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Les chambres d’agriculture en Corse
_____________________
PRESENTATION
____________________
Les chambres départementales d’agriculture et les chambres
régionales constituent, avec l’assemblée permanente des chambres
d’agriculture
,
un réseau dense d’établissements publics dont la mission
initiale était de représenter les intérêts agricoles auprès des pouvoirs
publics. Au fil des ans, ces établissements ont acquis la possibilité, dont
elles usent largement, de constituer des services, départementaux ou
régionaux, de soutien au
développement
agricole
et de subventionner
des institutions et entreprises collectives du secteur. Financées par une
taxe additionnelle à la taxe foncière sur les terrains non bâtis (pour un
montant global de 265 M€), les chambres départementales reçoivent
également des subventions publiques (186 M€) et la rémunération des
services rendus aux agriculteurs (188 M€). Au total, leurs dépenses
s'élèvent à 600 M€ par an.
A l’occasion des contrôles qu’elle conduit périodiquement sur ces
divers établissements dont les budgets sont fort inégaux, la Cour saisit
leurs responsables et les pouvoirs publics des dysfonctionnements
particuliers ou généraux qu’elle relève. C’est ainsi qu’elle a, en 2001,
appelé l’attention des ministres compétents sur l’alourdissement du
produit des taxes qui, conjugué avec la diminution du nombre des
agriculteurs, procurait aux chambres des trésoreries fréquemment
pléthoriques et suscitait des dépenses parfois contestables. Depuis lors, la
loi fixe chaque année l’augmentation maximale du produit de la taxe,
mais la Cour a aussi noté que des dérogations ministérielles sont
couramment autorisées.
Plus largement, une réforme du fonctionnement des chambres
d’agriculture est en cours d’élaboration.
100
COUR DES COMPTES
Les récents contrôles de la Cour sur les chambres d’agriculture
de la région Corse illustrent, s’il en était besoin, l’utilité d’une telle
réforme et, au-delà, la nécessité d’une réflexion sur les missions et
l’organisation des chambres d’agriculture, tenant compte notamment des
particularités régionales et locales.
I
-
L’organisation consulaire de l’agriculture corse
Sur les 3 600 exploitations agricoles corses, seules 1 860 sont
classées comme professionnelles »
42
selon les données publiées en
décembre 2004 par le ministère de l’agriculture. Inégalement réparties
entre
les deux départements (1250 en Haute Corse et 610 en Corse du
Sud), elles sont aussi fortement concentrées puisque 30 % d’entre elles
assurent 70 % de la production insulaire en valeur.
En dépit des difficultés tenant à l’insularité et au relief
montagneux, ces exploitations sont parvenues à développer une
production de qualité, tant en ce qui concerne la vigne que les agrumes,
les produits de l’élevage, fromage et charcuterie, mais aussi l’olive, la
châtaigne et le miel. Elles participent de manière significative au maintien
d’une activité dans les zones menacées de déprise, à l’entretien et à
l’aménagement du territoire, à la prévention des incendies et à
l’animation de la vie locale.
L’agriculture
corse
est
représentée
par
quatre
institutions
consulaires : les deux chambres départementales d’agriculture de Haute
Corse et de Corse du Sud, la chambre régionale d’agriculture, créée en
1975, et par un service interdépartemental à vocation régionale, le centre
régional d’expansion et de promotion agricole de la Corse (CREPAC),
créé en 1976.
L’ensemble des dépenses engagées par ces quatre organismes ne
dépasse pas 9 M€ par an. Le nombre des mandats émis annuellement
avoisine 3500 et celui des titres de recettes, pourtant particulièrement
dispersés dans la mesure où nombre d’entre eux concernent des sommes
très faibles, est inférieur à 6 000, dont plus de 4 000 pour la seule
chambre de Haute Corse.
Ces institutions ont cependant tendance à se développer. Elles
employaient 88 agents en 2003, elles en emploient plus de cent en 2006.
