AUDIENCE SOLENNELLE
23 septembre 2019 – 14h30
Discours de Didier Migaud,
Premier président de la Cour des comptes
Madame la Procureure générale,
Mesdames et messieurs les présidentes et présidents de chambre,
Chers collègues,
Mesdames et messieurs,
Le mois de septembre est souvent l’occasion de nouvelles arrivées dans les juridictions
financières et cette rentrée ne fait pas exception. Nous sommes en effet très heureux
d'accueillir aujourd’hui onze nouveaux collègues, à qui je veux adresser mes v
œ
ux les plus
chaleureux de bienvenue, ainsi qu’à leurs proches venus assister aujourd’hui à leur
installation.
*
Avant de vous les présenter, je souhaite saluer la nomination de Christian Charpy au poste
de président de la 1
re
chambre.
Il remplace à ces fonctions le président Raoul Briet, à qui je veux rendre hommage pour
l’engagement total qui a été le sien pendant les sept années et demie où il a servi à ce poste,
y effaçant d’ailleurs le record de longévité comme président de chambre établi par notre
collègue Jean-François Collinet… !
Dans ces fonctions, Raoul Briet a supervisé beaucoup de travaux très exigeants et souvent
sensibles, marquant tous ceux qui l’ont côtoyé par son très grand professionnalisme.
En sa qualité de doyen des présidents de chambre comme dans chacun des travaux auxquels
il a contribué, en chambre, en formation inter-chambres, en CRPP et au sein du Haut Conseil
des finances publiques, Raoul Briet a eu à c
œ
ur d’éclairer chacun de nos échanges collégiaux
de sa hauteur de vue, sa franchise et sa fine connaissance des mécaniques budgétaires. Au
nom de la Cour et en mon nom personnel, je veux lui exprimer mes remerciements les plus
chaleureux.
Désormais président maintenu, c’est à la collégialité de la 6
e
chambre que Raoul Briet fera
bénéficier de sa grande expérience, en particulier dans le champ social où il a, par le passé,
exercé des responsabilités éminentes. La Cour sait aussi pouvoir compter sur son concours
actif dans la conduite d’autres travaux complexes, en particulier, jusqu’au mois de novembre,
à la tête de la formation inter-chambres chargée de la réalisation du rapport sur la fraude
fiscale que nous a demandé le Premier ministre en avril dernier.
C’est avec confiance et au regard de ses grandes qualités professionnelles et humaines que
j’ai proposé au Président de la République de nommer président de chambre notre collègue
Christian Charpy, conseiller maître, pour succéder à Raoul Briet.
Installé comme auditeur à la Cour des comptes à sa sortie de l’École nationale d’administration
en 1986, Christian Charpy a exercé de nombreuses responsabilités de haut niveau tout au
long de sa carrière, en particulier dans le secteur des solidarités.
Il fut notamment directeur de cabinet du ministre délégué à la santé en 1994, puis président
du conseil d’administration de l’établissement français du sang de 1998 à 2003, et conseiller
social auprès du Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin. Christian Charpy occupa
également le poste de directeur général de l’Agence nationale pour l’emploi et participa, à ce
titre, à la création de Pôle Emploi dont il assura la direction, de 2008 à 2012.
Revenu à la Cour comme conseiller maître, il exerça les fonctions de président de section,
d’abord à la 6
e
chambre, chargé notamment de superviser les travaux de certification des
comptes de la sécurité sociale, puis à la 1
re
, où il participa chaque année à la confection du
rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques et à celui consacré à
l’exécution du budget de l’État.
Depuis 2014, Christian Charpy occupait aussi les fonctions de secrétaire général de la
commission des comptes de la sécurité sociale. Nous lui adressons aujourd’hui nos plus
sincères v
œ
ux de succès à la présidence de la 1
re
chambre et de la formation inter chambres
sur les finances publiques
*
Économistes, magistrats de chambre régionale des comptes ou de tribunal administratif,
administrateurs civils, directeur d’hôpital ou ingénieurs, tous viendront mettre leurs
compétences nombreuses au service des juridictions financières, apportant ainsi un souffle
précieux à notre institution.
Cette ouverture, cette diversité, cette capacité à attirer les talents, c’est l’ADN de notre
juridiction et l’un des ingrédients essentiels à la pertinence de nos travaux et à la confiance
que nous manifestent nos concitoyens.
Cette confiance, ils nous l’ont encore manifestée ce dimanche, lors des Journées européennes
du Patrimoine.
Je voudrais d’ailleurs saisir cette occasion pour remercier celles et ceux d’entre vous qui ont
pris de leur temps pour accueillir, guider et dialoguer avec les nombreux visiteurs qui ont
souhaité découvrir notre Palais Cambon et nos activités.
