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AUDIENCE SOLENNELLE
Mercredi 1
er
décembre 2021 – 11h30
Grand’chambre
Allocution de Pierre Moscovici,
Premier président de la Cour des comptes
Madame la Procureure générale,
Mesdames et messieurs les présidents de chambre,
Mesdames et messieurs,
Chers collègues,
Merci de votre présence aujourd’hui dans notre Grand’chambre pour cette audience
solennelle – sans doute la dernière de l’année –, à laquelle je suis une nouvelle fois
très heureux de vous retrouver.
Si la dégradation de la situation sanitaire doit évidemment nous préoccuper
collectivement, la vaccination nous permet encore de nous retrouver dans un format
acceptable et de recevoir dignement les proches de nos collègues.
Nous sommes en effet réunis pour installer un président de chambre régionale des comptes
et quatre rapporteurs extérieurs et je sais que votre présence ce matin leur tenait
particulièrement à c
œ
ur. Je souhaite donc, en mon nom personnel mais aussi au nom des
juridictions financières, la bienvenue non seulement à ces collègues, nouveaux ou habitués
des juridictions financières, mais aussi à leurs proches qui ont fait le déplacement pour
assister à ce jour si spécial dans leur carrière. Soyez les bienvenus dans nos murs !
***
1. Avant de vous présenter nos cinq collègues, je souhaiterais évoquer les défis qui
attendent l’institution qu’ils rejoignent au crépuscule de cette année 2021 qui n’est
finalement autre chose que l’aube de 2022.
Je l’ai dit, nous sommes réunis pour la dernière audience solennelle de l’année.
C’est
donc l’occasion idéale pour faire le point sur l’avancée des chantiers menés et pour nous
projeter. Je ne crois pas trahir un lourd secret en vous révélant que notre maison, à l’instar
de toutes les administrations publiques et même du secteur privé, doit encore s’adapter à la
crise sanitaire, qui est maintenant non plus seulement une pandémie mais bien une
endémie, avec laquelle nous devons apprendre à vivre.
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Nous comptons d’ailleurs sur vous tous pour respecter les gestes barrières et vous protéger
les uns les autres, mais aussi pour maintenir des liens forts et solidaires, qui ont toujours fait
le caractère et le charme des juridictions financières.
Toutefois, et c’est la force de notre collectif, nos activités peuvent être assurées sans
discontinuité grâce à l’investissement et l’engagement de tous les personnels. Qu’ils en
soient ici une nouvelle fois chaleureusement remerciés. Cela devrait continuer de la sorte,
grâce aux outils numériques et aux formats hybrides avec lesquels nous avons appris à
composer.
Nous aurions évidemment tort de faire comme si cet épisode dramatique n’avait pas
lieu.
Au-delà de ses conséquences pratiques sur notre fonctionnement et notre organisation,
la crise sanitaire a aussi renforcé le constat de la nécessité d’engager des réformes
structurelles pour conforter, renforcer encore la place des juridictions financières dans notre
système démocratique.
Soyez-en conscients, vous rejoignez en effet une institution, qui a su gagner au cours
de sa riche histoire le respect et l’écoute tant de nos concitoyens que des décideurs
publics.
Les exemples sont nombreux mais si je ne devais n’en retenir qu’un devant vous, l’actualité
me permet d’exprimer publiquement ma satisfaction devant la proposition de loi organique
relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Je me réjouis que ce texte
aille dans le sens des recommandations de la Cour des comptes pour une refonte de la
gouvernance des finances publiques, vingt ans après la LOLF. Ma satisfaction n’est pas un
abandon d’une ambition plus grande encore. Ce texte ne suffit pas, il ne va pas assez loin et
nous ne devons pas nous arrêter en si bon chemin, mais il témoigne du rôle de la Cour et du
HCFP pour accompagner une stratégie des finances publiques en sortie de crise. Le
renouveau du cadre organique des finances publiques est une bonne chose et un acquis
important pour notre pays.
Il serait toutefois bien présomptueux, et par trop contraire à l’esprit d’excellence qui
caractérise la Cour, que de croire que nous sommes arrivés à bon port.
