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Seul le prononcé fait foi
OUVERTURE DE LA JOURNÉE DE CONFÉRENCES AVEC LES
CITOYENS ORGANISÉE DANS LE CADRE DE LA PRÉSIDENCE
FRANÇAISE DE L’UNION EUROPÉENNE (PFUE)
Mardi 15 mars
Campus de Jussieu de La Sorbonne
Allocution de Pierre Moscovici,
Premier président de la Cour des comptes
Mesdames, Messieurs,
C’est avec un grand plaisir que je m’adresse à vous aujourd’hui dans le cadre de cette
journée de conférences sur l’avenir de l’Europe organisée par la Cour des comptes.
La
présidence française de l’Union européenne est l’occasion pour la France d’impulser au
niveau européen de grandes ambitions politiques. J’ai souhaité que la Cour des comptes y
occupe une place particulière, en organisant cette conférence internationale ouverte à la
société civile. Cela me paraît d’autant
plus important dans le contexte géopolitique que nous
traversons aujourd’hui.
Je tiens tout d’abord à vous remercier de votre présence et de votre engagement pour
le projet qui nous réunit.
Je salue également les participants qui nous suivent en ligne. Le
retour « à la normale » n’étant pas encore acquis, nous sommes toujours soumis à des
jauges d’accueil, et bien que j’espère de tout cœur que l’année 2022 soit celle de la sortie de
crise, j’aimerais porter ici un regard positif sur le modèle désormais ap
pelé « hybride » que
nous avons pu et su mettre en place. Grâce au numérique et aux nouvelles technologies,
vous êtes toujours plus nombreux à participer aux évènements organisés par la Cour des
comptes ! Je me réjouis de l’intérêt que vous portez au proje
t que nous vous proposons.
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La journée que nous allons passer ensemble se veut ouverte à la société civile.
Des
experts français, européens et internationaux dialogueront avec des citoyens sur les sujets
qui façonneront l’Europe de demain. Je p
ense bien évidemment à la réforme du cadre de
gouvernance européen des finances publiques, à l’extension des prérogatives sociales et
sanitaires de l’Union européenne, à la relance et à la souveraineté économique, à la
transition environnementale pour fair
e de l’Europe un continent vert ou encore à la
démocratisation des institutions afin de relancer l’Europe politique ! Autant de thèmes qui
nécessitent une réflexion approfondie et éclairée, une approche ouverte et participative. Le
conflit ukrainien sera b
ien évidemment au cœur de notre réflexion : les intervenants auront à
cœur de rappeler les enjeux tragiques qu’elle soulève et de proposer une voie, modeste
mais constructive, pour les surmonter.
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Trois raisons principales ont guidé ma volonté d’inscrire la
Cour des comptes au
cœur de la présidence française de l’Union européenne, en insufflant une dynamique
de réflexion européenne et citoyenne :
Tout d’abord, je suis profondément attaché au projet européen et ma carrière le
reflète
j’ai notamment été min
istre en charge des affaires européennes,
commissaire européen et j’ai exercé à deux reprises le mandat de député européen.
Cette dimension européenne, j’en suis fier et je souhaiterais que nous puissions tous
ressentir ce sentiment de fierté, mais aussi d
’honneur et d’attachement lorsque nous
évoquons l’Europe !
Ensuite, et cela tient plus au contexte actuel, nous avons vécu et connaissons
encore une crise sanitaire sans précédent,
qui a affecté nos vies personnelles et
professionnelles tant au niveau sanitaire, économique, social voire même
philosophique et existentiel. Dans quel monde souhaitons-nous évoluer demain ?
Quelles valeurs souhaitons-nous affirmer et revendiquer en tant que principes
cardinaux de nos sociétés ?
Enfin, le retour de la guerre sur le continent européen et les menaces nouvelles
qu’elle fait peser sur notre espace démocratique
ne font que renforcer la
nécessité d’avancer sur la coopération entre nos Etats et nos institutions. La violation
du droit international et de la souveraineté ukrainienne par la Russie a entraîné une
guerre dont les conséquences humaines et économiques sont désastreuses pour
l’ensemble de notre continent, mais d’abord et avant tout pour le peuple ukrainien.
