Allocution de Didier Migaud,
Premier président de la Cour des comptes
Audience solennelle
Mardi 28 février 2017
en Grand’chambre
Monsieur le Procureur général,
Mesdames, messieurs les présidents,
Monsieur le ministre,
Mesdames, Messieurs,
Chers collègues,
Je veux souhaiter la bienvenue à nos homologues de la Cour des comptes algérienne.
Nous avons le plaisir de les accueillir pour une première visite d’étude dans le cadre du
jumelage mis en place l’année dernière entre nos deux institutions. De n
ombreuses
rencontres avec des membres de la Cour, que je remercie pour leur implication, leur
permettront de mieux connaître l’organisation et le fonctionnement des chambres, du
secrétariat général, du service du rapport public et des programmes et du greffe.
Je ne doute pas que leur séjour sera fructueux et permettra de renforcer encore davantage
les liens de plus en plus étroits qui unissent nos deux maisons.
Je suis heureux d’accueillir celles et ceux qui ont été installés et ont prêté serment ce mati
n.
Je veux saluer particulièrement la nomination de monsieur Denis Morin en qualité de
président de chambre.
La diversité et la densité de son parcours constitueront des atouts précieux pour la deuxième
chambre qu’il sera amené à présider et pour notre
compagnie tout entière.
Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et d'HEC, ancien élève de l'Éna, Denis
Morin a rejoint la direction du budget en 1983 comme administrateur civil. Conseiller
technique du ministre du budget en 1989, puis du minis
tre de l‘économie, des finances et du
budget et du ministre du budget en 1991, il est directeur adjoint du cabinet du ministre du
budget en 1992.
De 1993 à 1997, il est sous-directeur à la direction du budget. En 1997 et 2000, il conjugue
les fonctions de
directeur adjoint du cabinet du ministre de l’économie, des finances et de
l‘industrie, et de directeur du cabinet du secrétaire d‘État au budget, M. Christian Sautter,
que je suis heureux de saluer ce matin. Monsieur le ministre, nous sommes sensibles à votre
présence aujourd’hui, comme nous le sommes à votre participation à notre conseil supérieur.
Denis Morin devient ensuite directeur de cabinet de la ministre de l’emploi et de la solidarité.
Il est nommé conseiller maître à la Cour des comptes le 11 décembre 2000.
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En 2009, il se voit confier la préfiguration de la future agence régionale de santé de Rhône-
Alpes, dont il devient le directeur général. Entre 2012 et 2016, Denis Morin a
successivement occupé les fonctions de secrétaire général des ministères sociaux, dirigé le
cabinet de la ministre des affaires sociales et de la santé, puis été nommé directeur du
budget, jusqu’à son retour à la Cour, le 2 janvier 2017.
Depuis sa nomination à la Cour en 2000, Denis Morin a participé à de très nombreuses
enquêtes, au sein de la sixième chambre, où il a notamment été rapporteur général du
rapport sur la sécurité sociale de 2002 à 2004, et au sein de la première chambre, où il a
notamment piloté le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, avant
d’être le rapporteur général des rapports sur l’exécution du budget de l’État, la certification
des comptes de l’État et la situation et les perspectives des finances publiques.
Denis Morin présidera la deuxième chambre de la Cour.
Il succède à Guy Piolé à qui je veux, en mon nom personnel et en votre nom, dire la
reconnaissance de l’institution pour la qualité de sa présidence et pour sa contribution
toujours précieuse aux réflexions et aux décisions de la Cour, au sein de la conférence des
présidents et du comité du rapport public et des programmes. Guy Piolé continuera de faire
profiter l’institution de son expertise en rejoignant, en qualité de président maintenu, la
septième chambre.
Je précise que Michèle Pappalardo, nommée présidente au même conseil des ministres,
prendra ses fonctions le 16 mars prochain. Elle sera installée en audience solennelle le 20
mars et succèdera alors à Evelyne Ratte à la présidence de la septième chambre.
Je souhaite maintenant dire un mot des autres magistrats qui ont été installés ce matin.
Huit conseillers référendaires ont été promus conseillers maîtres : messieurs Serge
Barichard, Guilhem Blondy, Christian Carcagno, Benoit Guérin, mesdames Sylvie Lemmet et
Christine de Mazières et messieurs Jean-Louis Sciacaluga et Jean-Yves Marquet. La
contribution de chacune et chacun d’entre eux est précieuse, et je sais qu’ils continueront à
porter haut les missions, les valeurs et les principes de notre institution dans leurs
affectations respectives.
