Seul le prononcé fait foi
Discours de Didier Migaud,
Premier président de la Cour des comptes
Audience solennelle de rentrée du 10 janvier 2013
Aujourd’hui vont être installés cinq nouveaux auditeurs issus de l’Ecole nationale
d’administration. Depuis deux ans, leur accueil
à la Cour a lieu en janvier, ce qui permet de procéder à
leur installation à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée. Cela montre aux personnalités
présentes l’apport essentiel que représente pour la Cour les jeunes magistrats issus de sa principale
voie de recrutement. Ceux-ci participent du renouvellement des générations et apporteront une
contribution précieuse aux travaux de la Cour. L’expérience qu’ils en tireront leur sera très bénéfique
dans la construction de leurs parcours personnels. Cette
voie de recrutement en sortie d’ENA est
essentielle. J’observe que le chiffre de cinq auditeurs ne permet pas à la Cour de satisfaire ses besoins
de jeunes magistrats. Je souhaiterais toujours que ce recrutement en sortie d’ENA puisse être élargi, ou
que s
oit envisagée la création d’une autre filière de recrutement, par exemple en sortie de grandes
écoles, notamment l’École Polytechnique.
Le serment que je vais recueillir dans quelques instants représente un moment important
dans la vie d’un magistrat. Gar
der le secret des délibérations, se comporter dans tous les aspects de sa
vie comme un digne et loyal magistrat, ces mots n’ont rien d’anodin
: ils représentent pour le magistrat
un engagement de rigueur et de probité exigeant, dans le cadre de son activité professionnelle mais
aussi en dehors de celle-ci. Je sais que chacun des magistrats et rapporteurs de la Cour est attaché à
ce serment, prononcé il y a plus ou moins longtemps, mais dont le souvenir demeure toujours présent. Il
est le complément indispen
sable de l’indépendance qui caractérise le statut de magistrat.
[…]
Dans un peu plus d’un mois, la Cour livrera dans son rapport public annuel de 2013 une
analyse détaillée de la situation des finances publiques. Sans anticiper sur ce qu’elle dira à cet
te
occasion, je souhaite profiter de cette audience solennelle pour formuler et rappeler quelques-uns de
nos messages.
Les gouvernements qui se sont succédé depuis trente ans ont presque tous affiché leur
volonté de maîtriser les finances publiques. Faut
e de détermination et de constance dans l’effort, ils n’y
sont jamais parvenus. La hausse quasi continue de la dette publique est venue sanctionner ces échecs
en même temps que la crédibilité de notre pays s’affaiblissait. Si la crise économique a contribu
é à
dégrader la situation des finances publiques, elle n’explique qu’une part limitée des déficits et de la
dette publique. Ainsi, en 2010, au plus fort de la crise, seul un tiers du déficit annuel était imputable à la
situation économique, le reste étant de nature structurelle.
Depuis cette année 2010, un redressement a été amorcé. Les engagements de réduction de
déficit pris sur 2010 et surtout 2011 ont été tenus. S’agissant de 2012, même si les chiffres définitifs ne
sont pas connus, l’année devrait mar
quer une nouvelle réduction significative du déficit, en particulier
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grâce aux mesures de correction de trajectoire arrêtées à mi-année. Ces mesures ont été définies à
partir des risques de dérapage que la Cour avait mis en évidence dans son rapport de juillet 2012 sur la
situation et les perspectives des finances publiques, fréquemment qualifié d’
« audit des finances
publiques ».
La situation des finances publiques reste toujours un sujet lourd de préoccupation, qu’on
l’apprécie de façon absolue ou qu’on
la compare à celle observable, en moyenne, au sein de l’Union
européenne, sans même parler de l’Allemagne qui pourrait se trouver dès 2012 dans une situation très
proche de l’équilibre. Une grande partie du chemin à faire est donc encore devant nous. Mon
premier
message est en conséquence le suivant :
l’effort engagé ne doit pas être relâché.
Comme le
Gouvernement s’y est engagé, il doit être poursuivi.
Ne cherchons pas
–
comme cela a trop souvent été le cas
–
à prendre appui sur la difficulté
de la situ
ation économique du moment pour renoncer à poursuivre l’effort structurel indispensable. La
gravité de la situation d’endettement impose que le redressement soit conduit sans relâche.
