
procédure formalisée qui associe les membres du conseil d’administration
et les tutelles (agrémen
t du ministre de la culture et du maire d’Avignon)
afin d’obtenir un consensus sur le choix arrêté.
Quelle
que soit l’importance du rôle qui incombe à l’État s’agissant de
la nomination des directeurs de festival, le respect du temps de la concertation
et la transparence des procédures demeurent la condition
sine qua non
de
l’implication de l’ensemble des collectivités publiques dans le pilotage
stratégique d’une activité qui, bien que gérée le plus souvent sous l’égide de
structures privées, relève fondame
ntalement d’une politique partagée.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
412
2 -
Un suivi insuffisant des objectifs poursuivis :
l’exemple de la démocratisation des publics
Démocratiser la culture en la rendant accessible au plus grand
nombre demeure une des priorités communes de l’État et des collec
tivités
territoriales. Les festivals constituent en effet un outil privilégié pour
toucher de nouveaux publics, qui ne fréquentent habituellement pas les
enceintes culturelles « traditionnelles ».
Au-delà des représentations qui constituent leur activité première,
nombre d’entre eux ont ainsi progressivement développé un travail de
médiation tout au long de l’année, en faveur des enfants, des familles et des
publics les plus éloignés de la culture. La numérisation constitue également
tout à la fois un vecteur de démocratisation de leurs productions et de
diversification de leurs ressources.
L’enjeu du numérique
Fort d’un fonds audiovisuel historique, le Festival d’Avignon a initié,
à travers la création de la société par actions simplifiée « FXP » (à laquelle est
partie prenante la Caisse des dépôts et consignations), une démarche de
valorisation digitale basée sur le principe d’une offre de vidéos à la demande
sur abonnement. Toutefois, le modèle économique n’est pas encore stabilisé
et repose sur des hypoth
èses de consommation qui n’ont pas encore pu être
validées, le déploiement de l’offre
« test »
s’étant faite sur le principe du libre
accès aux collections. Néanmoins, les fonds audiovisuels dont disposent les
festivals représentent un véritable actif, qui justifierait une approche
coordonnée des acteurs, avec la contribution d’opérateurs spécialisés. À ces
conditions, une offre numérique enrichie et élargie permettrait d’étendre la
gamme des services offerts aux festivaliers et contribuerait à la diversification
des ressources propres des festivals partenaires.
Rares sont toutefois les festivals qui ont mis en place un dispositif
permettant de suivre l’évolution de leurs publics dans la durée. La plupart
se trouvent en conséquence dans l’incapacité de vérifier s’ils contribuent
par leurs activités à la démocratisation de l’accès à la culture.
Parmi les huit festivals contrôlés, seul le Festival d’Avignon dispose
d’études régulières en la matière, grâce au partenariat noué au début des
années 2000 avec l’Université d’Avignon et des pays du Vaucluse, dont le
laboratoire « culture et communication » du centre Robert Elias mène
chaque année une enquête sur la fréquentation du Festival.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
413
Ces enquêtes montrent que, si le public est très fidèle au festival, son
profil sociologique est resté très stable sur la période contrôlée par la Cour
(2013-2021). Les festivaliers appartiennent à des catégories sociales élevées
et fortement diplômées (73 % sont au-dessus de bac +3 et 38 % au-dessus de
bac +4). Les ouvriers représentent 2,4 % des festivaliers et les employés 7 %.
On observe également sur la période sous revue que l’âge moyen
des festivaliers est resté stable (48 ans), que la part des moins de 35 ans a
diminué de moitié entre 2014 et 2021 (passant de 32 % à 16 %), alors que
la part des plus de 65 ans a augmenté (elle est passée de 22 % en 2016 à
29,5 % en 2021).
Ces évolutions sont d’autant plus préoccupantes que le festival a
mené une politique volontaire pour rajeunir et diversifier son public,
notamment en proposant des tarifs privilégiés aux moins de 25 ans.
Néanmoins, au niveau qui est le sien durant le Festival, le coût de
l’hébergement semble constituer un obstacle majeur au renouvellement
sociologique et générationnel du public du Festival d’Avignon.
Effectué sur un festival emblématique de la volonté de
démocratisation culturelle, ce constat vient confirmer celui de l’enquête
Festivals, territoire et société
264
qui considère que
«
depuis l’enquête de
2008, aucune diversification sociale des publics n’est à l’œu
vre »
et
conclut à une «
panne »
de la démocratisation culturelle.
Il apparaît donc primordial que les organisateurs des festivals et
leurs tutelles conduisent ce type d’enquête afin de mesurer les incidences
de leurs actions socio-culturelles sur leurs publics cibles.