42) c’est-à-dire de plus de douze hectares équivalents-blé et de plus de 0,75 unité de
travail annuel.
LES CHAMBRES D’AGRICULTURE EN CORSE
101
A s’en tenir à ce constat, l’intérêt du maintien de ces divers
organismes consulaires agricoles mérite d’autant plus d’être posé que la
chambre régionale et le CREPAC sont financés en partie par les chambres
départementales.
Mais à ces structures représentatives du monde agricole s’ajoute un
organisme propre à la Corse, l’office de développement agricole et rural
de Corse (ODARC), rattaché à la collectivité territoriale corse. Créé par la
loi du 13 mai 1991, cet établissement public est « chargé de la mise en
oeuvre d’actions tendant au développement de l’agriculture et à
l’équipement du milieu rural ». Ses actions « ont porté essentiellement sur
la recherche, l’expérimentation et les transferts de technologie, le
développement, l’appui technique aux agriculteurs et aux structures
coopératives ». Pour mener de telles missions, qui recoupent largement
celles confiées aux chambres d’agriculture depuis leur création,
l’ODARC emploie plus de deux cents agents territoriaux payés par la
collectivité territoriale corse.
On peut s’interroger sur la cohérence d’ensemble de ces dispositifs
qui témoignent d’un taux exceptionnel d’encadrement et de soutien de
l’agriculture corse.
Cette question n’a pas échappé aux responsables des chambres
d’agriculture qui ont envisagé un regroupement des organismes
consulaires. La réforme des chambres d’agriculture introduite par
l’ordonnance du 2 octobre 2006 le rendra possible.
II
-
La situation financière des chambres
d’agriculture et du CREPAC
Alors que la situation financière des chambres d’agriculture se
caractérise en général par une grande aisance, celle des établissements
consulaires agricoles corses est au contraire rendue précaire, voire
difficile, par un manque de rigueur dans le recouvrement des créances et
dans la conduite de certaines opérations qui se conjugue avec une
dépendance excessive par rapport aux subventions publiques.
102
COUR DES COMPTES
A - Le recouvrement des créances
Les chambres d’agriculture corses font preuve d’une dangereuse
générosité quand il s’agit de faire payer leurs débiteurs, qui sont souvent
des organismes professionnels ou des agriculteurs.
Ainsi, pendant de nombreuses années, les responsables de la
chambre d’agriculture de Corse du Sud n’ont pas recouvré les loyers dus
par les organismes syndicaux et professionnels qu’ils hébergent
dans les
locaux de l’établissement. En 2001, la chambre a purement et simplement
annulé 187 818 € de recettes qui lui étaient dus par deux syndicats
agricoles, auxquels appartenaient ses dirigeants, et par des organismes
professionnels dont certains étaient dirigés par des membres de la
chambre.
Ces annulations de titres de recettes ne purent être mises en oeuvre
en raison de leur irrégularité manifeste. Elles eurent cependant pour effet
de révéler la situation gravement déficitaire des comptes de la chambre.
Après le refus du préfet d’approuver un budget en déséquilibre et
plusieurs réunions, un plan d’assainissement fut mis au point, qui reposait
en particulier sur le paiement des loyers en retard et sur la vente de
plusieurs biens détenus par la chambre. Mais, malgré une amélioration
certaine de la gestion courante, avec le soutien vigilant des services
préfectoraux, les engagements pris pour recouvrer les loyers et céder des
actifs n’ont pas été mis en oeuvre et les demandes du comptable de
poursuivre les débiteurs n’ont pas été validées par l’ordonnateur.
En 2004, le président de la chambre a bien signé des plans de
règlement étalant sur plusieurs années la dette des débiteurs d’origine
syndicale et professionnelle, mais ces plans de règlement n’ont pas été
exécutés en raison de l’incapacité de ces organismes à mobiliser les
ressources nécessaires.
