Le service des essences des armées
(Lettre du Président du 17 février 2005)
Le service des essences des armées (SEA) est un service
interarmées relevant du Chef d’Etat Major des armées et doté d’un
compte de commerce. Ce service de 2 200 personnes et dont le chiffre
d’affaires est (en 2005) de l’ordre de 566 M€ doit assurer le
ravitaillement en tous lieux, des forces françaises, multinationales ou
alliées, en carburants à usage terrestre ou aéronautique, ainsi qu’en
lubrifiants, produits pétroliers divers et emballages.
La Cour a effectué un contrôle du service des essences des
armées qui s’est achevé par une communication adressée le 17 février
2005 aux autorités concernées. En 2006, la Cour a effectué un
nouveau contrôle pour déterminer quelles suites avaient été données
par le SEA à ses préconisations qui portaient sur le fonctionnement
du service, la couverture des risques en matière d’approvisionnement
et les comptes du service.
Les réformes de structure
Constatant que certains produits échappaient à la compétence du
SEA, la Cour avait recommandé de rechercher l’unification de la
logistique pétrolière dans un souci de rationalisation des moyens et
de réalisation de gains de productivité.
La Cour avait préconisé de développer l’externalisation de certaines
livraisons.
Il
s’agissait
des
livraisons
de
fioul
domestique,
de
supercarburant, et de tout produit banal acquis par la voie
normale du recours au marché civil, et pour lequel la valeur
ajoutée par l’expertise du SEA est minime.
A la suite d’une décision de l’état-major des armées en date du
18 octobre 2005, la livraison du super carburant a été
effectivement externalisée.
130
COUR DES COMPTES
Pour le fioul domestique, le principe est aussi admis
d’externaliser les missions dès qu’elles s’avèrent plus coûteuses
à assurer par le service des essences que par le marché (clients
trop éloignés par exemple) ; sinon la livraison par le SEA est
maintenue car elle entraîne à la conduite les engagés
volontaires, ce qui est d’autant plus nécessaire que le
recrutement du personnel civil ouvrier comme conducteur est
désormais limité.
La Cour avait en outre recommandé plusieurs réorganisations
La première consistait à fusionner des bureaux de gestion
informatique. Cette fusion devrait intervenir avant la fin de
l’année 2006.
La seconde consistait à regrouper la logistique de l’ensemble
des produits sous l’égide du service, alors que les combustibles
de soute, les lubrifiants et divers produits spécifiques de la
marine
lui
échappaient.
Dans
ce
domaine,
si
diverses
expérimentations sont en cours, les recommandations de la Cour
ne sont pas encore appliquées.
La Cour avait incité le service à pendre des mesures pour diminuer
le taux d’échec de la formation des engagés volontaires.
La formation des engagés volontaires du service des essences se
déroule sur environ un an. Cette formation permet aux engagés
d’obtenir le certificat élémentaire "logistique essence". Le
niveau d’échec aux différents stades de la formation (qui
comprend des examens de permis de conduire poids lourds,
super poids lourds et la certification pour les produits
dangereux) est important (entre la moitié et les deux tiers des
engagés volontaires d’une promotion en 2002 et en 2003).
La décision du SEA de ne recruter que des engagés déjà
titulaires du permis VL et d’accroître ses relations avec les
centres de recrutement de l’armée de terre (CIRAT) afin de
mieux les informer des besoins spécifiques du service semble
avoir eu un impact positif sur ce taux d’échec qui baisse
significativement depuis 2004 (63 % en 2003, 24 % en 2004,
20 % en 2005).
LE SERVICE DES ESSENCES DES ARMEES
ET LE COMPTE DE COMMERCE 904-20
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La couverture des risques en matière d’approvisionnement
La Cour a estimé que pour optimiser ses achats, le SEA devait se
couvrir des risques financiers sur ses achats de carburéacteur.
Le carburéacteur est le carburant le plus consommé par les
armées, que ce soit pour les aéronefs ou pour les véhicules
terrestres.
La Cour estimait que le service devait avoir recours aux outils
financiers (SWAP, option d’achat, option de vente …) pour se
couvrir contre les risques de change ou de profiter des occasions
sur le marché libre.
Suivant cette recommandation, la loi de finances rectificative
pour 2003 a autorisé le ministère de la défense à mettre en
oeuvre une couverture de risques pour les produits pétroliers.
Pour la mettre en oeuvre un comité de pilotage pour la phase
exploratoire, puis un comité des risques ont été mis en place à
l’automne 2005. Le ministère de la défense ne disposant pas de
table
de
négociation
et
de
fonctions
post-marché,
une
convention de délégation de gestion a été signée le 20 septembre
2005 entre le ministère et l’Agence France Trésor pour que cette
dernière assure ce service.
