AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTREE
Jeudi 19 janvier 2017 - 9h30
Allocution de Didier Migaud,
Premier président de la Cour des comptes
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, messieurs les ministres et les parlementaires,
Mesdames, messieurs les hautes personnalités présentes,
Mesdames et messieurs,
L’année dernière, notre audience solennelle de rentrée avait été marquée par le contexte
tragique des attentats de novembre 2015.
L’année qui s’est écoulée a été profondément endeuillée par de nouveaux drames, sur le
territoire national et au-delà de nos frontières.
Par-
delà l’anxiété publique et individuelle que ces tragédies engendrent, il nous faut
impérativement porter notre regard sur ce qui nous rassemble, sur ce que signifie appartenir
à une même communauté nationale.
Ce qui nous unit, ce sont les valeurs et les principes de la République, ainsi que les services
publics qui en sont l’émanation, la traduction concrète et quot
idienne.
Ce qui nous unit, nous tous ici qui prenons part à l’action publique, c’est le souci de la
préservation et du renforcement de ce patrimoine commun que constituent les valeurs et les
principes républicains.
Votre présence aujourd’hui en est un signal fort, monsieur le Premier ministre
: les pouvoirs
publics et les juridictions financières, dans leurs rôles institutionnels respectifs, dans l’étendue
et les limites des responsabilités qui leur sont propres, peuvent et doivent travailler de façon
complémentaire et constructive au service de leur raison d’être commune.
Les représentants du suffrage universel, à qui revient toujours et de façon exclusive la
responsabilité des grands choix publics, doivent ainsi pouvoir prendre appui sur les travaux
des juridictions financières.
C’est tout le sens de l’article 47
-2 de notre Constitution, selon lequel la Cour des comptes
assiste
le Parlement et le Gouvernement et contribue, par ses rapports publics, à l’information
des citoyens.
Assister un décideur public, ce n’est chercher ni à lui plaire, ni à lui déplaire. Assister un
décideur public, c’est éclairer son choix en mettant à sa disposition une information de qualité,
une information crédible qui lui permette de prendre ses décisions en connaissance de cause.
Il ne s’agit donc pas et ne s’agira jamais pour les juridictions financières de se substituer aux
décideurs dans le débat public. Il s’agit et s’agira toujours de relever des faits et des évolutions
indiscutable
s, d’évaluer la performance de l’action publique au regard de ses objectifs et enfin
de dessiner des chemins d’amélioration possibles –
le dernier mot revenant toujours aux
représentants du suffrage universel, qui arbitrent et décident.
Pour garantir l’indépendance et l’impartialité de leurs messages, les juridictions financières
respectent strictement les principes d’action qui leur sont propres et qui constituent autant
d’exigences éthiques et pratiques –
je veux parler du débat contradictoire, de la prise de
décision collégiale et des règles de déontologie.
Seul le prononcé fait foi
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Dans une époque où les informations de confiance et de référence font parfois défaut, pour
les citoyens comme pour les responsables publics eux-mêmes, les pouvoirs publics peuvent
compter sur les tra
vaux des juridictions financières, qui ont pour mission d’éclairer les choix,
souvent difficiles, qu’ils ont à faire.
C’est pourquoi je m’étonne d’entendre parfois certains, heureusement peu nombreux,
reprocher à notre institution ou à celles qui lui sont associées, comme le Haut Conseil des
finances publiques, d’excéder les limites d’un mandat qui leur a été confié par la Constitution
et la loi elles-mêmes - quand bien même ces limites ont été scrupuleusement observées. Et
quand bien même nous ne faisons q
ue nous exprimer à partir et sur l’atteinte d’objectifs que
les pouvoirs publics se sont eux-mêmes fixés.
Notre institution joue en effet pleinement son rôle lorsqu’elle tend un miroir aux décideurs
publics
–
et ce n’est pas parce que le reflet qu’ils y voient leur déplaît, qu’il faudrait briser ou
repousser ce miroir.
Fort heureusement, la Cour des comptes reçoit bien plus souvent la confiance des décideurs
publics. Elle bénéficie aussi d’un crédit élevé auprès de nos concitoyens, un crédit qui l’honore
et l’oblige à être toujours plus pertinente, plus efficace et plus utile.
