Ce rapport a été établi sous la seule responsabilité de ses auteurs.
Il n’engage pas le Conseil des prélèvements obligatoires.
RAPPORT PARTICULIER N° 5
La taxe sur la valeur ajoutée
(TVA) face aux
défis socioéconomiques
M
me
Capucine Grégoire
Inspectrice des finances
M. Paul-Armand Veillon
Administrateur de l’Insee
Décembre 2022
SYNTHESE
I. Régressive, la taxe sur la valeur ajoutée
(TVA) n’est pas un levier pertinent pour
soutenir le
pouvoir d’achat des ménages modestes et atténuer les inégalités de revenus.
Les constats établis par le rapport particulier de 2015 relatif aux effets redistributifs de la TVA
1
demeurent valides en 2022.
La TVA est un impôt régressif dans la mesure où son poids
dans le revenu disponible des ménages décroît avec le revenu
. En effet, la TVA représentait
12,5 % du revenu disponible
2
du premier décile de niveau de vie
3
contre 4,7 % du dernier
décile en 2014,
en raison d’une
propension à consommer plus élevée des ménages modestes.
Toutefois, l’analyse sur l’ensemble du cycle de vie,
qui neutralise les effets des variations de
l’épargne sur la consommation,
réduit
l’effet régressif de la TVA de près moitié.
Par ailleurs, le
caractère anti-redistributif de la TVA est plus que compensé par les transferts monétaires, et
en particulier les prestations sociales qui assurent une progressivité du système socio-fiscal
pris dans son ensemble.
S’agissant des taux réduits de TVA, force est de constater qu’ils ne modèrent qu’à la marge les
effets régressifs de la TVA. Certes, les produits soumis au taux réduit de 5,5 %
4
sont davantage
consommés par les ménages modestes ce qui n’est pas le cas des biens et services soumis au
taux intermédiaire de 10 %
5
, qui, à l’inverse, sont
surconsommés par les déciles supérieurs.
Pour autant, pour l’ensemble des catégories de produits ou services à l’exception du tabac, la
consommation en euros est croissante avec le revenu.
Ainsi, l’ensemble des taux réduits
confèrent un gain en euros plus élevé aux ménages les plus aisés.
Plusieurs micro-simulations réalisées par les rapporteurs corroborent la faible efficacité du
recours aux
taux réduits de TVA en tant qu’outil de redistribution. D’une part, à coût budgétaire
équivalent, une baisse de la TVA sur la consommation de produits de première nécessité, par
essence indifférenciée selon le revenu du consommateur, serait moins efficace q
u’une
prestation monétaire ciblée (
cf
.
graphique 1). D’autre part, une modification en profondeur de
la structure des taux, par exemple en appliquant le taux de 2,1 % aux produits alimentaires et
le taux normal de 20 % aux services de restauration, ne suffirait pas à atténuer le caractère
régressif de la TVA. Une telle évolution ne réduirait que marginalement (- 0,5
points) l’écart de
taux d’effort
6
entre le premier et le dernier décile de niveau de vie, lequel s’élève à
8 points.
1
« Les effets redistributifs de la Taxe sur la Valeur Ajoutée », Béatrice Boutchenik, rapport particulier du Conseil
des Prélèvements Obligatoires, avril 2015.
2
Le revenu disponible est le revenu à la disposition du ménage pour consommer et épargner. Il comprend les
revenus d’activité nets des cotisations sociales, les indemnités de chômage, les retraites et pensions, les revenus du
patrimoine (fonciers et financiers) et les autres prestations sociales perçues, nets des impôts directs.
3
Le niveau de vie c
orrespond au revenu disponible divisé par le nombre d’unités de consommation du ménage.
4
Principalement constitués de produits de première nécessité.
5
Transports de voyageurs, restauration, hébergement hôtelier, notamment.
6
Soit le montant de TVA payé rapporté au revenu disponible.
Graphique 1 : Variation
du niveau de vie pour plusieurs mesures de soutien au pouvoir d’achat
(en % du niveau de vie)
Source : Données Insee, DGFIP, Institut des politiques publiques, Budget de Famille 201 - calculs des rapporteurs.
Note de lecture
: Le versement d’un chèque de
1620
€ aux ménages éligibles au chèque énergie augmenterait de 7,3
%
le niveau de vie du premier décile contre une hausse 1,5 % pour la suppression de la TVA sur les produits alimentaires.
Les montants du chèque et de la prime ont été calibrés de façon à
avoir le même coût pour les finances publiques qu’une
suppression de la TVA sur les produits alimentaires, soit 9,4 Md€.
II. Relativement à d’autres instruments, l’efficacité de la TVA pour faire face aux enjeux
environnementaux et de santé publique n’est
pas démontrée.
Les taux réduits de TVA actuels sont en grande majorité motivés par des objectifs de soutien
sectoriel et de modération des prix des produits de première nécessité. En revanche, les taux
réduits justifiés par des enjeux environnementaux ou de santé publique occupent un poids
limité. À cet égard, les quatre taux réduits visant à soutenir la transition environnementale
représentent moins de 10 % des dépenses fiscales de TVA pour un total de 1,94
Md€ en
2021.
Le seul taux réduit applicable aux travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux
à usage d'habitation
7
représentait 90 % de ce total en 2021, soit 1,76
Md€. Les rapporteurs
notent d’une part, que ce taux réduit n’a jusqu’alors fait l’objet d’aucune évaluation étayée et,
d’autre part, que des dispositifs aux finalités proches ont été créés tels que «
Ma Prime Rénov’
».
Les rapporteurs préconisent d’engager l’évaluation de cette dépense fiscale.
La cohérence des taux ré
duits de TVA avec les objectifs environnementaux n’a, elle non plus,
jamais été évaluée. Le défaut de vision exhaustive de l’impact environnemental de ces
différents taux ne permet pas aux rapporteurs d’apprécier leur cohérence d’ensemble avec les
engagements internationaux de la France. Seuls sept taux réduits, représentant une dépense
de 2,3
Md€ en 2021, font l’objet d’une cotation environnementale dans le
« budget vert » de
l’État
pour
2023. Or, d’autres taux réduits sont susceptibles d’avoir des effets
indirects sur
l’environnement
via
l’empreinte carbone de la consommation des ménages. C’est le cas du taux
dérogatoire de 13 % appliqué aux carburants en Corse ou encore du taux intermédiaire
de 10 % appliqué aux liaisons aériennes domestiques. Il est ains
i proposé d’in
tégrer de
manière systématique la dimension environnementale lors de l’évaluation d’une mesure de
baisse de taux de TVA.
7
Pour les travaux achevés depuis plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur sont indissociablement
liés, conformément à l’article 278
-0 bis A du code général des impôts.
0%
2%
4%
6%
8%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Variation en % du niveau de vie
Décile de niveau de vie
Chèque de 1620 € pour les ménages éligibles au chèque énergie
Prime individuelle de 250 € (pour les individus avec revenu < 2000€/mois)
Suppression de la TVA sur les produits alimentaires
Plus largement, l’opportunité des taux réduits de TVA devrait systématiquement, même
lorsqu’ils sont d’initiative parleme
ntaire, être analysée par rapport à une grille de critères que
sont, outre la dimension environnementale, les effets sur les choix de consommation
8
, la
conformité juridique, la faisabilité opérationnelle, l’impact redistributif et le coût budgétaire.
Les e
ffets environnementaux devraient quant à eux être comparés à ceux d’autres mesures
incitatives, en particulier les accises et le marché carbone. Au regard
de cette grille d’analyse,
trois propositions de baisse de la TVA souvent présentées comme efficaces pour inciter à des
comportements vertueux en matière environnementale et de santé publique ont été examinées
par les rapporteurs :
La baisse de la TVA sur les billets de train
n’appara
ît pas adaptée pour inciter au report modal
vers le train. D’abord, une
baisse de la TVA, même répercutée dans les prix, aurait un effet limité
sur la fréquentation des lignes opérant déjà à un niveau proche de leur capacité maximale.
Ensuite, l’incitation au report vers le train, dont le coût marginal est déjà inférieur à ce
lui de la
voiture, supposerait de développer un réseau d’infrastructures de bonne qualité et un maillage
territorial plus dense. Enfin, une baisse de TVA ne permettrait pas un soutien ciblé aux
ménages les plus touchés par les hausses de prix des billets de train. Au contraire, des mesures
de types bouclier tarifaire ou forfaits multimodaux mériteraient d’être étudiées.
Insuffisamment ciblée, une baisse de la TVA sur les services de réparation et de réemploi
n’apparaît pas la mesure la plus pertinente pour
lever les freins au développement de ces
secteurs, lesquels ne sont pas exclusivement financiers. Une approche sectorielle et de
proximité, reposant sur des éco-
organismes agréés, a jusqu’
ici été préférée à des baisses de
TVA contraintes par le cadre européen
9
. Un bilan de la mise en œuvre des innovations issues
de la loi « AGEC » du 10 février 2020, en particulier des fonds de réparation et de réemploi, est
nécessaire avant d’envisager de nouvelles incitations. Plusieurs points d’attention sont
identifiés par les rapporteurs.
Il s’agit n
otamment du processus de labélisation des réparateurs
éligibles au « bonus réparation », du périmètre du fonds de réemploi et de la mise en œuvre du
système de primes et pénalités d’écoconception
.
L
’idée selon laquelle le taux de TVA pourrait être modulé en fonction de l’impact
environnemental ou nutritionnel d’un bien ou d’un service est en pratique inopérante.
Bâti sur un raisonnement par grandes catégories de biens et services, le cadre de la TVA ne
permettrait pas une taxation suffisamment fine. Ainsi, il ne serait pas possible de taxer
différemment deux produits en apparence similaires (deux tablettes de chocolat, par exemple)
mais aux caractéristiques environnementales et nutritionnelles différentes.
Face aux limites de la TVA, les débats mériteraien
t d’
être recentrés sur les mesures
opérationnelles à même d’orienter les consommateurs vers des choix plus so
bres, comme
l’extension du marché carbone et la mise en œuvre de l’affichage environnemental. En termes
de santé publique, la spécificité de la fiscalité nutritionnelle existante, à savoir en France les
contributions sur les boissons sucrées et les boissons édulcorées, doit être préservée, voire
renforcée, la TVA ne constituant pas un substitut pertinent.
8
Ces effets dépendent essentiellement de deux variables : taux de répercussion de la baisse de TVA dans les prix et
l’élasticité prix de la demande.
9
À cadre juridique constant, un taux réduit ne pourrait être appliqué qu’à une liste restrictive de services de
réparation et de biens issus du réemploi.
III. La TVA ne constitue pas une solution pérenne au double défi de la fiscalité des
énergies, que sont la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la protection du
pouvoir d’achat des plus vulnérables.
S’il existe un large éventail de politiques publiques pour lutter efficacement contre le
changement climatique, une meilleure prise en compte du signal-prix du carbone fait
consensus parmi les économistes. À ce titre, une tarification du carbone,
a fortiori
, une
augmentation de la fiscalité sur les énergies carbonées, constituent des outils pertinents pour
inciter les ménages à réduire leur consommation en énergies carbonées. Les études
empiriques
10
montrent qu’une hausse des prix du carburant de
10 % se traduit, à long terme,
par une baisse de la consommation comprise entre 5 % et 12 %. Une hausse de la tarification
carbone ne paraît toutefois socialement acceptable qu’à condition de réutiliser tout
ou partie
de ses recettes pour soutenir les ménages financièrement vulnérables et réduire le prix des
énergies alternatives
, comme le CPO l’a montré dans son rapport de février 2022
.
Complexe, la fiscalité des énergies hors TVA (44
Md€ en 2020) est compos
ée à 90
% de l’accise
sur l’énergie, subdivisée en cinq fractions
11
regroupant les anciennes «
taxes intérieures de
consommation
»
12
. À cela, s’ajoute la TVA sur les consommations finales d’énergie, qui obéit à
un régime dual,
avec l’application du taux réduit à 5,5
% aux abonnements d’électricité
13
, de
gaz et de chaleur et du taux normal aux fournitures d’énergies hors abonnement
14
. Outre sa
complexité, cette structure comporte plusieurs incohérences. En particulier, les tarifs des
accises ne permettent pas de corréler la charge fiscale à la contribution au réchauffement
climatique des différentes sources d’énergie. Ainsi, l’électricité demeure en moyenne taxée à
un niveau plus élevé que le gaz naturel, soit plus de 30
€ contre m
oins de 10
€ par
mégawattheure. De plus, plusieurs taux réduits de TVA favorisent la consommation d’énergies
carbonées, que ce soit le taux de 5,5
% sur l’abonnement aux offres de gaz naturel ou celui
de 10 % sur le bois de chauffage.
Dans un contexte de f
orte hausse des prix de l’énergie depuis la fin de l’année 2021
, le
gouvernement a mis en place des mesures visant à réduire les prix de l’énergie pour les
ménages et les entreprises (bouclier tarifaire, notamment) ainsi que des dispositifs ciblés sur
les ménages les plus vulnérables (chèque énergie exceptionnel, notamment)
. D’un coût net
de 22,1
Md€, ces mesures auraient permis de réduire de 2,1
points l’inflation en 2022 et de
limiter la baisse du pouvoir d’achat des français
de -0,6 % en 2022
15
. En cela, ces mesures sont
préférables à une baisse de la TVA, pourtant privilégiées par plus de la moitié des Etats
membres de l’UE. D’abord, une baisse de TVA
ne protégerait que partiellement les ménages
face à la hausse des prix de l’énergie et aurait un effet
sur leur volatilité plus limité que le
bouclier tarifaire. Ensuite, mieux ciblé, le chèque énergie exceptionnel permet de protéger plus
efficacement les ménages appartenant aux quatre premiers déciles de niveau de vie qu’une
baisse de TVA.
10
Voir en particulier Labandeira, Xavier, Labeaga, Jose and López-Otero, Xiral, (2017), « A meta-analysis on the
price elasticity of energy demand », Energy Policy, 102, issue C, p. 549-568.
11
Les produits énergétiques sont assignés à une « catégorie fiscale » (cinq pour les carburants, six pour les
combustibles et trois pour l’électricité)
. Chaque catégorie fiscale correspond à un niveau de taxation et tous les
produits d’une même catégorie sont taxés au même niveau.
12
TICFE (taxe intérieure
de consommation finale sur l’électricité), TCCFE (taxe communale sur la consommation
finale d’électricité), TDCFE (taxe départementale sur la consommation finale d’électricité), TICGN (taxe intérieure
de consommation sur le gaz naturel, TICC (taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et coques),
TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), TSC (taxe spéciale de consommation).
13
Pour les abonnements d’électricité, le taux réduit ne s’applique que lorsque la puissan
ce souscrite est inférieure
ou égale à 36 kilovoltampères (kVA).
14
A l’exception de la fourniture de chaleur, qui peut bénéficier du taux réduit à
5,5 % lorsque le réseau de chaleur
utilise plus de 50
% d’énergie renouvelable ou de récupération.
15
E. Heyer et X. Timbeau, «
La croissance manque d’énergie, perspectives 2022
-
2023 pour l’économie française
»,
Policy Brief de l’OFCE, octobre 2022.
En sortie de crise, une réflexion structurelle visant à rétablir le signal prix, tout en protégeant
le pouvoir d’achat des ménages les plus vulnérables
, est impérative.
D’une part,
i
ndépendamment de l’issue des négociations européennes
sur la directive relative à la taxation
des produits énergétiques et de l'électricité, la refonte de la structure des accises et de la TVA
au profit d’une taxation à terme défavorable des combustibles fossiles est
souhaitable. Outre la
suppression des taux réduits de TVA sur le bois de chauffage et le gaz imposée par le droit
européen, pourrait ainsi être étudié un scénario de convergence des tarifs des accises sur
l’électricité et le gaz réalisée à budget constant
16
, sous réserve de surmonter certaines
difficultés induites
17
. Cet alignement de
s tarifs d’accise
s
pourrait être l’occasion d’unifier les
taux de TVA applicable aux offres de gaz, d’électricité, de bois et de chaleur
18
en les fixant au
taux normal de 20 %, mettant ainsi fin à un risque contentieux devant la Cour de justice de
l’Union e
uropéenne
19
.
D’autre part, les hausses tendancielles des prix de l’énergie appellent des interventions
publiques visant à accélérer la décarbonation et à protéger les ménages les plus vulnérables.
Les recettes associées à une hausse de la fiscalité carbone doivent être, au moins en partie,
redistribuées sous la forme d’aides forfaitaires aux ménages les plus modestes. Les
rapporteurs renvoient aux travaux récents portant sur les marges d’amélioration des
dispositifs existants d’aide au paiement des factures d’électricité et de combustib
les. Des
travaux complémentaires seraient utiles afin de rendre opérationnel un ciblage plus étroit des
aides, y compris en cas de chocs conjoncturels
20
.
Enfin
, l’accompagnement des acteurs économiques, ménages comme entreprises, doit avant
tout reposer sur des incitations à la décarbonation en les encourageant à réduire dans la durée,
et non uniquement en période de hausses subites, leurs consommations énergétiques.
16
D’après les estimations réalisées par la direction de la législation fiscale
(DLF), le tarif commun d’accise sur
l’électricité et les combustibles fossiles devrait être fixé à environ
18,5 €/MWh contre
8,45 €/MWh sur le gaz
naturel combustible et au moins
20 €/MWh sur l’électricité aujourd’hui.
17
De tels alignements soulèveraient toutefois plusieurs difficultés : (i) un transfert de charge fiscale des ménages
se chauffant à l’électricité vers les ménages se chauffant au gaz, au fioul domestique, au GPL et au bois et (ii) un effet
différencié sur les particuliers et les entreprises l’écart entre les niveaux de taxation de l’électricité et du gaz étant
supérieur pour les premiers que pour les secondes
18
Le maintien d’un soutien fiscal à la chaleur renouvelable pourrait passer par une extension à la chaleur de la taxe
incitative (TIRUERT).
19
Il existe un risque de non-conformité du régime dual de TVA appliqué aux deux composantes des offres de
fourniture d’énergies. Si ces dernières étaient considérées par la Cour de justice de l’Union européenne comme
constituant une prestation unique au sens du droit de l’UE, un taux
unique devrait leur être appliqué.
20
Par exemple
via
la constitution d’une base de données fiabilisées recensant les propriétaires ou utilisateurs de
véhicules, ou une connaissance plus approfondie des données de chauffage (mode principal des ménages, profil des
consommations).
CONSTATS ET PROPOSITIONS
Première partie du rapport relative aux enjeux redistributifs liés à la TVA
Constat 1
: En l’absence de données sur l’ensemble du cycle de vie et au regard des mesures
habituelles de la pauvreté monétaire et des inégalités de niveau de vie, la TVA rapportée au
revenu disponible annuel constitue une mesure pertinente des effets redistributifs en
comparaison de la TVA rapportée à la consommation.
Constat 2 : Les modèles de micro-simulation actuels reposent, au mieux, sur des données de
consommation individuelles de 2016-2017, ce qui limite la pertinence de leurs résultats dans
le contexte inflationniste actuel.
Constat 3 : Que ce soit en cycle de vie ou en coupe, les études empiriques concluent à un effet
régressif de la TVA
qui s’explique entièrement par une propension à consommer plus élevée
pour les ménages modestes.
Constat 4 : La progressivité du système socio-fiscal français repose sur les prestations sociales
et les transferts monétaires plutôt que sur une fiscalité progressive. La principale contribution
des prélèvements obligatoires à la réduction des inégalités, et en particulier de la fiscalité
indirecte, provient non pas de leur progressivité mais de leur rôle de financement des
transferts sociaux et des services publics.
Constat 5 : Dans leur ensemble, les taux réduits de TVA ne ciblent pas des produits et services
dont la part dans la consommation est plus élevée pour les ménages modestes. Toutefois, le
taux réduit de 5,5 % s’applique à des postes de consommation s
urreprésentés dans les
dépenses des ménages les plus modestes, à l’inverse du taux réduit à
10 %.
Constat 6 : Les taux réduits ne participent que très marginalement à la réduction des effets
régressifs de la TVA. Ils confèrent par ailleurs un gain en euros croissant avec le décile de
niveau de vie.
Constat 7
: La littérature économique recommande l’application d’un taux uniforme de TVA
dans la mesure où le caractère régressif de la TVA peut être atténué par d’autres mécanismes
plus efficaces (impôt sur le revenu, prestations sociales).
Constat 8 : Une hausse de la TVA se traduirait à moyen terme par une augmentation du taux de
pauvreté et des inégalités, tout en procurant un gain significatif pour les finances publiques.
Cette augmentation des inégalités pourrait être neutralisée par une augmentation des
transferts monétaires.
Constat 9 : La baisse de TVA sur les produits de première nécessité aurait un effet limité sur le
pouvoir d’achat
des ménages modestes en comparaison à des mesures plus ciblées, à coût
budgétaire identique.
Constat 10
: Une modification de la structure des taux réduits, même d’ampleur, ne réduirait
que très marginalement le caractère régressif de la TVA.
Proposition n° 1 :
Explorer les pistes d’actualisation des données de consommation, en
exploitant par exemple de manière plus systématique les données de cartes bancaires.
Proposition n° 2 : Préférer systématiquement les prestations sociales et les transferts
monétaires à une baisse de la TVA p
our soutenir le pouvoir d’achat des ménages
.
Deuxième partie du rapport relative à l’examen
de plusieurs propositions de taux
réduits de TVA face aux défis environnementaux et de santé publique
Constat 11 :
L’examen d’une grille de critères (i.e. effet sur les choix de consommation,
conformité juridique, faisabilité opérationnelle, effets redistributifs, coût pour les finances
publique, impact environnemental) est nécessaire pour évaluer systématiquement la
pertinence de toute proposition de baisse de taux de TVA, que son origine soit
gouvernementale ou parlementaire.
Constat 12
: Le régime de taux applicable à la Corse pourrait être examiné dans le cadre d’une
évaluation plus globale du statut fiscal particulier de la Corse, qui excède le champ du présent
rapport.
Constat 13:
Le choix d’appliquer deux taux réduits distinct
s de TVA aux médicaments en
fonction de leur statut (remboursable/non remboursable) apparaît justifié par le besoin pour
l’État d’in
fluer sur le
s préférences des individus et d’assurer l’accès à la santé.
Constat 14 : Les dépenses fiscales de TVA en lien avec des objectifs environnementaux ont un
poids réduit (moins de 10 % des dépenses fiscales de TVA) et sont concentrées sur le soutien
à la rénovation énergétique des bâtiments.
Constat 15
: L’absence d’évaluation de l’impact environnemental de la plupart des mesures de
taux de TVA ne permet pas de trancher la question de leur cohérence avec les objectifs
environnementaux.
Constat 16 : Une baisse de la TVA sur les billets de train, même répercutée dans les prix, aurait
un effet limité sur la fréquentation des lignes opérant déjà à un niveau proche de leur capacité
maximale,
a fortiori
dans un contexte de nette reprise de la fréquentation ferroviaire à des
niveaux supérieurs à 2019.
Constat 17 : Face à la hausse des prix des billets de train, des outils ciblés (de type forfait
multimodal ou « bouclier tarifaire
») mériteraient d’être étudiés, plutôt qu’une baisse de la TVA
qui ne permet pas de soutenir davantage les ménages les plus affectés.
Constat 18 :
Les choix de report modal ne s’opèrent pas uniquement sur les prix relatifs des
différents modes de
transport, déjà favorables pour les services ferroviaires. L’incitation au
report modal vers le train suppose de développer un réseau
d’infrastructures
offrant une
bonne qualité de service et un maillage territorial adapté.
Constat 19 : Des produits appartenant à une même catégorie, par exemple deux tablettes de
chocolat, peuvent avoir des caractéristiques environnementales et nutritionnelles très
différentes, ce qui justifie des mesures fiscales aussi ciblées que possible.
Constat 20 : La TVA ne permet pas de taxer de manière suffisamment fine les biens et services
en fonction de leur impact, qu’il soit environnemental ou nutritionnel.
Constat 21 : Le système d'échange de quotas d'émission européen (SEQE-UE) est efficace pour
réduire les émissions de gaz à effet de serre industrielles. Cependant, ce mécanisme doit être
associé à une taxation des émissions importées,
et son périmètre étendu à d’autres secteurs
fortement émissifs (logement, transport aérien et maritime).
Constat 22 :
À terme, et une fois l’affichage environnemental mis en œuvre, la possibilité de
moduler
le niveau d’une accise, et non la TVA, sur la base d’un score environnemental
obligatoire pourrait être évaluée.
Constat 23 : La spécificité de la fiscalité nutritionnelle existante, à savoir en France les
contributions sur les boissons sucrées et les boissons édulcorées, doit être préservée, la TVA
ne constituant pas un substitut pertinent.
Proposition n° 1 : Explorer les pistes d’actualisation d
es données de consommation, en
exploitant par exemple de manière plus systématique les données de cartes bancaires.
Proposition n° 2 : Préférer systématiquement les prestations sociales et les transferts
monétaires à une baisse de la TVA pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages.
Proposition n° 3 : Conduire une évaluation socio-économique du régime de taux de
TVA applicable en Corse dans le cadre d’une évaluation plus globale de son statut fiscal
particulier.
Proposition n° 4 : Conduire une évaluation du taux réduit de TVA sur les travaux de
rénovation énergétique, incluant une analyse de sa complémentarité avec les
dispositifs institués depuis sa création, en particulier «
Ma Prime Rénov’
».
Proposition n°
5 : Systématiser l’approche visant à inclure la dimension
environnementale dans les évaluations des mesures fiscales, y compris lorsqu’il s’agit
d’un taux réduit de TVA.
Proposition n° 6 : Faire aboutir, dans le respect des échéances législatives, les travaux
relatifs à la mise en œuvre de l’obligation d’affichage environnemental, en tenant
compte des enjeux de biodiversité, sans pour autant y adosser les taux de TVA.
SOMMAIRE
SYNTHESE
..............................................................................................................................................
1
CONSTATS ET PROPOSITIONS
.......................................................................................................
6
INTRODUCTION
...................................................................................................................................
1
1.
LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE (TVA) EST UN OUTIL INEFFICACE DE SOUTIEN
AU POUVOIR D’ACHAT
DES MÉNAGES
.........................................................................................
3
1.1.
Comment mesurer les effets redistributifs de la TVA ?
....................................................
3
1.2.
La part de la TVA dans le revenu disponible annuel des ménages décroît
fortement avec le niveau de vie
..................................................................................................
9
1.3.
La structure des taux réduits de TVA a des impacts redistributifs limités entre
ménages
............................................................................................................................................
16
1.4.
Relativement à des transferts monétaires ciblés, une baisse de la TVA ne
constituerait pas une mesure efficace pour soutenir le pouvoir d’achat des
ménages modestes
........................................................................................................................
22
2.
RELATIVEMENT À D’AUTRES INSTRUMENTS, L’E
FFICACITÉ DE LA TVA POUR
FAIRE FACE AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX ET DE SANTÉ PUBLIQUE
N’EST PAS
DÉMONTRÉE
......................................................................................................................................
31
2.1.
Toute proposition de taux réduits de TVA mérite d’être analysée à l’aune d’une
grille de critères socio-économiques, juridiques et de faisabilité opérationnelle
...32
2.2.
L’existence de taux réduits de TVA s’explique essentiellement par des objectifs
de soutien sectoriel ou de baisse de prix des produits de première nécessité,
plutôt que d’incitation à des comportements vertueux
................................................
35
2.3.
Souvent avancées dans le débat public, des baisses de taux de TVA dans le
champ des transports ferroviaires et de l’économie circulaire ne semblent pas
répondre aux enjeux clés de ces secteurs d’avenir
.........................................................
47
2.4.
Complexe, la modulation de la TVA en fonction de scores environnementaux ou
nutritionnels n’apparaît pas comme un outil opérant pour inciter à des
comportements vertueux
..........................................................................................................
63
3.
EN RAISON DE SES SPÉCIFICITÉS, LA TVA NE CONSTITUE PAS UNE SOLUTION
PÉRENNE AU DOUBLE DÉFI QUE SONT LA RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GAZ À
EFFET DE SERRE ET LA PROTECTION DU POUVO
IR D’ACHAT DES PLUS
MODESTES
81
3.1.
Selon la théorie économique et les études empiriques, la tarification carbone
constitue l’outil le plus efficace pour décarboner l’économie
....................................
81
3.2.
Par-delà la TVA, la fiscalité des énergies repose sur une structure historique
d’accises peu cohérente au regard des objectifs environnementaux de la France
...87
3.3.
À court terme, une baisse temporaire de la TVA sur l’énergie n’est pas la mesure
la plus efficace pour faire face au choc énergétique
.......................................................
95
3.4.
Une réflexion structurelle visant à rétablir le signal prix, tout en protégeant le
pouvoir d’achat des ménages les plus exposés est impérative
...............................
107
ANNEXE I : LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES
...........................................................
113
1.
ADMINISTRATIONS
................................................................................................................
113
1.1.
Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle
..........
113
1.2.
Ministère de la Transition Écologique
...............................................................................
114
1.3.
Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne
.........
114
1.4.
Ministère de la santé et de la prévention
.........................................................................
114
1.5.
Autres
..............................................................................................................................................
114
2.
ÉCONOMISTES
..........................................................................................................................
114
3.
SOCIÉTÉ CIVILE ET ENTREPRISES
.....................................................................................
115
3.1.
Entreprises et fédérations
......................................................................................................
115
3.2.
Convention Citoyenne pour le Climat
................................................................................
115
ANNEXE II : BIENS ET SERVICES ÉLIGIBLES AUX TAUX RÉDUITS AU REGARD DU
DROIT EUROPÉEN
........................................................................................................................
116
-
1 -
INTRODUCTION
Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoire (CPO) de 2015 dressait déjà plusieurs
constats sur le caractère régressif de la TVA et sur sa faible efficacité pour orienter les
comportements des ménages. Depuis lors, plusieurs évolutions des contextes juridique et
socio-économique ont conduit le
CPO à s’interroger de nouveau sur l’utilisation de la
TVA
comme instrument de redistribution et d’incitation économique face à des pr
oblématiques de
long terme, comme la protection de l’environnement et la santé publique, ou des enjeux de plus
court terme, face à la
hausse des prix de l’énergie.
Sur le plan juridique, la directive TVA du 5 avril
2022 a étendu les possibilités d’applicat
ion de
taux réduits à de nouveaux domaines
21
, selon l’objectif affiché par la Commission européenne
de donner une plus grande marge de manœuvre aux États membres «
pour faire en sorte que
leurs systèmes de TVA tiennent compte des choix politiques nationaux, tout en garantissant la
cohérence avec les priorités communes européennes, à savoir les transitions écologique et
numérique et, bien entendu, la protection de la santé publique
»
22
.
Les modifications
intervenues donnent la possibilité d'appliquer quatre taux réduits : deux taux réduits,
un taux super-réduit (inférieur à 5 %) et un taux nul.
De nouvelles catégories de biens et
services sont par ailleurs éligibles à l’un de ces taux réduits.
Avant même cette révision, plusieurs États membres avaient décidé de recourir à la TVA pour
accompagner la transition environnementale. C’est le cas de l'Allemagne, qui a abaissé le taux
de TVA sur les billets de train à 7 % depuis janvier 2020 dans le cad
re d’un plan global de lutte
contre le réchauffement climatique, ou encore de la Suède, qui a abaissé son taux de TVA sur
certains services de réparation.
En France, face aux impératifs de santé publique et de
protection de l’environnement, de
nouvelles propositions de taux réduits de TVA ont émergé dans le débat public, que ce soit lors
de la campagne présidentielle, des travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat ou du
récent débat parlementaire autour du projet de loi de finances pour 2023.
En ou
tre, la hausse des prix de l’énergie, depuis début 2021, a conduit de nombreux
gouvernements européens à mettre en place une baisse temporaire de la fiscalité énergétique,
notamment
via
une réduction des taux de TVA sur le gaz et l’électricité. Ces mesures
ont été
largement reprises dans le débat public en France.
Dans ce contexte, le présent rapport particulier intitulé « la TVA face aux défis
socio-économiques
» s’articule en trois parties distinctes qui examinent
:
les effets redistributifs de la TVA, et en particulier des scénarii de baisse ou de hausse de
taux à partir de micro-simulations ;
la pertinence socio-économique, juridique et opérationnelle de nouvelles propositions
d’utilisation de la TVA, notamment la mise en place d’une TVA «
verte » ou des baisses
ponctuelles de taux dans le champ des transports et de l’économie circulaire
;
la pertinence du recours à la TVA pour faire face au double défi de la fiscalité énergétique,
que sont la protection des ménages face au renchérissement du prix des énergies
carbonées et l’accompagnement de ces mêmes ménages pour décarboner leur mode
de vie.
21
Ces modifications sont détaillées dans le rapport particulier n° 1.
22
Extraits du communiqué de presse du 7 décembre 2021 de la Commission européenne.
-
2 -
Au terme du rapport, deux annexes présentent la liste des personnes rencontrées par les
rapporteurs (annexe I) et la liste les biens et services éligibles à des taux réduits en application
de la directive du 5 avril 2022 (annexe II).
Outre le présent rapport, quatre autres rapports particuliers s’intéressent au cadre juridique
de la TVA (rapport n° 1), aux comparaisons internationales (rapport n° 2), aux enjeux
budgétaires et à la fraude (rapport n° 3) et au cadre économique théorique (rapport n° 4). Les
rapporteurs ont pu s’appuyer sur les analyses issues de ces rapports pour étayer certains
constats.
- 3 -
1.
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est un outil inefficace de soutien au
pouvoir d’achat des ménages
1.1.
Comment mesurer les effets redistributifs de la TVA ?
1.1.1.
Plusieurs arguments conduisent à retenir le revenu disponible plutôt que la
consommation pour mesurer les effets redistributifs de la TVA
D’un point de vue théorique, la capacité contributive d’un individu peut se définir par la totalité
des revenus perçus sur le cycle de vie, et les effets redistributifs devraient être mesurés en
rapportant les prélèvements acquittés au cours de la vie à l’ensemble des revenus perçus
23
. En
particulier, retenir le revenu disponible annuel peut conduire à donner davantage de poids à
des individus temporairement affectés par une perte de revenu et un poids réduit à un individu
ayant des revenus exceptionnels une année donnée
24
. Le revenu au cours de la vie n’étant pas
observable directement dans les données, la littérature économique s’est alors intéressée à
déterminer qui, du revenu annuel ou de la consommation annuelle, est le plus corrélé aux
revenus perçus sur l’ensemble de la vie. Cette question est d’autant plus prégnante pour la TVA
que
le choix de l’un ou l’autre indicateur conduit à des conclusions opposées
:
en retenant le revenu disponible annuel, la fiscalité indirecte sur la consommation, et en
particulier la TVA, est régressive dès lors que la propension marginale à consommer
décroît avec le revenu disponible. En effet, les ménages les plus modestes allouent une
part plus élevée de leur revenu disponible à la consommation et ont ainsi une part plus
importante de leur revenu disponible soumise à la TVA ;
en retenant la consommation annuelle, celle-
ci n’appara
ît plus comme régressive. Elle
serait même progressive pour certaines structures de taux, notamment si les produits et
les services surconsommés par les ménages modestes sont soumis à des taux réduits.
La théorie du revenu permanent suggère de retenir la consommation, comme variable
pertinente pour mesurer les effets redistributifs.
Le choix du revenu disponible ou de la
consommation pour approximer le revenu perçu au cours de la vie suppose de faire des
hypothèses sur l’utilisation intertemporelle de l’épargne
25
. Les ménages peuvent, en effet,
constituer une épargne de précaution pour faire face à une baisse transitoire du revenu ou
épargner pour anticiper les variations de leur revenu sur l’ensemble du cycle de vie. Sous ces
deux hypothèses, l’épargne correspondrait seulement à une consommation différée dans le
temps et serait donc soumise ultérieurement à la TVA.
23
A. Bozio et al. (2012), « Fiscalité et redistribution en France, 1997-2012 », Rapport IPP.
24
Par exemple, les revenus des indépendants et entrepreneurs sont extrêmement volatiles et le revenu
annuel constitue une mauvaise approximation de leur capacité contributive.
25
En effet, la part du revenu non allouée à la consommation est mécaniquement épargnée.
- 4 -
D’après la théorie de Friedman
26
, les choix de consommation sont fixés par l’estimation du
revenu de long terme par le ménage. Cette estimation, qualifiée de « revenu permanent »,
déterminerait le niveau consommation. En conséquence, les agents économiques lisseraient
leur consommation tout au long de leur vie et utiliseraient leur épargne à cette fin. Cette théorie
a été complétée par celle du cycle de vie
27
, selon laquelle un agent anticipe sa consommation et
son taux
d’épargne tout au long de sa vie. Par exemple,
au cours
de sa vie active, l’agent
augmenterait sont taux d’épargne afin d’augmenter sa consommation
, une fois devenu inactif
(
cf.
graphique 1). Sous cette hypothèse, la meilleure mesure de la capacité contributive du
ménage n’est plus le revenu disponible annuel soumis à des chocs transitoires et dépendant
s
de la position dans le c
ycle de vie. À l’inverse, la consommation constituerait une meilleure
approximation du revenu permanent, en raison du lissage de la consommation opéré par le
ménage.
Graphique 1
: Consommation et revenu sur l’ensemble du cycle de vie
Source : OCDE
Poterba (1989)
28
suggère ainsi que le caractère régressif de la TVA serait un artefact statistique
lié à un mauvais choix de variable, à savoir le montant de TVA payé rapporté au revenu annuel.
Ainsi, selon une approche en revenu permanent, en supposant que les ménages lissent leur
consommation dans le temps, la variable pertinente pour analyser l’impact redistributif de la
TVA n’est plus le revenu disponible, mais la consommation. C
ette mesure serait en effet plus
précise, la consommation résistant aux chocs transitoires en raison du lissage organisé par le
ménage au cours du cycle de vie.
26
Friedmon (1957), « A theory of the consumption function », Princeton Univerity Press.
27
A. Ando et Franco Modigliani (1963), « The 'life-cycle' hypothesis of saving: aggregate implications
and tests », American Economic Review, vol. 53, no 1, p. 55-84.
28
Poterba J. (1989), « Lifetime Incidence and the Distributional Burden of Excise Taxes. » The American
Economic Review, vol. 79, no. 2.
- 5 -
Pour autant, retenir la consommation conduirait à sous-
estimer l’effet régressif de la
TVA
. En effet, le choix de la consommation comme mesure de la capacité contributive repose
sur l’hypothèse forte que l’ensemble de l’épargne constitue une consommation différée qui
sera soumise ultérieurement à la TVA. Cependant, une partie de cette épargne est destinée à
être transmise aux générations suivantes. Or, si la part du revenu total transmise varie en
fonction du niveau de vie et, si en particulier elle est croissante, alors retenir la consommation
conduirait à une sous-
estimation de l’effet régressif de la TVA. D’après
Garbinti et Lamarche
(2014)
29
, le taux d’épargne sur l’ensemble de cycle de vie est fortement croissant avec le revenu
disponible et, par voie de conséquence, la part du revenu total allouée aux transmissions est
croissante avec le rev
enu. Ainsi, l’effet régressif de la TVA est sous
-estimé en retenant comme
mesure la part de la TVA dans la consommation.
Par ailleurs, le choix de retenir la consommation pour mesurer les effets redistributifs de la
TVA est sensible au mode de logement (propriétaire ou locataire). En effet, un ménage est
exonéré de TVA sur les loyers payés. À l’inverse, celui acquérant un logement neuf sera soumis
à la TVA. Quant à un ménage achetant un logement ancien, il sera soumis aux droits de mutation
à titre onéreux (DMTO)
30
.
1.1.2.
En l’absence de données observables sur l’ensemble du cycle de vie des individus,
et au regard des mesures habituelles de la pauvreté et des inégalités de niveau
de vie, le revenu annuel disponible est préférable à la consommation pour
mesurer les effets redistributifs de la TVA
En dépit de sa pertinence théorique, l’approche en cycle de vie se heurte à des limites
tant théoriques que pratiques qui affectent son usage.
Si le revenu sur l’ensemble du cycle
de vie constitue théoriquement la meilleu
re mesure de la capacité contributive d’un individu,
le système socio-fiscal vise également une fonction assurantielle face à une baisse temporaire
du revenu. En effet, les ménages modestes sont le plus souvent contraints par leur revenu
courant annuel et ne sont pas en mesure de lisser leur consommation. Ils ne disposent alors
pas des ressources nécessaires à leur subsistance. Les prestations sociales assurent un revenu
disponible annuel minimal pour les ménages du bas de la distribution. Le revenu disponible
annuel est alors le plus pertinent pour mesurer les effets redistributifs de court ou moyen
termes.
En outre, les données relatives aux revenus ne permettent pas d’observer directement le
revenu perçu au cours de la vie.
Ainsi, le revenu annuel est pr
éférable à une approximation du revenu sur l’ensemble du
cycle de vie par la consommation annuelle pour mesurer les effets distributifs, même si
ce choix conduit à surestimer le caractère régressif de la TVA par rapport à une analyse
en cycle de vie.
Ains
i, les indicateurs retenus par l’Insee pour mesurer les inégalités (taux de
pauvreté, le niveau de vie)
31
ou l’impact d’une réforme sur celles
-ci sont établis à partir du
revenu disponible et non de la consommation. De même les effets redistributifs d’une r
éforme
du système socio-fiscal sont mesurés systématiquement en retenant le revenu disponible
32
.
29
B. Garbinti et P. Lamarche (2014), « Les hauts revenus épargnent-ils davantage ? », Economie et
statistique, n°472-473.
30
Voir encadré 5 du rapport particulier relatif aux effets redistributifs de 2015 pour une illustration
détaillée des effets de l’investissement immobilier dans l’analyse redistributive de la TVA.
31
Voir par exemple « Revenus et patrimoine des ménages, édition 2021 », Insee Références, 2021.
32
Les modèles de micro-simulation de référence (IPP, direction générale Trésor, Insee, OFCE)
présentent systématiquement les effets redistributifs du système socio-fiscal en fonction du niveau de
vie, soit le
revenu disponible rapporté au nombre d’unités de consommation.
- 6 -
Le revenu annuel constitue, en outre, la principale mesure de la capacité contributive de notre
système socio-
fiscal. Il est retenu comme critère d’éligibilité aux prestations sociales et comme
assiette des impôts sur le revenu
33
. Ainsi, le choix du revenu annuel permet d’assurer une
cohérence
entre l’indicateur retenu pour la mesure des effets redistributifs du système socio
-
fiscal et les outils à disposition du décideur public pour le corriger.
Constat 1
: En l’absence de données sur l’ensemble du cycle de vie et au regard des
mesures habituelles de la pauvreté monétaire et des inégalités de niveau de vie, la TVA
rapportée au revenu disponible annuel constitue une mesure pertinente des effets
redistributifs en comparaison de la TVA rapportée à la consommation.
1.1.3.
Les effets redistributifs de la TVA sont mesurés à partir de modèles de micro-
simulation
reposant sur des données d’enquête
En France, l’impact redistributif de la TVA est mesuré grâce à des modèles de micro
-simulation
dont l’objectif est de simuler l’impact du système socio
-fiscal et de ses réformes sur un
échantillon de ménages représentatifs de la population
34
. En particulier, ces modèles
permettent de mesurer les effets redistributifs d’une réforme en fonction des caractéristiques
du ménage, telles que l’âge, le niveau de vie ou la cat
égorie socio-professionnelle. Ils opèrent :
En constituant
une base de données au niveau du ménage ou de l’individu
. Celle-ci
doit contenir des données fines sur la consommation des ménages afin de pouvoir
appliquer la législation relative à la fiscalité indirecte ainsi que sur les caractéristiques
socio-
démographiques pertinentes pour l’analyse. L’ensemble des modèles de micro
-
simulation de la fiscalité indirecte pour la France repose sur l’enquête «
Budget de
famille
» réalisée par l’Insee (
cf
. encadré 1), qui fournit des données détaillées de
consommation pour un échantillon de 12 000 ménages. Celle-ci peut être couplée avec
la base de données « Enquête des revenus sociaux fiscaux » (ERFS), produite également
par l’Insee, lorsque le modèle vise à simuler l’ensemble du système socio
-fiscal ;
En modélisant la législation fiscale
après prise en compte des contraintes liées à la
précision et la qualité des données. En effet, les informations contenues dans les données
disponibles ne sont parfois pas suffisantes pour appliquer précisément la législation. À
titre d’exemple, pour quelques produits et services, la nomenclature de l’enquête
« Budget de famille » est à un niveau trop agrégé pour déterminer le taux de TVA
applicable. À cet égard, il n’y a pas de distin
ction entre le transport aérien national,
soumis au taux de 10 %, et le transport aérien international, non soumis à la TVA ;
En modélisant le comportement des agents
lorsque le modèle inclut des réactions
comportementales. Il est considéré comme « dynamique
» dès lors qu’il prend en compte
les changements de comportement des agents à la suite de variations des prix. À
l’inverse, un modèle dit
« statique
» fait l’hypothèse qu’une variation des prix des biens
via
la fiscalité n’affecte pas les choix de conso
mmation des ménages.
En modélisant les ajustements macroéconomiques
liés à une évolution des prix tels
que l’indexation des prestations sociales sur l’inflation ou la réaction des salaires à une
variation des prix.
33
Impôt sur le revenu ou contribution sociale généralisée.
34
F. Bourguignon et C. Landais (2022), « Micro-
simuler l’impact des politiques publiques sur les
ménages, pourquoi, comment et lesquelles ? », note du CAE n°74.
