Les Écoles françaises à l’étranger
(Les Écoles françaises de Rome et d’Athènes,
la Casa Velasquez et
l’École française d’extrême-orient)
(Référé du 13 février 2006 ; CPG du 4 juillet 2005)
A l’issue de son dernier cycle de contrôle sur les Écoles françaises
à l’étranger (École française d’Athènes, École française de Rome, Casa
de Velázquez à Madrid, École française d’Extrême-Orient et Institut
français d’archéologie orientale), la Cour a adressé le 13 février 2006
ses observations de synthèse au ministre de l’éducation nationale, de
l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi qu’au ministre délégué
à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Ces organismes prestigieux, qui participent au rayonnement
international de la France, sont des établissements publics à caractère
scientifique, culturel et professionnel ayant pour mission la recherche et
la formation à la recherche dans le domaine des sciences humaines et
sociales, chacune dans leur zone géographique respective.
La Cour estimait souhaitable, afin de les mettre dans les
meilleures conditions pour poursuivre leurs objectifs scientifiques
d’excellence,
une évolution
sur
les
quatre points
suivants :
la
gouvernance des écoles, leur politique scientifique, l’évaluation de leur
action et l’avenir de leurs jeunes chercheurs.
La gestion des écoles
La Cour s’interrogeait tout d’abord sur le fonctionnement des
organes délibérants des Ecoles et sur leur composition : elle relevait
notamment la confusion des fonctions de surveillance et de gestion,
dans la mesure où la présidence de tous les conseils délibérants est
assurée par le directeur de la recherche ou son représentant
.
Cette confusion n’est pas conforme à la nature juridique des
établissements publics –
a fortiori
pour des institutions
scientifiques – ni aux intérêts propres des écoles, qui impliquent
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COUR DES COMPTES
non seulement leur autonomie matérielle et intellectuelle, mais
aussi le plein exercice de leurs missions statutaires dans le cadre
d’objectifs stratégiques définis par le ministère.
Dans une lettre commune adressée à la Cour le 7 août 2006, les
ministres ont précisé qu’à la faveur de la révision des statuts de
chacun de ces cinq établissements, la nomination d’un président
distinct
pour
chacun
des
conseils
scientifiques
et
d’administration serait proposée, le principe d’une présidence
des conseils scientifiques par une personnalité scientifique
reconnue ayant déjà reçu un large assentiment des membres des
conseils scientifiques ; pour les conseils d’administration, la
consultation restait toutefois à engager. Par ailleurs, les
ministres ont précisé que le resserrement de la composition des
conseils avait été acté, que la nécessité de différencier la
composition
des
conseils
scientifiques
et
des
conseils
d’administration de chacune des écoles serait prise en compte, et
qu’à la faveur de leur renouvellement, un élargissement
international de leur composition avait déjà été engagé au
printemps 2006 pour l’Ecole française d’Extrème-Orient
(EFEO) et l’Institut français d’archéologie orientale (IFAO) et
devait s’étendre en 2007 à la Casa de Velázquez et à l’Ecole
française de Rome.
Ces
différentes
orientations
correspondent
aux
recom-
mandations émises par la Cour, qui suggérait en outre qu’un
protocole de coopération interministérielle soit mis en chantier
en vue d’une coopération accrue avec le ministère des affaires
étrangères : à cet égard, le ministère de l’éducation nationale, de
l’enseignement supérieur et de la recherche a informé la
juridiction qu’une première mesure serait mise en oeuvre
consistant à inviter le chef de la mission diplomatique ou son
représentant dans les pays relevant du champ d’action des
Écoles, à siéger au sein des conseils d’administration, cette
disposition nécessitant toutefois d’être adaptée pour l’EFEO qui
compte seize antennes scientifiques dans le monde asiatique.
