Sort by *
P. 1 / 8
AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTREE
Jeudi 17 janvier 2019 - 11h
Allocution de Gilles Johanet,
Procureur général près la Cour des comptes
Monsieur le Premier ministre,
Je voudrais
m’associer aux remerciements exprimés par le Premier président
pour votre venue et votre écoute. Chacun ici mesure le privilège que vous nous faites.
Mesdames et Messieurs les ministres, les élus, les hautes autorités,
Je souhaite vous dire également combien le Parquet général de la Cour est honoré
de votre présence, de votre fidélité pour la plupart d’entre vous et de l’intérêt que vous portez
à nos travaux.
Monsieur le Premier président,
Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Notre pays change, s’ouvre, donnant lieu pour nos concitoyens à promesses
et craintes. Un débat est lancé pour éclairer les unes et apaiser les autres, et je souhaite
ce matin contribuer au mouvement en évoquant devant vous la question de la refonte
de la responsabilité des gestionnaires et des comptables publics.
Permettez-
moi
d’emblée
de
rappeler
par
quels
propos
Philippe
Séguin,
alors Premier président de la Cour des comptes, concluait un colloque consacré à ce sujet.
En 2005 déjà, voilà plus de deux quinquennats :
«
L’opinion publique ne supporte plus que la mauvaise gestion et les irrégularités
dans l’utilisation de l’argent public demeurent, le plus souvent, sans sanctions personnalisées…
Sans comptable, l’ordonnateur serait en prem
ière ligne en tant que responsable
de toute dépense. Or nous sommes aujourd’hui confrontés à une tendance à la réduction
du champ d’intervention des comptables publics…
« Le bilan des régimes de responsabilité du comptable public et des ordonnateurs
hér
ités du passé, sans être nul, est bien maigre ou inadapté… Notre système de responsabilité
financière, et plus largement notre conception des finances publiques, jadis modèle
pour toute une partie de l’Europe et du monde, est aujourd’hui devenu largement
inexportable.
Inexportable parce que byzantin, difficilement déchiffrable, et par surcroît peu efficace…
P. 2 / 8
«
Des réformes sont indispensables et urgentes. Faute de les mettre en œuvre,
notre modèle sera de plus en plus déséquilibré et donc fragile… Les sys
tèmes actuels
de responsabilité en matière de finances publiques, alors même que leur existence
est
plus
que
jamais
justifiée,
sont
coûteux,
peu
efficaces
et
parfois
même
carrément inéquitables.
Et Philipe Séguin de poursuivre :
« Pourrons-nous soutenir le regard du citoyen, quand nous lui expliquerons
qu’il finance, par ses impôts, des magistrats pour juger des comptes
-donc faire des procès
à des chiffres - sans que ces magistrats disposent pourtant de la plénitude des attributions
d’un juge ?...
»
Quelle clarté d’analyse
! Pourquoi, me direz-
vous, revenir aujourd’hui sur un tel
serpent de mer
? Le sujet a souvent été évoqué mais n’a jamais abouti aux réformes
souhaitées. La réforme procédurale de 2008, celle du préjudice en 201
1 n’ont pas réglé
le cœur du problème. Et le projet de loi plus vaste porté par Philippe Séguin
ne lui a politiquement pas survécu.
Le système s’érode progressivement depuis
fort longtemps. Il est devenu un intenable faux-semblant. Alors, pourquoi reprendre
ce chantier en 2019 ? Et comment réussir ?
Je voudrais commencer par aborder une question connexe à celle de la responsabilité
des gestionnaires publics, une question en apparence plus modeste et que touchent
plusieurs
initiatives
récentes
de
votre
Gouvernement,
M.
le
Premier
ministre,
à savoir celle de la séparation ordonnateur-comptable.
Ouvrons le champ, et attardons-nous un instant sur un récit qui a beaucoup pesé
ces dernières années sur ce que le monde des entreprises appelle, en bon français,
la «
segregation of duties
», à savoir les obligations de séparation des fonctions exécutives,
financières, de surveillance des risques, de conseil et de contrôle.
A la veille de la Première Guerre mondiale, un Américain talentueux, fils
d’immigr
és
norvégiens, crée sa propre société de contrôle des comptes et de la gestion des entreprises.
Reconnu pour son exigence élevée en matière de qualité des comptes et intraitable
sur les questions de probité, notre homme acquiert rapidement une solide réputation.