Ce serait
même faire injure à la tradition des juridictions financières que de ne pas chercher à les
ancrer sans cesse dans leur temps. A ce titre, je fais mien le mantra de mon prédécesseur
Philippe Séguin : « Revendiquer l’héritage, préparer l’avenir ». C’est justement avec cet
objectif en tête que j’ai lancé, dès mon arrivée, le chantier stratégique « JF 2025 ».
Si vous nous avez rejoints, c’est sans doute que vous en connaissez au moins les
grandes lignes mais permettez-moi d’en dire quelques mots.
Après le succès de la
première phase, dédiée à nos métiers et dont la plupart des actions – vous le savez – sont
déjà effectives, j’ai présenté le 9 novembre dernier à l’ensemble des personnels des
juridictions financières les orientations retenues lors de la seconde phase, celle consacrée
aux moyens.
La publication du document stratégique correspondant – dont je ne peux que vous inviter à
prendre connaissance si ce n’est déjà fait – marque ainsi la fin de la grande consultation
mise en place pour « JF 2025 ». Je remercie à nouveau l’ensemble des personnels pour leur
mobilisation sans faille tout au long du processus. Il nous appartient désormais de nous
emparer, toutes et tous, de ces orientations et de les mettre en
œ
uvre dans votre quotidien.
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Vous avez en effet toute votre place dans cette transformation des JF et vos collègues
attendent de vous que vous soyez les moteurs du changement,
ce d’autant plus qu’elle
a été pensée en partie pour vous. Le recrutement a en effet été érigé comme l’un des axes
forts du processus.
Nous sommes pleinement conscients que la diversité des profils, qui a toujours été dans
notre ADN, doit être davantage encore mise en exergue, condition sine qua non de
l’adaptation des juridictions financières aux défis de demain et aux évolutions sociales,
économiques, sanitaires et environnementales.
Cette diversité est indispensable pour que les juridictions financières restent les
vigies de l’action publique.
Dans un contexte d’après-crise et d’accélération du temps
médiatique et politique, nous devons sans cesse nous réinventer afin de rester à la hauteur
des missions que nous confie la Constitution. C’est le sens des notes structurelles que nous
avons commencé à publier afin d’éclairer le débat public à l’approche des prochaines
échéances électorales. Elles sont – je crois – autant d’armes utiles dans notre combat contre
les contre-vérités qui marquent et parfois abîment notre époque, dont la vie publique nous
offre hélas trop souvent des exemples accablants. Contribuer à la bonne information des
citoyens reste plus que jamais notre boussole.
L’accueil de quatre nouveaux rapporteurs extérieurs fait également écho à la réforme
de la haute fonction publique décidée par le Gouvernement.
Je le dis d’autant plus
aisément que sur les quatre, la moitié sont issus de l’ENA.
C’est à se demander si nous n’avions pas anticipé depuis longtemps cette réforme. Si nous
avons réussi à préserver la spécificité de notre corps et si nous sommes déjà très attractifs,
la fin du recrutement direct à la sortie de l’ENA nous oblige toutefois à repenser
profondément nos processus. La montée en puissance de l’accompagnement individualisé
par les services des ressources humaines ainsi que la volonté de puiser dans de nouveaux
viviers répondra à ces défis. Ce sera l’occasion de renforcer l’égalité professionnelle à la
Cour des comptes et il faut impérativement qu’on aille plus loin en la matière.
Nous comptons sur ces nouveaux visages pour nous aider à réussir ces transformations et
pour faire perdurer l’esprit d’une maison qui bouge, d’une maison en perpétuel mouvement,
comme le fleuve tranquille qui semble toujours identique mais où l’eau n’est jamais la même,
car «
nous ne baignons jamais deux fois dans le même fleuve
».
***
2. Je vous présente tout d’abord Patrick Barbaste qui incarne lui aussi cette diversité
des parcours qui fait la force de notre maison.
Je salue chaleureusement sa nomination, que j’ai voulue, dans les fonctions de président
des chambres régionales des comptes Antilles-Guyane et des chambres territoriales Saint-
Barthélémy-Saint-Martin. Elle s’inscrit dans la suite logique d’une remarquable carrière au
sein des juridictions financières.