- 7 -
Encadré 1
: L’enquête
« Budget de famille »
L’enquête «
Budget de famille »
(BDF) fait partie des dispositifs statistiques de l’Insee dont l’objectif est
de reconstituer la comptabilité des ménages français, qu’il s’agisse de leurs ressources ou de leurs
dépenses. Elle couvre la France métropolitaine (environ 12 000 ménages enquêtés) et les départements
et régions d’outre
-mer (DROM, 1 000 unités dans chaque département, y compris Mayotte depuis 2011
et exactement 1 031 en Guyane).
Toutes les dépenses des ménages son
t enregistrées, y compris lorsqu’elles ne relèvent pas de la
consommation de biens et services au sens de la comptabilité nationale (impôts et taxes,
remboursements de crédits, primes d’assurances, travaux dans le logement, etc.). Elles sont ventilées
suiv
ant une nomenclature d’environ
900 postes budgétaires. La collecte de ces informations repose à la
fois sur un questionnaire qui enregistre les dépenses importantes ou régulières effectuées au cours de
l’année écoulée et sur des carnets de dépenses remplis
par chaque membre du ménage de 14 ans et plus
durant 7 jours.
Les principales caractéristiques du ménage et de son logement, ainsi que ses ressources, sont également
connues, permettant en particulier de calculer le revenu disponible et le niveau de vie (revenu
disponible par unité de consommation). L’enquête
BDF est réalisée tous les cinq ans. Les dernières
données disponibles datent de 2017
; la nouvelle version portera sur l’année
2022 et sera
a priori
disponible en 2025.
Source : Rapporteurs.
Le premier modèle de micro-simulation appliqué à la fiscalité indirecte a été proposé par Ruiz
et Trannoy (2008)
35
. Ce modèle est assis sur l’enquête Budget de famille 2001 et a la
particularité d’intégrer une réponse comportementale des agents grâce à une estimat
ion des
élasticités-prix et des élasticités-revenu pour différentes catégories de services et produits. La
prise en compte de la réaction comportementale conduirait à des écarts significatifs par
rapport à un modèle statique pour la simulation d’une hausse
du taux normal de TVA.
Depuis 2008, d’autres modèles ont été développés
:
le modèle « Ines
», développé conjointement par l’Insee et la Drees
, intègre un module de
taxation indirecte et a notamment été utilisé pour mesurer les effets redistributifs de la
TVA dans le cadre du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2015.
Ce modèle repose sur l’enquête Budget de famille 2011 et l’ERFS. Il présente l’avantage
de simuler l’ensemble du système socio
-
fiscal et ainsi d’évaluer l’impact budgétai
re et
redistributif de réformes de l’impôt sur le revenu, de prestations sociales ou de la TVA.
Ce modèle n’intègre cependant pas de réactions comportementales
ni
d’ajustements des
salaires et des prestations à la variation des prix ;
André et Biotteau (2019) ont proposé une extension du modèle « Ines » en intégrant un
ajustement des salaires et des prestations à l’inflation induite par une hausse de la
fiscalité indirecte ;
enfin, le modèle « TAXIPP »,
construit par l’Institut des politiques publiques
(IPP), repose
sur des hypothèses similaires dans le but d’évaluer les effets redistributifs de l’ensemble
du système socio-
fiscal. Il diffère du précédent en s’appuyant sur des données
démographiques et de revenus, issues de Fidéli
36
et de FELIN
37
. Ces deux bases de
données permettent de disposer d’un échantillon plus large
que
l’ERFS et de réaliser
ainsi des mesures des effets redistributifs au niveau du percentile
38
.
35
Ruiz, N. et Trannoy, A. (2008). « Le caractère régressif des taxes indirectes : les enseignements d’un
modèle de micro-simulation ». Economie et statistique, 413(1), p. 21
–
46.
36
Fichier démographique sur les logements et les individus, Insee.
37
Echantillon de 500 000 foyers fiscaux provenant des données sur l’impôt sur le revenu avec
représentation exhaustive des 0,4 % des revenus les plus élevés.
38
Contre au niveau du décile pour le modèle INES.
- 8 -
1.1.4.
Les données disponibles ne permettent pas une mesure, suffisamment fine et
actualisée, des
effets redistributifs d’une hausse ou d’une baisse de la TVA
Les outils de micro-simulation dispoonibles présentent certaines limites qui peuvent conduire
à surestimer ou sous-estimer les effets redistributifs :
les modèles reposent sur des données de consommation et de revenus en coupe et
ne mesurent les effets redistributifs que pour une année donnée
. En conséquence,
ils ne prennent pas en compte les effets différés d’une hausse ou d’une baisse de la TVA
et ne permettent pas de mesurer les effets redistri
butifs sur l’ensemble du cycle de vie.
Par exemple, ils ne prennent pas en compte les effets d’une hausse des salaires suite à
l’inflation induite par une hausse du taux de TVA
;
les données individuelles sur la consommation des ménages ne sont actualisées
que tous les cinq ans
et ne sont disponibles que pour un échantillon réduit
d’individus
39
.
Ainsi, les évaluations réalisées dans le cadre de ce rapport reposent
sur le millésime 2016-
2017 de l’enquête «
Budget de famille » et ne prennent pas
en compte le choc inflationniste
. Or ce choc modifie la structure du panier moyen de
biens et services consommés par les ménages
40
. Si les données de référence permettent
d’évaluer des réformes structurelles de la TVA, elles paraissent toutefois moins
pertinentes pour des mesures conjoncturelles (baisse de taux temporaire sur une
catégorie de produits, par exemple),
a fortiori
dans un contexte inflationniste. Un accès à
des données individuelles de consommation de manière plus fréquente apparaît comme
nécessaire à moyen terme en mobilisant, par exemple, les données de cartes bancaires
de manière plus systématique
41
. En effet, la transition climatique va affecter dans les
prochaines années les inégalités, le revenu et la consommation des ménages, et
nécessitera de mettre en
place des mesures d’accompagnement
42
dont le ciblage
reposera sur la mesure fine et actualisée des effets redistributifs ;
enfin, les modèles dits « statiques » ne permettent pas de tenir compte des réponses
comportementales associées à la baisse ou à la ha
usse d’un taux de TVA. S’agissant des
modèles « dynamiques », la modélisation des réponses des agents face à une hausse ou à
une baisse des prix est complexe, et doit reposer sur des hypothèses issues généralement
de la littérature économique mais toujours
empreintes d’une part d’arbitraire
43
.
Pourtant, les réponses comportementales modifient les effets redistributifs d’une
mesure fiscale,
s’agissant en particulier de la fiscalité sur le tabac ou l’énergie.
Constat 2 : Les modèles de micro-simulation actuels reposent, au mieux, sur des données
de consommation individuelles de 2016-2017 ce qui limite la pertinence de leurs
résultats dans le contexte inflationniste actuel.
Proposition n° 1
: Explorer les pistes d’actualisation d
es données de consommation, en
exploitant par exemple de manière plus systématique les données de cartes bancaires.
39
La complexité de l’appareil sta
tistique nécessaire au suivi individuel de la consommation explique la
faible récurrence de ces enquêtes ainsi que la taille de l’échantillon.
40
D’après l’IRI, les ventes de produits de grande consommation «
frais, liquides, solides » ont diminué
de 2,5 % sur un an en septembre.
41
Voir par exemple l’usage des données de cartes bancaires dans M. Adam, O. Bonnet et T. Loisel (2022),
«
Avec l’inflation, une précarité financière en légère hausse, mais inférieure en août 2022 à son niveau
d’avant
-crise sanitaire », Insee analyses.
42
S. Mahfouz et J. Pisani-Ferry (2022), «
L’action climatique, un enjeu macroéconomique
», Note
d’analyse n°114 de France Stratégie.
43
Par exemple, d’après le CAE, les quatre modèles de micro
-simulation du système socio-fiscal reposent
sur quatre hypothèses différentes d’élasticité prix au tabac, toutes issues de la littérature économique.
- 9 -
1.2.
La part de la TVA dans le revenu disponible annuel des ménages décroît
fortement avec le niveau de vie
1.2.1.
La part de la TVA dans le revenu disponible des ménages, ou «
taux d’effort
»,
varie de 8 points entre le premier et le dernier décile de niveau de vie
D’après les estimations réalisées dans le cadre du rapport particulier du CPO de 2015 relatif
aux effets redistributifs de la TVA
44
,
la part de la TVA rapportée au revenu disponible
annuel
–
ou «
taux d’effort
»
–
décroît fortement avec le niveau de vie
. La TVA apparaît
donc comme un impôt fortement régressif : elle représente 12,5 % du revenu disponible du
premier décile contre 4,7 % pour le dernier décile (
cf
. graphique 2). Entre le deuxième décile
et le neuvième décile, les écarts sont moins marqués et le taux d’effort décroit d
e 9,5 % à 7,5 %.
Ces résultats sont proches des autres études empiriques menées en France sur les effets
redistributifs de la TVA. Ruiz et Tranoy (2008) trouve un taux d’effort de
12 % pour le premier
décile contre 6 % pour le dernier décile. Par ailleurs,
en considérant l’ensemble de la fiscalité
indirecte
45
, le taux d’effort décro
ît de 17 % pour le premier décile de niveau de vie à 8 % pour
le dernier décile. Quant à Bozio
et al. (2012), ils estiment un taux d’effort moyen de 14,5
% pour
le premier décile et 7,5 % pour le dernier décile à partir des données de Budget de famille de
2005.
Graphique 2 : Part de la TVA dans le revenu disponible (taux
d’effort) par décile de
niveau de vie
Source : CPO, 2015.
Réalisée à partir du modèle Ines et assise sur l’enquête «
Budget de famille 2011 »
46
,
l’estimation du rapport du CPO de 2015 reste valide aujourd’hui pour les motifs suivants
:
44
« Les effets redistributifs de la Taxe sur la Valeur Ajoutée », Béatrice Boutchenik, rapport particulier
du Conseil des Prélèvements Obligatoires, avril 2015.
45
Soit les taxes sur les produits pétroliers, les alcools, le tabac et les assurances.
46
En retenant la législation fiscale 2014.
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Décile de niveau de vie
- 10 -
la structure des taux a peu évolué depuis 2009. Si le taux normal de TVA a augmenté
de 19,6 % à 20 % et le taux intermédiaire de 7 % à 10 % en 2012, les taux appliqués par
catégorie de produits n’ont que marginalement évolué depuis
2009, année du passage
du taux normal au taux intermédiaire dans la restauration ;
le constat selon lequel le caractère régressif de la TVA s’explique par l’augmentation du
taux d’épargne avec le niveau de vie reste valide (
cf.
section 1.1.1), voire a été amplifié
par la crise sanitaire. En
2017, d’après les dernières études, le taux d’épargne pour
le 5
ème
quintile de revenu disponible brut par unité de consommation est de 28 %
contre 3 % pour le premier quintile
47
. Depuis
2020, l’hétérogénéité du taux d’épargne
par décile de consommation a en outre augmenté sous l’effet d’une baisse de la
consommation des ménages les plus aisés lors de la crise sanitaire
48
.
1.2.2.
Le caractère régressif de la TVA s
’explique entièrement par une propension
marginale à consommer plus élevée pour les ménages modestes
Le caractère régressif de la TVA s’explique entièrement par la baisse de la
consommation hors loyer
49
dans le revenu des ménages avec le niveau de vie.
En effet,
seule la part du revenu utilisée pour la consommation est soumise à la TVA. Ainsi, une
diminution de la part allouée à la consommation se traduit par une baisse du poids de la TVA
dans le revenu disponible des ménages.
D’après l’Insee, en 2017, le taux d’épargne s’élève à
2,7 % pour le premier quintile de revenu
disponible brut par unité de consommation contre 28 % pour le dernier décile
50
(
cf.
graphique 3
). Les écarts de taux d’épargne diffèrent de ceux calculés dans le cadre du rapport
particulier à partir du module « taxe indirecte
» du modèle Ines et de l’enquête Budget de
famille de 2011
51
. Ces différences ne remettent pas en cause la forte corrélation qui existe entre
le revenu disponible et le taux d’épargne.
47
«
Plus d’épargne chez les plus aisés, plus de dépenses contraintes chez les plus modestes », Insee
Première, septembre 2020.
48
Etienne Fize, Hélène Paris et Marion Rault (2022), « Quelle situation financière des entreprises et des
ménages deux ans après le début de la crise Covid ? », Mars 2022.
49
Le niveau de vie des locataires étant plus faible en moyenne, le taux de TVA rapporté à la
consommation serait fortement réduit en cas de prise en compte des loyers dans la consommation. Il
serait alors nécessaire d’ajouter un loyer imputé pour les ménages propriétaires pour rendre les niveaux
de consommation comparables.
50
«
Plus d’épargne chez les plus aisés, plus de dépenses contraintes chez les plus modestes
», Insee
Première, septembre 2020.
51
Celles-
ci pourraient s’expliquer par un concept différent de revenu retenu pour le calcul du taux
d’épargne ainsi que par la mise en cohérence des données d’enquête avec la comptabilité nationale pour
les chiffres publiés par l’Insee.
- 11 -
Graphique 3
: Taux d’épargne des ménages selon le quintile de RDB/UC entre 2011
et 2017
Source : Insee, CPO.
Les études précédemment citées, qui reposent sur trois modèles distincts, montrent une part
de la TVA dans la consommation hors loyer (ou taux de taxation effective) constante ou
légèrement croissante avec le niveau de vie. L’étude réalisée dans le cadre du rapport de 2015
estimait à 0,8 po
int l’écart du taux de taxation effective entre le dernier décile et le premier
décile, contre 1,1
point d’après Ruiz et Trannoy (2008) et
0,5
point d’après
Bozio et al. (2012 -
cf.
graphique 4).
Ces écarts s’expliquent entièrement par une composition différente des paniers de
consommation entre le premier et le dernier décile et par les taux distincts de TVA applicables
selon les postes de dépenses. Ainsi,
les écarts de taux effectifs constituent une première
mesure des effets redistributifs de la structure des taux réduits et des exonérations de
TVA
(
cf.
section 1.3). Pour autant, la structure de taux apparaît avoir des effets redistributifs
de second ordre par rapport à ceux induits par la variation de la part de la consommation dans
le revenu.
-30%
-20%
-10%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
1er quintile
2e quintile
3e quintile
4e quintile
5e quintile
Ensemble
Insee (Budget de famille 2017)
CPO 2015 (Ines - Budget de famille 2011)
- 12 -
Graphique 4 : Taux effectif de taxation de la TVA par décile de niveau de vie
Source : Bozio et al. (2012), Ruiz et Trannoy (2008), Rapport particulier CPO, Béatrice Boutchenik (2015).
Par ailleurs, d’après les études susmentionnées, lorsque l’ensemble de la fiscalité indirecte est
pris en compte et non seulement la TVA
52
, le taux effectif de taxation de la consommation
décroî
t davantage avec le décile de niveau de vie. D’après le rapport du CPO de 2015, le ta
ux
effectif de l’ensemble de la fiscalité indirecte serait de
3 points plus élevé pour le premier décile
que pour le dernier décile (contre 0,8 point sur le seul périmètre de la TVA) et de 1 point
d’après Bozio (2012).
Ce constat s’explique par le caractèr
e plus régressif de certaines taxes sur la consommation,
par rapport à la TVA. C’est le cas en particulier de la fiscalité le tabac, dès lors que la
consommation de tabac, en euro et en part relative de la consommation, décroît avec le niveau
de vie
53
.
1.2.3.
Selon une approche en cycle de vie, les études empiriques montrent aussi un effet
régressif de la TVA
Plusieurs études empiriques proposent une première estimation des effets redistributifs de
la TVA selon une approche en cycle de vie, soit en neutralisant le
s effets liés à l’allocation
intertemporelle de la consommation. En effet, les évaluations précédemment mentionnées
reposaient sur le montant de TVA payé rapporté à la consommation et au revenu annuel qui
donnent respectivement un minorant et un majorant d
es effets redistributifs sur l’ensemble du
cycle de vie. Cependant,
les études confirment le caractère régressif de la TVA dans une
approche en cycle de vie
.
52
Soit en rapportant la TVA payée, les taxes sur le tabac, l’alcool et les assurances, et la TICPE à la
consommation.
53
D’après Ruiz et Tranoy (2008)
, le premier décile de niveau de vie consomme 20 % de plus de tabac
que le dernier décile.
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
16%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Niveau de vie
Ruiz et Trannoy (2008)
Rapport particulier -CPO 2015
Bozio et al. (2012)
- 13 -
Georges-Kot (2015)
54
propose de mesurer les effets redistributifs de la TVA à partir de données
micro-
économiques sur l’ensemble du cycle de vie. La méthodologie employée consiste à
reconstituer des trajectoires de revenus, de consommation et de TVA sur l’ensemble du cycle
de vie à partir des enquêtes Budget de famille de 1984 à 2011. Cependant, ces données ne sont
pas panélisées. Autrement dit, chaque millésime de l’enquête Budget de
famille correspond à
un échantillon distinct et ne permet pas de suivre un même échantillon sur plusieurs années.
À partir de ces données, sont construites des
trajectoires moyennes en fonction de l’âge, du
revenu, de la consommation et de la TVA payée, à partir desquelles sont simulées des
trajectoires individuelles
55
.
Par rapport à une analyse en coupe réalisée sur les revenus annuels disponibles, l’étude conclu
t
à une baisse de moitié du caractère régressif
de la TVA. Ainsi, contrairement à l’hypothèse de
Poterba
(1989), l’argument du cycle de vie ne permet pas de neutraliser totalement le
caractère régressif de la TVA. Par ailleurs, cette étude montre des profils de consommation
différents selon l’âge et
, en particulier, une part plus élevée de produits soumis aux taux réduits
de TVA pour les plus âgés.
Toutefois, si cette estimation permet de confirmer le caractère régressif de la TVA, y compris
en cycle de vie, les nombreuses hypothèses inhérentes au modèle de Kot (2015) ne
permettraient pas d’extrapoler les résultats pour mesurer précisément les effets redistributifs
d’une réforme de la
TVA.
Constat 3 : Que ce soit en cycle de vie ou en coupe, les études empiriques concluent à un
effet régressif de la TVA qui s’explique entièrement par une propension à consommer
plus élevée pour les ménages modestes.
1.2.4.
Le caractère régressif de la TVA doit être mis en regard des effets redistributifs
du système socio-fiscal français pris dans son ensemble
Le rapport particulier du CPO de février 2022 relatif aux « prélèvements obligatoires au regard
des enjeux redistributifs »
56
a souligné
l’importance de tenir compte de l’ensemble des
prélèvements, des transferts et des dépenses
publiques dans l’étude de
s effets
redistributifs du système fiscal
. En effet, les effets redistributifs des prélèvements
obligatoires sont cumulatifs,
et le caractère régressif d’un prélèvement peut être totalement
neutralisé par un autre prélèvement. Par ailleurs, la contrepartie des prélèvements fiscaux et
sociaux consiste en des transferts monétaires ou en nature (santé, éducation, action sociale et
logement) ainsi qu
’en
dépenses collectives,
l’ensemble induisant
des effets redistributifs. À cet
égard, le rapport du CPO de mai 2011 intitulé « Prélèvements obligatoires sur les ménages :
progressivité et effets redistributifs »
57
indiquait déjà qu’
«
une analyse du caractère
redistributif du système socio-fiscal [et a fortiori des prélèvements obligatoires] ne pouvait faire
l’économie d’une réflexion sur les dépenses
», et en particulier dès lors que «
l’une des raisons
d’être des prélèvements obligatoires est de permettre de financer des prestations et des transferts
monétaires ou en nature »
54
S. Georges-Kot (2015), « Annual and lifetime incidence of the value-added tax in France », Documents
de Travail de l'Insee.
55
Les trajectoires individuelles sont simulées à partir des trajectoires moyennes et des distributions
croisées de l’âge, du revenu, de la consommation et de la TVA payée.
56
Rapport particulier : Les prélèvements obligatoires au regard des enjeux redistributifs (ccomptes.fr)
qui
accompagnait le rapport de synthèse «
Redistribution, innovation, lutte contre le changement climatique : trois enjeux
fiscaux majeurs en sortie de crise sanitaire
»
57
Prélèvements obligatoires sur les ménages. Progressivité, effets redistributifs | Cour des comptes (ccomptes.fr)
- 14 -
Les effets redistributifs du système fiscal peuvent être mesurés à partir du taux de
prélèvements obligatoires par décile de niveau de vie, défini comme le montant des
prélèvements obligatoires rapporté au revenu primaire élargi,
c’est
-à-dire y compris transferts
et prestations monétaires
58
. Cette mesure est pertinente dans la mesure où elle permet de tenir
compte des transferts monétaires utilisés
in fine
pour consommer et donc payer la TVA. Les
prélèvements obligatoires peuvent ê
tre décomposés entre d’une part les prélèvements sur la
production et la consommation, les impôts sur le revenu et le patrimoine et les cotisations
sociales.
Le profil des prélèvements obligatoires apparaît comme régressif pour les
ménages modestes et pour les ménages les plus aisés
(
cf.
graphique 5). Le taux de
prélèvement est néanmoins légèrement croissant en fonction du niveau de vie, du troisième au
neuvième décile. Ce résultat s’explique par le caractère régressif des «
prélèvements sur la
production et la consommation », en particulier de la TVA, qui contribueraient à une
augmentation des inégalités de revenus de 15 %
59
.
Graphique 5 : Prélèvements dans le revenu primaire élargi (y compris transferts et
prestations monétaires) par vingtième de niveau de vie en 2018
Source : Les prélèvements obligatoire au regard des enjeux distributifs, rapport particulier du CPO de 2022 à partir des
comptes nationaux distribués (ERFS, Ines-Omar, SNDS, DADS, Fidéli).
Cependant, l’étude de la redistribution doit prendre en compte les effets redistributifs des
dépenses publiques parmi lesquels les transferts monétaires. En 202
1, l’Insee a
, pour la
première fois, publié une analyse élargie de la redistribution
60
qui intègre les prélèvements
obligatoires, les transferts monétaires, les transferts en nature et les dépenses collectives :
58
Retraites, allocations chômage, minima sociaux, indemnités journalières.
59
Mesurées par l’indice de Gini.
60
« Réduction des inégalités : la redistribution est deux fois plus ample en intégrant les services
publics », Insee Références, Mai 2021
- 15 -
les prélèvements obligatoires accroissent légèrement les inégalités
qu’elles soient
mesurées par l’indice de Gini ou
par le ratio inter quintile
61
. Cet effet est principalement
attribuable à la fiscalité sur la consommation et n’est que partiellement compensé par
les impôts sur le revenu et le patrimoine ;
les transferts monétaires contribuent fortement à la baisse des inégalités de
revenu
. Ainsi, le niveau des inégalités mesuré par l’indice de Gini diminue de
25 % après
redistribution en comparant le résultat obtenu à la distribution des revenus primaires
(
cf.
tableau 1). Le système socio-fiscal, financé pour partie par la TVA, est donc bien
redistributif ;
en considérant les dépenses publiques hors transferts monétaires, les inégalités
,
mesurées par l’indice de Gini,
baissent d’un niveau équivalent à l’effet des transferts
en espèce
. Ce résultat s’explique par la forte progressivité des transferts en nature
individualisables (santé, éducation, logement), financés pour partie par la TVA
via
le
budget de l’État ou des administrations de sécurité sociale
(ASSO).
En effet, les
montants de ces transferts s’élèvent à 12
580
€ par unité de consommation pour
le premier décile contre 6 270
€
pour le dernier décile.
Tableau 1 : Décomposition de la contribution à la réduction des inégalités avant et
après transferts
En % du
revenu
national
net
Niveau
(indice
de
Gini)
Contribution
à la
réduction en
niveau
Ratio
inter-
quintile
Revenu avant transferts
100
0,38
N.A.
7,57
Prélèvements obligatoires
Taxes sur les produits
et la production (dont
TVA)
-16,4
0,19
-0,03
2,58
Impôts sur les revenus
et le patrimoine
-15,5
0,59
0,03
28,16
Cotisations sociales
-24,1
0,34
-0,01
6,69
dont cotisations
retraites
-13,0
0,38
0,00
10,48
Revenu primaire après prélèvements
45,1
0,42
N.A.
10,16
Transferts monétaires
Transferts en espèces
(monétaires)
25,5
0,11
0,07
1,82
Retraites
16,9
0,26
0,02
5,12
Autres transferts
sociaux en espèces
8,6
-0,18
0,05
0,46
Revenu disponible
69,4
0,29
N.A.
4,54
Autres dépenses
publiques
Transferts en nature
20,6
-0,12
0,10
0,57
Dépenses collectives
7,8
-0,03
0,03
7,04
Autres transferts
2,3
-0,01
0,01
1,00
Niveau de vie élargi
100
0,18
0,21
2,36
Source : « Réduction des inégalités : la redistribution est deux fois plus ample en intégrant les services publics », Insee
Références, mai 2021.
61
Le ratio inter quintile mesure la disparité relative de la distribution d'une grandeur donnée (salaire,
revenu, niveau de vie,...). Ainsi, pour une distribution de revenus, ce ratio rapporte la masse des revenus
détenue par les 20 % d'individus les plus riches à celle détenue par les 20 % d
’individus
les plus pauvres.
- 16 -
Ces résultats illustrent l’ensemble des outils à disposition des décideurs publics pour réduire
les inégalités de niveau de vie. En plus de la progressivité des prélèvements obligatoires, les
dépenses publiques et le ciblage des prestations sociales peuven
t participer à l’objectif de
réduction des inégalités. Dans le cas français, les prélèvements obligatoires apparaissent
comme légèrement régressifs en bas de la distribution sous l’effet
des taxes sur la
consommation. Cet effet anti-redistributif est plus que corrigé par les transferts monétaires, et
en particulier par
les prestations sociales qui permettent d’assurer la progressivité de notre
système socio-fiscal pris dans son ensemble
. Le modèle français s’appuie ainsi sur les
transferts en espèces ou en nature pour corriger les inégalités et non sur une fiscalité
progressive
. Dès lors, comme le soulignait déjà le CPO dans son rapport de 2022, la principale
contribution des prélèvements obligatoires provient non pas de leur progressivité «
mais de
leur rôle de financement des transferts sociaux et des services
publics
».
Cette conclusion n’enlève pas la pertinence de mesurer les effets redistributifs de la
TVA, en
particulier d’une modification des taux applicables. Le mouvement des «
Gilets jaunes» a en
e
ffet montré la nécessité d’analyser
ex ante
les effets anti-
redistributifs d’une hausse de la
fiscalité indirecte afin de mettre en place simultanément des mesures pour atténuer ses effets.
Constat 4 : La progressivité du système socio-fiscal français repose sur les prestations
sociales et les transferts monétaires plutôt que sur une fiscalité progressive. La
principale contribution des prélèvements obligatoires sur les inégalités, et en
particulier de la fiscalité indirecte, provient non pas de leur progressivité mais de leur
rôle de financement de certains transferts sociaux et des services publics.
1.3.
La structure des taux réduits de TVA a des impacts redistributifs limités
entre ménages
Tel qu’évoqué dans la section
1.2.1, les études empiriques montrent une stabilité, voire une
légère croissance du taux effectif de TVA
62
avec le niveau de vie. Cette variation s’explique par
une hétérogénéité du profil de consommation selon le décile de niveau de vie. Les effets
redistributifs des taux réduits s’expliquent entièrement par une part de la consommation des
produits et services soumis aux taux réduits différente entre les ménages les plus modestes et
les ménages les plus aisés.
1.3.1.
Le profil de consommation varie fortement en fonction du niveau de vie
Le profil de consommation de biens et service diffère selon le niveau de vie des ménages
et en particulier s
elon qu’ils
sont modestes ou aisés
(
cf.
graphique 6)
63
. Les ménages
modestes sont définis comme ceux appartenant au premier décile de niveau de vie (en trait
plein) ou aux trois premiers déciles de niveau de vie (en hachuré). Les ménages aisés sont
définis comme ceux appartenant au dernier décile de niveau de vie.
Les postes de dépenses dont la part dans la consommation des ménages modestes est plus
élevée sont l’alimentaire et l
e tabac ainsi que les dépenses pré-engagées, soit les dépenses de
télécommunication, les charges collectives, l’eau ou l’électricité
. A
l’inverse, l’achat de
véhicules, les services d’hébergement et de restauration, et les biens et services d’entretien
courant du logement sont surreprésentés dans la consommation des ménages les plus aisés
par rapport aux ménages modestes.
62
Soit le montant de TVA payé rapporté à la consommation hors loyer.
63
À l’exception des loyers et des services financiers non soumis à la TVA, seuls les postes représentant
plus de 1 % des dépenses de consommation ont été retenus.
- 17 -
Graphique 6 : Différence de la part de la consommation entre les ménages modestes et
les ménages aisés des postes de consommation représentant plus de 1 % des dépenses
de consommation
Source : Budget de Famille 2017 (Insee) ; rapporteurs.
Note de Lecture : Les ménages modestes sont définis comme ceux appartenant au premier décile de niveau de vie (en
trait plein) ou aux trois premiers déciles de niveau de vie (en hachuré). Les ménages aisés sont définis comme ceux
appartenant au dernier décile de niveau de vie. Pour les produits alimentaires, dont le taux de TVA applicable est de
5,5 %, la différence de la part de ces produits dans la consommation totale est de 5,57 % entre le premier et dernier
décile.
*Catégories de produits et services pour lesquels plusieurs taux sont applicables et une hypothèse a été réalisée par les
rapporteurs particuliers (cf. encadré 2)
Encadré 2
: Principales hypothèses retenues pour l’application des taux de TVA
Pour certaines catégories de produits et services, la nomenclature de l’enquête «
Budget de Famille » ne
permet pas d’identifier le taux applicable. Dans ce cas, une hypothèse a été
réalisée pour déterminer le
principal taux à appliquer à cette catégorie :
•
pour les « produits alimentaires
», il est fait l’hypothèse d’un taux réduit à
5,5 % : le taux de 5,5 %
s’applique à l’ensemble des produits alimentaires à l’exception de la confis
erie, des matières grasses
végétales (margarines), du caviar, du chocolat et des produits composés contenant du chocolat ou
du cacao, soumis au taux de 20 % ;
•
pour les « charges collectives
», il est fait l’hypothèse d’un taux réduit à 10
% : les charges collectives
sont principalement constituées des dépenses d’eau (5,5
%), de traitement des déchets (10 %), de
travaux de réparation et d’aménagement (10 %), de nettoyage (20
%) et de chauffage (20 %) ;
•
pour les « autres dépenses de transport », il est fait l
’hypothèse d’un taux de 20
% ;
-6%
-4%
-2%
0%
2%
4%
6%
8%
Produits alimentaires*
Services de téléphone et internet
Tabac
Electricité
Charges collectives*
Carburants
Articles d'habillement
Factures d’eau
Cantines*
Services culturels*
Services et produits de soins personnels
Boissons alcoolisées
Protection sociale*
Services de transport
Meubles, articles de décoration
Services sportifs et récréatifs*
Autres dépenses de transport*
Services d'hébergement
Biens/services pour l’entretien courant du logement
Restaurants et cafés
Achats de véhicules
- 18 -
pour les « services sportifs et récréatifs
», il est fait l’hypothèse d’un taux de 10
%. Les services
sportifs et récréatifs sont composés des billets pour un évènement sportif (5,5 %), des billets pour
les parcs d'attraction, les foires et salons (10
%), de cours d’enseignement d’un sport
(exonérés)
64
, d’abonnement à une salle de sport (20
%), de coach sportif (20 %) ;
pour les « services culturels
», il est fait l’hypothèse d’un taux de 10
%. Les services culturels sont
composés de la billetterie des musées (10 %), des théâtres et des salles de cinéma (5,5 %) ;
pour les « dépenses de cantine
», il est fait l’hypothèse d’un taux de 5,5
%. Il s’agit des dépenses
de cantine scolaire bénéficiant d’un taux réduit à 5,5
% et des
cantines d’entreprise, soumises au
taux réduit de 10 % ;
pour les « voyages à forfait
», il est fait l’hypothèse qu’ils sont exonérés de TVA ou non soumis à
la TVA française en supposant que ces voyages sont réalisés principalement hors du territoire
français ;
pour les dépenses de restauration, il est fait l’hypothèse d’un taux de 10
%. Les ventes à emporter
qui bénéficient d’un taux à 5,5 % et les ventes de boissons alcoolisées qui sont soumises au taux
de 20% sont considérées comme minoritaires dans les dépenses de restauration.
Source : Rapporteurs.
Ces postes peuvent être comparés à la liste des biens et services bénéficiant d’un taux réduit à
5,5 % ou 10 % (
cf.
graphique 7 et tableau 2 infra).
Aucune corrélation n’est observable entre
les postes de
dépenses bénéficiant d’un taux réduit et les postes dont la part dans la
consommation des ménages les plus modestes est plus élevée
. Ainsi, dans leur ensemble,
les taux réduits ne semblent pas être utilisés à des fins de soutien au pouvoir d’achat des plu
s
modestes ou pour réduire les effets régressifs de la TVA. Ce résultat pourrait s’expliquer
notamment par la faible pertinence du recours aux taux réduits de TVA pour réduire les
inégalités de niveau de vie (
cf.
section 1). Par ailleurs, ce constat reste valide, quelle que soit la
définition de « ménages modestes » retenue.
Tableau 2 : Résumé des principaux produits et services bénéfi
ciant d’un taux réduit
en France
métropolitaine
Source : Articles 278 et 279 du Code Général des Impôts.
64
Article 261 du CGI, « Les cours ou leçons relevant de l'enseignement scolaire, universitaire,
professionnel, artistique ou sportif, dispensés par des personnes physiques qui sont rémunérées
directement par leurs élèves ».
Taux
réduit
Produits et services
10 %
Produits agricoles non transformés ; bois de chauffage ; travaux d'amélioration du
logement qui ne bénéficient pas du taux de 5,5% ; foires et salons ; jeux et manèges forains ;
droits d'entrée des musées, zoo, monuments ; transports de voyageurs ; certains logements
sociaux ; abonnements à la télévision payante ; services des soins à domicile ; restaurants
et restauration collective (à l'exception des boissons alcoolisées) ; hébergement hôtelier.
5,5 %
La plupart des produits alimentaires et boissons (à l'exception des boissons alcoolisées) ;
distribution
d'eau ;
équipements
pour
personnes
handicapées ;
livres
et
livres
numériques ; droits d'entrée aux manifestations culturelles ; travaux réalisés sur des
logements de plus de deux ans, sous certaines conditions ; soins à domicile ; abonnements
au gaz naturel et à l'électricité ; chauffage urbain
; livraisons d'œuvres d'art par leur
créateur ; produits d'hygiène féminine ; certains logements sociaux.
2,1 %
Médicaments remboursables par la sécurité sociale ; certains spectacles et publications de
presse inscrites à la Commission paritaire des publications et agences de presse.
0 %
Vaccins contre la covid-19 et tests de dépistage ; vente par les pêcheurs du produit de leur
pêche ; transport international.
- 19 -
Cependant, le taux réduit de 5,5 % s’applique à des postes de consommation surreprésentés
dans les dépenses des ménages les plus modestes (alimentation, eau, cantine
65
). Au niveau
agrégé, les postes de dépenses soumis au taux de 5,5 % représentent une part de la
consommation de 5,5 points plus élevée pour les ménages modestes (appartenant au premier
décile) que pour les ménages aisés (
cf.
graphique 7
). À l’inverse, le taux réduit de 10
%
s’applique à des postes surreprésentés dans les dépenses des ménages aisés, s’agissant en
particulier des dépenses de restauration, d’hébergement ou de t
ransport. Les postes de
dépenses soumis au taux réduit de 10 % représentent une part de la consommation
de 4,3 points plus élevée pour les ménages aisés que pour les ménages modestes.
Graphique 7 : Différence de la part de la consommation soumise aux taux réduits de
5,5 % et 10 % des ménages modestes et des ménages aisés
Note de lecture : La part de la consommation, hors loyer, soumise au taux de 5,5 % est de 5,5 point plus élevée pour le
premier décile que pour
le dernier décile de niveau de vie. Cette différence s’élève à 5,9
% entre les ménages appartenant
au premier, deuxième et troisième déciles en comparaison avec le dernier décile.
Source : Budget de Famille 2017 (Insee) ; rapporteurs.
Constat 5 : Dans leur ensemble, les taux réduits de TVA ne ciblent pas des produits et
services dont la part dans la consommation est plus élevée pour les ménages modestes.
Toutefois, le taux réduit de 5,5 % s’applique à des postes de consommation
surreprésentés dans les dép
enses des ménages les plus modestes, à l’inverse du taux
réduit à 10 %.
65
Pour les dépenses de cantine, il est fait l’hypothèse qu’il s’agit principalement des dépenses de cantine
scolaire bénéficia
nt d’un taux réduit à 5,5
% et non des cantines d’entreprise, soumises au taux réduit
de 10 %.
-8%
-6%
-4%
-2%
0%
2%
4%
6%
8%
Dépenses soumises au taux de 5,5 %
Dépenses soumises au taux de 10 %
- 20 -
1.3.2.
Les taux réduits ne participent que très marginalement à la réduction des effets
régressifs de la TVA
À partir de la répartition de la consommation selon le taux de TVA et le décile de niveau de vie,
il est possible d’estimer les gains associés aux taux réduits par décile en part de la
consommation totale hors loyer (
cf
. graphique 8). Les gains associés aux taux réduits, en part
de la consommation hors loyer, varient de 4,5 % (deux premiers déciles) à 4,9 % (dernier
décile) le long de la distribution, et diminuent légèrement avec le niveau de vie.
Cette estimation, réalisée sur la base des données de l’enquête «
Budget de Famille 2017 »,
n’intègre pas les gains liés
aux exonérations de TVA sur certains services (loyer, services
financiers, etc.)
66
.
Graphique 8 : Gains associés aux taux réduits par décile de niveau de vie (en % de la
consommation)
Source : Budget de Famille 2017 (Insee) ; rapporteurs.
L’écart constaté entre le premier et
le dernier décile, soit 0,4 point, est légèrement inférieur à
l’estimation réalisée da
ns le cadre du rapport du CPO de 2015 mais est identique à celle
mesurée par Bozio et al. (2012). Les différences avec le rapport du CPO de 2015 peuvent
s’expliquer par
:
des écarts plus marqués dans les données du « Budget de Famille 2017 » de la part des
dépenses « hébergement et restauration » dans la consommation entre les ménages
modestes et aisés. Les données 2017 montrent une consommation
67
du premier décile
en « restaurants » et « hôtels » de respectivement 30 % et 54 % moins élevée que la
moyenne des ménages français. En 2011
68
, ces écarts s’élevaient respectivement à 24
%
et 39 % ;
66
Voir le rapport particulier du CPO de 2015 pour les effets redistributifs associés aux exonérations de
TVA.
67
En part de la consommation totale.
68
Soit les données retenues pour le rapport de 2015.
0%
1%
2%
3%
4%
5%
Gain en % de la consommation (taux 10 %)
Gain en % de la consommation (taux 5,5 %)
Gain en % de la consommation (taux 2,1 %)
- 21 -
les estimations reposent sur un échantillon de 10 000 ménages, soit 1 000 ménages par
décile et ne permettent pas
d’avoir une précision de l’ordre du dixième de pourcentag
e.
Ainsi, cette différence pourrait simplement s’expliquer par l’aléa statistique lié à
l’échantillonnage.
Ainsi,
les gains liés aux taux réduits de TVA rapportés à la consommation ne varient que
très peu en fonction du niveau de vie,
attestant de l’impac
t redistributif limité ou nul de la
structure de taux.
En revanche, en termes absolus, soit en comparant les gains en euro par décile de niveau de
vie,
les taux réduits confèrent un avantage bien plus élevé pour les ménages aisés
. Les
gains s’élèvent
à 712
€ pour le premier décile contre
2 089
€ pour le dernier décile
(
cf.
graphique 9)
. L’avantage procuré par les taux réduits croît avec le
revenu quel que soit le poste
de consommation à l’exception du tabac. Pour l’alimentation, il s’élève par exemple à
349 €
pour les ménages du premier décile contre 794
€ pour les ménages du dernier décile.
Ces résultats montrent la faible pertinence de la TVA comme outil redistributif. En effet, les
gains associés à la baisse du taux de TVA sur une catégorie de produits sont proportionnels au
montant consommé par le ménage. Or, quel que soit la catégorie de produit hors tabac, le
montant consommé croît ave
c le revenu. À l’inverse, la plupart des prestations sous conditions
de ressources
69
sont calculées à partir d’un montant forfaitaire en euros qui décro
ît avec les
ressources et la composition familiale du ménage.
Le rapport du CPO de 2015 a montré que les ressources budgétaires générées par la
suppression des taux réduits et exonérations
70
pourraient permettre de compenser les
ménages des cinq premiers déciles à hauteur de deux fois la perte subie par cette suppression.
Ainsi, pour un coût budgétaire identique, un transfert monétaire fonction du revenu aurait un
effet redistributif deux fois plus élevé
71
que les taux réduits et exonérations de TVA. Ce résultat
s’explique par la possibilité de cibler les transferts monétaires en fonction du revenu à l’inverse
d’une baisse de la TVA sur une catégorie de produits.
69
Revenu de solidarité active, prime d’activité, allocations familiales,…
70
Hors exonérations de loyers, de services d’assurance et pour les jeux de hasard.
71
En retenant comme mesure de l’effet redistributif le gain
monétaire pour les cinq premiers déciles de
niveau de vie.
- 22 -
Graphique 9
: Gains associés aux taux réduits par décile de niveau de vie(en €)
Source : Budget de Famille 2017 (Insee) ; rapporteurs.
Constat 6 : Les taux réduits ne participent que très marginalement à la réduction des
effets régressifs de la TVA. Ils confèrent par ailleurs un gain en euros croissant avec le
décile de niveau de vie.
1.4.
Relativement à des transferts monétaires ciblés, une baisse de la TVA ne
constituerait pas une mesure efficace pour soutenir le pouvoir d’achat des
ménages modestes
1.4.1.
S’agissant des enjeux redistributifs, la littérature économique recommande
d’appliquer un taux uniforme de TVA et de recourir à des transferts monétaire
s
pour atténuer les inégalités
D’un point de vue de théorique,
le recours aux taux réduits de TVA apparaît comme un
outil inadapté,
s’agissant des enjeux
de redistribution
. D’après Atkinson et Stiglitz
(1976)
72
, il n’est pas souhaitable de taxer les biens à
des taux différenciés dès lors qu’une
fiscalité progressive sur les revenus existe :
d’une part, à l’inverse de l’impôt sur le revenu, une baisse de la TVA sur une catégorie de
produits ne permet pas de cibler précisément les ménages les plus modestes ;
d
’autre part, une baisse des prix relatifs de certains produits crée une distorsion de la
consommation des ménages et conduit à s’éloigner
de
l’équilibre de l’optimum de
premier rang.
72
A. Atkinson, J. E. Stiglitz (1976), « The Design of Tax Structure: Direct versus Indirect Taxation", Journal
of Public Economics.
-
500
1 000
1 500
2 000
Gain en € (10 %)
Gain en € (5,5 %)
Gain en € (2,1 %)
- 23 -
Au regard des enjeux redistributifs, la littérature économique recommande
l’application d’un
taux uniforme de TVA dans la mesure où le caractère régressif de la TVA peut être atténué par
d’autres mécanismes plus efficaces (impôt sur le revenu, prestations sociales).
Les rapporteurs proposent de confronter les résultats de la littérature économique théorique
à des simulations des effets redistributifs d’une hausse ou d’une baisse d’un taux de TVA. En
particulier, les scénarii suivants sont présentés :
la hausse du taux normal de TVA à des fins de rendement. Les hausses de taux de TVA à
la suite de la crise de 2008
73
montrent qu’il s’agit en effet d’un outil fréquemment utilisé
en période de consolidation des finances publiques
74
;
la baisse des taux sur les produits de première nécessité afin de soutenir le pouvoir
d’achat des plus modestes. Les effets de cette mesure seront à comparer à ceux d’une
revalorisation des prestations sociales ou d’un transfert monétaire
;
une réforme de la structure des taux de la TVA à rendement constant afin d’en réduire
les effets régressifs.
Les simulations présentées sont statiques dans la mesure où elles ne tiennent pas compte des
changements de consommation. En outre, elles ne prennent pas en compte les effets des
distorsions sur le système productif liées à
d’éventuels changements de comportement.
Constat 7
: La littérature économique recommande l’application d’un taux uniforme de
TVA dans la mesure où le caractère régressif de la TVA peut être atténué par d’autres
mécanismes plus efficaces (impôt sur le revenu, prestations sociales).
1.4.2.
Une hausse du taux normal de TVA se traduit à moyen terme par une
augmentation des inégalités de niveau de vie, bien que celle-ci soit atténuée par
la prise en compte des effets du système socio-fiscal
1.4.2.1.
Les effets à moyen terme de la TVA sont
a priori
ambigus
Une hausse de la TVA se traduirait par des effets directs et différés sur le niveau de vie des
ménages. Les différents canaux et boucles de rétroaction macroéconomiques rendent
a priori
ambigus les effets redistributifs d’une hausse de la TVA à moyen terme. Grâce à
un modèle de
micro-simulation
75
couplé avec des hypothèses issues de la littérature macro-économique,
André et Biotteau (2021) ont estimé les effets à trois ans d’une hausse de trois points du taux
normal de TVA, soit le passage d’un taux à 20
% à un taux à 23 %.
73
On peut notamment citer la hausse de 5 points du taux normal de TVA en Espagne de 2010 à 2013, la
hausse de 3 points au Portugal sur la même période, ou la hausse de 3 points du taux réduit en France
en 2014.