La
responsabilité
des
auditeurs,
estime-t-
il,
s’exerce
vis
-à-vis
des
investisseurs,
des actionnaires, et non des clients, des exécutifs. Rapidement ses avis font autorité :
combien d’entreprises réputées sont
alors obligées de renoncer à un investissement ou font
faillite, à la suite d’un audit qui juge leur gestion insuffisamment solide ou leurs comptes
insincères ? La réputation de M. Arthur
Andersen, car c’est de lui qui s’agit, est telle
qu'on lui demande après le krach de 1929 de devenir le premier président salarié
de la Bourse de New York.
Ce qu’il refusera.
P. 3 / 8
Puis la société Andersen croît, les dirigeants se succèdent, l’esprit du fondateur se perd
lentement
, l’impératif de croissance des profits l’emporte peu à peu sur la rigueur
professionnelle et la déontologie. Et vous connaissez la suite. Il ne sera pas prêté attention
à
la
demi-douzaine
de
sérieuses
alertes
dans
les
années
1990.
En
2001,
l’entreprise a un chiffre d’affaires de près de 10 milliards de dollars et emploie 85 000 agents
dans une centaine de pays. Quelques mois après, scandale Enron oblige, il n’en reste rien.
Immédiatement, sur fonds de krach boursier, la législation impose de nouvelles règles
sur la comptabilité, la transparence financière et la responsabilité des dirigeants,
aux Etats-Unis et dans le monde.
Mais
quelques
années
plus
tard,
une
deuxième
vague
de
scandales,
crise
des
«
subprimes
»,
faillite de
Lehman
Brothers
et
affaire
Madov
en
tête,
conduit
à un nouveau renforcement des exigences. C’est la consécration du principe
de séparation
des fonctions, avec la distinction des tâches d’autorisation, de garde des fonds
et valeurs, de tenue des comptes et de contrôles internes et externes. Au moins deux
signatures indépendantes l’une de l’autre sont requises pour valider une opération.
La lutte contre
les conflits d’intérêts, la fraude et la corruption est au premier rang
des préoccupations. Montent en puissance aux côtés du directeur général, CEO,
les responsabilités du directeur financier, CFO, de plus en plus en prise directe avec le conseil
d’administration et son comité d’audit, voire les actionnaires, mais aussi du directeur
des risques, CRO, voire du directeur de la conformité, CCO.
En
France
comme
dans
les
autres
pays
de
l’OCDE,
un
arsenal
se met progressivement en place, avec une succession de lois : sécurité financière en 2003,
régulation bancaire et financière en 2010, séparation et régulation des activités bancaires
en
2013,
transparence,
ou
encore
lutte
contre
la
corruption
et
modernisation
de la vie économique en 2016 pour n’en citer que quelques
-unes.
Dans le monde de la finance et des entreprises, le mouvement est donc clair :
loin d’être ringarde, la séparati
on des fonctions de ce que dans le secteur public on appelle
l’ordonnateur, le gestionnaire
et le comptable ou encore le contrôleur est une exigence
de plus en plus élevée et structurante
et accessoirement de plus en plus contraignante
pour les entreprises.
Alors,
un
mouvement
inverse
pourrait-il
apparaître
moderne,
souhaitable,
pertinent dans le secteur public ?
Je ne le pense pas. La séparation des pouvoirs, ici comme ailleurs, est indispensable
pour préserver l’ordre financier public. Et même, comme l’avait souligné Montesquieu,
l’équilibre des pouvoirs, ce qui suppose notamment de renforcer les prérogatives des agents
publics qui jouent les rôles des CFO, CRO et autres CCO, donc de faire remonter le rôle
du comptable en amont de la chaîne. A cette perspective, les esprits chagrins et les esprits
courts, s’agitent.
P. 4 / 8
Pourtant, souvenons-nous, le Président de la République déclarant, en avril 1959 :
«
l’Algérie de
papa est morte
» et il rajoute : «
si on ne le comprend pas, on mourra avec elle
».
Cette
prophétie,
à
la
veille
d’un
bouleversement
total,
s’est
réalisée.
Aujourd’hui
à plus petite échelle, disons-le : «
la séparation ordonnateur-comptable de papa,
c’est fini et si on ne le comprend pas…
»
Il nous faut donc refonder cette séparation.
