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Seul le prononcé fait foi
Allocution de Monsieur Pierre Moscovici,
Premier président de la Cour des comptes
Ouverture de la conférence « l’évaluation de politiques publiques, une
mission des JF »
Lundi 20 septembre 2021 – 14h
Salle 1-2-3 Saint Honoré
Mesdames et messieurs,
Chers collègues,
Tout d’abord, bonjour et merci beaucoup d’être présents aujourd’hui
pour cette conférence sur « l’évaluation des politiques publiques, une mission
des juridictions financières ».
Je suis très heureux et je trouve très sympathique
de vous retrouver aussi nombreux « en vrai », malgré les masques qui nous
éloignent encore. Je salue également tous ceux qui sont derrière leurs écrans et
que je ne vois pas.
J’ai tenu tout particulièrement à introduire cette conférence parce qu’elle
ouvre une succession d’événements de formation, de retours d’expériences et
d’échanges sur l’évaluation.
Ce cycle vise à accompagner au mieux – et c’est
très important pour moi – sa montée en puissance comme mission essentielle
des juridictions financières.
1.
Le lancement de cette conférence concrétise en effet une orientation
phare du projet de transformation que j’ai initié dès ma nomination : celle
du renforcement de l’évaluation.
Une des conclusions majeures de la phase 1
de JF25 est qu’il est décisif que la Cour devienne un acteur central de l’évaluation
des politiques publiques en France.
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Cette ambition est née d’une conviction personnelle de longue date,
forgé par mon passage au Commissariat au plan en 1990 et la création par
Michel Rocard du premier comité interministériel pour l’évaluation des
politiques publiques. Cette conviction est partagée par nombre de nos
collègues : l’évaluation est une nécessité absolue pour le débat et la décision
publique.
Pourquoi ? Parce que l’évaluation, par sa méthode, par son objet, par
sa finalité, répond à un très clair besoin de renforcer l’analyse en termes de qualité
des politiques et des dépenses publiques pour mesurer quantitativement et
qualitativement l’efficacité réelle et ressentie de l’action publique.
Notre société n’en a peut-être pas conscience mais elle a de plus en plus
besoin d’évaluations pour éclairer les citoyens, notamment dans un contexte de
crise inédit, marqué par une explosion des dépenses publiques. L’évaluation n’est
ni un luxe, ni une entrave, conviction que je porte, mais bien une garantie de la
qualité de la dépense.
L’évaluation n’est pas une nouvelle mission de la Cour puisqu’elle est
actée dans la Constitution depuis 2008.
Au même titre que nous contrôlons,
nous jugeons, nous certifions…il est de notre responsabilité, de notre rôle, garanti
par la Constitution, d’évaluer les politiques publiques.
La montée en charge de l’évaluation au sein de la Cour a été
progressive – et c’est normal.
Au total, on compte 26 évaluations de politique
publique à notre actif depuis 2011. Progressivement, une doctrine et une méthode
claires se sont affirmées, de manière à pouvoir réaliser des évaluations mieux
circonscrites et de meilleure qualité ; nous allons encore progresser là-dessus,
notamment grâce au programme qui s’ouvre aujourd’hui.
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Dans leurs évaluations,
les juridictions financières doivent se trouver –
une fois de plus – à équidistance
entre les évaluations scientifiques, fondées sur
des analyses de données principalement quantitatives, et la prise en compte de la
perception par nos concitoyens de la mise en
œ
uvre de la politique publique
évaluée.
Ce dernier point est particulièrement important pour moi. Selon la célèbre
formule de Simone de Beauvoir, «
l’humanité est une suite discontinue d’hommes
libres qu’isole irrémédiablement leur subjectivité ».
Certes, mais pour
s’affranchir de sa propre subjectivité, pour faire
œ
uvre collective, nous devons
confronter la multiplicité des ressentis, des vécus avec l’évaluation objective du
réel.
Le succès de nos dernières évaluations est le témoignage le plus
éloquent de l’expertise que nous avons progressivement construite dans ce
domaine, et qui est désormais reconnue par tous.
