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Seul le prononcé fait foi
AUDIENCE SOLENNELLE
Lundi 27 mai 2019 - 11h00
Allocution de Didier Migaud,
Premier président de la Cour des comptes
Madame la Procureure générale,
C’est autour de vous que nous sommes réunis ce matin, et je veux vous dire ma joie –
notre
joie
de vous voir installée aujourd’hui à la tête de notre ministère public.
Il vous reviendra, à ce titre, de prononcer au cours d’une prochaine audience solennelle l’éloge
de Gilles Johanet
, à qui vous venez de succéder. D’ores et déjà, je souhaite saluer devant
vous les qualités professionnelles et humaines remarquables de celui qui fut pendant près de
sept ans notre Procureur général.
Je veux ainsi témoigner de la reconnaissance que lui porte notre institution, pour laquelle il a
mobilisé sans compter son énergie et son professionnalisme. Gilles Johanet
s’est investi
pleinement dans tous les chantiers de transformation de notre juridiction, de la mise en
œuvre
de la réforme juridictionnelle de 2011 aux enjeux posés au métier des comptes par la
transformation numérique, en passant par le rapprochement des juridictions financières avec
l’autorité judiciaire.
Ses nombreux domaines d’expertise et son sens aigu de l’intérêt général nous laissent penser
que sa retraite sera très active, et nous aurons toujours le plaisir de le revoir au Palais Cambon,
dans des circonstances solennelles ou plus conviviales.
***
Madame la Procureure générale, chère Catherine Hirsch de Kersauson, vous devenez
aujourd’hui la 29
e
Procureure générale près la Cour des comptes.
Derrière cette apparente continuité, je vois toutefois dans votre nomination deux éléments
singuliers.
D’abord, elle symbolise l’unité des juridictions financières, puisque vous devenez aujourd’hui
la première Procureure générale ayant exercé en chambre régionale des comptes. Cette
expérience, comme présidente, à Nantes puis à Lyon, vous offre une connaissance très riche
de notre réseau et de l’étendue de ses
missions.
Par cette nomination, ensuite, vous devenez la deuxième femme de l’histoire de la Cour des
comptes à exercer les fonctions de Procureure générale. En 1993, Hélène Gisserot, qui ne
peut pas
être des nôtres aujourd’hui, fut –
nous nous en rappelons
la première.
Pour nous qui avons l’habitude de manier les chiffres, ce ratio de deux femmes pour 29
Procureurs généraux en l’espace de deux siècles est toutefois peu flatteur.
Mais ce constat historique a ses limites et masque en fait la réalité actuelle qui est celle du
progrès de la féminisation dans l’exercice des responsabilités supérieures au sein de notre
institution. Il suffit pour cela de considérer le nombre de femmes qui assurent aujourd’hui des
fonctions de présidentes de chambre.
S’il f
aut se féliciter de cette situation, nous mesurons bien cependant le chemin à parcourir
pour parvenir à une représentation plus équilibrée des femmes dans les différentes
responsabilités au sein de la Cour. Votre nomination, Madame la Procureure générale, ne doit
cependant pas être perçue comme un symbole derrière lequel nous pourrions nous reposer.
Elle tient en effet avant tout à vos éminentes qualités personnelles et professionnelles,
En dehors de ces deux éléments de singularité, votre nomination s’in
scrit surtout dans la
continuité de la carrière exemplaire que vous avez consacrée à l’État et, en son sein, à notre
institution. Permettez-
moi d’en rappeler quelques étapes.
Professeure agrégée d’histoire, vous intégrez l’École nationale d’administration
en 1984, par
la voie du concours interne. À votre sortie, vous choisissez de rejoindre les ministères
économiques et financiers, comme administratrice civile, au sein, à l’époque, de la direction
des relations économiques extérieures, la DREE. Vous exercerez ensuite brièvement dans le
secteur bancaire, avant d’être appelée, en 1992, au cabinet du ministre de l’industrie et du
commerce extérieur.
