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La mise en place du Fonds pour
l’insertion des personnes handicapées
dans la fonction publique
_____________________
PRESENTATION
____________________
La loi du 10 juillet 1987 avait instauré l’obligation pour tout
employeur occupant au moins 20 salariés d’employer, à temps plein ou à
temps partiel, des personnes handicapées « dans la proportion de 6 % de
l’effectif total de ses salariés ». La loi précisait que cette obligation
s’appliquait à « l’État et, lorsqu’ils occupent au moins vingt agents à
temps plein ou leur équivalent, (aux) établissements publics de l’État,
(aux) collectivités territoriales et leurs établissements publics, y compris
ceux énumérés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant
dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière
(…) ».
La loi sanctionnait le non respect de l’obligation d’emploi pour les
entreprises privées par le versement d’une contribution financière
alimentant le "Fonds de développement pour l’insertion professionnelle
des handicapés" géré par une structure associative (l’Agefiph). Aucune
sanction n’était prévue, en revanche, à l’encontre des employeurs publics
défaillants.
Aussi, la Cour soulignait-elle, en juin 2003, qu’il revenait à l’État
et aux autres composantes du secteur public d’être exemplaires pour le
respect des règles qu’ils édictaient et ajoutait que ce n’était pas toujours
le cas dans le domaine de l’insertion des travailleurs handicapés
66
66) Rapport public particulier sur "La vie avec un handicap" ; juin 2003, p. 215.
188
COUR DES COMPTES
L’article 36 de la loi du 11 février 2005 a créé à compter du
1
er
janvier 2006 un "Fonds pour l’insertion des personnes handicapées
dans la fonction publique" (FIPHFP), pendant de celui que gère
l’Agefiph pour le secteur privé, alimenté par les contributions des
employeurs publics assujettis par la loi de 1987 à l’obligation d’emploi
de 6 % mais ne la respectant pas. Le FIPHFP reçoit « pour mission de
favoriser l’insertion professionnelle des personnes handicapées au sein
des trois fonctions publiques, ainsi que la formation et l’information des
agents en prise avec elles ».
A l’occasion du présent contrôle, la Cour a cependant constaté
qu’en matière d’emploi des personnes handicapées, la fonction publique
affichait un retard sensible par rapport au secteur privé.
I
-
La mise en place du Fonds
Économie du système
La loi
de 2005 crée le FIPHFP géré par «
un établissement public
placé sous la tutelle de l’Etat ». Le décret d’application du 3 mai 2006 a
confié cette gestion à la Caisse des dépôts et consignations. Le FIPHFP a
pour organe délibérant un comité national tripartite « composé de
représentants
des
employeurs,
des
personnels
et
des
personnes
handicapées, (qui) définit notamment les orientations concernant
l’utilisation des crédits du fonds (…) ». En complément de ce dispositif
central, un comité local est institué dans chaque région, composé (à
l’instar du comité national) de 17 membres parmi lesquels 3 élus locaux,
et présidé par le préfet de région ou son représentant au titre de la
fonction publique de l’Etat. Placé « sous la tutelle des ministres chargés
de la fonction publique de l’Etat, de la fonction publique territoriale, de la
fonction publique hospitalière et du budget », le FIPHFP est dirigé par un
directeur
nommé par arrêté conjoint des mêmes ministres et dispose d’un
agent comptable désigné dans les mêmes conditions. L’obligation
d’emploi en faveur des personnes handicapées est réalisée quand le
rapport entre le nombre de bénéficiaires de cette obligation et l’effectif
total atteint 6 %.
LA MISE EN PLACE DU FONDS POUR L’INSERTION DES
PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
189
Quand ce rapport est inférieur à 6 %, l’organisme peut
toutefois
soustraire du nombre d’unités manquantes un nombre d’unités qui est
déterminé par le montant de certaines dépenses, par exemple les dépenses
de sous-traitance avec des entreprises employant des personnes
handicapées.
Le montant de la contribution est égal au nombre d’unités
manquantes, multiplié par un montant unitaire (de 400 à 600 fois le Smic
horaire selon l’effectif total). Ce montant ainsi que ses modalités de
modulation sont globalement identiques à ceux des entreprises privées, à
ceci près que la loi du 11 février 2005 a prévu que le montant des
contributions publiques serait réduit de 80 % en 2006, de 60 % en 2007,
de 40 % en 2008 et de 20 % en 2009. Dans ce cadre, les employeurs
doivent transmettre au FIPHFP, au plus tard le 30 avril, une déclaration
annuelle accompagnée du paiement de leur contribution. Le contrôle de
cette déclaration annuelle est effectué par la Caisse des dépôts,
gestionnaire du fonds.
Le FIPHFP a connu en 2007 une grave crise de gouvernance liée à
un conflit ouvert entre ses responsables, crise qui a atteint son paroxysme
à l’été 2007, les tutelles acceptant, le 27 juin 2007, la démission du
directeur du FIPHFP et mettant fin aux fonctions de la présidente du
comité national par arrêté du 14 août 2007. Cette crise de gouvernance
n’a toutefois pas empêché les protagonistes de chercher à assumer leurs
responsabilités.
A - Les ambiguïtés originelles dans l’organisation du
dispositif
La crise de gouvernance du FIPHFP a largement été la
conséquence des décisions des pouvoirs publics quant à la structure
juridique à donner au FIPHFP, telle qu’elle a été définie, après beaucoup
d’hésitations, par le décret du 3 mai 2006.
1 -
Les hésitations des pouvoirs publics sur le statut juridique du
Fonds
A l’origine, en effet, le choix de la Caisse des dépôts comme
gestionnaire administratif du FIPHFP trouvait sa justification dans une
logique de mutualisation avec d’autres fonds gérés par elle. Il était
cohérent avec la loi du 11 février 2005 qui prévoyait la création d’un
«
fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction
publique, géré par un établissement public placé sous la tutelle de l'État
»
et ne précisait pas la nature juridique de ce futur fonds.
190
COUR DES COMPTES
C’est le décret d’application du 3 mai 2006 qui allait le doter du
statut
d’établissement public administratif avec un exécutif propre et un
régime financier et comptable de droit commun, et ceci en dépit
d’observations de la Caisse de dépôts qui avait fait valoir, en novembre
2005, ses réserves quant à la viabilité du système.