De nouveaux baux ont été signés avec les mêmes locataires, sans
consulter le service des domaines sur le montant des loyers exigibles.
Certains de ces baux stipulent des loyers parfois inférieurs de 90 % aux
loyers consentis quinze ans plus tôt aux mêmes organismes.
Au 20 juin 2005, les loyers à recouvrer s’élevaient à 455 636 €.
Outre le préjudice financier qui en résulte pour la chambre, l’existence de
ces créances depuis longtemps non recouvrées a altéré la sincérité des
comptes de l’établissement jusqu’à leur admission en non valeur
intervenue après le contrôle de la Cour.
LES CHAMBRES D’AGRICULTURE EN CORSE
103
Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que la situation
financière de la chambre d’agriculture soit difficile, ses actions limitées et
sa trésorerie tendue, même si la vente de certains biens immobiliers,
toujours annoncée, peut encore être envisagée.
La gestion des créances de la chambre d’agriculture de Haute
Corse suscite des constatations comparables
.
Au 31 décembre 1998, les
créances à recouvrer, essentiellement de factures de prestations aux
agriculteurs
du
département,
s’élevaient
à
plus
de
900 000 €
Parallèlement, les dépenses mal maîtrisées augmentaient, au point que les
déficits accumulés en cinq ans s’élevaient à près de 2,30 M€.
Un plan de redressement a été mis au point sous l’égide de l’Etat et
avec l’aide de la collectivité territoriale corse. En contrepartie du
versement de 2,06 M€ de subventions publiques compensant l’annulation
de 1,52 M€ de créances irrecouvrées, et peut-être en partie injustifiées, la
chambre a maîtrisé l’augmentation de ses dépenses de fonctionnement,
notamment de personnel.
Néanmoins, la situation est loin d’être définitivement assainie. Le
recouvrement des sommes dues par les agriculteurs pour services rendus
reste difficile. Sur plus de 900 000 € restant à recouvrer au 31 décembre
2004, près de 300 000 sont antérieurs à l’exercice et plus de 150 000
correspondent à des factures émises avant 1999. Les nouvelles factures
sont souvent émises avec retard et lorsqu’une recette n’est pas recouvrée,
aucune démarche n’est systématiquement entreprise alors même que de
nouvelles aides sont accordées aux mêmes débiteurs. L’émission de titres
exécutoires, sollicitée par l’agent comptable pendant le contrôle de la
Cour, a été refusée par le président qui a
cependant incité ses agents à
plus d’attention dans le recouvrement des factures.
Il n’en reste pas moins que le principe du paiement des aides et
conseils donnés aux agriculteurs corses par la chambre d’agriculture doit
être clairement affirmé et appliqué.
B - Une opération contestable et coûteuse
Le caractère très large des missions reconnues aux chambres
d’agriculture peut parfois les inciter à se lancer dans des opérations
qu’elles sont mal préparées à maîtriser.
Le centre agro-alimentaire du Vazzio, situé aux portes d’Ajaccio, a
été construit en 1998 par la chambre d’agriculture de Corse du Sud pour
acheter, transformer et commercialiser les produits locaux provenant de
l’élevage, essentiellement les fromages et la charcuterie.
104
COUR DES COMPTES
Ce projet ne manquait sans doute pas d’intérêt pour valoriser la
production locale, mais sa faisabilité a été mise en doute dès l’origine.
Une étude confiée à un cabinet privé soulignait en effet, dès mars 1997,
la fragilité financière du futur centre. Elle mentionnait une marge brute
insuffisante,
«
une
valeur
ajoutée
limitée
(…),
des
aides
au
fonctionnement conséquentes sur trois ans indispensables, une charge de
remboursement lourde (…), une capacité d’autofinancement lourde
conditionnée par une gestion rigoureuse ».