Vous le savez, nous avons été contraints cette année de n’ouvrir qu’une seule journée, au lieu
de deux habituellement. Nous avons suivi les recommandations de la Préfecture de Police de
Paris, au regard des menaces de troubles à l’ordre public qui planaient sur le déroulement de
la journée de samedi et, en conséquence, des nombreuses fermetures de stations de métro
qui sont intervenues dans notre quartier et qui auraient sans doute découragé une partie de
nos visiteurs.
Cette décision nous a peinés, bien sûr, car le week-end des Journées européennes du
patrimoine est devenu une forte tradition dans notre maison, à laquelle nous sommes tous très
attachés.
Mais, grâce à la mobilisation de beaucoup d’entre vous et à l’investissement sans faille de
l’ensemble des directions du secrétariat général de la Cour, en particulier de la direction de la
communication et de la direction du patrimoine et de la logistique, cette édition 2019 a, je crois,
pleinement atteint ses objectifs, malgré les stations de métro restées fermées ce dimanche.
À l’encontre peut-être de certaines idées reçues, nos concitoyens ont ainsi découvert ou
redécouvert ce dimanche une institution ouverte, dynamique, exigeante et indépendante.
Leur confiance nous honore et nous oblige.
Elle nous oblige, en particulier, à être attentifs à ce que soient toujours préservées les
conditions fondamentales d’exercice de nos missions. Parmi elles figurent l’indépendance, la
diversité et l’excellence de nos ressources.
Vous le savez, le Gouvernement a justement souhaité engager une réflexion sur la réforme
de la haute fonction publique dont les premières conclusions sont attendues dans quelques
semaines.
Je l’ai déjà dit en ces lieux : il n’est nullement question pour nous de protéger une rente ou de
défendre des privilèges à vie. Nous n’avons d’ailleurs pas d’autre privilège que celui
d’accomplir fidèlement la mission que nous a confié notre Constitution : veiller au bon emploi
de l’argent public, en informer les citoyens et éclairer les décideurs. Mais, pour le faire, nous
avons besoin de magistrats compétents, issus d’horizons professionnels les plus divers ; nous
avons besoin de magistrats indépendants et nous avons besoin qu’une partie d’entre eux
continuent à faire, dès le début de leur carrière, le choix et l’apprentissage de ce métier aussi
passionnant qu’exigeant.
À cet égard, je veux redire quelques mots de l’initiative qu’a prise le Gouvernement à l’égard
de nos plus jeunes collègues depuis l’année dernière. Il a en effet souhaité que les auditeurs
issus de l’ÉNA quittent la Cour après seulement deux années et demies en chambre, afin
d’exercer des missions dites « prioritaires ».
Nous ne pouvons que souscrire à l’esprit de ce dispositif, mais nous avons déploré à plusieurs
reprises les conditions de sa mise en
œ
uvre, sans pour le moment avoir été entendus, ce que
nous ne pouvons que regretter. Mal conçue, mal pilotée, et pas toujours bien comprise et
perçue par les administrations d’accueil, cette mise en
œ
uvre n’a, en plus, que rarement tenu
compte des expériences, des compétences et des aspirations diverses de nos jeunes
collègues concernés. Bref, les marges d’amélioration sont considérables pour peu que l’on
accepte d’entendre des avis extérieurs.
Cinq auditeurs sont néanmoins déjà partis en mission et trois autres les suivront cet automne.
Ils exerceront des responsabilités variées au service de nos concitoyens, comme l’ont
d’ailleurs fait, avant eux et sans qu’il ne soit utile de recourir à de telles dispositions, chacun
des membres de notre compagnie.
Si j’ai fait le choix de relever publiquement les conditions pénibles de la mise en
œ
uvre de ce
dispositif des « missions prioritaires », c’est parce que je suis, comme vous, pleinement
conscient des défis immenses que doit relever la fonction publique de notre pays et parce que
je suis attaché, comme vous, à ce que ces défis ne soient pas abordés en recourant à des
mesures symboliques, superficielles ou même contraires à l’objectif poursuivi. Je constate
aussi, plus largement, combien ce dispositif illustre les grandes lacunes – je dirai même
l’absence ! – de gestion des hauts cadres de la fonction publique et de promotion des
nombreux talents dont celle-ci regorge.
Nous en sommes tous pleinement conscients : la fonction publique doit se diversifier, s’ouvrir,
être décloisonnée, être parfaitement formée aux enjeux du 21ème siècle et, surtout, elle doit
pouvoir continuer à attirer tous les talents prêts à y servir.
*
Soyez certains que les juridictions financières prendront toute leur part dans cette
transformation. Elles le feront dans un esprit d’ouverture et avec lucidité, indépendance et
franchise.
Je vous remercie.
L'audience est levée.