Naturellement, la meilleure répartition des mesures de redressement dans le temps doit être trouvée
afin de limiter l’impact négatif que celles
-ci peuvent avoir, dans un premier temps, sur la croissance.
Mais le retour à l’équilibre doit demeurer une priorité car il s’agit d’un enjeu essentiel
pour que la France
conserve ses c
apacités de choix, c’est
-à-dire sa souveraineté, et que les générations futures ne soient
pas pénalisées lourdement par une dette publique croissante. Il ne faut pas davantage se laisser tenter
par un recours toujours aussi massif à l’endettement en prétextant de taux d’intérêts historiquement
bas
: cette situation n’est que temporaire.
La réduction des déficits doit se poursuivre à un rythme soutenu, même s’il est essentiel qu’en
Europe, les politiques d’assainissement menées dans les différents États so
ient coordonnées et
accompagnées par des initiatives communautaires visant à stimuler la croissance potentielle. Au-delà
des objectifs fixés, l’intensité du redressement au cours d’une année donnée se mesure d’abord par
l’effort structurel, c’est à dire la
résultante des initiatives prises de réduction des dépenses et de hausse
des recettes. Chaque année doit connaître un effort structurel important pour garantir le retour à
l’équilibre structurel du pays. Celui programmé en 2013, de l’ordre de deux points
de PIB, représente
une amplification du rythme de redressement par rapport aux années précédentes.
Les mesures de redressement doivent
–
et ce sera mon deuxième message
–
porter
davantage sur la dépense publique.
La Cour l’a affirmé depuis plusieurs année
s : dans le
redressement à conduire, une priorité claire doit être donnée au levier « dépenses » par rapport au
levier « recettes ». Le contexte actuel nous conduit à réaffirmer de façon encore plus nette et plus ferme
ce principe d’action. En effet, tant
les efforts déjà réalisés par le gouvernement précédent que ceux
prévus en 2013 privilégient nettement les hausses de recettes. Or, les marges de manœuvre sur celles
-
ci sont des plus restreintes. Le niveau atteint par les prélèvements, la concurrence fisca
le qui s’exerce
entre Etats, y compris au sein de l’Union européenne, et le déficit de compétitivité dont souffre la
France, à côté de son déficit public, ce qui pénalise sa croissance, tous ces facteurs limitent la
possibilité d’action sur les recettes. Si la Cour a considéré qu’il était inévitable que des hausses de
recettes aient lieu, de préférence sous la forme de remise en cause de dispositions fiscales
dérogatoires, elle appelle aujourd’hui, compte tenu des mesures déjà prises depuis trois ans, à ce
que
l’effort de redressement qui reste encore à faire soit assuré par une baisse du poids des dépenses
publiques. La France va devoir, dans les années qui viennent, consentir à un freinage sans précédent
de la dépense publique. Elle doit parvenir à quasiment stabiliser en volume son évolution, alors que la
progression moyenne constatée au cours des dernières années a été de 2 % par an.
Cet effort, indispensable, est possible. De premiers progrès ont pu être constatés depuis
2010. Les travaux de la Cour publiés en 2011 et 2012 ont fourni maintes illustrations de dépenses
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publiques inutiles, ou qui n’atteignent pas les objectifs fixés, ou encore qui les atteignent à un coût trop
élevé au regard des résultats obtenus.
La culture de l’évaluation des politique
s publiques est encore très insuffisamment développée
en France. La création de nouveaux dispositifs pérennes a souvent été considérée comme une réponse
à un problème immédiat sans que les anciens dispositifs ne soient supprimés. Il en est résulté une
sédimentation complexe de dispositifs insuffisamment évalués. La dépense publique a atteint
1 119
Md€ en 2011, soit plus de 56
% du PIB, ce qui place la France au deuxième rang de l’OCDE,
alors même que son classement n’est pas aussi haut lorsqu’il s’agit de mesurer l’efficacité et la qualité
de l’action publique. Il est certain qu’au sein de cette ma
sse considérable, des poches de dépenses
inefficaces se sont progressivement constituées.
Il s’agit de soumettre les politiques publiques à
des évaluations plus systématiques et plus régulières
: c’est mon troisième message
. Cet
exercice, qu’on le nomme RGPP ou MAP, est essentiel pour le bon fonctionnement de l’État et d’une
démocratie. Il doit bien sûr être conduit en associant tous les acteurs, avec pour objectif d’identifier des
pistes d’économies et de favoriser autant que possible l’émergence de consen
sus autour des évolutions
possibles.
