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Seul le prononcé fait foi
AUDIENCE SOLENNELLE
Mardi 5 avril 2022
10h30
Grand’chambre
Allocution de Pierre Moscovici,
Premier président de la Cour des comptes
Madame la Procureure générale,
Mesdames et messieurs les présidents de chambre,
Mesdames et messieurs,
Mes chers collègues,
Je suis très heureux de vous retrouver en Grand’chambre pour cette audience
solennelle.
Ces moments sont chers à la Cour puisqu’ils nous permettent de nous réunir et
de célébrer, ensemble, notre collectif de travail.
Nous sommes aujourd’hui ré
unis pour installer trois conseillers maîtres et une
nouvelle secrétaire générale, qui sont déjà familiers de notre institution, ainsi qu’un
conseiller référendaire en service extraordinaire.
Autant de personnalités qui, j’en suis
convaincu, apporteront
ou continueront d’apporter –
de la diversité et du talent aux
juridictions financières ! Je tiens, en mon nom et en notre nom à tous, à leur souhaiter la
bienvenue.
Nous avons également le plaisir d’accueillir leurs proches.
Leur présence, je le sais,
compte beaucoup pour nos collègues. Parents, conjoints, familles et amis nous ont
aujourd’hui rejoints. Je devine leur fierté, et je me réjouis de leur présence. C’est
un
soulagement pour nous tous que de pouvoir ouvrir nos portes au public à visages
découverts. Mais je me dois aussi de vous rappeler que le virus n’a pas disparu et que nous
ne devons pas baisser la garde, comme nous le rappelle la remontée récente des cas de
contamination.
***
1.
Avant de vous présenter nos cinq collègues, j’aimerais, comme j’ai l’habitude
de le faire, aborder l’un des chantiers qui mobilise et continuera de mobiliser
les juridictions financières dans les tous prochains mois.
Dans le con
texte que vous connaissez, j’ai particulièrement à cœur d’aborder la
question du renforcement de la dimension internationale de la Cour.
Le retour de la
guerre sur notre continent est avant tout une tragédie pour le peuple ukrainien. Il est aussi,
pour not
re pays comme pour l’ensemble de la communauté européenne, un appel à faire
preuve de solidarité envers l’Ukraine et de fermeté vis
-à-
vis de la Russie. Comme d’autres
crises l’ont permis auparavant, le retour de la guerre doit aussi encourager la construct
ion
européenne, à passer de nouveaux caps, en particulier en matière de défense et de politique
étrangère. L’Europe a longtemps différé son rendez
-vous avec la puissance. La guerre en
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Ukraine nous oblige à renoncer à une illusion, celle de la « fin de l’hi
stoire ». La chute du mur
de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique ne nous ont hélas pas fait entrer dans une
ère de paix perpétuelle, et ces 30 années auront finalement été une parenthèse. Nous
vivons dans un monde dangereux, où la confrontation entre les démocraties et les régimes
autoritaires, voire autocratiques, sera aussi dure que durable. L’Europe ne pourra y survivre
et y peser que si elle pense sa puissance et se donne les moyens de l’exercer. Le temps
d’un saut politique et géopolitique e
st venu.
Je suis convaincu que la Cour peut participer à ce renforcement de la coopération
internationale.
Il est d’ailleurs dans l’intérêt de notre institution que nous nous dotions d’une
voix à l’échelle mondiale, que nous soyons reconnus par nos homolo
gues mais aussi plus
généralement par les grandes institutions internationales. Nous devons pour cela affirmer
notre volonté d’échanger, de coopérer pour enrichir nos pratiques et affirmer notre expertise.
En réalité, nous avons déjà commencé à renforcer notre rôle sur la scène
internationale.
Je pense notamment à la grande conférence sur l’avenir de l’Europe que nous avons
organisée il y a maintenant trois semaines, les 14 et 15 mars.
La première journée, le 14 mars, nous avons réuni les chefs des institutions
supérieures de contrôle européennes à la Cour.