La Cour constatait également, pour l’ensemble des établissements,
un défaut d’orientations stratégiques et considérait que les Écoles
devaient se doter d’un projet d’établissement et bénéficier à l’avenir
de modalités de contractualisation distinctes de celles des universités
et adaptées à leur cas original
.
LES ÉCOLES FRANÇAISES A L’ÉTRANGER
73
La réponse ministérielle a indiqué que cette recommandation
serait mise en oeuvre à la faveur de la négociation du prochain
contrat quadriennal qui devait être engagée à la fin de l’année
2006 : il reviendra au cinq Écoles de présenter un bilan et un
projet d’établissement, une procédure de contractualisation
spécifique étant mise au point.
Comme le relevait par ailleurs la Cour, cette démarche ne
prendra toutefois son sens que si chaque école est dotée d’un
dispositif d’évaluation, à la fois pour suivre la réalisation des
objectifs stratégiques et appréhender les résultats obtenus, et
pour répondre à l’exigence de contrôler la performance
instaurée par les nouvelles dispositions de la LOLF
28
; les
contrôles opérés par la Cour ont fait apparaître la nécessité de
dispositifs d’évaluation plus rigoureux et plus appropriés au
nouveau contexte créé par la mise en oeuvre de la LOLF. A cet
égard, la Cour prend acte du fait que l’organisation exclusive
des activités en programmes scientifiques dans le cadre du
prochain contrat quadriennal devrait faciliter l’évaluation qui
sera mise en oeuvre par l’AERES
29
. La construction et le suivi
d’indicateurs
d’activités
scientifiques,
entamés
en
2004,
devaient être affinés en 2006, notamment pour les activités
archéologiques et scientifiques. La création dans chaque école,
conformément à la recommandation de la Cour, d’une structure
interne d’évaluation suivant l’exemple de l’EFEO, devait faire
l’objet
d’une
expérimentation
dans
les
quatre
autres
établissements.
Enfin, la Cour appelait de ses voeux le développement d’une gestion
des ressources humaines prévisionnelle, afin de répondre au mieux à
la fonction d’accueil des équipes scientifiques et de formation de
jeunes chercheurs, mission essentielle impartie à l’ensemble des
Écoles.
La réponse ministérielle indique que la question de l’avenir des
jeunes chercheurs sera explicitement traitée dans le prochain
contrat quadriennal, les Écoles devant poursuivre leurs efforts en
s’appuyant sur leurs partenariats avec les universités pour
développer les possibilités d’insertion dans l’enseignement
supérieur et dans la recherche.
28) Loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
29) Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, créée par la
loi de programme n°2006-40 du 18/04/2006 pour la recherche.
74
COUR DES COMPTES
La Cour a toutefois relevé que la situation de l’EFEO constitue à
la fois une exception dans le cadre des cinq Écoles françaises à
l’étranger, qui doivent être des lieux de passage et de mobilité, et
une source de difficultés particulière pour les responsables de
l’école. Depuis 2002, cet établissement est en effet doté de corps
d’enseignants-chercheurs titulaires, et dispose à ce titre de 42
postes de directeurs d’études et de maîtres de conférences. Si la
création de ce corps apporte une stabilité et une reconnaissance
spécifique aux agents concernés, elle introduit néanmoins une
rigidité
tant
pour
les
personnels
qui
conserveront
plus
difficilement une dynamique de carrière, que pour l’école, dont la
vocation d’accueil pour les jeunes chercheurs se trouve diminuée
et dont l’avenir à long terme est engagé sur chaque recrutement,
qui devra de ce fait mériter une particulière attention.
La comptabilité des Écoles
Le Procureur général près la Cour a par ailleurs adressé une
communication en date du 22 septembre 2005 à la direction
générale de la comptabilité publique et à la direction de la
recherche
30
, relative à divers dysfonctionnements et irrégularités
affectant les postes comptables de ces établissements, notamment
une insuffisante rigueur dans le contrôle de la dépense et la tenue
des inventaires, des carences dans la gestion et la liquidation des
crédits de rémunération des personnels, ainsi que l’absence de
comptabilité analytique au sein des Écoles.
Les réponses des directions concernées montrent que des suites
concrètes
ont
d’ores
et
déjà
été
données
à
certaines
observations : une redéfinition des procédures d’engagement et
d’exécution des dépenses a été mise en oeuvre, comportant par
exemple une nouvelle procédure de remboursement des frais de
mission à Rome et à Madrid, ainsi qu’une révision des
modalités d’exécution de la dépense à l’IFAO et à Athènes. De
même,
les
deux
directions
ont indiqué
que
le
travail
d’établissement ou de mise à jour des inventaires des biens était
achevé ou en cours. En matière de comptabilité analytique, des
travaux ont été engagés fin 2005, axés dans un premier temps
sur quatre centres de coûts : l’hébergement, les publications, la
30) La direction de la recherche a assuré jusqu’en mai 2006 la tutelle des écoles
françaises à l’étranger. Dans la nouvelle organisation du ministère, cette fonction
relève désormais de la direction générale de l’enseignement supérieur.
LES ÉCOLES FRANÇAISES A L’ÉTRANGER
75
bibliothèque et la formation des chercheurs. Par ailleurs, une
mission d’inspection a été diligentée à l’Ecole française
d’Athènes, dont la Cour soulignait que le poste comptable
méritait une attention spécifique en tant qu’il concentrait toutes
les critiques : cette mission a notamment débouché sur des
mesures disciplinaires et sur la mise en oeuvre, avec un nouvel
agent comptable, d’une réforme du fonctionnement de l’agence
comptable.
Au regard des problèmes relevés, la communication posait
in
fine
la question de la viabilité de ces agences comptables aux
effectifs
limités,
et
appelait
à
une
réflexion
sur
leur
réorganisation : la direction de la recherche a plaidé pour le
maintien d’agences comptables propres à chaque école, en
précisant qu’une politique de professionnalisation de ces
agences avait été engagée.
***
La Cour prend acte des premières mesures prises et des
orientations
annoncées,
qui
apparaissent
conformes
à
ses
recommandations. Elle ne peut qu’encourager le ministère dans cette
voie, et dans la continuation du travail de réforme et de modernisation
de la gestion qui a été initié.
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COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES
ET DE L’INDUSTRIE
Dans son référé du 13 février 2006, la Cour relevait un certain nombre
d’insuffisances dans la gestion des Ecoles françaises à l’étranger.
Elle insistait en particulier sur la confusion fréquente des fonctions de
surveillance et de gestion au sein des organes délibérants. Relevant un déficit
de perspectives stratégiques, elle invitait les Ecoles à se doter d’un projet
d’établissement et souhaitait que le mMinistère de l’Education nationale, de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche adapte les modalités de sa
contractualisation
avec
ses
établissements.
La
Cour
demandait
le
développement d’une véritable gestion prévisionnelle des ressources humaines
afin de faciliter l’accueil et la formation des jeunes chercheurs. Elle
soulignait, enfin, des insuffisances comptables dans le contrôle de la dépense
et la tenue des inventaires.
Sur ces divers points, nous observons que le Ministère des Affaires
étrangères et le Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche ont pris plusieurs mesures qui vont dans le sens
des préconisations de la Cour, notamment en matière de gouvernance : la
nomination d’un président distinct, pour chacun des conseils scientifiques et
d’administration sera proposée à l’occasion de la révision des statuts des
établissements. Le principe a été admis du resserrement des conseils et d’une
coopération renforcée entre les Ecoles et le Ministère des Affaires étrangères
via la présence au conseil d’administration du chef de la mission diplomatique
ou de son représentant dans les pays relevant du champ d’action des Ecoles.
Le Ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche a par ailleurs fait savoir que la question de l’avenir des jeunes
chercheurs ferait l’objet d’une attention particulière dans le cadre du
prochain contrat quadriennal.