264
Festivals, territoire et société
,
op. cit.
, p. 148-150.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
414
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La pandémie de la covid 19 a révélé et amplifié une certaine fragilité
structurelle des festivals, d’autant plus préoccupante que leur nombre s’est
considérablement accru au cours des quarante dernières années.
Cette « inflation »
s’explique en grande partie par l’importance
que revêt ce type de manifestation en matière d’attractivité pour les
collectivités
territoriales.
Appréhendée
de
manière
encore
trop
approximative par le ministère de la culture, l’implicat
ion financière de
ces dernières est, de ce fait, sans commune mesure avec celle de l’État. Les
collectivités territoriales apportent d’importants concours publics sous la
forme soit de subventions, soit de contributions en nature (s’agissant, en
particulier, de la mise à disposition de locaux et de lieux de
représentation). Ces dernières conditionnent parfois l’existence même des
festivals qui en bénéficient. Pour autant, les impacts et retombées
économiques des festivals organisés sur leur territoire demeurent encore
insuffisamment mesurés pour en apprécier l’importance.
Si le contexte pandémique a conduit l’État à mieux connaître la
réalité des festivals et à mettre en place un fonds d’urgence, il a également
entraîné le ministère de la culture à accompagner davantage les festivals
au moyen d’un effort budgétaire, qui, bien que significatif comparé à la
situation antérieure à la pandémie, n’en reste pas moins limité et dont la
répartition ne peut que demeurer sélective eu égard au nombre de
structures concernées et au rôle de premier plan que jouent les collectivités
territoriales s’agissant d’une activité qui les intéresse prioritairement.
La nécessité de maximiser l’effet de levier produit par ces
ressources de l’
État, fortement sollicitées, invite à reposer la question des
exigences dont, en contrepartie, est assortie leur allocation. Dans la
mesure où les objectifs de création artistique et de démocratisation
culturelle fondent sa politique, le ministère de la culture doit s’employer à
focaliser ses aides sur les festivals contribuant fortement à ces objectifs ou
qui s’engagent à développer des initiatives allant dans ce sens. Dans les
festivals qu’il soutient aux côtés des collectivités territoriales, il lui
incombe en outre de faire prévaloir des principes de bonne gouvernance,
de veiller à la formalisation de leurs projets culturels et de se montrer
exigeant quant à la mesure des résultats de leur action.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
415
La Cour adresse au ministère de la culture et aux collectivités
territoriales concernées les recommandations suivantes :
1.
poursuivre la connaissance des moyens, financiers et en nature, du fait
festivalier afin d’appréhender le réel effort des collectivités
territoriales et leurs retombées économiques (ministère de la culture) ;
2.
mieux formaliser les objectifs attendus de chaque festival bénéficiant
de concours publics, en particulier à travers les outils de pilotage et
de contractualisation pluriannuelle (ministère de la culture et
collectivités territoriales) ;
3.
mesurer les effets des mesures prises par les festivals en matière de
démocratisation des publics (ministère de la culture et collectivités
territoriales) ;
4.
conditionner
davantage les aides de l’État à des exigences de création,
de démocratisation culturelle et de diffusion numérique (ministère de
la culture).
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Réponses
Réponse de la ministre de la culture
.......................................................
419
Réponse du président-directeur général
de la société publique loc
ale Les Chorégies d’Orange
...........................
422
Réponse du président du conseil régional
de Provence-Alpes-
Côte d’Azur
.............................................................
423
Destinataires n’ayant pas d’observation
Madame la présidente du f
estival d’Avignon
Monsieur le directeur de l’association Furies
Monsieur le président de l’association Les petits comédiens de chiffons
Monsieur le président de l’
association Passages
Monsieur le président du festival d’Aix
-en-Provence
Madame la m
aire d’Avignon
Destinataires n’ayant pas répondu
Monsieur le président de l’
association Musica
Monsieur le président des Francofolies
Monsieur le m
aire d’Orange
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA CULTURE
Vous avez bien voulu me transmettre le chapitre destiné à figurer
dans le rapport public annuel 2023 de la Cour des Comptes intitulé
« Festivals et territoires :
les défis d’une politique partagée
».
Je vous remercie pour la qualité de cette analyse qui permet de
compléter la connaissance du fait festivalier et éclaire l’intervention
publique au bénéfice de ces manifestations, à l’heure de la mise en place
d’un nouveau cadre de soutien par le ministère de la Culture.
Vous trouverez ci-après les éléments de réponses que je souhaite
apporter à cette insertion.