Cependant, sans attendre, la chambre d’agriculture s’était rendue
propriétaire le 20 novembre 1996 pour 530 000 € de terrains et de locaux
acquis le jour même par le vendeur pour 380 000 €. Cette acquisition
avait été financée par un emprunt non autorisé et qui n’apparaît pas dans
les comptes de la chambre.
Les services financiers de l’Etat dans le département, saisis du
projet déjà lancé, donnèrent le 4 février 1997 un avis défavorable en
soulignant « des risques financiers indéniables, l’absence de financement
sûr, la rentabilité hypothétique de cette structure malgré une injection de
fonds publics importante ». Mais, destinataires de nouveaux documents,
peut-être exagérément optimistes, les mêmes services donnèrent un avis
favorable le 22 avril suivant.
Les services régionaux de l’agriculture, le 4 avril, avaient pourtant
relevé le caractère « exorbitant » de l’investissement, l’inadéquation du
projet à l’objectif de fédérer les producteurs et les incertitudes en termes
de résultats avant de donner un avis favorable en l’assortissant de
conditions
évidentes
(agrément
des
services
vétérinaires
et
communication de la charte de production). Toutefois, à la demande
conjointe de ces services, le capital de la société chargée de la gestion du
centre, présidée par le président de la chambre de l’agriculture, fut porté à
150 000 €
pour
financer
le
déficit
de
la
première
année
de
fonctionnement, estimé à 79 883,29 €.
L’investissement de 1,58 M€ était financé par un apport de la
chambre de 780 000 € et par des subventions publiques de 530 000 €
provenant de l’Union Européenne, de l’Etat et de la collectivité
territoriale corse. Mais la chambre se révéla incapable de financer sa part
sans un emprunt de 530 000 €, qui entraîna des intérêts et des frais non
prévus pour 210 000 €.
Une partie de l’investissement avait été confiée à une société
privée présidée par le président de la chambre. Cette société se révéla
incapable de réaliser sa part de travaux dont une partie fut transférée
à la
chambre, mais sans les financements publics qu’elle avait reçus. Une
autre partie fut abandonnée. Dans ces conditions, une partie des dépenses
prévues n’étant pas réalisées, les subventions annoncées ne furent pas
LES CHAMBRES D’AGRICULTURE EN CORSE
105
totalement versées, faute de justifications, et le centre ne disposa pas des
équipements techniques nécessaires à son fonctionnement.
Ouverts en mai 1998, les locaux ont été réceptionnés en juillet par
la chambre d’agriculture. Ils n’ont été officiellement transférés à la
société de gestion qu’en juillet 1999. Et le centre n’a fonctionné jusqu’à
la fin de 2000 que grâce à l’apport non autorisé de personnel de la
chambre d’agriculture pour un coût estimé à 400 000 €.
Malgré cette aide non prévue, et bien que la société de gestion n’ait
pas réglé les loyers dus pour l’occupation du centre du Vazzio, ce qui a
entraîné une perte de recette de 75 471,87 € pour la chambre, le centre a
connu des résultats désastreux qui ont entraîné l’arrêt de son
fonctionnement au début de 2001, puis la mise en cessation de paiement
de la société de gestion, fixée au 8 novembre 2000 par un jugement du
tribunal du commerce d’Ajaccio du 8 avril 2002.
Il est toutefois impossible de comparer les résultats du centre avec
les prévisions, assez tendues, qui avaient servi de justification à sa
réalisation. En effet, la chambre d’agriculture ne semble avoir demandé ni
comptes ni information sur la gestion du centre qu’elle avait construit et
financé pour les agriculteurs du département.
De plus, et malgré trois rappels des services compétents de l’Etat,
le centre du Vazzio n’a sollicité les agréments sanitaires rendus
obligatoires pour les établissements produisant des denrées destinées à la
consommation qu’en octobre 1999. Mais ces agréments ont été refusés
par deux fois, le 29 octobre 1999 et 22 décembre 2000. En fait, le centre a
fonctionné sans les autorisations sanitaires requises.