Dans quelques semaines, le tome 2 du rapport public annuel permettra ainsi de mettre en
valeur les situations dans lesquelles les messages de la Cour ont produit leurs effets. Je peux
d’ores et déjà vous dire qu’en 2016, 72
% des recommandations émises au cours des trois
dernières années ont été au moins partiellement mises en œuvre. Près de 25
% d’entre elles
ont été entièrement mises en œuvre. Cela signifie à rebours qu’il existe d
es marges de
progrès.
Ce que mesurent en effet ces constats, c’est à la fois la réalité des efforts des agents publics
et le chemin qu’il reste à parcourir pour améliorer l’efficacité et l’efficience de nos services
publics. Or, les choix structurants qui seront opérés en 2017, dans la foulée des élections
nationales, décideront largement du tracé et de la pente de ce chemin. A l’occasion de cette
année particulière, je souhaite que les travaux de la Cour soient directement utiles à ceux qui
auront la charge de conduire notre destin national.
Pour remplir ses missions dans le respect de ses valeurs d’indépendance et d’impartialité, la
Cour des comptes exercera son activité de publication avec un discernement particulier au
premier semestre 2017. Après la publication du rapport public annuel et de quelques autres
travaux importants comme une évaluation de la politique publique du logement social, nous
nous abstiendrons de publier nos rapports pendant la période électorale, conformément à nos
usages. Les seules exceptions concerneront bien sûr les travaux que prévoient la loi, ceux qui
n’auront pas de lien avec l’actualité politique et quelques référés adressés au Gouvernement
à la fin de l’année dernière et qui peuvent être rendus publics.
Pour ce qui est de l
a période qui suivra immédiatement les élections, la Cour a d’ores et déjà
pris l’initiative de préparer la conduite d’un audit général des finances publiques, dans le cadre
du prochain rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques qui sera publié
au mois de juin.
Cet exercice, ainsi que tous les autres travaux mis à disposition par la Cour et les chambres
régionales des comptes, doivent pouvoir éclairer utilement les choix des représentants du
suffrage universel.
C’est le premier message, et le premier vœu, que je voulais formuler devant vous ce matin.
Dans cette perspective, je souhaite évoquer aujourd’hui devant vous deux autres messages
fondamentaux et réitérés des juridictions financières. Ils soulignent des tendances lourdes qui
pèseront fortement, comme autant de contraintes et de défis, sur les choix publics des années
à venir.
L’un porte sur la situation des finances publiques. L’autre a trait aux voies d’amélioration de
nos politiques publiques.
Seul le prononcé fait foi
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La situation de nos finances publiques n’est pas encore rétablie, ce qui limite à la fois notre
capacité future à effectuer des choix souverains et notre crédibilité face à nos partenaires
européens.
Il y a quelques semaines, un magicien est venu animer la fête de Noël des enfants des
personnels de la Cour, dans la Grand’chambre où nous nous trouvons actuellement… Ses
tours de passe-passe, ses artifices de tous ordres, ses écrans de fumée ont naturellement
beaucoup plu aux enfants. Mais sa venue détonnait au Palais Cambon, qui porte partout, dans
son mobilier et dans ses murs, la représentation de l’une de ses valeurs fondatrices
: la
transparence, symbolisée par le miroir que j’évoquais à l’instant.
Cette valeur est présente à l’esprit des magistrats de la
Cour lorsqu’ils remplissent leur mission
légale d’examen de la situation et des perspectives des finances publiques,
et à celle des
membres du Haut
Conseil des finances publiques lorsqu’ils rendent leur avis.
Aux présentations flatteuses, ils préfèrent les évolutions effectives. Aux annonces improbables
ou incertaines, ils préfèrent les engagements prudents et réalistes. Aux élixirs d’alchimiste, ils
recommandent et continueront de recommander de substituer de vrais remèdes, dont les
principes actifs sont plus efficaces et plus durables.
En effet, le redressement de nos comptes publics est encore loin d’être acquis et nos finances
publiques sont encore fragiles et vulnérables, ce qui tend à nous isoler et à nous affaiblir parmi
les États européens.
La Cour
a eu l’occasion de souligner les efforts et les progrès intervenus dans les années
récentes.
Cela concerne les dépenses publiques locales, dont les travaux des chambres régionales des
comptes ont permis de constater qu’elles ont été davantage maîtrisées
en 2015.
Cela concerne aussi, quoiqu’insuffisamment, les finances de la sécurité sociale. Leur équilibre
n’est pas encore assuré et les améliorations constatées reposent moins sur des efforts accrus
de maîtrise des dépenses que sur des transferts financier
s de l’
État. Même si elle a connu
pour la première fois une légère diminution, la dette sociale, qui est alimentée par le déficit
persistant de la sécurité sociale, est une réelle injustice vis-à-vis des générations futures et
menace la pérennité de notre modèle social.