Je pense à la remarquable
évaluation de 2020 sur l’attractivité des quartiers prioritaires, mais également aux
deux évaluations réalisées en 2021. L’une d’elles portait sur la prolifération des
algues vertes et a impliqué l’ensemble des acteurs locaux de Bretagne, en
collaboration avec la CRC. Elle préfigurait l’évolution que je souhaite et qui
devrait être concrétisée par le projet de loi relatif à la différenciation, la
décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification
de l'action publique locale ou communément appelée 3Ds : faire de l’évaluation
une compétence pour les CRTC. L’autre concernait la sécurité routière et ses
résultats sont très éclairants sur cette politique publique de longue haleine.
D’autres évaluations très prometteuses sont en cours de production, notamment
une sur la prévention des grandes maladies et une sur le revenu de solidarité active
(RSA).
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Tout ceci s’inscrit dans l’ambition, affirmée par JF2025, d’accroître
considérablement la place de l’évaluation de politiques publiques dans nos
travaux – je rappelle que l’objectif est de passer de 5% de nos ressources
aujourd’hui à 20% en 2025. C’est un vrai bond en avant !
2.
Pour soutenir cette dynamique et aller encore plus loin, il ne
suffit pas de décréter - ce serait trop facile, il faut aussi mettre en place les
moyens et les conditions pour passer de l’ambition à la réalisation
. En ce sens,
il convient d’activer plusieurs leviers :
Premier levier, évident sans doute, la programmation d’évaluations,
condition
sine qua none
de notre ambition.
A ce titre, la programmation 2022,
qui a lieu en ce moment même, doit permettre de circonscrire des périmètres
pertinents et réalistes d’évaluation. Aucune chambre n’est hors champ, ce serait
une erreur de le penser, car toutes les politiques publiques peuvent faire l’objet
d’évaluations, pour autant qu’on identifie un enjeu clair et « évaluable ». Toutes
les chambres devront donc contribuer à cette dynamique collective.
Deuxième levier, l’ouverture tant attendue de l’évaluation aux
chambres régionales et territoriales des comptes.
Cette mesure, que j’appelle
personnellement de mes v
œ
ux, sera – je le redis – reconnue par le législateur, dans
le projet de la loi 3Ds à l’horizon de la fin d’année.
Troisième levier, le développement de partenariats avec le monde
universitaire et de la recherche.
Des conventions ont déjà été signées par le
passé avec des laboratoires de recherche. Je pense notamment à l’Institut des
Politiques Publiques sur l’éducation prioritaire ou le CEREMA sur la sécurité
routière. Je souhaite intensifier ces partenariats. Un accord-cadre a été signé avec
le CNRS l’année dernière, et je m’apprête à en signer un autre avec la Conférence
des Présidents d’Universités.
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Associés à des conventions de partenariats renforcés avec les meilleures
équipes académiques, ces accords nous permettront de bénéficier des apports
essentiels du monde du savoir, apports particulièrement cruciaux pour la
réalisation des évaluations de politiques publiques. C’était une mesure importante
de la phase 1 de JF2025, et je me réjouis des avancées déjà réalisées.
Dernier levier, mais non des moindres : la formation, vecteur essentiel
de la diffusion à tous de la méthode de l’évaluation.
Cette première conférence
nous place à ce titre sur la ligne de départ du renforcement de la formation à
l’évaluation, ouvrant un programme très intense autour de l’évaluation.
L’automne 2021 sera désormais connu comme la saison de l’évaluation
dans les juridictions financières. Après cette première session sur laquelle je
reviendrai dans un instant, nous commencerons par des retours d’expérience sur
les deux dernières évaluations publiées : le 28 septembre sur la sécurité routière,
avec nos collègues Dominique Antoine et Gwladys de Castries, et le 7 octobre sur
les algues vertes, avec la présence de la présidente de la 2
e
chambre, Annie
Podeur, dont je salue l’engagement « tout-terrain » sur ce sujet.