(…)
L’État attache une grande importance aux festivals qui sont des
acteurs majeurs de la vie culturelle dans les territoires. Facteurs
d’attractivité et de développeme
nt, ils génèrent également une économie
qui irrigue bien au-delà du seul champ culturel.
Votre conclusion souligne l’importance que les festivals remplissent
des objectifs de soutien à la création artistique et de démocratisation
culturelle, formalisent leurs projets culturels et puissent rendre compte des
résultats de leur action. C’est tout le sens du nouveau cadre d’intervention
mis en place parallèlement aux mesures de soutien financier exceptionnel
mises en place à travers un « fonds festival » pour faire face à la crise
sanitaire. Au terme des États généraux des festivals en 2020 et 2021, ce
cadre vient, pour la première fois, définir les objectifs de soutien de l’État
aux festivals et les modalités d’intervention et d’évaluation afférentes. Il
s’appuie sur un ensemble de Principes d’engagements et une Charte pour
le développement durable.
Dans le respect du principe de compétence partagée avec les
collectivités territoriales, ces nouvelles modalités ont vocation pour l’État
à mieux accompagner les festivals en les soutenant de manière ponctuelle
dans leurs phases d’évolution et de croissance, dans différents champs
d’innovation et d’excellence, tout en poursuivant une politique de soutien
aux festivals d’envergure nationale et internationale. Ce nouve
au cadre,
qui conforte l’accompagnement de l’État aux festivals historiquement
soutenus au regard de la qualité de leurs actions, a pour vocation de créer
aussi les conditions d’un accompagnement plus large au bénéfice de
festivals qui n’étaient pas soutenus jusqu’alors et qui répondent pleinement
aux enjeux de la politique publique.
Dans le cadre des «
Principes d’engagement de l’État en faveur des
festivals », une attention particulière a été apportée aux conditions
d’éligibilité nécessaires pour prétendr
e à un soutien du ministère et aux
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
420
actions pouvant être aidées. Ce texte détermine les actions pour lesquelles
un festival peut être aidé en matière artistique, en termes de coopération et
de structuration des filières professionnelles, d’inscription terri
toriale ou
encore d’accessibilité et d’ouverture aux publics. Il précise les modalités
d’intervention, qui reposent sur trois types d’aides
: aide au projet, aides
pluriannuelles pour les festivals structurants et aides transversales,
positionnées en 2022 sur le soutien à la transition en matière de
développement durable, l’égalité femmes hommes et la lutte contre les
violences et le harcèlement sexistes et sexuels. La charte de développement
durable pour les festivals complète le nouveau cadre de soutien mis en place
par le ministère de la Culture pour encourager et intensifier leurs efforts et
le partage de bonnes pratiques visant à réduire leur impact environnemental.
Les recommandations formulées par la Cour appellent les
commentaires suivants :
La Cour recommande de poursuivre la connaissance des moyens
financiers et en nature du fait festivalier afin d’appréhender le réel effort
des collectivités territoriales et leurs retombées économiques. Il convient
avant tout de préciser que les collectivités territoriales sont des soutiens
historiques et majeurs des festivals et c’est bien en concertation avec elles
que s’inscrit l’action de l’État. Des échanges réguliers ont lieu au sein des
conseils des territoires pour la culture (CTC), qui regroupent associations
d’élus et services de l’État et se réunissent à échelle régionale et nationale.
En janvier 2023, j’ai réuni un CTC national à Nantes, en marge de la
biennale internationale du spectacle, et le sujet des festivals a été à l’ordre
du jour.
À l’occasion
des États généraux des festivals, un travail autour de
l’observation avait été lancé et a donné lieu à la réalisation de plusieurs
études, comme la cartographie des festivals et l’étude Sofest
! en plusieurs
volets (bénévoles, focus sur les festivals annulés pendant le crise sanitaire
et conséquences en termes de pertes économique et sociale, indicateurs
d’activités, publics, coopérations et partenariats). Il est prévu de
poursuivre ce programme d’études et de connaissance des festivals.