Enfin, pour l’
État
, le Gouvernement vient d’annoncer un résultat budgétaire en légère
amélioration en 2016 par rapport à la prévision associée à la loi de finances rectificative. Nous
nous en réjouissons.
La Cour aura l’occasion de vérifier
, dans le cadre de son rapport sur
l’exécution du budget de l’
État, les conditions dans lesquelles ces résultats ont été obtenus.
L’évolution globale des dépenses apparait donc davantage maîtrisée aujourd’hui qu’elle ne
l’était hier.
Plusieurs éléments essentiels doivent cependant nous conduire à relativiser la portée des
progrès enregistrés.
Tout d’abord, la France est avec l’Espagne, le Portugal et la Grèce l’un des quatre pays de la
zone euro à être encore placés en procédure de déficit public excessif, ce qui signifie que son
déficit excède encore les 3 % de son produit intérieur brut (PIB)
. Lorsqu’elle formule cette
observation, la Cour ne fait preuve d’aucune sorte de fétichisme
: ce n’est pas elle qui a fixé
cet objectif de 3 %. Notre institution compare
–
c’est sa mission –
les résultats obtenus aux
objectifs que les pouvoirs publics eux-mêmes se sont assignés, les prévisions aux éléments
dont avons connaissance, tout cela dans le cadre de leurs engagements européens. Les
objectifs sont plus ambitie
ux en 2017 qu’ils ne l’étaient, ce qui peut
expliquer nos
interrogations, appréciations et avertissements.
Le niveau de notre dette publique reste lui aussi préoccupant. En 2016, le déficit, prévu à
3,3
% du PIB, devrait rester supérieur d’un point à celui
qui serait nécessaire pour stabiliser la
dette publique. Celle-ci dépassera donc 96 % du PIB. Dans le même temps, le niveau de dette
Seul le prononcé fait foi
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aura continué de baisser chez certains de nos partenaires européens, notamment en
Allemagne mais aussi aux Pays-Bas.
Ces grands constats seront
–
je l’ai dit –
bientôt complétés par de prochaines publications, à
commencer par le rapport public annuel.
Je voudrais néanmoins souligner dès aujourd’hui plusieurs tendances lourdes qui ne
manqueront pas de rendre l’équation des f
inances publiques plus complexe encore dans les
années à venir qu’elle ne l’a été dans les années récentes.
Les travaux de la Cour permettent en effet d’identifier trois données essentielles pour les
finances publiques, qui devront quoiqu’il arrive être présentes à l’esprit des décideurs publics
à l’heure des choix qui seront effectués en 2017.
La première tient à la disparition possible des principaux atouts sur lesquels l’
État a pu
s’appuyer dans les années récentes pour maîtriser ses dépenses.
Il s’agit tout d’abord de la charge des intérêts de la dette. La Cour a estimé que 40
% de la
réduction du déficit public intervenue depuis 2011 était due à la baisse des taux d’intérêt. C’est
donc en grande partie cette évolution indépendante de la volonté des pouvoirs publics qui a
rendu possible la maîtrise accrue de nos dépenses.
Or, ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que le potentiel de baisse supplémentaire des taux
est très limité et qu’à l’inverse, le risque de voir la charge d’intérêts se mettre à p
rogresser est
tout sauf négligeable. Il ne faudra donc plus guère compter sur la diminution de la charge
d’intérêts pour ralentir l’évolution de la dépense publique –
cette nouvelle donne sera cruciale
dans les années à venir.
Une autre tendance nous a d’
ailleurs permis de ralentir la progression de nos dépenses
publiques, et elle aussi pourrait bien s’inverser dans les années à venir
: il s’agit de la
diminution de notre contribution au budget de l’Union européenne. En outre, les conséquences
de la sortie du Royaume-Uni ne peuvent pas être anticipées à ce stade mais le risque de voir
augmenter le niveau de notre contribution pour cette raison ne peut pas non plus être écarté.
La deuxième contrainte qui pèsera lourdement sur l’année 2017 a trait à la très
forte
dynamique salariale constatée dans les administrations publiques depuis 2016, sous l’effet
des mesures conjuguées de la revalorisation des carrières, d’aménagements catégoriels, du
dégel de la valeur du point d’indice et d’une augmentation des effect
ifs. La Cour appelle
l’attention sur le fait que l’augmentation de la masse salariale de l’État devrait être équivalente,
pour la seule année 2017, au total de l’évolution intervenue entre 2011 et 2016. Cette
dynamique s’appliquera également aux collectivi
tés territoriales et aux hôpitaux publics.