L’année 1995 sera celle de votre intégration à la Cour, comme conseillère référendaire. Au
sein de notre maison, vous avez, depuis lors, exercé un large éventail de responsabilités,
notamment celles de secrétaire générale de la Cour de discipline budgétaire et financière, de
secrétaire générale adjointe
le secrétaire général étant Gilles Johanet
puis de secrétaire
générale de la Cour.
En 2005, vous quittez la rue Cambon et rejoignez le réseau des chambres régionales des
comptes comme cheffe de juridiction, d’abord en Pays de Loire puis, en 2012, en Auvergne
-
Rhône Alpes. Vous y laisserez le souvenir d’une présidente rigoureuse et exigean
te, tout
autant que disponible et chaleureuse.
En 2017, vous avez retrouvé la Cour et, avec elle, une mission que vous ne connaissiez pas
encore, celle de présidente de chambre, traitant de sujets qui vous ont, je crois, passionnée.
Procureure générale près la Cour des comptes, vous assumerez désormais une fonction
originale à de nombreux égards parmi les institutions de la République : vous y dirigerez
l’action du ministère public en toute indépendance, sans recevoir d’instruction, ni générales,
ni particulières.
Procureure générale près la Cour des comptes, votre fonction s’exerce en réalité au cœur
même de la vie de notre institution, puisque vous y assurerez, outre vos attributions
juridictionnelles, des missions aussi essentielles que le suivi de notre programmation, la
surveillance de l’exécution de nos travaux et le contrôle de leur qualité, ou encore la bonne
application de nos procédures et le respect de nos compétences.
Procureure générale près la Cour des comptes, il vous reviendra de participer à ce titre aux
différents chantiers de transformation des juridictions financières. Je pense aux enjeux posés
par la transformation numérique pour assurer la conduite de nos contrôles et, plus
immédiatement, aux perspectives de réforme du régime de responsabilité des gestionnaires
publics. J’y reviendrai.
Depuis vingt-quatre années que vous servez dans les juridictions financières, vous avez fait
l’unanimité dans chacune des fonctions que vous avez exercées ; elles furent
- je viens de le
rappeler - nom
breuses et exigeantes. Aussi, c’est avec une grande confiance que nous vous
avons installée ce matin comme Procureure générale, certains que cette unanimité perdurera
dans l’exercice de vos nouvelles fonctions.
Recevez, à ce titre, nos plus sincères vœux
de réussite.
***
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les parlementaires et hautes personnalités en vos qualités
respectives,
Madame la Procureure générale,
Mes chers collègues,
La solennité de
l’installation que nous venons de vivre doit à l’importance des missions que
s’apprêtent à exercer celles et ceux qui ont été installés ce matin et to
ut particulièrement
Catherine Hirsch de Kersauson. Elle doit aussi au moment où intervient cette prise de fonction.
Je ne m’exprimerai pas sur la situation de nos comptes publics, puisque j’ai eu l’occasion de
le faire lors de la publication du rapport sur l’exécution du budget de l’État et des actes de
certification des comptes de l’État et de la sécurité sociale. J’ai d’ailleurs été très récemment
auditionné par les commissions des finances des deux assemblées sur ces travaux. Je le serai
probablement à nouveau dans quelques semaines lors de la sortie de notre rapport sur la
situation et les perspectives de
s finances publiques. Enfin, j’interviendrai devant l’Assemblée
nationale le 17 juin, dans le cadre du « Printemps de l’évaluation ».
La France vient d’achever un exercice inédit, celui du « Grand Débat national » qu’a souhaité
organiser le Président de la République en décembre 2018, à la suite des manifestations des
« gilets jaunes ».
En de nombreux aspects cet exercice nous apparaît porteur d’opportunités de réformes pour
notre pays et pour ses institutions, dont la nôtre.