Les conséquences de l’existence d’un établissement public de plein
exercice, administré par un « comité national » dont le président
présentait la particularité d’être élu au sein du comité au lieu d’être
nommé par les autorités de tutelle, et où les représentants de l’État (3 sur
17) étaient très minoritaires, n’ont pas été totalement acceptées par tous
les partenaires.
En ce qui concerne la Caisse des dépôts, rien n’illustre mieux sa
difficulté à évoluer dans le cadre fixé par le décret du 3 mai 2006 que ses
réticences à répondre aux demandes légitimes, car dictées par les textes
réglementaires, de l’agent comptable du FIPHFP s’agissant, en
particulier, de la fourniture d’informations indispensables à l’exercice de
sa mission, comme des états de restes à recouvrer.
Pour le comité national, le fait que le directeur de l’établissement
ait été un cadre de la Caisse des dépôts, adjoint du responsable de la
gestion administrative, mis à disposition du FIPHFP à mi-temps, ne
pouvait qu’accréditer le sentiment que, dans les faits malgré les textes, le
FIPHFP ne disposait pas d’un véritable exécutif.
La structure du budget de l’établissement est significative de ces
ambiguïtés : alors que l’établissement public peut disposer directement
d’un budget de l’ordre de 1 M€, le gestionnaire administratif a la
responsabilité de sommes six fois supérieures (6,17 M€) en vue d’assurer
la plus grosse partie des charges du fonds.
2 -
Les fondements approximatifs de l’intervention du
gestionnaire administratif
a)
L’absence de convention d’objectifs et de gestion
L’article 1
er
du décret du 3 mai 2006 confie la gestion
administrative du FIPHFP à la Caisse des dépôts. Mais son article 25
prévoit la conclusion d’une convention d’objectifs et de gestion entre
l’établissement, les ministres de tutelle et le gestionnaire administratif
pour une durée minimale de cinq ans.
Cette convention doit fixer
notamment les modalités de calcul, de répartition et d’évolution de
l’enveloppe budgétaire allouée au gestionnaire administratif du fonds.
LA MISE EN PLACE DU FONDS POUR L’INSERTION DES
PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
191
La Cour n’a pu que constater que cette convention d’objectifs et de
gestion (COG) n’avait toujours pas été adoptée par les parties signataires,
son adoption étant, au mieux, envisagée pour la fin de l’année 2007. En
son absence, les services de la Caisse des dépôts cherchent à intégrer dans
une décision
modificative
au
budget
2007
«
la
facturation
du
gestionnaire administratif pour les années 2005 / 2006
» pour des
montants respectifs de 240 000 et 4 221 000 €.
Il paraît difficile d’admettre que le FIPHFP, établissement créé le
1
er
janvier 2006, se voie facturer des coûts de « gestion administrative »
engagés en 2005 par un organisme qui n’a reçu mandat de ladite gestion
qu’en mai 2006. En ce qui concerne les sommes exposées en 2005, la
Caisse des dépôts a reconnu qu’elles correspondaient aux frais de
préparation de l’offre de service. Il s’agit donc d’un investissement
qu’elle devrait conserver à sa charge.
b)
Le contenu mal défini de l’offre de service
L’offre de service de la Caisse des dépôts aux fins de se voir
confier le mandat de gestionnaire administratif du FIPHFP précisait que
l’évaluation des
coûts de gestion à refacturer au Fonds avait été faite à
partir de l’hypothèse, retenue par les pouvoirs publics, de 40 000 dossiers
d’aides individuelles par an
67
. Dans son mécanisme de calcul, cette
évaluation (5 772 000 € en 2006 et 6 170 000 € en 2007) dépendait
largement du nombre de dossiers traités.
Or, le FIPHFP n’a traité aucun dossier en 2006 et son gestionnaire
administratif évaluait à 1000 au maximum le nombre de dossiers qui
pourraient être traités en 2007.
La Cour a constaté que le gestionnaire administratif n’en a pas
moins maintenu (en 2006), voire dépassé (en 2007), son estimation
initiale de facturation dans les budgets du FIPHFP. Cette situation a
contribué à alimenter les incompréhensions entre la Caisse des dépôts et
les membres du comité national. Elle n’a été rendue possible qu’à raison
de la passivité des tutelles qui ont laissé faire alors même qu’elles
n’avaient pas formalisé par écrit leur accord sur l’offre de service que la
Caisse des dépôts leur avait transmise le 16 juin 2006.
67) Il existait deux autres hypothèses : une de 15 000 dossiers, l’autre de 95 000.
192
COUR DES COMPTES
B - La mise en place réussie du processus de
recouvrement des contributions
Pour lancer le dispositif, la Caisse des dépôts, à partir du
recensement des employeurs des trois fonctions publiques, soit près de
53 000 organismes, a sélectionné ceux qui lui paraissaient devoir être
astreints à obligation d’emploi (effectif en équivalent temps plein
supérieur à 20 personnes). Un courrier d’appel à déclaration leur a été
envoyé,
les
invitant
à
remplir
une
déclaration
dématérialisée,
transmissible d’une plate-forme en ligne sécurisée.
Pour 2006, 13 864 employeurs ont été appelés par le gestionnaire
administratif à faire une déclaration ; plus de 9 000 se sont révélés
assujettis. Le montant déclaré avoisinait les 56 M€. Pour 2007, 13 783
employeurs ont été appelés par le gestionnaire à faire une déclaration. Sur
ce total, seuls 1 464 ont fait l’objet d’une mise en demeure, soit un
pourcentage (10,6 %) en net recul par rapport à l’année précédente
(19 %),
ce
qui
atteste
de
la
montée
en
charge
du
système.
13 144 employeurs ont, le cas échéant après mise en demeure, procédé à
leur déclaration pour un montant d’environ 125,9 M€. Au 31 août 2007,
84,5 M€, soit les deux tiers, avaient été versés
.