Nous devons, dans tous les domaines, continuer à montrer notre unité et notre
volonté d’agir ensemble, avec force et détermination.
Sans prétendre entièrement répondre à ces questions et couvrir l’ensemble de ces
enjeux, le forum que nous organisons souhaite faire émerger des solutions concrètes
pour con
struire ensemble l’avenir de l’Europe dans ce nouveau contexte international.
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L’accent que j’ai placé sur la participation citoyenne s’inscrit dans une démarche plus
globale que je porte à la Cour des comptes.
Dès le premier jour de ma nomination, il
y a maintenant presque deux ans, j’ai lancé
un plan de réforme stratégique à la Cour des comptes qui se nomme Juridictions
financières 2025.
L’un des axes principaux de cette réforme consiste en la plus grande
participation et inclusion des citoyens dans les travaux de la Cour. Mes équipes et moi-
même avons en effet constaté que la prise en compte des citoyens au sein de la Cour était
trop limitée, alors que vous êtes, conformément à l’article 15 de la Déclaration des droits de
l’Homme et du citoyen de 1789, les premiers destinataires de nos travaux ! S’il pouvait être
complexe d’inclure les citoyens au XVIIIème, je le conçois, le XXIème siècle nous offre des
opportunités telles que nous devons et pouvons être au rendez-vous de la participation
citoyenne. J
e crois profondément que ce type d’évènement, que je souhaite pérenniser,
posera les fondements d’une réforme profonde pour l’émergence d’une administration
participative !
Plusieurs autres projets sont déjà en cours
, je pense notamment à l’expérimentation d’un
droit de requête permettant,
via
une plateforme en ligne ouverte le 9 mars dernier, de
proposer des sujets à inscrire au sein du programme de contrôle et d’évaluation de la Cour.
Pour être plus accessible, il faut également que la Cour des comptes soit plus visible, et
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notamment dans le paysage médiatique et le débat public. J’y accorde un intérêt d’autant
plus particulier que nous sommes dans une période pré-
électorale. Nous exerçons d’ores et
déjà ce rôle de « vigie », avec la publication dès la fin 2021 de notes de synthèse dressant
l’état des lieux et des perspectives sur une douzaine de domaines majeurs de l’action
publique, à l’instar de la justice et de l’emploi. Elles sont accessibles sur le site internet de la
Cour, et je vous encourage vivement à les consulter !
Vous l’aurez compris, je souhaite que vous ayez une place centrale au cœur des
dispositifs qui dessineront le nouveau visage de la Cour des comptes que je préside
aujourd’hui. Cette conférence internationale sur l’Europe nous donne l’opportunité de
poser ensemble une première pierre.
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Pour initier nos échanges à ce sujet, j’aimerais vous faire part des convictions qui
sont les miennes concernant l’avenir de notre « maison commune des libertés »,
comme j’aime définir l’Union europé
enne.
L’Union européenne fait aujourd’hui face à de nombreux défis, je dirais même à des
«
polycrises
» comme le souligne mon ami Jean-Claude Juncker, ancien président de
la Commission européenne.
Certaines sont de nature conjoncturelle comme la crise
g
recque ou la crise migratoire. D’autres, plus structurelles : le système européen est lui
-
même en crise, l’euroscepticisme ambiant traduit une crise démocratique profonde ; la crise
environnementale frappe lourdement l’Europe et la crise sanitaire, précédé
e des crises des
dettes souveraines, a abouti à une dégradation des finances publiques européennes.
Mes pensées vont aujourd’hui au peuple ukrainien, qui subit le joug de l’invasion
russe.
Le conflit en Ukraine est un évènement dramatique, aux lourdes conséquences
humaines et sociales qui place à nouveau la guerre aux portes de l’Union européenne.