Le passage d’une culture de contrôle
a priori
des «
managers
» publics à une logique
de responsabilisation
a posteriori
, l’exigence accrue de probité dans l’emploi des fonds publics
comme les transformations liées à la révolution numérique appellent à repenser
cette séparation et à réformer en profondeur les régimes de responsabilité des agents publics
tout au long de la chaine de décision.
Plus encore qu’en 2005, cette refonte est aujourd’hui rendue nécessaire
par deux tendances de fond observées ces dernières années.
La première est liée à la révolution numérique. Dans le secteur public comme ailleurs,
l’environnement numérique conduit, et c’est très souhaitable, à redéfinir les tâches.
On assiste ainsi à une mutation silencieuse d’un régime binaire
ordonnateur/comptable,
que nous avons connu, vers une imbrication des responsabilités, un «
workflow
»
où s’entremêlent des décisions d’engagement, d’attestation, d’ordonnancement, de contrôle
et de paiement.
Des fonctions de vérification essentielles dans la chaîne de la dépense ou de la recette
sont ainsi opérées par d’autres acteurs que le comptable, acteurs dont la responsabilité
est peu ou pas mise en jeu.
A l’inverse, la responsabilité du seul comptable
, placé en bout de chaîne, ne suffit plus
à rendre compte du «
bon emploi
» des fonds tout au long du processus voire peut induire
des effets pervers. A fortiori si le métier du comptable public, confiné pour l’essentiel
au simple respect d’une nomenclature, devient très largement automatisable à l’ère
de la révolution numérique, ou se vide de son contenu, comme le reconnaît décision
après décision notre juge de cassation.
Je voudrais d’ailleurs rendre hommage ici au Conseil d’Etat, dont la sagesse expr
imée
par une succession d’arrêts
nous aide à constater que lorsque le contrôle du comptable
tombe, il ne reste que des apparences. Le juge financier sera-t-il le dernier à quitter le théâtre,
et alors
prié d’éteindre les lumières en sortant
?
P. 5 / 8
La deuxième tendance de fond est liée à toute une série de réformes récentes
de la gestion et de la comptabilité publiques : réduction des effectifs au sein du réseau
des comptables publics, développement des services facturiers, expérimentation d’agence
s
comptables dans la dernière loi de finances, avènement du compte financier unique.
L’autonomie, sans même évoquer l’indépendance, du comptable d’une collectivité territoriale
placé dans une agence dépendant d’un ordonnateur élu est à tout le moins de nat
ure
différente de celle que l’histoire
nous a léguée. De même,
le passage, lorsqu’il est opéré,
à une comptabilité en droits constatés déplace le centre de gravité de cette chaîne
vers l’amont
: ce n’est plus le paiement, donc le comptable, mais l’engage
ment,
la constatation des droits, donc l’ordonnateur, qui est clé.
Dès lors, s’il est considéré que la séparation des fonctions est un instrument essentiel
de bonne gestion, publique comme
, c’est maintenant reconnu,
privée, il faut s’impliquer
naturellement dans la redéfinition de la mise en jeu de la responsabilité des gestionnaires
publics mais aussi, et peut-
être même de façon prioritaire, redéfinir un champ d’intervention
réel du comptable public, y compris en amont de la chaîne des opérations.
Pour éviter les écueils du passé, je vois quatre principes cardinaux à cette indispensable
modernisation de la responsabilité des gestionnaires.
Le premier, c’est la sélectivité. La sélectivité des contrôles.
Les ressources publiques sont limitées
il est impossible de tout vérifier
, les enjeux
et les risques sont multiples
il est impossible de tout maîtriser. Par conséquent,
il faut prendre en compte le fait que toute prise de décision implique des choix,
souvent courageux, audacieux
sans quoi, comme le dénonçait ici même il y a un an
le Président de la République, «
le système, si nous le laissons prospérer, conduira au triomphe
des prudents, peut-être même des inefficaces
».
Il est essentiel de promouvoir, du gestionnaire au payeur, des pratiques d’
analyse
préalable des enjeux et des risques et de définition de plans de contrôles sélectifs,
sur le fondement desquels ensuite puisse se fonder une politique de mise en jeu sélective
des responsabilités par la juridiction financière.
Avant toute sanction d’un manquement, le juge devra porter une appréciation
qualitative globale sur cette analyse des enjeux et des risques, et sur le plan de contrôle
sélectif qui en découle, et
s’assurer que les vérifications ont été effectuées en cohére
nce
et sans méconnaître des risques essentiels ou de nature systémique.