Inoccupés depuis le début de 2001, les locaux propriété de la
chambre n’ont été vendus que le 13 avril 2004, pour un prix net de
540 000 €, très inférieur à leur coût de construction.
Au total, la chambre d’agriculture a supporté des charges
financières de 685 000 € (intérêts, prêt de personnel, loyers non perçus).
Elle a aussi largement mis à contribution les budgets de la région, de
l’Etat et de l’Union européenne pour une opération mal conçue et mal
réalisée qui, malgré son intérêt théorique, n’était pas de son
ressort.
C - Une dépendance excessive à l’égard des subventions
publiques
La situation financière des chambres d’agriculture corses subit les
conséquences défavorables de leur trop grande dépendance à l’égard des
subventions publiques, qu’elles proviennent de l’Europe, de l’Etat ou de
la collectivité territoriale corse.
106
COUR DES COMPTES
Ainsi, la chambre d’agriculture de Haute Corse reçoit en moyenne
1 M€ par an de subventions de l’ODARC, soit 65% de ses subventions et
25 % de ses recettes totales. Or ces subventions sont versées avec un
retard supérieur à une année, imputable à la complexité des procédures
d’attribution.
Une commission de répartition des aides de la collectivité
régionale doit d’abord se prononcer. Or cet avis n’a été donné que le
11 octobre 2004 pour les aides au développement agricole de 2004 et le
10 octobre 2005 pour les aides de 2005. Une convention financière
intervient ensuite avec un retard de plusieurs mois, le 3 avril 2005 pour
l’année 2004, soit cinq mois après l’avis de la commission, et le
20 février 2006 pour les subventions de 2005.
Une fois la convention signée, la chambre doit rendre compte de
l’exécution des opérations subventionnées avant de recevoir les sommes
prévues.
Ces comptes rendus (400 pages en 2002, 200 pages en 2003 et
100 pages en 2004) donnent lieu à des échanges parfois difficiles entre les
établissements, la chambre devant se plier aux exigences des services
financeurs qui procède à des contrôles sur place avant paiement. Ce n’est
donc qu’à l’automne de l’année suivante que la chambre reçoit les
subventions pour ses actions de l’année précédente. Ce n’est pas sans
conséquence sur sa situation de trésorerie et sur sa capacité d’intervention
au bénéfice des agriculteurs corses.
Le CREPAC lui aussi se trouve handicapé dans son action et
fragilisé dans ses financements par les modes d’octroi des subventions
reçues de l’Etat et de la collectivité territoriale corse, qui représentent
plus des trois quarts de ses ressources. Or ces subventions sont versées
après justification des services faits alors qu’elles financent 80% des
dépenses engagées. Ainsi, au 31 décembre 2004, le CREPAC était en
attente de 558 172 € de subventions pour des actions de promotion déjà
réalisées.
Faute d’accroître
les
fonds
propres
du
CREPAC
ou
d’augmenter les participations demandées aux bénéficiaires de ses
actions, il est impératif d’accélérer le versement des subventions.
De surcroît, l’action de promotion des produits agricoles corses n’a
été rendue possible ces trois dernières années que grâce à la signature
d’une convention de financement avec l’Etat et la collectivité territoriale.
Cette convention ayant expiré le 23 juillet 2006, l’établissement se trouve
dans une situation financière incertaine, qui risque de nuire à
la
continuité des actions de promotion. A défaut de réduire la dépendance
du CREPAC à l’égard des subventions, il est urgent de renouveler la
convention et de mettre en oeuvre des procédures de versement des fonds
sûres et rapides.
LES CHAMBRES D’AGRICULTURE EN CORSE
107
La situation de la chambre régionale est un peu différente mais pas
davantage satisfaisante. Cet organisme à l’activité très réduite se contente
de reverser aux chambres départementales et à quelques organismes
professionnels la totalité des aides au développement rural qu’elle reçoit
de l’Agence de développement agricole et rural (ADAR). Ce détour
inutile entraîne des retards dans le financement des établissements. En
2003, par exemple, le programme de développement agricole de la Corse
n’a été approuvé par le conseil d’administration de l’ADAR que le
17 septembre alors qu’il avait été adopté en mai par la chambre régionale.