L'Union a réagi rapidement et avec force à l'agression de la Russie en adoptant de
nouvelles mesures individuelles et économiques aux lourdes conséquences pour la
Russie.
L’exclusion de certaines banques russes du réseau SWIFT ou l’interdiction des
transactions de la banque centrale russe sont des actes forts qui marquent la détermination
de l’Union sur cette question. Les principaux secteurs de l’économie rus
se font également
l’objet de mesures ciblées, comme les raffineries de pétrole et la flotte aérienne. Enfin, et de
manière novatrice, l'Union européenne a suspendu les licences de certains médias de
propagande russes.
Au-delà de ces mesures individuelles et économiques, des décisions importantes ont
été prises en matière d’accueil des réfugiés ukrainiens.
Près de 2 millions d’Ukrainiens
ont fui leur pays aujourd’hui. Rappelons
-le avec force : cette crise est avant tout un drame
humain.
Pour la première fois, les États membres ont décidé, à la majorité qualifiée,
d'appliquer la directive de 2001 sur l'accueil des personnes déplacées. Elle permettra aux
réfugiés ukrainiens de rester jusqu'à 3 ans dans l’Union européenne, de travailler, d'accéder
au système scolaire et de recevoir des soins médicaux. L'Europe prouve qu'elle veut aller
plus loin que le simple soutien militaire à l'Ukraine : au total, ce sont 500 millions d'euros qui
ont été promis pour aider les civils touchés par la guerre.
Ainsi, l’Union s’est exprimée d’une seule voie et a instauré des restrictions sans
précédent, démontrant sa capacité à coopérer et à agir en temps de crise.
Chacune des
mesures adoptées a en effet été prise avec une remarquable unité et en étroite coordination
avec les par
tenaires de l’Union européenne. Nous devons non seulement poursuivre dans
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cette voie mais aussi trouver, au plus vite, une issue à la situation tragique que connaît le
peuple ukrainien.
Je compte sur la richesse de nos échanges pour faire émerger des pistes
souhaitables pour le développement de l’Europe dans ce nouveau contexte
international.
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Pour conclure, je reprendrai ces mots célèbres de Jean Monnet : «
l’Europe se fera
dans les crises et sera la somme des solutions apportées à ces crises
».
Plus que
jamais, cet adage doit nous inspirer. Si le passé a donné raison à ce père fondateur de
l’Europe, à nous maintenant de proposer des solutions nouvelles, innovantes et surtout en
adéquation avec vos aspirations. J’ai évoqué dans mon discours le
lien indissociable entre la
Cour des comptes et les citoyens ; j’aime à penser que c’est à travers ces moments
d’échange qu’il deviendra plus fort et pérenne !
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Pour ne pas empiéter sur la nature des interventions et des échanges, je vais
maintenant donner la parole à mon ami Joseph Stiglitz pour ouvrir cette journée de
réflexion.
I will now switch to English to introduce my dear friend Joseph Stiglitz, American
economist and public policy analyst, recipient of the Nobel Memorial Prize in
Economic Sciences.
I sincerely thank you for accepting this invitation and for participating today in our
conference on the future of Europe. Your experience and expertise will be precious for
our exchanges.
To briefly introduce you,
you are a former senior vice president and chief economist of the
World Bank. You were a member and chairman of the Council of Economic Advisers in the
United States and, in 2000, you founded the Initiative for Policy Dialogue. In 2001, you
received the Nobel Prize in Economics "
for your work on markets with asymmetric
information
", together with George Akerlof and Michael Spence. You served as chair of the
international Commission on the Measurement of Economic Performance and Social
Progress, appointed by the French President Nicolas Sarkozy. You are also a former
chairman of the U.N. Commission on Reforms of the International Monetary and Financial
System and president of the International Economic Association. Founder of the information
economics, you have also published several papers in labour economics, credit markets,
industrial economics or development economics.
Without further delay, you have the floor to open this cycle of round tables. I wish you
all rich and productive discussions.
Thank you !