La Cour invite le ministère à mieux formaliser les objectifs attendus
de chaque festival bénéficiant de concours publics, en particulier à travers
les outils de pilotage et de contractualisation pluriannuelle. La redéfinition
des modalités d’intervention en faveur des festi
vals permet de clarifier et
de rendre cohérent le soutien du ministère de la Culture à ces
manifestations quelle que soit leur discipline. Les critères permettent de
mieux formaliser les objectifs attendus de la part des festivals. Une
convention d’objecti
fs type spécifique aux festivals du secteur de la
création, qui prévoit une liste d’indicateurs de suivi concrets et
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
421
mesurables, a été élaborée en lien avec les DRAC pour une mise en œuvre
à compter de 2023. Les moyens complémentaires attribués aux DRAC pour
une durée de trois ans (2022-
2024), qui n’ont pas vocation à être
reconduits à l’identique et de manière pérenne, seront rediscutés à l'issue
de cette période pour s'ajuster aux besoins et aux réalités des territoires,
sur la base d’une évaluation menée
par chaque DRAC et d’un dispositif
d’évaluation national. Le ministère de la culture veillera également à
mieux articuler les interventions de ses services centraux (DGCA),
déconcentrés (DRAC) et de son opérateur le CNM.
La préconisation visant à mesurer les effets des actions menées par
les festivals en matière de démocratisation des publics pourrait être incluse
dans le programme d’études relatif aux festivals. Compte
-tenu de
l’importance du nombre et de la diversité des festivals, un travail préalable
de définition du périmètre, des objectifs poursuivis et de la méthodologie
sera nécessaire, afin de produire des résultats pertinents. Dans l’immédiat,
les Principes d’engagements de l’État en faveur des festivals permettent un
soutien au développement des
actions en matière d’accessibilité et
d’ouvertures aux publics. La connaissance des mesures prises par les
festivals progresse grâce aux données remontées par les formulaires de
demande de subvention, dans lesquels les festivals doivent les présenter.
La
Cour préconise de conditionner davantage les aides de l’État à
des exigences de création, de démocratisation culturelle et de diffusion
numérique. Ces exigences ont été placées au centre de la redéfinition du
cadre de soutien aux festivals. Ainsi, en matière de création, le soutien de
l’État vise des festivals qui font découvrir la diversité artistique,
promeuvent la scène française, s’inscrivent dans une logique de
développement des parcours d’artistes, ou encore, donnent des moyens à
la création et à la p
roduction des œuvres. En matière de démocratisation
culturelle, il vise des festivals qui développent des actions spécifiques en
direction des populations, utilisent des outils de médiation, permettent une
ouverture à un large public par une politique tarifaire adaptée, portent une
attention à l’accessibilité des lieux et des propositions artistiques, ou
enrichissent l’offre du Pass culture.
Le Pass Culture constitue dans ce cadre, un outil précieux
d’ouverture des festivals aux publics les plus jeunes. Un
plan d’actions a
été initié en 2022 afin d’inciter les festivals à s’inscrire sur le Pass. Avec
plus de 350 festivals inscrits et plus de 200 000 places vendues en 2022, il
contribue ainsi à encourager la fréquentation des jeunes. S’il s’agit
aujourd’hui
majoritairement de festivals de musiques actuelles, un des
enjeux en 2023 sera de parvenir à une plus grande diversité dans le choix
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
422
des jeunes en encourageant plus d’inscription de festivals d’autres
disciplines par une valorisation adaptée.
Concernant le sujet de la diffusion numérique, les textes prévoient
la possibilité de soutenir des festivals proposant des actions de transition
numérique en matière de contenus artistiques et culturels, d’expérience,
d’accès et de connaissance des publics. Pour autant
, il est important de
rappeler que ces propositions revêtent un caractère complémentaire de
l’activité principale d’un festival qui repose d’abord sur l’expérience
collective de rencontre entre les publics et les artistes au même moment et
dans un même espace.
Enfin, je souhaite préciser que les 593 festivals soutenus en 2021,
mentionnés dans votre rapport, ne concernent que ceux aidés par la
direction générale de la création artistique, les DRAC sur le programme
131 « Création » et le centre national de la
musique. D’autres festivals ont
été soutenus par l’État par l’intermédiaire d’autres directions ou
établissements publics du ministère (notamment par le centre national du
cinéma et de l’image animé et le
centre national du livre).
Si la Cour regrette l’
absence de lettre de mission au directeur du
Festival d’Avignon, il est à noter que seuls les dirigeants d’établissements
publics nationaux, financés uniquement par l’État, reçoivent une lettre de
mission de la part du ministère de la Culture. Pour toutes les autres
structures, y compris labellisées, les objectifs des dirigeants sont fixés dans
le cadre des c
onventions pluriannuelles d’objectifs (CPO), qui ont
l’avantage d’être multi
-partenariales.
RÉPONSE DU
PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE LA SOCIÉTÉ PUBLIQUE LOCALE LES CHOR
ÉGIES D’ORANGE
J’ai pris connaissance avec grand intérêt du chapitre intitulé
Festivals et territoire :
les défis d’une politique partagée en matière de
spectacle vivant.