Dans ces conditions, on doit s’interroger sur l’intérêt du passage de ces
aides par la chambre régionale, ce qui pose à nouveau la question de son
utilité dans le dispositif actuel.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
A
l’issue
de
ces
constatations,
la
Cour
formule
les
recommandations suivantes :
- dès lors que l’ordonnance du 2 octobre 2006 l’autorise, le
regroupement des chambres d’agriculture devrait être envisagé selon des
modalités à proposer par les responsables agricoles de l’île,
- les missions respectives des chambres d’agriculture et de
l’ODARC devraient être mieux définies et les procédures de subvention
entre cet organisme et les chambres d’agriculture de l’île devraient être
révisées,
- les procédures de recouvrement des créances en cas de retard de
paiement, devraient être formalisées et impliquer l’interruption des aides
aux débiteurs des chambres à partir d’un certain montant de dette non
réglée,
- la chambre de Corse du Sud devrait libérer ses locaux des
occupants qui sont ou qui se disent incapables de régler leurs loyers,
- sous le contrôle des préfets, des dépenses de fonctionnement des
chambres d’agriculture, et notamment des dépenses de personnel devront
être stabilisées,
- les missions d’assistance aux agriculteurs pourraient être
utilement développées et, comme il est d’usage, facturées à des prix
permettant
d’augmenter
les
ressources
propres
des
chambres
d’agriculture.
108
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE
L’INDUSTRIE ET DU MINISTRE DÉLÉGUÉ AU BUDGET ET A LA
RÉFORME DE L’ÉTAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT
Sur les aspects comptables
La Cour des comptes relève un ensemble de dysfonctionnements
affectant la situation financière des chambres d’agriculture en Corse, qui
s’avère particulièrement précaire contrairement à celle des autres
établissements consulaires agricoles. La Cour dénonce notamment une
insuffisante rigueur dans le recouvrement des créances.
1.
Sur le recouvrement amiable
La Cour des comptes relève que les chambres d’agriculture manquent
de rigueur vis-à-vis de leurs débiteurs, organismes professionnels ou
agriculteurs.
La chambre d’agriculture de Corse du Sud
La Cour constate la situation gravement déficitaire des comptes,
résultant notamment du non-recouvrement des loyers dus par les organismes
syndicaux et professionnels hébergés dans les locaux de l’établissement.
A défaut de pouvoir engager des poursuites, l’agent comptable a mis
en place un plan de règlement de la dette sur plusieurs années, signé par
l’ordonnateur en 2004, mais la Cour relève que ce plan n’a pas été exécuté.
Ce plan fait désormais l’objet d’une mise en oeuvre et le suivi de l’apurement
de cette dette constitue une priorité pour la chambre d’agriculture de Corse
du Sud.
Un recensement des principaux débiteurs est effectué par l’agent
comptable permettant de définir, en concertation avec l’ordonnateur, une
politique de recouvrement adaptée aux enjeux.
La chambre d’agriculture de Haute-Corse
La Cour souligne la difficulté de l’établissement à recouvrer les
sommes dues pour services rendus aux agriculteurs.
En effet, elle constate que ces créances font souvent l’objet de factures
tardives et qu’aucune démarche systématique n’est entreprise lorsqu’une
recette n’est pas recouvrée, alors même que de nouvelles aides sont
accordées aux débiteurs défaillants.
L’agent comptable est effectivement confronté à l’émission tardive des
titres de recettes, dans les derniers mois de l’année, par l’ordonnateur.
L’efficacité des actions en recouvrement peut, selon l’agent comptable,
n’être mesurée qu’au cours de l’exercice N+2.