74
Gautier, E. et A. Lalliard (2013), « Quels sont les effets sur l’inflation des changements de TVA en
France ? », Bulletin de la Banque de France, 194.
75
Modèle Ines, conjointement développé par l’Insee et la DREES.
- 24 -
Dans leur modèle, la hausse de la TVA se répercute en trois temps sur les ménages :
la hausse du taux de TVA a des effets sur les prix à la consommation
qui conduisent
à une augmentation de l’inflation. Le taux de transmission
retenu
–
soit la hausse
observée des prix des biens soumis à la TVA rapportée à la hausse mécanique sous
l’hypothèse d’une transmission intégrale –
est de 80 %, soit un niveau cohérent avec
celui mesuré dans Gautier et Lalliard (2013)
76
;
cette hausse de l’inflation s’accompagne
d’un ajustement des salaires
, immédiat en
bas de la distribution en raison de la revalorisation automatique du SMIC, et sous l’effet
des négociations salariales pour le reste de la distribution
77
. Cependant, ces dernières
sont extrêmement sensibles au cycle économique et seront plus limitées en cas de
stagnation ou de récession. Il est fait l’hypothèse que l’inflation se traduit par une hausse
des salaires en N+1 ;
l’inflation se traduit par une revalorisation des prestations sociales
, des pensions
de retraite et des allocations chômage, et de certains barèmes fiscaux, tels que celui de
l’impôt sur le revenu. Ce dernier effet se produit avec un décalage temporel d’
un à deux
ans induit par la législation.
Ainsi, une augmentation du taux de TVA dépend de la part du revenu allouée à la
consommation, de la structure de la consommation et de la composition des revenus et du
décile du niveau de vie.
1.4.2.2.
Une hausse de la TVA se traduirait par une augmentation des inégalités et de la
pauvreté, bien que ces effets soient réduits de moitié à moyen terme
D’après le modèle présenté précédemment, une hausse du taux normal de TVA de 20
% à 23 %
générerait un surplus de recettes fiscales de 11,7
Md€ la première année
78
et se traduirait par
une inflation de 1,1 %. Après trois ans, la baisse du revenu réel disponible des ménages serait
de 5,0
Md€, soit une répercussion du choc initial à hauteur de 45
% sur les ménages en raison
des effets différés. Notamment, l’inflation générée par le choc initial induirait une hausse de
1,1 Md€ des prestations sociales, de 3,5 Md€ des salaires et de 2,2 Md€ des retraites. La hausse
des coûts des entreprises serait de 4,0
Md€ sous l’effet de la hausse des salaires. Le gain net
pour les administrations publiques à moyen terme serait de 9,9
Md€. Ces p
remiers résultats
illustrent la nécessité de prendre en compte les effets indirects dans l’évaluation de l’impact
d’une hausse de la TVA sur les finances publiques et sur le revenu disponible des ménages.
76
D’après Gautier et Lalliard (2013), la hausse du taux intermédiaire de 5,5 % à 7 % en 2012 s’est
répercutée à 75 % sur les prix.
77
Les hausses de SMIC tendent à se diffuser au reste de la grille afin de maintenir les écarts de salaire
entre les différents emplois d’une même branche. Les minima de branche sont un canal de diffusion de
l’inflation passée et des hausses de SMIC à l’ensemble des salaires
(Fougère et al. 2018).
78
Sous l’hypothèse d’une hausse en 2016.
- 25 -
Les effets d’une hausse de la TVA diffèrent à moyen
terme selon les déciles de niveau de vie.
L’effet direct, dépend de la structure de consommation
79
et de la part du revenu allouée à la
consommation. Les impacts différés dépendent, quant à eux, de la composition des revenus
(salaires, prestations, retraites) et de leur niveau et sont ainsi étroitement liés à la distribution
des revenus. Une hausse du taux normal de TVA conduirait à une diminution du niveau de vie
80
pour l’ensemble des déciles. Cette diminution s’élèverait en moyenne à
-0,6 % à échéance
de trois ans (
cf.
graphique 10). Elle serait néanmoins beaucoup plus marquée pour le premier
décile, soit -1,4 % contre une baisse inférieure à -0,7
% pour l’ensemble des autres déciles. En
effet, si la hausse des prestations en part du niveau de vie est la plus élevée (+1,1 point de
niveau de vie) pour le premier décile, l’augmentation des prélèvements indirects est également
la plus marquée pour ce décile (-2,8
points de niveau de vie) en raison d’une plus grande
propension à consommer
81
.
Graphique 10 : Décomposition de l'effet total de moyen terme sur le niveau de vie moyen après
une hausse du taux normal de TVA de 3 points (variation en % du niveau de vie)
Source : Insee, enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) 2014 actualisée 2016 ; Insee-Drees, modèle Ines et module de
taxation indirecte.
En conséquence, une hausse de la TVA se traduirait à moyen terme par une
augmentation du taux de pauvreté et des inégalités
. Les effets différés, en particulier
l’indexation des prestations sociales, limiteraien
t de moitié cet impact. Ainsi, la hausse des
inégalités mesurée par le rapport interdéciles, serait de 0,6 % en tenant compte des effets
directs et de 0,3 % en prenant également en considération les effets différés. Si une partie des
recettes générées par
la hausse de TVA était redistribuée sous la forme d’une hausse des
prestations sociales, il serait possible de neutraliser les effets régressifs de la réforme
82
.
80
Du niveau de vie corrigé de la TVA acquittée. Usuellement, l’Insee ne tient pas compte de la TVA dans
le calcul du niveau de vie.
81
D’après André et al., 2016, le taux d’épargne moyen est négatif pour les trois premiers déciles en
termes de niveau de vie ?
82
Par exemple, si les prestations sociales étaient revalorisées de 2,2
Md€ et non de 1,1
Md€, la baisse
du niveau de vie ne serait plus que de 0,3 pt pour le premier décile contre une moyenne de 0,5 pt pour
l’ensemble des ménages français. Le gain net po
ur les finances publiques serait alors de 8,8
Md€.
-4
-3
-2
-1
0
1
2
3
Revenu avant redistribution
Prélèvements directs
Prélèvements indirects
Prestations
Dépenses de loyer
Niveau de vie corrigé (en %)
- 26 -
Constat 8 :
Une hausse de la TVA se traduirait à moyen terme par une augmentation du
taux de pauvreté et des inégalités tout en procurant un gain significatif pour les finances
publiques. Cette augmentation des inégalités pourrait être neutralisée par une
augmentation des transferts monétaires.
1.4.3.
Une baisse du taux de TVA sur les produits de première nécessité aurait un effet
limité sur les inégalités, relativement à des transferts monétaires ciblés
De nombreuses propositions de baisse de la TVA sur les produits dits de « première nécessité »
sont régulièrement formulées dans le débat public
83
. Cette mesure, à laquelle les citoyens
apparaissent favorables selon un sondage Ifop
84
, n’aurait cependant qu’un impact limité sur le
pouvoir d’achat des plus modestes. Cet impact dépendrait, entre autres, de la transmission par
le producteur de cette baisse de taux au prix à la consommation. Ce type de proposition de
baisse de la TVA, en particulier sur les produits alimentaires, pourrait revenir dans les débats
dans le contexte inflationniste. En effet, d’après l’Insee, les produits alimentaires ont progressé
de 11,8
% sur un an au mois d’octobre 2021. Par ailleurs, cette hausse pèse davantage sur le
budget des ménages modestes en raison de la part plus élevée de leur revenu allouée aux
dépenses alimentaires.
L’examen de cette proposition implique de définir la list
e des produits et services de première
nécessité
85
. Une définition possible serait les produits et services dont la consommation en
euro est plus élevée pour les ménages modestes que pour la moyenne des ménages français.
Or, seul le tabac répond à cette définition. Pour des raisons évidentes de santé publique, aucune
baisse de la TVA sur le tabac n’est envisageable. Pour tout autre produit et service, une baisse
de TVA procurerait un gain en euro pour les ménages modestes inférieur au reste de la
population. Ce seul constat suffit à justifier le non-recours à la TVA pour soutenir le pouvoir
d’achat des plus modestes.
À titre illustratif, il est proposé d’analyser les effets d’une suppression de la TVA sur les
produits alimentaires. En 2021, la consommation des ménages en produits alimentaires hors
boissons alcoolisées et autoconsommation
86
s’élevait
à 179
Md€
87
. Une suppression du taux
réduit de TVA sur les produits alimentaires se traduirait par une perte de 9,4
Md€ pour les
finances publiques en 2021. À titr
e de comparaison, les dépenses d’allocation
s du revenu de
solidarité active (RSA) se sont élevées à 12
Md€ en 2020
88
.
Par ailleurs, pour mesurer les effets sur le consommateur, il est nécessaire de retenir une
hypothèse de transmission de la baisse de la TVA sur les prix (
cf.
partie 2.1). Comme André
et
Biotteau (2021), il est retenu une hypothèse d’une transmission de la baisse de TVA à
hauteur de 80 % au consommateur.
Il est proposé de comparer les effets redistributifs de cette mesure à deux scénarii alternatifs
ayant un coût budgétaire identique (
cf
. graphique 11 et graphique 12) :
83
Dans son programme présidentiel, M. Jean-Luc Mélenchon proposait de réduire de 5,5 % à 5 % le taux
sur les produits de première nécessité. La TVA à 0 % sur les produits de première nécessité était l’une
des premières revendications des « Gilets Jaunes », soutenue notamment par Xavier Bertrand, président
de la région Hauts-de-France et François Ruffin, député.
84
D’après un sondage réalisé par l’Ifop en 2019, 90
% des français sont favorables à la suppression de la
TVA sur 50 produits de première nécessité.
85
Les produits et services de première nécessité ne sont pas définis dans le code général des impôts.
86
Produits alimentaires produits et consommés par les ménages.
87
Consommation effective des ménages par produit aux prix courants, Compte de la Nation 2021, Insee
88
Le Revenu de Solidarité Active, Cour des Comptes, janvier 2022. Dépenses de RSA hors dépenses
d’accompagnement
- 27 -
scénario type « prime inflation »
: une prime de 250 € par individu serait versée aux
salariés, aux indépendants, aux retraités, aux bénéficiaires du Revenu de Solidarité
Active (RSA) ou de l'Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) qui gagnent moins de
2
000 € net par mois, soit 28 millions d’individus. Cette prime diffèrerait seulement de
l’
« indemnité inflation » versée en
2021 par son montant, qui s’élevait alors à 100
€
;
scénario type « chèque alimentaire » : un chèque de 1 620
€ serait versé au 5,8 millions
ménages éligibles au chèque énergie. Cette population correspond aux foyers ayant un
revenu fiscal de référence (RFR) par unité de consommation (UC) inférieur à 10 800
€
en 2021. Cette population recouvre 98 % du premier décile, 45 % des ménages du
deuxième décile et 15 % du troisième décile
89
. Le montant retenu correspond à un tiers
de la consommation moyenne d’un ménage en produits alimentaires
90
.
Ces deux scénarii comparatifs ont été construits à titre purement illustratif et ne constituent
pas en soi des propositions de réforme. À cet égard, l’examen de la pertinence de mettre en
œuvre un chèque alimentaire dépasse très largement le cadre d
u présent rapport et nécessite,
en partic
ulier, de s’interroger sur la population éligible, le montant par ménage, les produits
éligibles, le mode de versement ou encore les interactions avec les autres prestations sociales.
La suppression de la TVA sur les produits alimentaires est la seule des trois mesures conférant
un gain croissant avec le niveau de revenu. À l’inverse, le gain associé au scénario «
indemnité
inflation » est supérieur à 200
€ pour les ménages appartenant aux six premiers déciles de
niveau de vie, puis décroît. Quant au scénario type « chèque alimentaire », il bénéficierait
essentiellement aux ménages des trois premiers déciles de niveau de vie. En variation relative
du niveau de vie, les trois mesures ont des effets redistributifs progressifs. Cependant, la
suppression de la TVA confère une augmentation relative du niveau de vie limitée pour les
deux premiers déciles de niveau de vie. Celle-ci est inférieure à 2 %
alors qu’elle est
supérieure
à 4 % pour le scénario type « chèque alimentaire ».
Ainsi, la baisse du taux de TVA de 5,5 % à 0 % sur les produits alimentaires aurait des effets
redistributifs moindres que les transferts monétaires pour un coût budgétaire identique.
Indépendamment de leur pertinence, les scénarii présentés attestent du meilleur ciblage des
transferts monétaires, de type prime ou chèque,
qu’
une baisse de la TVA.
89
Source : CGDD, modèle Prometheus.
- 28 -
Graphique 11 : Variations, en euros, du niveau de vie par décile de niveau de vie pour
plusieurs mesures de s
outien au pouvoir d’achat
Source : TAXIPP 2.0 (Données Insee, DGFIP), Institut des politiques publiques, Budget de Famille 2017 ; rapporteurs.
Graphique 12 : Variation, en %, du niveau de vie par décile de niveau de vie pour
plusieurs mesures de soutien au pouvoir d’achat
Source : TAXIPP 2.0 (Données Insee, DGFIP), Institut des politiques publiques, Budget de Famille 2017 ; rapporteurs.
Constat 9 : La baisse de TVA sur les produits de première nécessité aurait un effet limité
sur le pouvoir d’achat des ménages modestes en comparaison à des mesures plus
ciblées, à coût budgétaire identique.
Proposition n° 2 : Préférer systématiquement les prestations sociales et les transferts
monétaires à une baisse de la TVA p
our soutenir le pouvoir d’achat des ménages
.
0 €
200 €
400 €
600 €
800 €
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Variation en € du niveau de vie
Décile de niveau de vie
Chèque de 1620 € pour les ménages éligibles au chèque énergie
Prime individuelle de 250 € (pour les individus avec revenu < 2000€/mois)
Suppression de la TVA sur les produits alimentaires
0%
2%
4%
6%
8%
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Variation en % du niveau de vie
Décile de niveau de vie
Chèque de 1620 € pour les ménages éligibles au chèque énergie
Prime individuelle de 250 € (pour les individus avec revenu < 2000€/mois)
Suppression de la TVA sur les produits alimentaires
- 29 -
1.4.4.
Une baisse de la TVA sur les produits alimentaires financée par une hausse de la
TVA sur la restauration aurait un effet redistributif limité
Tout en préservant le rendement budgétaire de la TVA, les rapporteurs proposent d’examiner
un scénario de modification de la structure des taux à des fins de redistribution. Par exemple,
il pourrait être envisagé d’appliquer l
e taux super réduit de 2,1 % sur les denrées alimentaires
en le finançant par une hausse de la TVA sur la restauration. La hausse de la TVA sur la
restauration se justifie par plusieurs arguments détaillés dans le rapport particulier n° 4, tant
au regard de la faible efficacité du taux réduit que par la part plus élevée de ce poste dans la
consommation des ménages les plus aisés.
En retenant les données de la comptabilité nationale de 2019
91
, la consommation des ménages
en produits alimentaires hors boissons alcoolisées
et autoconsommation s’élève à 168
Md€ et
le coût de la baisse de TVA à 2,1
% s’élèverait à 5,4
Md€. La consommation de services de
restauration s’élève à 75
Md€ en 2019. Par ailleurs, d’après Quantin et al. (2015)
92
, un tiers des
ventes de la restauration correspondrait à de la vente de boissons alcoolisées ou à emporter,
et ne serait ainsi pas concerné par cette hausse. Le gain pour les finances publiques du passage
au taux de 20 % dans la restauration
93
serait de 4,6
Md€. En première approximat
ion, le coût
pour les finances publiques serait de 1 Md€ (contre 5,5
Md€ pour une application du taux
super réduit de 2,1 % non compensée par la hausse de la fiscalité sur la restauration).
Par simplification, les hypothèses suivantes sont réalisées :
le taux de transmission de la baisse de TVA sur les produits alimentaires et de la hausse
sur la restauration est identique et égal à 80 % ;
aucune hypothèse n’est faite quant à la réponse comportementale des consommateurs
;
l’enquête Budget de Famille 2017 es
t retenue pour mesurer les effets redistributifs
94
.
D’après ces hypothèses, un tel scénario de réforme n’aurait qu’un impact limité sur le caractère
régressif de la TVA (
cf.
graphique 13 graphique 14). En effet, elle ne réduirait que de 0,5 point
l’écart de taux d’effort
95
entre le
premier et le dernier décile de niveau de vie, qui s’élève
à 8
points d’après le rapport du CPO de 2015. Ainsi, une modification en profondeur de la
structure des taux de TVA ne suffirait pas à atténuer le caractère régressif de la TVA.
91
La consommation de services de restauration a fortement été affectée par la crise sanitaire de 2020 et
2021.
92
Simon Quantin, Marina Robin et Jérôme Accardo (2015), «Évaluation de l'impact de la baisse du taux
de TVA de juillet 2009 sur le prix de production des unités légales de la restauration », Document de
travail de l’Insee.
93
Il pourrait être envisagé de réduire le champ des produits alimentaires éligibles au taux de 2,1 % afin
d’assurer la neutralité budgétaire de la mesure.
94
Les données d’enquête
ne sont pas cohérentes avec les données de consommation de la comptabilité
nationale pour l’année 2019. Cependant, cette enquête permet de donner un premier ordre de grandeur
des effets redistributifs.
95
Soit le montant de TVA payé rapporté au revenu disponible.
- 30 -
Graphique 13
: Gain par décile de niveau de vie d’une baisse de la TVA sur les produits
alimentaires compensée par une hausse de la TVA dans la restauration (en €)
Source : Budget de Famille 2017 (Insee) ; rapporteurs.
Graphique 14
: Variation du niveau de vie par décile de niveau de vie d’une baisse de la TVA sur
les produits alimentaires compensée par une hausse de la TVA dans la restauration (en % du
niveau de vie)
Source : Budget de Famille 2017 (Insee) ; rapporteurs.
Constat 10
: Une modification de la structure des taux réduits, même d’ampleur, ne
réduirait que très marginalement le caractère régressif de la TVA.
-
200 €
-
150 €
-
100 €
-
50 €
0 €
50 €
100 €
150 €
200 €
250 €
Gain associé à la baisse de TVA sur les produits alimentaires
Perte associée à la hausse de TVA dans la restauration
Gain net
-0,4%
-0,2%
0,0%
0,2%
0,4%
0,6%
0,8%
1,0%
Décile
1
Décile
2
Décile
3
Décile
4
Décile
5
Décile
6
Décile
7
Décile
8
Décile
9
Décile
10
Gain associé à la baisse de TVA sur les produits alimentaires
Perte associée à la hausse de TVA dans la restauration
Gain net
- 31 -
2.
Relativement à d’autres instruments, l’efficacité de la TVA pour faire
face aux
enjeux environnementaux et de santé publique n’est pas
démontrée
Le rapport du CPO de 2015 soulignait que la TVA apparaît comme un outil peu efficace pour
orienter les comportements des agents.
Toutefois, le contexte juridique et socio-
économique a connu d’importantes évolutions
depuis
2015, amenant le CPO à s’interroger
à
nouveau sur l’utilisation de taux réduits de TVA
comme instrument d’incitation économique face à des problématiques structure
lles.
Encadré 3 : Principales évolutions du contexte juridique et socio-économique intervenues
depuis 2015
Les principales évolutions du contexte ayant conduit le CPO à s’interroger sur l’utilisation de taux réduits
à des fins d’
incitation des comportements sont les suivantes :
•
la directive TVA du 5 avril
2022 a étendu les possibilités d’application de taux réduits à de nouveaux
domaines
96
, selon l’objectif affiché par la
Commission européenne de donner une plus grande marge
de man
œuvre aux États membres «
pour faire en sorte que leurs systèmes de TVA tiennent compte des
choix politiques nationaux, tout en garantissant la cohérence avec les priorités communes
européennes, à savoir les transitions écologique et numérique et, bien entendu, la protection de la santé
publique
»
97
. Les modifications intervenues donnent aux États membres la possibilité d'appliquer
cinq taux : (i) un taux plein d'au moins 15 %, (ii) deux taux réduits, (iii) un taux super-réduit
inférieur à 5 %, (iv) un taux à 0 % aussi appelé exonération avec droit de déduction. De nouvelles
catégories de biens et services, inscrites à l’annexe
III de la directive TVA, sont désormais éligibles à
l’un des taux réduits
(
cf
. annexe II du présent rapport) ;
•
un nombre croissant de propositions de nouveaux taux réduits ont émergé dans le débat public
(parlementaires, Convention Citoyenne pour le Climat, société civile,
etc
.) pour répondre aux
impératifs de protection de l’environnement et de la santé publique
;
•
certains États membres ont eu recours à la TVA pour accompagner la transition environnementale.
C’est le cas de l’Allemagne, qui a abaissé le taux de TVA sur les billets de train à
7 % depuis
janvier
2020 dans le cadre d’un plan global de lutte contre le
réchauffement climatique, ou encore
de la Suède, qui a abaissé son taux de TVA sur certains services de réparation.
Dans ce contexte, la deuxième partie du présent rapport vise à examiner :
les critères d’évaluation de la pertinence d’un taux réduit de TVA, lorsque celui
-ci est
utilisé pour corriger une externalité négative et orienter le comportement des
consommateurs ;
les taux réduits de TVA visant déjà à orienter les comportements face aux impératifs
environnementaux et de santé publique ;
les marges d’application de nouveaux taux réduits, pour certaines ouvertes par la
révision de la directive TVA, dans le champ des transports et de l’économie circulaire
;
la pertinence et la faisabilité, pratique
comme juridique, d’une modulation de
la TVA sur
les biens et services en fonction de scores environnementaux ou nutritionnels.
96
Ces modifications sont détaillées dans le rapport particulier n° 1 relatif au cadre juridique européen.
97
Extraits du communiqué de presse du 7 décembre 2021 de la Commission européenne.
- 32 -
2.1.
Toute proposition de taux réduits de TVA
mérite d’être analysée à l’aune
d’une grille de critères
socio-économiques, juridiques et de faisabilité
opérationnelle
2.1.1.
Selon une logique incitative, plusieurs critères économiques permettent
d’évaluer la pertinence d’un taux réduit de TVA
Selon Pigou (1920)
98
, la fiscalité peut viser à corriger les externalités négatives ou positives, à
savoir
les choix de consommation ou de production qui influent sur la situation d’un autre
agent sans compensation monétaire (
cf
.
rapport particulier n°4). Il s’agit par exemple de
l’augmentation des dépenses de santé associée à une con
sommation de tabac, ou des effets sur
la biodiversité de
la consommation d’un produit polluant, pesant
in fine
sur l’ensemble de la
société.
Les externalités, positives comme négatives, se caractérisent par leur absence de prise en
compte par le marché. Ai
nsi, l’absence d’intervention de l’État, par exemple
via
la fiscalité,
conduit à une situation sous-
optimale. À l’inverse, la mise en place d’une taxe, et les
changements de comportement induits par celle-
ci, peuvent permettre d’aboutir à l’optimum
de bien être pour la société. Pigou (1920) propose à cet égard de mettre en place une taxe égale
au montant de l’externalité négative
de sorte que le coût pour la société
d’une décision
soit
totalement pris en charge par le consommateur ou le producteur
à l’origine de celle
-ci
99
. Ainsi,
en théorie, une taxation différenciée des biens selon leur impact environnemental ou
nutritionnel pourrait se justifier à condition que le différentiel de taxation soit égal à l’écart
entre le coût marginal environnemental et le prix de marché.
Ainsi, s
elon la logique pigouvienne, la pertinence d’un taux réduit
de TVA pour
internaliser le coût d’une externalité
devrait être évaluée au regard :
de son effet sur les choix de consommation
, qui dépend
d’abord, de
la transmission de la baisse de TVA dans les prix
. Tel qu’indiqué par le
rapport particulier de 2015 relatif à l’incidence économique de la TVA, de façon
générale, plus la concurrence est faible moins la baisse de TVA sera répercutée sur
le prix. Dans le cas d’un mono
pole, le taux de répercussion la TVA dépend de
l’élasticité de la demande, tandis qu’en situation de concurrence pure et parfaite,
la variation de la TVA devrait être entièrement répercutée sur le consommateur.
Les études empiriques montrent un taux de rép
ercussion d’une hausse ou d’une
baisse de la TVA compris entre 50 % et 80 %
100
avec toutefois une asymétrie entre
les effets d’
une hausse et
ceux d’
une baisse de TVA. La hausse de TVA apparaît
davantage répercutée dans les prix pour le consommateur
101
;
98
A. Pigou, « The economics of Welfare », 1920.
99
Par exemple dans le cas du tabac, il s’agit d’augmenter les accises sur le tabac afin de faire supporter
le surcoût en termes de dépenses de santé par le consommateur.
100
Gautier, E. et
A. Lalliard (2013), « Quels sont les effets sur l’inflation des changements de TVA en
France ? », Bulletin de la Banque de France, 194.
101
Benzarti, Y. and D. Carloni (2018), «Who Really Benefits from Consumption Tax Cuts? Evidence from
a Large VAT Reform in France », American Economic Journal: Economic Policy.
- 33 -
ensuite, de
l’élasticité de la demande au prix du bien bénéficiant du taux réduit
(plus l’élasticité est importante, plus le changement de comportement devrait être
important) et de l’existence de biens substituables
102
ou complémentaires
103
;
du coût pour les finances publiques rapporté à celui de l’externalité associée à la
consommation du bien ou du service
(soit une forme de coût d’abattement)
.
Par
exemple, dans le cas d’une externalité
environnementale, il serait nécessaire de
comparer le coût pour les finances publiques au coût des émissions de gaz à effet de serre
(GES) évitées.
Le coût de l’externalité
positive équivaut dans ce cas à la baisse des
émissions multipliée par la valeur tutélaire du carbone
104
.
2.1.2.
Plusieurs autres critères doivent également être pris en compte pour analyser
un taux réduit de TVA
Au-delà des arguments économiques, plusieurs autres critères doivent être pris en compte
pour évaluer la pertinence du recours à un taux réduit pour modifier le comportement des
agents :
la conformité juridique
au regard de la directive 2006/112/CE modifié et de la
jurisprudence de la Cour de justice de l’UE (CJUE), qui fixent le corpus de règles
applicables à la TVA,
qu’il s’agisse de son assiette, de sa territorialité ou de l’application
des taux réduits et des exonérations (
cf
. rapport particulier n°1 relatif au cadre
juridique). À cet égard, le principe de neutralité fiscale
empêche l’application de taux
différents à des biens ou services présentant des propriétés et usages analogues pour le
consommateur moyen (
cf
. partie 2.3.1.1) ;
sa faisabilité opérationnelle
pour les entreprises françaises comme étrangères qui
collectent et déclarent la TVA. Toutes mesures contribuant à compliquer le système de
taux peut poser des difficultés opérationnelles, comme c’est déjà le cas pour les biens
alimentaires
105
;
la
prise en compte des effets redistributifs,
dès lors que la baisse ou la hausse de la
TVA sur un produit a des effets différenciés sur les ménages selon le poids de ce produit
dans leur consommation ainsi que l’élasticité de leur demande au prix. En particulier,
plus la demande du ménage est élastique, plus celui-
ci est en mesure d’ajuster son
comportement à une variation du prix relatif et moins il supporte la variation de prix.
L’élasticité et le poids du produit dans la consommation peuven
t varier selon le niveau
de vie et,
au sein d’un même décile de niveau de vie
,
selon l’âge, le type de logement ou
le lieu de résidence (
cf
. section 1.2) ;
l’impact environnemental,
afin d’assurer la cohérence du système fiscal avec les
engagements pris par la France au niveau européen et international, notamment en
matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (
cf
. partie 2.2.2.3.
102
Deux produits sont substituables si, lorsque le prix relatif du premier bien augmente, la
consommation du second augmente. La substituabilité de deux biens se mesure à l’aide de l’élasticité
prix croisée.
103
Deux produits sont complémentaires si, lorsque le prix relatif du premier bien augmente, la
consommation du second diminue.
104
A. Quinet (2019), «
La valeur de l’action pour le climat
», rapport de la commission présidée par Alain
Quinet.
105
Cf. rapport particulier n°1.
- 34 -
Constat 11 :
L’examen d’une grille de critères (i.e. effet sur les choix de consommation,
conformité juridique, faisabilité opérationnelle, effets redistributifs, coût pour les
finances
publique,
impact
environnemental)
est
nécessaire
pour
évaluer
systématiquement la pertinence de toute proposition de baisse de taux de TVA, que son
origine soit gouvernementale ou parlementaire.
2.1.3.
L’impact
environnemental des baisses de TVA doit
être comparé à l’impact
d’autres outils, comme les accises ou le marché carbone
Les effets environnementaux
d’un taux réduit de TVA doivent
aussi
être comparés à l’impact
d’autres outils de politiques publiques, en particulier les accises et le marché carbone. À cet
égard, alors que la baisse de TVA n’affecte que la consommation finale
,
l’impact
environnemental de nombreux produits s’explique par plusieurs intrants polluants ou
fortement émissifs utilisés dans la fabrication de ces produits
. Le même constat s’applique à
l’impact nutritionnel d’un bien alimentaire. Dans ce cas, l’application d’une
taxe, non pas sur la
consommation finale mais sur les consommations intermédiaires,
permet d’influer davantage
sur le processus de production, en dissuadant de recourir à des composants polluants, émissifs
ou néfastes pour la santé publique.
Le tableau 3 présente une liste non exhaustive de politiques publiques visant à changer le
comportement du producteur ou du consommateur par une modification du signal prix. Les
effets d’une réduction d’une baisse de TVA à des fins environnementales ou de santé publique
peuvent ainsi être comparés à ceux de ces politiques publiques.
Tableau 3 : Exemples de politiques publiques visant à changer le comportement du producteur
ou du consommateur par une modification du signal prix
Politique
publique
Mécanisme de
fixation du prix
Application dans la
chaîne de valeur
Champ
d'application
Exemple
Marché
carbone
Prix fixé par le marché,
sous la contrainte
d'une quantité
d'émissions fixée
Sur les intrants
carbonés participant à
l'émission de gaz à
effet de serre dans le
processus de
production
Par secteur
Système
d'échange de
quotas
d'émission de
l'Union
européenne
Taxe carbone
Prix fixé par le
gouvernement en
€/CO
2
eq
Sur l'utilisation
d'énergies carbonées
Par produit
énergétique
Hausse de la
taxation des
carburants
Droits d'accise
Prix fixé par le
gouvernement en
€/unité
Sur le produit final
Par produit
Accises sur les
énergies
Eco-
contribution
Prix fixé au niveau de
la filière par l'éco-
organisme et
correspondant aux
coûts opérationnels de
collecte séparée,
d'enlèvement, de
dépollution et de
valorisation
Sur le produit final
Par filière
Eco-
contribution sur
les déchets
d'équipements
électriques et
électroniques
TVA « verte »
Taux fixé par le
gouvernement parmi
les taux de 0 %, 2,1 %,
5 %, 10 %
Tout au long de la
chaîne de valeur, avec
un impact seulement si
elle est appliquée à la
transaction finale
(BtoC)
Par catégorie de
produits
Taux réduit sur
la rénovation
énergétique
- 35 -
Politique
publique
Mécanisme de
fixation du prix
Application dans la
chaîne de valeur
Champ
d'application
Exemple
Contribution
nutritionnelle
Prix fixé par le
gouvernement en
fonction de
caractéristiques
nutritionnelles
Lors de la conception
du produit (exemple :
mise en bouteille)
Par catégorie de
produits
Contribution sur
les boissons
contenant du
sucre ajoutée
Source : Rapporteurs.
2.2.
L’existence de taux réduits de TVA s’explique essentiellement par des
objectifs de soutien sectoriel ou de baisse de prix des produits de première
nécessité, plutôt que
d’incitatio
n à des comportements vertueux
2.2.1.
Peu évalués, les taux réduits de TVA répondent essentiellement à des objectifs
de soutien sectoriel ou de baisses des prix des produits de première nécessité, et
tiennent compte de la spécificité ultramarine et de la Corse
En France métropolitaine, quatre taux réduits (0 %, 2,1 %, 5,5 % et 10 %) sont désormais
applicables, le taux nul ayant été introduit en réponse à la crise sanitaire (
cf
. tableau 4). Au fil
du temps, la mise en œuvre de taux réduit
s a été essentiellement motivée par des objectifs de
soutien à des politiques publiques sectorielles (hébergement hôtelier, restauration, etc.) et/ou
de baisse des prix des biens de première nécessité (denrées alimentaires). Certains taux
réduits existent depuis la création de la
TVA (hôtellerie par exemple) tandis que d’autres ont
été
progressivement mis en œuvre à l’issue des vagues successives de révision du cadre
juridique européen (logement social, par exemple).
Le rapport particulier n° 4 revient en détail sur les justifications des taux réduits applicables
en analysant précisément
l’extension
progressive de leur champ au cours des dernières
décennies.
Tableau 4 : Résumé des taux réduits applicables en France métropolitaine
Source : Articles 278 et 279 du Code Général des Impôts.
Taux
réduit
Produits et services
10 %
¨Produits agricoles non transformés ; bois de chauffage ; travaux d'amélioration du
logement qui ne bénéficient pas du taux de 5,5% ; foires et salons ; jeux et manèges forains ;
droits d'entrée des musées, zoo, monuments ; transports de voyageurs ; certains logements
sociaux ; abonnements à la télévision payante ; services des soins à domicile ; restaurants
et restauration collective (à l'exception des boissons alcoolisées) ; hébergement hôtelier.
5,5 %
La plupart des produits alimentaires et boissons (à l'exception des boissons alcoolisées) ;
distribution
d'eau ;
équipements
pour
personnes
handicapées ;
livres
et
livres
numériques ; droits d'entrée aux manifestations culturelles ; travaux réalisés sur des
logements de plus de deux ans, sous certaines conditions ; soins à domicile ; abonnements
au gaz naturel et à l'électricité ; chauffage urbain
; livraisons d'œuvres d'art par leur
créateur ; produits d'hygiène féminine ; certains logements sociaux.
2,1 %
Médicaments remboursables par la sécurité sociale ; certains spectacles et publications de
presse inscrites à la Commission paritaire des publications et agences de presse.
0 %
Vaccins contre la covid-19 et tests de dépistage ; vente par les pêcheurs du produit de leur
pêche ; transport international.
- 36 -
Par ailleurs, afin de tenir compte des spécificités insulaires, des régimes particuliers de taux
réduits s’appliquent en Corse et dans les départements
et régions
d’Outre
-m
er, à l’exception
de la Guyane et
de Mayotte où la TVA ne s’applique pas
106
(
cf
. tableau 5). Ainsi, en plus des
quatre taux applicables en France métropolitaine
107
, six autres taux sont en vigueur, dont deux
pour la Corse et trois pour la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion.
Tableau 5 : Taux de TVA applicables en France au 1
er
janvier 2022
Pays
Taux normal
Taux
intermédiaire
Taux réduit
Taux super
réduit
France (hors
Corse,
DROM et COM)
20 %
10 %
5,5 %
2,1 %
Corse
20 %
13 % (produits
pétroliers)
10 %
5,5 %
2,1 %
0,90 %
Guadeloupe,
Martinique,
Réunion
8,5 %
2,1 %
2,1 %
1,75 %
1,05 %
Guyane, Mayotte
TVA non appliquée
TVA non appliquée
TVA non
appliquée
TVA non
appliquée
Source : Code général des impôts.
À cet égard, il convient de rappeler que la directive TVA ne s’applique pas à l’
Outre-mer, à
l’inverse de la Corse dont le régime dérogatoire n’est pas conforme au droit européen
108
. Outre
les
considérations juridiques, il apparaît nécessaire d’évaluer le
s effets socio-économiques du
régime de taux applicable à la Corse. Pour gagner en pertinence, cette analyse
–
qui dépasse le
cadre de ce rapport
–
pourrait être intégrée à une évaluation plus globale du statut fiscal
particulier de la Corse.
Constat 12 : Le régime de taux applicable à la Corse pourrait être examiné dans le cadre
d’une évaluation plus globale du statut fiscal particulier de la Corse, qui excède le champ
du présent rapport.
Proposition n° 3 : Conduire une évaluation socio-économique du régime de taux de TVA
applicable en Corse dans le cadre d’une évaluation plus globale de son statut fiscal
particulier.
106
Aux termes du 1 de l'article 294 du CGI, la TVA n'est provisoirement pas applicable dans les
collectivités de Guyane et de Mayotte. En conséquence, la TVA n'est perçue ni à l'intérieur de la Guyane,
ni à Mayotte ni à l'importation
dans ces collectivités. Dans ces territoires, l’octroi de mer se substitute
pour partie à la TVA.
107
1 taux normal et 3 taux réduits.
108
Référé de la Cour des comptes du 21 juin 2016 sur la gestion de l'impôt et les régimes fiscaux
dérogatoires en Corse.
- 37 -
2.2.2.
Les taux réduits justifiés par des enjeux environnementaux et de santé publique
occupent un poids limité
, bien qu’en hausse
depuis la crise de la Covid-19
2.2.2.1.
Les taux réduits de TVA applicables aux médicaments, produits de santé et
dispositifs de lutte contre la Covid-19 sont justifiés par des enjeux de santé
publique
2.2.2.1.1.
L’application de taux réduits aux médicaments et produits sanguins est justifiée par
l
’existence d’externalités positive
s liées à leur consommation
En France, le médicament est considéré comme un bien « méritoire »
109
(traduction du concept
de «
merit goods
» proposé par R. Musgrave dans son étude du budget de l’État,
soit une notion
complémentaire du concept de biens collectifs
110
). Il s’agit de biens qui satisfont des besoins
méritoires, justifian
t l’intervention de l’État autant au niveau des préférences des individus que
de leur possibilité d’accès aux biens méritoire
111
.
C’est le cas
par exemple de la fourniture
gratuite ou subventionnée de services médicaux.
Le marché des médicaments est ainsi soumis au respect d’une réglementation comprenant
divers volets (autorisation de mise sur le marché, taux de remboursement par la Sécurité
sociale, fixation des prix fabricant et de détail, etc.). À titre d’exemple, l’Un
ion nationale des
caisses d’assurance
-maladie fixe le taux de remboursement sur la base du service médical
rendu (SMR) et de la gravité de l’affection concernée, de sorte que l’accès au
x traitements les
plus « méritoires » soit facilité pour les individus.
Selon cette même logique, le prix des médicaments n’est pas régulé sur tous les segments de
marché.
Il l’est pour
les médicaments remboursables considéré comme « méritoire » dont la
demande est de ce fait très peu sensible au prix (
cf
. encadré 4). Les prix ne sont en revanche
pas régulés pour les médicaments non remboursés par l’assurance maladie et les médicaments
vendus aux hôpitaux
112
(sauf pour quelques médicaments très onéreux)
113
.
109
Fabienne Oguer (2020), « Biens méritoires et nudges dans le domaine de la santé publique », Revue
d'économie politique, vol. 130, no. 5, pp. 799-821.
110
Richard Musgrave (1957), « A Multiple Theory of Budget Determination » FinanzArchiv, New Series
111
On parle également de biens déméritoires (demerit goods) pour désigner des biens dont l’État veut
décourager la consommation. C’est le cas, par exemple, du tabac, de l’alcool ou de la prostitution qui sont
soit interdits, soit lourdement taxés.
112
Dans le cadre de la «
tarification à l’activité
», les montants forfaitaires tiennent compte du coût des
médicaments, à l’exception des plus onéreux.
113
Valérie Paris (2009), « La régulation du prix du médicament en France », Regards croisés sur
l'économie, vol. 5, no. 1, pp. 215-225.
- 38 -
Encadré 4 : La fixation des prix du médicament en France
Après avoir obtenu auprès de la Commission européenne (sur avis de l’Agence européenne des médicaments)
ou de l’Agence
nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) une autorisation de mise
sur le marché (AMM) au titre d’une ou de plusieurs indications thérapeutiques, l’entreprise pharmaceutique,
qui souhaite commercialiser un médicament et le voir pr
is en charge par l’assurance maladie, dépose auprès
de la Haute Autorité de santé (HAS) un dossier qui enclenche une série de procédures :
-
des avis de la HAS portant évaluation de l’amélioration du service médical rendu (ASMR) par le médicament,
du serv
ice médical rendu par le médicament, de l’efficacité médico
-économique du médicament (sous
certaines conditions) ;
- un avis du CEPS portant fixation du prix du médicament ;
-
un arrêté ministériel portant admission au remboursement par l’assurance maladi
e ;
- une décision du taux de remboursement par le directeur général de la CNAM en sa qualité de directeur de
l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM).
En application des dispositions du code de la sécurité sociale, le prix de vente ou de cession des médicaments,
qu’ils soient vendus en officine, rétrocédés (vendus au public par des pharmacies des établissements de santé)
ou inscrits sur la « liste en sus », est fixé par la voie de conventions bilatérales entre le CEPS et les entreprises,
conclues pour une durée de quatre années. Ces conventions contiennent les engagements des entreprises
visant à assurer le bon usage du médicament et à maîtriser leur politique de promotion. Elles précisent aussi
les modalités de fixation des prix et de régulation des dépenses de médicaments auxquelles adhèrent les
entreprises. En pratique, chaque nouvelle spécialité fait l’objet d’un avenant à la convention concernée. Outre
le prix des médicaments et les engagements des entreprises, ces avenants peuvent prévoir des remises
spécifiques à chaque produit, versées par les entreprises pharmaceutiques aux URSSAF pour le compte de
l’assurance maladie
114
.
La régulation du prix du médicament porte aussi sur le prix de détail (à savoir les grossistes et les
pharmaciens) :
•
la rémunération des grossistes-répartiteurs repose sur des marges définies en fonction du prix fabricant ;
•
la rémunération des pharmaciens officinaux repose sur un système de part forfaitaire et de marges
dégressives en fonction du prix fabricant.
Ainsi, le graphique 15
illustre l’évolution des différentes composantes du prix de vente TTC des
médicaments
entre 2010 et 2020, dont la TVA.
114
Cf. Cour des comptes
–
RALFSS 2017
–
ch. VIII
–
la fixation du prix des médicaments : des résultats significatifs,
des enjeux toujours majeurs d’efficience et de soutenabilité, un cadre d’action à fortement rééquilibrer.
- 39 -
Graphique 15 : Évolution des composantes du prix moyens des boites de médicaments
remboursables vendues depuis 2010 (en
€)
Source : Données GERS- marché ville à fin décembre 2020, exploitation comité économique des produits de santé (CEPS).
Note de lecture : La marge moyenne équivaut aux marges de distribution (marge grossiste et marge pharmacien) et aux
honoraire de dispensation à la boîte. A noter que les honoraires par ordonnance (i.e. ordonnance contenant au moins un
médicament remboursable, ordonnance contenant des médicaments spécifiques, ordonnance concernant un enfant < 3 ans ou
une personne âgée > 70 ans et ordonnance contenant au moins 5 médicaments remboursables) ne sont pas inclus dans ces
données.
Source : Ministère de la santé, comité économique des produits de santé (CEPS).
L’application des taux de TVA poursuit cette même logique «
méritoire », un taux
super-réduit ayant été retenu pour les médicaments remboursables par l
’assurance
maladie.
En application de l'article 278 quater du code général des impôts (CGI), les
médicaments à usage humain et certains produits sanguins bénéficient d’un
taux
réduit de 10
%, à l’exception des
produits mentionnés à
l’article
281 octies du même code qui
bénéficient du taux super-réduit de 2,10 %, à savoir :
les médicaments destinés à l'usage de la médecine humaine bénéficiant d’une prise en
charge, en totalité ou partiellement, par l
’assurance maladie
;
les
produits
sanguins
d'origine
humaine
à
usage
thérapeutique
prévus
par
l'article L. 1221-8 du code de la santé publique.
10,53
10,58
10,41
10,18
10
9,94
9,92
10,01
10,38
10,42
10,6
0
2
4
6
8
10
12
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
PFHT moyen d'une boîte (€)
Marge moyenne
TVA
PPTTC moyen d'une boîte (€)
- 40 -
L
’application d’un taux
super-réduit de 2,1 % aux médicaments remboursables est en partie
circulaire, dès lors que le coût de la TVA est porté partiellement ou exclusivement par la
sécurité sociale en fonction du taux de remboursement. Ainsi, la sécurité sociale paie une partie
de cette
TVA à l’État, qui en retour finance la
sécurité sociale
via
l’affectation d‘une part de TVA
(
cf
. rapport particulier n° 3). Or, la directive du 5 avril 2022 ouvre une
possibilité d’appliquer
un taux à 0 % sur les médicaments remboursables.
L’exercice de cette faculté de porter le taux
applicable aux médicaments remboursables à 0
%, même s’il permettait de faire cesser un
phénomène circulaire, entraînerait une diminution des recettes nettes de TVA, dès lors que
tous les médicaments ne sont pas intégralement remboursés (prise en charge à 65 % par
exemple). En découlerait un gain net partagé entre les patients et les assurances
complémentaires santé En l’absence de données suffisamment fines de consommation, l
es
rapporteurs n’ont pas été en mesure d’évaluer le coût d’une baisse de TVA sur les médicaments
remboursables.
Constat 13 :
Le choix d’appliquer deux taux réduits distinct
s de TVA aux médicaments
en fonction de leur statut (remboursable/non remboursable) apparaît justifié par le
besoin pour l’État d’in
fluer sur le
s préférences des individus et d’assurer l’accès à la
santé.
2.2.2.1.2.
L’application de taux réduits aux équipements, produ
its, vaccins et tests destinés à
lutter contre la covid-19 est une composante de la stratégie de gestion de la crise
pandémique
Dans le cadre de leur réponse fiscale à la crise de la covid-19, de nombreux autres pays
de l’UE, et plus largement de l’OCDE, ont
recouru à des réductions temporaires des taux
de TVA dans le champ de la santé, parfois jusqu’à
0 %.
Ces mesures visent pour la plupart
à soutenir l’accès aux produits de santé
nécessaires pour lutter contre la propagation du
covid-19. Ainsi, la plupart des pays membres
de l’OCDE ont instauré des taux nuls ou réduits
pour les fournitures et importations de matériel médical et de produits sanitaires (gants,
masques, désinfectant pour
les mains, etc.) et pour les services de santé lorsqu’ils n'étaient pas
déjà exonérés de TVA ou soumis à des taux réduits
115
. La Commission européenne a décidé
d’
une suspension temporaire de la TVA
116
et des droits de douane pour les équipements de
protection, les kits de dépistage et le matériel médical, notamment les respirateurs
117
. Une liste
indicative des biens susceptibles d’être couverts par cette mesure d’allègement
a été établie,
même si la décision d’en accorder le bénéfice
a été laissée à la discrétion des États membres en
fonction des besoins nationaux.
115
OCDE (2021), Tendances des impôts sur la consommation 2020 : TVA/TPS et droits d'accises
–
taux,
tendances et questions stratégiques, Éditions OCDE, Paris.
116
Prise initialement pour une période de six mois, elle a ensuite été prorogée jusqu’à fin avril 2021.
117
Selon la Décision (UE) 2020/491 de la Commission (telle que modifiée), un taux de TVA de 0 % et
une franchise de droits à l’importation s’appliquent à l’importation dans l’Union européenne des
marchandises nécessaires à la lutte contre les effets de la pandémie de COVID-
19 au cours de l’année
2020.
- 41 -
En France, depuis 2020, plusieurs taux réduits sont appliqués dans le cadre de la
réponse à la crise de la covid-19.
Initialement prévue jusqu’au
31 décembre 2021
118
, leur
application a été prolongée, au moins
jusqu’à fin
2022
119
:
l’application du taux réduit de TVA de 5,5
% en métropole et de 2,10 % dans les
collectivités de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion à la fourniture de
masques de protection
120,
de tenues de protection
121
et de produits
destinés à l’hygiène
corporelle
122
(gels hydro alcooliques et autres désinfectants) adaptés à la lutte contre la
covid-19 ;
l’application d’un taux de
0 % aux vaccins contre la covid-19 bénéficiant d'une
autorisation nationale ou européenne de mise sur le marché, et aux dispositifs médicaux
de diagnostic in vitro de la covid-19 conformes aux exigences énoncées selon leur date
de mise sur le marché ou de mise en service (tests de dépistage).
Comme dans les autres pays membres
de l’OCDE, ces mesures traduisent
le soutien du
gouvernement en faveur de l’accès aux équipements de protection contre le virus, aux tests de
dépistage et aux vaccins. Ces mesures viennent, de manière incidente, soutenir le
développement des capacités de dépistage et de vaccination.
La qu
estion de l’extinction de ces taux réduit
s devrait se poser à la fin de 2023, en lien avec les
contraintes sanitaires liées à la poursuite des contaminations
123
.
2.2.2.2.
Les taux réduits de TVA visant à soutenir la transition environnementale ont un
poids limité, et sont concentrés sur le soutien aux travaux de rénovation
énergétique
Un nombre limité de taux réduits poursuit des objectifs environnementaux en France,
soit moins de 10 % des dépenses fiscales de TVA.
Les rapporteurs ont identifié quatre taux réduits ayant un objectif de soutien direct à la
trans
ition environnementale et d’incita
tion à
l’évolution des modes de consommation
:
le taux de 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à
usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui
leur sont indissociablement liés ;
le taux de 5,5 % applicable aux prestations de collecte séparée, de collecte en déchetterie,
de tri et de valorisation des déchets des ménages et assimilés ;
le taux de 5,5 % pour la fourniture par réseaux d'énergie d'origine renouvelable ;
le taux de 10 % applicable aux éléments constitutifs des aliments pour animaux
producteurs de denrées alimentaires destinées à la consommation humaine, aux engrais,
aux amendements calcaires et produits phytopharmaceutiques utilisables en agriculture
biologique et aux matières fertilisantes ou supports de culture d'origine organique
agricole.
118
Par la loi n° 2020-473 du 24 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.
119
Par la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.
120
Code général des impôts, art. 278-0 bis, K bis.
121
CGI, art. 278-0 bis, K bis.
122
CGI, art. 278-0 bis, K ter.
123
A
nnoncée par le Président de la République le 12 juillet 2021, la fin de la gratuité systématique des
tests de dépistage du Covid-19 est entrée en vigueur le 15 octobre 2021. Les tests RT-PCR, antigéniques
et les autotests sous supervision ne sont plus automatiquement pris en charge à 100 % par l'Assurance
maladie.
La loi de finances pour 2023 a prorogé jusqu’au 31 décembre 2023 l’application du taux réduit
de 5,5 % pour les produits adaptés à la lutte contre la covid-19.
- 42 -
Les quatre taux réduits appliqués en soutien direct à la transition environnementale ont un
poids limité dans les dépenses fiscales de TVA. En exécution pour 2020, ils représentent 9 %
des dépenses fiscales de TVA
124
. Pour interpréter ce ratio, il convient toutefois de rappeler,
d’une part, que les dépenses fiscales de TVA sont liées à
75 % à des mesures de taux, à 20 % au
régime ultramarin, à 4 % à des exonérations et à 1
% à des régimes particuliers, et d’autre part,
que tous les taux réduits de TVA ne sont pas considérés comme des « dépenses fiscales »
125
.
En outre, les dépenses fiscales de TVA en soutie
n à l’environnement
sont concentrées
sur le soutien à la rénovation énergétique des bâtiments (
cf
. tableau 6).
Les quatre taux
réduits susmentionnés représentent un coût budgétaire de 1,94 Md
€ en
exécution en 2021
126
,
dont 1,76
Md€ pour le seul taux réduit applicable aux «
travaux d'amélioration de la qualité
énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans ainsi que sur les
travaux induits qui leur sont indissociablement liés » (article 278-0 bis A du CGI
127
).
Or, ce taux réduit de la TVA, qui représente une dépense fiscale de près de
2Md€, n’a fait
l’objet d’aucune évaluation étayée jusqu’
à présent
. En outre, depuis sa création, de
nouvelles mesures de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments ont été instituées, puis
renforcées, au risque d’un enchevêtrement et d’une perte d’efficacité globale (
cf
. encadré 5).
Tableau 6 : Coûts budgétaires liés aux taux réduits de TVA visant directement à soutenir la
transition environnementale (en
M€)
Taux réduit
Montant en
exécution
2021
Prévision pour 2023
Taux de 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité
énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis
plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur
sont indissociablement liés
1 760
2 000
Taux de 5,5 % applicable aux prestations de collecte
séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation
matière des déchets des ménages et assimilés
82
86
Taux de 5,5 % pour la fourniture par réseaux d'énergie
d'origine renouvelable
66
66
Taux de 10 % applicable aux éléments constitutifs des
aliments pour animaux producteurs de denrées alimentaires
destinés à la consommation humaine, aux engrais, aux
amendements calcaires et produits phytopharmaceutiques
utilisables
en agriculture biologique et aux matières
fertilisantes ou supports de culture d'origine organique
agricole.
27
30
Source
: Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, projet de loi de finances pour 2023.
124
Pour l’exécution
2020, l’annexe «
voies et moyens » 2022 listent 43 dépenses fiscales de TVA pour un
montant cumulé de 16,5
Md€.
125
Pour la TVA, c’est le caractère incitatif de la mesure, par exemple d’un taux réduit, qui détermine si la
mesure est classée en dépense fiscale, selon les principes définis par le Conseil des impôts en 2003. Ainsi,
les dispositions « qui, pour l’ensemble des contribuables visés, contribuent à rendre supportable cet
impôt ou qui ont pour effet de préserver l’accès à c
ertains produits et services » ne sont pas des dépenses
fiscales. Les taux réduits sur l’alimentation ou les médicaments relèvent ainsi d’une logique générale et
redistributive. On dénombre ainsi 23 mesures de taux réduit de TVA dans l’évaluation des
Voies et
moyens, qui ne relèvent pas des dépenses fiscales
126
Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, projet de loi de finances pour 2023.
127
Les travaux éligibles au taux réduit de 5,5 % sont ceux mentionnés à l'article 200 quater du CGI, à
condition qu'ils respectent les critères de performances minimales détaillés à l'article 18 bis de l'annexe
4 du CGI.
- 43 -
Encadré 5 : Panorama des mesures de soutien à la rénovation énergétique des bâtiments
À côté du taux de TVA réduit (5,5 %) pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux
à usage d'habitation achevés depuis plus de deux ans, il existe un panel pluriel de mesures de nature
différente qui apportent un soutien direct à la rénovation énergétique de bâtiments existants :
•
l’aide MaPrimeRénov’ (soit une prime de transition énergétique distribuée par
l’
Agence nationale
de l’habitat), en remplacement, depuis 2020
,
du crédit d’impôt transition énergétique (CITE) pour
les travaux de rénovation énergétique du parc des bâtiments résidentiels privés (i.e. isolation de
l’enveloppe du bâtiment ou installation d’équipements de production de chaleur renouvelable ou de
chaudières à gaz à très hautes performances énergétiques) ;
•
les autres aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), et notamment MaPrimeRénov’ Sérénité
(ex-Aide Habiter Mieux Sérénité) visant à apporter des aides financières et accompagner
socialement, techniquement et financièrement les ménages en situation de précarité énergétique
pour réaliser leurs travaux de rénovation énergétique
128
;
•
l’éco
-prêt à taux zéro (éco-PTZ) destiné aux particuliers propriétaires occupants ou bailleurs pour
le financement de tra
vaux de rénovation dont l’accès a été simplifié en 2019 avec la suppression de
la condition de bouquet de travaux, et qui permet désormais de financer le reste à charge de travaux
éligibles à MaPrimeRénov'.
En plus des mesures de soutien direct à la rénova
tion énergétique, d’autres actions de maîtrise d
e la
demande d’énergie sont mises en œuvre (certificats d’économie d’énergie, réglementation ther
mique
pour les bâtiments neufs,
obligation d’économies d’énergie pour les bâtiments tertiaires
,
etc.
).
Source
: Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, projet de loi de finances pour 2023.
Constat 14 : Les dépenses fiscales de TVA en lien avec des objectifs environnementaux
ont un poids réduit (moins de 10 % des dépenses fiscales de TVA) et sont concentrées
sur le soutien à la rénovation énergétique des bâtiments.
Proposition n° 4 : Conduire une évaluation du taux réduit de TVA sur les travaux de
rénovation énergétique, incluant une analyse de sa complémentarité avec les dispositifs
institués depuis sa création, en particulier «
Ma Prime Rénov’
».
2.2.2.3.
La cohérence des taux réduits de TVA avec les objectifs environnementaux n’a
jamais été évaluée
Il n’existe qu’une vision très partielle de l’impact environnemental des d
ifférents taux
réduits de TVA en vigueur en France.
Depuis le projet de loi de finances pour 2021, le rapport sur l'impact environnemental du
budget de l’État
(aussi appelé « budget vert »)
présente l’impact environnemental des crédits
budgétaires et des dépenses fiscales, inscrits en projet de loi de finances. Une cotation
environnementale est réalisée sur la base de la méthodologie proposée par un rapport conjoint
de l’
Inspection générale des finances et du C
onseil général de l’environnement et du
développement durable
129
de septembre 2019 (
cf
. encadré 6).
128
Ce programme a permis, depuis 2010 de rénover 422 000 logements jusqu’à fin 2019, dont 117 000
logements en 2019. Il vise les propriétaires occupants modestes et très modestes, les propriétaires
bailleurs passant une convention avec l’ANAH pour encadrer les conditions de location, et les syndicats
de copropriétaires de copropriétés fragiles ou en difficulté. Selon le dernier bilan publié par
l’ANAH pour
le premier semestre 2022, ma
PrimeRénov
’
(hors MaPrimeRénov Copropriétés et MaPrimeRénov
Sérénité) a permis de rénover 318 429 logements rénovés, de distribuer 2 Md
€
d'aides distribuées et de
financer 4,7 Md
€
de travaux...
129
Rapport « Green Budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation environnementale »
du 25 septembre 2019.
- 44 -
Encadré 6 : Rappels méthodologiques sur la cotation environnementale utilisée dans le rapport
sur l’impact environnemental du budget de l’État
L’impact environnemental
de chaque mesure est apprécié sur six axes environnementaux. La méthode
de classification établie permet de rendre compte de l’aspect multidimensionnel de la préservation de
l’environnement en recensant l’impact des dépenses sur six axes environnementaux, inspirés de la
taxonomie verte des activités au niveau européen :
•
l’axe «
lutte contre le changement climatique » correspond aux objectifs visés par les politiques
d'atténuation du changement climatique, dont la transition vers une économie décarbonée et la
séquestration du carbone par les écosystèmes ;
•
l’axe « adaptation au changement climatique et prévention des risques naturels » a trait aux mesures
qui favorisent la résilience face aux évènements directement causés par le changement climatique,
par exemple les transformat
ions structurelles des infrastructures pour faire face à l’augmentation
de la fréquence et de l’intensité des épisodes météorologiques extrêmes (vagues de chaleur ou de
froid, épisodes de sécheresse, incendies, tempêtes hivernales, etc.) ou le renforcement des processus
de gestion de ces crises ;
•
l’axe « gestion des ressources en eau » fait référence aux objectifs d’utilisation et de gestion durable
des ressources en eaux terrestres et maritimes ;
•
l’axe « transition vers une économie circulaire, gestion des
déchets, prévention des risques
technologiques » caractérise les mesures permettant la transition vers l'économie circulaire
(augmentation de la durabilité, capacité de réparer et de réutiliser les
produits) et l’utilisation plus
efficace des ressources (notamment les matières secondaires issues du recyclage) ou en faveur
d’une bonne gestion des déchets, ou encore de la prévention des risques technologiques (accidents
industriels ou utilisation et transport de matières dangereuses) ;
•
l’axe « lutte contre les pollutions de l’eau, de l’air et des sols » a trait à la prévention, au contrôle et
à la résorption de la pollution de l’eau, de l’air et des sols, pouvant notamment être causées par
l’utilisation de substances chimiques ayant un impact potentiel sur la
santé ou l’environnement
;
•
l’axe « préservation de la biodiversité, protection des espaces naturels, agricoles et sylvicoles »
fait
référence aux objectifs de préservation, de protection et de restauration de la biodiversité et des
écosystèmes, ainsi que de la gestion durable des espaces naturels, agricoles et forestiers.
Une note de « -1 » à « 3
» est attribuée sur chacun des six axes environnementaux en fonction de l’impact
de chaque dépense. Pour une raison de lisibilité, dans le rapport final, seule une pastille de couleur
désigne la nature défavorable (couleur brune), neutre (grise) ou favorable (couleur verte pour les
cotations 1, 2 ou 3) de la dépense. Les notes détaillées sont cependant disponibles en «
open data
» sur
le portail des données ouvertes du ministère de l’
économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique.
Enfin, les dépenses cotées « neutres » sont considérées comme étant
sans impact sur l’environnement,
tels les transferts sociaux, tandis que certaines dépenses sont « non cotées ».
Source
: Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, projet de loi finances pour 2023.
Le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État (ou «
budget vert ») ne
procède pas à la
cotation de l’ensemble des taux réduits de TVA, mais seulement d’une
part minime d’entre eux
. Son spectre est en effet limité aux seuls taux réduits de TVA
considérés comme une dépense fiscale susceptible
d’influencer le comportement des ménages
et de modifier leur empreinte environnementale. Les autres taux réduits de TVA sont
considérés comme « neutres »
130
.
130
Ces taux n’étant pas considérés comme une dépense fiscale, ou comme susceptible de modifier
l’empreinte carbone du consommateur.
- 45 -
Ainsi, seuls 7
taux réduits représentant une dépense budgétaire d’un montant total
de 2,3
Md€ en exécution en
2021 (soit 1,1 % des recettes nettes de TVA)
ont fait l’objet
d’une cotation environnementale dans
le budget vert pour 2023
(
cf
. tableau 7). Sur ce
périmètre, 84 % des dépenses fiscales sont évaluées comme « favorables
» à l’environnement,
tandis que 9 % sont considérées comme « défavorables » et 7 % comme « mixtes »
(
cf
. graphique 16).
Tableau 7 : Taux réduits de TVA inscrits dans le projet de loi de finances (PLF) 2023 ayant fait
l’objet d’une cotation environnementale
Taux réduit de TVA
Montant en
exécution
2021
(en
M€)
Cotation
environnementale
Taux de 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité
énergétique des locaux à usage d'habitation achevés depuis plus
de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur sont
indissociablement liés
1 760
Favorable
Taux de 5,5 % applicable aux prestations de collecte séparée, de
collecte en déchetterie, de tri et de valorisation matière des
déchets des ménages et assimilés
82
Favorable
Taux de 5,5 % pour la fourniture par réseaux d'énergie d'origine
renouvelable
66
Favorable
Taux de 10 % applicable aux éléments constitutifs des aliments
pour animaux producteurs de denrées alimentaires destinés à la
consommation humaine, aux engrais, aux amendements calcaires
et produits phytopharmaceutiques utilisables en agriculture
biologique et aux matières fertilisantes ou supports de culture
d'origine organique agricole
27
Favorable
Sous-total dépenses favorables
1 935
Taux de 10 % applicable aux livraisons de bois de chauffage et
produits de bois assimilés
157
Mixte
Sous-total dépenses mixtes
157
Taux de 10 % dans le secteur du logement locatif social pour les
opérations qui ne sont pas éligibles au taux réduit de 5,5%
198
Défavorable
Taux de 2,10 % applicable à certaines opérations relatives au
logement social outre-mer qui sont éligibles soit aux prêts locatifs
sociaux, soit au crédit d’impôt sur les sociétés en faveur de
l’investissement dans les logements neufs outre
-mer
7
Défavorable
Sous-total dépense défavorables
205
Source : Rapporteurs
, d’après le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, projet de loi finances
pour 2023.
- 46 -
Graphique 16
: Cotation environnementale des dépenses fiscales de TVA bénéficiant d’une
cotation et inscrites au projet de loi de finances pour 2023
Source : Rapporteurs
, d’après le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État,
PLF 2023.
Or, en dehors du périmètre du « budget vert », certains taux réduits sont susceptibles
d’avoir des effets indirects sur l’environnement,
via
l’empreinte carbone de la
consommation des ménages.
Plusieurs cas de figure ont par exemple été identifiés par les
rapporteurs, sans pour autant que cette liste ne soit exhaustive :
plusieurs taux réduits justifiés par des enjeux
d’éloignement
géographique ciblent des
produits carbonés. Un taux réduit de 13 % est par exemple appliqué aux carburants en
Corse en raison des contraintes spécifiques liées à l’insularité
;
certains taux réduits encouragent la consommation de services à forte empreinte
carbone. C’est le cas, par exemple, de l’appl
ication du taux intermédiaire de 10 % aux
liaisons aériennes domestiques (article 279 du CGI). Or, selon
l’agence européenne pour
l'environnement, en
2018, le secteur de l’aviation a représenté
3,6 % des émissions
totales de gaz à effet de serre
à l’échelle de l’UE, et
13,2 % des émissions liées aux
transports. L’aérien est l’un des secteurs dont les émissions de GES ont cr
û le plus vite
au cours des dernières décennies
: d’ici à
2030, elles pourraient encore augmenter
de 17 % par rapport au niveau de 2015
131
.
L
’absence de documentation de l’impact
environnemental de la plupart des mesures de
taux de TVA ne permet pas aux rapporteurs d’apprécier leur cohérence avec les objectifs
environnementaux de la France
. Ce constat est également valable pour l’
ensemble du
système fiscal. Or il existe un enjeu transverse de mise en cohérence du système fiscal avec les
engagements environnementaux pris par la France. Au regard de son importance, cet enjeu
mériterait d’être éclairé par des travaux d’évaluation de l’impact carbone des mesures f
iscales,
y compris pour certains taux réduits de TVA qui ne sont pas qualifiés de dépenses fiscales. En
effet, tout examen de la cohérence du système socio-
fiscal suppose d’apprécier tant les coûts
budgétaires et l’efficacité s
ocio-
économique que l’impact environnemental.
Constat 15
: L’absence d’évaluation de l’impact environnemental de la plupart des
mesures de taux de TVA ne permet pas de trancher la question de leur cohérence avec
les objectifs environnementaux.
131
Étude d’impact (SWD/2021
/633 final) du projet de règlement Refuel EU en date du 14 juillet 2021.
1935
M€;
84%
157
M€;
7%
205,4
M€;
9%
Dépenses fiscales de TVA
favorables
Dépenses fiscales de TVA
mixtes
Dépenses fiscales de TVA
défavorables
- 47 -
Proposition n° 5
:
Systématiser
l’approche
visant
à
inclure
la
dimension
environnementale dans les évaluations des mesures fiscales, y compris
lorsqu’il s’agit
d’un taux réduit
de TVA.
2.3.
Souvent avancées dans le débat public, des baisses de taux de TVA dans le
champ des transports ferroviaires
et de l’économie circulaire
ne semblent
pas répondre aux enjeux clés
de ces secteurs d’avenir
Un
certain nombre de biens et services considérés comme vertueux pour l’environnement
sont
éligibles à un taux réduit de TVA, tels que les prestations de certains services de réparation ou
encore la livraison de panneaux solaires. Dans le cadre de la présente section, sont examinées
en particulier les propositions issues de la Convention Citoyenne pour le Climat visant à
abaisser le taux de TVA sur les billets de train et sur certains
services de l’économie circulaire.
2.3.1.
La baisse de la TVA sur les billets de trains n’appara
ît pas suffisante pour
répondre aux besoins du secteur ferroviaire
En France, les transports ferroviaires de voyageurs sont soumis au taux intermédiaire de TVA
de 10
% en application de l’article
279 b
quater
du CGI
132
. Les transports ferroviaires de
voyageurs en provenance et à destination de l'étranger, ainsi que les transports de voyageurs
effectués par les trains internationaux (traversant sans desservir le territoire français) sont
exonérés de TVA (article 262 du CGI). Ce principe conduit à exonérer uniquement le parcours
effectué en France. En revanche, le parcours réalisé hors de France est soumis au régime de
TVA de l’
État traversé.
La Convention Citoyenne sur le Climat a proposé, en 2020, une application à ce secteur du taux
réduit de 5,5 %. Le transport de voyageurs figure en effet parmi les
items
dit « prioritaires »
inscrits à l’annexe
III de la directive, ce qui le rend éligible à un taux réduit inférieur à 5 % et
a
fortiori
au taux réduit de 5,5 % en France. Le coût pour les finances publiques de cette baisse
de taux est
estimé de l’ordre de 300
M€
133
par an.
L’objectif de cette proposition est d’inciter les consommateurs à privilégier le train pour leurs
trajets en diminuant les prix des billets et, ainsi, de réduire les émissions de gaz à effet de
serre (GES) produites par le transport de personnes. Le transport ferroviaire constitue en effet
l’un des modes de mobilité les plus sobres
134
.
132
Depuis la création de la TVA, les transports de voyageurs ont fait l’objet d’un taux réduit. Le taux
applicable était initialement fixé à 12 % (contre 16 % pour le taux normal en 1966). Le taux de 12 % a
ensuite été supprimé, au profit d’un taux réduit unique, devenu le taux à 5,5 % qui s’est appliqué au
transport de voyageurs. Le transport de voyageurs a été assujetti au nouveau taux intermédiaire de 7 %
créé par la loi de finances rectificatives (LFR) pour 2011 (à compter de 2012) remonté à 10 % par la LFR
2012 (à compter de 2014).
133
Le transport ferroviaire représente une assiette imposable de l’ordre de
5,4
Md€ selon une
estimation de la mission réalisée sur la base des comptes semi-
définitifs 2019 de l’Insee.
134
À fin 2021, 60 % des 27 700 kms de lignes en France sont électrifiés.
- 48 -
2.3.1.1.
Une baisse du taux de TVA ciblée uniquement sur les billets de trains pourrait
accroître la complexité du traitement fiscal des offres multimodales, dont le
développement est de plus en plus encouragé
L’application
de taux de TVA distincts aux différents modes de transport est susceptible
de complexifier le traitement fiscal des offres multimodales, dont le développement a
été par ailleurs encouragé par la loi du 24 décembre 2019
d’orientation
des mobilités.
Instituées par cette loi, les services numériques multimodaux (SNM) peuvent désormais
proposer la vente de l'ensemble des billets de transport
via
un seul et même paiement. Dans le
cas
d’une
baisse de TVA ciblée sur les seuls billets de train, les billets multimodaux seraient
alors composés de prestations de services de transports soumises à des taux de TVA différents
(train et bus, par exemple). Les règles relatives à
l’application
des taux de TVA aux offres
composites seraient alors applicables. Or celles-ci diffèrent selon que l
’offre
composite est
considérée comme étant composée de prestations indissociables (i.e. le billet multimodal est
composé de plusieurs trajets formant une prestation considérée comme unique
135
), de
prestations principales et accessoires (i.e. le billet multimodal est composé de deux trajets,
l’un
considéré comme principal et
l’autre
accessoire
136
) ou de prestations indépendantes (i.e. le
billet multimodal est composé de deux trajets considérés comme des prestations
indépendantes). En fonction de
l’appréciation
du juge, qui se place du point de vue du
consommateur final, les règles
d’application
des taux de TVA pourraient dès lors diverger,
selon la grille de lecture détaillée dans le rapport particulier n° 1
137
.
L’appréciation
du juge,
susceptible de différer selon les types de billets multimodaux, pourrait dès lors entraîner un
risque juridique.
2.3.1.2.
L’impact d’une baisse de TVA sur le volume du trafic ferroviaire est incertain
Dans
un contexte de hausse de la fréquentation, les effets d’une baisse de la TVA sur le
volume du trafic ferroviaire diffèreraien
t selon le taux d’occupation et les modalités de
fixation des prix des différents services
138
.
À la suite d’une nette baisse liée à l
a crise
sanitaire, le niveau de fréquentation ferroviaire
se situe, depuis le mois d’avril
2022, au-dessus
du niveau de 2019 (
cf.
graphique 17).
135
Un
billet multimodal permettant un trajet comportant une correspondance (train et bus) pourrait
être considéré comme une prestation unique,
dès lors qu’elle est vendue comme telle au consommateur
dont le seul objectif est de parvenir à sa destination finale.
136
Pour un
billet multimodal prévoyant le transport urbain vers l’aéroport (RER ou bus par exemple) et
le billet d'avion, le trajet jusqu’à l’aéroport pourrait être considéré comme une
prestation accessoire du
trajet en avion, qui est la prestation principale.
137
M. François-René Burnod, 2022. À
la suite d’évolutions récentes de la loi fiscale française, l’article 257
ter du CGI a repris, en matière de taux réduits, la jurisprudence de la CJUE relative aux opérations
complexes. Les règles fondamentales du régime des opérations complexes, désormais étendues aux taux
réduits, ont été systématisées par la CJUE dans un arrêt du 4 mars 2021, Frenetikexito
–
Unipessoal Lda,
C-581/19.
138
TGV, trains intercités, TER.
- 49 -
Graphique 17 : Nombre de voyageurs-kilomètres mensuels (en milliards)
Source : Service des données et études statistiques du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des
territoires(SDES)
Par conséquent,
les taux d’occupation de certains services ferroviaires devraient
, eux aussi,
excéder leur niveau
d’avant crise
Or, les services de trains à grande vitesse (TGV) domestiques étaient déjà marqués, en 2019,
par des taux d’occupation moyen
s proches de 70 %
139
selon les dernières données publiées par
l’autorité de régulation des transports (ART).
Avec la hausse de la fréquentation et le report
modal anticipé en raison de la fermeture des lignes aériennes de moins de 2h30, ces
lignes pourraient être amenées à opérer à capacité maximale, en particulier aux heures
de pointe. Dans ce cas, une baisse de TVA serait sans effet sur le volume du trafic
ferroviaire.
Les services ferroviaires I
ntercités et TER enregistrent, quant à eux, des taux d’occupation
moyens moins élevés, respectivement proches de 50 % et 30 % en 2019. Des tensions peuvent
toutefois apparaître ponctuellement, sur certaine
s lignes, au regard de l’existence de
fortes
disparités infrarégionales (
cf
. graphique 18).
139
En 2019, le taux d’occupation est plus él
evé pour les TGV domestiques sud-est, et le moins élevé pour
les TGV domestiques nord
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Nombre de voyageurs-kilomètres trains à grande vitesse (national + international)
Nombre total de voyageurs-kilomètres ferroviaires (hors trains sous convention Île-de-France
mobilités)
- 50 -
Graphique 18
: Distribution par segment de ligne du taux d’occupation des services régionaux
(hors Transilien et RER) en 2019
Source : Autorité de régulation des transports (ART).
Note de lecture
: Les segments de ligne partant de Toulouse enregistrent un taux d’occupation entre 30 % et 60 % en
2019
Constat 16 : Une baisse de la TVA sur les billets de train, même répercutée dans les prix,
aurait un effet limité sur la fréquentation des lignes opérant déjà à un niveau proche de
leur capacité maximale,
a fortiori
dans un contexte de nette reprise de la fréquentation
ferroviaire à des niveaux supérieurs à 2019.
- 51 -
La transmission de la baisse de la TVA dans les prix apparaît difficile à estimer
ex ante
,
dès lors qu’elle dépend des modalités d’organisation des segments ferroviaires,
qui sont
réglementés ou non
. Deux cas de figure peuvent à cet égard être distingués :
sur les segments réglementés (TER et trains intercités)
140
, la transmission d’une baisse
de
TVA dans les prix est contingente d’un engagement de l’autorité organisatrice de
transport concernée (à savoir les régions
ou l’État, selon les lignes)
;
sur les segments librement organisés (TGV), pour lesquels le prix est fixé librement, il
est difficil
e d’émettre une hypothèse de taux de répercussion dans les prix. Sur ces
segments, la variabilité des prix pour un même trajet peut être importante, par exemple
selon la date du voyage ou le délai de réservation en amont
, comme en témoigne l’écart
moyen de 58
€ entre le prix maximum et
le prix minimum pour un trajet TGV Inoui en
deuxième classe
141
. La faible intensité concurrentielle pourrait influer sur les décisions
de baisses de prix, dès lors que l’État est l’unique actionnaire de la SNCF, opérateur
histo
rique. L’entreprise pourrait
ainsi
être incitée à prendre l’engagement de répercuter
intégralement une baisse de TVA dans les prix. Cela étant,
cette situation n’est ni acquise
ni figée,
avec l’ouverture progressive à la concurrence du réseau ferré à de no
uveaux
acteurs européens et nationaux
142
.
Enfin, l’absence d’évaluation de la baisse de TVA sur les billets de train en Allemagne ne
permet pas, à la date de la mission, de conclure sur son effectivité.
Dans le cadre du
programme sur «
la protection du climat 2030
», la baisse de 19 % (taux normal) à 7 % (seul
taux réduit allemand) applicable au transport ferroviaire de personnes est entrée en vigueur
au 1
er
janvier 2020. Le taux a été abaissé à 5 % au second semestre 2020 (à la suite de la
décision de baisser de manière conjoncturelle le taux réduit en Allemagne), avant de revenir
à 7 % à partir de janvier
2021. Dès l’été 2022,
sans qu’une évaluation de la baisse de TVA n’ait
été formellement réalisée,
la décision a été prise de tester la mise en œuvre d’un
forfait unique
de transport valable à l’échelle régionale, sans condition de revenu, d’abord de manière
temporaire puis pérenne.
140
L’exploitation de ces lignes fait l’objet d’un conventionnement entre l’opérateur ferroviaire et une
autorité organisatrice de transport (AOT), à savoir les régions pou
r les lignes TER et l’État pour les lignes
TET. Par exemple, la convention d'exploitation des TET pour la période 2022-2031 a été signée le 17
mars 2022. Elle définit les modalités d’exploitation et de financement du service public des TET, confié
par l’Ét
at à SNCF Voyageurs pour la période 2022-2031. C'est la dernière convention d'exploitation de
gré à gré avec la SNCF, avant l'obligation de recourir à des appels d'offres.
141
Source : jeu de données « prix plein tarif des trains TGV INOUI et OUIGO en vigueur au 01/05/2022 »
(données disponibles en open data sur le site internet de la SNCF).Il est à noter que l’écart maximal
constaté pour les trajets INOUI en deuxième classe est de 126
€ pour relier les gares de Rennes et
Saverne.
142
Deux opérateurs opèrent sur les lignes classiques
: l’opérateur italien Trenitalia France (ex
-Thello)
depuis le 18 décembre 2021 (deux aller-retours par jour sur la ligne à grande vitesse Paris-Lyon-Milan
en parallèle de l’opérateur SNCF
Voyageurs), la filiale dédiée OSLO de SNCF Voyageurs depuis le 11 avril
2022. La société Midnight Trains a notifié, en mars 2022, trois projets de nouvelles dessertes en train de
nuit pour desservir, depuis Paris, Barcelone, Nice, et Venise à compter de la fin 2024.
- 52 -
2.3.1.3.
Face à la hausse des prix du secteur ferroviaire, des mesures de soutien ciblé,
tenant compte de la réalité des trajets multimodaux, apparaissent préférables
pour soutenir les usagers les plus modestes ou dépendants
Dans le prolongement de la tendance observée dans le secteur ferroviaire en 2022, de
nouvelles hausses de prix sont anticipées pour 2023 en raison du renchérissement attendu des
consommations d’électricité
(
cf
. graphique 19).
Graphique 19
: Évolution de l’indice des prix à
la consommation (base 2015) du transport
ferroviaire de passagers entre janvier 2019 et octobre 2022
Source : Insee, Indice des prix à la consommation - Base 2015 - Ensemble des ménages - France métropolitaine.
Là où une baisse de TVA ne permet pas un soutien ciblé aux ménages les plus impactés
par cette hausse (
cf
. partie 1.4
), d’autres outils plus ciblés mériteraient d’être étudiés
:
une
mesure de type « bouclier tarifaire »
visant à atténuer l’augmentation attendue
des prix des billets en ciblant les voyageurs les plus dépendants des transports urbains
au quotidien et/ou les plus modestes ;
la mise en œuvre
de forfaits multimodaux
, inspirés du modèle Allemand (
cf
. encadré
7) qui présentent l
’avantage d’encourager le recours aux solutions multimodales de
transports collectifs (transport public et ferroviaire), tout en ayant un effet certain sur le
niveau des prix. Une condition de revenus pourrait lui être appliquée.
En revanche, ce type de mesures n’apporte aucune réponse aux enjeux de développement de
l’offre ferroviaire, voire peut induire des risques de saturation de l’offre et de dégradation de
sa qualité.
Encadré 7 : Cas pratique en Allemagne
En Allemagne, la mesure de baisse de
TVA n’a pas été vue comme suffisante pour accroître la
fréquentation des transports publics, conduisant à mettre en œuvre
:
•
d’abord, l’expérimentation du
«
9-Euro Ticket
» pour l’ensemble des transports publics (y compris
ferroviaires, donc) d’un même
Land
sur les mois de juin, juillet et août 2022 ;
•
puis, la mise en place
pérenne d’
un ticket du même type, mais national, à 49 euros, à partir
du 1
er
janvier 2023 (le
Deutschlandticket
).
80,00 €
85,00 €
90,00 €
95,00 €
100,00 €
105,00 €
110,00 €
115,00 €
120,00 €
2019-01
2019-03
2019-05
2019-07
2019-09
2019-11
2020-01
2020-03
2020-05
2020-07
2020-09
2020-11
2021-01
2021-03
2021-05
2021-07
2021-09
2021-11
2022-01
2022-03
2022-05
2022-07
2022-09
- 53 -
Constat 17 : Face à la hausse anticipée des prix des billets de train, des outils ciblés (de
type forfait multimodal ou « bouclier tarifaire
») mériteraient d’être étudiés
, plutôt
qu’une baisse de la TVA qui ne permet pas de
soutenir davantage les ménages les plus
affectés.
2.3.1.4.
L’incitation au report modal vers le train ne dépend pas uniquement de
l’attractivité du prix des billets, mais aussi d’autres facteurs comme la qualité des
infrastructures
En dépit du coût marginal moindre du transport ferroviaire, la part modale de
l’automobile
demeure majoritaire pour les trajets journaliers ou de moins de 500 kms.
D’après l’enquête sur la mobilité des personnes 2018
-2019 (SDES), la voiture reste en
moyenne le mode de transport privilégié pour les déplacements locaux
143
(62,8 % de voyages)
et longue distance
144
(68,3 %).
S’agissant des
trajets supérieurs à 100 kms en 2019
(
cf
. graphique 20) :
la part modale de l’automobile empruntant une autoroute concédée est largement
supérieure à celle des transports collectifs sur les trajets directs de 100 à 300 kms et
représente près de l
a moitié des voyageurs.km jusqu’à 500 km
s ;
sur les trajets directs compris entre 300 et 700 kms, le TGV devient le mode de transport
principal, tandis que la part de la fréquentation des services de trains intercités est très
marginale quelle que soit la distance
145
;
la part modale de l’avion devient notable dès 500 km
s et prépondérante au-delà
de 700 kms.
Graphique 20 : Parts modales (en % des voyageurs.km) selon la distance (en km)
Source : ART, état des lieux des mobilités à longue distance et quotidiennes avant la covid-19, décembre 2021.
143
Moins de 80 km à vol d’oiseau
.
144
Plus de 80 km à vol d’oiseau.
145
Les projets d’ouverture de lignes ferroviaires sur voies classiques par l’opérateur Railcoop, par la
SNCF (OSLO ou « Ouigo roses ») ou la réouverture de lignes de trains de nuit par le service de trains
intercités pourrait conduire à une augmentation de cette part modale.
- 54 -
Pourtant,
le coût marginal de déplacement en euros par voyageur pour 100 kms est en
moyenne moins élevé pour le train (TGV, intercités et TER) que pour les trajets en
voiture empruntant l’autoroute et l’avion
hors compagnies à bas coût (
low cost)
146
(
cf
. graphique 21).
Graphique 21 : Prix (toutes taxes comprises) ou coût marginal moyen de déplacement en euros
par voyageur pour 100 kms selon le mode de transport utilisé
Source
: ART, d’après les données des opérateurs de transports collectifs et des sociétés concessionnaires d’autoroute.
Note de lecture 1
:
le mode « Autoroute » désigne le véhicule particulier sur autoroute concédée.
Le mode Car SLO
désigne les autocars.
Note de lecture 2
:
« Ab » : prix moyen des abonnés ; « NAb » : prix moyen des occasionnels (non-abonnés)
.
En outre, les évolutions en cours de discussion à l’échelle de l’Union européenne
devraient accentuer l’avantage prix relatif du transport ferroviaire
:
s’agissant des transports aériens, sont
en discussion la mise en œuvre d’une obligation
d’incorporation de biocarburant pour l’aviation
dans le cadre du règlement
Refuel EU
Aviation
, la taxation des carburants fossiles dont le kérosène dans les transports aériens
européens (mettant fin à l’exemption qui prévalait jusqu’alors) ou encore
la réforme en
cours de discussion du système européen d’échange de quotas d’émissions
;
s’agissant des transports routiers,
la proposition de création d’un marché carbone
européen sur les secteurs du transport routier et du bâtiment (ETS BRT) renchérirait le
prix carbone.
Ainsi, les choix de report modal ne s’opèrent pas uniquement sur les prix relatifs des
différents modes de transport, déjà favorables pour les services ferroviaires.
Le maillage
territorial, la qualité de l’offre et la durée des trajets occupent aussi un poids important dans le
choix des usagers. À cet égard, l’incitation au report modal vers le train suppose d
e développer
un réseau, national et transeuropéen,
d’infrastructures ferroviaires
offrant une bonne qualité
de service et un maillage territorial adapté.
Constat 18 : ,L
es choix de report modal ne s’opèrent pas uniquement sur les prix relatifs
des différents modes de transport, déjà favorables pour les services ferroviaires.
L
’incitation au report modal vers le train suppose de développer un réseau
d’infrastructures ferroviaires, national et transeuropéen, offrant une bonne qualité de
service et un maillage territorial adapté.
146
Ces moyennes agrègent toutefois des situations individuelles disparates, en particulier pour les
trajets routiers dont le coût diffère selon le type de véhicule et le nombre d’usagers.
- 55 -
2.3.2.
Le soutien aux services de réparation et de réemploi, ainsi qu’à l’écoconception
des produits, suppose de tenir compte des spécificités de chaque filière, ce que
ne permet pas une baisse de la TVA
La révision de la directive TVA a éte
ndu le champ d’application des taux réduits aux activités
de réparation d’équipements ménagers. Dans ce cadre, les rapporteurs proposent d’analyser
la pertinence de recourir à l’outil TVA en soutien au secteur de la réparation et du réemploi.
Autre composa
nte de l’économie circulaire, le recyclage n’est pas inclus dans l’analyse dès lors
qu’il relève d’une politique de soutien particulière dont le champ excède celui du présent
rapport.
Certains États membres appliquent déjà un taux réduit à certains services de réparation
: c’est
par exemple le cas de la Suède qui a mis en place, depuis le 1
er
juillet 2022, un taux réduit
de 6 % sur les services de réparation (sur le périmètre des vélos, chaussures et autres articles
en cuir, et linge de maison)
147
.
2.3.2.1.
L’allongement de la durée de vie des produits est à l’origine d’externalités
positives sur l’environnement et de bénéfic
es financiers pour les ménages, sans
qu’il soit toutefois possible d’
en évaluer
l’i
mpact macro-économique
L’économie circulaire consiste
à produire des biens et des services de manière durable en
limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets. L’Ademe
identifie trois piliers de l’économie circulaire, à savoir les acteurs économiques, le
comportement des consommateurs et la gestion des déchets (
cf
. encadré 8).
Encadré 8
: Les trois piliers de l’économie circulaire
Les acteurs économiques et l’offre.
De multiples acteurs économiques participent au réemploi, à la réparation ou à la réutilisation :
•
les fabricants sont des acteurs-clés de la conception des produits (produits modulables et
réparables, réutilisation de p
ièces d’occasion dans la fabrication de produits neufs, etc.)
;
•
les distributeurs ont un rôle à jouer afin de favoriser la mise sur le marché de produits réparables
ou de produits d’occasion, et participent au
développement de la réparation;
•
les acteurs de
la réparation, du réemploi et de la réutilisation développent directement l’offre.
La demande et le comportement des consommateurs.
Par leurs comportements « responsables » lors de l’achat, de la vente et du don d’objets d’occasion, ou
du recours à la réparation, les consommateurs alimentent la demande pour ce type de produits et de
services. En allongeant la durée de vie des biens de consommation, ils sont à
l’origine d’externalités
positives en limitant les impacts environnementaux du produit (limitation des matières premières
nécessaires à la fabrication de nouveaux produits, de la production de déchets et des émissions de gaz à
effet de serre).
La gestion des déchets.
Lors de la collecte et du tri des déchets, certains objets peuvent être identifiés pour être réutilisés grâce
à un contrôle de leur fonctionnement et des possibilités de réparation.
Source : Ademe, réemploi, réparation et réutilisation.
147
Ces services de réparation étaient soumis, depuis 2017, à un taux réduit plus élevé de 12 %. Pour
rappel la Suède a quatre taux de TVA : un taux normal de 25 %, un taux réduit de 12 %, un taux réduit
de 6 % et un taux de 0 %.
- 56 -
Plusieurs types d’activités entrent ainsi dans le champ de l’économie circulaire, en tant qu’elles
participent
à l’allongement de la durée de vie des produits et
à la réduction des consommations
de ressources.
C’est le cas du réemploi, de la réparation et de la réutilisation, qui
contribuent au prolongement de la durée de vie des produits selon des modalités et
finalités différentes
(
cf
. encadré 9).
Encadré 9
: Quelques définitions du champ de l’économie circulaire
L’article
L. 541-1-
1 du code de l’environnement distingue les opérations de réemploi et de
réutilisation :
•
le réemploi désigne «
toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont
pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été
conçus
». Un produit est ainsi donné ou vendu par son propriétaire initial à un tiers qui,
a priori
, lui
donnera une seconde vie. Contrairement à la réutilisation, le produit garde son statut de produit et
ne devient à aucun moment un déchet. Le réemploi constitue en cela une composante des politiques
visant à réduire les déchets ;
•
la réutilisation désigne «
toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont
devenus des déchets sont utilisés de nouveau
». Elle permet dès lors le second usage d’un bien déjà au
stade du déchet. Ce bien peut alors bénéficier à un détenteur qui lui donnera une seconde vie ;
Dans ce même article du code de l’environnement,
la réparation est mentionnée comme une étape de la
préparation à la réutilisation d’un bien. Le terme réparation est en ce
la à distinguer de la réparation
courante pour laquelle le propriétaire ne se défait pas de son bi
en, et en conserve l’usage.
Source : Article L. 541-1-1 du c
ode de l’environnement
; mission.
Toutes les activités contribuant à allonger la durée de vie des produits du foyer
–
dont
les activités de réemploi et de réparation
mais aussi les pratiques d’
écoconception
148
–
ont des effets positifs sur l’environnement et sur le pouvoir d’achat.
Une étude de l’Ademe
publiée en avril 2020
149
et portant sur 11 équipements et biens de
consommation courants (téléviseur, ordinateur portable, smartphone, four électrique, lave-
vaisselle,
etc
.)
montre qu’il est toujours économiquement favorable pour le consommateur
:
de
ne pas remplacer un équipement pour des raisons d’obsolesce
nce perçue
150
, c’est
-à-
dire une volonté de changer par l’utilisateur alors que l’
équipement fonctionne toujours.
Par exemple, cela permet une économie de 112
€/an pour un ordinateur portable,
96
€/an pour un smartphone 5,5’’ et 169
€/an pour un robot
tondeuse ;
d’allonger la durée d’usage après une panne, à l’exc
eption de quelques équipements
151
.
Par exemple, réparer une tondeuse thermique qui tombe en panne au bouts de 5 ans
(soit à « demi-vie ») permet une économie de 86
€/an, soit une économie totale
de 430
€
pendant sa durée d’allongement (5
ans). L’avantage ou le désavantage économique lié au
remplacement d’un équipement suite à une panne dépend principalement du coût de
réparation et de l’allongement de
sa
durée d’usage.
En outre, le bénéfice environnemental de la réparation varie en fonction du type de produit, de
son utilisation et des avancées technologiques. Dans certains cas, le remplacement d’un produit
peut être préférable d’un point de vue environnemental, par exemple lorsqu’un produit
neuf a
une meilleure efficacité énergétique en raison de sauts technologiques.
148
C'est-à-
dire l’intégration des cara
ctéristiques environnementales dans la conception du produit en
vue d’améliorer la performance environnementale du produit tout au long de son cycle de vie.
149
Ademe. F. Michel, J. R. Dulbecco et J. Lhotellier, RDC Environment. (2020), « Evaluation
environn
ementale et économique de l’allongement de la durée d’usage de produits de consommation ou
biens d’équipements à l’échelle d’un foyer français
»..
150
L’économie estimée tient compte également des consommations d’eau et d’énergie de ces
équipements.
151
Par exemple, un sèche-linge à évacuation ou une télévision 30-40 pouces.
- 57 -
Il ressort de cette étude
de l’Ademe
que, sur une période de dix ans, en allongeant
systématiquement les durées d’usage des
11 équipements électriques et électroménagers
étudiés
152
, un foyer pourrait économiser entre 962
€ et
1 995
€, tout évitant un volume de
GES
entre 219 et 528
Kg d’équivalent
CO
2
153
(
cf
. tableau 8 et graphique 22).
En revanche, il n’existe pas d’études comparables sur les
gains liés au réemploi.
Tableau 8 : Gains par foyer et évitement des émissions de gaz à effet de serre (GES) de
rallongement de durées de 1, 2 et 3 ans sur des biens multimédia et électroménagers
Types de biens
Economie par
foyer
(en €)
Evitement des émissions de GES par
foyer (en Kg de CO2-eq)
Allongement de 1 an
963 €
219 Kg
Multimédia
–
Equipements du salon
779 €
155 Kg
Electroménager
–
Equipements de la
cuisine et du cellier
184 €
64 Kg
Allongement de 2 ans
1 549 €
391 Kg
Multimédia
–
Equipements du salon
1 271 €
271 Kg
Electroménager
–
Equipements de la
cuisine et du cellier
278 €
120 Kg
Allongement de 3 ans
1 995 €
528 Kg
Multimédia
–
Equipements du salon
1 637 €
362 Kg
Electroménager
–
Equipements de la
cuisine et du cellier
358 €
166 Kg
Source : Ademe, 2020, «
Evaluation environnementale et économique de l’allongement de la durée d’usage de produits
de consommation ou biens d’équipements à l’échelle d’un foyer français
».
Note de lecture : 4 équipements multimédia (téléviseur, ordinateur portable, smartphone, imprimante) et
7 équipements électroménagers (lave-linge, réfrigérateur, lave-vaisselle, sèche-linge, four, aspirateur, micro-ondes).
Graphique 22 : Coûts pris en compte d
ans l’évaluation environnementale en fonction des
situations
Source : Ademe, 2020, «
Evaluation environnementale et économique de l’allongement de la durée d’usage de produits
de consommation ou biens d’équipements à l’échelle d’un foyer français
».
152
À savoir 4 équipements multimédia (téléviseur, ordinateur portable, smartphone, imprimante) et 7
équipements électroménagers (lave-linge, réfrigérateur, lave-vaisselle, sèche-linge, four, aspirateur,
micro-ondes).
153
Les estimations reposent sur une méthodologie comprenant les limites suivantes : les résultats par
foyer reposent sur des nombres moyens des équipements par foyer et ne prennent donc pas en compte
la variabilité des types de foyers
; l’atteinte de la durée d’usage totale des équipements d’un foyer
n’arrive pas au même temps pour tous les équipements
; l’allongement de la durée d’usage totale n’est
pas toujours la même pour tous les équipements.
- 58 -
Parallèlement à la réparation et a
u réemploi, l’écoconception mérite d’
être encouragée
pour éviter les effets d’aubaine liés aux incitations à la réparation fréquente de produits
mal conçus.
Les produits durables et réparables
–
qui sont deux notions distinctes
–
présentent
un intérêt tant pour l’environnement que pour le consommateur. Il s’agit
de ce fait de
promouvoir les pratiques d’écoconception des fabricants, en luttant contre les pratiques
d’obsolescence programmée par une augmentation de la qualité des p
roduits et du service
offert.
Tel que prévu par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (dite loi « Agec »), l'indice
de réparabilité a été déployé au 1
er
janvier 2021 sur cinq catégories de produits (smartphones,
ordinateurs portables, téléviseurs, tondeuses à gazon, lave-linge hublot). Cet outil vise une
meilleure information du consommateur sur le caractère plus ou moins réparable de ses
achats. À partir de novembre 2022, quatre nouvelles catégories de produits sont concernées
(lave-linge top, lave-vaisselle, aspirateurs, nettoyeurs haute-pression).
Enfin, il est difficile d’anticiper l’impact macro
-
économique de l’allongement de la durée
de vie des produits de consommation.
À cet égard, les transferts de valeur des industries
manufacturières (électroménager, textile,
etc
.), vers les acteurs du réemploi et de la réparation
auront des effets nets sur l’emploi qui sont à ce stade difficiles à évaluer. En tout état de cause,
la localisation des emplois créés ainsi que les qualifications requises seront différentes. De
manière plus générale, et comme développé par la récente
note d’analyse de France stratégie
n° 114 de novembre 2022
154
, l’impact de la transition environnementale sur l’emploi et la
productivité seront fonction de la qualité du processus de réallocation des facteurs de
production entre métiers, entreprises et régions.
2.3.2.2.
Il existe des freins pluriels, non exclusivement financiers, au développement des
activités de réparation et de réemploi
En dépit des bénéfices
sur le pouvoir d’achat et sur l’environnement, la demande pour
les services de réparation et de réemploi demeure freinée par plusieurs obstacles
persistants, qui ne sont pas uniquement de nature financière et diffèrent selon les
secteurs concernés.
S’agissant en particulier des services de réparation,
en 2017, seul un quart des consommateurs
ayant connu une panne sur un appareil électroménager le réparent, tandis que 45
% d’entre
eux le remplacent
155
. U
ne étude de l’Ademe
156
permet
d’identifi
er plusieurs types de freins
perçus par les consommateurs en 2019 :
le principal frein (cité par 68 % des français interrogés) est le coût de la réparation,
d’autant que le
s prix des appareils ne cessent de diminuer et que les consommateurs
tendent à surestimer le prix des réparations.
Une étude sectorielle de l’Ademe de 2012
157
montrait déjà
que le rachat d’un appareil
électroménager neuf était souvent privilégié
par commodité, le consommateur considérant que la réparation ne doit pas coûter plus
de 30 à 40 % du prix neuf ;
les délais trop longs de la r
éparation, qui s’
accompagnent
d’une perte d’usage en
l’absence de prêt d’un produit équiv
alent à celui mis en réparation ;
154
Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz (2022), «
L’action climatique : un enjeu macroéconomique
», Note
d’analyse de France Stratégie N°114.
155
Étude d’impact du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite «
loi AGEC »).
156
Ademe, Harris Interactive (2020), « Les Français et la réparation : Perceptions et pratiques
–
Edition
2019 ».
157
Ademe et Gifam (2012), « La perception du SAV par le consommateur dans le domaine du gros
électroménager ».
- 59 -
le manque d’information
sur la réparation et le manque de visibilité des réparateurs
professionnels ;
le phénomène d
’obsolescence culturelle
, qui pousse les consommateurs à vouloir
pos
séder le modèle le plus récent, même lorsqu’un produit demeure fonctionnel
.
L’importance de ces différents
freins varie selon les filières manufacturières concernées. Par
exemple, la faiblesse des prix des produits neufs
est le principal frein à l’attractivité des
services de réparation de textiles, alors que
c’est
le coût des services de réparation pour la
filière de l’électroménager.
En outre, les acteurs de la réparation et du réemploi ne sont pas confrontés aux mêmes
enjeux
de développement de l’offre
.
Les secteurs de la réparation et du réemploi ne sont en effet ni composés des mêmes acteurs,
ni
d’acteurs
au même stade de maturité :
le secteur de la réparation, historiquement très fragmenté (réparateurs indépendants,
cordonniers,
etc
.)
tend
à
évoluer
à
la
faveur
de
l’émergence des
services
après-vente (SAV) des distributeurs, en particulier
dans le champ de l’électroménager.
Les petites et très petites entreprises du secteur de la réparation connaissent par
là-même des difficultés. En 2017, la réparation des équipements électriques et
électroniques représentait 27 000 entreprises, 33 900 emplois totaux (dont 62% de
salariés) et un chif
fre d’affaires de 5,8 milliards d’euros
158
. Ce chiffre est en baisse sur les
six dernières années ;
le secteur du réemploi se caractérise encore par une fragmentation importante, avec des
structures de nature très diverse appartenant à la fois à la sphère d
e l’économie sociale
et solidaire (coopératives, associations,
etc
.) et au secteur privé traditionnel (filiale de
d’entreprises françaises, mais également étrangères).
Face à ce constat, la levée des freins au recours aux services de réparation et de réemploi
suppose de mobiliser des leviers adaptés aux spécificités de chaque filière (textiles,
électroménager, etc.).
2.3.2.3.
Une approche sectorielle et de proximité, reposant sur des éco-organismes, a été
préférée aux incitations fiscales
2.3.2.3.1.
Une baisse de la TVA
n’est
pas adaptée pour surmonter les freins au développement de
la réparation et du réemploi
Bien que certains arguments puissent justifier une baisse de TVA pour inciter les
consommateurs à recourir au réemploi et à la réparation, cette mesure
n’apparaît
pas
la mieux adaptée pour surmonter les freins au développement de ces activités.
Un argument économique justifierait le recours à un taux réduit de TVA pour soutenir le
réemploi ou à la réparation. Pour autant, une baisse de TVA ne paraît ni suffisante ni adaptée
pour les raisons suivantes :
d’abord,
la TVA ne constitue pas une réponse aux freins non-financiers (appropriation,
habitudes, professionnalisation,
etc
.) qui continuent de pénaliser la demande pour le
réemploi et la réparation ;
158
Étude d’impact du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite «
loi AGEC »).
- 60 -
ensuite, l’ato
misation des acteurs de la réparation et du réemploi suggère un besoin
d’accompagnement
à la structuration des deux secteurs
, que ne permet qu’indirectement
la TVA (
via
une éventuelle consolidation des marges des acteurs). En outre, les enjeux
propres aux différentes filières (électroménager, électronique, textile,
etc
.) plaident
plutôt pour une approche sectorielle et de proximité ;
enfin, le degré de transmission
au prix d’une baisse de la TVA est incertain, compte tenu
de la fragmentation des marchés de la réparation et du réemploi.
De même que les marchés carbone, les accises appliquées en amont du circuit économique
n’incitent pas, en aval et après une première consommation, au réemploi, à la réutilisation ou
à la réparation des biens. Toutefois, ces outils contribuent à renchérir le prix relatif des biens
neufs, et à rendre de manière incidente plus attractif le prix des biens réparés et/ou issus du
réemploi.
En tout état de cause, à cadre juridique constant, un taux réduit de TVA ne pourrait être
appliqué
qu’à une liste restrictive de
services de réparation.
La directive TVA offre aux États membres des marges de manœuvre contraintes pour appliquer
un taux réduit à ce type de services. La directive du 5 avril 2022 a, en effet, étendu la possibilité
d’a
ppliquer un taux réduit
aux services de réparation d’appareils ménagers, en plus des
chaussures et articles en cuir, vêtements et linge de maison (item 19 de la directive), et des
services la réparation de vélos (item 25).
Ne sont par ailleurs éligibles au taux réduit que les services de réparation, et non la vente de
pièces détachées sauf lorsque celles-ci sont fournies de manière annexe ou accessoire
159
.
Le cadre juridique ne permet
en outre pas d’appliquer un taux réduit à l’ensemble des
biens issus du réemploi.
En effet, l’application d’un taux réduit à un bien issu du réemploi n’est possible que pour les
catégories de biens éligibles, telles qu
’énumérées
à l’annexe
III de la directive (
cf
. annexe II du
présent rapport particulier). Or, la liste des catégories pertinentes pour le réemploi et la
seconde main apparaît limitée
160
.
Dès lors, toute volonté d’extension des marges d’usage de
la TVA en au réemploi et non uniquement aux services de réparation, supposerait une révision
de la directive. Les options de révision sont examinées en détail par le rapport
particulier n° 1
161
.
2.3.2.3.2.
Plutôt qu’un usage de la TV
A,
des mesures ciblées mises en œuvre par
les éco-
organismes ont été privilégiées pour cibler davantage les enjeux de chaque secteur
Plutôt que la modulation du taux de TVA, le recours à des mesures non-
fiscales mises en œuvre
par des éco-organismes certifiés
a jusqu’
à présent
été privilégié, dans le but d’agir de manière
ciblée sur l’offre et la demande
, tout en tenant compte des spécificités des différentes filières
(textiles, électroménagers,
etc
–
cf
. encadré 10).
159
Le système commun de TVA prévoit également une solution pragmatique lorsqu’un bien ou un
service n’est fourni que de façon
annexe ou accessoire à une prestation principale. Dans ce cas, le régime
de la prestation accessoire doit suivre celui de la prestation principale. Le rapport particulier n°1 revient
en détails sur le régime applicable aux activités accessoires.
160
Les rapporteurs ont identifié certaines catégories pertinentes énumérées
à l’annexe II
, à savoir les
équipements médicaux ou à destination des handicapés, les livres, les vêtements et chaussures pour
enfants ou encore les bicyclettes.
161
CPO (2022) « Cadre juridique de la taxe sur la valeur ajoutée », rapport particulier de François-René
Burnod.
- 61 -
Encadré 10 : Le fonctionnement des filières de responsabilité élargie du producteur (REP)
Les acteurs économiques sont responsables des produits qu’ils mettent sur le marché, de leur
conception jusqu’à leur fin de vie. En France, le principe de la REP est apparu dan
s la loi depuis 1975,
avant de prendre son essor avec le décret du 1
er
avril 1992 relatif aux emballages ménagers. Le principe
a ensuite été étendu à de nombreuses filières de produits telles que les piles et accumulateurs, les
papiers, ou encore les équipements électriques et électroniques. A
fin de s’acquitter de leurs obligations,
les producteurs ont le choix :
•
de mettre en place des structures collectives à but non lucratif, appelées des éco-organismes, qui
endossent la responsabilité de ses producteurs adhérents. Pour chaque produit mis sur le marché,
le producteur verse une écocontribution à l’éco
-organisme auquel il adhère. Son montant est
directement lié au type de produit mis sur le marché et au coût de gestion du déchet en fin de vie.
Les écocontri
butions permettent ainsi de financer l’ensemble des obligations des producteurs
(prévention, réemploi, collecte, tri, recyclage des déchets, sensibilisation,
etc
.) ;
•
ou de constituer leur propre système individuel de collecte et de traitement, en assurant une reprise
sans frais,
sur l’ensemble
du territoire national, de tous les produits
qu’il a fabriqués et qui sont
devenus des déchets.
Afin d’être agréés par les pouvoirs publics, le
s futurs éco-organismes et systèmes individuels doivent se
conformer
au cahier des charges d’agrément de la filière qui les concerne. Celui
-ci comprend
généralement des objectifs d’écoconception, de collecte, de recyclage, et lorsque c’est
pertinent, de
réemploi et de
réparation. L’agrément est ensuite délivré par les pouvoirs publics pour une durée
maximum de six ans. Un producteur ne respectant pas ses obligations réglementaires est soumis aux
sanctions prévues à l’article
L. 541-9-5 du co
de de l’environnement.
Source : Ademe.
Deux innovations récentes issues de la loi AGEC semblent présenter des avantages par
rapport à l’usage de la TVA
en intervenant de manière ciblée sur la demande et sur
l’offre.
La loi relative à la lutte contre le gaspillage e
t à l’économie circulaire (dite
« loi AGEC »)
162
a
réformé le système d’organisation des filières REP
163
dans un objectif de (i) réduction du coût
pour le consommateur (volet demande) et de (ii) renforcement des incitations à la production
de produits vertueux
pour l’environnement
(volet offre). Ces mesures sont en cours de mise en
œuvre.
D’abord,
en soutien de la demande,
la mise en œuvre de
« fonds réparation » vise à
abaisser le coût pour le consommateur qui a
recours aux services d’
un réparateur
labellisé,
via
un « bonus réparation
» d’un montant au moins égal à
10 % du coût de la
réparation.
Par exemple, pour la filière des équipements électriques et électroniques (EEE),
le montant du bonus équivaut en moyenne à 20 % du coût moyen des produits.
Ce bonus présente des effets similaires à une baisse de la TVA
en tant qu’il vise à inciter à la
consommation par une baisse des prix, sans qu’il
existe dans les deux cas de certitude sur sa
transmission dans les prix. C
ette mesure est toutefois plus ciblée qu’une
baisse de TVA, dès lors
qu’elle s’applique uniquement aux réparations hors garantie commerciale réalisée
s par des
réparateurs labélisés
164
(
cf.
tableau 9).
162
Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
163
L’article L. 541
-
10 du code de l’environnement a ainsi été modifié, imposant désormais aux filières
REP d’intervenir sur l’ensemble du cycle de vie des produits, notamment en favorisant l’écoconception
et l’allongement de la durée de vie de ces produits, ainsi qu’en soutenant la réparation et le réemploi.
164
Dans les conditions fixées à l’article
R 541-
150 du code de l’environnement.
- 62 -
Ensuite, le régime de sanction des éco-
organismes est renforcé avec l’instauration d’un
système de primes et de pénalités à partir de
2023 afin d’encourager l’offre de produits
éco-conçus.
Cette évolution est assimilable à un bonus-malus appliqué selon des critères de
durabilité et de réparabilité des produits. Des pénalités pourront ainsi
s’ajouter à l’éco
-
contribution versée par les producteurs, par exemple en cas de présence de perturbateurs du
recyclage ou de produits à usage unique. Inversement, des primes
d’un montant susceptible
d’
excéder celui de
l’éco
-contribution pourront être versées.
Enfin, la création d’un fond de
réemploi
vise à soutenir les acteurs de l’économie sociale
et solidaire qui agissent dans le domaine du réemploi,
à savoir les recycleries, les
ressourceries et autres structures de l'économie solidaire. Les filières créant des produits
électriques et électroniques, des meubles, des textiles ou des articles de sport, de bricolage et
de jardinage contribueront ainsi à ces fonds de réemploi à hauteur de 5 % de leur contribution
à la filière REP.
Tableau 9 : Comparaison entre le fonds de réparation et une mesure de baisse de TVA
Levier
Mesure
Ciblage
Modalité de gestion et
de financement
Fonds
réparation
•
m
ise en place d’un «
bonus
réparation
» ne pouvant être
inférieur à 10 % des coûts
estimés de la réparation des
produits ;
•
incertitude sur le degré de
transmission dans les prix.
•
services offerts par les
réparateurs
labélisés,
en
dehors
des
réparations
sous
garantie commerciale.
•
a
u niveau de l’éco
-
organisme
auquel
les producteurs de
la filière concernée
adhèrent.
TVA
•
application du taux réduit de
TVA
(5,5 %)
ou
du
taux
intermédiaire (10 %) sur les
services
de
réparation
éligibles
(réparation
d’appareils
ménagers,
de
chaussures et articles en cuir,
de
vêtements
et
linge
de
maison, de vélos ;
•
incertitude sur le degré de
transmission dans les prix.
•
tous
services
de
réparation
(sous
et
hors garantie) éligibles
au taux réduit, au sens
de l’annexe
III
de
la
directive TVA
•
au niveau national.
Source : Rapporteurs.
Un bilan
d’étape
de ces récentes mesures législatives
, dont la mise en œuvre est encore
en cours,
apparaît nécessaire avant d’envisag
er de nouvelles incitations.
Trois points
d’attention
importants ont été identifiés par les rapporteurs en ce qui concerne la mise en
œuvre des mesures issues de la loi AGEC
:
le contenu des cahiers des charges du processus de labélisation, qui conditionne
l’éligibilité
au « bonus réparation ». Si elle est trop contraignante (en termes de coûts
notamment), la labélisation pourrait exclure certains acteurs de la réparation, en
particulier les structures de petite taille et les autoentrepreneurs ;
l’effet du système de primes et pénalités sur l’offre éco
-conçue. La nature des critères de
modulation ainsi que les montants des primes et pénalités devront être suffisants et
adaptés aux besoins des différentes filières ;
la pertinence du périmètre du fonds de réemploi,
pour l’heure
cantonné aux structures
de l’économie sociale et solidaire
, ainsi que le
type d’actions financées par celui
-ci.
- 63 -
2.4.
Complexe,
la
modulation
de
la
TVA
en
fonction
de
scores
environnementaux ou nutritionnels n’apparaît
pas comme un outil opérant
pour inciter à des comportements vertueux
2.4.1.
L’hétérogénéité de l’impact environnemental ou nutritionnel des biens, y
compris d’usage similaire, implique de mettre en œuvre des
incitations ciblées
L'intensité carbone des biens consommés par les ménages est très hétérogène, y
compris au sein d’une même catégorie de produits.
L’analyse de l’alimentation –à l’origine
de 28 % des émissions de GES
165
–
permet de mettre en
avant cette hétérogénéité entre produits en apparences similaires. Une étude micro-
économique réalisée en 2022
166
, fondée
sur les scores d’analyse en cycle de vie (ACV)
167
,
montre à cet égard une forte dispersion de l’intensité carbone de produits appartenant à une
même catégorie (deux tablettes de chocolat, par exemple).
Ainsi, la réd
uction de l’empreinte environnementale du secteur alimentaire pourrait passer
par une modification des choix de consommation, sans modifier en profondeur la structure du
panier moyen de consommation
168
. Les élasticités de substitution sont en effet plus élevées
entre des produits d’une même sous
-catégorie (par exemple, entre deux paquets de céréales),
qu'entre des biens aux caractéristiques éloignées. D’après les travaux de modélisation, des
ajustements intra-catégories, sans renoncer entièrement à une catégorie de produits,
pourraient conduire à une réduction de 20 à 30 % des impacts en matière de gaz à effet de
serre
169
.
165
L'alimentation est le premier secteur responsable du changement climatique. Au niveau mondial, elle
représente 28 % des émissions de gaz à effet de serre (Institute for Climate Economics, 2019).
166
Nicolas Chanut, Essays in Public and Environmental Economics, juin 2022 (The London School of
Economics and Political Science).
Cette étude s’appuie sur une base de données large com
posée de
1,4 millions de code produit, réunis en 843 produits eux-mêmes rassemblés en 299 groupes de produits
puis 27 départements de produits.
167
Le score d'analyse du cycle de vie (ACV) est calculé à partir des données du programme AGRIBALYSE,
la base de données environnementales de référence sur des produits agricoles et alimentaires. Les ACV
Agribalyse prennent en compte toutes les étapes de l'analyse du cycle de vie (amont agricole,
transformation, transport, emballages, utilisation, fin de vie) pour les principales catégories de produits
alimentaires.
168
Les biens alimentaires à forte intensité carbone sont davantage consommés en moyenne par les
ménages en
France (Perignon, et all 2017). Ce biais est observable tant à l’échelle agrégée (i.e.
composition
du panier moyen de biens alimentaires) qu’au sein de sous
-catégories fines de biens
alimentaires (i.e. par exemple, les choix de consommation de fruits et légumes).
169
Perignon M., Vieux F., Soler L.G., Masset G., Darmon N. (2017), « Improving diet sustainability through
evolution of food choices: review of epidemiological studies on the environmental impact of diets »
(Améliorer la durabilité des régimes alimentaires par l'évolution des choix alimentaires : examen des
études épidémiologiques sur l'impact environnemental des régimes alimentaires), Nutrition Reviews,
Volume
75, Issue 1 , Pages 2‐7.
- 64 -
L
’empreinte environnementale des biens et services ménagers diffère entre produits
standards et éco-conçus
. Les stratégies d’écoconception
consistent notamment dans
l’allégement des produits, l’utilisation de mat
ériaux recyclés
, l’amélioration de la
capacité à
démonter le produit en fin de vie pour faciliter le recyclage des composants ou encore
l’allongement de la durée de vie potentielle pa
r une meilleure réparabilité. Par exemple,
d’après une méthode d’évaluation d’impact du cycle de vie
170
, la réduction de la quantité d’acier
utilisée pour la production d’un bureau permet de réduire les impacts environnementaux de 5
à 30 % selon les dimensions environnementales étudiées (
cf
. graphique 23).
Graphique 23 : Différent
iel d’impact environnemental entre un
bureau standard et éco-conçu
Source : Yves Gérand, Stéphane Le Pochat, Anaëlle Dubosc. 2018.
D’après cette même analyse, les gains
environnementaux
liés à l’usage d’aluminium recyclé
dans une poêle sont de l’ordre de 10 à 20 %, tandis que la différence entre l’offre standard et
l’offre éco
-
conçue de services de nettoyage est de l’ordre de 0 % à 25 % selon les dimensions
environnementales.
En découle un enseignement central pour le calibrage
d’incitation
s pigouviennes : un
ciblage reposant sur une mesure
de l’impact environnemental au niveau le plus fin est
nettement plus efficace qu’un raisonnement par grande catégorie de produits.
170
Yves Gérand, Stéphane Le Pochat, Anaëlle Dubosc. 2018. Modélisation des externalités
environnementales pour une TVA circulaire (MODEXT)
–
Rapport. 97 p. Cf. travaux détaillant la méthode
d’évaluation d’impacts du cycle de vie développée dans le cadre de ces travaux.
- 65 -
Le même constat s’applique aux enjeux de protection de la santé publique. Une taxe
nutritionnelle insuffisamment ciblée peut entraîner des effets de substitution entre catégories
de produits susceptibles de dégrader certains indicateurs de santé (Eyles et al, 2O12
171
). Une
étude de 2010 sur des
données françaises montre à cet égard qu’une taxe ciblant
indistinctement tous les prod
uits à l’intérieur de grandes catégories d’aliments aurait une
efficacité limitée, et des effets potentiellement adverses, comme une baisse des apports en
nutriments essentiels en raison des
substitutions entre catégories d’aliments (llais et al,
2010
172
). U
ne taxe ciblant précisément certaines variétés de produits à l’intérieur de chaque
catégorie est ainsi plus efficace, d’autant que les aliments ciblés ont des substituts proches de
meilleure qualité nutritionnelle.
Constat 19 : Des produits appartenant à une même catégorie, par exemple deux
tablettes de chocolat, peuvent avoir des caractéristiques environnementales et
nutritionnelles très différentes, ce qui justifie des mesures fiscales aussi ciblées que
possible.
2.4.2.
Or, la modulation des taux de TVA appliqués à des biens et services selon leur
impact environnemental et/ou nutritionnel se heurte à de fortes contraintes
pratiques et juridiques
2.4.2.1.
Le principe de neutralité fiscale limite la possibilité de discriminer les taux
applicables aux produits et services appartenant à une même catégorie
S’agissant de l’application de taux réduits de TVA, il appartient aux États membres, sous
réserve de respecter le principe de neutralité fiscale, d’appliquer ou non des taux réduits aux
biens et prestations de services relevant des catégories éligibles
au sens de l’annexe
III de la
directive TVA
173
.
Le principe de neutralité fiscale s’oppose à ce que des biens ou des prestations
de services semblables, qui se trouvent en concurrence les uns avec les autres, soient traités
de manière différente du point de vue de la TVA (
cf
. encadré 11
Erreur ! Source du renvoi
introuvable.
). Des biens ou des prestations de services sont considérés comme semblables
lorsqu’ils présentent des propriétés analogues et répondent aux mêmes besoins du
consommateur, en fonction d’un critère de comparabilité dans l’utilisation.
171
Eyles H, Mhurchu CN, Nghiem N, and Blakely T. (2012), « Food pricing strategies, population diets,
and non-communicable disease: a systematic review of simulation studies ». PLoS Med. 9 (12).
172
llais O, Bertail P, and Nichèle V. (2010), « The Effects of a Fat Tax on Frenc
h Households’ Purchases:
A Nutritional Approach ». American Journal of Agricultural Economics. 92 (1): 228-245.
173
Arrêt du 11 septembre 2014, K, C-219/13, EU:C:2014:2207, point 23.
- 66 -
Encadré 11 : Principe de neutralité fiscale applicable en matière de TVA
Selon le considérant n° 7 de la directive 2006/112/CE, «
le système commun de TVA devrait […] aboutir
à une neutralité concurrentielle, en ce sens que […] les biens et les servic
es semblables supportent la même
charge fiscale, quelle que soit la longueur du circuit de production et de distribution.
». Le considérant 1 de
la directive 2022/542 conforte ce principe de neutralité fiscale en disposant que «
les règles relatives aux
ta
ux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), telles qu’elles sont prévues dans la directive 2006/112/CE du
Conseil, visent […] à éviter les distorsions de concurrence
».
Il découle d’une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne
(CJUE) que le
principe de neutralité fiscale s’oppose à ce que des biens ou des prestations de services semblables, qui
se trouvent en concurrence les uns avec les autres, soient traités de manière différente du point de vue
de la TVA
174
. Pour ce qui est de l’appr
éciation du caractère semblable des biens ou des prestations de
services, qui relève
in fine
au juge national, il ressort de la jurisprudence de la CJUE qu’il convient de
tenir essentiellement compte du point de vue du consommateur moyen. Des biens ou des prestations de
services sont semblables lorsqu’ils présentent des propriétés analogues et répondent aux mêmes
besoins auprès du consommateur, en fonction d’un critère de comparabilité dans l’utilisation
175
. Dès lors
que des biens ou services se situent dans
un rapport de substitution, l’application de taux de
TVA
différents est susceptible d’affecter le choix du consommateur moyen, ce qui indiquerait une distorsion
de concurrence, et de ce fait une méconnaissance du principe de neutralité fiscale.
Source : Rapporteurs.
Il convient dès lors de distinguer deux cas de figure d’application de taux réduits de TVA pour
des produits ou services appartenant à une même catégorie :
d’une part,
une distinction fondée sur une différence que prend en compte le
consommateu
r moyen dans sa décision d’achat, qui paraît conforme au principe de
neutralité fiscale (
cf
. section 2.3.1.1) ; ;
d’autre part,
une distinction fondée sur une différence non-perceptible par le
consommateur moyen, qui se révèlerait contraire au principe de neutralité fiscale.
Selon cette logique, la modulation du taux de TVA applicable à des biens et services
appartenant à une même catégorie en fonction de caractéristiques environnementales ou
nutritionnelles ne respecterait le principe de neutralité fiscale que sous certaines conditions :
l’existence d’
un affichage obligatoire. Or, cette condition n
’est
pas réunie dès lors qu’il
n’existe pas, à ce stade, d’affichage environnemental
ou nutritionnel obligatoire ;
le fait que le consommateur moyen consulte et prenne en compte cet étiquetage pour
réaliser ses choix de consommation.
E
n l’absence de jurisprudence de la CJUE sur un cas similaire, il n’existe aucune certitude
a priori
sur la conformité juridique d’un mécanisme de modulation
de TVA sur la base de scores
environnementaux ou nutritionnels.
2.4.2.2.
Bien qu’accrues par la révision récente de la directive, les possibilités de
modulation de taux de TVA demeurent limitées et encadrées
À cadre juridique constant, tout système de modulation (à la hausse ou à la baisse) des taux
de TVA entre catégories de biens et services
, ou au sein d’une même catégorie, doit non
seulement respecter le principe de neutralité fiscalité, mais aussi s’inscrire dans le respect des
principes suivants :
174
Arrêt du 11 septembre 2014, K, C-219/13, EU:C:2014:2207, point 24.
175
Arrêt du 11 septembre 2014, K, C-219/13, EU:C:2014:2207, point 25. La jurisprudence de la CJUE
autorise par exemple une différence de traitement TVA entre les médicaments remboursés par la
sécurité sociale et les autres médicaments (CJCE, 3 mai 2001, Commission c/ France, aff. C-481/98).
- 67 -
seuls les produits et services élig
ibles au sens de l’annexe
III de la directive peuvent se
voir appliquer un taux réduit de TVA (supérieur ou inférieur à 5 %, selon que ces
derniers relèvent ou non de la liste des items prioritaires). Si les denrées alimentaires
sont éligibles au taux de 0 %, les marges de modulation à la baisse sont limitées dès lors
qu’un taux réduit de
5 % leur est déjà appliqué ;
une seule structure de taux réduits peut s’appliquer aux produits et services éligibles,
sans que cela permette un
pricing
fin de leur empreinte carbone ;
les catégories de biens et services non éligibles à un taux réduit au sens de l’annexe
III
de la directive TVA ne peuvent voir leur taux moduler ni à la baisse (puisqu'ils ne sont
pas éligibles), ni à la hausse (puisqu’aucun taux supérieur au
taux normal fixé à 20 % en
France ne peut être appliqué).
Il en ressort que la modulation de la TVA ne permet pas une prise en compte fine des
externalités environnementales ou de santé publique, à la différence d’un marché
carbone
ou d’une contribution nutritionnelle.
2.4.2.3.
L’introduction de taux différenciés de TVA entre des biens et services d’une même
catégorie serait source de complexité opérationnelle pour les entreprises
Un taux incorrect pratiqué sur une facture remet en cause la déductibilité sur
l'ensemble de la chaîne de la TVA.
En découle un fort enjeu de sécurité juridique. Or, la modulation des taux de TVA en fonction
des caractéristiques de produits ou services (par exemple, le contenu carbone ou la qualité
nutritionnelle)
suppose de s’appuyer sur des informations dé
terminées en amont de la chaîne
de valeur (par exemple, le contenu carbone d'un composant ou la qualité nutritionnelle d'un
aliment
utilisé dans la préparation d’un produit transformé).
Le défaut de stabilité et de
fiabilité de ces informations créerait des
risques d’insécurité juridique.
En outre, dès lors que le système de taux français est également applicable aux biens importés,
y compris aux livraisons intracommunautaires, il importe de ne pas introduire de complexité
excessive quant à
leur mode de détermination et de calcul. Par exemple, il s’agit pour les
vendeurs étrangers qui commercialisent des produits au sein de plusieurs États membres, et
qui déclarent la TVA
via
le guichet unique européen, de connaître le taux applicable avec une
sécurité juridique suffisante.
Constat 20 : La TVA ne permet pas de taxer de manière suffisamment fine les biens et
services en fonction de leur impact, qu’il soit environnemental ou nutritionnel.
2.4.3.
Face aux enjeux environnement
aux, l’extension du marché carbone et la mise en
œuvre de l’affichage environnemental doivent plutôt être privilégiées
En raison des limites de la TVA, les rapporteurs suggèrent de privilégier deux pistes
concomitantes :
à court terme, l’extension du
syst
ème d’échange de quotas d’émission de l’Union
européenne
(SEQE), dont le ciblage permet d’inciter à la consommation d’intrants
décarbonés en amont de la chaîne de valeur ;
la mise en œuvre effective de l’affichage environnemental obligatoire, en tenant compte
des enseignements liés aux nombreux travaux empiriques déjà conduits dans ce champ.
La mise en œuvre d’un affichage fiable et traçable est le prérequis à une éventuelle
accise
ou contribution indirecte (qui ne soit pas la TVA) modulée sur la base
d’un score
environnemental.
- 68 -
2.4.3.1.
À court terme, les efforts doivent porter en priorité sur la réforme en cours du
système européen de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (SEQE-UE)
Les « marchés carbone
» permettent d’inciter à la production de produits moins
intensifs en carbone en augmentant le coût des intrants carbonés.
Un marché du carbone a pour but de limiter les émissions de GES du secteur productif
via
des
quotas d'émissions, fixés par entreprise et qui peuvent être échangés entre eux au prix de
marché
. Chaque acteur soumis au marché du carbone doit restituer à la fin de l’année autant
de quotas que de tonnes dioxyde de carbone équivalentes émises dans l’atmosphère. En
r
éduisant leurs émissions, les exploitants peuvent ainsi revendre le quota d’émission
s et
bénéficier de la différence. Tous les ans, le plafond annuel de quotas est diminué afin de réduire
les émissions de gaz à effet de serre en adéquation avec les objectifs environnementaux.
Plusieurs études ont montré l'efficacité des marchés carbone
176
. Ces marchés contribuent à
avantager le recours à des intrants décarbonés dans la production, dont le coût relatif diminue.
La substitution entre intrants carbonés et décarb
onés n’est pas instantanée, ce qui a pour
conséquence de renchérir le prix des produits à plus forte intensité en carbone.
L’effet sur le
pouvoir d'achat du consommateur
dépend de l’existence et du prix de substituts aux produits
carbonés.
L’efficacité d
e ces marchés est toutefois fonction de ses caractéristiques, en particulier
le périmètre des secteurs couverts et le mode d’allocation et d’échange des quotas.
Depuis sa mise en place en 2005, le SEQE
a connu des évolutions à la faveur d’une extension de
son périmètre et d’un perfectionnement de ses règles de fonctionnement (
cf.
encadré 12).
Encadré 12 : Fonctionnement et évolutions du système européen d'échange de quotas
d'émissions de gaz à effet de serre (SEQE-UE)
Le système européen d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre (SEQE-UE) dit de
«
plafonnement et d’échange
» (cap and trade) repose sur les principes-socles suivants :
•
un plafond théorique global d’émission de GES, réduit au cours du temps à un rythme fixé
préalablement, est établi chaque année ;
•
sous ce plafond, les acteurs soumis au SEQE reçoivent gratuitement ou achètent aux enchères des
droits d’émettre, qu’ils peuvent échanger sur un marché secondaire
;
•
en fin d’année, chaque acteur soumis au SEQE doit restituer un nombre
suffisant de quotas pour
couvrir toutes ses émissions effectives, sous peine de s’exposer à des amendes.
Le SEQE s’est développé progressivement, en différentes phases, chacune élargissant les secteurs
couverts et durcissant le mode d’acquisition des quot
as par rapport à la phase précédente (
cf
. tableau
10).
Tableau 10 : Changements dans le SEQE au cours de ses trois premières phases
Phase I (2005-
2007)
Phase II (2008-
2012)
Phase III (2013-2020)
Pays
UE 25 + Roumanie
et Bulgarie en 2007
UE 27+ Norvège,
Liechtenstein et
Islande
UE 28 (Croatie) + Norvège,
Liechtenstein et Islande
Gaz
CO₂ seul
CO₂ + N2O opt in
CO₂, N2O et PFC
176
Antoine Dechezleprêtre, Damien Dussaux et Matthieu Glachant (2018), « The joint impact of the
European Union emissions trading system on carbon emissions and economic performance », OECD
Working paper.
- 69 -
Secteurs
Électricité et
chaleur, raffineries,
acier, fer, ciment et
chaux, verre,
céramique, pâte à
papier
Mêmes secteurs et
aviation à compter
de 2012
Même secteurs +métaux ferreux et
non ferreux, aluminium de
première fusion et d’affinage, acide
nitrique, acide adipique, acide
glyoxylique, ammoniac, poussière
de soude, hydrogène, produits
pétrochimiques
Plafond
~ 2 300 Mt/an
(dont réserves)
~ 2 100 Mt/an
(dont réserves)
~1 950 Mt en 2013 décroissant
tous les ans de 1.74% de la
moyenne de l’allocation 2008
-
2012
Allocation
gratuite
Minimum de 95 %
de quotas gratuits
principalement
basés sur les
émissions
historiques
Minimum de 90 %
de quotas gratuits
100 % du benchmark pour les
industries exposées à risque de
fuite carbone
Pour les autres secteurs,
affectation gratuite à hauteur de
80 % du benchmark en 2013, pour
atteindre 30 % en 2020 et 0 % en
2027
Enchères
-
4 % principalement
au Royaume-Uni et
en Allemagne
100 % enchères pour le secteur
électrique (sauf dérogation
exceptionnelle transitoire pour
quelques pays)
Pénalités
40
€/t
100
€/t
100
€/t + inflation
En janvier 2019, un mécanisme de réserve de stabilité a été mis en œuvre afin d’ajuster le
volume de
quotas en circulation sur le marché carbone. Ce mécanisme permet d’ajuster selon des règles préétablies
le nombre de quotas en circulation dans le but d’améliorer la prévisibilité du prix du carbone (actuel et
anticipé).
Source : Rapporteurs
d’après les informations de la
Commission européenne.
Depuis son entrée en vigueur, et malgré les progrès intervenus au cours des différentes
phases, le SEQE-UE continue de se heurter à plusieurs limites.
Tout d’abord, le niveau des prix d’échange des
quotas a été longtemps insuffisamment
prévisible
et
élevé
au
regard
des
besoins en investissement
liés
à
la
transition
environnementale (
cf
. graphique 24). Deux facteurs se sont cumulés au cours de ses quinze
premières années d’existence
: (i) un large surplus de quotas en circulation ayant conduit à un
excès d’offre
177
et (ii) les effets de la crise de 2008 ayant conduit à une chute de la demande. Le
prix de la tonne de carbone a retrouvé un niveau significatif depuis 2018 à 17
€.
177
Cet excès est lié à la fois à un excès initial (mauvais calibrage initial du marché par rapport aux besoins
réels) et aux allocations gratuites octroyées aux entreprises pour lutte contre les fuites de carbone
(risque de délocalisation de la production, notamment).
- 70 -
Depuis la mi-2020, le prix carbone fixé par le SEQE a connu une augmentation soutenue. Le
prix moyen s’est ainsi élevé à
53
€ par tonne d’équiva
lent CO
₂
en 2021, soit plus de trois fois
celui relevé en 2018 en termes réels. Il a atteint un pic de 97
€ euros par tonne de
CO
₂
en
février 2022, soit un prix compatible avec les impératifs de la transition énergétique
178
. Cette
hausse peut s’expliquer par des facteurs conjoncturels (reprise d’activité post
covid-19, hausse
des prix du gaz conduisant les entreprises à se tourner vers le charbon) et structurels (dont la
mise en œuvre du mécanisme de réserve de stabilité –
MRS
–
en janvier 2019).
Graphique 24
: Prix des permis d’émission dans le système d’échange de quotas d’émission de
l’Union européenne (en euros par tonne de CO2)
Source :
Commission de régulation de l’énergie (CRE
).
En outre, bien que le SEQE-
UE couvre aujourd’hui trois sec
teurs clés (énergie, industrie et
transport aérien intra européen), son périmètre demeure incomplet. Seules 45 % des
émissions de GES sont couvertes en Europe.
Enfin, l’augmentation des émissions associées aux importations de produits manufacturés a
des e
ffets sur l’empreinte carbone de la consommation européenne (à savoir les GES contenus
dans les produits consommés). Ce constat a conduit à un accord du C
onseil de l’UE
179
, sous
présidence f
rançaise, sur les grandes lignes de la création d’un mécanisme d’aju
stement
carbone aux frontières (MACF, cf. encadré 13).
Encadré 13 :
Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE
Le
mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (
MACF)
n’est pas une « taxe carbone » qui sera
it
prélevée au moment du dédouanement des marchandises mais une contrainte réglementaire. Les
importateurs de produits étrangers auront l’obligation d’acquérir des « certificats MACF » à hauteur des
émissions de GES générées par la production des marchandises concernées. Cette obligation est ainsi
une sorte de « mesure miroir » à l’obligation d’acheter des quotas qui pèse sur les installations
européennes. La mécanique du marché devrait, si elle fonctionne correctement, rendre ces produits
moins compétitifs et donc inciter les opérateurs et les pays étrangers à renforcer leurs propres
dispositifs de réduction des GES. Il est d’ailleurs prévu que les produits importés peuvent bénéficier
d’une réduction du nombre de certificats MACF à restituer s’il est prouvé
que dans le pays d’origine, un
« prix du carbone », sous quelque forme que ce soit (taxe carbone, marché de quotas…), s’applique.
178
Le rapport Stern-
Stiglitz (2017) estimait qu’« une fourchette de prix entre 40 et 80 dollars en 2020,
puis portée à 50-
100 dollars d’ici à 2030, était compatible avec l’objectif de l’accord de Paris. » La
commission Blanchard-Tirole (2021) préconise un pr
ix plancher de 60 € par tonne en 2021, puis une
augmentation de 4 à 5 % par an.
179
Orientation générale du 15 mars 2022.
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
100
juil.-09 sept.-10 nov.-11 janv.-13 mars-14 mai-15
juil.-16
oct.-17
déc.-18 févr.-20
avr.-21
juin-22
- 71 -
Pour l’heure, le Parlement européen et le Conseil se sont entendus pour que le MACF s’applique aux
secteurs du ciment, de l’acier, du fer, de l’aluminium, aux engrais, à l’électricité et à l’hydrogène. Son
champ d’application ne sera donc pas identique à c
elui du SEQE. Le nombre de secteurs couverts devrait
donc, peu à peu, s’étendre comme au demeurant celui du SEQE qui devrait prochainement s’appliquer
au secteur du transport maritime et au traitement des déchets (proposition de la Commission
européenne en
cours de discussion). Le MACF diverge du SEQE sur d’autres points. D’une part, le prix
du certificat MACF sera indexé sur celui du quota carbone mais ne sera pas nécessairement identique.
D’autre part, le MACF ne s’inscrit pas dans une logique Cap and Trade : il n’est pas question d’imposer, à
terme, un plafond d’émissions de GES importés au sein de l’UE. Enfin, le MACF ne s’applique pas, pour le
moment, aux produits transformés.
Il est prévu que le mécanisme entre en vigueur au 1er octobre 2023.
Source :Le
Club des juristes
–
22 décembre 2022
Compte tenu des limites existantes et des nouveaux engagements climatiques de l’UE, il
est impératif d’adapter le SEQE
-
UE pour en accroître l’efficacité.
Le paquet législatif
« Ajustement à l'objectif 55
», proposé par la Commission européenne en juillet 2021, conduit à
engager une réforme du SEQE
180
. Dans le cadre des trilogues actuellement en cours
181
, les
priorités suivantes mériteraient d’être défendues
au sein du Conseil :
une diminution plus rapide du n
ombre global de quotas d’émission en circulation
;
une diminution des attributions d’allocations gratuites, à un rythme croissant
;
une montée en puissance du mécanisme de réserve susmentionné pour absorber plus
vite l’excédent historique de quotas
;
une extension du périmètre pour y inclure le transport maritime, ainsi que le secteur des
transports routiers et du bâtiment (
cf
. partie 3.4.2.2).
Dans le même temps, les industries européennes seraient protégées par l'instauration d'un
mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, permettant d'imposer les importations vers
l'Union européenne à hauteur du prix actuellement pratiqué sur le SEQE UE, évitant ainsi les
fuites de carbone et des délocalisations.
Le SEQE-UE ainsi réformé et le futur MACF
pourraient permettre une tarification plus fine et complète de l’empreinte carbone des
produits consommés dans l’Union européenne, ce que ne permet pas la prop
osition de
mise en œuvre d’une TVA «
verte
».
Constat 21 : Le système d'échange de quotas d'émission européen (SEQE-UE) est efficace
pour réduire les émissions de gaz à effet de serre industrielles. Cependant, ce
mécanisme doit être associé à une taxation des émissions importées, et son périmètre
étendu à d’autres secteurs fortement émissifs (logement, transport aérien et maritime).
180
La révision du SEQE-UE et la création du MACF font partie des nouvelles dispositions législatives
inscrites dans le paquet « ajusteme
nt à l’objectif 55 » ou «
fit for 55 ».
181
Les trilogues sont des négociations interinstitutionnelles entre des représentants du Parlement, du
Conseil et de la Commission, dont le but est de parvenir à un accord provisoire sur un texte acceptable à
la fois pour le Conseil et le Parlement en vue de son adoption définitive
- 72 -
2.4.3.2.
L’obligation d’affichage environnementale pourrait à terme et sous certaines
conditions devenir le socle d’une accise
environnementale
2.4.3.2.1.
L’affichage environnemental a des effets positifs sur les choix de consommation sous
certaines conditions identifiées par plusieurs travaux empiriques
Les démarches d’affichage environnemental visent à transmettre aux consommateurs en
situ
ation d’achat des informations sur les caractéristiques environnementales des biens et
services proposés. Ces démarches ont plusieurs types de justifications :
une meilleure information relative aux biens et services proposés au consommateur, afin
de (i)
contribuer de manière efficace à la prise de décision dans des situations d’achat
souvent contraintes (ressources en temps, disponibilité cognitive,
etc
.) et (ii) favoriser
les substitutions bénéfiques pour l’environnement
182
en incitant les consommateurs à
privilégier des produits à plus faible impact environnemental ;
un soutien à l’éco
-conception, par une reconnaissance, voire une valorisation des actions
engagées par les entreprises et les filières, afin de créer les incitations de marché
favorisant, par
la dynamique de la demande, des évolutions de l’offre
183
.
D’après les travaux de recherche, la dimension environnementale n’a pas été, jusqu’à ces
dernières années, un critère de choix prioritaire des consommateurs pour les produits
alimentaires :
d’après u
ne étude française de
2017 réalisée par l’institut national de la recherche
agronomique
(Inra) et l’association nationale de défense des consommateurs et
usagers (CLCV)
184
, les prix, la qualité sanitaire, l’origine des ingrédients, et parfois la
qualité nutritionnelle sont des informations plus attendues par les consommateurs que
les informations environnementales ;
d’après deux études sur le secteur alimentaire ré
alisées dans six pays européens (dont
la France), deux tiers des consommateurs jugent utile un affichage environnemental,
même si cette dimension est encore assez peu prise en compte dans leurs choix
alimentaires
185
. Il existe en outre un déficit de connaissance parmi les consommateurs,
avec des confusions entre ce qui relève du « local », du « bio, d
e « l’éthique » ou du
changement climatique
186
.
182
Afin que des modifications de choix alimentaires aient lieu, il faut que l’information apportée
conduise le consommateur à attribuer au nouveau produit choisi une valeur supérieure aux « coût » (pas
uniquement monétaire) associés à son changement de comportement.
183
Pour le secteur de l’alimentaire, cf. Poore J., Nemecek P. (2018), «
Reducing food’s environmental
impacts through producers and consumers », Science, Vol. 360, Issue 6392, pp. 9
87‐992.
184
Desorge M., Lacroix A., Muller L., Pernin C., Potdevin C., et al.. (2017), «
L’étiquetage au service d’une
alimentation durable : le point de vue des consommateurs », [Rapport de recherche] CLCV / INRA. 2017.
185
Feucht Y., Zander K. (2017), « Con
sumers' Willingness to Pay for Climate‐Friendly Food in 6 European
Countries
», International journal on food system dynamics, 360‐377.
186
Feucht Y., Zander K. (2018), « Consumers' preferences for carbon labels and the underlying
reasoning. A mixed methods approach in 6 European countries », Journal of Cleaner Production, Volume
178.
- 73 -
Une série de travaux
187
a montré l’effet positif des labels environnementaux sur la
réduction de l’empreinte environnementale des choix de consommation.
Aussi, alors que
les consommateurs sous‐estiment généralem
ent les émissions de GES et la
consommation d’énergie associées à leurs aliments, l’étiquetage les aide à mieux les évaluer
188
.
D’abord,
l
es effets des labels environnementaux varient en fonction des formats d’étiquetage.
Comme cela ressort de travaux récents sur données françaises
189
, un consensus semble se
dégager en faveur d’une meilleure efficacité des affichages simple
s et prescriptifs :
une information simple, synthétique et agrégée a davantage d’impact sur les choix des
consommateurs qu’une informa
tion détaillée et analytique. Les coûts de compréhension
et de synthèse de l'information par les consommateurs sont en effet de nature à réduire
considérablement les bénéfices de l'étiquetage ;
une information prescriptive et qualitative a plus d’effets qu’une information descriptive
et quantitative. L’affichage basé sur des codes‐couleurs induit des réponses moins
différenciées en fonction des niveaux d’éducation et
d
es catégories sociales (à l’inverse
de l’affichage descriptif).
Ensuite, b
ien que l’impac
t global soit assez proche
190
, les affichages environnementaux,
« transversal » et « par catégorie », ne génèrent pas les mêmes effets sur la demande (via des
changements de consommation) et l’offre (via une amélioration des produits) dans un secteur
donné (alimentaire, textile, etc.) :
un affichage « transversal
» repose sur l’application d’une échelle et de seuils uniques
pour toutes les catégories de produits
191
. Les étiquetages transversaux tendent à inciter
à des substitutions inter-catégorie, de fréquence faible mais avec des gains importants ;
187
Parmi ces travaux, peuvent être cités : Muller L. Lacroix A., Ruffieux B. (2019), « Environmental
Labelling and Consumption Changes: A Food Choice Experiment ». Environmental and Resource
Economics 73 (3): 871
–
97, ou encore Feucht Y., Zander K. (2018), « Consumers' preferences for carbon
labels and the underlying reasoning. A mixed methods approach in 6 European countries », Journal of
Cleaner Production Volume 178, pages 740‐7
48.
188
Camilleri A.R., Larrick R.P., Hossain S., Patino‐Echeverri D. (2019),
« Consumers underestimate the
emissions associated with food but are aided by labels », Nature Climate Change volume 9, pages 53
–
58.
189
Ces études reposent sur des démarches expérimentales dans lesquelles les consommateurs sont
placés en situations réelles d’achat, de façon à dépasser les limites de réponses basées sur des
préférences déclarées. Crosetto P., Lacroix A., Muller L., Ruffieux B. (2017), « Modification Des Achats
Alimentaires En Réponse à Cinq Logos Nutritionnels ». Cahiers de Nutrition et de Diététique 52 (3): 129
–
33. Crosetto P., Lacroix A., Muller L., Ruffieux B. (2019), « Nutritional and Economic Impact of Five
Alternative
Front‐ of‐Pack Nutritional Labels: Experimental Evidence
». European Review of
Agricultural Economics.
190
Dans le champ nutritionnel, une expérimentation récente suggère que l’impact global est assez
proche, que les produits soient évalués par rapport à leurs catégories de produits ou par rapport à
l’ensemble des produits.
Muller L., Ruffieux B. (2020). «
Shopper’s behavioural responses to ‘front‐of‐
pack’ nutrition logo formats: GDA
Diet‐
-
Logo vs. 6 alternative Choice‐Logos
». Working Papers, Grenoble
Applied Economics Laboratory.
191
Dans ce cas, un même code couleur peut par exemple être appliqué à tous les produits,
indépendamment de leur catégorie, dès lors qu’ils présentent une empreinte carbone inférieure à une
valeur‐seuil commune
;
- 74 -
un affichage « par catégorie
» implique des échelles et des valeurs‐seuils
propres à
chaque catégorie de produits
192
. Les étiquetages par catégorie produisent des
substitutions intra catégories plus fréquentes, du f
ait d’élasticités de substitution plus
importantes, mais à gains environnementaux plus faibles. En rendant visible la
variabilité intra‐catégories, un affichage par catégorie incite davantage le producteur à
modifier la composition de son produit.
Enfin, l
es effets de l’affichage sont amoindris, voire annulés, en présence de signaux
contradictoires
193
. L’introduction d’un nouveau signal peut en effet interagir avec les signaux
préexistants, en créant des risques de dissonance entre critères (par exemple, lorsque les
indicateurs de changement climatique et nutritionnel ne vont pas dans le même sens).
À cet égard, une étude de 2020 montre que la combinaison de logos nutritionnels et
environnementaux diminue les effets respectifs de ces derniers
194
. En découle un enjeu
important en matière d’affichage sur les biens alimentaires, dès lors que
certains aliments
présentent de bonnes caractéristiques environnementales, tout en ayant une moins bonne
qualité nutritionnelle,
d’après les analyses réalisées sur des données
en cycle de vie
195
présentées dans la section 2.4.1. Or, les informations nutritionnelles sont plus souvent
consultées et attendues par les consommateurs que celles relatives à l’environnement
196
.
2.4.3.2.2.
Désormais inscrite au niveau législatif, l’obligation d’affichage environnemental doit
être mise en œuvre en tena
nt compte des effets sur la biodiversité
L’affichage environnemental est une démarche engagée en
2009 dans le cadre du Grenelle de
l’environnement afin de sensibiliser les consommateurs aux impacts environnementaux des
produits et services. Plusieurs expérimentations ont été menées depuis plus de dix ans dans
les secteurs alimentaires et textiles.
Depuis fin
2013, l’affichage environnemental est volontaire et encadré. Le dispositif permet
aux entreprises d’évaluer les impacts environnementaux de leurs prod
uits/services et de
communiquer sur leurs performances environnementales dans le respect d’un cadre technique
validé (
cf
. encadré 14). Il couvre actuellement une trentaine de catégories de produits
(meubles, articles d’habillement, téléphones portables, hôtels, produits alimentaires, etc.).
192
Dans ce cas, des produits relevant de catégories différentes peuvent se voir appliquer un même code
couleur, même si leur empreinte environnementale diffère sensiblement.
193
Dont Marette S. (2014), « Economic Benefits Coming from the Absence of Labels Proliferation »,
Journal of Agricultural and Industrial Organization, Vol 12, Issue 1.
194
L’étude montre que la mise en place d’un étiquetage uniquement nutritionnel réduit de
17% les
achats de produits « rouges » sur le plan nutritionnel ; la mise en place d’un étiquetage uniqu
ement
environnemental réduit de 10 % les achats de produits « rouges » sur le plan environnemental ; la mise
en place d’un étiquetage nutritionnel et environnemental réduit de 10
% et de 5 % respectivement les
achats de produits « rouges » sur le plan nutritionnel et environnemental. Muller L., Lacroix A., Moalla
M., Raies K., Ruffieux B. (2020), « When Simple Plus Simple Become Complex: The Impact of Nutritional
and Environmental Label Juxtaposition on Consumer Choices ». Working paper UMR Gael. Grenoble.
195
Nicolas Chanut, Essays in Public and Environmental Economics, Thèse, juin 2022 (The London School
of Economics and Political Science).
196
D’après les travaux de Desorge et al. (2017, sur les 23 448 informations consultées, le prix occupe la
1
ère
place (20
,5 % des consultations). Mais il est talonné de près par l’origine (19,3 % des consultations).
Viennent ensuite la nutrition (14,7 %), la marque (14,5 %) et le label (13,3 %). Loin derrière, on trouve
l’environnement (10,3 %)
, enfin la RSE (7,2%).
- 75 -
Encadré 14
: Cadre technique de l’affichage environnemental volontaire
Un cadre technique a été développé en concertation entre les pouvoirs publics et les parties prenantes,
permettant aux entreprises de calculer les notes environnementales de leurs produits/services. Il se
compose de plusieurs outils reconnus et assurant la comparabilité des résultats :
•
la base de données nommée Base Impacts® : ouverte au public en 2014, cette base de données
permet le calcul de l’affichage environnemental des produits de grande consommation et à la
sensibilisation à l’écoconception, avec la mise à disposition de l’outil Bilan Produit ®
;
•
les principes généraux et le cadre méthodologique - Référentiel BPC 30-323 : commun à toutes les
catégories de produits pour réaliser l’évaluation environnementale en vue d’un affichage à
destination des consommateurs ;
•
les référentiels sectoriels : basés
sur une analyse du cycle de vie (ACV), les référentiels de l’affichage
environnemental expliquent comment les ACV doivent être réalisées spécifiquement pour chaque
catégorie de produit afin d’assurer la comparabilité des résultats de l’affichage environnemental
;
•
le format d'affichage : une charte graphique de l’affichage environnemental a été définie
; elle est
commune à toutes les catégories de produits, avec une marque ADEME déposée IMPACT
ENVIRONNEMENTAL®.
Source : Ademe.
Ayant connu plusieurs avancées notables, l’obligation d’affichage environnemental est
désormais inscrite dans la loi :
l’article
15 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage
et à l'économie circulaire (dite loi « Agec
») a instauré un dispositif d’affichage
« environnemental ou environnemental et social
». Une phase d’expérimentation dans
les secteurs textiles et alimentaires a conduit à la remise d’un rapport au Parlement en
mars 2022
197
;
cette
obligation législative a été remplacée par l’article
2 de la loi n° 2021-1104
du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la
résilience face à ses effets (dite loi « climat & résilience »)
198
. Cet article fixe un nouveau
cadre rendant obligatoire l’affichage environnemental pour une liste de biens et services
fixée par voie réglementaire. À l’issue d’une nouvelle phase expérimentale, un décret doit
préciser, dans un délai maximal de cinq ans, les modalités de calcul et d
’affichage pour
les biens et services concernés. Sont fixées cinq catégories de produits et services pour
lesquelles les phases d’expérimentation doivent être lancées prioritairement, à savoir
l’alimentation, le textile, l’ameublement, les produits électroniques et l’hôtellerie
199
;
enfin, au niveau européen, la Commission devrait présenter dans les mois qui viennent
un projet de règlement sur les allégations environnementales («
Green claims
») qui
devrait encadrer, sans pour autant imposer un cadre harmonisé.
197
Titre (100 caractères maxi) (ademe.fr)
198
Dispositions codifiées aux articles L. 541-9-
11 et suivants du code de l’environne
ment.
199
S’agissant de l’alimentaire et du textile, un comité des parties prenantes représentatives (plus de 100
par secteur) se réunit régulièrement pour échanger sur les orientations méthodologiques.
- 76 -
La mise en œuvre effective de cette obligation suppose la poursuite de travaux
visant à
surmonter certaines limites méthodologiques.
Le déploiement de premiers affichages environnementaux sur l’alimentaire et le textile devrait
intervenir dès l’année
2023
200
, au terme de travaux méthodologiques et de différentes phases
de tests produits et consommateurs. À cet égard, la France a inscrit ses travaux dans le cadre
technique européen (« méthode PEF » -
Product Environmental Footprint
–
soit une approche
en cycle de vie).
Toutefois, face aux limites de cette méthodologie, des travaux en cours pilotés par le ministère
chargé de la transition écologique et l’Ademe visent notamment à mieux prendre en compte
les enjeux liés à la préservation de la biodiversité (
cf
. encadré 15).
Encadré 15 : Limites de la méthodologie européenne Product Environmental Footprint
La méthode PE
F (Product Environmental Footprint) est issue de la volonté de l’Union Européenne de
définir objectivement l’empreinte environnementale des produits et d’en donner une méthode de
mesure rigoureuse commune à tous les États membres. L’empreinte environnement
ale de produit (PEF)
est une méthode fondée sur l’analyse du cycle de vie (ACV)
, destinée à quantifier les impacts
environnementaux des produits (biens ou services). Cette méthode tient compte des impacts
environnementaux d’un produit, tout au long de son cycle de vie, de la production des matières
premières, de leur transformation, d
u transport et de l’utilisation du produit fini, jusqu’à sa phase de fin
de vie (enfouissement, valorisation énergétique ou recyclage).
Les expérimentations s’appuyant sur la méthode PEF ont toutefois permis d’identifier
plusieurs lacunes
à savoir :
•
une prise en compte insuffisante de la biodiversité, de la dégradation des terres
201
ou encore de la
toxicité, soit autant d’externalités que la loi dite «
climat et résilience
» prévoit pourtant d’intégrer
à
l’affichage environnemental
. Ainsi, dans le secteur textile, la mauvaise prise en compte des enjeux
de biodiversité pourrait conduire à favoriser le polyester par rapport aux fibres naturelles (coton,
laine, lin), alors même que les vêtements synthétiques sont susceptibles de libérer des
micro-plastiques ;
•
da
ns le secteur alimentaire, une faible valorisation des fonctions écosystémiques de l’agriculture,
l’ACV ayant tendance à favoriser à favoriser les systèmes agricoles intensifs par rapport aux
systèmes agroécologiques
202
;
•
la persistance de certaines restrict
ions d’accès aux bases de données et des coûts importants des
évaluations d’impacts pour les entreprises.
Source :
Rapporteurs, d’après
Iddri, étude n° 8, octobre 2021.
Proposition n° 6 : Faire aboutir, dans le respect des échéances législatives, les travaux
relatifs à la mise en œuvre de l’obligation d’affichage environnemental, en tenant
compte des enjeux de biodiversité, sans pour autant y adosser les taux de TVA.
200
Il est à noter que, dans un premier temps, un affichage volontaire est envisagé.
201
. Par exemple, le cadre ACV européen contient un indicateur de toxicité humaine (ce qui favorise en
théorie les pratiques agricoles moins dépendantes des pesticides), mais le facteur de robustesse qui y
est associé est faible.
In fine, cet indicateur n’est pas inclus dans la base ACV française sur les produits
alimentaires (Agribalyse). Cf.
Van der Werf, H., Trydeman Knudsen, M., Cederberg, C. (2020), « Évaluer
les impacts environnementaux de l’agriculture biologique : l’analy
se du cycle de vie doit faire mieux ».
Innovations Agronomiques, 80: 113-121.
202
Ibid.
- 77 -
2.4.3.2.3.
À terme, la possibilité de moduler une nouvelle accise ou contribution indirecte sur la
base d’un score environnemental obligatoire pourrait être évaluée
À terme, une fois les travaux méthodologiques et
de mise en œuvre finalisés,
un adossement
de l’affichage environnemental obligatoire à des outils de politique
s publiques pourrait
éventuellement être examiné
. En tout état de cause, toute perspective d’adossement d’un score
environnemental à un outil fiscal autre que la TVA exigerait de réaliser une évaluation
ex ante
du dispositif. Sans préempter les résultats d
’une telle évaluation, plusieurs avantages et
inconvénients
peuvent d’ores et déjà être mentionnés (
cf
. tableau 11).
Tableau 11
: Avantages et inconvénients d’un outil fiscal modulé selon un score obligatoire
Avantages
Inconvénients
•
la prise en compte de tout le spectre des
externalités environnementales (y compris la
biodiversité et la pollution des sols), et non
uniquement les GES comme cela peut être le
cas d’un «
marché carbone ».
•
les effets de la mise en œuvre d’une accise sur
la compétitivité des produits à l’exportation
(par exemple, dans le cas d’un fait générateur
au
moment de l’emballage des
produits) ;
•
le risque de fraude fiscale en cas de déficit
d’audit de la chaîne de calcul du score
environnemental ;
•
l’existence d’effet
s de seuil faisant basculer un
produit dans une tranche de taxation plus ou
moins élevée ;
•
les
éventuels
conflits
entre
les
objectifs
environnementaux et de santé publique.
Source : Mission.
Constat 22 :
À terme, et une fois l’affichage environnemental mis en œuvre, la possibilité
de moduler
le niveau d’une accise, et non la TVA, sur la base d’un score environnemental
obligatoire pourrait être évaluée.
2.4.4.
Face aux enjeux de santé publique, les spécificités de la fiscalité nutritionnelle
doivent être préservées, voire renforcées
La fiscalité nutritionnelle se justifie par des objectifs de santé publique, et non
uniquement de rendement budgétaire.
Le prix des aliments est le premier déterminant des choix de consommation alimentaire pour
une majorité de français
203
. D’après des travaux de modélisation de l’INSERM
204
, il est difficile,
sous contraintes budgétaires, d’avoir une ali
mentation composée de produits de bonne qualité
nutritionnelle, et répondant aux besoins quotidiens en apports caloriques. Les contraintes
budgétaires tendent en effet à orienter les consommateurs vers des aliments de forte densité
énergétique (quantité de calorie pour 100g) et riches en sel, sucres et graisses, là où ce type
d’aliments favorise l’obésité et les maladies chroniques
205
. Dès lors, une baisse du prix relatif
des aliments de bonne qualité nutritionnelle permettrait d’améliorer la santé nutritionn
elle de
203
60% dans l’enquête INCA 2 de 2006, et 76% dans le Baromètre SOFINCO « Les français et leur budget
dédié à l’alimentation » (Enquête OpinionWay pour SOFINSCOPE).
204
Inserm (dir.). 2014, «
Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique
».
Rapport. Paris : Les éditions Inserm, 2014, XVI-731 p. - (Expertise collective).
205
Mainul Haque, Judy McKimm, Massimo Sartelli, Nandeeta Samad, Seraj Zohurul Haque, Muhamad Abu
Bakar (2020), « A narrative review of the effects of sugar-sweetened beverages on human health: A
key global health issue », Journal of Population Therapeutics & Clinical Pharmacology.
- 78 -
la population, en particulier pour les ménages sous budget contraint.
La mise en place d’une fiscalité nutritionnelle permettant d’influer sur le prix des
aliments, et ainsi promouvoir une alimentation de meilleure qualité, est une stratégie
recommandée par les organisations internation
ales, notamment l'OMS et l’OCDE.
Son
intérêt a été de nouveau souligné par le rapport de la Banque mondiale pour lutter contre
l’obésité publié en
2020
206
. Ainsi, à la date du rapport, selon la Banque mondiale, plus
de 40
pays ont mis en œuvre une taxe sur les boissons sucrées (
cf
. figure 1), tandis que
plusieurs autres ont des taxes ciblant les aliments « mauvais pour la santé » (aliments gras,
riches en calories, gras, etc.). En Europe, plusieurs exemples dans différents pays peuvent être
mis en avant, parmi lesquels le Royaume-Uni (taxe sur les boissons sucrées), la Hongrie (taxe
sur certains produits sucrés, gras ou salés), le Mexique (taxe sur les boissons sucrées et les
produits riches en calories), la Finlande (taxe sur les produits sucré) ou encore le Danemark
(taxe sur les aliments gras).
Figure1 : Cartographie des pays ayant mis en œuvre une taxe sur les boissons sucrées
Source
: Banque mondiale, rapport sur l’obésité de 2020.
Note de lecture : Les pays dont le nom figure en
en rose ont mis en œuvre une taxe sur les boissons sucrées, tandis que
les pays en bleu ont voté une telle taxe qui n’est pas encore mise en œuvre (données au mois de décembre
2019).
L’efficacité d’une taxe sur les produits alimentair
es au regard des objectifs de santé
publique dépend directement de son ciblage.
Plusieurs études empiriques récentes, fondées sur des données fines de consommation,
montrent les effets positifs de taxes sur les boissons sucrées ciblées, tant sur les prix que sur
les décisions de consommation :
206
Banque mondiale, 2020, « Obesity : Health and Economic Consequences of an Impending Global
Challenge ».
- 79 -
au Mexique, l’instauration d’une taxe d’un peso par litre sur les boissons sucrées a
entraîné une réduction de la consommation des boissons taxées de l’ordre de
6 % au
terme de la première année et 10 % après deux ans (Colchero et al. 2016
207
; Colchero,
Rivera, Dommarco et al. 2017
208
). La taxe a été entièrement répercutée dans les prix à la
consommation ;
dans l’état américain de Philadelphie, la taxe de
0,44 $ par litre a induit une réduction
des achats de sodas estimée à 0,26 litre par achat. Les ventes de sodas taxés ont diminué
de 51
% après la mise en œuvre de la taxe (Cawley, et
al, 2018)
209
. La taxe a été
entièrement répercutée dans les prix à la consommation (Roberto et al, 2019)
210
.
De telles taxes ciblées tendent aussi à avoir des effets bénéfiques sur la composition des
produits. Une récente revue de 62 études empiriques montre que les taxes dont le montant est
indexé sur la teneur en sucre des boissons tendent à avoir un effet sur le contenu en sucre des
boissons mises sur le marché (Andreyeva, 2022
211
).
Toutefois, une taxe insuffisamment ciblée peut entraîner des effets de substitution entre
catégories de produits susceptibles de dégrader certains indicateurs en santé (
cf
.
2.4.1). Or, tel
qu’indiqué
en section 2.4.1, la TVA offre des possibilités de ciblage nutritionnel limitées, y
compris en présence d’un nutriscore
:
la plupart des produits alimentaires se voient déjà appliquer un taux réduit de 5,5 % ;
les possibilités de modulation de taux de TVA sont limitées, à la hausse comme à la baisse
(i.e. quatre taux réduits dont celui à 5,5 %, aucun taux au-dessus du taux normal) ;
la modulation des taux de TVA au sein de mêmes catégories de produits est encadrée par
le principe de neutralité fiscale. Son respect impliquerait de rendre obligatoire le
nutriscore,
ce qui n’est pas le cas actuellement.
Il importe ainsi de préserver, voire de renforcer, la spécificité de la fiscalité
nutritionnelle en tenant compte des enseignements des taxes déjà existantes.
En France, une contribution sur les boissons sucrées (article 1613
ter
du CGI) et une
contribution sur les boissons édulcorées (article 1613
quater
du CGI) ont été mises en place
en 2012
212
.
Depuis le 1
er
juillet 2018
213
, le niveau de contribution sur les boissons sucrées a été
augmenté. Il est par ailleurs modulé selon la teneur en sucres dans la boisson (
cf
. tableau 12).
Ainsi, plus une boisson contient une teneur en sucres ajoutés élevée, plus le montant de la taxe
est important.
207
Colchero, M. A., B. M. Popkin, J. A. Rivera, and S. W. Ng. (2016), « Beverage Purchases from Stores in
Mexico under the Excise Tax on Sugar Sweetened Beverages: Observational Study ». BMJ 352: h6704.
208
Colchero MA, Rivera-Dommarco J, Popkin BM, Ng SW. In Mexico (2017), « Evidence Of Sustained
Consumer Response Two Years After Implementing A Sugar-Sweetened Beverage Tax ». Health Affairs;
36(3) : 564
–
571.
209
Cawley J, Frisvold D, Hill A, Jones D (2018), « The Impact of the Philadelphia Beverage Tax on
Purchases and Consumption by Adults and Children ». National Bureau of Economic Research, No
w25052.
210
Roberto CA, Lawman HG, LeVasseur MT, Mitra N, Peterhans A, Herring B, Bleich SN (2019),
« Association of a beverage tax on sugar-sweetened and artificially sweetened beverages with changes
in beverage prices and sales at chain retailers in a large urban setting ». Journal of the American Medical
Association ; 321(18) :1799
–
1810.
211
Tatiana Andreyeva (2022), « Outcomes Following Taxation of Sugar-Sweetened Beverages A
Systematic Review and Meta-analysis ».
212
Lorsque le produit contient à la fois des sucres ajoutés et des édulcorants, la vente est soumise aux
2 taxes.
213
Article 19 de la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour
2018.
- 80 -
Tableau 12 : Taux pour la contribution sur les boissons contenant du sucre ajoutée au
1
er
janvier 2022
Quantité de sucre
(en kg de sucre ajouté par hl de boisson)
Tarif applicable
(en € par hl de boisson)
Inférieure ou égale à 1
3,12
€
2
3,64
€
3
4,15
€
4
4,67
€
5
5,71
€
6
6,75
€
7
7,79
€
8
9,86
€
9
11,94
€
10
14,01
€
11
16,08
€
12
18,16
€
13
20,24
€
14
22,31
€
15
24,39
€
Au-delà de 15
+ 2,07
€
/ kg de sucre ajouté
Source : Articles 1613 ter et 1613 quater du code général des impôts.
À la date du rapport, cette nouvelle structure de taxation, modulée selon la teneur en sucre, n’a
pas encore été évaluée. Seule la contribution dans sa version de 2012 (soit une taxe à hauteur
de 0,0716
€ par litre de boissons sucrées, sans modulation à la
hausse ou à la baisse) a fait
l’objet de travaux empiriques d’évaluation
ex post
. Les résultats des études menées avant la
hausse du montant de la taxe peuvent être résumés ainsi :
une répercussion dans les prix estimée entre 43 % (Etilé et al, 2018
214
) et 122 %
(Capacci et al, 2019
215
) avec des différences selon le type de produit. En effet, la
répercussion est intégrale pour les sodas, mais partielle pour les jus de fruits ;
une faible diminution de la consommation des boissons taxées (de l’ordre de
0,5 litre par
personne par an), soit un résultat cohérent avec le montant minime de la taxe. Cette
baisse est plus importante pour les grands consommateurs de sodas, à hauteur de 6,8 à
11,4 litres par personne par an (Capacci et al, 2019).
Le programme national nutrition santé 2019-
2023 prévoit l’évaluation de l’impact de
la taxe
dans sa version actuelle
sur la diversification de l’offre, sur les ventes et les choix des
consommateurs
216
.
Les travaux de recherche et d’évaluation
en cours pourraient alimenter
d’éventuelles évolutions de la structure, du niveau et du périmètre des contributions
existantes. Les enseignements des expériences européennes, qui vont pour certaines au-delà
de la taxation des boissons (par exemple, en Hongrie ou au Danemark) pourraient également
guider cette réflexion.
Constat 23 : La spécificité de la fiscalité nutritionnelle existante, à savoir en France les
contributions sur les boissons sucrées et les boissons édulcorées, doit être préservée,
la TVA ne constituant pas un substitut pertinent.
214
Etilé F, Lecocq S, Boizot-Szantai C., (2018), « The incidence of soft-drink taxes on consumer prices
and welfare: evidence from the French “soda tax”
». HAL PSE Working Papers.
215
Capacci S, Allais O, Bonnet C, Mazzocchi M., (2019), « The impact of the French soda tax on prices and
purchases. an ex post evaluation ». PLoS One ; 14(10).
216
Des travaux de recherche sont en cours sur le sujet.
- 81 -
3.
En raison de ses spécificités, la TVA ne constitue pas une solution
pérenne au double défi que sont la réduction des émissions de gaz à
effet de serre et la protection du pouvoir d’achat des plus modestes
3.1.
Selon la théorie économique et les études empiriques, la tarification
carbone constitue l’outil le plus efficace pour décarboner l’économie
3.1.1.
D’après la littérature économique, la tarification carbone est un outil nécessaire
pour accompagner
la décarbonation de l’économie
S’il existe un large éventail de politiques publiques pour lutter efficacement contre le
changement climatique, une meilleure prise en compte du signal-prix du carbone fait
consensus parmi les économistes.
À ce titre, la fiscalité énergétique constituerait un outil de
choix pour inciter les ménages à réduire leur consommation en énergies carbonées.
En effet, comme le soulignait le rapport Stern sur l’économie du changement climatique en
2006
217
, «
le changement climatique constitue la plus grande faille de marché que le monde ait
jamais connue
». Dans une logique pigouvienne (cf. rapport particulier n° 4), une tarification du
carbone, et
a fortiori
, une augmentation de la fiscalité sur les énergies carbonées, permettraient
de mettre fin à cette défaillance. Un
e telle mesure présente l’avantage d’indiquer aux
producteurs comme aux consommateurs le coût social de l’émission d’une tonne de CO
2
afin
d’orienter leur comportement vers l’optimum social. En se privant d’un tel outil, le législateur
serait contraint d’i
mposer une multitude de choix technologiques et de normes contraignantes,
non nécessairement optimales, pour parvenir au même objectif
218
. En particulier, de telles
mesures pourraient conduire à écarter des technologies innovantes non encore identifiées ou
i
nventées au moment de l’élaboration de ces normes.
La tarification carbone peut reposer sur une taxe sur le carbone dont le niveau est
fixé par l’État
ou par un système de marché
pour lequel le volume d’émissions est déterminé par les États
(
cf
.
SEQE-UE présenté en partie 2.4.3.1). La taxation du carbone peut notamment passer par une
augmentation de la fiscalité sur les énergies fossiles. À cet effet, la première stratégie nationale
bas carbone (SNBC) prévoyait une hausse progressive de la « composante carbone » des taxes
intérieures de consommation sur les énergies de 22
€/tCO2 en
2016 à
100 €/tC02 en
2020.
217
N. Stern (2006), « Stern Review on the Economics of Climate Change ».
218
O. Blanchard et J. Tirole (2021), « Les grands défis économiques », France Stratégie.
- 82 -
3.1.2.
Les études empiriques confirment l’efficacité de la fiscalité énergétique pour
réduire la consommation des ménages en énergies carbonées
De nombreuses études empiriques confirment l’efficacité d’une hausse de la fiscalité
énergétique sur la baisse de la consommation des ménages en énergies carbonées, en
particulier des carburants.
S’agissant des carburants, la littérature empirique estime que l’élasticité prix de long terme se
situe entre -0,5 et -1,2
219
. Autrement dit, une hausse de 10 % des prix du carburant se traduit,
à long terme, par une baisse comprise entre 5 % et 12 % de la consommation de carburant. Par
ail
leurs, l’élasticité de long terme serait trois fois supérieure à celle de court terme
220
.
En outre, les consommateurs seraient plus sensibles à une hausse de la fiscalité qu’à une hausse
de prix du sous-jacent. Andersson (2019)
221
estime que la réaction des consommateurs à une
hausse des taxes est trois fois plus importante que celle associée à la hausse de prix du sous-
jacent. Rivers et Schauele (2015)
222
estime que ce ratio pourrait même atteindre 4,9 d’après
une étude conduite sur des données canadiennes. Deux hypothèses peuvent expliquer cette
différence de réactions :
une variation induite par une taxe serait plus visible pour le consommateur dans la
mesure où cette hausse fait l’objet d’une forte attention médiatique
;
le consommateur perçoit une hausse de taxe comme plus durable et moins volatile
qu’une augmentation des prix des énergies primaires sur les marchés. Il serait alors
davantage incité à tenir compte de cette hausse dans s
es décisions d’investissement de
long terme.
La réforme de 1991 de la
fiscalité suédoise montre, par ailleurs, l’efficacité plus
importante d’une taxe carbone sur les énergies, par rapport à une hausse de la TVA sur
la consommation d’énergies carbonées
.
Dans le cadre d’une réforme fiscale d’envergure, ce pays a instauré sim
ultanément une TVA et
une taxe carbone sur l’ensemble des énergies. Initialement fixée à 27
€ par tonne, cette
dernière a atteint 108
€ en 2009 et 120
€ en 2018. Les recettes générées par cette réforme ont
été redistribuées sous la forme de baisses d’impôt
s sur le revenu et sur les sociétés ainsi que
des cotisations sociales. D’après Andersson (2019), cette réforme aurait conduit à une baisse
de 12,5 % des émissions du secteur du transport sur la période 1990-2005. Par ailleurs,
l’auteur distingue la part d
e la baisse des émissions attribuable à la hausse de la TVA de celle
attribuable à la hausse de la taxe carbone. L’élasticité associée à la TVA serait de 0,51 contre
1,57 pour la taxe carbone. Selon l’auteur, ce résultat pourrait s’expliquer par la différe
nce
d’effet sur les prix
, associée à une hausse de la TVA et à la taxe carbone. En effet, la mise en
place de la taxe carbone est associée à une trajectoire haussière à moyen et long terme, tandis
que la mise en place de la TVA s’est traduite
seulement par une hausse des prix des carburants
lors de son introduction.
Ainsi, les études théoriques comme empiriques
montrent l’efficacité de la fiscalité
énergétique pour réduire la consommation en énergies carbonées.
219
Labandeira, Xavier, Labeaga, Jose and López-Otero, Xiral, (2017), « A meta-analysis on the price
elasticity of energy demand », Energy Policy, 102, issue C, p. 549-568
220
Ibid.
221
Andersson, Julius J. (2019), « Carbon Taxes and CO
2
Emissions: Sweden as a Case Study ». American
Economic Journal: Economic Policies.
222
Rivers, Nicholas and Schaufele, Brandon, (2015), « Salience of carbon taxes in the gasoline market »,
Journal of Environmental Economics and Management, 74, issue C, p. 23-36.
- 83 -
3.1.3.
La hausse de la taxation des énergies carbonées suppose un niveau suffisant
d’acceptabilité sociale
Si l’efficacité économique de la fiscalité énergétique n’a pas été remise en cause, la
trajectoire haussière de la « composante carbone » de la fiscalité des énergies fossiles a
été gelée à la suite des protestations sociales des gilets jaunes.
Le mouvement social a mis
au premier plan la question de l’acceptabilité sociale face à celle de l’efficacité économique. À
la suite de la suspension de la trajectoire haussière de la fiscalité sur le carburant en 2019, la
version révisée de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), de mars 2020, ne prévoit plus de
hausse de la fiscalité sur les énergies carbonées, pas plus que les 150 propositions issues de la
Convention Citoyenne pour le Climat
223
. Depuis 2019, le gouvernement a ainsi renoncé à faire
de la fiscalité des énergies fossiles l’un des principaux instruments pour lutter contre le
réchauffement climatique, préférant agir sur la réglementation et le soutien financier aux
ménages et aux entreprises pour décarboner respectivement leur mode de vie et la
production
224
.
En 2022, un des rapports particuliers du CPO portait sur « le consentement à fiscalité
environnementale », faisant de cette thématique une priorité. Celui-ci identifie deux principaux
facteurs de résistance à la fiscalité environnementale. Le premier serait la modification
objective de l’équilibre socio
-
économique en lien avec les effets régressifs d’une hausse de
fiscalité énergétique. Le second serait relatif à la perception de l’efficacité de ce
type de taxes
par le contribuable, pour lequel, la taxe carbone apparaîtrait comme une fiscalité de rendement
en l’absence d’alternatives à la consommation d’énergies fossiles.
Pour autant, comme rappelé dans le rapport sur « les grands défis économiques », issu de la
commission internationale présidée par Olivier Blanchard et Jean Tirole publié en juin 2021,
la tarification écologique reste un outil indispensable pour atteindre nos objectifs climatiques.
Pour faciliter l’acceptabilité sociale de cet outil
, il apparaît ainsi indispensable de
prévoir une redistribution d’une partie des recettes de la hausse des prix carbone afin,
d’une part, de soutenir financièrement les ménages les plus vulnérables et, d’autre part,
de réduire le prix des alternatives aux énergies carbonées.
En dépit de cet objectif structurel, la crise énergétique a conduit les gouvernements à
mettre en œuvre des mesures visant à contenir la hausse des prix des énergies.
223
À l’exception d’une hausse des taxes sur le carburant pour l’aviation de loisir.
224
Voir le Rapport annuel 2021 du Haut Conseil pour le Climat qui dresse la liste des mesures mises en
œuvre face au réchauffement climatique.
- 84 -
3.1.4.
La
hausse des prix de l’énergie
a conduit de nombreux gouvernements à mettre
en place, de manière temporaire, des mesures visant à protéger le pouvoir
d’achat des ménages
en contenant ces hausses de prix
3.1.4.1.
La hausse inédite du prix de l’énergie depuis début 2021 pèse davantage sur le
pouvoir d’achat des ménages les plus mode
stes
La hausse des prix de l’énergie depuis le début de l’année 2021, qui s’élève à 11
%
225
pour l’électricité, 32
% pour les carburants et 84 % pour le gaz à fin octobre 2022, pèse
davantage sur les ménages modestes.
En octobre 2022, les prix à la consommation du gaz
et de l’électricité ont atteint des niveaux inédits après des hausses respectivement
de +94 % et
de + 26 %, par rapport à 2017, en tenant compte des mesures gouvernementales détaillées
dans la partie 3.3.1 (
cf
. graphique 25). Quant aux carburants, le prix moyen à la consommation
est en baisse depuis juin 2022, mais aurait connu une hausse de 32 % par rapport à 2017. Cette
hausse, initiée début 2021 sous l’effet
de la reprise économique
post
covid-
19, s’est fortement
accélérée en mars 2022 à la suite d
u déclenchement de la guerre en Ukraine. D’après les
marchés des produits dérivés (« futures
»), les prix de l’énergie se maintiendraient à un niveau
élevé, au moins
jusqu’en 2025 pour le gaz et jusqu’à fin 2023 pour le pétrole
226
.
Graphique 25
: Évolution des prix à la consommation de l’énergie depuis 2017 (base 100 en 207)
Source : Insee.
225
Indice des prix à la consommation, Insee.
226
Source : ICE Futures Europe.
80
100
120
140
160
180
200
2017-01
2017-03
2017-05
2017-07
2017-09
2017-11
2018-01
2018-03
2018-05
2018-07
2018-09
2018-11
2019-01
2019-03
2019-05
2019-07
2019-09
2019-11
2020-01
2020-03
2020-05
2020-07
2020-09
2020-11
2021-01
2021-03
2021-05
2021-07
2021-09
2021-11
2022-01
2022-03
2022-05
2022-07
2022-09
Electricité
Gaz
Carburants
- 85 -
La composition du panier de consommation des ménages diffère selon leur niveau de
revenu (
cf
. partie 1.2).
Les dépenses d’énergie, y compris de carburant, représentent
ainsi 12,7 % des dépenses de consommation des ménages du premier décile de niveau de vie,
contre 9,5 % pour le dernier décile. Dès lo
rs, la hausse des prix de l’énergie se répercute
davantage sur les ménages les plus modestes. D’après l’Insee
227
, en tenant compte des mesures
tarifaires décidées par le gouvernement, entre le 2
ème
trimestre 2021 et 2
ème
trimestre 2022,
l’augmentation des prix de l’énergie est équivalente à 3,4 points de la consommation des
ménages appartenant aux trois premiers déciles de niveau de vie, contre 2,7 points pour le
dernier décile.
En conséquence, les ménages avec de faibles revenus ont été contraints d’ajuster
davantage leur consommation à la baisse.
À partir de données de cartes bancaires sur un
échantillon de clients du Crédit Mutuel Alliance Fédérale, l’Insee a pu mesurer ces
évolutions
228
. Les ménages appartenant au premier quintile de niveau de vie et ayant des
dépenses élevées d’énergie
229
ont augmenté leur consommation de carburant et d’énergie en
valeur de 10 % sur un an, en juillet 2022, tandis que les prix ont progressé de 30 % sur la même
période, soit une consommation en volume en baisse de 18 %. En comparaison, cette baisse est
en moyenne de 13 % pour l’ensemble des ménages
230
.
3.1.5.
Les mesures de régulation des prix brouillent le signal prix et doivent
progressivement être remplacées par un soutien plus ciblé
Si dans un premier temps des mesures de régulation des prix ont pu se justifier, les
interventions doivent désormais cibler les ménages modestes, tout en contribuant à accélérer
le déploiement de sources d’énergie alternatives.
La flambée des prix de l’énergie a conduit les gouvernements des principales
économies
de
l’OCDE à prendre des mesures pour protéger les ménages et les entreprises.
D’après
l’OCDE
231
, ces mesures représentent un financement total de 246 Md$ dont 169 Md$
au profit des énergies fossiles sur la période allant d’octobre 2021 à décembre 2
022.
En effet,
la plupart des mesures
232
visent à diminuer le prix de l’énergie, et constituent
implicitement une subvention aux énergies fossiles.