Parmi les 1464 organismes publics mis en demeure en 2007
d’effectuer leur déclaration figurent des institutions d’État comme l’École
nationale de la magistrature, des établissements publics oeuvrant dans le
secteur des personnes handicapées, La Poste ou encore des départements
ministériels comme le ministère de l’économie, des finances et de
l’industrie. Ce dernier s’est, en définitive, complètement acquitté de ses
obligations (déclaration et paiement) ; au 1
er
septembre 2007, ce n’était le
cas ni du ministère de l’outre-mer (44 000 €), ni du ministère de la justice
(4,8 M€), ni des services du Premier ministre (236 000 €), tous
justifiables, à ce titre, d’un recouvrement forcé par titre exécutoire.
LA MISE EN PLACE DU FONDS POUR L’INSERTION DES
PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
193
II
-
Une question qui demeure : l’emploi des fonds
collectés par le FIPHFP
Le décret du 3 mai 2006 confie au comité national le soin de régler
«
par ses délibérations les questions d’ordre général concernant le
fonds
». La Cour constate qu’en quelques mois d’activité
68
, cette instance
s’est attachée à mener à bien ou à initier la plupart des missions que lui
confient les textes, en particulier tout le travail de réflexion stratégique
s’appuyant sur l’expertise "handicap". Il doit cependant faire face au défi
que constitue l’emploi des sommes collectées.
A - Les difficultés d’utilisation
1 -
Un taux d’utilisation aujourd’hui dérisoire
D’après le gestionnaire administratif, 503 demandes d’aide étaient
parvenues à la plate-forme e-services au 31 août 2007. A cette date, le
montant des aides payées s’élevait à 478 197 €, montant auquel on
pouvait ajouter celui des aides ayant reçu un avis favorable (189 752 €).
Par ailleurs, toutes les parties prenantes du FIPHFP se sont accordées
pour mettre en place, à côté du système d’aides individuelles, des
financements par convention pluriannuelle, à l’origine non prévus dans le
dispositif, qui représenteront en 2007 un peu plus de 4 M€ de dépenses.
Au total, le FIPHFP ne devrait avoir dépensé à la fin 2007 que
moins de 5 M€ sur les 182 M€ collectés depuis sa création, soit un taux
d’utilisation de 2,7 %.
Pour éloquents qu’ils soient, ces chiffres doivent être replacés dans
un contexte de montée en charge du FIPHFP, car des difficultés que
l’établissement
a
rencontrées
sont
appelées
à
se
résorber
progressivement :
la mise en place tardive des comités locaux (seulement 13 sur 26
étaient installés au 1
er
octobre 2007) alors qu’il leur reviendra de
gérer plus des deux tiers des financements du Fonds ;
un incontestable déficit d’information des employeurs ;
les difficultés techniques de la plate-forme de traitement des
aides.
68) Compte tenu des délais de constitution, sa première réunion s’est tenue le 7 juin
2006.
194
COUR DES COMPTES
A titre de comparaison, l’Agefiph, il est vrai créée ex nihilo, n’a
été pleinement opérationnelle que deux ans après sa création, alors que le
premier dossier d’aide du FIPHFP a été payé au bout de 7 mois.
2 -
La disproportion entre le niveau prévisible de la ressource et
les
possibilités actuelles de financement
Tous les responsables du FIPHFP s’accordent sur le constat de la
disproportion entre le niveau attendu de la ressource et les possibilités
d’emploi du Fonds dans le cadre législatif actuel.
Une fois disparu, en 2010, le système des abattements sur les
contributions des employeurs, les ressources du FIPHFP dépasseront
250 M€ par an. Or, la Caisse des dépôts évalue à 110 M€ les possibilités
d’utilisation annuelle du Fonds en se plaçant dans un scénario
volontariste de 10 000 bénéficiaires par an au titre des seules aides
directes, avec un montant moyen de 5 000 € par aide, auquel se
rajouteraient des financements sur convention estimés à 60 M€ par an sur
la base de 150 conventions pour les principaux employeurs.
B - Les limites du FIPHFP : le recrutement effectif des
personnes handicapées dans la fonction publique
1 -
A périmètre comparable, la fonction publique est en retard
par rapport au privé
Les premiers éléments statistiques publiés par le FIPHFP à partir
des déclarations d’employeurs dans son rapport annuel 2006 font
apparaître un taux d’emploi des personnes handicapées dans la fonction
publique de 3,55 % contre un chiffre jusque-là affiché de 4,5 %, et un
pourcentage de 4,4 % pour le secteur privé. De plus, l’examen du détail
des déclarations d’employeurs assujettis au FIPHFP conduit à relativiser
fortement ces chiffres.
En effet, pour le cas spécifique des employeurs publics, l’article
L. 323-5 du code du travail ajoute à la liste des bénéficiaires de
l’obligation d’emploi prévue à l’article L. 323-3, qui est commune au
secteur public et au secteur privé, les catégories suivantes :
«
Les titulaires d’un emploi réservé (…) sont pris en compte pour
le calcul du nombre de bénéficiaires de l’obligation d’emploi instituée
par l’article L. 323-1. (…) Sont également pris en compte pour le calcul
du nombre de bénéficiaires de cette obligation : les agents qui ont été
reclassés (…), les agents qui bénéficient d’une allocation temporaire
d’invalidité (…).
»
LA MISE EN PLACE DU FONDS POUR L’INSERTION DES
PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
195
Si l’on retire des statistiques du FIPHFP les catégories prévues de
l’article L. 323-5 en matière d’obligation d’emploi des personnes
handicapées, donc à périmètre comparable à celui du secteur privé
69
, le
taux d’emploi des personnes handicapées deviendrait alors inférieur
à 2 %.
2006
FP Etat
FP
Hospitalière
FP
Territoriale
Total FP
Effectif total des
organismes assujettis au
FIPHFP : (1)
2 462 471
878 418
1 265 258
4 606 147
Total bénéficiaires
déclarés au FIPHFP : (2)
88 397
31 350
43 929
163 676
Taux d’emploi :
(3) = (2) / (1)
3,59 %
3,57 %
3,47 %
3,55 %
Total art. L. 323-5 (4)
48 875
21 138
18 971
88 984
Total bénéficiaires hors
art. L. 323-5 :
(5) = (2) – (4)
39 522
10 212
24 958
74 692
Taux d’emploi sans
articleL. 323-5 :
(6) = (5) / (1)
1,6 %
1,16 %
1,97 %
1,62 %
Source : rapport annuel 2006 du FIPHFP
2 -
Un obstacle statutaire : la condition d’équivalence des diplômes
Au moment de l’adoption de la loi du 10 juillet 1987, le
gouvernement avait proposé pour la fonction publique un autre levier
d’action que la création d’un fonds analogue à celui qu’il mettait en place
pour le secteur privé. L’orientation privilégiée était alors d’agir de façon
volontariste et directe sur le recrutement des personnes handicapées,
notamment via les emplois réservés, pour atteindre le seuil de 6 %.