Pour bénéficier également d’expériences extérieures, et pour illustrer le
riche potentiel des évaluations à l’échelle locale, nous entendrons le 19 octobre
des représentants de collectivités territoriales évoquer des expériences réussies
d’évaluations.
Une séquence de formation approfondie en novembre et un colloque
conjoint avec le Conseil d’Etat le 1
er
décembre complèteront ce riche programme.
Je sais que l’évaluation peut être une source d’inquiétude chez certains d’entre
vous, car les méthodes sont particulières et précises. La formation doit lever ces
craintes et clarifier le cadre d’une évaluation réussie, avec des procédures
simplifiées, allégées et clarifiées.
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3. Cette après-midi ouvre donc une séquence inédite par sa richesse et
la diversité des approches qu’elle propose.
Je tiens à remercier toutes celles et
tous ceux qui se sont mobilisés pour construire ce programme et pour s’y engager.
Tout d’abord, merci à nos trois intervenants de ce jour pour leur
investissement sans faille, depuis maintenant plusieurs années, en faveur de
la diffusion des techniques évaluatives et du rayonnement de notre institution
en la matière.
-
Philippe
HAYEZ,
conseiller
maître,
incontournable
en
matière
d’évaluation, désigné dès 2018 référent de la Cour sur l’évaluation de
politique publique, rôle qu’il assure désormais en binôme avec Eric
DUBOIS, que je remercie.
-
Pascale DURAN-VIGNERON, rapporteure extérieure et maître des
conférences en économie, qui apporte depuis 2019, en sus de ses
nombreuses activités à la 1
e
chambre, sa très fine et précieuse connaissance
du secteur, des acteurs et des méthodes évaluatives.
-
Nicolas BRUNNER, conseiller maître, référent pour le groupe Evaluation
de l’INTOSAI, que je remercie pour son implication dans l’organisation les
7 et 8 juillet 2021 d’un séminaire international important consacré à
l’évaluation
« Evaluation of Public Policies and Programs »
.
Vous êtes des relais majeurs de la culture et de la méthode de
l’évaluation et je vous en remercie vivement.
Vos interventions aujourd’hui
seront sans nul doute très précieuses pour nos collègues, et je sais que vous serez
aussi disponibles au-delà de cette journée pour poursuivre les échanges.
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J’en
profite
pour
saluer
également
la
mobilisation
des
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correspondants évaluation de la Cour des comptes
. Convaincu qu’un travail
en réseau est la clé de réussite du développement de la mission d’évaluation des
politiques publiques, je suis très heureux de savoir que des collègues vont
également être prochainement désignés au sein de chaque CRTC pour rejoindre
cette communauté de réflexion et de travail.
Je remercie également le centre d’appui métier, le CAM, sans lequel ces
événements et cette montée en puissance – que j’ai souhaité - n’aurait pas été
possible. Le pôle formation a été évidemment moteur dans la construction de ce
programme et l’implication du CAM va également donner lieu à la désignation
d’un référent data analyste qui rejoindra le réseau de l’évaluation, François
LAFONT, qui apportera ses compétences techniques à la réflexion. Je n’oublie
pas de remercier également Anastasia Iline qui suit le développement de
l’évaluation avec une attention et un intérêt tous particuliers depuis le secrétariat
général.
***
Pour conclure, vous l’aurez compris, cette conférence est une étape
importante dans la mise en
œ
uvre de notre ambition forte en matière
d’évaluation.
Elle est aussi pour moi le signal que les orientations de « JF2025 »
sont suivies d’effet et que cette institution est en pleine transformation. Cette
mutation, c’est vous qui la faites vivre et je compte sur vous pour l’incarner.
Ainsi, je vous encourage très vivement à profiter pleinement de cette
conférence et de tout le programme de formation qui vous attend.
J’en ai terminé avec cette courte introduction et suis à votre disposition
pour échanger quelques minutes avec vous et répondre à vos questions
.