Ainsi, 20 des 27 Etats membres de
l’Union européenne ont eu recours à des baisses de TVA sur le gaz, l’électricité ou les
combustibles pour diminuer les prix (cf. rapport particulier n° 3). Ces mesures se sont le plus
souvent accompagnées de baisses des fractions d’accise sur les énergies. Dans un deuxième
temps, certains gouvernements ont mis en place des mesures ciblées de soutien aux revenus
des ménages
233
. L’OCDE justifie ce décalage temporel par les plus fortes difficultés rencontrées
par les gouvernements pour mettre en place un soutien ciblé.
227
«
La flambée des prix de l’énergie : un effet sur l’inflation ré
duit de moitié par le « bouclier tarifaire
» », Insee analyses, septembre 2022.
228
«
Avec l’inflation, une précarité financière en légère hausse, mais inférieure en août 2022 à son niveau
d’avant
-crise sanitaire », Insee analyses, octobre 2022.
229
Dont les dépenses mensuelles en énergie et carburant sont supérieures à 100 euros par adulte.
230
Cependant, cette baisse de la consommation ne constitue pas une estimation de l’élasticité de la
demande au prix dans la mesure où elle pourrait s’expliquer également par d’autres facteurs.
231
« Pourquoi les gouvernements devraient cibler le soutien dans un contexte de prix élevés de
l'énergie ? », OCDE, juillet 2022.
232
66 % de la valeur totale des aides.
233
Qui représentent 33
% de la valeur totale des aides au sein de l’OCDE.
- 86 -
À court terme, des mesures visant à baisser les prix sont pertinentes dans un contexte
de forte hausse des prix de l’énergie afin de réduire l’inflation et ses anticipations
234
.
Blanchard et Pisany-Ferry (2022)
235
recommandaient ainsi de baisser temporairement les
taxes sur l’énergie. En effet, ces mesures d’urgence permettent d’atténuer les anticipations
inflationnistes par une action massive du gouvernement directement ressentie par les
ménages. À cet égard, une politique budgétaire visant à réduire les prix de l’énergie pourrait
être plus efficace qu’une hausse des
taux directeurs des banques centrales qui ne permet pas
de lutter contre l’inflation importée
236
.
Cependant, en brouillant le signal prix, ces mesures ne permettent pas d’ajuster la demande
aux contraintes d’offre et peuvent, sous certaines conditions, acce
ntuer le risque de pénuries
et les pressions inflationnistes associées
237
. De plus, elles contribuent à décourager certains
investissements verts des ménages et des entreprises. Quant au coût pour les finances
publiques, il est mécaniquement plus élevé pour un dispositif non ciblé qui tend à bénéficier
également aux gros consommateurs, susceptibles d’appartenir aux derniers déciles de la
distribution des revenus. En cela, les mesures de régulation des prix conduisent vers une
impasse à moyen terme.
À l’invers
e, les prestations ou transferts monétaires sous condition de ressources ne
modifient pas le signal prix et incitent aux économies d’énergie, et
par voie de
conséquence à la baisse des émissions de GES, tout en protégeant les ménages
modestes
238
. Par ailleurs, le coût budgétaire de ces mesures étant plus faible, leur soutenabilité
peut permettre de protéger les ménages vulnérables sur un temps plus long, par rapport aux
mesures non ciblées. Cependant, le revenu ne constitue pas la seule variable prédictive des
effets redistributifs d’une hausse des prix de l’énergie. En particulier, pour un décile de revenu
donné, les effets distributifs varient sensiblement selon le lieu d’habitation (rural ou urbain),
le mode de chauffage et le mode de transport usuel
239
. Ainsi, les transferts monétaires doivent
également s’accompagner de mesures visant à réduire la dépendance aux énergies fossiles des
ménages vulnérables. Celles-ci peuvent notamment se matérialiser par des soutiens aux
investissements en faveur de la rénovatio
n énergétique et de l’adaptation des réseaux et
infrastructures aux technologies décarbonées
240
.
Constat 24
: Face à la hausse inédite des prix de l’énergie, des mesures visant à réduire
le prix de l’énergie
peuvent être envisagées de manière temporaire. Elles doivent
néanmoins être complétées par des mesures ciblées sur les ménages les plus
vulnérables et ne pas altérer le signal prix à moyen terme.
234
Aparicio, D. et A. Cavallo (2021), « Targeted Price Controls on Supermarket Products », The Review
of Economics and Statistics vol. 103, n° 1, pp. 60-71,
235
Jean Pisani-Ferry et Olivier Blanchard (2022), « Fiscal support and monetary vigilance: Economic
policy implications of the Russia-Ukraine war for the European Union », PIIE Policy Brief 22/5, Avril
2022.
236
Ibid.
237
Vaitilingam, R. (2022), « Inflation, market power, and price controls: Views of leading economists »,
VoxEU
238
Bethuyne, G. et al. (2022), Targeted income support is the most social and climate-friendly
measure for mitigating the impact of high energy prices, VocEU
239
"The Vertical and Horizontal Distributive Effects of Energy Taxes: A Case Study of a French Policy,"
The Energy Journal, International Association for Energy Economics, vol. 0(Number 3), pages 231-254.
240
« Pourquoi les gouvernements devraient cibler le soutien dans un contexte de prix élevés de
l'énergie ? », OCDE, juillet 2022.
- 87 -
3.2.
Par-delà la TVA, la fiscalité des énergies repose sur une structure
historique
d’accises
peu
cohérente
au
regard
des
objectifs
environnementaux de la France
3.2.1.
Le régime dual de TVA applicable à la fourniture d’énergies
devrait évoluer pour
se conformer au cadre juridique européen
Un régime dual de TVA (20 %/5,5 %) est appliqué aux différentes composantes de
l’offre de gaz, d’électricité et de chaleur par dérogation aux règles encadrant le
traitement des offres composites
(
cf
. encadré 16).
Un taux réduit de 5,5
% s’applique en effet
à certains abonnements aux réseaux de chaleur, de gaz, d’électricité donnant droit à une
fourniture d’énergie minimale, en application du B de l'article 278
-0
bis
du CGI :
s’agissant du gaz
naturel combustible
et de l’électricité, l'abonnement soumis au taux
réduit s'entend de la part fixe du tarif de livraison qui est facturée au client en
contrepartie de la mise à disposition permanente. En ce qui concerne l’électricité, le taux
réduit ne s’applique que lorsq
ue la puissance souscrite est inférieure ou égale
à 36 kilovoltampères (kVA) ;
s’agissant de la chaleur, il s’agit des abonnements relatifs aux livraisons d’énergie
calorifique, généralement fournie sous forme de vapeur d’eau ou d’eau chaude,
distribuée par réseaux, appelés communément « réseaux de chaleur » ou « réseaux de
chauffage urbain ». L'éligibilité au taux réduit est réservée aux réseaux dont la fourniture
d'énergie calorifique est facturée à une pluralité de clients finals.
Les fournitures de gaz
et d’électricité hors abonnement sont, quant à elles, soumises au taux
normal de TVA de 20 %. La part variable liée à la consommation de chaleur est elle aussi
soumise au taux normal, mais peut bénéficier du taux réduit à 5,5 % lorsque le réseau de
chaleur utilise plus de 50
% d’énergie renouvelable ou de récupération
241
.
Encadré 16
: Règle dérogatoire applicable aux abonnements de fournitures d’énergies
Les dispositions portant application du taux réduit aux abonnements constituent une règle
ad hoc
qui
déroge aux principes généraux de détermination du taux résultant de la lecture combinée de
l'article 257 ter du CGI et de l'article 278-0 du CGI relatifs au traitement des offres composites et fondés
sur l'unicité du taux et la non-prise en compte des éléments accessoires.
En particulier, il résulte de cette
règle ad hoc
qu’une fraction du prix de l'offre est susceptible de relever
d’un taux différent du reste du prix de l'offre lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies
:
•
cette fraction du prix versée par le consommateur prend la forme d'un abonnement qui s’entend
comme un montant indépendant de la quantité d’énergie fournie et constitue la part fixe du tarif de
livraison de l'électricité, du gaz naturel combustible ou de l'énergie calorifique ;
•
cette fraction du prix est l'un des éléments constituant la contrepartie d'une livraison d'électricité,
de gaz naturel ou d'énergie calorifique, à l'exclusion de tout autre élément (location ou mise à
disposition de matériels, prestations de services incluses dans l'offre).
Source : BOI-TVA-LIQ-30-20-20 du 23 mars 2022.
Du fait de l’existence d’un régime dual, la composante «
abonnement d’électricité d’une
puissance inférieure ou égale à 36 kVA », éligible au taux réduit de TVA de 5,5 %,
représente 16
%
de
l’assiette
totale
des
consommations
finales
d’électricité
,
mais
seulement 5 % des recettes afférentes (
cf
. graphique 26 et graphique 27).
241
B de l'article 278-
0 bis du code général des impôts, précisé par l’instruction BOI
-TVA-LIQ-30-20-20
du 23 mars 2022.
- 88 -
Graphique 26 : Assiettes des
consommations finales d’électricité soumise à la TVA selon la part
« fourniture » (variable) et « abonnement » (fixe)
Source
: Mission d’après les données 2019 –
2021 de la direction de législation fiscale.
Note de lecture
: La part hachurée, qui correspond aux abonnements d’électricité avec une puissance souscrite
inférieure ou égale à 36 kVA, est soumise au taux réduit de 5,5 %.
Graphique 27
: Recettes de TVA issues des consommations d’électric
ité selon la part
« fourniture » (variable) et « abonnement » (fixe)
Source
: Mission d’après les données 2019 –
2021 de la direction de législation fiscale.
Note de lecture
: La part hachurée correspond aux recettes de TVA liées aux abonnements d’électricité avec une
puissance souscrite inférieure ou égale à 36 kVA, soumis au taux réduit de 5,5 %.
En outre, le taux intermédiaire de TVA de 10
% s’applique
à la fourniture de bois de chauffage
et aux produits assimilés, en application du 3° bis de l'article 278 bis du CGI
242
.
242
D’après l’i
nstruction BOI-TVA-LIQ-30-10-20, cette catégorie « assimilés » recouvre les produits
agglomérés de la sylviculture qui sont destinés au chauffage et les déchets de bois destinés au chauffage.
82%
2%
16%
Fourniture d'électricité hors
abonnement
Abonnements d’électricité
(puissance > 36 kVA)
Abonnements d’électricité
(puissance < 36 kVA)
92%
3%
5%
Fourniture d'électricité hors
abonnement
Abonnements d’électricité
(puissance > 36 kVA)
Abonnements d’électricité
(puissance < 36 kVA)
- 89 -
Une mise en conformité du régime de TVA applicable aux énergies apparaît nécessaire
au plus tard d’ici
2030.
D’ici
le 1
er
janvier 2030, la directive du 5 avril 2022 impose de supprimer le taux réduit
de 5,5
% sur l’abonnement aux offres de gaz naturel (soit des recettes supplémentaires de
l’ordre de
350
M€
243
) et le bois de chauffage (+ 150
M€
244
).
En outre, il existe, dès maintenant, un risque de non-conformité du régime dual de TVA
appliqué aux deux composantes des offres de fournit
ure d’énergies à la jurisprudence
européenne. Si ces dernières étaient considérées comme constituant une prestation unique au
sens du droit de l’UE, un taux unique devrait leur être a
ppliqué (
cf
. encadré 17).
Encadré 17 : Encadrement par la jurisprudence européenne de la notion de « prestation
unique »
Selon la jurisprudence constante de la C
our de justice de l’Union européenne
245
, l’opération constituée
d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas
altérer la fonctionnalité du système de la T
VA. Il y a lieu de considérer qu’il existe une prestation unique
lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils
forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait
un caractère artificiel. Il importe dès lors de rechercher les éléments caractéristiques de l’opération en
cause pour déterminer si l’assujetti livre au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen,
plusieurs prestations principales distinctes ou une prestation unique.
Dans une décision du 8 mai 2003, Commission c/ France, C-384/01, la CJUE a jugé que la France pouvait
pratiquer un taux réduit sur les abonnements aux réseaux de gaz et d’électricité, mais un taux normal
pour les
fournitures de gaz et d’électricité hors abonnement. La Cour a constaté que la Commission
n’avait pas rapporté la preuve que l’application de ce taux réduit à un seul aspect de la fourniture de gaz
et d’électricité enfreignait le principe de la neutralité
fiscale, sans pour autant aborder la question de
savoir
s’il
existait
une
prestation
unique.
Partant,
la
CJUE
a
réaffirmé,
dans
un
arrêt
du 18 janvier 2018
246
, qu’aucune conclusion ne saurait être tirée de cet arrêt quant à une éventuelle
possibilité d’appliquer un taux distinct de TVA à des éléments distincts d’une prestation unique.
Source : Rapporteurs.
Tableau 13 :
Gain ou coût par rapport à la situation actuelle (en M€)
Composantes de l’offre
20 %
10 %
5 %
Consommations d'électricité (puissance <
36 kVA)
-2 450
-3 600
Consommations d'électricité (puissance >
36 kVA)
-350
-500
Abonnements d’électricité (puissance <
36 kVA)
800
250
Abonnements d’électricité (puissance >
36 kVA)
-80
-120
Sous-total électricité
800
-2 630
-4 220
Abonnement réseau chaleur (renouvelable
ou non)
70
20
Consommation réseau chaleur renouvelable
70
20
Consommation réseau chaleur non
renouvelable
-10
-15
243
Estimation de la direction de la législation fiscale, d’après les données 2019
-2021.
244
Ibid.
245
Arrêts du 10 mars 2011, Bog e.a., C‐497/09, C‐499/09, C‐501/09 et C‐502/09, EU:C:2011:135
; arrêt
du 10 novembre 2016, Baštová, C‐432/15, EU:C:2016:855, point 7
0 ; arrêt du 18 janvier 2018, Stadion
Amsterdam CV contre Staatssecretaris van FinanciënC‐463/16, ECLI:EU:C:2018:22.
246
Arrêt du 18 janvier
2018, Stadion Amsterdam CV contre Staatssecretaris van FinanciënC‐463/16,
ECLI:EU:C:2018:22.
- 90 -
Composantes de l’offre
20 %
10 %
5 %
Sous-total chaleur
140
30
-15
Total
940
-2 600
-4 235
Source :
Rapporteurs d’après les analyses réalisées par la direction de législation fiscale pour reconstituer les assiettes
fiscales à partir de données 2019-2021 auxquelles sont appliqués des coefficients de vieillissement.
Un tel réaménagement pourrait
être envisagé dans le cadre d’une réforme en profondeur de la
fiscalité des énergies, en particulier des accises (
cf
. section 3.4.2).
3.2.2.
La fiscalité des énergies repose sur différents tarifs
d’accises
qui ne sont pas tous
cohérents avec les objectifs environnementaux de la France
3.2.2.1.
Complexe, la fiscalité des énergies est désormais composée à 90
% de l’accise
subdivisée en cinq fractions
Outre
la TVA,
p
lusieurs types d’impositions particulières frappent les énergies, à
savoir (
cf
. tableau 14) :
l’accise (40
Md€ en
2020, soit 90 % des recettes de la fiscalité des énergies hors TVA)
subdivisée
en cinq fractions
247
regroupant
les
anciennes
«
taxes
intérieures
de
consommation
»
248
(
cf
. encadré 18). Les trois principales fractions sont celles perçues sur
les produits utilisés comme carburant ou combustible de chauffage
, sur l’électricité et
sur le gaz (
cf
. tableau 15) ;
la
taxe
incitative
relative
à
l'utilisation
d'énergie
renouvelable
dans
les
transports (TIRUERT)
. Là où l’accise ne permet que marginalement de discriminer
deux
produits relevant de la même catégorie, la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie
renouvelable dans le transport (TIRUERT)
249
est une taxe pigouvienne ayant pour objet
de favoriser certains produits par rapport à d’autres au regard de leur c
ontenu en
carbone. Depuis 2017, plusieurs modifications ont été apportées pour élargir le champ
et la portée de la TIRUERT
250
;
les autres taxes ayant un lien avec la consommation effective
251
(2
Md€ en
2020)
247
Fraction perçue sur l’
électricité, fraction perçue sur les gaz naturels, fraction perçue en métropole
sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons, fraction perçue en outre-mer
sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons et fraction perçue sur les
charbons).
248
TICF
E (taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité), TCCFE (taxe communale sur la
consommation finale d’électricité), TDCFE (taxe départementale sur la consommation finale
d’électricité), TICGN (taxe
intérieure de consommation sur le gaz naturel, TICC (taxe intérieure de
consommation sur les houilles, lignites et coques), TICPE (taxe intérieure de consommation sur les
produits énergétiques), TSC (taxe spéciale de consommation).
249
La taxe incitative re
lative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport (TIRUERT), prévue
par l’article 266 quindecies du code des douanes, constitue une taxe à finalité spécifique telle que définie
au 2 de l’article 1
er
de la directive 2008/118/CE relative au rég
ime général d’accise. Elle fixe un objectif
d’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport au
-delà duquel le montant dû au titre de cette taxe
est nul pour le redevable.
250
Par exemple, les taux cibles d’incorporation d’énergie renouvelable ont été
progressivement
augmentés, de 2017 à 2023, de 2 % pour les essences et de 0,9 % pour les gazoles. L’électricité utilisée
pour l’alimentation de véhicules au moyen des bornes de recharge publiques est prise en compte depuis
le 1er janvier 2022, de même que,
à compter de 2023, l’hydrogène renouvelable utilisé dans les
processus de production de carburants ou pour alimenter les véhicules.
251
Contribution tarifaire d’acheminement et contribution au fonds d’amortissement des charges
d’électrification.
- 91 -
ainsi que les taxes en lien avec la production
d’énergie (1,9
Md€ en
2020).
Tableau 14 : Panorama des taxes sur les énergies, en dehors de la TVA, en 2020
Dénomination
Rendement 2020
(en M€)
Part dans le
rendement
Accise sur les énergies
40 098
91 %
Dont fraction perçue en métropole sur les produits
énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons
28 512
65 %
Dont fraction perçue en outre-mer sur les produits
énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons
502
1 %
Dont fraction perçue sur les gaz naturels
2 190
5 %
Dont fraction perçue sur les charbons
10
0 %
Dont fraction perçue sur l'électricité
8 884
20 %
Taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable
dans les transports (TIRUERT)
1
0 %
Contribution tarifaire d’acheminement
1 665
4 %
Contribution au fonds d’amortissement des charges
d’électrification
375
1 %
Autres taxes en lien avec la production d’énergie
1 922
4 %
Total
44 061
100 %
Source : Direction de la législation fiscale.
Tableau 15 : Évolution des trois principales fractions des accises en montant (en Md
€)
entre 2020 et 2022
Fraction
Exécution
2020
Exécution
2021
Prévision
2022
Fraction perçue en métropole sur les produits
énergétiques autres que les gaz naturels et les
charbons
28,5
32,0
32,0
Fraction perçue sur l'électricité
7,4
7,4
2,6
Fraction perçue sur les gaz naturels
2,2
2,3
2,4
Source : Tomes I des voies et moyens annexés au projet de loi de finances pour 2022 et 2023.
Encadré 18 : Les travaux de simplification des concepts de fiscalité des énergies
L’article
184 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a prévu le dispositif de
recodification du régime général d'accise. L’ordonnance n° 2021
-1843 du 22 décembre 2021 qui en
découle a créé les articles législatifs du nouveau code des impositions sur les biens et services (CIBS)
252
.
Ces travaux ont modernisé les différents concepts afférents à la fiscalité des énergies afin de faciliter la
conduite des politiques
publiques et d’en assurer la cohérence avec le droit de l’UE.
Depuis le 1
er
janvier 2022, sont désormais distingués deux principaux impôts énergétiques sur la
consommation, à savoir l’accise et la taxe incitative
:
•
la première, qui est une taxe de rendement regroupant les anciennes « taxes intérieures de
consommation », répartit la charge fiscale entre les grandes catégories de produits et ne permet que
marginalement de discriminer deux produits relevant de la même catégorie. La seconde, qui est une
taxe comportementale, a pour objet de favoriser certains produits par rapport à d’autres au regard
de leur contenu en carbone ;
•
les niveaux de taxation de l’accise sont désormais tous exprimés dans la même unité
253
, afin qu’il
soit possible de comparer facilement les niveaux de taxation respectifs des différentes énergies. Les
252
Les dispositions législatives relatives aux accises sont prévues au titre Ier du livre III du CIBS et celles
spécifiques à la fiscalité des énergies sont prévues au chapitre II de ce titre Ier, de l’article L. 312
-1 à
l’article L. 312
-107. Certaines sont complétées par des dispositions réglementaires.
253
Le mégawattheure, qui mesure la quantité d’énergie contenue dans le produit et qui correspond à
100 litres de gazole.
- 92 -
dispositions relatives aux niveaux de taxation sont regroupées de manière consolidée dans le
nouveau code des impositions sur les biens et services (CIBS) pour un accès plus aisé ;
•
les différents niveaux de taxation sont désormais classés en distinguant les tarifs « normaux », les
tarifs « réduits » (en faveur de certaines activités économiques) et les tarifs « particuliers » (en
faveur de certains produits).
Parallèlement, une vingtain
e de régimes tarifaires devenus obsolètes et n’ayant qu’une incidence
mineure sur les acteurs économiques ont été supprimés ou remis en cohérence
254
.
Source : Direction de la législation fiscale ; code des impositions sur les biens et services (CIBS).
3.2.2.2.
Toute
comparaison des rendements des fractions d’accise et de la TVA doit être
réalisée avec précaution
Les cinq
fractions de l’accise sur les énergies, qui visent
à répartir la charge fiscale entre les
grandes catégories de produits énergétiques, diffèrent de la TVA par plusieurs aspects.
D’abord, à
la différence de la TVA, les taxes sur les énergies sont acquittées par les fournisseurs
sur les livraisons qu'ils effectuent auprès de leurs clients consommateurs finals en France, et
par les producteurs qui les consomment pour leurs propres besoins.
Ensuite, le rendement des différentes
fractions d’accise dépend du volume de consommation
et du tarif fixé au niveau réglementaire par mégawattheure (MWh), et non des prix de vente
finale des énergies,
comme c’est le cas pour la TVA. Par exemple, une augmentation des prix
des carburants en 2021 et 2022 a un effet haussier sur les recettes de TVA, mais non sur le
rendement de la fraction d’accise perçue
sur les produits utilisés comme carburant ou
combustible de chauffage. Ainsi, toute comparaison de rendement entre la TVA et les accises
doit être analysée avec précaution, en raison des effets conjoncturels et structurels.
Les rapporteurs ont réalisé une comparaison partielle pour l’électricité
sur l’ann
ée 2021,
montrant un rendement légèrement supérieur de la fraction
d’accise
par rapport à la TVA.
Graphique 28
: Comparaisons entre les rendements des fractions d’accise et de la TVA sur
l
’électricité en 2021
(en Md€)
Source : Rapporteurs, sur la base du tome I des voies et moyens annexés au projet de loi de finances pour 2023 et des
estimations réalisées par la direction de la législation fiscale pour les recettes de TVA.
254
Par exemple, la différence de tarif d’accise entre le GPL routier et le GPL non
-routier a été supprimée.
7,4
6,1
0
2
4
6
8
10
12
14
16
Electricité
Fraction d'accise
TVA
- 93 -
3.2.2.3.
La structure des accises reste marquée par une absence de corrélation entre la
charge
fiscale
sur
les
produits
énergétiques
et
leur
contribution
au
réchauffement climatique
La taxation des énergies est strictement encadrée par le droit européen (base imposable,
structure de taxation, tarifs minima, exonérations)
255
, de sorte que la structure nationale est
fondée sur deux principes :
la primauté du critère d’usage sur la nature du produit
: les produits utilisés dans des
moteurs (dits « carburants »), les produits utilisés pour produire de la chaleur (dit
« combustibles »
) et l’électricité sont taxés indépendamment les uns des autres
;
les produits sont assignés à une « catégorie fiscale » (cinq pour les carburants, six pour
les combustibles et trois pour l’électricité)
256
. Chaque catégorie fiscale correspond à un
niveau de taxation,
et tous les produits d’une même catégorie sont taxés au même niveau.
Des tarifs réduits (concernant des utilisations particulières, par exemple au bénéfice
d’un secteur d’activité) ou des tarifs particuliers (en faveur de certains prod
uits, par
exemple une liste de biocarburants nommément identifiés) peuvent s’appliquer.
Le tableau 16 présente les données relatives aux principales catégories fiscales.
Tableau 16 : Données relatives aux principales catégories fiscales
Catégorie
fiscale
Carburants
Combustibles
Électricité
Gazoles
Essences
Autres
Gaz
naturel
Fioul
domestiqu
e
Autres
Ménages
et TPE
PME
Autres
entreprises
Quantités
2019 (TWh)
465
100
90
350
65
35
210
50
180
Tarif normal
2022
(€/MWh)
59,40
76,83
< 17
8,45
15,62
< 16
32,5
25,8
22,5
Source : Direction de la législation fiscale (DLF) ; code des impositions sur les biens et services.
La structure
de l’accise sur
l’énergie se caractérise par un niveau de taxation élevé de
l’électricité par rapport aux énergies fossiles, ainsi qu’un écart
important entre l’énergie
utilisée pour le chauffage et celle utilisée pour les transports.
Le niveau de taxation effective de l’électricité, défini comme le montant de taxe par MWh
257
,
apparaît comparativement élevé par rapport aux combustibles, soit une structuration
incohérente au regard des objectifs de décarbonation (
cf
. graphique 29). Il a en effet été
privilégié, jusqu’alors, de faire financer le système électrique (péréquation territoriale,
électricité renouvelable
etc.
) par les consommateurs d’électricité. L’électricité est également
davantage taxée que les carburants (essence, GP
L et biocarburants) à l’exception du gazole.
255
Toutefois, malgré de nombreuses mises en conformité récentes, d’initiative gouvernementale ou
résultant de contentieux, certains dispositifs nationaux restent non conformes au droit européen,
notamment le niveau du tarif réduit sur le gazole consommé par les taxis, les tarifs particuliers en faveur
des biocarburants, les majorations régionales sur les essences et le gazole.
256
Le droit européen fixe une liste non exhaustive des produits appartenant à chaque catégorie. Les
autres produits sont assignés selon
un principe dit d’équivalence fondé sur un critère de substituabilité
dans l’utilisation.
257
Largement atténuée (mais pas annulée) pour les industries fortement consommatrices du fait de
tarifs réduits.
- 94 -
Graphique 29
: Niveau de taxation effective des différentes sources d’énergie
Source :
Service des données et études statistiques du ministère de l’environnement, 2019.
Cette
structure de taxation n’a pas été sensiblement modifiée par le mouvement de
hausse des tarifs d’accise sur les énergies autres que l’électricité intervenues à partir
de 2014, autrement appelé « hausse de la composante carbone
»
258
. Bien que la loi de
finances pour 2018 ait prévu
des hausses successives jusqu’à 2022, seule celle prévue
début
2018 a été mise en œuvre. Le Gouvernement a renoncé aux augmentations suivantes en
raison des contestations sociales des gilets jaunes.
Les hausses intervenues entre 2014 et 2017, puis en 2018, ont globalement conduit à une
augmentation quasi-uniforme des tarifs de taxation des différents produits énergétiques
autres que l’électricité (
cf
. tableau 17
). Ce mouvement de hausse n’a que marginalement
modifié la structure de taxation historique.
Tableau 17 :
Synthèse des évolutions des tarifs d’accise sur les éner
gies liées à la « hausse de la
composante carbone » entre 2014 et 2017, et en 2018
€/MWh
259
Entre 2014 et 2017
En 2018
Tarif actuel
Hausse
Rendement
(M€)
Hausse
Rendement
(M€)
Gazole carburant
+10,23
3 300
+6,33
2 050
60,75
Essence carburant
+4,93
250
+3,62
180
76,52
Gaz naturel combustible
+4,69
1 250
+2,55
680
8,43
Fioul domestique
+6,23
400
+3,73
240
15,62
GPL combustible
+0
0
+5,19
260
110
5,19
Source : Direction de la législation fiscale.
258
Cette « composante », également qualifiée de « taxe carbone
», n’a aucune existence juridique, et ne
conduit que marginalement à favoriser les énergies décarbonées. Celle-ci conduit essentiellement à
répartir les hausses de tarifs entre catégories de produits non substituables en fonction des émissions à
la combustion.
259
Pour le gazole et le fioul domestique 1 MWh = 100 L
; pour l’essence, 1
MWh = 112,5 L ; pour le GPL,
1 MWh = 78 kg.
260
Correspond à la suppression de l’exonération existant préalablement pour ce produit.
323
299
202
99
76
59,4
30,07
9,34
74,57
13,4
0
10
20
30
40
50
60
70
80
0
50
100
150
200
250
300
350
Gazole, y compris
bio incorporé (TWh)
Électricité (TWh)
Gaz naturel, y
compris bio injecté
(TWh-PCi)
Essence, y compris
bio incorporé (TWh)
Combustibles
pétroliers (TWh)
Assiette (TWh Pci)
Taxe (€/MWh)
- 95 -
La trajectoire des tarifs d’accise initialement envisagée a été bousculée par la succession
de crises récentes.
Après deux reports, la suppression à venir du tarif réduit d’accise sur le gazole non
routier
(GNR) n’interviendra pas avant
2024 pour un coût annuel estimé à 0,8
Md€
261
. La loi
de finances pour 2019 a organisé la suppression du tarif réduit de 18,82
€/MWh (contre
60,75
€/MWh pour le tarif normal) dont bénéficie le
GNR (utilisé essentiellement par les
entreprises du bâtiment et des travaux publics
262
). Une suppression progressive était
initialement prévue entre 2020 et 2022. En raison de la crise sanitaire, puis de la guerre
en Ukraine, cette mesure a été reportée à trois reprises. La loi de finances rectificative
du 16 août 2022 a reporté cette mesure de suppression au 1
er
janvier 2024.
En outre, depuis le 1
er
février 2022, le « bouclier tarifaire »
abaisse les tarifs d’accise sur
l’électricité au niveau des seuils minimaux européens. Pour une durée d’un an, un dispositif de
minoration des tarifs de l
’accise sur l’électricité a été mis en œuvre en vue de contenir la hausse
des prix de l’électricité à 4
% du tarif réglementé de vente de l’électricité applicable
au 1
er
août 2021.
Constat 25 : Peu affectés par le mouvement interrompu de hausse de la « composante
carbone », les tarifs des accises ne permettent pas de corréler la charge fiscale à la
contribution au réchauffement climatique des différentes sources d’énergie.
3.3.
À court terme, une baisse temporaire de la TVA sur l’énergie n’est pas
la
mesure la plus efficace pour faire face au choc énergétique
3.3.1.
Le bouclier tarifaire mis en place par le g
ouvernement a protégé l’ensemble des
ménages face à la hausse des prix de l’énergie
3.3.1.1.
Les mesures mises en place par le gouvernement ont limité la hausse des prix de
l’énergie et souten
u les ménages les plus vulnérables
Face à la hausse des prix de l’énergie, le
gouvernement a mis en place des mesures visant à
baisser leur prix au consommateur, à soutenir le revenu des ménages vulnérables ainsi qu’à
inciter à la réa
lisation de travaux de rénovation énergétique et à l’achat de véhicules
électriques.
S’agissant des mesures visant à limiter la hausse des prix de l’énergie pour les ménages, le
gouvernement
a déployé un bouclier tarifaire sur les prix du gaz, de l’électri
cité et des
carburants :
261
Projet de loi de finances pour 2023.
262
La plupart des autres publics bénéficient de dispositifs particuliers du fait de leur exposition à la
concurrence internationale (manutention portuaire, extraction de minéraux industriels) ou de leur objet
(transport ferroviaire, aménagement des pistes de skis en montagne).
- 96 -
pour le gaz, le bouclier tarifaire prend la forme d’un gel des tarifs réglementés de
vente
(TRVg)
d’Engie
à
leur
niveau
du
mois
d’octobre
2021
et
jusqu’au
1
er
janvier 2023
263
. En avril 2022, le bouclier a été étendu
264
aux logements chauffés par
un chauffage collectif au gaz ou par un réseau de chaleur urbain utilisant le gaz naturel.
Pour 2023, le gouvernement a annoncé la prolongation de la mesure avec une hausse du
prix du gaz gelée à 15 %
265
;
pour l’électricité, la h
ausse
des
tarifs
réglementés
266
a
été
plafonnée
à 4 %
le 1
er
février 2022
267
. Ce bouclier tarifaire repose d’une part sur la baisse de la taxe
intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE)
268
et d’autre part
sur
l’augmentation du volume d'électrici
té nucléaire vendu à bas coût par EDF à ses
concurrents
269
. De même, l’augmentation des tarifs réglementés de vente de l’électricité
devrait être plafonnée à 15 % en 2023 ;
pour le carburant, le Gouvernement a introduit une remise sur les prix du carburant d
’un
montant de 18 ct
€
/l TTC à partir de fin mars 2022
270
. Cette remise a été portée à
30 ct
€
/l TTC
271
du
1
er
septembre
au 15 novembre 2022
et
à
10 ct
€
/l TTC
272
du 16 novembre au 31 décembre 2022.
Le coût du bouclier tarifaire sur le carburant est estimé à 7,6 Md
€ pour l’année 2022
273
. Quant
au bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, son coût net est évalué à 11 Md€ en 2022
et 16
Md€ pour 2023 pour les ménages et les entreprises
274
. Cependant, ces estimations
établies en septembre 2022 sont entourées d’une
grande incertitude en raison de la forte
volatilité des prix de l’énergie.
263
Décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fournis
par Engie et faisant application du dernier alinéa de l'article R. 445-5 du code de l'énergie.
264
Décret n° 2022-514 du 9 avril 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à
l'augmentation du prix du gaz naturel.
265
Projet de Loi de Finances pour 2023.
266
Tarifs « bleus » pour les consommateurs résidentiels, proposés par EDF et les entreprises locales de
distribution.
267
Arrêté du 28 janvier 2022 relatif aux tarifs réglementés de vente de l'électricité applicables aux
consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale.
268
Article 29 de la Loi de Finances Initiale pour 2022. Abaissement du tarif de
l’accise sur l’électricité au
minimum autorisé par le droit européen, soit 1
€/MWh.
269
Surcroit d’ARENH de 20
TWH, Articles 39 à 41 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant
mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
270
Décret n° 2022-423 du 25 mars 2022.
271
Décret n° 2022-1042 du 23 juillet 2022.
272
Décret n° 2022-1168 du 22 août 2022.
273
Loi de finances rectificative (LFR) pour 2022. Cette mesure ne tient pas compte de la prolongation de
15 jours de la remise à la pompe du 1
er
au 15 novembre.
274
Rapport Economique Social et Financier, annexe au PLF 2022. Ces estimations incluent les boucliers
gaz et électricité, les subventions aux entreprises énergo-intensives, les moindres charges de service
public de l’énergie et la hausse des
redevances hydroélectriques.
- 97 -
Les transferts monétaires ciblés sont portés principalement par le versement d’un chèque
énergie exceptionnel à 12 millions de ménages
275
pour un coût de 1,8 Md€
276
auquel s’ajoute
un chèque pour les ménages modestes se chauffant au fioul pour un montant de 230 M€
277
et
la révision du barème des indemnités kilométriques pour un montant de 0,4
Md€
278
(
cf.
tableau 18). Par ailleurs, les prestations sociales et les retraites ont été revalorisées de
manière anticipée pour faire face à l’inflation pour un montant de 6,7
Md€
279
, et une aide
exceptionnelle de rentrée a été versée pour un montant de 1,1
Md€.
Ainsi, le coût net de l’ensemble des mesures exceptionnelles annoncées à fin septembre 2022
pour soutenir les ménages et les entreprises pour faire face à l’inflation
en 2022 et 2023
s’élève
respectivement à 29,9 Md
€ et
à 18,9
Md€, dont respectivement 22,1
Md€ et 17,3
Md€ pour
faire à la hausse des prix de l’énergie. En 2022, un tiers de ces mesures en montant sont ciblées
vers les ménages modestes, soit un niveau identique à celui observé en moyenne dans l’OCDE.
Enfin, le gouvernement a étendu les dispositifs existants de soutien à la rénovation énergétique
et à l’achat de véhicules propres. Dans le cadre de MaPrimeRénov’, les forfaits relatifs
au
remplacement de systèmes de chauffage au gaz et au fioul vers un système renouvelable sont
majorés de 1 000
€
pour les ménages éligibles du 15 avril au 31 décembre 2022 pour un coût
de 0,4 Md€
280
. Par ailleurs, le bonus à l’achat d’un véhicule électrique a été prolongé à 6
000
€
en
juillet 2022 jusqu’à
décembre 2022 pour un montant de 0,4
Md€
281
.
Le tableau 18
résume les mesures du gouvernement pour faire face à l’inflat
ion, ainsi que de
leur impact sur le solde public.
Tableau 18 : Impact sur le solde public des mesures de soutien pour faire face à l'inflation
(annoncées à fin septembre 2022) (en
Md€)
Mesures
2021
2022
2023
Chèque énergie exceptionnel
0,5
1,8
-
Bouclier gaz - compensation aux fournisseurs de gaz
0,4
8,1
11,1
Bouclier gaz - stockage de gaz
-
1,4
-1,3
Bouclier électricité - baisse de la TICFE et de la TCCFE
-
7,4
9,4
Bouclier électricité - manque à gagner des fournisseurs
d'électricité
-
11,3
24,4
Remise sur les prix du carburant
-
7,6
-
Subvention aux entreprises énergo-intensives
-
1,5
1,5
Aides sectorielles
-
1,1
-
Barème kilométrique
-
0,4
0,4
Soutien aux ménages modestes chauffés au fioul
-
0,2
-
Report de la suppression de la niche sur le gazole non
routier (GNR)
-
-
0,8
Coût brut des mesures de soutien pour faire face à la
hausse des prix de l'énergie (Md€)
0,9
40,8
46,3
Moindres charges de service public de l'énergie (charges de
SPE)
-1,9
-18,4
-28
275
Dont le montant s’élève à 100
€ pour les ménages précédemment éligibles au chèque énergie, soit
5,8 millions de ménages et 100
€ pour les autres ménages.
276
PLFR II 2022.
277
LFR 2022.
278
Rapport Economique Social et Financier, annexe au PLF 2022.
279
Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
280
LFR 2022.
281
Ibid.
- 98 -
Mesures
2021
2022
2023
Hausse des redevances hydroélectriques
-0,1
-0,3
-1
Coût net des mesures de soutien pour faire face à la hausse
des prix de l'énergie (Md€)
-1,1
22,1
17,3
Indemnité inflation
3,8
-
-
Aide exceptionnelle de rentrée
-
1,1
-
Revalorisation anticipée des retraites et des prestations
-
6,7
1,6
Impact sur le solde public des mesures de soutien pour
faire face à l'inflation
2,7
29,9
18,9
Source : Rapport économique social et financier, annexe au PLF 2022.
3.3.2.
Le bouclier tarifaire a des effets macroéconomiques
importants sur l’inflation et
la croissance
L’ensemble des mesures constituant le bouclier tarifaire auraient permis de minorer
l’inflation de 2,1 points en 2022 et 3,6 points en 2023
, mais ne suffiraient pas à
maintenir le pouvoir d’achat des ménages en 2022 par rapport à 2021.
D’après l’OFCE
282
, le bouclier budgétaire sur les prix du gaz, de l’électricité et d
es carburants
permettrait de réduire l’inflation de 2,1 points en 2022 et
de 3,6 points en 2023 sans prendre
en compte les effets indirects et de second tour
283
. En 2022, cet effet peut se décomposer en
0,6
point attribuable à la remise carburant, 1 point au bouclier sur l’électricité, et 0,5 point au
bouclier sur le gaz. En 2023, l’effet est porté par la moindre hausse des prix de l’électricité
(contribution 2,7 points) et du gaz (contribution de 0,9 point). Cependant, malgré les mesures
budgétaires, le pouvoir d’achat par unité de consommation se replierait de
-0,6 % en 2022 et
de - 0,8 % en 2023. Par ailleurs, le bouclier tarifaire aurait des effets macroéconomiques
positifs en soutenant la croissance économique
via
la consommation des ménages. La
croissance serait de
1,7 point
284
supérieure à un scénario contrefactuel sans bouclier en 2022,
et permettrait ainsi d’amortir partiellement le coût budgétaire du bouclier.
Si le bouclier tarifaire a davantage profité aux ménages modestes, il ne suffirait pas à
neutraliser la différence de l’impact de la hausse sur les prix de l’énergie entre
les ménages
modestes et les ménages aisés
285
. Hors bouclier, la hausse des prix de l’énergie réduirait
de 6,9 points le niveau de vie des trois premiers déciles de niveau de vie contre 5,5 points pour
le dernier décile, soit une différence de 1,4 point. Après bouclier, la baisse de niveau de vie
serait respectivement de 3,4 points et 2,7 points soit une différence de 0,7 point. Cependant,
cette mesure ne tient pas compte du chèque énergie exceptionnel ciblé sur les quatre premiers
déciles.
Constat 26 : Les mesures mises en place par le Gouvernement pour faire face à la hausse
des
prix de l’énergie ont permis de réduire significativement l’inflation
, et de protéger
globalement le pouvoir d’achat des ménages.
282
E. Heyer et X. Timbeau, «
La croissance manque d’énergie, perspectives 2022
-
2023 pour l’économie
française
», Policy Brief de l’OFCE, octobre 2022.
283
Par exemple, certains professionnels bénéficient également du bouclier tarifaire sur le gaz et
l’électricité. Cette moindre hausse des prix de l’énergie se répercute pour partie sur les prix à la
consommation.
284
F. Langot et al., « Soutien à l'économie, maîtrise des finances publiques et lutte contre les inégalités :
le bouclier tarifaire est-il un bon instrument ? », communication
de l’Observatoire Macroéconomie du
CEPREMAP
285
«
La flambée des prix de l’énergie : un effet sur l’inflation réduit de moitié par le « bouclier tarifaire
» », Insee analyses, septembre 2022.
- 99 -
3.3.3.
Une réduction de la TVA
ne suffirait pas à limiter la hausse des prix de l’énergie
ni
à protéger le pouvoir d’achat des ménages les plus vulnérables
3.3.3.1.
Les effets d’une baisse de la TVA peuvent être comparés à ceux du bouclier
tarifaire et du chèque énergie
Les effets d’une baisse d
e la TVA peuvent être comparés aux deux principales mesures du
Gouvernement pour soutenir les ménages face à la hausse des prix de l’énergie
: le bouclier
tarifaire qui constitue la principale mesure de régulation des prix du gaz et de l’électricité, et le
chèque énergie qui apporte un soutien complémentaire ciblé sur les ménages modestes.
Pour mesurer les effets d’une baisse de la TVA de 20
% à 10
% sur le gaz et sur l’électricité
en 2022, deux scénarii sont étudiés par les rapporteurs :
scénario 1 : la b
aisse de la TVA sur l’électricité et le gaz s’applique dans un scénario
contrefactuel sans bouclier tarifaire. Ce scénario vise à comparer les effets du bouclier
tarifaire à celui d’une baisse de la TVA
;
scénario 2
: la baisse de la TVA s’applique à un sc
énario contrefactuel avec bouclier
tarifaire. Cette simulation vise à évaluer les effets d’une baisse de la TVA, si celle
-ci
s’appliquait en plus du bouclier tarifaire. Ce scénario permet de comparer les effets de
cette mesure aux outils de soutien complémentaire, et en particulier au chèque énergie.
Ces scénarii ont été simulés par le commissariat général au développement durable (CGDD) à
partir du modèle Prometheus (
cf
. encadré 19). Les hypothèses de prix avec et sans boucliers
tarifaires sont celles retenues dans le cadre de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant
mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat
286
. En outre, la baisse de TVA est
appliquée au prix de l’électricité et du gaz
, y compris accises, celles-ci étant également soumises
à la TVA. Des hypothèses d’évolution des prix du gaz et de l’électricité sont ainsi formulées pour
chaque scénario (cf. tableau 19). Dans le premier scénario, soit sans bouclier tarifaire, les
hausses du
prix de l’électricité et du gaz entre 2019 et 2022 seraient respectivement
de 48 %
et 105 %, et de 36 % et 88 % après réduction de 20 % à 10 % du taux de TVA.
286
Ces hypothèses sont par ailleurs cohérentes avec les hypothèses
de l’Insee relatives à l’effet du
- 100 -
Encadré 19 : Le modèle de micro-simulation Prometheus
Le modèle de microsimulation Prometheus du Commissariat général au développement durable,
s’appuie sur des données de l’Insee (enquête nationale logement, recensement de la population, comptes
nationaux, enquêtes revenus fiscaux et sociaux), du ministère de la transition écologique (enquête
nationale Transports et Déplacements, compte du Logement, comptes des Transports, bilan énergétique
de la France, base de données sur les prix des énergies de la DGEC et du SDES, enquête semestrielle sur
la transparence des prix du gaz et de l’électricité en Europe) et du centre d’études et de recherches
économiqu
es sur l’énergie (Ceren).
Le champ est celui des ménages ordinaires vivant en France métropolitaine. Les dépenses d’énergie du
logement sont celles des résidences principales des ménages, les dépenses de carburants sont celles des
ménages et des entrepreneurs individuels.
Les hausses des prix de l’énergie simulées sont appliquées aux prix moyens observés sur l’année 2019.