69) Comparable mais non identique car, en application des articles L. 323-4, L. 323-4-
1 et L. 620-10 du code du travail, les calculs d’effectif total et du nombre de
bénéficiaires de l’obligation d’emploi sont différents dans la fonction publique et dans
le secteur privé, ce dernier pouvant en particulier proratiser ses emplois à temps
partiel qui sont, à l’inverse, comptés pour une unité dans la fonction publique.
196
COUR DES COMPTES
Mais le protocole d’accord signé le 8 octobre 2001 sur l’emploi
des travailleurs handicapés dans la fonction publique d’État entre le
gouvernement et cinq organisations syndicales a acté l’extinction
progressive de «
la procédure actuelle de recrutement des travailleurs
handicapés en catégorie B et C par la voie dite des "emplois réservés"
»
au bénéfice de la procédure dite de "recrutement direct" introduite par la
loi de 1987 pour les catégories C et ex-D, puis étendue aux catégories A
et B par la loi n° 95-116 du 4 février 1995.
Avec la suppression de la filière des emplois réservés, il n’existe
donc plus que deux voies d’accès à la fonction publique pour les
personnes handicapées : le recrutement par concours et le recrutement
direct par contrat donnant vocation à titularisation.
Le recrutement par concours s’effectue selon les modalités de droit
commun, moyennant deux types de dérogations. Le fait qu’aucune
condition de limite d’âge ne soit opposable aux candidats handicapés et le
bénéfice «
d’aménagements particuliers des épreuves du concours en
fonction de la nature
(du)
handicap ou du degré
(…)
d’invalidité (par
exemple : installation dans une salle spéciale, temps de composition
majoré d’un tiers, utilisation d’un ordinateur, assistance d’un secrétariat,
temps de repos suffisant)
», tous aménagements prévus par le protocole
de 2001 mais érigés en droit à la décision du candidat par la loi du
11 février 2005.
Le recrutement direct par contrat permet, lui, aux personnes
handicapées d’être recrutées sous contrat renouvelable une fois, sur des
emplois publics de catégorie A, B et C avec une durée du contrat
qui est
équivalente à la période de stage effectuée, pour le même emploi, par un
lauréat de concours, en général un an. À l’issue du contrat, l’agent peut
être engagé sur un emploi de titulaire, après examen de son dossier de
candidature.
Mais, comme le rappelle la brochure éditée par le ministère de la
fonction publique sur "le recrutement des travailleurs handicapés dans la
fonction publique" : «
Que vous soyez recruté par concours ou par
contrat, vous devez satisfaire aux conditions générales d’accès à la
fonction publique, notamment celles relatives au niveau de diplôme
.
»
C - Repenser les modes d’interventions du Fonds
La capacité du FIPHFP à contribuer concrètement au recrutement
des personnes handicapées dans la fonction publique est centrale. Or, les
moyens budgétaires consacrés à l’insertion professionnelle des personnes
handicapées dans la fonction publique d’État avant la création du FIPHFP
LA MISE EN PLACE DU FONDS POUR L’INSERTION DES
PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
197
pouvaient être estimés à 10 M€ par an, en regroupant le précédent fonds
homonyme (supprimé en 2006 lors de la création du FIPHFP) et les
dotations spécifiques de chaque département ministériel. Cette enveloppe
financière permettait largement de financer les aménagements des postes
de travail.
Avec une ressource de 250 M€ par an prévue à partir de 2010, le
nouveau FIPHFP ne peut évidemment plus être cantonné aux seuls
aménagements des postes de travail même dans une conception élargie de
ceux-ci et en prenant en compte les deux autres fonctions publiques,
hospitalière et territoriale.
1 -
Mieux utiliser les possibilités actuelles d’intervention.
Le FIPHFP est encore mal connu. Il doit être en mesure, comme
l’a proposé son comité national, de mener des campagnes d’information
et de mobilisation vis-à-vis tant des employeurs publics que des jeunes
handicapés susceptibles d’être intéressés par un emploi public. Cela
suppose qu’il puisse disposer, pour ce faire, de crédits d’intervention
spécifique qui devront nécessairement, là encore, être gérés à son
initiative et non à celle des employeurs. À titre de comparaison, on
rappellera que l’Agefiph consacre près de 4 % de son budget, soit 19 M€
en 2007, à des opérations de "mobilisation du monde économique" à
destination des employeurs du secteur privé.
Les crédits du FIPHFP doivent pouvoir être mobilisés à des fins de
formation et de sensibilisation, telles que la diffusion plus large de son
« guide »,
l’amélioration
de
sa
plate-forme
d’information
ou
l’enrichissement
du contenu de son catalogue.
Les partenariats prévus, d’une part, à l’article L. 323-10-1 du code
du travail, avec l’Agefiph et, d’autre part, à l’article L. 323-11 du même
code, avec les organismes de placement spécialisés du réseau Cap Emploi
devraient permettre de profiter de l’expérience capitalisée par ces
opérateurs qui concourent déjà, pour une part non négligeable de leurs
crédits, au financement de parcours vers la fonction publique.
2 -
Intervenir en amont des processus de recrutement
Le Fonds n’est pas actuellement habilité à intervenir le plus
possible
en
amont
du
processus
de
recrutement.