Issu du corps des magistrats de chambre régionale des comptes, monsieur Jean-Luc Girardi
rejoint également la Cour des comptes en tant que conseiller maître au titre du « dix-
huitième tour » et je veux lui souhaiter la bienvenue. Après avoir commencé sa carrière
comme inspecteur puis inspecteur général du Trésor, il est devenu conseiller de chambre
régionale des comptes en 1996 et a été affecté à la chambre de Limousin. Il a ensuite passé
six ans au sein de la chambre régionale de Provence-Alpes-Côte-
d’Azur, avant d’
être
nommé président de section dans le Nord-Pas-de-Calais. De 2010 à 2014, il a exercé les
fonctions de procureur financier près la chambre régionale de Rhône-Alpes puis Auvergne-
Rhône-Alpes. En 2014, il a retrouvé la chambre de Provence-Alpes-Côte-
d’Azur
en tant que
président de section. Monsieur Jean-Luc Girardi apportera ses riches compétences et
singulièrement son expertise juridictionnelle à la quatrième chambre.
Deux nouveaux conseillers maîtres nommés au tour extérieur se joignent à eux. Ils ont prêté
un serment qui les engage solennellement.
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Etienne Champion est agrégé d’histoire. En 2004, à la sortie de l’Ena, il a rejoint la direction
de la sécurité sociale en tant que chef du bureau des relations avec les professionnels de
santé. De 2007 à 2012, il a exercé les fonctions de directeur général adjoint des services
départementaux de la Seine-Saint-Denis, où il était, entre autres, chargé du secteur social.
Après avoir été, pendant quelques mois, sous-
directeur de l’accès aux soins, des prestations
familiales et des accidents du travail à la direction de la sécurité sociale, il est devenu
conseiller social au cabinet du président de l’Assemblée nationale en 2012. Monsieur
Etienne Champion a ensuite intégré le cabinet de la ministre de l’égalité des t
erritoires et du
logement, en tant que directeur adjoint, avant d’occuper ces mêmes fonctions au sein du
cabinet de la ministre des affaires sociales et de la santé. Depuis juillet 2015, il en était
devenu le directeur. Il intègrera la 4e chambre.
Professeur des universités au moment de sa nomination, Ali Saïb a tracé une carrière très
complète dans les domaines de l’enseignement et de la recherche. Docteur en biologie, il a
été chargé de recherche à l’INSERM entre 1997 et 2005. Professeur des universités
depuis
cette date, il a enseigné au sein de l’université Paris VII pendant trois ans, avant de devenir
professeur titulaire de la chaire de biologie puis directeur de la recherche du Conservatoire
national des arts et métiers de 2008 à 2012. Cette carrière académique a été scandée par
un très grand nombre de publications et récompensée par de nombreuses distinctions
nationales et internationales. Par la suite, il a occupé successivement les fonctions de
recteur d’académie et chancelier des universités dans les ressorts de Caen puis d’Aix
-
Marseille, et a assuré à cette occasion la présidence de la conférence des recteurs. Depuis
2015, M. Ali Saïb était conseiller pour l’éducation au cabinet du Premier ministre. Il apportera
son concours à la sixième chambre.
Je souhaite dire un mot des conditions qui ont entouré la nomination d’un des magistrats
installés ce matin.
Il n’a échappé à personne que les autorités de nomination ont fait le choix de nommer M.
Champion malgré l’avis défavorable que j’avais rendu apr
ès avoir consulté la conférence des
présidents. C’est un choix qui leur appartient pleinement, puisque l’avis de la Cour n’est pas
un avis conforme. Mais dans la mesure où cet avis est public, ne serait-ce que parce que
son sens est explicitement mentionné dans le décret publié au Journal officiel, je souhaite
m’y arrêter un instant.
La Cour est attentive, lorsque les autorités de nomination lui soumettent un profil susceptible
d’être nommé au tour extérieur, à ce que soient réunies, au
-delà des seules conditions
légales, et en l’espèce celle de l’âge, les conditions qui rendent possibles l’intégration et la
réussite des magistrats nouvellement nommés dans notre compagnie.
Ces conditions ne tiennent aucunement à la détention de tel ou tel diplôme, à
l’accomplissement d’une carrière correspondant à un modèle donné, ni à la reproduction des
parcours déjà réunis à la Cour.
Le corps des magistrats de la Cour se caractérise au contraire par une diversité d’origines,
de formations, d’expériences professionnell
es et de parcours personnels qui font sa grande
richesse, sa variété, et qui la rendent peu suspecte de cet « esprit de corps » que Pierre
Bourdieu définissait comme « la reconnaissance de soi dans les autres » : les magistrats de
la Cour aiment se reconnaître comme une compagnie mixte et riche de la complémentarité
de ses membres.
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Mais la Cour est aussi légitimement attentive à la cohérence et à la complétude des parcours
de carrière des femmes et des hommes qui la rejoignent.
Cette cohérence des parcour
s peut notamment se lire à l’aune des anciennetés de carrière,
quel que soit l’âge. Notamment, lorsqu’il s’agit de nommer un ancien élève de l’
Éna, cette
cohérence conduit habituellement à être attentif à l’avancement des membres de sa
promotion déjà présents à la Cour.
Enfin les nominations à la maîtrise concernent le plus souvent des personnes qui ont d’ores
et déjà accompli une trajectoire très dense dans des fonctions élevées : directeurs
d’administration centrale ou dirigeants d’opérateurs, chefs de
services déconcentrés ou de
postes à l’étranger, le plus souvent gestionnaires expérimentés, et parfois femmes et
hommes riches de l’expérience de mandats électifs ou d’expériences en entreprise.
Le loisir qu’ont les autorités de nomination de nommer à leur discrétion sur ces emplois n’est
complètement légitime et mutuellement avantageux, pour le Gouvernement et pour la Cour,
que si ces autorités sont attentives à ce haut niveau d’exigence. Pour l’ensemble des raisons
évoquées ci-dessus, il a pu sembler q
ue tel n’avait pas été le cas en l’espèce.
Cette précision faite, je veux lever toute ambiguïté sur deux points. En premier lieu,
personne ne saurait tenir rigueur à M. Champion d’avoir souhaité nous rejoindre, ni même
d’avoir accepté cette nomination. En
second lieu et surtout, à l’instant où il a prêté serment,
et où nous avons reçu ce serment, le débat ouvert par les conditions de sa nomination est
clos à son égard, même s’il ne l’est pas tout à fait avec les autorités de nomination qui
seront, je l’esp
ère, à nouveau attentives à prendre davantage en considération
l’avis de la
Cour.
Etienne Champion est désormais l’un des nôtres. Je suis certain qu’il aura à cœur, sous
l’autorité de son président de chambre, de faire ses preuves, de s’impliquer avec mo
tivation
dans nos travaux, et de démontrer qu’il peut devenir un excellent magistrat.
Enfin, je sais pouvoir compter sur chacune et chacun d’entre vous pour l’accueillir avec la
convivialité personnelle et la confraternité professionnelle qui font la marque de notre
institution.
D’autres magistrats doivent être nommés à la maîtrise dans les prochains jours ou
semaines. Il s’agit de nos collègues Frédéric Advielle et Dominique Roguez, qui seront
promus hors tour puisqu’ils sont détachés dans les fonction
s de président de chambre
régionale des comptes, et de Bertrand Diringer, qui conclut la cohorte des référendaires
promouvables au cours de l’année 2017.
Enfin, comme je l’ai indiqué il y a quelques minutes Michèle Pappalardo sera installée en
audience solennelle le 20 mars et succèdera alors à Evelyne Ratte à la présidence de la
septième chambre.
La nomination concomitante de deux nouveaux présidents de chambre est une opportunité
très positive pour l’institution. Ils apporteront leur très riche expertis
e, et leur regard
nécessairement neuf dans un rôle nouveau.
Je souhaite profiter de cette circonstance pour ouvrir la réflexion sur la répartition des
attributions entre les chambres de la Cour.
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Comme je l’ai évoqué avec le Procureur général et les présidents lors d’une récente
conférence des présidents, il me semble que la période est particulièrement opportune pour
traiter cette question du bon ajustement des compétences entre les chambres, dont nous
savons tous qu’elle mérite examen.
La répartition
des compétences a en effet fait l’objet de quelques ajustements au cours des
dernières années, mais elle résulte largement de choix d’organisation faits il y a vingt ans, en
1996, lorsque mon prédécesseur Pierre Joxe avait pris l’initiative de redistribuer
substantiellement les compétences entre plusieurs chambres, notamment pour faire place à
deux chambres sociales.
Si l’on observe l’histoire longue de la Cour, on relève que la répartition des compétences a
régulièrement été ajustée, pour tenir compte de
l’évolution du contexte ou des missions
incombant à l’institution
.
Cette réflexion que je souhaite engager n’est pas commandée par l’urgence, ni par le constat
de défauts ou de faiblesses majeurs. Elle ne nous est pas non plus imposée de l’extérieur.
C’est tant mieux. Elle n’en est pas moins utile.
La répartition des compétences actuelles a en effet permis à la Cour de relever avec succès,
au cours des deux dernières décennies, les défis majeurs que constituaient l’exercice de
missions nouvelles comme l
a certification, la montée en puissance de l’évaluation des
politiques publiques ou encore le développement des travaux relatifs à la surveillance des
finances publiques.
Mais si cette organisation ne souffre pas de défauts rédhibitoires, nous savons qu’
elle peut
mériter des ajustements, ponctuels ou plus importants. Je pense en particulier que certaines
politiques publiques ou certains enjeux de réforme de la gestion publique pourraient être
mieux traités si la compétence sur certains domaines était réun
ie au sein d’une même
chambre. L’instrument des formations interchambres, que nous pratiquons régulièrement
avec succès, est en effet utile, mais il ne nous permet pas toujours de couvrir certains angles
morts ou d’attaquer certains enjeux publics avec la
force de frappe nécessaire.
Nous pourrions bien sûr ne pas lancer cette démarche, et la renvoyer à plus tard… mais il
serait étonnant que nous nous exonérions de cet exercice de réflexion sur notre meilleure
organisation !
Par nos travaux, nous ne cessons en effet de recommander aux pouvoirs publics de
questionner régulièrement l’organisation des services publics que nous contrôlons, et de
faire le cas échéant évoluer cette organisation lorsqu’il semble qu’elle pourrait être plus
efficace, plus efficiente, plus adaptée aux enjeux nécessairement évolutifs.
Pour ce qui concerne les juridictions financières elles-mêmes, nous avons montré à
plusieurs reprises que nous savions prendre l’initiative de faire évoluer notre organisation.
Cela a été le cas au cours des cinq dernières années dans le périmètre des chambres
régionales des comptes, qui ont connu un profond processus de réorganisation et de fusion,
passant de 22 à 15 puis 13, processus qui s’est aussi traduit par une optimisation de la
gestion, un renforcement des équipes de contrôle et qui donne aux CRC, je le crois, de
meilleurs atouts pour relever les défis qui sont les leurs.
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Nous avons aussi fait évoluer fortement l’organisation du secrétariat général, pour
professionnaliser les services gestionna
ires, simplifier l’organisation, et développer l’offre de
services aux chambres en matière d’appui métier.
C’est pourquoi je souhaite que nous saisissions l’occasion, au cours des prochains mois, de
nous interroger sur la meilleure répartition possible des compétences entre les chambres de
la Cour, sur la pertinence de leur nombre, et aussi sur l’organisation des chambres elles
-
mêmes, étant entendu, même s’il n’est pas besoin de le rappeler, que tout magistrat est
avant tout un magistrat de la Cour et non d
e telle ou telle chambre, puisque c’est la Cour
[tout entière] que nous servons.
Les premiers échanges que j’ai eus avec les présidents de chambre et le Procureur général,
ainsi qu’avec le président de l’association des magistrats, m’ont donné à penser qu
e ce
souhait rencontrait un sentiment très largement partagé.
Je souhaite profiter de la qualité d’expérience et du recul des deux présidents nouvellement
nommés, et je vais demander à Denis Morin et Michèle Pappalardo de conduire cette
réflexion avec leurs collègues présidents, avec le soutien du secrétariat général, en
échangeant avec le Procureur général et bien sûr en s’appuyant sur une large consultation
au sein de la Cour.
Ils m’en rendront compte régulièrement, comme je le ferai moi
-même, avec eux, dans le
cadre de la conférence des présidents. Leurs constats et recommandations seront présentés
lors d’une assemblée générale.
Je souhaite que nous puissions ainsi mesurer, avant l’été, la portée des ajustements qui
pourraient résulter de cette réflex
ion, sans préjuger à ce stade de l’ampleur des
modifications à conduire, ni des délais dans lesquels ces modifications devraient ensuite
entrer en vigueur.
Je suis sûr que chacune et chacun aura à cœur de contribuer à faire de ce temps de
réflexion un moment précieux, afin que les décisions qui en découleront soient utiles à notre
institution tout entière et lui permettent de remplir mieux encore son office.
L'audience est levée.