Sans être intervenues dans la conduite de ce Grand Débat, les juridictions financières ont
souhaité porter une attention particulière à ses résultats. Dans les chambres régionales
comme à la Cour, j’ai voulu que les personnels de contrôle volontaires puissent prendre
connaissance d
es milliers de contributions qui, d’une manière ou d’une autre, mentionnaient
l’action des juridictions financières.
Qu’ont dit de nous les Franç
ais qui ont contribué au Grand Débat national ?
Ils ont dit, d’abord, le haut niveau de confiance dont nos j
uridictions bénéficient à leurs yeux.
Ils ont aussi fait part, pour certains, d’un sentiment de défiance à l’égard des responsables
publics, élus et fonctionnaires, parmi lesquels nous sommes.
À travers les contributions que nous avons lues, beaucoup ont également manifesté le souhait
de voir nos recommandations mieux suivies, afin que l’action publique gagne en efficacité et
en transparence. Certaines contributions
assez nombreuses
ont même souhaité que nos
recommandations aient un caractère contraignant.
Si nous ne pouvons que souscrire à l’objectif d’une meilleure prise en compte de nos avis, il
n’est pas question de les imposer et nous ne saurions tomber dans une forme de
« Gouvernement des juges » ! La décision de suivre, ou non, les recommandations émises
par les juridictions financières doit en effet revenir uniquement aux décideurs publics et aux
représentants du suffrage universel, même si ceux-ci pourraient être conduits à mieux et
davantage justifier leurs choix.
Face à ces différentes attentes, il nous revient plus que jamais de nous montrer à la hauteur
du crédit que nous accordent nos concitoyens.
Être à la hauteur de cette confiance, cela veut dire poursuivre l’élan de transformation opéré
par notre institution, pour consolider nos procédures, pour réaliser des travaux toujours plus
utiles et contribuer encore
davantage à la régularité et à l’efficacité de la gestion publique,
nous rapprocher des citoyens, à travers notre devoir constitutionnel d’information, et pour
moderniser notre fonctionnement. Je suis certain, à cet égard, que notre nouvelle Procureure
générale prendra toute sa part à ces différents chantiers.
Être à la hauteur de notre rôle de tiers de confiance et de vigie, c’est aussi être partie prenante
de l’élan de transfor
mation que peut appeler la fin du Grand Débat. Y participer en restant pour
autant fidèles à ce que nous sommes, c’est
-à-dire en veillant à préserver le socle qui assure
le crédit et la confiance qu’inspire notre institution.
Ce socle repose sur trois piliers : notre positionnement institutionnel, notre identité
juridictionnelle et le collectif humain et professionnel que nous formons.
En premier lieu, il y a d’abord notre indépendance, qui découle de la Constitution. Tout y est
écrit.
L’article 47
-2 y
établit en effet une relation d’équidistance entre les pouvoirs exécutif et législatif
et la Cour. Elle ne vaut pas immobilisme, bien au contraire, et nous avons à cœur, chaque fois
que c’est possible, d’en explorer toute la richesse et toutes les opportu
nités.
Cette équidistance a atteint aujourd’hui une forme de maturité. Elle nous conduit, d’un côté, à
remplir tout au long de l’année notre mission d’assistance envers le Parlement. Nous l’avons
fait ces dernières semaines par le biais des rapports financiers que nous lui avons remis à
l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement pour 2018.
Dans le même temps, nous assistons le Gouvernement par notre action continue de contrôle
de l’administration, par les travaux que nous rendons dans tous les
champs de l’action
publique et par les recommandations que nous formulons.
Cette assistance prend également la forme de sollicitations précises, comme le Premier
ministre l’a fait il y a quelques semaines, en demandant à la Cour de conduire une enquête
sur la fraude fiscale. Nous nous sommes d’ailleurs mis en situation de répondre à cette
demande, en créant sans tarder une formation interchambres
qui sera chargée d’instruire ce
rapport. Elle sera appuyée par un groupe d’experts.