Les
critères
d’intervention du FIPHFP qui figurent à l’article 2 du décret du
3 mai 2006 privilégient, en effet, le maintien dans l’emploi sur le
recrutement des personnes handicapées dans la fonction publique. Ils
apparaissent restrictifs par rapport à ceux de l’Agefiph dont les
198
COUR DES COMPTES
ressources, en application de l’article L. 324 -8-4 du code du travail
«
sont destinées à favoriser toutes
les formes d’insertion professionnelle
des handicapés en milieu ordinaire de travail
». La règle selon laquelle
seuls les employeurs peuvent être à l’initiative des financements du
FIPHFP, posée par la loi du 11 février 2005 et qui figure aujourd’hui à
l’article L. 323-8-6-1-II du code du travail constitue également un frein
au développement des actions et induit une différence de traitement entre
salariés du secteur public et salariés du secteur privé.
Cette différence ne
saurait être jugée sans conséquence sur le taux d’utilisation du FIPHFP
quand on considère que 30 % des financements de l’Agefiph sont
aujourd’hui engagés à l’initiative des salariés.
L’article 137 de la loi de finances pour 2006 qui a permis aux
employeurs publics concernés, au premier chef l’éducation nationale, de
déduire du montant de leur contribution financière «
les dépenses
consacrées à la rémunération des assistants d’éducation affectés à des
missions d’aide à l’accueil, à l’intégration et à l’accompagnement des
élèves ou étudiants handicapés au sein des écoles, des établissements
scolaires et des établissements d’enseignement supérieur
», déduction
plafonnée à 80 % en 2006 et 70 % en 2007 et qui devra, ensuite, être
«
réexaminée annuellement
», constitue un exemple d’extension possible
de l’utilisation du fonds.
Une piste souvent évoquée consisterait à permettre au FIPHFP de
financer des mises en accessibilité de locaux, à la condition toutefois qu’il
s’agisse de recruter une personne handicapée identifiée et que cette mise
en accessibilité soit la condition de ce recrutement. Il ne s’agit nullement,
en effet, pour le FIPHFP de se substituer à l’obligation légale
d’accessibilité des bâtiments ouverts au public dont l’échéance avait été
fixée à 2015.
L’élargissement du champ d’action du FIPHFP est préconisé tant
par le Comité national que par la Caisse des dépôts mais suscite encore,
de la part de certains représentants du monde du handicap, un certain
nombre de réticences qui devront être levées, l’Etat devant s’engager à ce
que les recettes du fonds ne viennent pas, principalement, pallier
l’insuffisance des crédits
budgétaires.
LA MISE EN PLACE DU FONDS POUR L’INSERTION DES
PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
199
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
En dépit des conflits intervenus et de la crise qu’a connue
l’établissement, tous les acteurs du FIPHFP auront entrepris d’assumer
leurs missions, conscients de l’importance de l’enjeu pour une politique
publique aussi essentielle que l’insertion professionnelle des personnes
handicapées, considérée ici dans son volet "fonction publique". Le
gouvernement a récemment réaffirmé l’importance qu’il attachait au
dossier, précisé les moyens d’actions à mettre en oeuvre et rappelé qu’au-
delà de la contribution financière, le non respect de l’obligation d’emploi
serait sanctionné dans le cadre de l’opération de gestion prévisionnelle
des effectifs.
Afin de permettre que le fonds, avec des équipes renouvelées,
puisse fonctionner rapidement dans les meilleures conditions, la Cour
recommande, en ce qui concerne la gestion et le fonctionnement du
fonds :
1) la mise au point et l’adoption sans délais de la convention
d’objectifs et de gestion ;
2) la mobilisation d’une partie des recettes du fonds pour des
actions de sensibilisation et de formation ;
3) l’officialisation des partenariats avec l’AGEFIPH
et le réseau
CAP-emploi ;
4) la poursuite des réflexions sur les conditions d’intervention du
fond, notamment en ce qui concerne les actions situées en amont du
recrutement pour favoriser l’acquisition d’une formation diplômante par
une personne handicapée.
En ce qui concerne le problème plus général du recrutement des
personnes
handicapées
dans
la
fonction
publique,
au-delà
des
améliorations attendues dans le fonctionnement et la gestion du FIPHFP,
la Cour s’interroge sur les capacités d’un tel fonds, dans un cadre
législatif inchangé qui limite aussi strictement son champ d’intervention,
à contribuer à la satisfaction de l’objectif d’emploi des personnes
handicapées dans la fonction publique.
200
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET
DE LA FONCTION PUBLIQUE
Le ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction
publique a pris connaissance avec le plus grand intérêt de l’insertion au
rapport public relative à «La mise en place du Fonds pour l’insertion des
personnes handicapées dans la Fonction publique (FIPHFP) ».
Il prend acte des constats faits par la Cour sur la complexité du cadre
juridique, sur les difficultés qu’a pu connaître la gouvernance, ainsi que sur
la disproportion observée en 2006 et 2007 entre le montant de recettes
perçues et les interventions effectives du fonds.
Des observations et précisions complémentaires, dont certaines sont
liées à des orientations gouvernementales récentes, paraissent toutefois
devoir être apportées à l’analyse et à l’information de la Haute juridiction.
A titre liminaire, il convient de rappeler que le fonds pour l’insertion
des personnes handicapées dans la fonction publique est de création
récente : institué par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des
droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées, ses règles de fonctionnement et le rôle de ses organes ont été
fixés par le décret n° 2006-501 du 3 mai 2006, le directeur du fonds et les
membres du comité nationale ont été nommés par arrêtés conjoints du 2 juin
2006. Les difficultés auxquelles il a été confronté ne lui ont pas permis
d’enregistrer la montée en puissance qui était attendue par les pouvoirs
publics. C’est pourquoi, dès le mois de juin 2007, les ministres en charge de
la tutelle ont souhaité prendre toutes leurs responsabilités et les décisions
que la situation imposait. Ces décisions n’avaient pas encore commencé à
produire tous leurs effets au moment où intervenait l’enquête de la Cour.
1- En ce qui concerne la gouvernance du FIPHFP
, la Cour met en
évidence des lourdeurs de fonctionnement et des ambiguïtés juridiques qui
pourraient avoir eu un rôle déclencheur dans la crise.
Les administrations de tutelle estiment en effet que la crise a pu jouer
un rôle de révélateur d’un système complexe qui nécessite une bonne
intelligence de son fonctionnement et des ses objectifs. Elles souhaitent que
la clarification des rôles de chacun et la définition d’un cadre stratégique
permettent au Fonds de trouver toute son efficacité, dans un climat de
confiance entre les partenaires.
Un processus énergique de redressement et de clarification a été
enclenché par un courrier du 5 juin 2007 adressé au directeur du Fonds et à
la présidente du Comité national précisant le rôle de chacun des organes. La
crise perdurant au sein du FIPHFP, la démission, à sa demande, du
directeur de l’établissement a été acceptée et il a été mis fin au mandat de la
LA MISE EN PLACE DU FONDS POUR L’INSERTION DES
PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
201
présidente du comité national en sa qualité de représentante titulaire de la
fonction publique de l’Etat par arrêté du 14 août 2007.
Une nouvelle équipe, localisée au plus près du fonctionnement
géographique du comité national a été constituée. Un nouveau directeur,
M. Jean-François de Caffarelli, a été nommé le 26 septembre 2007. Ses
fonctions ont été mieux définies. Il les exerce à temps plein, et il est
désormais rémunéré directement par le Fonds. L’objectif est d’affirmer
nettement la séparation des rôles avec le gestionnaire administratif qu’est la
Caisse des dépôts et consignations.
La représentation de l’Etat au comité national a été modifiée afin
d’assurer une représentation élargie des ministères et un nouveau président,
M. Didier Fontana, a été élu le 7 novembre 2007.
2- Les tutelles sont, bien entendu, très attachées
à la performance de
la gestion administrative.
La recherche d’efficacité dans la politique en faveur des personnes
handicapées est, plus largement, un des thèmes de la « révision générale des
politiques publiques (RGPP) » actuellement en cours. A cet égard, la
comparaison entre les structures AGEFIPH et FIPHFP est, comme le montre
la Cour, un élément important dans la définition du dispositif dans une
démarche de performance de l’intervention publique.
Dans ce contexte, et en application de la circulaire du Premier
ministre
relative
à
la
suspension
provisoire
des
démarches
de
contractualisation pluriannuelle avec les opérateurs de l’Etat (circulaire
n° 5256/SG du 23 octobre 2007) – dans l’attente des conclusions de la RGPP
– une convention de gestion administrative, limitée à 2007-2008, servira de
support juridique transitoire à l’organisation de la gestion entre le FIPHFP
et son gestionnaire CDC, souhaité par la Cour. Cette convention a été
adoptée le 7 décembre dernier, en séance plénière du comité national du
FIPHFP. Elle sera signée avant la fin de l’année.
En complément de la convention, un document d’orientations
stratégiques a été présenté au comité national qui a souhaité pouvoir
l’examiner dans une séance ultérieure. Une convention d’objectifs et de
gestion quinquennale, affinée en tenant compte de l’expérience de la mise en
oeuvre de la première convention de gestion administrative, pourra être
conclue à l’issue de cette période.
Il convient par ailleurs de signaler que, dans le cadre de la maîtrise
de la facturation présentée par le gestionnaire, la tutelle budgétaire a, par
exemple,
rejeté
tout
remboursement
de
facture
au
titre
de
2005
correspondant à une dépense qui, comme la Cour le note, serait difficile à
admettre pour un établissement créé au 1
er
janvier 2006.
202
COUR DES COMPTES
3 – Sur
la disproportion entre le niveau prévisible de la ressource et
les possibilités actuelles de financement
Les tutelles ont très vite pointé la faiblesse préoccupante des dépenses
du FIPHFP au regard des ambitions des objectifs publics dans le domaine de
l’insertion des personnes handicapées.
Les mesures de redressement préconisées doivent permettre d’agir sur
le niveau d’efficacité du fonds et donc sur le niveau des dépenses du fonds.
De manière générale, le ministère du Budget, des Comptes public et
de la Fonction publique est extrêmement désireux que l’action en faveur de
l’insertion des personnes handicapées dans les fonctions publiques (Etat,
collectivités territoriales et hôpitaux) parvienne à accroître le taux d’emploi
de ces personnes.
L’importance que le Gouvernement attache à cette politique se
manifeste notamment à travers les termes de la circulaire n° 5265/SG, signée
par le Premier ministre le 23 novembre 2007, relative à « l’insertion
professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique ».
Ainsi, le Premier ministre a demandé à chacun des membres du
Gouvernement de mobiliser les administrations placées sous leur autorité.
Les administrations, qui n’en disposeraient pas encore, devront mettre en
place un plan pluriannuel d’action permettant d’atteindre, dans la fonction
publique de l’Etat, l’objectif de 6 % d’emploi de personnes handicapées. Les
plans pluriannuels seront présentés au Premier ministre avant la fin de
l’année 2007. Ils devront traduire l’engagement effectif des administrations
de l’Etat en vue de l’amélioration des taux d’emploi et pouvoir être évalués à
partir de résultats quantifiés. Pour 2008, ils devront conduire à une hausse
d’au moins 25 % des recrutements de personnes handicapées par rapport à
l’année précédente.
Les plans feront l’objet d’un suivi annuel. Les objectifs de recrutement
de l’année considérée seront garantis, en début d’exercice, par un gel
correspondant à leur équivalent en masse salariale.
Cette circulaire insiste sur le rôle du FIPHFP et l’appui qu’il
représente dans le domaine de l’accompagnement à l’insertion des
personnels handicapés.
S’agissant de la projection de ressources du FIPHFP à hauteur de
250 M€ par an à partir de 2010, elle est effectuée sur la base du taux
d’emploi actuel. Or, on peut raisonnablement penser que le taux d’emploi
des personnes handicapées dans la fonction publique va s’accroître dans les
années à venir, ce qui diminuera le niveau des ressources du fonds.
LA MISE EN PLACE DU FONDS POUR L’INSERTION DES
PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
203
Les efforts de redressement et de renouvellement de la gouvernance
que le gouvernement a entrepris ont donné une nouvelle dynamique au
Fonds. Ils permettent de conforter le dispositif et de renforcer sa légitimité. Il
faut souligner que le Fonds s’est orienté vers une politique de
conventionnement pluriannuel qui permet aux employeurs de mobiliser les
ressources autour d’un projet global. Compte tenu des enjeux, leur efficacité
sera suivie de près, y compris à travers l’évaluation des plans d’actions
ministériels dont elles constituent une déclinaison.