Nous avons pu échanger sur notre rôle
et notre action dans le cadre de la crise sanitaire ; mais aussi sur le renforcement de la
dimension européenne et la modernisation des ISC. Certains d’entre vou
s ont participé à
cette journée de travail avec de nombreux intervenants, parmi lesquels le Commissaire
européen Paolo Gentiloni et la rectrice du Collège d’Europe Federica Mogherini, et je crois
pouvoir dire qu’elle a été très instructive. Elle a d’ailleurs abouti à la signature d’une
déclaration par 25 ISC, qui nous engage collectivement à développer notre coopération,
notamment en vue de protéger les valeurs et les principes de l’État de droit.
La deuxième journée, le 15 mars, nous avons organisé une conférence de haut niveau,
ouverte à la société civile, dans les locaux de la Sorbonne-Université.
Des invités très
prestigieux, comme Joseph Stiglitz et Enrico Letta, sont venus présenter leurs réflexions et
dialoguer sur l’avenir de l’Europe. Cet évènemen
t démontre tout le prestige de la Cour et la
confiance qui nous est accordée, non seulement par les acteurs du monde politique,
économique et associatif, mais aussi par les citoyens, pour organiser des échanges
qualitatifs.
Les résultats de cette manifestation sont donc, remarquablement positifs.
Beaucoup
de nos homologues m’ont souligné la richesse de ces deux journées et m’ont dit avoir été
impressionnés. Certaines ISC souhaitent même s’en inspirer pour organiser, chez elles, des
événements similaires. Je me réjouis de cette grande réussite qui a donné toute sa place à
notre institution dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne,
que je veux remercier de son appui, comme je remercie chaleureusement toutes celles et
ceux qui
ont travaillé d’arrache
-pied à cette organisation complexe. Nous recommencerons !
Une autre mission de grande envergure nous attend très prochainement, je pense
bien sûr à mon entrée, au nom de la Cour bien sûr, au Comité en charge de l’audit
externe des Nations unies.
Ce sujet est particulièrement d’actualité, puisque depuis ce
lundi et jusqu’à la fin de la semaine, des membres de l’ONU sont à la Cour spécialement
pour préparer cet audit. Je sais que certains d’entre eux sont parmi nous : je les salue et
je
les remercie d’être venus assister à cette audience solennelle, qui leur permettra de
connaître un peu mieux notre maison !
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Notre participation à l’audit externe des Nations unies sera, j’en suis convaincu,
passionnante.
Nous interviendrons sur quatre grands thèmes : les organisations de
maintien de la paix, le développement, les réfugiés et les droits de l’homme, enfin le climat.
Quatre sujets dont l’actualité est brûlante, ce qui rendra notre travail d’autant plus important,
mais surtout, exigeant. Notre objectif est clair : il est de réaliser un audit financier utile, et
j’insiste sur le mot « utile ». Nous voulons nous centrer sur des sujets prioritaires pour
éclairer le plus efficacement possible les décideurs onusiens. Pour cela, nous réaliserons
n
otre mission de façon indépendante certes, mais nous saurons aussi rester à l’écoute des
services, car nous devrons comprendre très finement quelles sont les contraintes du
secrétariat général de l’ONU. Je veux croire que de cette manière, nous œuvrerons à
l’amélioration de la conduite des missions des Nations unies et au renforcement de leur
légitimité
car c’est bien là l’objectif de cet audit, et le contexte international exige encore
davantage que nous y parvenions.
J’insiste, c’est une chance pour no
us que de pouvoir apporter notre contribution à cet
audit externe collégial de très haut niveau.
Je connais la qualité de l’expertise qui est la
nôtre. Elle me permet d’ores
-et-
déjà d’affirmer qu’au cours de ces six années, la Cour saura
apporter une forte
valeur ajoutée au rapport d’audit qui sera remis aux Nations Unies.
Le cadre de notre mandat ainsi dressé, je tiens à dire un mot sur nos équipes qui
seront pleinement investies dans cet audit.
Elles sont en réalité mobilisées depuis
plusieurs mois déjà, autour de François Kruger, nommé directeur de cet audit, pour se
former et préparer leur arrivée aux Nations unies. Près de 80 membres des juridictions
financières
participent
à
cette
aventure,
et
nous
avons
recruté
20
personnes
supplémentaires qui travai
lleront à plein temps sur cet audit. Mais ce n’est pas tout : nous
serons également rejoints par plusieurs auditeurs de la Corte dei Conti italienne. Nous
sommes très heureux de leur venue : elle témoigne de la priorité que nous accordons à la
coopération européenne. Une nouvelle directrice rejoindra bientôt la Driaef, pour impulser
cette action à mes côtés, et à ceux de la Secrétaire générale. Vous l’aurez compris, cette
équipe se compose de personnalités venues d’horizons différents, qui seront partiellem
ent
ou pleinement dédiées à l’audit et qui formeront, j’en suis sûr, un très beau collectif de
travail.
C’est donc tout à fait confiant que je me rendrai à New
-York en juillet pour inaugurer
notre mandat.
Je sais pouvoir compter sur chacune et chacun d’e
ntre vous pour participer,
de près ou de loin, à la réussite de cette mission de haute importance qui nous est confiée et
je vous en remercie d’ores
-et-déjà.
*
2. Voilà donc quelques éléments, non exhaustifs, sur notre engagement pour
renforcer la dimension internationale de la Cour. Je suis convaincu que les
collègues que nous installons aujourd’hui y contribueront avec brio. J’aimerais
sans plus attendre vous les présenter.
Nous avons tout d’abord le plaisir d’installer trois conseillers maîtres.
Thierry Ledroit
, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, franchit pour
la première fois comme membre de la Cour les portes de notre maison. Notre nouveau
collègue est diplômé de l’École supérieure des armements terrestres d’Arcueil. Il a f
ait le
choix d’intégrer l’administration après sa formation à l’Institut régional d’administration de
Metz, en 1996. Avant d’être nommé inspecteur général, il a occupé de nombreuses fonctions
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dans l’Éducation nationale comme celle de secrétaire général des
académies de Dijon, de
Rennes et de Créteil. Depuis maintenant près de cinq ans, il travaille au cabinet du ministre
de l’Éducation nationale, un ministère aussi complexe que décisif. D’abord conseiller
territoires et politiques interministérielles, puis directeur adjoint, il est depuis juillet 2020
directeur de cabinet. Nous sommes très heureux de l’accueillir en qualité de conseiller maître
à la Cour, et nous sommes persuadés que sa grande expertise de la gestion publique, au
premier chef dans le domaine
de l’éducation, et sa force de travail seront un grand atout
pour notre maison.
Sylvie Smaniotto-Gruska
est quant à elle diplômée de la prestigieuse École nationale de la
magistrature. Elle a démarré sa carrière en tant qu’avocate associée en 1985 avant
de
devenir juge d’instruction. Elle a ensuite élargi son horizon professionnel, en dirigeant le
cabinet du Recteur de l’académie de Paris entre 2004 et 2005. Sylvie Smaniotto
-Gruska a
aussi occupé différents postes en cabinet ministériel, notamment auprès du ministre de
l’emploi, du travail et de la cohésion sociale. Nommée conseillère référendaire au tour
extérieur, c’est en 2007 qu’elle a ouvert les portes de la Cour des comptes. Depuis cette
date, notre collègue a continué d’enrichir son parcours de diff
érentes expériences en cabinet
ministériel et depuis 2018, elle est présidente de formation de jugement à la Cour nationale
de droit d'asile. Nous nous réjouissons de son installation au sein de la maîtrise, et je suis
convaincu que la Cour saura compter sur ses grandes qualités professionnelles.
De son côté,
Gilles Bizeul
a intégré la promotion « Copernic » de l’ENA en 2000. Il en est
sorti en qualité de conseiller de chambre régionale des comptes, et a tout d’abord intégré la
chambre régionale de Provence-Alpes-
Côte d’Azur. En 2015, notre collègue a été nommé
conseiller référendaire et vice-
président de la chambre régionale des comptes d’Ile
-de-
France. Quatre ans plus tard, il a quitté la région francilienne pour rejoindre les chambres de
La Réunion et de Mayotte en qualité de président. Il est de retour à la Cour depuis moins
d’un an, et nous sommes très heureux de sa nomination en tant que conseiller maître. Celle
-
ci s’inscrit, comme son parcours l’indique, dans la continuité d’une carrière remarquable a
u
sein des juridictions financières.
Nous installons également avec un grand plaisir notre nouvelle secrétaire générale,
Maïa Wirgin.