Le deuxième principe, c’est l’universalité. L’universalité des acteurs appelés
à rendre compte.
Etablissons une égalité devant le risque…
Les opérations budgétaires et comptables imp
liquent un grand nombre d’intervenants,
initiateurs, décideurs, appuis « métier » ou « support », vérificateurs, contrôleurs, payeurs.
Prenant acte de cette situation, la loi devra redéfinir la compétence du juge financier
non plus en fonction d’un acteur
le comptable public
mais des opérations accomplies
tout au long de la chaine de la dépense, de la recette et de la tenue des comptes publics,
et ce quels qu’en soient les auteurs.
P. 6 / 8
Une telle redéfinition sera de nature à limiter le risque d’une mise
en jeu excessive
de la responsabilité pénale, notamment au niveau des collectivités locales.
Et pourquoi ne
pas inclure aussi, lorsqu’une assemblée délibérante s’est prononcée,
la possibilité de mettre en jeu la responsabilité de la personne morale concernée ?
L’universalité, c’est aussi tirer les conséquences de l’utilisation de systèmes
d’information financière complexes. Et demain la possibilité accrue qu’une partie
des opérations, y compris la sélection des risques et la mise en œuvre de contrôles
internes,
résulte de programmes d’intelligence artificielle. Ces évolutions rendent critique le contrôle
de la fiabilité des systèmes d’information financière, exigence au cœur de l’assurance
d’un maniement régulier des fonds publics. Il s’agit de garantir l’effectivité des actes retracés
dans le système d’information, leur traçabilité, le respect des habilitations, l’intangibilité
des opérations et la quérabilité des pièces dématérialisées à l’appui des opérations
budgétaires et comptables. Une personne,
dotée d’un degré suffisant d’indépendance,
par exemple le comptable public dans un cadre redéfini, doit être responsable de la fiabilité
du système d’information financière et en répond
re, lui aussi, devant le juge financier.
L’universalité des acteurs appelés à rendre compte de leur gestion de l’argent public
contribuera, comment ne pas le voir, à rétablir la confiance avec le citoyen.
C’est d’ailleurs affaire de cohérence
,
comme l’a
souligné le C
onseil d’Etat
dans son étude
d’avril 2018
, je cite :
«
…Alors que l’on souhaite responsabiliser les agents publics, il peut paraître
contradictoire de maintenir un régime qui exonère de toute responsabilité financière
les personnes sous l’autorité desquelles ces agents sont placés. C’est pourquoi il est proposé
d’engager une réflexion sur le régime de la responsabilité financière de tous les ordonnateurs,
y compris les ministres et les exécutifs locaux. Une telle réflexion pourrait être menée
dans un cadre plus vaste portant sur l’évolution des attributions et des responsabilités
entre des acteurs, ordonnateurs et comptables, des finances publiques. »
Le troisième principe, c’est la sommation. Sommation qui doit deveni
r la suite
de droit commun des contrôles touchant au respect de la règle de droit.
Un gestionnaire public doit pouvoir prendre des risques sans craindre qu’au premier
écart, y compris pour une règle dont il ignorait qu’elle s’appliquait à lui, sa responsa
bilité
personnelle soit mise en cause devant un juge.
Nous devrions nous inspirer de régimes de contrôle et de sanction récemment
mis
en
place
autour
d’autorités
indépendantes
de
régulation.
Par
exemple,
l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulatio
n peut prendre des mesures de police
administrative
: d’une part la mise en garde à l’encontre de la poursuite de pratiques
susceptibles de porter atteinte aux règles de bonne pratique de la profession concernée ;
d’autre part la mise en demeure de prendre
, dans un délai déterminé, toutes mesures en vue
de se mettre en conformité avec les obligations auxquelles l’entité contrôlée est soumise.
Elle dispose aussi, notamment si cette mise en demeure n’a pas été suivie d’effets,
d’un pouvoir de sanctions disc
iplinaires, graduées en fonction de la gravité du manquement.
P. 7 / 8
La
responsabilisation
des
gestionnaires
et
des
comptables
publics
plaide,
de la même façon, pour qu’une forme de sommation précède, à la diligence du ministère
public, l’enclenchement d’une procédure juridictionnelle en cas de violation d’une règle
de droit. Le gestionnaire ou le comptable public serait ainsi mis en garde, ou mis en demeure
de se mettre en conformité par rapport à la loi, dans un délai défini, avant que le juge financier
ne soi
t saisi. Sans que cela n’interdise, bien évidemment, dans les cas les plus graves
ou lorsque les effets de l’irrégularité commise ne peuvent plus être corrigés, d’enclencher
directement une procédure de sanction. Mais la voie juridictionnelle deviendrait
l’exception.
J’en viens au quatrième principe cardinal
: la responsabilité, quand on sort du terrain
de la régularité, ne devrait être mise en jeu qu’en cas de faute évitable.
Fréquentes sont les situations où le mauvais emploi de fonds publics ne relève pas,
ou pas pour l’essentiel, de questions de régularité. La sanction par le juge financier de la faute
de gestion permet d’appréhender de tels cas.
Le contentieux sur ce terrain gagne toutefois à être davantage objectivé. La loi devrait
préciser qu’une responsabilité en l’absence d’irrégularité ne peut être mise en jeu
que
lorsqu’a
été commis une faute au regard d’un risque évitable, compte tenu
des connaissances que devaient avoir les acteurs, des grands principes de gestion,
et de standards communém
ent admis. Il ne s’agit pas de sanctionner la prise de risque
ni l’audace. Il ne s’agit pas non plus de porter indirectement une appréciation sur des décisions
politiques ou de se faire juge de l’opportunité. Il s’agit de mettre en jeu les responsabilités
qui doivent l’être quand un préjudice grave pour la collectivité publique a résulté
d’imprudences répétées, d’incompétences inacceptables, d’insincérités manifestes.
Il n’est pas possible de continuer à classer des affaires où, pour évoquer des exemples
récents, des gestionnaires publics ont, sans commettre formellement d’irrégularité,
conduit à l’échec des projets informatiques de plusieurs centaines de millions d’euros.
Ne pas s’entourer des compétences nécessaires, ne pas écouter les alertes claires
qui leur étaient faites, ne pas mettre en place les garde-fous les plus élémentaires
qui leur auraient permis d’éviter l’essentiel des difficultés sont autant de fautes graves
au regard de risques évitables. Nos concitoyens n’acceptent plus que de tell
es situations,
dénoncées par la Cour des comptes, rapport après rapport, ne soient pas suivies
de sanctions appropriées
personnalisées, disait Philippe Seguin.
Sélectivité des contrôles, universalité des acteurs appelés à rendre compte,
sommation avant sanction, faute évitable, nous tenons là, je crois, tous les ingrédients
d’un retournement de perspective porteur d’avenir, susceptible de redonner confiance
à nos concitoyens tout en tenant compte du caractère limité des ressources publiques
et de la nécessité de ne pas stériliser la liberté du gestionnaire.
J’ai bien conscience, et je terminerai par cela, que dans un tel système il ne pourra
y avoir deux juges financiers de première instance. Il faudra choisir entre maintenir la Cour
des comptes ou la Cour de discipline budgétaire et financière. Dans ce cas, on maintiendra,
je pense, la Cour des comptes.
P. 8 / 8
Elle-même devra, pour éviter les risques de préjugement
, s’inspirer de l’organisation
mise en place au Palais royal, en distinguant formations administratives, qui délibèrent
sur les rapports publics, et formations du contentieux. De même dans les chambres régionales
et territoriales des comptes. Veiller à ce que les magistrats financiers continuent,
pour ne pas être coupés des réalités et à même de comprendre les contraintes
des
gestionnaires,
d’exercer
à
la
fois
des
fonctions
d’audit
ou
d’évaluation
et des fonctions juridictionnelles.
Enfin je suis favorable, et la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l’homme y pousse, à l’instauration d’un second niveau de juridiction y compris
pour les affaires que jugera la Cour en première instance. Il en va de l’égalité des justiciab
les.
Une formation d’appel pourra d’ailleurs
aisément être constituée au sein même de la Cour
des comptes. Le rôle de cassation du Conseil d’Etat s’en trouvera renforcé.
Ces
réflexions
peuvent
très
rapidement,
Monsieur
le
Premier
ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres et les parlementaires, être traduites dans un projet
de loi, nous y sommes prêts. La France a besoin de cette réforme. Elle marquera la volonté
de renouer la confiance entre la sphère publique et nos concitoyens, de veiller au bon emploi
de cette ressource rare que constitue l’argent des contribuables, et de responsabiliser enfin
les agents publics.
Après tout, les contes d’Andersen se terminent parfois bien…
Tel est le vœu que je formule, aujourd’hui, au bénéfice de tous.