Toutefois, certaines remarques que nous avons précédemment
formul
ées par courrier n’ont pas été prises en compte, mais semblent
cependant utiles pour appréhender plus justement les informations
concernant le Festival des Chorégies d’Orange.
Ainsi, il convient de rappeler que la substitution du statut de SPL au
statut associatif a été proposée par le Préfet de Vaucluse pour répondre à
une situation d'urgence, lors d'une réunion qui s’est tenue en mars 2018,
où le ministère de la culture était représenté par la DRAC PACA. Cette
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
FESTIVALS ET TERRITOIRES :
LES DÉFIS D’UNE POLI
TIQUE PARTAGÉE
EN MATIÈRE DE SPECTACLE VIVANT
423
proposition a fait l'objet d'une approbation unanime lors d'un CA de
l'Association, en mars 2018, ou siégeait l'État, en toute connaissance du
statut particulier de la SPL ne permettant qu’aux seules Collectivités
territoriales d'en être actionnaires.
Par ailleurs, même si nous avons bien compris que l'affirmation
relevant que les collectivités territoriales s'impliquent peu dans la mise en
œuvre et le suivi des actions conduites par la direction s’appuyait sur un
constat de 2019, la rédaction laisse cependant à penser qu'il en est encore
de même aujourd'hui. Or, depuis 2020, le CA, composé de ces collectivités
actionnaires, est totalement partie prenante et impliqué dans toutes les
actions et propositions qui lui sont soumises par la direction et qu'il ratifie
ou pas, par un vote après examen rigoureux.
Enfin, afin de rétablir l’exactitude des chiffres, le budget de
l’exercice 2019
était de 5,8
M€
; les recettes billetterie de 3,3
M€
; les
ressources mécénat de 0,3
M€
et la part des ressources propres de 71 %.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT
DU CONSEIL RÉGIONAL
DE PROVENCE-ALPES-CÔ
TE D’AZUR
Par courrier en date du 8 décembre 2022, vous avez bien voulu nous
transmettre le chapitre destiné à figurer dans le rapport public annuel
2023 intitulé Festivals et territoires : les défis d'une politique partagée en
matière de spectacle vivant.
Ce document est conforme à nos échanges ; la région Provence-
Alpes-Côte d'Azur n'a aucune remarque particulière à formuler au regard
de ces observations.
Concernant les éléments relatifs aux Chorégies, nous n'avons pas
d'autres éléments à apporter que ceux qui figuraient dans le premier
courrier de réponse que nous vous remettons en pièce jointe.
En date du 6 octobre 2022, j'ai bien reçu le relevé d'observations
relatif à l'enquête sur la politique des festivals.
Ce document est conforme à nos échanges en ce sens qu'il souligne
à juste titre la fragilité du modèle économique de cette institution du fait
de son étroite dépendance aux ressources propres. Comme vous l'avez
souligné, c'est cette situation qui a conduit ce Festival - le plus ancien
festival d'art lyrique en France - à une situation de quasi-faillite et a rendu
impérative l'intervention de la région dans des délais contraints.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
COUR DES COMPTES
424
Si le contexte et la réactivité inhérente à la crise qu'il s'agissait
d'éviter ont conduit au choix d'une gouvernance sous la forme d'une
Société publique locale (SPL), il est nécessaire de préciser que cette
décision a été prise en parfait accord avec les services de l'État et que ses
représentants ont été parties prenantes à l'ensemble des étapes qui ont
suivi. La DRAC a ainsi été associée à l'ensemble des instances ainsi qu'aux
échanges portant sur la stratégie à établir pour garantir la pérennisation
de cette institution, l'exemple le plus récent à ce titre est sa participation
au groupe de travail visant à transformer les Chorégies en EPCC.
Enfin, s'agissant de l'implication des collectivités, il semble
important de préciser que les conventions triennales et les avenants
annuels sont autant d'occasions de s'assurer de leur participation à la
structuration de l'activité du Festival.
L'enquête a souligné à juste titre qu'il n'a pas été possible de
construire une nouvelle stratégie immédiatement après l'implication
renforcée de la région. C'est un constat partagé par le conseil régional, le
contexte de la crise sanitaire n'ayant pu permettre de déployer une
proposition artistique pluriannuelle qui soit viable économiquement. C'est
sur cette priorité, en lien avec l'ensemble des financeurs publics
—
services
de l'État compris
—
que la région Provence-Alpes-Côte d'Azur oriente
désormais son action.
Rapport public annuel 2023 - mars 2023
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes