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La politique des soins palliatifs
_____________________
PRESENTATION
____________________
L’Organisation mondiale de la santé définit les soins palliatifs
comme des « soins actifs et complets donnés aux malades dont l’affection
ne répond plus au traitement curatif. La lutte contre la douleur et les autres
symptômes,
ainsi
que
la
prise
en
considération
des
problèmes
psychologiques, sociaux et spirituels sont primordiaux. Ils ne hâtent ni ne
retardent le décès. Leur but est de préserver la meilleure qualité de vie
possible jusqu’à la mort ».
Or, la fin de vie dans nos sociétés contemporaines, est aujourd’hui
trop souvent réduite à une question de technique médicale et ses
dimensions affectives et humaines tendent à être ignorées par les
institutions. Ce déni conjugué au progrès de la médecine explique en
grande partie pourquoi le développement des soins palliatifs a longtemps
été relégué à l’arrière-plan.
La réflexion et le mouvement en faveur d’une introduction
systématique de la composante palliative dans les systèmes de soins sont
donc relativement récents. En France, l’essor des soins palliatifs est lié à
un certain nombre d’initiatives individuelles qui sont apparues dans les
années 70 et 80 dans les domaines du
traitement des cancers terminaux et
du SIDA.
Dans notre pays, les soins palliatifs ne sont devenus un droit et un
objectif de politique nationale de santé publique que progressivement avec
la
circulaire Laroque du 26 août 1986, la loi du 9 juin 1999 visant à
garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs et la loi du 22 avril 2005
relative aux droits des malades et à la fin de vie. Un plan triennal (1999-
2001), puis un programme quadriennal (2002-2005), ont organisé leur
développement.
L’examen de cette politique permet de mesurer l’impulsion qui a
déjà été donnée au développement de l’offre de soins palliatifs et les limites
qu’il rencontre encore.
350
COUR DES COMPTES
I
-
Une politique hésitante
A - Une absence d’évaluation
1 -
Un champ d’application incertain
Le champ d’application des soins palliatifs reste flou et imprécis.
Les définitions que l’on trouve dans les textes oscillent entre une
approche qui limite les soins palliatifs à la phase terminale, un concept
qui intègre les soins palliatifs dans un continuum de soins entre les
différentes phases d’une maladie incurable (palliative active, qui vise
encore à prolonger la survie, palliative symptomatique, qui a pour but
d’aider le malade à vivre avec les symptômes de la maladie, et phase
terminale) et des définitions intermédiaires incluant la phase terminale et
une phase dite « avancée » en amont. La confusion est d’autant plus
grande que la poursuite d’un traitement curatif n’est pas nécessairement
un
critère
d’exclusion
du
champ
palliatif,
certains
traitements
(radiothérapies par exemple) étant poursuivis à des fins psychologiques
ou de soulagement de la douleur.
Le moment à partir duquel devraient être mis en oeuvre des soins
palliatifs est variable selon les approches et diffère selon les pays. En
outre, les pratiques sont peu normées et changent d’une structure à une
autre. Enfin, le concept évolue avec les progrès de la médecine qui
génèrent des phases de rémission et des phases palliatives « prolongées »,
inespérées il y a encore dix ans.
2 -
Une prise de conscience récente
Le texte fondateur des soins palliatifs en France est la circulaire,
dite « Laroque », du 26 août 1986 relative à l’organisation des soins et à
l’accompagnement des malades en phase terminale. Cette circulaire
précise les soins d’accompagnement, présente les modalités de leur
organisation et crée des unités appropriées (unités de soins palliatifs).
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
351
Depuis, plusieurs textes de loi sont venus consolider cette prise de
conscience récente. Il s’agit notamment :
- de la loi du 9 juin 1999 qui énonce un droit d’accès pour tous aux soins
palliatifs, et de la loi du 4 mars 2002 qui inscrit ce droit dans les droits
fondamentaux des malades,
- de la loi du 22 avril 2005 dite « loi Léonetti ». Ce texte, suite de la
mission d’information sur l’accompagnement de la fin de vie créée
juste après « l’affaire Humbert
109
», affirme le principe du droit, pour
tout malade, à refuser tout traitement –y compris si cela risque
d’entraîner la mort-, tout en lui garantissant l’accès à des soins
palliatifs jusqu’à sa mort. Ce texte est important aussi pour ce qu’il ne
dit pas : l’euthanasie n’est pas mentionnée, la mission ayant écarté
l’idée de la dépénaliser, contrairement à la solution adoptée par les
législations belge et néerlandaise.
3 -
Un chiffrage des besoins difficile
L’appréhension des besoins en soins palliatifs est d’autant plus
difficile que les définitions sont vagues. Les approches chiffrées sont
restées très peu affinées dans le cadre du plan puis du programme de
développement des soins palliatifs. Le programme 2002-2005 estime que
le nombre de personnes qui ont besoin chaque année, en France, de soins
palliatifs est de l’ordre de 150 000 à 200 000. Ce chiffrage repose
notamment sur les travaux menés en 1999 par le Conseil économique et
social
110
qui avait considéré que « les soins palliatifs concernent
principalement les cancers, les troubles neurologiques dégénératifs tels que
la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson ou la sclérose latérale
amyotrophique, le sida, la maladie d’Alzheimer soit approximativement
150 000 décès par an ». Or, le Conseil déplorait déjà « l’absence de
données et d’études épidémiologiques fiables et cohérentes permettant une
véritable évaluation des besoins en soins palliatifs et d’accompagnement ».
Tous les patients souffrant de maladies graves, évolutives et
incurables, a fortiori toutes les fins de vie ne requièrent probablement pas
des soins palliatifs et, le cas échéant, ces derniers ne doivent pas
nécessairement être de même intensité. Mais en l’absence d’une
connaissance plus fine des besoins, intégrant des études de typologies de
patients et de soins, il est difficile d’éclairer l’action, de structurer l’offre et
de projeter sa répartition géographique.
109) Du nom du jeune Vincent Humbert déterminé à mourir à la suite d’un accident
de la route qui l’avait rendu tétraplégique et décédé en septembre 2003 avec l’aide de
ses proches.
110) Avis du Conseil économique et social sur l’accompagnement des personnes en
fin de vie, séance du 24 février 1999.
352
COUR DES COMPTES
4 -
Des outils de pilotage insuffisants
Un ensemble d’autres éléments nécessaires à l’évaluation font
encore
défaut : les référentiels ou cahiers des charges et la connaissance
précise des coûts.
a)
Des référentiels non encore finalisés
La circulaire du 19 février 2002 relative à l’organisation des soins
palliatifs et de l’accompagnement précise les règles qualitatives de
fonctionnement des différents types d’offres mais ces règles présentent la
plupart du temps un caractère général. Les normes quantitatives et
techniques restent très limitées et ne sont pas assorties de moyens de
contrôle de leur application. De fait, on observe de grandes différences de
qualité et de moyens entre les structures.
Aussi, dans de nombreux cas, les acteurs des soins palliatifs
ressentent-ils le besoin d’une clarification des définitions et d’un
référentiel. Or, en septembre 2006, les cahiers des charges ou référentiels
pour les différents types d’offre en soins palliatifs (unités de soins
palliatifs, lits identifiés, équipes mobiles, réseaux ville-hôpital) n’étaient
pas encore finalisés. Leur publication, qui est attendue d’ici la fin de
l’année, devrait permettre l’amorce d’un nouveau type de travaux sur
l’offre de soins, à savoir des travaux d’ordre qualitatif.
b)
Une méconnaissance des coûts
Les coûts des soins palliatifs sont très mal connus.
Avant l’introduction de la T2A en 2004, la plupart des séjours
nécessitant des soins palliatifs n’étaient pas codés en tant que tels : on ne
dispose donc que de peu de données pour les années 2003 et
antérieures.
Depuis 2004, des progrès dans le codage ont été enregistrés avec la
création du groupe homogène de malades (GHM) « soins palliatifs »
auquel ont d’abord été associés deux tarifs forfaitaires ou groupes
homogènes de séjours (GHS) avant qu’un troisième GHS ne soit créé
pour ce même GHM en 2005.
En dépit de cette meilleure identification des soins palliatifs
dispensés à l’hôpital, l’échelle nationale des coûts (ENC) ne fournit pas
encore suffisamment d’éléments fiables et actuels (l’ENC utilisée en 2006
correspond aux données codées en 2003-2004).
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
353
B - Une politique de programmes spécifiques qui semble
être remise en cause
Si un véritable effort a été entrepris en matière de soins palliatifs,
notamment au travers des schémas régionaux d’organisation sanitaire
(SROS) dits de 3ème génération qui doivent désormais comporter un
volet obligatoire traitant de ce domaine
111
, la politique de programmation
s’appuyant sur des plans et programmes de développement semble
aujourd’hui remise en cause.
1 -
L’essoufflement du programme de développement
a)
Le premier plan de développement 1999-2001
Un premier « plan triennal » de développement des soins palliatifs
a été engagé entre 1999 et 2001, suite à la parution de la loi du 9 juin
1999.
Il visait à créer et à diffuser une culture de soins palliatifs à la fois
chez les professionnels de santé et dans le public et à améliorer la
capacité de réponse. Ses axes principaux étaient de recenser et de majorer
l’offre de soins palliatifs, en réduisant les inégalités entre les régions, de
développer la formation des professionnels et l’information du public,
d’amorcer le développement de la prise en charge
à domicile.
b)
Le deuxième programme de développement 2002-2005
Si le premier plan triennal n’a fait l’objet que de quelques
documents succincts, le deuxième « programme quadriennal » (2002-
2005) a été plus précis et accompagné d’une circulaire du ministère de la
santé du 19 février 2002, qui définit l’organisation des soins palliatifs, et
de la mise en place d’un comité de suivi pour la durée de ce programme.
Ce programme s’articulait autour de trois axes : développer les
soins palliatifs et l’accompagnement à domicile ou dans le lieu de vie
habituel ; poursuivre le développement des soins palliatifs et de
l’accompagnement dans les établissements de santé ; sensibiliser et
informer l’ensemble du corps social.
111) Voir l’arrêté du 27 avril 2004 pris en application de l’article L. 6121-1 du code
de la santé publique fixant la liste des matières devant figurer obligatoirement dans les
schémas régionaux d’organisation sanitaire.
354
COUR DES COMPTES
Une partie des mesures prévues était commune à ce programme et
au programme relatif à la prise en charge de la douleur. C’était,
notamment, le cas de l’engagement d’une réflexion sur la simplification
de la prescription et la dispensation des médicaments opioïdes, du
rapprochement avec les professionnels hospitaliers de lutte contre la
douleur, en particulier au sein des équipes mobiles, du développement et
du soutien du bénévolat et de l’accompagnement.
c)
L’arrêt des plans et programmes
Depuis la fin du deuxième programme, aucun autre plan ou
programme n’a été défini.
Le ministère de la santé a installé le 13 juillet 2006 un nouveau
comité national de suivi du développement des soins palliatifs et de
l’accompagnement de la fin de vie
112
qui a pour mission de proposer une
politique nationale de développement des soins palliatifs, d’accompagner
la mise en oeuvre et le déploiement de cette politique, d’évaluer
l’application des textes législatifs et réglementaires concernant les soins
palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie.
2 -
Les financements
a)
Les principaux financements prévus
En ce qui concerne les structures de soins palliatifs dans les
établissements de santé, il avait été prévu dans le cadre du premier plan
de développement (1999-2001), un financement de 57,93 M€ dégagé sur
l’enveloppe hospitalière de l’objectif national de dépenses d’assurance
maladie (ONDAM) et consacré pour l’essentiel aux équipes mobiles et
aux unités de soins palliatifs. A ce montant, s’était ajouté en 2002 lors du
deuxième programme de développement (2002-2005), un financement de
11,43 M€ prélevé sur l’enveloppe hospitalière de l’ONDAM.
Depuis 2003, un financement spécifique des soins palliatifs
dispensés dans les établissements hospitaliers est assuré dans le cadre du
plan cancer 2003-2007. Il inclut les crédits destinés aux hôpitaux publics
et aux cliniques, avec cependant des enveloppes inférieures à celles des
années précédentes.
112) Comité créé par arrêté du 9 février 2006 et dont les membres ont été désignés par
arrêté du 6 juin 2006.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
355
Ressources dédiées aux structures de soins palliatifs pour les
établissements de santé publics et privés
Programme national 2002-2005 et
plan cancer (mesure 43) 2003-2007
2002
2003
2004
2005
2006
2007
11,43 M€
10 M€
11 M€
8,7 M€
8,7 M€
8,13 M€
Source : compte-rendu comité de suivi, ministère de la santé et des solidarités.
S’agissant des réseaux de soins palliatifs, leur financement a
d’abord reposé sur les réseaux expérimentaux dits Soubie et le fonds
d’aide à la qualité des soins en ville (FAQSV). A partir de 2002, la
dotation nationale de développement des réseaux (DNDR) a permis
d’ajouter à ces sources un financement nouveau et en forte progression.
En ce qui concerne les actions d’accompagnement, une enveloppe
a été dégagée par la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs
salariés (CNAMTS) sur le fonds national d’action sanitaire et social
(FNASS) pour des actions de formation de bénévoles et le volet social du
développement des soins palliatifs à domicile.
b)
La sous-consommation des crédits
Les financements disponibles sont loin d’avoir été intégralement
consommés.
En ce qui concerne l’enveloppe de l’ONDAM, les ressources
affectées de 1999 à 2002 par les agences régionales de l’hospitalisation
(ARH) aux soins palliatifs ont été inférieures aux montants qui leur
avaient été réservés. Les chiffres témoignent d’une forte mobilisation en
1999, puis d’un essoufflement progressif. Le taux d’utilisation des
enveloppes passe ainsi, en métropole, d’environ 95 % en 1999, à 87 % en
2000, 61 % en 2001 et 40 %
113
en 2002. Deux éléments ont pesé sur cette
évolution. D’une part, les crédits après avoir été fléchés en 1999 et 2000,
sont devenus fongibles en 2001 et 2002 : les ARH ont été de moins en
moins contraintes dans leur programmation. D’autre part, le premier plan
triennal est intervenu avant la plupart des autres grands plans et
programmes de santé publique, favorisant ainsi, lors des premières
années, la consommation des crédits prévus pour les soins palliatifs.
113) Pour 2002, ce pourcentage est calculé par rapport à l’enveloppe globale
consacrée aux soins palliatifs et à la lutte contre la douleur.
356
COUR DES COMPTES
De même, les crédits FNASS destinés au maintien à domicile dans
le cadre des soins palliatifs, ont été très peu consommés (de l’ordre de
quelques pourcent), ce qui a conduit la CNAMTS à élargir par une
circulaire de février 2003 les conditions d’éligibilité des aides.
Force est donc de constater une sous-utilisation des crédits en
raison de l’existence d’autres priorités et de la complexité des
mécanismes de financement.
c)
La difficile identification des financements
L’identification de l’ensemble des financements consacrés aux
soins palliatifs est difficile. L’ensemble des données n’est pas centralisé.
Par ailleurs, s’il est possible de retracer les montants délégués aux
agences régionales de l’hospitalisation (ARH), il est plus difficile, compte
tenu des mécanismes de fongibilité, de connaître ce qui est réellement
consacré aux soins palliatifs par les établissements. Ce travail est engagé
mais n’est pas fini et constitue l’un des objectifs du comité national de
suivi. Par ailleurs, la contractualisation entre les ARH et les
établissements de santé qui est en cours de généralisation, devrait à
l’avenir constituer une garantie pour que des crédits donnés pour les soins
palliatifs ne soient pas utilisés à d’autres fins.
3 -
L’intégration des soins palliatifs dans le plan cancer
Le financement des soins palliatifs est désormais prévu dans le
cadre du plan cancer 2003-2007 (voir supra) : on peut ainsi dire que le
plan cancer a « absorbé » le programme des soins palliatifs.
Ainsi, les mesures 42 et 43 du plan cancer reprennent certaines
mesures du programme de développement des soins palliatifs. La mesure
42 prévoit d’accroître les possibilités pour les patients de bénéficier de
soins de support, en particulier la prise en compte de la douleur et le
soutien psychologique et social. Quant à la mesure 43, elle prévoit de
soutenir le développement des soins palliatifs, qui sont à 80 % consacrés
au cancer, dans le cadre du programme national de développement des
soins palliatifs. Le premier objectif de cette mesure est ainsi de
sensibiliser l’ensemble des soignants et médecins aux besoins et aux
attentes particulières des patients en fin de vie. Le second objectif est
d’augmenter de façon significative la capacité de prise en charge, en
favorisant toutes les formes d’organisation, en institution et à domicile.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
357
C - Les résultats : des progrès mitigés
Les données chiffrées connues concernent pour l’essentiel
l’hôpital. Les derniers résultats disponibles en septembre 2006
114
font
ainsi état de progrès indéniables dans la mise en oeuvre des soins palliatifs
au sein du secteur hospitalier. C’est d’ailleurs autour des structures
hospitalières qu’est organisé actuellement le déploiement des soins
palliatifs. En revanche, le bilan est plus mitigé du point de vue qualitatif.
1 -
Le développement des lits de soins palliatifs
a)
Une montée en charge des lits identifiés concomitante à une
réduction du nombre d’unités de soins palliatifs
Selon les derniers chiffres connus, au 31 décembre 2004, on
comptait 2 084 lits spécifiques de soins palliatifs. Ce chiffre, comparé à
celui de 1 150 lits spécifiques en 2002, illustre bien la nette progression
de l’offre.
Cependant, la notion de lits spécifiques recouvre essentiellement
deux types de lits : des lits identifiés en soins palliatifs mais situés en
dehors des unités de soins palliatifs et des lits en unités de soins palliatifs
(USP).
Plus précisément, les unités de soins palliatifs sont constituées de
lits totalement dédiés à la pratique des soins palliatifs et de
l’accompagnement réservés aux cas les plus complexes et/ou les plus
difficiles. Au-delà des soins, elles assurent
une mission de formation-
enseignement et une mission de recherche. Enfin, elles participent
activement à la constitution d’un maillage adéquat en soins palliatifs et au
fonctionnement en réseau dans leur zone de référence.
Quant aux lits identifiés, ils appartiennent à une structure qui n’est
pas une unité de soins palliatifs mais qui a une activité importante dans ce
domaine et un projet élaboré. De même, l’équipe soignante affectée à
cette prise en charge n’est pas une équipe spécialisée en soins palliatifs
mais se compose d’un minimum de personnes formées. Les lits identifiés
permettent ainsi une réponse « graduée » en matière de soins palliatifs, les
114) Il s’agit des résultats de l’enquête annuelle effectuée par le ministère de la santé
auprès des ARH et destinée aux établissements de santé, menée en 2005 et présentant
l’offre au 31 décembre 2004. Pour plus de commodité, cette enquête sera dénommée
dans la suite de ce rapport, enquête 2004. En juillet 2006, une nouvelle enquête
annuelle portant sur l’offre au 31 décembre 2005 a été lancée par le ministère de la
santé ; ses résultats ne seront pas disponibles avant la fin de l’année 2006.
358
COUR DES COMPTES
malades restant soignés par l’équipe qui les a pris en charge. Enfin, en
l’absence de patients requérant des soins palliatifs, ces lits identifiés sont
utilisés conformément à leur autorisation initiale.
Or, la nette progression du nombre total de lits spécifiques résulte
de celle des lits identifiés (1 281 lits en 2004 contre 316 en 2002). En
revanche, le nombre de lits en unités de soins palliatifs a diminué de 51
lits dans le même temps pour n’être plus que de 783 en 2004. De même,
le nombre d’unités de soins palliatifs est passé de 91 en 2002 à 78 en
2004.
b)
L’hétérogénéité du concept de lit identifié selon les lieux
Le nombre de lits identifiés a donc crû de façon spectaculaire ces
dernières années (voir supra). Les 1 281 lits identifiés recensés fin 2004
se répartissent pour 70 % en court séjour et pour près de 25 % en moyen
séjour. Cette croissance a encore été encouragée à partir de 2005 par la
mise en place d’une dotation annuelle de 13 000 € par lit imputée sur les
crédits du plan cancer pour les établissements publics de santé et la
création d’un tarif forfaitaire spécifique dans le cadre de la T2A pour les
établissements de court séjour.
L’effectif des personnels soignant et non soignant affectés à ces lits
est
difficile à appréhender, la rubrique correspondante n’ayant été
renseignée qu’une fois sur deux environ lors de l’enquête 2004.
Enfin, il apparaît que, faute de référentiel définissant les critères de
qualité que doivent remplir les lits identifiés, le chiffre des lits identifiés
recensés recouvre des réalités différentes selon les lieux.
c)
Des objectifs non stabilisés pour les unités de soins palliatifs
La décroissance du nombre d’unités de soins palliatifs constatée
entre 2002 et 2004 (voir supra) s’explique par le fait que certaines des
unités classées jusque là en unités de soins palliatifs ne remplissaient pas
les trois missions qui leur étaient assignées (soins, formation-
enseignement et recherche).
Par ailleurs, sur les 783 lits recensés en unités de soins palliatifs fin
2004, près de 60 % sont situés en moyen séjour et 40 % en court séjour.
Enfin, sur les 78 USP recensées en 2004, 8 seulement étaient en centre
hospitalier universitaire (CHU). Quatre nouvelles unités ont été financées
en 2004 et 2005 et deux en 2006.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
359
Le nombre de personnels affectés à ces unités était de 1 314,37
équivalents temps plein (ETP) en 2004, se décomposant en 90,53 ETP
médicaux et 1 223,84 ETP non médicaux.
Parallèlement, les objectifs assignés au nombre et à l’implantation
des unités de soins palliatifs évoluent. Ainsi, le ministère de la santé
115
s’est fixé, en 2002, l’objectif de doter chaque région d’au moins une unité
en centre hospitalier universitaire ou en établissement de référence
régional. Depuis, cet objectif a été revu dans le plan cancer 2003-2007,
plus précisément avec la mesure 43 qui prévoit un objectif de 200 unités
de soins palliatifs en institution, dont au moins une unité dans chaque
pôle régional de cancérologie.
2 -
La fragilité des équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP)
dans les établissements de santé
L’équipe mobile de soins
palliatifs (EMSP) est une équipe
interdisciplinaire et pluri professionnelle qui se déplace au lit du malade
et/ou auprès des soignants, à la demande des professionnels de
l’établissement de santé. Le développement très rapide de ces équipes
jusqu’en 2003 a permis de renforcer dans les établissements leur rôle de
pivot tant en termes de conseil et de soutien que de formation.
Avec 317 équipes mobiles de soins palliatifs recensées en 2004 et
sur une base d’une équipe pour 200 000 habitants, l’objectif quantitatif
est atteint.
En revanche, la nécessité de poursuivre le renforcement en
personnels de ces équipes persiste.
3 -
Le développement des soins palliatifs en hospitalisation à
domicile (HAD)
Au 31 décembre 2004, avaient été recensées 75 structures
d’hospitalisation à domicile (HAD) prenant en charge des personnes
relevant de soins palliatifs, avec un minimum de 3 590 patients pris en
charge en soins palliatifs dans l’année.
115) Circulaire DHOS/02/DGS/SD5D n° 2002-98 du 19 février 2002 relative à
l’organisation des soins palliatifs et de l’accompagnement.
360
COUR DES COMPTES
4 -
La progression des réseaux de soins palliatifs ville-hôpital
Les réseaux de soins palliatifs sont en forte augmentation depuis
2001-2002 grâce au financement de la CNAMTS par le fonds d’action à
la qualité des soins de ville (FAQSV) et la dotation nationale de
développement des réseaux de santé (DNDR). C’est ainsi que sont
recensés 84 réseaux de soins palliatifs au 31 décembre 2004 dont plus
d’une cinquantaine financée par la DNDR.
Les réseaux de soins palliatifs ont pour objectif de mobiliser et de
relier les ressources sanitaires et sociales sur un territoire donné aux
besoins des personnes. Ils contribuent à ouvrir l’hôpital vers le domicile
et inversement, et sont ainsi importants dans la continuité entre les
établissements et le domicile.
Néanmoins, la norme de 1 réseau pour 400 000 habitants n’est pas
encore atteinte, comme d’ailleurs le premier palier à franchir qui serait de
un réseau par département afin de répondre à l’axe prioritaire du
deuxième programme centré sur le développement des soins palliatifs à
domicile ou sur le lieu de vie habituel du malade.
5 -
Le retard des équipes pluridisciplinaires à domicile
Les équipes à domicile comprennent les professionnels de santé
exerçant à titre libéral ou les professionnels salariés des centres de santé,
intervenant auprès d’un patient qui a exprimé le désir, à un moment
donné, de rester à domicile. Elles sont notamment composées du médecin
généraliste du malade, prescripteur, et de personnel infirmier.
La question toujours pendante (voir infra) des conditions
particulières de rémunération des professionnels de santé libéraux
pratiquant des soins palliatifs dans le cadre de ces équipes à domicile,
explique le retard de mise en oeuvre du dispositif de soins palliatifs en
pratique libérale.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
361
II
-
Une politique à redynamiser
A - S’assurer de la pertinence des objectifs et des modes
de financement
1 -
Améliorer les méthodes de fixation des objectifs
Il n’existe pas d’objectifs nationaux formellement arrêtés par le
ministère de la santé sur la base d’une étude des besoins.
Les objectifs chiffrés formulés aujourd’hui
pour la fin 2007
seraient de disposer :
d’au moins un réseau de soins palliatifs pour 400 000 habitants
et d’un réseau par département (soit 158),
d’une équipe mobile pour 200 000 habitants (soit 315),
de cinq lits identifiés de soins palliatifs pour 100 000 habitants
(soit 3 150),
et d’au moins une unité de soins palliatifs par pôle régional de
cancérologie et CHU (au moins 22).
Or, en 1999, le Conseil économique et social avait préconisé, pour
les unités de soins palliatifs, l’adoption de la norme de cinq lits pour
100 000 habitants, utilisée dans les pays européens les plus avancés.
Selon le Conseil , « un tel objectif permettrait à notre pays de disposer, à
l’horizon 2005, de quelque 3 000 lits permettant de couvrir les besoins du
tiers environ des malades potentiellement concernés. » Cette norme ne
concernait que les unités de soins palliatifs. Désormais, elle ne concerne
que les seuls lits identifiés.
En l’absence de travaux d’évaluation fiables, le repérage des
besoins fait partie des priorités du nouveau comité de suivi des soins
palliatifs mis en place le 13 juillet 2006.
2 -
Evaluer la pertinence de l’application de la T2A aux soins
palliatifs
a)
L’application de la T2A aux soins palliatifs
La tarification à l’activité (T2A) qui s’applique aux services de
court séjour, a des conséquences sur le financement des soins palliatifs.
362
COUR DES COMPTES
Ainsi, en court séjour, il existe depuis 2004 un groupe homogène
de malades (GHM) spécifique « soins palliatifs ».
A ce groupe homogène de malades sont actuellement associés trois
tarifs forfaitaires ou groupes homogènes de séjours (GHS)
116
. Le tarif de
base s’applique lorsque les soins palliatifs sont dispensés dans un lit
standard, ce tarif est majoré de 30 % si le patient se trouve dans un lit
identifié et de 40 % si le patient séjourne dans une unité de soins
palliatifs.
Ces tarifs sont applicables pour tout séjour dont la durée est au
moins de deux jours et au plus de 35 jours et une majoration forfaitaire
est accordée pour chaque journée de séjour à partir de la 36
ème
.
Le calcul de ces tarifs a été fait à partir des résultats antérieurs du
programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) en
utilisant l’échelle nationale des coûts. Compte tenu des incertitudes de la
méthode liées au sous codage des soins palliatifs dans la base, les calculs
des tarifs, et notamment le différentiel entre le tarif majoré de 30 %
correspondant à un lit identifié et le tarif majoré de 40 % pour un lit en
unité de soins palliatifs, peuvent être discutés.
Néanmoins, la création du groupe homogène de malades
spécifique « soins palliatifs » constitue une incitation au développement
des soins palliatifs. Les tarifs associés ont été fixés de façon à encourager
l’effort de développement des soins palliatifs : ils sont en effet supérieurs,
y compris le tarif de base, à ceux des groupes homogènes de malades
(GHM) de médecine ayant une durée moyenne de séjour (DMS)
voisine
117
, comme l’atteste le tableau ci-dessous.
Moyenne des tarifs des GHM de
médecine ayant une DMS voisine
DMS
entre 15 et 16
jours
DMS
entre 16 et 17
jours
Valeur du GHS
de base de soins
palliatifs
Secteur public
5 791 €
6 245 €
6 529 €
Source : MT2A
116) Il est exceptionnel qu’il y ait trois tarifs GHS pour un GHM car habituellement
un seul tarif GHS est attaché à un GHM.
117) La durée moyenne de séjour (DMS) des groupes homogènes de séjours (GHS)
de soins palliatifs est de 15,81 jours dans le secteur public.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
363
Les équipes mobiles de soins palliatifs ne sont pas incluses dans
les activités tarifées mais sont financées par une dotation annuelle
forfaitaire de 272 000 € par équipe en 2005 dans le cadre des missions
d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC).
La valorisation du volume d’activité de 2005 aux tarifs de 2006
pour les trois groupes homogènes de séjours (GHS) de soins palliatifs
conduit à une prévision de recettes de 145 M€ pour le secteur public dans
lequel la T2A ne s’applique qu’à hauteur de 35 %, et de 55 M€ pour les
cliniques.
Sur la base de l’activité 2005 et des tarifs 2006, et en anticipant
une application à 100 % de la T2A dans le secteur public, cette prévision
de recettes des établissements, tous secteurs confondus (public et privé),
s’établit à 469 M€. Si l’on y ajoute les 302 équipes mobiles de soins
palliatifs recensées en court séjour et dont le financement s’élève à
82 M€, la prévision atteint 551 M€.
L’hospitalisation à domicile (HAD) entre également dans le champ
de la T2A et est donc financée par l’application de tarifs. Toutefois, le
montant global des recettes générées par l’activité de soins palliatifs en
HAD, financée sur la base de ces tarifs, n’est pas connu.
Quant aux soins de moyen séjour, ils ne sont pas concernés par la
tarification à l’activité. Les soins palliatifs relevant du moyen séjour sont
budgétés en dotation globale annuelle de financement (DAF).
b)
Les risques d’effets pervers de la T2A appliquée aux soins
palliatifs
Tout dispositif, quel qu’il soit, peut engendrer des effets pervers.
La T2A appliquée aux soins palliatifs n’échappe pas à ce risque, même
s’il est nécessaire de rappeler que la création du groupe homogène de
malades spécifique « soins palliatifs » constitue une grande avancée en
faveur de la valorisation des soins palliatifs.
D’une manière générale, la T2A a notamment pour objet d’inciter
à la réduction de la durée des séjours. Dans le cas particulier des soins
palliatifs dispensés en fin de vie, l’objectif de réduction de la durée de
séjour est totalement inadapté. Le système pourrait déboucher sur une
éventuelle dégradation de la qualité des soins prodigués ou sur une
sélection des patients, pour éviter de prendre en charge les cas les plus
lourds. En effet, les durées moyennes de séjour en soins palliatifs sont
très variables d’une pathologie à l’autre et peuvent être très longues (et,
pour certaines, bien supérieures aux 35 jours évoqués plus haut).
364
COUR DES COMPTES
Par ailleurs, lorsque le séjour en soins palliatifs est de moins de
deux jours, le tarif applicable est celui, très inférieur, d’autres groupes
homogènes de malades déterminés en fonction du mode de sortie du
patient (retour au domicile, transfert dans un autre service ou décès dans
les deux jours). Cette situation pourrait inciter au maintien, au moins sur
le papier, des patients en soins palliatifs au minimum pendant deux jours
pour bénéficier d’une meilleure rémunération.
Enfin, les établissements de moyen séjour continuent à relever de
la dotation annuelle de financement et leurs recettes ne progressent pas en
fonction de leur activité en soins palliatifs. Cette situation crée une
disparité de traitement entre ces établissements et ceux de court séjour qui
relèvent de la T2A.
B - Réduire les inégalités d’accès
1 -
Les inégalités territoriales
Malgré l’augmentation de l’offre de soins palliatifs sur l’ensemble
du territoire, d’importantes inégalités régionales et intra régionales
subsistent.
Ainsi, au 31 décembre 2004, les unités de soins palliatifs étaient
concentrées dans les régions les plus urbanisées : Ile-de-France,
Nord-Pas–de-Calais,
Bretagne,
Rhône-Alpes,
Provence-Alpes–Côte-
d’Azur qui, à elles cinq, réunissaient 75 % des unités et affichaient, pour
les trois premières régions citées, les plus hauts taux d’équipement
118
en
lits en unités de soins palliatifs. A l’inverse, six régions n’avaient pas
encore
d’unités
de
soins
palliatifs
(Basse-Normandie,
Centre,
Haute-Normandie, Languedoc Roussillon, Limousin, Lorraine). Depuis,
des financements ont été accordés pour la création d’unités de soins
palliatifs dans les centres hospitaliers universitaires de Limoges, Nice,
Rouen et Fort de France et les régions Basse Normandie et Centre.
Ces disparités sont cependant atténuées par la montée en charge
des lits identifiés. Si, en 2002, deux tiers des régions n’ont déclaré aucun
lit identifié, en 2004, seules cinq régions en étaient encore dépourvues
(Alsace, Auvergne, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon et Corse).
Cependant, les créations nettes de lits identifiés entre 2003 et 2004 ont
concerné essentiellement les régions Midi-Pyrénées, Ile-de-France et
Rhône-Alpes.
118) Au 31 décembre 2004, le taux d’équipement en lits USP était, en moyenne
nationale, de 1,26 lit pour 100 000 habitants, à comparer aux 3,18 en Nord Pas de
Calais, 2,75 en Ile de France et 2,71 en Bretagne.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
365
De même, pour les réseaux, ceux-ci ont vu leur nombre croître
fortement. Néanmoins, la couverture du territoire n’est pas achevée. De
nouvelles créations s’imposent encore en Poitou-Charente, Limousin,
Auvergne et Champagne-Ardenne par exemple.
2 -
Les inégalités d’accès à l’offre existante selon la pathologie
Si la démarche palliative s’est développée pour répondre aux
besoins d’accompagnement des malades cancéreux, près de la moitié des
décès résultant d’une maladie susceptible de nécessiter des soins palliatifs
relèvent d’autres pathologies que le cancer. Or, l’élargissement de l’accès
de ces patients aux structures de soins palliatifs risque d’être compromis
par l’intégration du programme de développement des soins palliatifs
dans le plan cancer si les efforts de développement des soins palliatifs se
font en priorité en faveur du cancer et au détriment des autres pathologies
(voir supra).
3 -
Les inégalités d’accès pour les personnes âgées
Les structures gériatriques, services de soins de suite ou de
réadaptation (SSR), unités de soins de longue durée (USLD) et
établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD)
accueillent un nombre croissant de patients requérant des soins palliatifs.
En effet les personnes âgées nécessitant des soins palliatifs qui ne sont
pas en mesure de rentrer à leur domicile sont orientées successivement
vers les unités de moyen séjour, puis vers des unités de soins de longue
durée, et se retrouvent dans des structures de moins en moins bien dotées
alors que leur état se dégrade. Les moyens et équipements des services de
moyen et long séjours sont en effet souvent sensiblement inférieurs à
ceux d’un service de court séjour et très en dessous des normes minimales
de prise en charge en soins palliatifs.
C - Développer les soins palliatifs à domicile et dans le
secteur médico-social
Le déploiement des soins palliatifs est actuellement organisé
essentiellement autour des structures hospitalières. Il importe donc de
dépasser les clivages traditionnels entre la ville et l’hôpital ainsi qu’entre
le secteur sanitaire et le secteur social, et de développer les soins palliatifs
à domicile et dans les institutions médico-sociales.
366
COUR DES COMPTES
1 -
Poursuivre le développement des soins palliatifs à domicile
70 % des Français affirment vouloir mourir chez eux. Or, 75 %
meurent aujourd’hui à l’hôpital, et la proportion de décès à domicile ne
cesse de diminuer. Le développement des soins palliatifs à domicile, qui
faisait déjà l’objet du premier axe du programme 2002-2005, doit donc
être poursuivi.
Ces soins et cet accompagnement ont pris une place croissante
dans l’activité des hospitalisations à domicile (HAD) et le nombre de
réseaux de soins palliatifs ville-hôpital a progressé notablement. Les
services de soins infirmiers et d’aide à domicile peuvent participer à cette
prise en charge.
Néanmoins, le développement des soins palliatifs à domicile
continue de se heurter à plusieurs obstacles.
S’agissant des équipes à domicile, se pose toujours la question des
conditions particulières de rémunération, prévues par l’article 5 de la loi
du 9 juin 1999, de la prise en charge par les professionnels de santé
libéraux des soins palliatifs à domicile. Plus précisément, l’assurance
maladie avait créé un dispositif de contrat de santé publique et de
conventionnement permettant à des libéraux de mettre en place des soins
palliatifs. Mais un recours introduit par les organisations professionnelles
des infirmiers a conduit à l’annulation du dispositif par le Conseil d’Etat
le 1
er
octobre 2004. Depuis, un amendement
119
au projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2006 a permis de donner une base
certaine à ce dispositif, pour lequel restait toutefois à prendre en
septembre 2006 le décret d’application. Par ailleurs, ce dispositif ne
prévoit
pas
de
rémunération
de
toutes
les
interventions
(ex. :
psychologues). Il laisse ainsi des composantes importantes des soins
palliatifs à la charge du patient et de sa famille, pouvant les contraindre à
choisir l’hospitalisation faute de moyens.
Enfin, n’est toujours pas pris le décret d’application de l’article 11
de la loi du 9 juin 1999, qui ouvre aux proches un droit à un congé
d’accompagnement pour une durée maximale de trois mois, que ce soit
pour un ascendant, un descendant ou une personne partageant le même
domicile.
119) Désormais article 47 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de
financement de la sécurité sociale pour 2006, codifié à l’article L. 162-1-10 du code
de la sécurité sociale.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
367
2 -
Développer les soins palliatifs dans le secteur médico-social
Les soins palliatifs concernent toutes les tranches d’âge, mais 90 %
des décès interviennent aujourd’hui au-delà de 60 ans et les trois quarts
au-delà de 65 ans. Le vieillissement de la population contribue au
développement de pathologies susceptibles de relever plus que d’autres
de soins palliatifs (cancers, Alzheimer en phase terminale, syndromes
Parkinsoniens, insuffisances cardiaques et respiratoires, polypathologies
incurables). La politique des soins palliatifs doit donc intégrer cette
évolution démographique.
C’est ainsi que l’article 13 de la loi Léonetti rend obligatoire la
présence d’un volet consacré aux soins palliatifs dans les projets
d’établissement des établissements sociaux et médico-sociaux accueillant
des personnes âgées. Comme pour les établissements de santé, ce volet
doit identifier les services potentiellement concernés par la pratique des
soins palliatifs et préciser les mesures prévues pour le développement de
la démarche palliative dans la convention pluriannuelle passée entre
l’établissement et ses autorités de tutelle.
Au sujet des établissements hébergeant des personnes âgées
dépendantes (EHPAD), si le décret
120
d’application de la loi a bien été
pris, en revanche les financements nécessaires n’ont pas été prévus. Or, la
situation de ces établissements en termes de personnel est déjà très
contrainte (ratio soignant/résident de l’ordre de 0,25). C’est pourquoi il a
été proposé fin juillet 2006 qu’un décret fixe une norme de
0,25
équivalent temps plein pour le médecin coordonnateur d’un établissement
hébergeant des personnes âgées dépendantes de 60 places. En outre, la
plupart de ces établissements n’a pas d’infirmière de nuit. L’offre de
soins palliatifs dans ces établissements ne peut donc se développer sans
que soit abordée en amont la question de leurs moyens.
Enfin, il n’existe pas d’état des lieux concernant la pratique
actuelle des soins palliatifs dans le secteur médico-social en général, et
dans les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes en
particulier, comme il n’existe pas de données chiffrées sur le devenir des
personnes dans ces établissements. On ne dispose pas de données
précisant combien de personnes sont décédées sur place, combien ont été
transférées et sont mortes à l’hôpital et dans quel service. Une enquête
qualitative relative à la mesure de l’amélioration de la qualité des
prestations et prises en charge dans les établissements hébergeant des
personnes âgées dépendantes va démarrer à l’automne 2006.
120) Décret n° 2006-122 du 6 février 2006 relatif au contenu du projet
d’établissement ou de service social ou médico-social en matière de soins palliatifs.
368
COUR DES COMPTES
D - Poursuivre l’information et la formation
La résistance au développement des soins palliatifs repose aussi
sur des données
culturelles :
- face aux progrès thérapeutiques, le recours à des soins palliatifs peut
être perçu comme un échec au sein des professions de santé
comme dans la société ;
- les équipes médicales hospitalières ont de la peine à passer d’une
phase de soins actifs à une phase d’accompagnement de fin de vie ;
- il y a parfois confusion entre arrêt d’une thérapeutique active et
« euthanasie » passive ;
- les familles manquent d’informations sur les pratiques et le sens des
soins palliatifs.
On doit donc insister sur la double nécessité d’une formation
initiale et continue aux soins palliatifs du personnel soignant comme non
soignant au contact des patients, et d’une information du public sur les
soins palliatifs et l’accompagnement.
1 -
Former les professions de santé aux situations de fin de vie
Lors du débat
121
à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi
Léonetti, le ministre de la santé et de la protection sociale avait
déclaré : « Enfin, il ne sert à rien de voter un tel plan si nous ne
favorisons pas l’émergence d’une culture des soins palliatifs, notamment
en développant la formation initiale des médecins. Actuellement, les soins
palliatifs ne sont pratiquement pas enseignés dans les facultés de
médecine. Il nous faut donc former les professionnels de santé, mais aussi
les personnels des établissements médico-sociaux, qui se retrouvent
souvent en première ligne ».
En effet, si la formation initiale des médecins a été renforcée avec
l’introduction d’un module obligatoire relatif à la lutte contre la douleur
et aux soins palliatifs dans le programme du deuxième cycle des études
médicales, la mise en place et le volume horaire restent inégaux d’une
faculté à l’autre et l’enseignement concernant la douleur des personnes
âgées, handicapées et non communicantes n’y est pas systématiquement
traité.
121) Séance du 26 novembre 2004, discussion de la proposition de loi de M. Jean
Léonetti et de plusieurs de ses collègues relative aux droits des malades et à la fin de
vie.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
369
Une redéfinition du programme de formation initiale des médecins
est prévue dans le domaine de la lutte contre la douleur et des soins
palliatifs
avec
la
création
d’un
diplôme
d’études
spécialisées
complémentaires (DESC) « soins palliatifs et douleur » en cours
d’examen par la commission nationale de l’enseignement supérieur et de
la recherche.
S’agissant de la formation continue, une plaquette d’information
« repères pour votre pratique » devrait être diffusée à destination de
l’ensemble des médecins généralistes (250 000 exemplaires) sur les soins
palliatifs en lien avec l’Institut national de prévention et d’éducation pour
la santé (INPES). De même, le thème de la prise en charge de la douleur
et des situations palliatives chez les personnes âgées vient d’être inscrit
122
comme priorité d’action 2007 pour la formation continue des personnels
de la fonction publique hospitalière. Enfin, est engagée une formation des
équipes soignantes des établissements hébergeant des personnes âgées
dépendantes et des structures pour personnes handicapées à partir d’outils
de formation réalisés par les sociétés savantes concernées (douleur, soins
palliatifs, gériatrie) avec l’objectif d’avoir formé 70 % des professionnels
de l’ensemble des 22 régions métropolitaines d’ici la fin de 2007.
Le développement de la formation initiale et continue des
professionnels de santé aux situations de fin de vie est indispensable,
compte tenu du grand retard constaté.
2 -
Informer le public
Cette exigence était déjà formulée dans le deuxième programme de
développement des soins palliatifs 2002-2005 qui comportait trois
mesures en ce sens : la réalisation d’une campagne de communication sur
les soins palliatifs et l’accompagnement ; l’évolution du centre François-
Xavier Bagnoud vers un centre de ressources et de documentation sur les
soins palliatifs et l’accompagnement à vocation nationale ; l’organisation
d’états généraux sur les soins palliatifs et l’accompagnement dans
quelques régions de France.
A ces mesures s’est ajoutée l’ouverture le 19 mai 2005 d’une ligne
téléphonique Azur « Accompagner la fin de vie : s’informer, en parler » à
la fondation Croix Saint-Simon. Cette ligne a pour objet de répondre aux
besoins d’information, de conseils et d’écoute en matière de soins
palliatifs et d’accompagnement. Elle a été mise en place avec la ligue
122) Circulaire n° 233/DHOS/P2/2006 du 29 mai 2006 relative aux orientations et
axes de formation prioritaires, à caractère pluriannuel, concernant l’ensemble des
fonctionnaires des établissements relevant de l’article 2 de la loi du 9 janvier 1986
portant statut général de la fonction publique hospitalière.
370
COUR DES COMPTES
nationale de lutte contre le cancer qui assure un premier niveau
d’information et d’orientation, alors que le centre de documentation et de
ressources national François-Xavier Bagnoud (CDRN-FXB) sur les soins
palliatifs et l’accompagnement assure un second niveau d’écoute
spécialisée. L’ouverture de la ligne téléphonique a bénéficié d’un
financement de 1 M€ en 2005 sur crédits d’Etat et d’une dotation imputée
sur une mission d’aide à la contractualisation à compter de 2006 pour
800 000 euros. Cependant, au terme d’une année de fonctionnement,
l’activité de cette ligne reste faible : six appels par jour dont deux
requièrent une réponse spécialisée en soins palliatifs, ce qui montre la
nécessité de la relance de ce dispositif, entreprise en 2006 par la
Fondation Croix Saint-Simon, et de son évaluation, à laquelle procède le
ministère de la santé.
Enfin, on doit mentionner le rôle des bénévoles qui apportent leur
concours à l’équipe de soins en participant à l’ultime accompagnement du
malade -sans toutefois interférer avec la pratique des soins- et qui
contribuent efficacement à éveiller le public à la dimension humaine des
soins palliatifs. Certes, ces bénévoles ne s’improvisent pas et ils doivent
avoir été formés à l’accompagnement de la fin de vie et appartenir à des
associations. Mais leur seule présence est porteuse d’une forte valeur
symbolique en contribuant à « resocialiser » la mort dans nos sociétés où
elle est trop souvent affrontée dans la solitude.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Dans nos sociétés où la mort est trop souvent cachée, la politique
des soins palliatifs vise justement à humaniser les fins de vie et revêt, par
la même, au-delà de ses aspects techniques, une dimension humaine et
compassionnelle qu’il importe de souligner. En effet, les principaux
obstacles au développement des soins palliatifs restent d’ordre culturel,
tenant à la place de la mort dans nos sociétés et à l’insuffisance de la
formation des professionnels et de l’information du public. De ce point de
vue, la politique volontariste suivie avec le premier plan et le deuxième
programme a contribué à l’évolution des conceptions. Mais
la poursuite
d’une politique active et individualisée de développement des soins
palliatifs demeure
une priorité.
La politique menée depuis 1999 a permis un développement
notable de l’offre en soins palliatifs. Cependant, en raison de son
caractère récent, elle s’est déployée dans un champ encore mal défini et
en l’absence de connaissance précise des besoins. D’importantes
inégalités d’accès demeurent selon la région, la pathologie, l’âge du
malade, la structure de soins qui le prend en charge. Sur ce dernier point,
on doit souligner l’insuffisant développement des soins palliatifs à
domicile et dans le secteur médico-social.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
371
Enfin, le financement des soins palliatifs dépend désormais pour
l’essentiel de la nouvelle tarification à l’activité (T2A), dont la mise en
oeuvre, si elle n’est pas accompagnée d’un contrôle efficace, peut avoir
des conséquences négatives sur la qualité de l’offre de soins et favoriser
certaines dérives.
C’est pourquoi la Cour recommande :
-
d’individualiser la politique des soins palliatifs, au lieu de
l’intégrer au plan cancer ;
-
de développer les travaux prévus en matière d’études relatives
aux besoins à satisfaire et d’évaluation qualitative de l’offre en
soins palliatifs ;
-
de développer les soins palliatifs dans le secteur médico-social et
à domicile ;
-
de surveiller l’application de la T2A dans le domaine des soins
palliatifs afin d’éviter d’éventuels effets pervers.
372
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA SANTÉ ET DES SOLIDARITÉS
Les actions de formation
La formation des professionnels de santé qui exercent en secteur
médico-social ou à domicile auprès de personnes âgées ou handicapées
constituent une priorité d’action du ministère de la santé et des solidarités.
1. La formation des professionnels de santé
Dans le cadre notamment du Plan « Douleur » pour la période 2006-
2010, le programme de formation initiale et continue des médecins en
douleur et soins palliatifs est modifié. La mise en place d’un Diplôme
d’Etude Supérieur Complémentaire (DESC) intitulé « médecine de la douleur
médecine palliative » est réalisé. Il va permettre une reconnaissance
universitaire des ces deux disciplines nécessaire au maintien de la
dynamique des précurseurs engagés il y plus de dix ans dans ces actions et le
renouvellement des responsables d’unités. Il repose sur un tronc commun
« douleur et soins palliatifs » et deux modules spécialisées dans l’une de ces
deux disciplines.
Le DESC,
approuvé lors de sa présentation à la commission
nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche en septembre 2006,
est proposé aux UFR dès la rentrée universitaire 2007-2008.
Des diplômes inter-universitaires (D.I.U) qui permettent de conserver
un accès élargi à la formation dans ces disciplines, complètent la filière de
formation ainsi redéfinie.
2. Des outils spécifiques
Un colloque organisé en mars 2005 au ministère de la santé et intitulé
« douleur et personnes âgées » a permis de mettre en évidence la nécessité de
mieux diagnostiquer, évaluer et prendre en charge la douleur des patients
vulnérables. Répondant à une priorité du Plan de lutte contre la douleur
2006-2010, la DGS a fait réaliser des outils de formation pour les
professionnels de santé spécifiquement adaptés à la prise en charge de la
douleur et des soins palliatifs des populations âgées et handicapées.
Présentés par le ministre Philippe Bas le 9 novembre 2006 aux
professionnels et à l’ensemble des acteurs agissant dans ce domaine, ces
outils, dont la réalisation a été confiée à la Société Française de Gériatrie et
Gérontologie, la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur,
et la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs ont été bien
accueillis et ont reçu l’approbation de ces sociétés savantes.
Ils constituent les supports pédagogiques des actions de formation
dont le déploiement national a débuté.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
373
Un programme de formation sur l’ensemble du territoire, soutenu par
la direction générale de la santé (DGS) et s’appuyant sur les régions, est
engagé à partir de ces outils dans le domaine des soins palliatifs et de la
prise en charge de la douleur, complété par des outils du même ordre dans le
champ de la « Bien-traitance » et de la Dépression de la personne âgée.
Un financement de 1,2 M€ a été engagé pour développer ce
programme d’action et mettre en oeuvre sa diffusion nationale sur une
période de 2 ans (2006-2007). C’est une démarche globale d’amélioration
des pratiques professionnelles dans les établissements médico-sociaux et à
domicile et, qui a reçu un accueil favorable de la Haute Autorité de Santé
pour
l’intégrer dans le dispositif d’évaluation des pratiques professionnelles,
qui se met ainsi en oeuvre.
3. L’association nationale pour la formation permanente des personnels
hospitalier (ANFH)
La DGS a fait inscrire le thème de la douleur et des soins palliatifs
comme priorité d’action pour la formation continue des personnels de la
fonction publique hospitalière (circulaire 2006). L’ANFH a retenu cette
priorité pour la formation en 2007.
L’information
1. L’information du public
Ouverture d’une ligne téléphonique Azur « Accompagner la fin de la
vie, s’informer, en parler » le 19 mai 2005 à la Fondation Croix Saint-Simon.
Ce numéro qui fonctionne du lundi au samedi de 8h à 20 heures permet de
répondre aux besoins d’information, de conseils et d’écoute en matière de
soins palliatifs et d’accompagnement. Ce service a bénéficié d’un
financement de 1 million d’euros en 2005
sur les crédits Etat (PLF) et d’un
relais sur les crédits ONDAM via la T2A à compter de 2006 pour 800 000
euros. Une évaluation externe de ce service est engagée et rendra ses
conclusions fin décembre 2006
afin d’adapter le dispositif aux besoins et
définir les perspectives d’évolution de cette ligne. (nombre d’appels resté
faible depuis l’ouverture en moyenne 5 appels par jour)
2. L’information des professionnels de santé
L’envoi à l’ensemble des médecins généralistes (250 000 exemplaires)
d’un document « Repères pour votre pratique » sur les soins palliatifs réalisé
par la DGS en lien avec l’INPES sera réalisé fin 2006.
La direction générale de la santé met en oeuvre des actions en
direction des établissements d’accueil et d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes et les établissements pour personnes handicapées en lien
avec la direction générale de l’action sociale et la CNSA, les sociétés
savantes et les fédérations d’établissements dans la domaine des soins
palliatifs et de la douleur qui correspondent aux recommandations proposées
dans le rapport de la Cour des comptes.
374
COUR DES COMPTES
L’évaluation
Le rapport de la Cour débute par une série d’observations portant sur
l'absence d'évaluation, le champ d'application incertain et la difficulté de
chiffrage des besoins.
Partageant globalement ce constat, la direction de l’hospitalisation et
de l’organisation des soins (DHOS) compte corriger cette situation en
lançant conjointement avec la DREES trois études
portant sur l'activité de
soins mise en oeuvre, les pratiques et le ressenti des acteurs et des familles
des patients. Il convient néanmoins de préciser que la définition des soins
palliatifs donnée par l'OMS et reprise par le rapporteur dans l'introduction
doit constituer le seul cadre pertinent d'organisation des soins, tant au sein
des établissements de santé qu'en pratique ambulatoire.
Les outils de pilotage
Concernant les outils de pilotage, les travaux menés actuellement sous
l'égide du comité de suivi des soins palliatifs et de l'accompagnement de la
fin de vie mis en place en juillet 2006 doivent conduire à finaliser les
référentiels relatifs aux unités de soins palliatifs, aux lits identifiés, aux
équipes mobiles et aux réseaux engagés par le précédent comité de suivi des
soins palliatifs, dont le mandat a expiré en décembre dernier. Ces
référentiels
viendront
constituer
une
nouvelle
circulaire
relative
à
l'organisation des soins
complétant
la circulaire 98 du 19 février 2002
relative à l'organisation des soins palliatifs.
Ils ont vocation à établir des cibles à atteindre en matière
d'équipement ou de personnels, sans pour autant constituer des normes
quantitatives et techniques rigides qui
s’accorderaient mal avec la
philosophie de la T2A, construite sur des retraitements comptables a
posteriori et non sur la valorisation ex-ante de normes.
Concernant la connaissance des coûts, la DHOS prend acte avec
satisfaction des améliorations mentionnées par la Cour des Comptes quant
au codage de l’activité des soins palliatifs en GHM et GHS depuis 2004, et
partage ses attentes en matière de progrès à attendre de la montée en charge
progressive du système d’information et d’une meilleure appréhension des
montants en jeu.
La programmation
Le titre retenu pour le chapitre B du I : « une politique de
programmation qui semble être remise en cause » appelle néanmoins de ma
part les plus fortes réserves car il laisse entendre que l'effort entrepris depuis
1999 pour déployer les soins palliatifs notamment dans les établissements de
santé, serait désormais remis en cause.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
375
S'il est vrai
que le deuxième programme de développement s'est
officiellement achevé en 2005, les éléments de cadrage de la politique de
développement des soins palliatifs n'en restent pas moins opérationnels :
depuis l'ordonnance 2003-850 du 4 septembre 2003, les soins palliatifs sont
désormais inscrits comme une thématique obligatoire des schémas régionaux
d'organisation sanitaire. Une synthèse en cours des volets soins palliatifs des
SROS montre que la quasi-totalité des régions sanitaires a développé une
réflexion pertinente sur ce thème et engagé des actions concrètes pour
assurer la couverture progressive des besoins des personnes en la matière.
La circulaire 98 du 19 février 2002 relative à l'organisation des soins
palliatifs et de l’accompagnement conserve par ailleurs une totale pertinence
en matière de principes d'organisations des soins palliatifs.
Les missions qui sont dévolues au comité de suivi sus visé en matière
de propositions d'une politique nationale de développement des soins
palliatifs, d'accompagnement de la mise en oeuvre, du déploiement de cette
politique et d'évaluation des textes législatifs et réglementaires démontrent,
s'il en était besoin, l'engagement du ministre de la santé en la matière.
Le financement
L'inscription dans les maquettes des PLFSS successifs d'une
enveloppe spécifique au développement des soins palliatifs vient confirmer le
caractère constant de l'effort entrepris. Si le montant affiché de ces
enveloppes spécifiques se situe de 2003 à 2007à hauteur de 9,6M€ en
moyenne, il convient de rappeler que ces montants sont loin de refléter la
totalité des ressources mises en oeuvre dans le cadre des soins palliatifs. En
effet il s'agit d'enveloppes destinées à encourager le développement de
structures de soins palliatifs notamment dans le secteur public mais non de la
totalité des ressources mobilisées par l'activité relevant du mécanisme de
T2A qui ne peuvent être constatées et
régulées
qu’a posteriori. Peuvent
ainsi coexister une sous consommation des crédits affichés en début de
campagne, comme le constate la Cour (point I A2 b) et un fort développement
des GHS "soins palliatifs" dans les établissements sous T2A, notamment au
sein des établissements privés. Les financements mis en oeuvre spécifiquement
pour le développement des réseaux au sein de la DNDR, la part des dépenses
liées aux soins palliatifs dans le cadre de l'hospitalisation à domicile et de la
médecine de ville doivent en outre être pris en compte.
L’offre de soins palliatifs
L'évolution constatée entre 2004 et 2005 du nombre des équipements
en matière de soins palliatifs recensés annuellement par la DHOS vient
confirmer la poursuite du processus de déploiement des soins palliatifs et
traduit surtout le développement de la culture palliative au sein des
structures de soins.
376
COUR DES COMPTES
Selon une exploitation provisoire de l’enquête de la DHOS sur le
bilan de l’offre en soins palliatifs, si le nombre des équipes mobiles de soins
palliatifs semble rester constant à hauteur de 326 en 2005, on note une
progression annuelle de +5% du nombre de lits en USP sur un an en 2005,
soit 824 lits recensés au 31 décembre 2005. L’évolution du nombre de LISP
est elle de dix fois supérieure, et l’on atteint le nombre de 1900 LISP en
2005.
Il importe de bien prendre en compte le fait que la capacité de
pénétration de cette culture palliative chez les professionnels de santé
constitue l'élément majeur expliquant les inégalités territoriales observées, et
qu'elle est également le facteur sur lequel il est nécessaire d'agir en priorité,
notamment par la politique de formation des professionnels, pour atteindre
l'objectif d'une équité d'accès des patients à des soins palliatifs de qualité
quels que soit la région ou le territoire concernés. L'apparition de variations
annuelles dans les équipements ou les moyens consacrés
ne doivent en
aucun cas être considérées comme une fluctuation ou une hésitation de la
politique en faveur des soins palliatifs mais comme la conséquence de ces
facteurs subjectifs. Seule l'appréciation en tendance
- qui s'avère exempte de
toute ambiguïté, comme la Cour en fait d'ailleurs le constat (point I B 1 a) est
de nature à montrer l'engagement en faveur des soins palliatifs.
Si le financement des structures de soins palliatifs repose en partie sur
des sommes prévues par le plan cancer, il n'y a pas d’ « intégration des soins
palliatifs dans le plan cancer », comme l’énonce le point I B 3. Il est
d'ailleurs essentiel de souligner que la politique de déploiement des lits
identifiés (LISP) au sein des services de médecine et de chirurgie confrontés
à des fins de vie fréquentes, sans qu'aucune référence à la pathologie
prise
en charge ne soit mentionnée, constitue la meilleure garantie que le cancer
ne vienne pas "monopoliser" les moyens dévolus aux soins palliatifs. Cette
politique offre notamment l'opportunité d'un meilleur accès aux soins
palliatifs vis à vis des personnes âgées et l'identification de lits au sein des
SSR et des Unités de Soins de Longue Durée, rappelée par de nombreux
acteurs lors du colloque consacré aux soins palliatifs organisé par la DHOS
en décembre 2005, et elle constitue une priorité 2007 pour la DHOS.
La partie I-C du rapport concerne les résultats et des progrès jugés
« mitigés ». En termes de développement de l’offre hospitalière, on peut noter
que la progression des lits de soins palliatifs est très importante sur les
dernières années : forte de 40% de 2002 à 2003, elle aura été encore de
l’ordre de 30% les deux années suivantes.
De 2004 à 2005, une progression des lits de soins palliatifs de 5%
accompagnerait la montée en charge des lits identifiés de soins palliatifs,
porteurs
de
cette
augmentation
depuis
2002.
Pour
la
DHOS,
le
développement de la culture palliative et de ses soins de qualité apparaît plus
prioritaire que le débat s'attachant aux types de structure. La qualité de la
prise en charge ne peut être atteinte que par une réponse graduée, mettant en
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
377
priorité l'accent sur la proximité lorsque les soins sont simples et sur
l'adossement à des plateaux techniques plus conséquents lorsqu'ils
deviennent plus complexes. Si les LISP représentent un des moyens les plus
souples d’y procéder, l'objectif de disposer d'au moins une unité de soins
palliatifs par région, au sein d'un CHU ou d'un pôle régional de
cancérologie reste posé. Il devrait être atteint au cours de l'année 2007: les
régions Centre et Basse Normandie ont obtenu un financement en 2006 pour
ouvrir une unité, la Lorraine vient de mettre en place une première USP et
travaille à un second projet, la Réunion et le Languedoc Roussillon, qui sont
toujours dépourvus d' USP bénéficieront d'un financement en 2007.
Concernant les équipes mobiles de soins palliatifs (I-C-2), l’objectif
national d’une équipe pour 200 000 personnes est atteint et dépassé ; la
DHOS souscrit toutefois à l’objectif de renforcement en personnel des EMSP
prôné par le rapport.
A l'inverse, l’objectif national concernant les réseaux n’est pas encore
atteint et demeure d'actualité, mais il faut garder à l'esprit que si elle est
directement fonction des dynamiques locales, la progression des réseaux de
soins palliatifs (point 1-C-4) dépend également de l’évolution de la dotation
nationale de développement des réseaux.
Concernant les équipes pluridisciplinaires à domicile (point 1-C-5), il
est à noter que le décret relatif aux conditions de rémunération des
professionnels de santé libéraux ou salariés des centres de santé est en cours
de finalisation.
«
Une politique à redynamiser »
La seconde partie du rapport concerne « une politique à redynamiser »
et son premier paragraphe s’attache à la pertinence des objectifs et à
l’amélioration des méthodes de fixation des objectifs.
Les enquête de la Drees commandées par la DHOS, évoquées au début
de cette note, participent de cette volonté. Il s'agit de réaliser une série
d'études concernant directement ou indirectement les besoins de soins
palliatifs. Elle repose sur les éléments suivants :
une analyse de l'activité, à partir des données
du programme de
médicalisation des systèmes d’information (PMSI)
deux études qualitatives basées sur des entretiens semi-directifs
avec les différents acteurs des soins palliatifs autour du patient, qu'il
s'agisse des prises en charge à l'hôpital ou à domicile, puis au sein
des établissements sociaux et médico-sociaux ; ces deux études sont
destinées à préparer et tester la faisabilité d'une enquête
quantitative représentative mise en place dans un second temps.
378
COUR DES COMPTES
Le point II-A-2 propose d’évaluer la pertinence de l’application de la
T2A aux soins palliatifs. Il apparaît surtout nécessaire de poser le problème
en termes d’une recherche du juste coût des GHS. Ces travaux seront conduits
par la DHOS en 2007, associant les sous directions "O" (organisation des
soins), "F "(financement) et la mission T2A
Concernant le financement selon les modalités de la T2A évoqué au
point T-A-2-b, on peut rappeler que le risque d’effet pervers évoqué n’est en
rien
spécifique aux soins palliatifs. Il faut souligner, a contrario, que la T2A
assure l'élasticité des recettes à l'activité, ce qui favorise les établissements
dynamiques et vient au passage confirmer la pertinence de développer la
culture palliative plutôt que les structures.
La généralisation ultérieure de la T2A aux
services de soins de suite et
de réadaptation (SSR) corrigera en outre les disparités dénoncées par la Cour
entre les structures de soins palliatifs relevant d'un secteur de court séjour et
assujetties à la T2A, et celles relevant des SSR dont le budget n'évolue pas de
manière proportionnelle à l'activité.
La partie II – B évoque les inégalités d’accès aux soins palliatifs.
Si la
correction de ces inégalités demeure une priorité pour la DHOS, les
contraintes ne sont pas seulement d'ordre financier. La dynamique des
opérateurs apparaît ainsi très déterminante, qu'il s'agisse du cadrage
organisationnel constitué par les SROS ou de la capacité des établissements
de santé à disposer d'opérateurs formés. Aucune prestation de soins palliatifs
de qualité ne peut être mise en oeuvre si des personnels formés et motivés ne
sont pas présents. La sensibilisation des acteurs et l'organisation de
formations interprofessionnelles constituent les principaux leviers de ce
développement. Le premier est mise en oeuvre par l'action d'une chargée de
mission ministérielle qui se déplace en région pour informer et sensibiliser ;
la formation constitue un axe de travail majeur pour le comité, en liaison avec
le dispositif de formation des professionnels de la santé ou du secteur médico-
social.
Les soins palliatifs à domicile
En matière de développement des soins palliatifs à domicile (partie II-
C-1), outre
la prochaine finalisation du décret
relatif aux soins palliatifs en
pratique libérale évoquée précédemment, et l’élaboration des référentiels
concernant les réseaux de soins palliatifs, rappelons que le groupe de travail
N°5 du comite de suivi exclusivement consacré aux "interfaces et à
l'organisation des soins palliatifs et de l’accompagnement" est chargé de
dégager des propositions dans ce domaine qui reste, en effet, à développer.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
379
RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA CAISSE NATIONALE
D’ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS
(CNAM-TS)
La définition des soins palliatifs
La définition de la Haute Autorité
(ANAES à l’époque) dans son
rapport de Décembre 2002 : « Modalités de prise en charge de l’adulte
nécessitant des soins palliatifs » est la suivante :
« Les soins palliatifs sont des soins actifs, continus, évolutifs,
coordonnés et pratiqués par une équipe pluriprofessionnelle. Ils ont pour
objectif, dans une approche globale et individualisée, de prévenir ou de
soulager les symptômes physiques, dont la douleur, mais aussi les autres
symptômes, d’anticiper les risques de complications et de prendre en compte
les besoins psychologiques, sociaux et spirituels, dans le respect de la dignité
de la personne soignée. Les soins palliatifs cherchent à éviter les
investigations et les traitements déraisonnables et se refusent à provoquer
intentionnellement la mort. Selon cette approche, le patient est considéré
comme un être vivant et la mort comme un processus naturel. Les soins
palliatifs s’adressent aux personnes atteintes de maladies graves évolutives
ou mettant en jeu le pronostic vital ou en phase avancée et terminale, ainsi
qu’à
leur
famille
et
à
leurs
proches.
Des
bénévoles,
formés
à
l’accompagnement et appartenant à des associations qui les sélectionnent
peuvent compléter, avec l’accord du malade ou de ses proches, l’action des
équipes soignantes ».
Cette définition, dont chaque mot est pesé, apporte des dimensions qui
ne sont reprises explicitement dans ce rapport.
C’est ainsi que la notion d’investigations et traitement déraisonnables
et le refus à provoquer intentionnellement la mort soulignent le champ des
soins palliatifs en dehors de l’euthanasie.
La notion de transversalité et de pluridisciplinarité n’est pas non plus
assez insistante.
Les soins palliatifs s’adressent au patient ainsi qu’à leur famille et
leurs proches. C’est une notion qui n’apparaît pas non plus suffisamment
dans ce rapport. Les soins palliatifs se limitent encore trop souvent à la prise
en charge de la douleur du patient, pas suffisamment de sa souffrance
psychique ni du besoin d’accompagnement de la famille et des proches.
Ces remarques seraient bienvenues dans la définition du champ des
soins palliatifs.
380
COUR DES COMPTES
Chiffrage des besoins
La Cour mentionne l’absence de connaissance fine des besoins.
Il faut signaler que, dans le cadre des missions du Comité National de
suivi de développement des soins palliatifs et de l’accompagnement de la fin
de vie, et plus précisément de son comité restreint, il est prévu de suivre les
travaux de la DREES qui réalise une enquête d’abord quantitative et
qualitative sur les soins palliatifs (abord plutôt organisationnel des soins
palliatifs), puis qui mettra dans son programme 2007 une analyse des
besoins en soins palliatifs couvrant les champs du sanitaire, du médico-
social et de la ville.
Les outils de pilotage
La Cour signale que les cahiers des charges ne sont pas finalisés.
Les cahiers des charges des différentes modalités de prise en charge
dans le domaine des soins palliatifs sont en cours de validation par le comité
restreint cité ci-dessus. Ils concernent les palliatifs sont en cours de
validation par le comité restreint cité ci-dessus. Ils concernent les unités de
soins palliatifs, les lits identifiés, les équipes mobiles, les réseaux et les
bénévoles.
Les financements
Le FNASS participe à la formation des bénévoles comme il est
indiqué.
Le volet social pourrait être précisé. Le FNASS participe au maintien
à domicile des personnes en fin de vie en rémunérant les gardes-malades et
le remboursement de certaines prestations non remboursables au titre légal.
Le développement des soins palliatifs
Le rapport donne le nombre de lits de soins palliatifs au 31 Décembre
2004 par référence aux résultats de l’enquête annuelle effectuée par le
ministère de la santé auprès des ARH et destinée aux établissements de santé.
La SAE 2004 donne des chiffres un peu différents avec 1899 lits de soins
palliatifs dont 1186 en unité courte durée.
La progression des réseaux de soins palliatifs ville-hôpital
Dans la notion des réseaux de soins palliatifs, il conviendrait
d’ajouter au rapport que le dénombrement concerne les réseaux de soins
palliatifs étiquetés comme tels. En réalité les réseaux de cancérologie, de
personnes âgées, de la douleur, participent également à la prise en charge en
réseau des soins palliatifs.
LA POLITIQUE DES SOINS PALLIATIFS
381
Les équipes pluridisciplinaires à domicile
Le rapport fait état
des difficultés de rémunération des professionnels
de santé libéraux pratiquant des soins palliatifs dans le cadre des équipes à
domicile et ainsi du retard de mise en oeuvre du dispositif ;
Il faut signaler le projet de décret (en cours de validation par la
DHOS) relatif à la signature de contrat pour les professionnels de santé
amenés à délivrer des soins palliatifs à domicile.
Les risques d’effets pervers de la T2A appliquée aux soins palliatifs
Le rapport décrit certains « effets pervers de la T2A » dû par exemple
à l’absence de GHM soins palliatifs dans la CMD 24.
Il en est d’autres, en particulier le séjour en chirurgie d’un patient
(avec un GHM chirurgical) qui passe ensuite dans un lit identifié de soins
palliatifs. L’établissement peut être tenté de faire une sortie fictive lors du
passage de la chirurgie aux soins palliatifs pour pouvoir bénéficier du GHS
soins palliatifs.
Tout ceci relève du contrôle de la T2A comme il l’est bien mentionné
dans la conclusion du rapport.
Enfin, ce rapport n’insiste pas suffisamment sur le rôle primordial du
volet « soins palliatifs » des Schémas régionaux d’organisation sanitaire et
sur les contrats d’objectifs et de moyens qui vont permettre de bonne
complémentarité des structures sanitaires et médico-sociales et de la ville
par l’intermédiaire des réseaux de soins palliatifs pour assurer aux patients
la prise en charge la plus efficiente.