Membre de notre maison depuis sa sortie de l’ENA comme auditrice en 2006,
elle a vécu plusieurs expériences
pour le moins significatives
dans le milieu des médias
puis dans l’administration. D’abord secrétaire générale de Public Sénat pendant plus de trois
ans, elle a ensuite rejoint Radio France, où elle a exercé ces mêmes fonctions pendant
quatre ans. Après être passée
par le Comité d’organisation des Jeux Olympiques et
Paralympiques de Paris 2024 en qualité de directrice exécutive des affaires publiques, elle a
intégré, en janvier 2019, le cabinet du Premier ministre. Elle y a exercé les fonctions de
conseillère culture, communication et régulation numérique pendant un an et demi.
Je suis
très heureux, et je pense que c’est un sentiment partagé par l’ensemble des membres de la
Cour, de son arrivée au secrétariat général. D’importants chantiers l’attendent, je pense
not
amment à la poursuite de la mise en œuvre du plan JF2025. Maïa Wirgin est reconnue
pour ses grandes qualités intellectuelles, humaines et professionnelles : je n’ai donc aucun
doute sur sa capacité à conduire, à mes côtés, notre maison vers ses objectifs. Elle a toute
ma confiance, elle mérite celle de tous.
Je souhaite de nouveau la bienvenue à nos collègues au sein de la maîtrise et au
secrétariat général et leur adresse tous mes vœux d’épanouissement dans leurs
nouvelles fonctions.
J’aimerais maintenan
t vous présenter une nouvelle collègue, que nous sommes
également ravis d’accueillir dans nos rangs.
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Vanessa Gouret
rejoint notre maison en tant que conseillère référendaire en service
extraordinaire, dans la continuité d’un parcours professionnel remarqu
able. Administratrice
civile sortie en 2004 de l’ENA, elle a débuté sa carrière comme adjointe puis cheffe de
bureau au secrétariat général du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.
Vanessa Gouret est ensuite passée par le groupe Thales, où elle a été Directrice de
l’Actionnariat salarié et des projets RH. Entre 2012 et 2014, elle a rejoint le cabinet de la
Ministre du commerce extérieur en qualité de conseillère. Notre nouvelle collègue s’est
ensuite tournée vers l’international, en rejoi
gnant la Mission permanente de la France auprès
des Nations unies à New-York pour une durée de trois ans. De retour en France, elle a
intégré la Préfecture de police en tant que sous-directrice des affaires financières. Ce riche
parcours nous laisse penser
que Vanessa Gouret s’intégrera très facilement à la Cour et
nous espérons qu’elle se plaira dans ses nouvelles fonctions.
***
Les parcours de ces cinq collègues, issus de différents champs de l’action publique et
marqués pour certains d’entre eux d’expé
riences également dans le secteur privé,
impressionnent par leur diversité.
Ils illustrent finalement très bien l’ouverture de notre
maison sur une très grande variété de profils, ce qui nous permet d’agréger les talents et les
compétences et d’atteindre le niveau d’expertise qui nous caractérise.
Cette ouverture
j’ai toujours à cœur de le rappeler lors des audiences solennelles,
ce n’est pas une répétition, mais un constat à chaque fois renouvelé –
constitue notre
identité et notre force.
Elle nous permet de former un collectif hautement qualifié, capable
de conduire ses missions avec une grande compétence. Nous devons certes nous en
féliciter, mais aussi veiller à entretenir cette ouverture, si ce n’est la renforcer.
Avant de conclure, j’aimerais rem
ercier Jean-
Michel Thornary, avec qui j’ai eu le
plaisir de travailler pendant un an.
Je tiens à souligner le remarquable travail qu’il a
conduit à mes côtés pendant cette période plus courte que nous l’avions prévu, qu’il a
souhaité raccourcir pour des motifs personnels, tant pour le bon fonctionnement de notre
maison que sur la mise en œuvre des actions JF 2025 et sur la négociation relative à
l’importante réforme de la responsabilité des gestionnaires publics. Sa tâche n’a pas été
facile, et il a su l’exercer avec la finesse, l’implication et le dévouement que chacun lui
connaît, et qui en font, avec l
’humeur tranquille et joyeuse qui le caractérise, un formidable
magistrat. Je ne doute pas qu’il saura apporter toute son expertise et son expérience à ses
nouvelles fonctions en chambre.
Cela étant dit, mes chers collègues, je vous remercie de votre attention.
L’audience est levée.