Notre indépendance est aussi celle que nous confère notre statut de magistrat. Ce statut, il
faut le redire, ne nous protège pas seulement en tant que personnes, mais protège également
notre mission dont il conditionne l’exercice.
Car être indépendant, au quotidien de nos fonctions, cela veut dire formuler des constats et
des recommandations sans le souci de plaire ou de déplaire, en ne raisonnant qu’à partir de
la loi et sur des faits, sans craindre les pressions d’où qu’elles pourraient venir, sans céder
aux effets de mode, gu
idés sereinement par la seule exigence de l’intérêt public dans la
programmation de nos travaux, dans la réalisation de nos enquêtes, dans la rédaction de nos
rapports, dans les recommandations que nous exprimons, toujours librement.
Notre indépendance est intimement liée à notre identité juridictionnelle, qui constitue la
seconde caractéristique fondamentale que je souhaite rappeler devant vous.
Cette identité n’est pas qu’un héritage, une trace du passé que d’aucuns considèreraient
comme d’un autre âge
. Elle demeure pleinement opérante, en cohérence avec les exigences
de régularité, de probité et d’exemplarité de la gestion publique et avec les attentes toujours
très fortes de nos concitoyens en la matière.
J’ai cité il y a quelques instants les réflexions qu’a suscitées la lecture des contributions au
Grand Débat national que nous avons parcourues. On y relève tout particulièrement le
sentiment partagé par certains de nos concitoyens que ceux qui les gouvernent et ceux qui
prennent les décisions ne rendent pas toujours et tous suffisamment compte de leur gestion
et de leurs résultats.
À l’heure où une réforme du régime de responsabilité des gestionnaires publics est envisagée,
les juridictions financières ont justement à cœur de contribuer à cette réfl
exion et de répondre
aux attentes de nos concitoyens. Elles le font en étant vigilantes à ce qu’il soit tenu compte
d’une préoccupation essentielle, que la rénovation du régime actuel de responsabilité des
gestionnaires publics et, notamment, de celui des comptables, ne conduise pas, en réalité, à
le vider de sa substance.
Nos concitoyens ne comprendraient
d’ailleurs pas, à l’heure où leurs exigences sont plus
fortes que jamais en matière de responsabilisation de la gestion publique, qu’une telle réforme
aboutisse à un régime d’irresponsabilité générale, dans lequel aucun gestionnaire n’aurait de
comptes à rendre des décisions qu’il prend ou de la préservation des intérêts financiers dont
il a la charge.
Disons-le autrement : ce serait curieux et particulièrement contre-productif de fragiliser un
édifice ancien qui a fait ses preuves et qui contribue à la régularité et à la probité de notre
gestion publique. Cet édifie repose sur un principe simple : les comptes publics re
lèvent d’un
juge spécialisé. La mise en jeu des responsabilités devant ce juge prémunit le comptable des
éventuelles pressions qu’il pourrait subir et protège l’ordonnateur de la tentation de s’immiscer
dans le maniement des deniers publics.
Cette responsabilité financière spécifique aux gestionnaires publics est essentielle car elle est
inhérente à l’obligation de rendre des comptes et garantit une gestion publique régulière et
transparente. Elle doit être amplifiée, consolidée et trouver toute sa place à côté de la
responsabilité politique, sanctionnée par le suffrage universel, de la responsabilité
managériale encore insuffisamment développée et de la responsabilité pénale qui vient
sanctionner les manquements les plus graves, notamment au devoir de probité.
Si nous avons à cœur de fair
e valoir ces convictions, nous ne plaidons pas pour autant en
faveur du statu quo. Bien au contraire ! Les juridictions financières sont conscientes que le
régime actuel de responsabilité des comptables doit être amélioré. Pour gagner en effectivité,
il a
notamment besoin d’être rénové et adapté aux évolutions de la gestion publique, à ses
outils et aux rôles, de plus en plus imbriqués, des différents acteurs de la chaîne financière et
comptable.
La Cour fera donc des propositions. Nous nous y attachons da
ns le cadre d’un groupe de
travail qui vise à dresser le bilan de la réforme de 2011 du régime de responsabilité des
comptables publics et à mettre sur la table des pistes de refonte.
Le périmètre de notre réflexion est large, car la responsabilité des comptables est indissociable
de celle des ordonnateurs. À ce titre, si la responsabilité de l’ordonnateur peut être mise en
œuvre devant la Cour de discipline budgétaire et financière, cette juridiction au périmètre trop
limité voit échapper à sa compétence un grand nombre de gestionnaires publics, en particulier
les ordonnateurs locaux, ce qui est bien peu compréhensible aux yeux de nos concitoyens.
La Cour de discipline budgétaire et financière serait également plus efficace si le champ de
ses infraction
s était élargi, par exemple en sanctionnant l’octroi d’un avantage injustifié à soi
-
même, la présentation de comptes insincères ou encore l’inaction répétée dans l’exécution de
mesures de redressement.
Une extension de ses compétences pourrait être consid
érée comme risquant d’être trop
générale. Pour autant elle ne doit pas être redoutée, car elle doit aussi se traduire par le
meilleur équilibre possible entre une responsabilité financière aujourd’hui insuffisamment mise
en jeu et une responsabilité pénale parfois banalisée.
Sur ce point, plusieurs de nos voisins européens offrent des points de comparaison utiles. Je
pense notamment à l’Italie et au Portugal. La responsabilité des élus locaux y est mise en jeu
par le biais d’un régime d’exception, dans les
seuls cas d’irrégularités graves, caractérisées
par l’existence d’un préjudice financier.
Sur ces différents sujets, je souhaite qu’avec notre nouvelle Procureure générale, nous
puissions faire preuve de toute la force de conviction nécessaire pour faire avancer et,
espérons-le, aboutir un chantier ouvert depuis plus de dix ans, voire beaucoup plus, et pour
faire valoir, chacun dans notre rôle, le positionnement de notre institution et les spécificités de
ses missions.
Pour assurer ces missions, précisément, les juridictions financières ont besoin de moyens
humains compétents, diversifiés et indépendants. C’est le troisième sujet que je sou
haiterais
aborder devant vous
, car le contexte actuel est porteur d’autant d’opportunités que
d’interrogations pour
notre institution.
Chacun ici pressent combien la fonction publique aura à gagner en améliorant la formation de
ceux qui s’y destinent, les conditions de leur recrutement ou le déroulement de leur carrière.
Notre pays a changé et, avec lui, les besoins en compétences de ses administrations.
Aussi, les juridictions financières sont convaincues de la nécessité de diversifier le recrutement
dans la haute fonction publique, de décloisonner les différentes fonctions publiques, d’adapter
la formation des fonc
tionnaires aux nouveaux enjeux de l’action publique. Il y a aussi, en sens
inverse, un défi permanent à relever pour attirer les hauts potentiels et leur offrir des parcours
de carrière stimulants et variés.
Ce sont autant de questions fondamentales qui
méritent d’être abordées avec pragmatisme,
lucidité et dans un esprit de concertation. Elles ne peuvent se limiter à traiter uniquement de
la formation dispensée dans tel ou tel établissement ou de la situation particulière de tel ou tel
corps.
Je voudrai
s être clair sur ce point : plus qu’un corps, ou qu’un « grand corps », la Cour des
comptes est d’abord une juridiction dont le crédit repose avant tout sur son indépendance, sur
l’importance de ses missions et sur la rigueur de ses procédures, mais égalem
ent sur la qualité
des membres qui y servent.
Aussi, l
a réflexion qui s’engage doit s’appuyer sur ce qui marche déjà. Il n’y a, bien sûr, pas
de modèle unique, mais, dans les juridictions financières, il nous importe de préserver deux
éléments clés qui garantissent la qualité de nos ressources humaines et, avec elle, celle de
nos travaux.