4 – Sur l’observation selon laquelle, à
périmètre comparable, la
fonction publique est en retard par rapport au privé en termes
Les premiers éléments statistiques publiés par le FIPHFP font
apparaître un taux d’emploi inférieur de près de un point à celui de la
dernière enquête DGAFP pour 2004. Si cet écart mérite d’être davantage
explicité, il convient de préciser que le périmètre de l’enquête a été modifié
par l’intervention de la loi. Ainsi, le Fonds recense 2 428 établissements
publics administratifs alors que l’enquête précédente en décomptait 4 938.
Par ailleurs, les agents de droit privé sont désormais pris en compte. Enfin,
les anciens modes de correction et de ventilation des bénéficiaires de
l’allocation temporaire d’invalidité, que la DGAFP effectuait avec l’appui du
service des pensions, n’ont pas été réalisés cette année.
Par ailleurs, plus de la moitié des effectifs de la FPE relèvent de
l’éducation nationale et exercent essentiellement dans des fonctions
d’enseignement pour lesquelles le vivier des travailleurs handicapés est
encore trop étroit. Il faut préciser qu’en moyenne 80 % des travailleurs
handicapés demandeurs d’emploi ont une qualification de niveau 5
correspondant à celui de la catégorie C.
De plus, il convient de préciser que si la fonction publique semble
frontalement en retard par rapport au privé, les périmètres et les pratiques
ne sont pas nécessairement comparables. Selon une étude de la DARES
publiée le 29 novembre 2007, si globalement le nombre de travailleurs
handicapés en entreprise a augmenté de 3 %, cette hausse s’explique, d’une
part :
- par le maintien en emploi de salariés devenus handicapés (ce qui est
comparable à la pratique de la fonction publique) ;
- par le grand nombre de salariés handicapés demandant la
reconnaissance de leur handicap (ce qui n’est pas le cas dans la
fonction publique) ;
- et par l’augmentation des emplois à temps partiel (ce qui n’est pas
avéré dans la fonction publique).
et, d’autre part, par le recours au CDD. L’étude constate qu’en 2005,
plus de la moitié des travailleurs handicapés ont travaillé moins de un mi-
temps et que la moitié des embauches l’ont été en CDD. Au contraire, la
204
COUR DES COMPTES
circulaire n° 5265/SG du 23 novembre 2007 précitée préconise au contraire
pour la fonction publique d’utiliser pleinement la possibilité de recrutement
sans concours, ouverte par le décret du 25 août 1995 relatif au recrutement
des travailleurs handicapés dans la fonction publique, qui donne vocation à
titularisation dans un corps de fonctionnaire.
5 – Sur la nécessité d’une
réflexion en amont des processus de
recrutement
de manière à contribuer à la création de la ressource et des
compétences humaines
Le gouvernement réalise un effort sans précédent dans le domaine de
l’accompagnement à la formation initiale à travers les moyens qui ont été
donnés au ministère de l’éducation nationale : 2 700 postes supplémentaires
d’AVS-i à la rentrée 2007, alors que jusqu’à présent 4 800 auxiliaires étaient
en fonction. Cela représente une augmentation de 56 % de leur nombre.
Comme la Cour le souligne, l’article 98 de la loi du 11 février 2005 a
autorisé le ministère de l’éducation nationale à déduire de sa contribution,
en 2006 et 2007, une part des dépenses qu’il consacre à la rémunération des
personnels d’aide à la vie scolaire des élèves handicapés. Cette déduction est
légitimée par le fait que l’éducation nationale contribue très activement, en
amont des opérations de recrutements des agents publics, à la création de la
ressource et des compétences humaines qui permettront de parvenir à
l’objectif de 6 % d’emploi de personnes handicapées. Pour cette même
raison, le gouvernement a proposé au Parlement, dans le cadre de la
discussion sur le projet de loi de finances rectificative, d’étendre le champ de
cette mesure.
Accompagner davantage la scolarisation des élèves handicapés et les
intégrer mieux dans les dispositifs scolaires et universitaires favorisera en
effet leur recrutement à tous les niveaux de la hiérarchie des administrations.
6 – S’agissant de la recommandation d
une
meilleure utilisation des
champs d’intervention et de financement
, il convient également de préciser
que certains financements, qui ont été insuffisamment mis en oeuvre, sont en
phase d’expansion :
- les actions des comités locaux - dont le déploiement sur l’ensemble
du territoire est tout récent - notamment en matière de sensibilisation
des acteurs, d’amélioration de la connaissance des populations de
travailleurs handicapés et de dépenses d’études ;
- le financement de la convention de
coopération avec l’AGEFIPH et
le réseau des Cap emploi. L’AGEFIPH estime qu’actuellement 20 %
du nombre des placements effectués par les Cap emploi le sont dans la
fonction publique.
Ces interventions sont susceptibles d’augmenter très sensiblement les
dépenses du FIPHFP et son efficacité.
LA MISE EN PLACE DU FONDS POUR L’INSERTION DES
PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
205
En outre, comme il a été dit précédemment, le FIPHFP s’est orienté
vers une politique de conventionnement triennal. Les engagements
juridiques, contractualisés en 2007, représentent près de 24 M€ et
témoignent de la réalité d’une montée en puissance du Fonds. Une trentaine
de recruteurs publics ont d’ores et déjà entamé des démarches auprès du
Fonds. Toutes ces conventions prévoient notamment des actions de
sensibilisation et de formation.
7 – Les administrations de tutelle ont pris note de la
recommandation
de la Cour sur la nécessité d’une meilleure information
des employeurs
publics et des et des personnes handicapées. A ce titre, j’ai le plaisir
d’indiquer à la Cour que la communication propre du FIPHFP est en hausse
de plus de un million d’€ dans le budget 2008 de l’établissement qui vient
d’être examiné par le Conseil d’administration du Fonds.
Un catalogue d’aides techniques et humaines a d’ores et déjà été
élaboré. Il est directement accessible aux employeurs publics sous forme
dématérialisée. Au 31 août 2007, avec 503 demandes d’aide à la personne
parvenues à la plate-forme e-services, ce dispositif n’a pas encore produit
tous ses effets, mais se trouve maintenant en phase de croissance rapide.