Diplômé d’un CAPES en histoire-géographie, d’un DEA d’histoire économique et
ancien élève de l’INET
, il a d’abord connu une expérience d’attaché parlementaire durant
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quatre années avant de se tourner vers l’administration territoriale. Ses missions au sein de
plusieurs directions financières entre 1992 et 2001, notamment à Tours et Villeurbanne, lui
ont permis de devenir un spécialiste reconnu des questions financières, co-auteur
notamment d’un ouvrage paru en 2002 – La gestion de la dette et de la trésorerie des
collectivités locales– resté une référence en la matière.
Devenu administrateur territorial à la suite de son passage par l’INET, il rejoint en 2007 les
juridictions financières, en l’occurrence la chambre régionale Rhône-Alpes, en détachement.
Sa fine connaissance des enjeux locaux, de même que sa parfaite adaptation à nos
méthodes de travail lui permettent d’intégrer rapidement, en 2010, le corps des magistrats de
CRC.
Affecté à la chambre Alsace, il accède au grade de président de section au sein de la CRC
Champagne-Ardenne en 2015 puis intègre trois ans plus tard la CRC Hauts-de-France qu’il
faisait profiter de sa grande expérience et de son esprit analytique jusqu’à aujourd’hui. Une
carrière « fulgurante » pour reprendre un adjectif malheureusement beaucoup entendu ces
derniers jours.
Au vu de ce parcours exemplaire et de ses grandes qualités de management, il m’est apparu
tout naturel de proposer son nom pour prendre la tête des CRTC Antilles-Guyane et Saint-
Barthélémy-Saint-Martin. En matière de contrôle, les collectivités couvertes par ces CRTC
emportent des spécificités fortes, dans un contexte loin d’être évident. Patrick Barbaste va
prendre ses fonctions dans des conditions difficiles, alors qu’une crise profonde agite la
Guadeloupe et la Martinique. J’ai entièrement confiance en lui pour accompagner les
personnels de la chambre et mener les transformations à venir sur un ressort aussi large. Je
connais ses qualités et son exigence qui lui permettront de mener à bien ces missions
essentielles.
Nous adressons donc aujourd’hui à Patrick Barbaste, nouveau président de la
chambre régionale des comptes Antilles-Guyane et des chambres territoriales des
comptes Saint-Barthélemy et Saint-Martin, nos plus sincères et chaleureux v
œ
ux de
succès dans ses nouvelles, éminentes et exigeantes fonctions.
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Nous accueillons également aujourd’hui quatre nouveaux rapporteurs.
Je suis certain
qu’ils sauront mettre à profit la diversité de leurs parcours et de leurs qualités individuelles au
service de l’excellence de nos travaux.
Comme je l’ai rappelé, les rapporteurs extérieurs sont partie intégrante des juridictions
financières. Je compte donc sur chacun d’entre nous pour faciliter leur intégration au sein de
notre compagnie.
Alexandre Brodu
, tout d’abord, rejoint la 1ère chambre. Diplômé de Sciences Po Paris, il a
directement rejoint les juridictions financières à sa sortie de l’ENA en 2012. Affecté à la
chambre régionale des comptes Île-de-France, il s’est particulièrement fait remarquer pour
son investissement exemplaire et la qualité de ses enquêtes. Le rapport sur la gestion de la
commune de Levallois-Perret auquel il a contribué en tant que rapporteur a notamment
trouvé sa place dans le rapport public annuel 2017, preuve de sa pertinence. Devenu
premier conseiller, il est détaché en 2017 dans le corps des administrateurs civils pour
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exercer les fonctions d’adjoint au chef du bureau de la solidarité et de l’insertion à la direction
du Budget. Il poursuit sa mobilité au ministère de l’Économie et des Finances en dirigeant
l’année suivante le bureau Europe 2 de la direction de la législation fiscale.
Nous avons le plaisir de le compter à nouveau dans les rangs des juridictions financières
depuis le 15 novembre dernier et nous sommes ravis de l’accueillir désormais au sein de la
Cour.