Enfin, la troisième contrainte relève des choix effectués par notre pays pour renforcer ses
efforts en matière de sécurité intérieure et extérieure. La priorité forte qui a été donnée à ces
postes en 2016 ne sera probablement pas remise en question dans les années qui viennent,
et aura d’inévita
bles implications budgétaires.
Qu’elles soient la traduction de choix souverains ou d’évolutions économiques qui ne
dépendent pas des décideurs publics, ces tendances doivent nous faire prendre conscience
du fait que le redressement de nos finances publiques demeure un défi considérable.
Et s’il s’agit d’une préoccupation majeure des magistrats des comptes, ce n’est pas en raison
d’un trouble obsessionnel comptable ou d’une
myopie qui bornerait leur horizon en leur faisant
donner la priorité au redressement présent plutôt qu’aux vertus des investissements pour
l’avenir.
Si la Cour réitère ses avertissements, c’est au contraire parce qu’elle a un profond souci de
l’avenir, et que le risque est grand de voir s’affaiblir la capacité de notre pays à arrêter en toute
liberté ses choix en matière politique, économique et sociale.
Si la Cour réitère ses avertissements, c’est aussi parce qu’elle observe dans nombre de
politiques pu
bliques un décalage persistant entre les résultats qu’elle constate et les objectifs
qu’ont fixés les représentants du suffrage universel.
C’était mon deuxième message.
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Je voudrais lever toute ambiguïté : la poursuite du redressement des comptes publics
n’est
pas obligatoirement une fin en soi, mais elle est une condition
sine qua non
de la préservation
et du renforcement de nos services publics.
Maîtriser les dépenses publiques ne signifie pas en effet baisser la qualité des services rendus
aux citoyens.
Au contraire. S’il ne nous appartient pas de fixer le niveau des dépenses publiques, de
nombreux travaux des juridictions financières permettent
de constater que l’amélioration de la
qualité de l’action publique ne passe pas forcément pas l’accroissement des moyens qui y
sont consacrés. Ce qui ne veut d’ailleurs pas dire qu’elle ne passe jamais par là.
Des marges d’efficacité et d’efficience, des
effets d’aubaine sont identifiables dans notre
organisation publique actuelle. Avant d’augmenter les dépenses, il est souvent utile voire
indispensable de rénover les organisations, de revoir les processus, de simplifier les modes
d’organisation, de s’int
erroger sur la répartition des moyens et sur leur efficacité. Car il y a là
des marges importantes, à la fois en termes de qualité, d’efficacité et d’efficience.
C’est mon troisième et dernier message.
Trop de travaux de la Cour mettent en effet encore e
n évidence d’importantes marges
d’efficacité et d’efficience dans l’organisation de nos politiques publiques.
Même si la presse ne le relève peut-être pas assez souvent, les juridictions financières
soulignent, à chaque fois qu’elles le peuvent, les efforts d’amélioration et les résultats obtenus.
Au cours des années récentes, elles ont eu l’occasion de saluer certains progrès notables.
C’est ainsi, que l’insertion du rapport public annuel de 2015 relative à la réforme de la carte
des tribunaux judiciaires
saluait l’effectivité de cette réforme, et son coût maîtrisé.
Mais la Cour ne peut que regretter qu’un grand nombre d’initiatives soient encore au milieu du
gué. C’est le cas de cette même réforme de l’organisation judiciaire, qui n’a pas encore porté
sur
les cours d’appel. C’est aussi le cas, par exemple, du déploiement des services publics
numériques. Dans le cadre d’un rapport remis au Parlement en 2016, la Cour a relevé que
l’effort de dématérialisation s’était révélé incomplet, et qu’il n’avait pas en
traîné encore assez
profondément une simplification des procédures administratives pour les usagers, et donc une
augmentation sensible de leur efficacité et de leur efficience.
De nombreuses raisons peuvent expliquer les résultats limités de certaines réformes. Les
grandes modernisations sont souvent portées, au sein de la sphère publique, par des
réformateurs courageux dont je voudrais saluer l’énergie et l’engagement. Mais trop souvent
encore, ces derniers ne peuvent aller au bout de leurs initiatives, car ils ne disposent pas des
marges de manœuvre et d’une autonomie suffisantes.