Le premier d’entre eux est l’excellence. Cette excellence s’entend au sens du
professionnalisme de ses membres car notre institution a besoin de compétences de haut
niv
eau pour remplir les missions qui lui ont été confiées. On ne s’improvise pas magistrat des
comptes : il faut être formé à ce métier dont les compétences s’acquièrent à l’issue d’une
sélection exigeante et grâce à une phase d’apprentissage dès l’entrée dan
s le corps. Elle se
fait directement au contact du terrain, avec le compagnonnage de magistrats plus
expérimentés et dans l’exercice d’humilité qui est celui de la collégialité et de la contradiction.
Les compétences acquises par ces jeunes magistrats sont ensuite mises au service de nos
institutions, souvent, d’ailleurs, en y exerçant des responsabilités opérationnelles auxquelles
les exigences du métier de magistrat des comptes les ont bien préparés.
Ainsi, pour une proportion importante des magistrats financiers, cet apprentissage se fait
aujourd’hui en début de carrière. C’est un système qui a fait ses preuves, pas seulement dans
les juridictions financières, mais, bien plus largement, dans tous les métiers de l’audit et du
contrôle, dans le secteur p
ublic comme dans le privé, en France comme à l’étranger, où il n’est
pas remis en cause.
Le risque est réel, en supprimant une telle voie d’entrée en début de carrière, de transformer
les juridictions financières en un corps de débouchés peu attractif auquel on accède
uniquement en deuxième
, voire en troisième partie de carrière, ou bien d’en faire une filière
d’expertise pour des spécialistes seniors. Ce serait peu ou prou rev
enir à la Cour des comptes
du XIX
e
siècle.
Cela m’amène au deuxième élément qui
fonde, selon nous, la qualité de nos ressources
humaines : il s’agit de la diversité des parcours des magistrats des comptes. Les installations
auxquelles vous venez d’assister sont une belle illustration de la richesse de cette mobilité
professionnelle qui repose à la fois sur la possibilité de mener des carrières alternées, comme
sur le fait de pouvoir attirer dans un métier reconnu et valorisant une grande diversité de profils
et de talents.
Les magistrats que j’ai présentés ont en effet développé leu
r expérience professionnelle dans
des univers bien différents et tous ont servi des employeurs publics variés, alternant des
postes opérationnels en administration et des responsabilités au sein des juridictions
financières.
Loin des idées reçues, les juridictions financières ont donc une forte culture de la mobilité, du
brassage des générations et des talents, de l’alternance des expériences et des
responsabilités. J’irai même plus loin :
ce brassage, cette diversité constituent
l’ADN de notre
institution.
Nous y sommes particulièrement attachés, non par corporatisme, mais parce que nous
croyons que ce système est un gage de qualité et de crédibilité de notre parole. Nous le
constatons au quotidien, dans la conduite de nos instructions comme de nos délibérations
collégiales : la richesse des expériences et la diversité des points de vue fondent la pertinence
de nos travaux et garantissent le bien-fondé de nos observations.
***
Monsieur le président du Sénat,
Mesdames et messieurs les Ministres,
Mesdames et messieurs les hautes personnalités,
Madame la Procureure générale,
Les sujets de transformation publique ne manquent pas. Les juridictions financières ont à cœur
d’y prendre part, afin que cet élan réponde aux besoins
de notre pays et aux attentes de nos
concitoyens.
Elles
s’efforcent de le faire
avec lucidité, ouverture et pragmatisme.
Elles le feront à la place qui est la leur, aux côtés du Parlement et du Gouvernement, en pleine
indépendance, en veillant par-dessus tout à ce que soient toujours garanties les conditions qui
leur permettent de servir pleinement l’injonction gravée au fronton de cette Grand’c
hambre :
«
La société a droit de demander compte à tout agent public de son administration
. »
Je sais combien notre institution toute entière y est attentive et je suis assuré que notre
nouvelle Procureure générale le sera avec elle.
Je vous remercie.