Geoffroy Mannoury La Cour
sans doute prédestiné à nous rejoindre au vu de son nom –
va également pouvoir mettre à profit sa longue expérience à Bercy – et ce n’est certainement
pas moi qui vais le lui reprocher – au sein de la 2
e
chambre. Après avoir étudié à l’École
centrale de Lille puis à Sciences Po Paris, il intègre l’ENA en 2000. A sa sortie, il choisit
d’intégrer la direction générale de l’énergie et des matières premières, en tant que chef du
bureau « Industrie pétrolière et parapétrolière » avant de gérer le portefeuille de la défense
et de l’aéronautique pour l’Agence des participations de l’État, poste qu’il occupe de 2006 à
2009. Il rejoint par la suite la direction générale du Trésor, au sein de laquelle il dirige
successivement le bureau « Stabilité financière, Comptabilité et Gouvernance des
entreprises » puis celui chargé des « Crédits-exports et Garanties à l’international ».
Devenu chargé de missions en 2016 au sein de la même direction, il s’est notamment
retrouvé en première ligne pour aider les PME touchées par la crise sanitaire. Les
compétences acquises lors de ces missions de haut niveau seront extrêmement précieuses
pour la Cour.
De son côté, après une classe préparatoire en hypokhâgne,
Sarah Descargues
est
diplômée de Sciences Po Rennes et d’un Master 2 en gestion des organisations de
l’Université Paris-Dauphine. Elle devient ensuite responsable administrative et financière de
plusieurs structures culturelles avant d’être lauréate du concours externe d’attaché territorial
en 2013. En charge des politiques culturelles et éducatives au Conseil départemental de la
Seine-Saint-Denis entre 2012 et 2018, elle participe notamment à l’élaboration et au suivi du
projet éducatif du département. Depuis sa sortie de l’INET en 2018, elle était restée fidèle à
ce territoire sensible, décrit par le préfet Didier Leschi dans Choses vues en Seine-Saint-
Denis comme une « zone hors norme », en assurant la responsabilité de l’animation sociale
des territoires du Conseil départemental. Nul doute que son expertise dans le champ des
politiques publiques culturelles et sociales sera très appréciée au sein de la 3
e
chambre.
Pour finir, titulaire d’un double diplôme de l’EPSCI et de l’Université de Groningue et d’un
master de l’ESSEC en International Business,
Laurent Maisonneuve
, a d’abord fait profiter
le secteur privé de ses talents, au sein des entreprises Unisys puis DA Consulting Group.
À sa sortie de l’École des officiers de la gendarmerie en 2002, il alterne les postes en
administration centrale et commandements territoriaux. En 2015, il devient l’adjoint au chef
du bureau de la programmation et du pilotage budgétaires du ministère des Armées avant
d’être nommé deux ans plus tard sous-préfet dans le Cher, plus précisément de
l’arrondissement de Saint-Amand-Montrond. Il était depuis 2018 délégué régional à
l’accompagnement territorial et à l’économie de défense pour la Champagne-Ardenne. Au vu
de cet impressionnant parcours, la 4ème chambre ne peut que se réjouir de le compter dans
ses rangs.
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Mes chers collègues, vous l’aurez compris, l’accueil de ces quatre nouveaux rapporteurs –
de même que l’installation d’un nouveau président de CRTC – sont des marqueurs à la fois
de continuité et de rupture.
De continuité
, car ils s’inscrivent dans notre longue tradition d’ouverture et de mobilité,
devenue l’essence même des juridictions financières.
De rupture
aussi, car ils adviennent
dans une maison en profonde mutation. Je l’ai dit mais j’y tiens : la seconde phase de
« JF25 » ne marque pas la fin du projet de transformation, certes ambitieux mais essentiel
que j’ai lancé en juin 2020 juste après ma nomination.
Nous serons in fine jugés sur les actes et sur notre capacité collective à mettre en
œ
uvre les
changements dont ont besoin les juridictions financières. A l’heure d’intégrer nos nouveaux
collègues dans notre collectif de travail, l’idée chère au c
œ
ur d’Héraclite, «
rien n’est
permanent, sauf le changement
», semble plus que jamais adaptée à notre maison.
Saisissons-nous pleinement de ce mouvement pour renforcer encore la modernité,
l’efficacité et l’actualité des juridictions financières pour servir notre objectif – car il y en a
bien un, voire deux, contribuer à l’excellence de l’action publique et à la bonne information
de nos concitoyens.
Mes chers collègues, je vous remercie de votre attention.
L’audience est levée.