Les premiers contrats ont été conclus à l’automne 2005, le
choix s’étant porté sur des options d’achats. Les contrats
conclus, neuf en 2005 et onze en 2006, ont coûté 5,92 M€
(résultat global entre le coût d’achat des options, soit 7,91 M€ et
les économies réalisées).
Mais c’est seulement sur le long terme que les résultats
financiers de cette politique pourront être appréciés.
***
Les recommandations de la Cour portant sur la gestion ont ainsi été
entendues. Les réorganisations souhaitées sont en revanche plus lentes à
être mises en oeuvre.
132
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA DÉFENSE
L’insertion au rapport public annuel de la Cour des comptes
concernant «Le service des essences des armées » appelle de ma part les
observations suivantes.
La Cour constate que ses recommandations sur la gestion ont été
entendues mais que les réorganisations sont plus lentes à être mises en
oeuvre.
Je souhaiterais évoquer la question de l’unification de la logistique
pétrolière, préconisée par la Cour, dans une optique de rationalisation des
moyens et de réalisation de gains de productivité.
Mon ministère a effectué différentes études visant à confier le soutien
en combustibles de la flotte au service des essences des armées (SEA), mais
celles-ci ont conclu à l’absence de plus-value d’une telle réorganisation, tant
pour le gazole de navigation que pour les lubrifiants marine.
Ce résultat s’explique notamment par la spécificité des marchés, selon
que les produits sont destinés à un usage routier, aéronautique ou maritime
et dont tout ou partie des circuits logistiques leur sont propres. Il n’y a donc
pas d’économie à attendre en confiant les achats de ces trois types de
produits à une même entité adjudicatrice.
A cela, il convient d’ajouter le périmètre des parties prenantes
soutenues. Toutes les armées, dont la marine ainsi que la gendarmerie
nationale et la délégation générale pour l’armement (DGA), sont abonnées
aux produits à usage terrestre et aéronautique que délivre le SEA. Seule la
marine est abonnée aux combustibles de navigation et produits associés que
délivre le commissariat de la marine.
La particularité du soutien en produits pétroliers propre à la marine a
pour conséquence que cette fonction participe pleinement à la cohérence
organique
de
cette
armée.
L’organisation
des
ravitaillements
en
combustibles et lubrifiants de la marine (ainsi que les recettes associées) est
assurée par une équipe réduite dont l’activité est orientée vers les bâtiments.
Son efficacité repose sur la maîtrise de
l’organisation de la marine et sur sa
connaissance des bâtiments et de leurs contraintes, en particulier pour les
ravitaillements opérationnels en escale (80 % des achats) qui nécessitent une
réactivité totale.
En revanche, conformément aux orientations de la Cour, des
synergies ont été recherchées et sont mises en oeuvre aujourd’hui. Elles
concernent, notamment, l’approvisionnement par le SEA des ports de la
marine en carburéacteur haut point d’éclair pour l’aéronavale embarquée,
l’acquisition de matériels pétroliers et certains essais spécifiques en
laboratoire.
LE SERVICE DES ESSENCES DES ARMEES
ET LE COMPTE DE COMMERCE 904-20
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RÉPONSE DU MINISTRE DÉLÉGUÉ AU BUDGET ET A LA
RÉFORME DE L’ÉTAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT
Les observations de la Cour concernant les réformes de structure
n’appellent pas de remarque de la part du ministère de l’économie, des
finances et de l’industrie.
La mise en place, au deuxième semestre 2005, d’un mécanisme de
couverture des risques en matière d’approvisionnement, appelle, en
revanche, les remarques suivantes :
Les résultats financiers ne pourront être appréciés que sur le long
terme comme le souligne la Cour et sous réserve de l’appréciation portée par
l’Agence France Trésor sur les modalités d’exercice des options d’achats par
le ministère de la défense en 2006, qui peuvent expliquer le coût net des
contrats conclus en 2005 et 2006, soit 5,92 M€ (différence entre le coût
d’achat des options, soit 7,91 M€ et les économies réalisées).
L’efficacité du mécanisme de couverture n’est pas déterminable à ce
stade faute d’éléments d’expertise sur la politique d’approvisionnement du
ministère de la défense. Si ce mécanisme doit avoir un impact sur le niveau
des dépenses de carburant du ministère de la défense, il doit s’accompagner
d’une
budgétisation
et
d’une
exécution
plus
rationnelles
et
plus
transparentes. En effet :
- entre 2002 et 2006, la consommation (ACCT) de carburants a cru de
50 %, sans que les effets prix et volume ne soient clairement identifiés sur la
période.
- sur la même période, les crédits inscrits en LFI au titre des
carburants n’ont progressé que de 4,5 %. La budgétisation du poste
carburant relève de choix de répartition de l’enveloppe de crédits de
fonctionnement du ministère de la défense, sans échange sur les volumes
d’approvisionnement. La dotation a été abondée ces dernières années en
cours de gestion, notamment au titre des opérations extérieures.