LES CHAMBRES D’AGRICULTURE EN CORSE
109
Par ailleurs, l’agent comptable doit tenir compte de la situation
sociale locale, à savoir des agriculteurs très endettés, qui font l’objet de
procédures de désendettement spécifiques (cf. notamment le décret n° 2006-
478 du 26 avril 2006 relatif au désendettement social de l’agriculteur corse).
Il peut donc accorder des délais de paiement longs.
2. Sur le recouvrement contentieux
Le manque de rigueur dénoncé par la Cour des comptes est également
constaté en matière de recouvrement contentieux.
La chambre d’agriculture de Corse du Sud
La Cour a bien noté que l’agent comptable a sollicité de
l’ordonnateur l’autorisation d’engager des poursuites à l’encontre des
organismes syndicaux et professionnels débiteurs de loyers, mais ne l’a pas
obtenu. Elle souligne que des dirigeants et membres de la chambre
d’agriculture appartiennent à certains de ces organismes.
La chambre d’agriculture de Haute-Corse
La Cour met en exergue l’existence de factures très anciennes restant
à recouvrer. En effet, sur les 900 000 € restant à recouvrer au 31 décembre
2004, un tiers est antérieur à l’exercice. Sur ce tiers, la moitié correspond à
des factures émises avant 1999.
Toutefois, ainsi que le relève la Cour elle-même, l’agent comptable se
heurte au refus du président d’émettre des titres exécutoires lui permettant de
poursuivre les débiteurs. Par conséquent, la politique de relances,
systématique et graduelle, mise en place par l’agent comptable, se trouve par
là-même inopérante.
3. Admission en non-valeurs
Dans les deux cas, la Cour dénonce l’existence de ces créances depuis
longtemps non-recouvrées, qui a altéré en particulier la sincérité des
comptes de la chambre d’agriculture de Corse du Sud.
Aussi, en application des dispositions de l’instruction codificatrice
n° 03-032-M92 du 22 mai 2003 applicable aux chambres d’agriculture, les
deux agents comptables ont demandé l’admission en non-valeurs de ces
créances anciennes.
Sur les aspects budgétaires et organisationnels
La Cour souligne la confusion des compétences entre les organismes
en charge de la politique du développement rural et le manque de
transparence des financements des organismes consulaires.
Le
recoupement
des
missions
des
structures
en
charge
du
développement agricole induit effectivement une confusion qui n’est gage ni
d’efficacité ni d’optimisation de la gestion des deniers publics.
110
COUR DES COMPTES
Il est cependant à noter que l’ordonnance n° 2006-1207 du 2 octobre
2006 relative aux chambres d’agriculture, actuellement en cours de
ratification, améliore la cohérence d’ensemble du réseau des établissements
consulaires agricoles, en définissant plus précisément le rôle de l’Assemblée
permanente des chambres d’agriculture (APCA). A l’avenir, l’action des
chambres régionales devrait ainsi être mieux coordonnée avec celle des
chambres départementales.
Cette même ordonnance soumet par ailleurs les organismes
consulaires agricoles aux règles de la comptabilité publique et au principe
d’unicité budgétaire ; ce qui devrait permettre d’améliorer la transparence
des comptes des chambres.
Afin de pousser la réforme jusqu’à son terme, il serait souhaitable que
les budgets de ces établissements publics, qui perçoivent une taxe affectée de
267 M€ en 2006, soient retracés dans un compte d’affectation spéciale. Il
serait ainsi plus aisé d’inscrire les chambres dans une démarche de
performance fondée sur des objectifs et des indicateurs de résultat.
Parallèlement,
il
conviendrait
de
revoir
la
répartition
des
compétences entre les différentes structures en charge de l’agriculture au
niveau déconcentré (DDAF, CNASEA, ADASEA, chambres consulaires…)
afin de tirer toutes les conséquences de la réforme de la PAC et de
l’intégration des systèmes informatisés d’instruction et de paiement des
aides.