La fiscalité est celle en vigueur en 2019. Les montants de taxes payés par les ménages sont estimés en
appliquant les taux ou tarifs en v
igueur aux consommations d’énergies. Les consommations d’énergies
estimées correspondent, pour le logement, aux consommations d’énergies du logement et au parc de
logement et chauffage de 2019. L’année 2019 est prise comme référence afin de neutraliser les
effets de
la crise sanitaire sur la consommation et les revenus des ménages.
Les revenus estimés sont ceux de l’année 2019. Les revenus pris en compte intègrent l’ensemble des
revenus et prestations perçues par les ménages (revenu total), avant la redistribution opérée par les
prélèvements directs (non disponibles dans les données utilisées). Par ailleurs, les ménages dont les
revenus déclarés sont négatifs ainsi que les ménages étudiants sont exclus des analyses selon le revenu
(Prometheus ne permet pas d
’apprécier le niveau de revenu des étudiants car on ne connaît pas les
transferts de ressources en provenance de la famille par exemple).
Ainsi, les différents scénarios simulés modélisent différentes hausses de prix toutes choses égales par
ailleurs et c’
est-à-dire en considérant la structure de revenus et de consommation et de fiscalité
inchangées par rapport à 2019.
Source
: Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État
; rapporteurs.
Tableau 19 : Hypothèses
d’évolution des prix du gaz et de l’électricité
Hausse des prix sans baisse de
la TVA (2019-2022)
Hausse des prix avec baisse du taux de TVA
de 20 % à 10 % (2019-2022)
Scénario 1 : Sans bouclier tarifaire
Electricité
48 %
36 %
Gaz
105 %
88 %
Scénario 2 : Avec bouclier tarifaire
Electricité
13 %
4 %
Gaz
38 %
27 %
Source : CGDD
3.3.3.2.
D’un point de vue macroéconomique, une baisse de la TVA sur le gaz ou
l’électricité ne présente aucun avantage par rapport au bouclier tarifaire mis en
place
Au niveau macroéconomique, le bouclier tarifaire mis en place par le Gouvernement
apparaît plus efficace qu’une baisse de la TVA
. Cette dernière mesure ne protégerait que
partiellement les ménages face à la hausse des prix de l’énergie et n’aurait qu’un effet limit
é
sur leur volatilité.
- 101 -
En effet, u
ne baisse du taux de TVA à 10 % aurait un effet sur le prix de l’électricité trois fois
inférieur à celui du bouclier tarifaire, et deux fois inférieur pour le prix du gaz. La facture
moyenne d’un ménage avec un niveau de
vie médian progresserait ainsi de 418
€ par rapport
à 2019 avec une réduction du taux de TVA, contre 160
€ après application du bouclier tarifaire
(
cf.
graphique 30). Ainsi, un abaissement de la TVA ne suffirait pas à contenir la hausse des prix
de l’électricité et du gaz. En outre, elle aurait dû être associée à une baisse
conséquente des
accises pour parvenir à une réduction des prix identique à celle du bouclier tarifaire. Ce résultat
tient au fait que le taux de TVA applicable au gaz et à l’électricité ne peut être abaissé qu’à 10
%,
5,5 %, 2,1 % ou 0 % correspondant respectivement à une baisse du prix de 8 %, 12 %, 15 % et
17%. Quel que soit le taux retenu, une réduction du taux de TVA ne saurait ainsi se substituer
au bouclier tarifaire actuel.
De toute évidence, il convient de rappeler que le coût associé au bouclier tarifaire est également
de l’ordre de trois fois supérieur à celui d’une baisse du taux de TVA à 10
% sur les prix du gaz
et de l’électricité.
Graphique 30 : Evolution du niveau de dépense en énergie selon la mesure mise en place et par
décile de niveau de vie (en
€
)
–
Scénario 1
Source : CGDD, modèle Prométheus.
Note de lecture :
Pour le premier décile de niveau de vie, les dépenses d’énergie, hors carburants, s’élèvent à 1
259
€ en
2019. Dans le scénario avec blocage des prix, ce niveau est de 1 429
€ et
est de 1 799
€
dans le scénario sans mesure.
En l’absence de bouclier tarifaire et après mise en place d’une réduction de taux de TVA à 10
% sur le gaz et l’électricité,
ce niveau est de 1 686
€.
1 259
1 277
1 320
1 354
1 391
1 405
1 434
1 538
1 603
1 889
1 429
1 445
1 494
1 535
1 571
1 588
1 620
1 739
1 825
2 165
1 686
1 698
1 756
1 809
1 846
1 866
1 906
2 046
2 159
2 575
1 799
1 809
1 871
1 931
1 969
1 991
2 033
2 184
2 307
2 755
0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En année de référence (2019)
Avec blocage des prix
Avec réduction du taux de TVA
Contrefactuel sans mesure
- 102 -
Comme le soulignent Blanchard et Pisani-Ferry (2022)
287
, il est pertinent de recourir à court
terme à une baisse temporaire des taxes sur l’énergie afin de limiter la propagation de la hausse
des prix aux
salaires et d’éviter le déclenchement d’une «
boucle prix-salaires ». Dans ce cadre,
les mesures de gel de
s prix du gaz et de l’électricité pourraient être plus pertinentes qu’une
baisse de la TVA. En effet, une réduction de taux de TVA se traduit par une baisse de prix
proportionnelle à l’assiette. Autrement dit, une telle mesure ne permet ni de geler le prix
ni de
bloquer son augmentation sur une période donnée. À l’inverse, le bouclier tarifaire limitait la
hausse du prix de l’électricité à 4
% en 2022 et gelait le prix du gaz. Or, d’après Lucas (1972),
le comportement des agents, en particulier en ce qui concerne leurs prétentions salariales,
repose non pas sur le niveau présent des prix mais sur leurs anticipations inflationnistes. La
régulation des prix de l’énergie permettrait ainsi aux agents de former plus facilement leurs
anticipations inflationnistes
à l’inverse d’une baisse relative du prix qui ne réduit que
partiellement leur
volatilité. En fixant à 4 % la hausse des prix de l’électricité pour 2022 et
à
15 % pour 2023, les ménages peuvent anticiper une augmentation contenue des prix de
l’énergie et a
insi minorer leurs demandes de revalorisations salariales. Le bouclier tarifaire
serait ainsi plus efficace qu’une baisse de la TVA pour limiter la propagation de l’inflation
via
la « boucle prix-salaires ».
S’agissant de la sortie du bouclier tarifaire, le mécanisme actuel présente également l’avantage
de pouvoir définir une trajectoire de prix et de la moduler selon l’évolution du marché et le
contexte économique. En outre, il pourrait être plus sensible politiquement de relever le taux
de TVA que les acc
ises sur le gaz et l’électricité (
cf. rapport particulier n° 4).
Constat 27
: D’un point de vue macroéconomique, la mise en place d’un bouclier tarifaire
gelant le niveau ou l’augmentation des prix du gaz et de l’électricité est préférable à une
baisse de la TVA.
3.3.3.3.
Le chèque énergie protège davantage les ménages en situation de précarité
énergétique qu’une mesure de baisse
de la TVA pour un coût moindre pour les
finances publiques
L’ensemble des ménages subissent une hausse de leur facture énergétique malgré
la mise en
place du bouclier tarifaire. Rapportée au revenu disponible 2019, celle-ci serait plus marquée
pour les ménages modestes
: elle s’élèverait à 1,4 point pour les ménages du premier décile
contre 0,3 point pour le dernier décile (
cf.
graphique 31). Ainsi, les ménages appartenant au
premier décile auraient un taux d’effort
, en moyenne, supérieur de 3,8 points au seuil de
précarité énergétique
288
.
287
Jean Pisani-Ferry et Olivier Blanchard (2022), « Fiscal support and monetary vigilance: Economic
policy implications of the Russia-Ukraine war for the European Union », PIIE Policy Brief 22/5, Avril
2022.
288
Un ménage est considéré en précarité énergétique lorsque son taux d’effort énergétique (c’est
-à-dire
le poids que représente sa facture annuelle d’énergie du logement dans son revenu total) est supérie
ur
à 8 % et que ce ménage appartient aux 30 % des ménages les plus modestes (trois premiers déciles de
revenu total par UC).
- 103 -
Graphique 31 : Taux d'effort par décile avec et sans blocage des prix (en % du niveau de vie
2019)
Source : CGDD, modèle Prometheus.
Note de lecture :
En 2019, le taux d’effort, soit les dépenses d’énergie rapportées au niveau de vie 2019, s’élève à 10,4
%
pour le premier décile de niveau de vie. Sans mesure de blocage de prix, le taux d’effort s’élève 14,9
%. Après mesure de
blocage des prix, le taux d’effort ne s’élève plus qu’à
11,8 %.
Dans ce contexte, des mesures
complémentaires sont mises en œuvre pour soutenir les
ménages les plus vulnérables face à la hausse des
prix de l’énergie. Il s’agit ici de comparer une
réduction du taux de TVA sur le gaz et l’électricité au versement du chèque énergie. Le coût
budgétaire de la réduction du taux de TVA à 10
% sur le gaz et l’électricité
, estimée à partir du
modèle Prometheus, est de 2,7
Md€ contre
0,7 Md€ pour le chèque énergie «
ordinaire »
289
.
P
our l’énergie comme pour les produits alimentaires (cf.
scénario étudié dans la partie
1.3), une baisse de TVA n’est pas un outil redistributif pertinent dans la mesure où le
bénéfice dépend de la valeur consommée et non du niveau de vie.
Ainsi, le bénéfice, en
euros, associé à la baisse du taux de TVA sur le gaz et l’électricité s’é
lève à 130
€ pour le dernier
décile contre 82
€ pour les trois premiers déciles (
cf.
graphique 32
). À l’inverse, le gain associé
au chèque énergie s’élève à 174
€ pour le premier décile, 54 € pour le deuxième décile et est
inférieur à 20
€ pour les déciles suivants. Si le gain est moindre pour le chèque énergie dès le
deuxième décile, ce résultat s’ex
plique par un coût de la mesure quatre fois inférieur à la baisse
de TVA. En termes de réduction du taux d’effort, les gains seraient encore davantage
concentrés sur le premier décile (
cf.
graphique 33).
289
Le budget alloué au chèque énergie exceptionnel versé à l’automne 2022 s’élève à 1,8
Md€. D’un
montant compris entre 200
€ et 100
€, celui
-ci sera versé aux 40 % des ménages les plus modestes.
10,4%
6,6%
5,4%
4,6%
4,1%
3,6%
3,2%
3,0%
2,6%
1,7%
11,8%
7,5%
6,2%
5,2%
4,7%
4,1%
3,7%
3,4%
3,0%
2,0%
14,9%
9,4%
7,7%
6,6%
5,9%
5,1%
4,6%
4,2%
3,7%
2,5%
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
16%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
En année de référence (2019)
Avec blocage des prix
Contrefactuel sans mesure
- 104 -
Graphique 32 : Bénéfice comparé sur les dépenses énergétiques entre un abaissement de TVA
et le chèque énergie (en
€
)
–
scénario 2
Source : CGDD, modèle Prometheus.
Graphique 33
: Bénéfice comparé sur le taux d’effort énergétique entre un abaissement de TVA
et le chèque énergie (en % du niveau de vie 2019)
–
scénario 2
Source : CGDD, modèle Prometheus.
Le chèque énergie cumulé au bouclier tarifaire permettrait de protéger totalement le premier
décile face à la hausse des prix de l’électricité et du gaz. En effet, le taux d’effort de ce décile
s’élèverait à 10,4
% après l’application de ces deux mesures
, soit un niveau identique à 2019
(
cf.
graphique 34).
Pour l’ensemble des autres déciles, le taux d’effort
dans le scénario avec
blocage des prix uniquement serait supérieur à 2019
: l’écart s’élèverait à 0,9 point pour le
deuxième décile, 0,8 point pour le troisième décile et décroitrait jusqu’à 0,3
point pour le
dernier décile. Par ailleurs, le chèque énergie permettrait une diminution du taux de précarité
énergétique plus importante que la baisse de TVA, de 0,2 point de pourcentage. Cependant, ce
taux serait toujours de 0,9 point plus élevé qu’en 2019 en considérant les effets du bouclier
tarifaire et du chèque énergie « ordinaire ».
82
80
84
88
89
91
94
101
108
130
174
54
19
5
2
1
1
0
1
1
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
200
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Part de la hausse empêchée par la baisse de TVA qui s'ajoute au blocage des prix
Part de la hausse empêchée par le chèque énergie qui s'ajoute au blocage des prix
0,7
0,4
0,3
0,3
0,3
0,2
0,2
0,2
0,2
0,1
1,4
0,3
0,1
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
-
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
1,6
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Taux d'effort circonscrit par la hausse de TVA qui s'ajoute au blocage des prix en pt de
pourcentage
Taux d'effort circonscrit par le chèque énergie qui s'ajoute en point de pourcentage
- 105 -
Graphique 34 : Taux d'effort après blocage des prix et chèque énergie (en % du niveau de vie) -
scénario 2
Source : CGDD, modèle Prometheus.
Note de lecture : Dans le scénario avec blocage de prix
, après application du bouclier tarifaire, le taux d’effort s’élève
en moyenne à 11,8
% pour le premier décile de niveau de vie, après prise en compte du chèque énergie, ce taux s’élève
à 10,4 %. Sans bouclier tarifaire ni chèque énergie, la hausse serait de 14,9 %.
Cependant, cette micro-simulation ne tient pas compte du
versement d’un chèque énergie
exceptionnel pour 12 millions de ménages appartenant aux quatre premiers déciles. Ce chèque,
versé en décembre 2022, s’élève à 200
€ pour les ménages éligibles précédemment au chèque
énergie et de 100
€ pour les autres. Ce mo
ntant serait suffisant pour prendre en charge la
hausse des prix supportée par le deuxième décile après application du bouclier tarifaire et du
blocage des prix, soit 113
€ (
cf.
graphique 35), mais ne permettrait pas de compenser
totalement le reste à charge pour les troisième et quatrième déciles qui, dans leur majorité,
bénéficieront d’un chèque de 100
€. À noter, que ce montant de 100
€ est
toujours supérieur
aux bénéfices associés à une réduction de TVA pour ces mêmes déciles (gain de 88
€).
Pour un coût deux fois inférieur, le chèque énergie exceptionnel permet ainsi de
protéger plus efficacement les ménages appartenant aux quatre premiers déciles de
niveau de vie
qu’une baisse de
TVA.
11,8%
7,5%
6,2%
5,2%
4,7%
4,1%
3,7%
3,4%
3,0%
2,0%
10,4%
7,2%
6,1%
5,2%
4,7%
4,1%
3,7%
3,4%
3,0%
2,0%
14,9%
9,4%
7,7%
6,6%
5,9%
5,1%
4,6%
4,2%
3,7%
2,5%
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
16%
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Blocage de prix
Blocage de prix et chèque énergie
Hausse de prix sans mesures
- 106 -
Graphique 35 : Répartition de l'impact des mesures par décile pour l'association blocage de
prix et chèque énergie (en
€
) - scénario 2
Source : CGDD, modèle Prometheus.
Note de lecture
: En 2022, après application du bouclier tarifaire, la hausse des dépenses énergétiques s’élève en
moyenne à 167
€ pour le deuxième décile. Après prise en compte du chèque énergétique, cette hausse s’élève à 113
€.
Sans bouclier tarifaire ni chèque énergie, cette hausse serait 531
€.
Le chèque énergie ne tient compte que du revenu et de la composition du ménage. Cependant,
comme indiqué dans la partie 3.1.3, le revenu n
e rend pas compte de l’
ensemble de
l’
hétérogénéité des situations de
vulnérabilité face à la hausse des prix de l’énergie. Ainsi, si en
moyenne le chèque énergie suffit à protéger les ménages modestes, ce résultat masque une
diversité de situations, notamment des ménages occupant des passoires thermiques pour
lesquels les dispositifs mis en place ne suffiraient pas à compenser la hausse des prix de
l’énergie
290
.
La
hausse de 15 % des prix de l’électricité et du gaz au 1
er
janvier 2023, quant à elle, vise à
réduire progressivement le coût budgétaire du bouclier tarifaire qui pour rappel est estimé à
17,3
Md€. Dans ce contexte, une baisse de la TVA n’appara
ît pas comme pertinente, les
ressources budgétaires devant prioritairement être allouées au soutien des ménages
vulnérables face à la hausse des prix de l’énergie, au moyen d’un chèque énergie par exemple.
Constat 28 : Le chèque énergie permet de réduire davantage le nombre de ménages en
situation de précarité énergétique pour un coût pour les finances publiques quatre fois
inférieur à une baisse de la TVA de 20 % à 10
% sur le gaz et l’électricité
.
290
4,8 millions de logements (soit près de 17 % du parc) seraient très énergivores (étiquettes F et G du
DPE, regroupant les logements qualifiés de « passoires thermiques »).
371
364
378
396
398
404
413
445
482
590
174
54
19
5
2
1
1
0
1
1
113
155
176
178
181
186
200
221
274
0
100
200
300
400
500
600
700
800
900
1 000
D1
D2
D3
D4
D5
D6
D7
D8
D9
D10
Hausse résiduelle malgré le blocage des prix et le chèque énergie
Part de la hausse empêchée par le chèque énergie qui s'ajoute au blocage des prix
Part de la hausse empéchée par le blocage des prix
- 107 -
3.4.
Une réflexion structurelle visant à rétablir le signal prix, tout en protégeant
le pouvoir d’achat des ménages les plus exposés
est impérative
Alors que la sortie des mesures tarifaires exceptionnelles finira par se produire, se pose de
manière prioritaire la question des réformes structurelles permettant de rétablir le signal prix,
tout en protégeant le pouvoir d’achat des ménag
es les plus exposés.
Au vu de leur complexité, et de l’interaction avec des travaux spécifiques en cours, les enjeux
de révision des mécanismes de tarification de l’électricité ne sont pas abordés ici, qu’il s’agisse
des négociations sur le
market design
en cours à l’échelle européenne ou de l’étude de
propositions nouvelles dans le débat public comme celle d’une tarification duale de l’énergie
291
.
3.4.1.
En cours de négociation, la révision de la directive du Conseil relative à la
taxation des produits énergétiques et de l'électricité vise à mettre en cohérence
les accises avec les objectifs environnementaux
En cours d'examen au Conseil à la date de bouclage du présent rapport, la proposition de
révision de la directive du Conseil relative à la taxation des produits énergétiques et de
l'électricité s’inscrit dans le cadre du paquet «
Ajustement à l'objectif 55
» présenté par la
Commission européenne. La propo
sition initiale vise à renforcer l’harmonisation fiscale entre
États membres et mettre en cohérence la fiscalité énergétique avec l’objectif de réduction de
55 % des émissions de GES en 2030. Son adoption requiert
l’unanimité des États membres
.
À
cet égard
, compte tenu des enjeux, l’examen en cours par les États membres du texte montre
qu’un compromis est loin d’être acquis.
Malgré les objectifs affichés, la proposition de directive ne conduit pas à faire des accises des
taxes à finalité environnementale, l
’objectif de réduction des émissions de CO
2
étant
principalement dévolu au système ETS ainsi qu’à la directive « RED », qui encadre le dispositif
fiscal national d’incitation à l’incorporation d’énergie
s renouvelables dans les transports.
En revanche, la proposition initiale introduit un principe de mise en cohérence des
différentes accises avec les objectifs du paquet «
Ajustement à l'objectif 55
»,
principalement au travers de trois mesures :
l’interdiction faite aux États membres de différencier les niv
eaux de taxation des
différentes énergies fossiles ;
l’obligation de respecter une hiérarchie environnementale, à savoir de taxer les produits
fossiles davantage que les biocarburants et ceux-
ci davantage que l’électricité ;
l’obligation de taxer certains
produits hors du champ de la réglementation actuelle, par
exemple le bois de chauffage utilisé dans les grandes installations ;
une refonte de tous les régimes sectoriels favorables (aérien, maritime et fluvial,
agriculture,
etc
.) pour les rendre plus simples (interdiction de démultiplier les tarifs),
moins favorables (remplacement des exonérations par des tarifs réduits) et plus
cohérents.
291
Jean Pisani-Ferry et Thomas Belaich, «
Pour une tarification duale de l’énergie domestique
», 4 juillet
2022.
- 108 -
Le cadre initialement proposé par la Commission imposerait à la France de se conformer
à la nouvelle structure de taxation.
Cela impliquerait :
le rattrapage gazole-essence et combustibles fossiles-électricité
292
, conduisant ainsi à
supprimer les principales incohérences de la structure de taxation nationale, en
particulier entre le gaz naturel et l’électricité. Il sera
it dès lors nécessaire de procéder à
des alignements de tarifs aujourd’hui différents et,
a fortiori
, de décider de la nature de
ces alignements (par le haut, par le bas ou à fiscalité constante en moyenne). Selon les
choix réalisés, ces ajustements auraient des effets différents sur les ménages ou sur les
entreprises ;
la mise en conformité des régimes sectoriels favorables à l’industrie, soit 28
régimes
fiscaux différents sans cohérence d’ensemble qui seraient fusionnés en deux tarifs
réduits uniques (un tarif pour les produits fossiles et un tarif, plus faible pour
l’électricité). Une telle fusion aurait des effets redistributifs entre opérateurs et des
incidences budgétaires significatives.
3.4.2.
Indépendamment de l’issue des négociations européennes, plusieur
s scénarii de
mise en conformité des différentes fractions d’accises pourraient être envisagés
3.4.2.1.
La refonte de la structure des accises au profit d’une taxation à terme défavorable
des combustibles fossiles est possible en sortie de « bouclier tarifaire »
I
ndépendamment de l’issue des négociations en cours à Bruxelles, la sortie des mesures
tarifaires exceptionnelles pourrait être l’occasion de corriger l’écart de taxation
défavorable entre le gaz et l’électricité.
Les objectifs de réduction des émissions de GES, de même que le droit européen tant en matière
d’accise que de TVA, suggèrent une taxation de l’électricité inférieure à celle des produits
fossiles. Plusieurs scénarii correspondant à cet objectif pourraient être étudiés :
dans un premier scénario,
une convergence des tarifs des accises sur l’électricité et le gaz
pourrait être réalisée à budget constant
293
. Cela entraînerait une baisse de la taxation
effective de l’électricité. D’après les estimations réalisées par la direction de la législation
fisca
le, le tarif commun d’accise sur l’électricité et les combustibles fossiles devrait être
fixé à environ 18,5 €/MWh contre 8,45
€/MWh sur le gaz naturel combustible et au
moins
20 €/MWh sur l’électricité
294
aujourd’hui
;
dans un deuxième scénario, l’alignement des tarifs d’accise pourrait être l’occasion
d’unifier les taux de TVA applicable
s
aux offres de gaz, d’électricité, de bois et de
chaleur
295
en les fixant au taux normal de 20 %. Ainsi, la baisse des tarifs de la fraction
d’accise sur l’électricité serait
en partie compensée par la hausse de la TVA sur la part
abonnement.
292
Il résulterait également de la proposition de la Commission une suppression des tarifs réduits sur les
principaux biocarburants commercialisés en France (E5, E85, B100), dès lors que ceux-ci sont
essentiellement issus de produits en concurrence alimentaire (notamment le colza et la betterave) et, à
ce titre, assimilés aux produits fossiles.
293
D’après les estimations réalisées par la direction de la législation fiscale, le tarif commun d’accise sur
l’électricité et les combustibles fossiles devrait être fixé à environ 18,5 €/MWh (estimations hors effets
liés à un ajustement du régime de TVA).
294
Les tarifs normaux varient selon la catégorie fiscale (ménages et assimilés, petites et moyennes
entreprises, haute puissance)
295
Le maintien d’un soutien fiscal à la chaleur renouvelable pourrait passer par une extension à la
chaleur de la taxe incitative (TIRUERT).
- 109 -
Dans les deux cas, de tels alignements soulèveraient des difficultés de plusieurs ordres :
un transfert de charge fiscale des ménages se chauffant à l’électricité vers les ménages se
chauffant au gaz, au fioul domestique, au GPL et au bois. Les incitations financières à la
transition vers un mode alternatif de chauffage et les outils de compensation ciblés
(chèque énergie) pourraient être amplifiés pour compenser les effets régressifs
(cf. section 3.3.3.3) ;
un effet différencié sur les particuliers
296
et les entreprises
297
, l’écart entre les niveaux de
taxation
de
l’électricité
et
du
gaz
étant
supérieur
pour
les
premiers
(environ 24,5
€/MWh)
à ce
lui qui s’applique aux
secondes (environ 15 €/MWh)
298
.
Cette correction de la structure des accises pourrait s’accompagner d’une hausse
progressive des tarifs de la fraction d
’
accise applicable au gaz
, sous réserve du
financement de mesures de soutien à la décarbonation et de compensations ciblées vers les
agents économiques les plus affectés, mesures qui sont indispensables pour en assurer
l’acceptabilité sociale.
Enfin, en dépit des reports successifs, il est nécessaire de ne pas renoncer à réduire des
dépenses fiscales contraires aux objectifs environnementaux ou au droit européen.
3.4.2.2.
La hausse du prix carbone dans les transports doit continuer de s’organiser par
de multiples leviers, y compris non fiscaux
Des mécanismes fiscaux (accises, taxation du kérosène), réglementaires (SEQE-UE, normes
d’émissions pour les véhicules, zones à faibles émissions, obligation d’incorporation des
biocarburants dans l’aviation, bonus
-malus sur les véhicules particuliers, etc.) et budgétaires
(subvention au renouvellement du parc de véhicules, etc.) participent explicitement ou
implicitement
à l’augmentation du
prix carbone des carburants.
En outre, l’objectif de réduction des émissions de CO
2
dans le secteur des transports est aussi
lié au projet d’extension du marché
des quotas carbone au secteur du transport routier
299
(cf. encadré 20)
ainsi qu’à la directive « RED », qui encadre le dispositif fiscal
national
d’incitation à l’incorporation d’énergie
s renouvelables dans les transports.
296
Et des très petites entreprises qui y sont assimilées.
297
Ne sont pas concernées ici les entreprises industrielles ni, globalement,
toutes celles bénéficiant d’un
régime de faveur.
298
Y compris la contribution FACé. Il convient de rappeler que les aides à l'électrification rurale qui sont
versées aux collectivités via
un compte d’affectation spéciale sont financées par une
contribution due
par les gestionnaires des réseaux publics de distribution (Enedis et les ELD), assise sur le nombre de
kilowattheures distribués à partir des ouvrages exploités en basse tension l'année précédant celle du
versement de la contribution. Le taux de cette contribution, fixé annuellement par un arrêté des
ministres chargés du budget et de l'énergie et après avis du conseil du FACÉ, est différent selon que les
communes sont urbaines ou rurales.
299
Trilogues en cours.
- 110 -
Encadré 20
: État des lieux de la négociation relative à la mise en œuvre d’un
marché carbone
européen sur les secteurs du transport routier et du bâtiment (ETS BRT)
En dépit de fortes divergences de vues entre les États membres
300
, la présidence française de l’UE est
parvenue à dégager, au sein du Conseil,
un compromis sur l’ETS BRT autour des principes suivants :
•
l’exemption jusqu’en
2030 des
États membres disposant d’une tarification carbone nationale
supérieure à l’ETS BRT
;
•
le renforcement du mécanisme d’intervention en cas de hausse excessive du prix, dans
le contexte
actuel de forte volatilité des prix de l’énergie
;
•
le conditionnement de
la création de l’ETS BRT à un accord pour établir le fonds social climat (FSC)
et au financement du fonds par les recettes de l’ETS BRT, soit des principes jugés essentiels à
l’acceptabilité sociale du mécanisme.
Le Parlement européen a repris la plupart des propositions de la Commission, tout en différenciant
l’application de l’ETS BRT entre les entreprises et les ménages et en l’étendant à d’autres secteurs.
Source : Direction générale du Trésor.
3.4.3.
Les hausses tendancielles des prix de l’énergie appellen
t des interventions
publiques visant à protéger les ménages les plus vulnérables face aux effets
régressifs et, surtout, à accélérer la décarbonation
de l’économie
3.4.3.1.
Face à la hausse de la fiscalité des énergies carbonées, la redistribution des
recettes permet de limiter les effets régressifs
Des mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages les plus exposés à la hausse des
prix de l’électricité et du gaz
apparaissent nécessaires.
Les hausses tendancielles des prix de l’énergie
301
appellent des interventions publiques visant
avant tout à accélérer la décarbonation, par des dispositifs d’incitation financière au
changement de véhicules ou à la rénovation thermique qui soient renforcés pour les ménages
modestes.
Au regard des enjeux
d’acceptabilité sociale, une redistribution partielle des recettes liées à la
hausse de la fiscalité sur le carbone et à l’extension du SEQE
-UE est nécessaire pour atténuer
les effets régressifs de la fiscalité environnementale.
À partir de micro-simulations des hausses de fiscalité et des différents mécanismes de
compensation visant à en limiter l’effet régressif, le rapport particulier de 2019 du CPO relatif
aux « effets économiques de la fiscalité environnementales sur les ménages et les entreprises »
dressait les conclusions suivantes (cf. encadré 21) :
des mécanismes de compensation peuvent corriger l’impact régressif de hausse de la
fisca
lité de l’énergie, sans distribuer l’intégralité des recettes afférentes
;
il est en revanche impossible de compenser parfaitement chaque ménage au regard de
l’hétérogénéité des consommations au sein de chaque décile et sous
-catégorie de
ménages (
cf
. section 3.1.5) ;
des mécanismes assez simples de compensation peuvent se révéler aussi efficaces que
des mécanismes plus complexes.
300
Ces divergences étaient visibles entre les Etats membres qui mettaient en avant sa coût-efficacité et
ceux fortement préoccupés par sa faible acceptabilité sociale.
301
Les normes visant à réduire les émissions de GES, comme les zones à faibles émissions ou
l’interdiction de location pour certains logements en fonction de leur diagnostic de performance
énergétique (DPE) reviennent à fixe un prix implicite du carbone pouvant être élevé.
- 111 -
Encadré 21 : Examen des modalités de compensations face à une hausse du prix carbone
Le rapport particulier de 2019 du CPO relatifs aux effets économiques de la fiscalité environnementale
sur les ménages et les entreprises a simulé les effets de différents scénarii de hausse de la fiscalité des
taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles (TICPE, TICGN) sur les ménages. Trois
modalités de compensation sont simulées à l’aide du modèle de micro
-simulation
Prometheus
développé
par le CGDD, en fonction (i)
du revenu seul, (ii) du revenu et de la taille de l’unité urbaine et (iii) du
revenu et de la mobilité routière contrainte.
Toutes les modalités de compensation apparaissent efficaces pour réduire l’impact moyen de la hausse
de fiscalité sur la facture énergétique des 50 % des ménages les plus modestes ciblés et diminuent
nettement le nombre de ménages « perdants ».
Surtout, toutes les modalités de compensation réduisent fortement le nombre de ménages « grands
perdants » (qui perdent plus de deux fois la m
édiane des surcoûts d’effort énergétique mesurés sans
compensation) et l’ampleur de la perte de ces «
grands perdants
», en particulier pour les ménages les
plus modestes du 1
er
quintile de revenu. Après compensation, moins de 10
% d’entre eux demeurent
« grands perdants » contre près de la moitié avant compensation.
Les modalités de compensation « complexes » (n° 2 et 3) ne font pas beaucoup mieux au regard du gain
déjà opéré par la modalité de compensation reposant sur le seul revenu. Ce résultat rejoint celui déjà
avancé par des études économiques
302
. Dans tous les cas, asseoir une modalité de compensation sur la
taille de l’unité urbaine permet seulement de réduire les écarts moyens de surcoûts entre chaque zone.
En revanche, cela n’a pas d’impact sur l’hétérogénéité au sein de chaque zone/taille d’unité urbaine
Seule la troisième modalité de compensation (revenu & mobilité routière contrainte) permet de réduire
ces écarts d’impact entre les ménages d’un même groupe de revenu, d’une même taille d’unité urba
ine,
ou d’un même groupe de revenu dans une taille d’unité urbaine donnée
Pour autant, ce type de modalité de compensation, assis directement sur la consommation énergétique
des ménages et le niveau de leurs émissions carbone, apparaît plus difficile à m
ettre en œuvre d’un point
de vue opérationnel et n’
est
envisageable que de manière transitoire, à moins d’effacer l’effet incitatif de
la taxation en ce qui concerne la transition énergétique des ménages modestes en termes de mobilité.
Ce caractère transitoire revient alors à accorder plus de temps aux ménages modestes contraints
d’utiliser leur voiture pour se rendre à leur travail pour effectuer cette transition, et a vocation à
s’accompagner des mesures complémentaires nécessaires à cette transition (pri
me à la conversion, etc.).
En effet, les barrières à l’investissement dans des équipements plus sobres en carbone représentent un
obstacle important à l’adaptation des ménages les plus vulnérables : ce type de compensation, qui
reconnaît la difficulté pour certains ménages de changer de comportement, aurait probablement une
acceptabilité sociale forte.
Source : Mathilde Clément, Alexandre Godzinski, Isabelle Vincent, rapport particulier de 2019 du CPO sur « les effets
économiques de la fiscalité environnementales sur les ménages et les entreprises ».
Constat 29 :
Les recettes associées à une hausse du prix du carbone, qu’elles proviennent
d’une taxe carbone ou d’une extension du SEQE UE, doivent être au moins en partie
redistribuées sous la forme
d’aides forfaitaires aux ménages les plus modestes.
Au regard des conclusions du rapport particulier de 2019 et de la faible plus-value des
mécanismes de compensation complexe, il conviendrait que
l’État s’appu
ie en priorité sur les
dispositifs existants de paiement des factures d’énergie, en particulier sur les deux
principaux
que sont le chèque énergie et les fonds de solidarité pour le logement (FSL) :
les effets du chèque énergie sont en effet importants pour les ménages précaires. Parmi
les bénéficiaires du chèque énergie, la part des précaires énergétiques est réduite
de 9 points
303
;
302
Notamment, les travaux de Thomas Douenne de
2018 de l’Institut des politiques publiques.
303
CGDD, modèle Prometheus 2019.
- 112 -
là où le chèque énergie ne permet pas de traiter de manière suffisante certaines
situations appelant une analyse au cas par cas (passoires thermiques et mauvaise
maîtrise de la consommation, par exemple), un deuxième étage d’aide peut être
nécessaire
via
les FSL sous réserve d’une amélioration de leur pilotage.
La poursuite des efforts de lutte contre le non-recours des ménages à ces aides apparaît dans
ce contexte nécessaire.
En outre, des propositions nouvelles sont apparues dans le débat public à la faveur du choc sur
les prix des énergies :
une tarification sociale de l’énergie pour les ménages les plus précaires. Or
, un tel
mécanisme ne permet pas de conserver le signal prix, et pourrait ainsi inciter les
ménages précaires à la consommation d’énergies carbonées. Les transferts monétaires,
dont l’effet est
par définition neutre sur le signal prix, méritent
d’être privilégiés s
ous
réserve d’un ciblage et d’un niveau adéquats de l’aide
;
une aide ciblée sur les dépenses de carburants. Pour
éviter les effets d’aubaine,
elle
devrait au minimum tenir compte de la possession d’un véhicule, et si possible de son
utilisation (par exemp
le en attribuant un montant plus élevé aux actifs). D’après les
dernières annonces de gouvernement de décembre 2022, un dispositif ciblé est appelé à
prendre la suite de la « remise carburant » au 1
er
janvier 2023. Celui-ci prendra la forme
d’un chèque de
100
€
aux actifs appartenant aux cinq premiers déciles de niveau de vie
et ayant recours à leur voiture pour se rendre à leur travail
304
. Ce premier ciblage reste
cependant limité dans la mesure où il ne prend pas en compte la distance domicile
travail.
Les rapporteurs renvoient aux travaux récents
305
et ultérieurs portant sur les marges
d’amélioration des dispositifs existants d’aide au paiement des factures d’électricité et de
carburant, qui excèdent le champ du présent rapport sur la TVA. En particulier,
des travaux
complémentaires apparaissent utiles pour rendre possible un ciblage plus fin des aides,
y compris en cas de chocs conjoncturels.
Ils passent sans doute par la
constitution d’une
base de données fiabilisées recensant les propriétaires ou utilisateurs de véhicules, ou par une
connaissance plus approfondie des données de chauffage (mode principal des ménages, profil
des consommations).
L’amélioration des bases de données de l’administration, dans le
respect de la réglementation relative à la protection des données personnelles,
permettrait de lever les barrières à la mise en œuvre de mécanisme d’aides ciblées lors
du prochain choc énergétique.
3.4.3.2.
Surtout, l’accompagnement de l’ensemble des acteurs économiques, ménages
comme
entreprises,
doit
reposer
sur
des
incitations
structurelles
à
la
décarbonation
F
ace aux hausses prévisibles et durables des prix de l’énergie, il convient d’accompagner les
acteurs économiques, ménages comme entreprises, dans la décarbonation :
en les encourageant à réduire dans la durée, et non uniquement en période de hausses
subites, leurs consommations énergétiques, en particulier carbonées ;
en les accompagnant par des mesures ciblées de soutie
n à l’investissement dans des
équipements moins émetteurs (rénovation énergétique des logements, alternatives aux
véhicules thermique, décarbonation des processus industriels,
etc
.).
304
Déclaration de Mme Elisabeth Borne du 7 décembre 2022. La demande de versement se fera sur le
portail impots.gouv.fr
et nécessite de renseigner l’immatriculation de son véhicule ainsi qu’une
attestation sur l’honneur de l’utilisation de son véhicule personnel pour se rendre à son lieu de travail.
305
Notamment Cour des comptes, « Le chèque énergie », février 2022.
- 113 -
Annexe I : Liste des personnes rencontrées
1.
Administrations
1.1.
Ministère de
l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle
1.1.1.
Direction générale du trésor
M. Stéphane Sorbe, sous-directeur des politiques sectorielles ;
M. Clovis Kerdrain, sous-directeur des finances publiques ;
M. Clément Bortoli, sous-directeur adjoint des finances publiques ;
M
me
Laura Berthet, cheffe du bureau Climat, environnement et agriculture de la sous-
direction des politiques sectorielles ;
M. Giuliano de Franchis, chef de bureau de la fiscalité des ménages.
1.1.2.
Direction générale de la législation fiscale
M. Matthieu Deconinck, sous-directeur fiscalité des transactions, fiscalité énergétique et
environnementale, fiscalité sectorielle ;
M. Vincent Petit, chef du bureau du droit commun de la tva communautaire au sein de la
sous-direction fiscalité des transactions, fiscalité énergétique et environnementale,
fiscalité sectorielle ;
M. Thibaut Fiévet, chef du bureau fiscalité énergétique et environnementale et autres
taxes sur le chiffre d'affaires au sein de la sous-direction fiscalité des transactions,
fiscalité énergétique et environnementale, fiscalité sectorielle.
1.1.3.
Direction générale des entreprises
M. Thomas Pillot, sous-directeur de la chimie, des matériaux et des éco-industries ;
M
me
Séverine Francastel, cheffe
de projets « Transition de l’Industrie
vers l’Economie
circulaire », au sein de la sous-direction de la chimie, des matériaux et des éco-
industries ;
M. Thomas Lajarge, chargé
de mission « transition de l’industrie vers l’économie
circulaire »au sein de la sous-direction de la chimie, des matériaux et des éco-industries.
1.1.4.
Institut national de la statistique et des études économiques (Insee)
M. Lionel Janin, directeur de cabinet du directeur général, direction générale ;
M. Sébastien Roux, chef du département des études économiques ;
M
me
Sylvie Le Minez,
chef de l’unité des études
démographiques et sociales ;
M
me
Emilie Raynaud, chef de la division études sociales.
- 114 -
1.2.
Ministère de la Transition Écologique
1.2.1.
Commissariat général au développement durable
M. Salvatore Serravalle, chef de service au Commissariat général au développement
durable ;
M. Vincent Marcus, sous-directeur de l'économie et de l'évaluation ;
M. Loic Agnes, sous-directeur des politiques publiques durables ;
M. Alexandre Godzinski, chef du bureau de la transition énergétique et solidaire.
1.2.2.
Service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des
pollutions diffuses
M. Vincent Coissard, sous-directeur déchets et de l'économie circulaire, service des
risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses.
1.3.
Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne
M. Jérôme Audhui, conseiller Transports terrestres, RTE, intermodalité, sécurité
routière ;
M. Tanguy Delemer, conseiller Transports aériens et maritimes ;
M. Bastien Lignereux, conseiller fiscalité.
1.4.
Ministère de la santé et de la prévention
Contribution écrite de la direction générale de la santé (DGS), directrice de cabinet du
directeur général de la santé.
1.5.
Autres
1.5.1.
Ademe
M. Erwan Autret, coordinateur de Pôle - Service
Ecoconception et recyclage de l’Ademe
.
2.
Économistes
M. Antoine Bozio, d
irecteur de l’Institut des politiques publiques (IPP)
;
M. Pierre Boyer, p
rofesseur d’économie, CREST
-École polytechnique, membre du Conseil
des prélèvements obligatoires ;
M. Pierre Dubois, p
rofesseur d’économie,
Toulouse School of Economics;
M. Xavier Jaravel, professeur d'économie, membre du Conseil d'Analyse Economique.
- 115 -
3.
Société civile et entreprises
3.1.
Entreprises et fédérations
M. Christophe Garat, secrétaire général adjoint de SNCF Voyageurs ;
M. Antoine Gelot, responsable plaidoyer du Mouvement Impact France ;
M. Pierre-Emmanuel Saint-
Esprit, directeur de l’association EC2027
;
M.
Maxime Delavallée, trésorier directeur de l’association EC2027
;
Mme Ellie Dahan-Lamort, chargée de mission Plaidoyer et Affaires publiques de la
fédération de la mode circulaire ;
M. Julie Stoll, déléguée Générale de Commerce Équitable France;
Romain Ferrari, Président de Fondation 2019.
3.2.
Convention Citoyenne pour le Climat
M
me
Agny Kpata, présidente de l'Association des Citoyens de la Convention Climat ;
Plusieurs citoyens ayant participé aux travaux de la Convention citoyenne.
- 116 -
Annexe II : Biens et services éligibles aux taux
réduits au regard du droit européen
Items
Biens et services éligibles au regard du droit européen
1*
les denrées alimentaires et assimilées (boissons non alcooliques, compléments
alimentaires…) pour humains et animaux
2*
la distribution d'eau
3*
les produits pharmaceutiques
4*
les équipements et appareils destinés aux personnes en situation de handicap et
les autres équipements et appareils médicaux
5*
le transport des personnes et des bagages qui les accompagnent
6*
les livres et assimilés, la presse
7
le
droit d'admission aux établissements culturels, ludiques, ainsi qu’aux foires,
congrès et salons, y compris l’accès en streaming
8
la réception de services de radiodiffusion et de télévision, l’accès à l'internet
lorsqu'il s'intègre dans le cadre d'une « politique publique de numérisation »
9
les prestations de services rendues par les écrivains, compositeurs et interprètes
10
la livraison, construction, rénovation et transformation de logements fournis dans
le cadre de la politique sociale ; la rénovation et la réparation de logements privés
(importé de l’item 10 bis), la location de logements à usage d’habitation
10 bis
la construction et la rénovation de bâtiments publics (l’ancien item 10 bis est
intégré dans l’item 10)
10 ter
le lavage de vitres et le nettoyage de logements privés
10
quater*
la fourniture et l’installation de panneaux solaires sur et en annexe des logements
privés et des bâtiments publics
11
les intrants agricoles, à l'exclusion des biens d'équipement
11 bis
les équins vivants et la fourniture de services en lien avec les équins vivants
12
l'hébergement fourni dans des hôtels et établissements similaires
12 bis
les services de restaurant et de restauration
13
le droit d'admission aux manifestations sportives, y compris
l’accès en streaming,
le droit d'utilisation d'installations sportives (importé de l’item 14) et la
fourniture de services d’exercices physiques ou sportifs en streaming
14
item intégré dans l’item 13
15
les opérations des organismes reconnus comme ayant un caractère social par les
États membres et engagés dans des œuvres d'aide et de sécurité sociales
16
les opérations réalisées par les entreprises de pompes funèbres et de crémation
17
la fourniture de soins médicaux et dentaires ainsi que les cures thermales
18
les prestations de services fournies dans le cadre du nettoyage des voies
publiques et des égouts, de l'enlèvement des ordures ménagères et du traitement
des déchets, autres que les services fournis par les organismes non assujettis à la
TVA
19
les services de réparation des appareils ménagers, des chaussures et articles en
cuir, des vêtements et du linge de maison (la réparation de vélos est transférée à
l’item 25)
20
les services de soins et d’aide à domicile
21
les services de coiffure
- 117 -
Items
Biens et services éligibles au regard du droit européen
22
la fourniture d’électricité et de chauffage urbain (+le gaz naturel jusqu’au 1er
janvier 2030): parts abonnement et consommation
23
les produits de la floriculture (ainsi que le bois de chauffage jusqu’au 1er janvier
2030)
24
les vêtements et chaises-voitures pour enfants
25
les ventes, locations et réparations de vélos (importé de l’item 19)
26
les importations d’œuvres d’art et livraisons d’œuvres d’art par les auteurs, les
autres opérations portant sur les œuvres d’art (négoce)
27
les services d'aide juridictionnelle et de soutien juridique dans le domaine du
droit du travail
28
les équipements utilisés pour le sauvetage et les soins de premiers secours
fournis aux organismes publics et associations caritatives
29
les services en lien avec les phares et le sauvetage en mer
Source : Direction de la législation fiscale, annexe III de la directive TVA.
Note de lecture : Les items dits prioritaires sont identifiés par le signe « * ».