Il est, au demeurant, normal d’observer une phase de montée en
charge progressive puisque, comme la Cour le rappelle, l’AGEFIPH avait
mis de son côté, deux années à devenir pleinement opérationnelle.
8 – S’agissant de l’
obstacle statutaire qui pourrait constituer la
condition d’équivalence des diplômes
, le recrutement direct par contrat sur
des emplois publics donne vocation à titularisation dans le corps de
fonctionnaires. Tous les corps de fonctionnaires sont classé en catégories A,
B ou C qui correspondent à des niveaux de diplôme. La condition de diplôme
peut être un obstacle au recrutement par concours dans les catégories B et C
dans la mesure où des candidats handicapés, qui ont le niveau de diplôme
requis, peuvent se trouver en concurrence, pour le même concours, avec des
candidats valides surdiplômés. Ce n’est pas le cas du recrutement direct par
contrat. Or, c’est cette dernière voie qui est privilégiée aujourd’hui pour
recruter des travailleurs handicapés dans la fonction publique (circulaire
n° 5265/SG du 23 novembre 2007).
A toutes fins utiles, il est précisé qu’une réflexion est en cours sur
l’organisation de concours moins axés sur les connaissances académiques, et
davantage sur les compétences et les potentiels. Cette mission a été confiée à
Mme Desforges, inspectrice générale de l’administration, comme préalable à
une révision générale des épreuves de concours. Elle rendra ses conclusions
pour la fin 2007.
Compte tenu de l’intérêt que le gouvernement attache à la politique
d’insertion des personnes handicapées, je tenais à vous faire part de ces
quelques éléments d’information complémentaires.
206
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU DIRECTEUR DU FONDS POUR L’INSERTION DES
PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
(FIPHP)
Depuis la mise en place du Fonds en juin 2006 :
le Comité national a défini ses orientations stratégiques ;
il a défini le catalogue des aides qu’il attribue, et publié et diffusé à
40 000 exemplaires un « guide de l’employeur public » qui traite, à
l’intention des employeurs, des questions relatives au recrutement et
au maintien dans l’emploi public des personnes handicapées et qui
présente le fonctionnement et les modes d’intervention du FIPHFP ;
22 comités locaux (sur 26) ont été mis en place (au 12 décembre
2007) ;
le gestionnaire administratif a mis en place le processus de
recouvrement des contributions qui permet au Fonds de disposer de
ressources, et mis en oeuvre la « plate-forme e-services » à partir de
laquelle les demandes d’aides individuelles émanant des employeurs
peuvent être traitées ;
les premières conventions avec des employeurs justifiant d’une
taille suffisante pour mettre en place des programmes pluriannuels
d’emploi des personnes handicapées, ont été négociées et signées.
A la fin de l’année 2007, le FIPHFP aura :
mis en place 1356 aides individuelles pour un montant total de
3,8 M€ ;
engagé 7 conventions pluriannuelles pour un montant total de
24,6 M€
(dont 3,3 M€ payés au titre de 2007).
En octobre 2007, le comité national a élu un nouveau président. Un
nouveau Directeur a été nommé le 26 septembre2007.
Les travaux conduits au sein du FIPHFP, en liaison avec les tutelles et
le gestionnaire administratif, ont permis, au cours du quatrième trimestre
2007 :
l’approbation d’une convention de gestion administrative du
Fonds, basée sur un réexamen des conditions d’exercice des
missions du gestionnaire administratif et une stabilisation du coût
de cette gestion à un niveau de 4,1 % des recettes attendues pour
le budget 2008 ;
l’approbation du projet de budget 2008 du FIPHFP.
LA MISE EN PLACE DU FONDS POUR L’INSERTION DES
PERSONNES HANDICAPÉES DANS LA FONCTION PUBLIQUE
207
Ce projet de budget tient compte :
de la montée en puissance de l’activité du FIPHFP qui se traduit tout à la
fois par l’accroissement du nombre d’aides traitées par la plateforme et la
signature des premières conventions établissant des engagements
financiers pluriannuels ;
de l’augmentation progressive du taux des contributions des employeurs
publics assujettis au FIPHFP, mais aussi de la disposition en cours de
discussion au Parlement permettant aux employeurs qui engagent des
dépenses de financement des auxiliaires de vie scolaire (AVS) de déduire
la totalité de ces dépenses du montant de leur contribution au Fonds.
Cette mesure, si elle doit avoir un caractère permanent, amputera à terme
de façon sensible les ressources du Fonds, qui n’atteindront pas dans ces
conditions le niveau de 250 M€
par an en 2010 mentionné dans le
rapport ;
des orientations du Gouvernement, renforçant l’incitation à augmenter le
nombre de personnes handicapées dans la fonction publique d’État.
Le budget 2008 du FIPHFP comporte une enveloppe de 2 M€ destinée à
financer un plan de communication destiné à accroître la mobilisation des
employeurs publics en leur faisant connaître les solutions concrètes permettant
de développer l’emploi des personnes handicapées et en facilitant leur accès
aux moyens du FIPHFP.
Il prévoit de porter ses dépenses d’intervention à 120 M€, notamment par une
montée de conventions passées avec les employeurs publics, mais également au
travers des partenariats dont la concrétisation fait partie des objectifs du Fonds
pour 2008 (AGEFIPH, CNFPT, …), et permettront de démultiplier son action,
d’assurer la cohérence entre les financements du FIPHFP et les autres
intervenants (fonds de compensation départementaux…), ainsi que d’intervenir
dans le domaine de la formation en amont du processus de recrutement.
La mise en place de ces conventions a commencé de se concrétiser avec la mise
en place du financement des plans pluriannuels de développement de l’emploi
des personnes handicapées :
du Ministère de la Justice
du MINEFE
du Ministère du Travail
du Conseil Général du Maine et Loire
de la Préfecture de la Savoie
de la Mairie de Paris ;
et également par la signature d’une convention avec le Centre National de la
Fonction Publique Territoriale. Ce partenariat a pour objet la mise en place et
la promotion de formations spécifiques relatives au handicap destinées aux
agents territoriaux et également aux personnes handicapées qui souhaitent
entrer dans la fonction publique territoriale.