Plus de quinze ans après le vote de la loi organique relative aux lois de finances, dont un des
objectifs majeurs était précisément de permettre aux responsables publics de donner le
meilleur d’eux
-mêmes grâce au dépassement de certains réflexes bureaucratiques et
centralisateurs, je ne peux que déplorer cette situation.
Bien sûr, déplorer ne suffit pas.
Dans ses travaux, la Cour a mis en lumière de nombreuses voies d’amélior
ation possibles de
nos politiques publiques, qui permettraient d’en accroître l’efficacité et l’efficience sans
nécessairement augmenter le niveau des dépenses.
Très souvent, ces voies d’amélioration sont des voies de simplification
, mais il y a encore du
travail. Pour clore mon propos, je mentionnerai deux des leviers majeurs qui me semblent
devoir être bien plus systématiquement mobilisés à l’avenir.
Le premier levier consiste à accorder plus d’importance à la mesure effective des résultats, et
moins à l
’affichage de textes ou de moyens nouveaux. La culture de l’évaluation des politiques
publiques a progressé au cours des dernières années, mais trop peu, trop lentement, et sans
Seul le prononcé fait foi
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qu’on en tire suffisamment les conséquences. Dès lors, trop souvent encore, le
s réformes sont
entreprises sans évaluation préalable de l’existant.
Les conséquences de tels manquements ont notamment été relevées dans le rapport sur
l’efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable, remis par la Cour au
Parlement en septembre 2016. Il y apparaît que les dispositifs fiscaux ont été accumulés sans
grande cohérence, avec des effets parfois contraires entre eux, faute d’attention portée à leur
impact global sur l’environnement.
C’est le signe évident d’un manque d’éval
uation, dommageable à la fois pour les finances
publiques et pour la politique publique concernée.
Ce sont les démarches d’évaluation qui permettent d’identifier les marges d’efficacité et
d’efficience qui existent dans l’organisation d’une politique publi
que.
Ce sont ces démarches qui permettent de fonder solidement des choix difficiles et de résister
aux intérêts particuliers qui contrarient souvent l’intérêt général en entravant les réformes
nécessaires.
Accorder plus d’attention aux résultats obtenus
par les politiques qui existent déjà avant
d’annoncer des politiques nouvelles : j’ai bien conscience que c’est une révolution, au moins
copernicienne, à laquelle la Cour appelle, mais je crois que nous sommes ici nombreux à être
convaincus que le temps de ce changement est venu.
Enfin, et c’est un second levier
: la Cour est souvent conduite à indiquer que le recours à
l’expérimentation et aux démarches d’innovation en règle générale devrait être bien davantage
mobilisé. En effet, ce n’est qu’en tirant le
s enseignements des essais et des éventuels échecs
constatés que l’on parvient aux grands succès. L’adoption d’une ap
proche plus pragmatique,
plus agile, et, là encore, plus attentive aux résultats, peut permettre de réorienter plus
rapidement et plus effi
cacement l’action publique vers les besoins réels de ses usagers.
Si les réformes étaient abordées autrement, si leur pertinence était étayée par des études
d’impact suffisantes et préparées par des expérimentations concrètes, proches du terrain, je
suis certain que le rapport public annuel de la Cour des comptes serait rempli de bien moins
de constats négatifs, et nous aurions plaisir à relever plus souvent des exemples de réformes
effectives et réussies.
*
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, messieurs les ministres et les parlementaires,
Mesdames, messieurs les hautes personnalités présentes,
Mesdames et messieurs,
Permettez-
moi pour conclure de traduire mes messages en vœux pour l’année qui s’ouvre,
au-
delà bien sûr des vœux personnels que j’adresse à chacune et chacun de vous.
Je forme le vœu que les travaux des juridictions financières soient directement utiles aux
responsables publics qui ont à conduire des réformes difficiles.
Je forme le vœu que les efforts de redressement des finances
publiques permettent à notre
pays de préserver sa capacité à effectuer des choix souverains.
Je forme le vœu que l’évaluation et l’expérimentation précèdent plus systématiquement
l’affichage d’intentions, de textes ou de moyens nouveaux.
Je forme enfin l
e vœu que l’action publique se dégage de l’entrave des intérêts particuliers
pour répondre davantage
aux exigences de l’intérêt général.
Merci de votre attention.
Très bonne année à chacune, chacun d’entre vous, et à notre pays.