L’effort de maîtrise des dépenses, par son importance, impose à notre pays un changement
culturel important. Un euro de dépense publique doit être considéré par chacun comme une denrée
précieuse, que le dispositif soit modeste ou important. Il doit être mis fin aux inefficiences trop tolérées
jusque-
là, aux ciblages qu’on sait insuffisants. Il s’agit de réduire le nombre de dispositifs d’intervention
de l’État, de mieux les cibler, de mieux les gérer, de mieux en mesur
er les effets. La Cour continuera
d’apporter sa contribution à cette entreprise et prendra de nouvelles initiatives d’enquêtes et
d’évaluations de politiques publiques, ainsi que la Constitution le prévoit. Elle veillera à dégager au sein
de ses rapports t
oujours davantage de pistes d’économies possibles et d’amélioration de la qualité des
services publics. Le prochain rapport public annuel en sera une occasion.
L’effort est à notre portée, je l’ai dit, mais
il ne le sera
–
c’est mon dernier message –
que
s’il
concerne tous les acteurs de la dépense publique
: l’État bien sûr, qui a déjà consenti un effort
important sur ses dépenses de personnel et de fonctionnement, qui doit encore être prolongé, mais
également d’autres acteurs qui y ont jusque
-là plus ou moins échappé
: opérateurs de l’État,
administrations de sécurité sociale et collectivités territoriales. Compte tenu des masses en jeu, l’objectif
de redressement ne pourra être atteint que si les mesures portent aussi sur les grandes politiques
d’intervention de l’État très souvent partagées avec la sécurité sociale ou les collectivités territoriales
:
par exemple en matière de logement, de santé, de famille, de formation professionnelle, de retraites ou
d’aides aux entreprises.
Une telle exigence d’ensemble n’est pas contradictoire avec la définition de
priorités affirmées dans l’action publique.
Les mesures de redressement doivent aussi pleinement concerner les collectivités
territoriales. Si les finances locales sont dans leur ensemble dans une situation de quasi-équilibre, celui-
ci s’accompagne d’un dynamisme de la dépense peu compatible avec le redressement d’ensemble des
finances publiques. Le gel puis la réduction en valeur d’une partie des concours de l’État doit
s’accompagner d’une démarche incitant les collectivités à renforcer l’efficience de leurs dépenses de
fonctionnement et à mieux apprécier la pertinence de leurs dépenses d’investissement. Cette démarche
doit prendre en compte les situations difficiles que peuvent connaître certaines collectivités ou
catégories de collectivités, en particulier les départements. L’efficacité et l’ampleur des dispositifs de
péréquation peuvent donc, à cette occasion, être renforcées.
Le projet d’acte III de la décentralisation que vous êtes chargée de préparer
constitue une
occasion de rechercher une organisation des administrations territoriales plus rationnelle, plus lisible et
plus efficace. Une spécialisation plus poussée des différents niveaux de collectivités, ainsi que
l’élimination des compétences concu
rrentes, devraient être recherchées. De même, des mutualisations
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au sein des communes et des intercommunalités
paraissent s’imposer
: il serait légitime d’en attendre
une action énergique pour dégager les économies d’échelle que l’on est en droit d’attendr
e, à qualité de
services publics constante. Les juridictions financières apporteront tout leur concours à cette démarche
d’amélioration de la performance locale et la Cour reviendra sur ces sujets en septembre prochain dans
un rapport public spécifique sur les finances locales.
Tout approfondissement de la décentralisation doit s’accompagner d’un développement
parallèle des contrôles. C’est pourquoi
les chambres régionales et territoriales pourraient à l’occasion
de cet acte III se voir confier de nouvelle
s missions. J’ai adressé au Président de la République et au
Gouvernement plusieurs propositions en ce sens en septembre dernier. L’année 2013 marque la
trentième année d’existence des chambres régionales des comptes. J’ai souhaité qu’un colloque soit
orga
nisé pour faire le point sur le rôle essentiel qu’elles jouent et pour réfléchir aux moyens de les
conforter dans leurs missions. Je remercie monsieur le président du Sénat d’avoir accepté d’accueillir
ce colloque qui aura lieu le 1
er
février.
L’année 20
13 ne sera pas une année comme les autres dans la conduite des finances
publiques, en raison des engagements pris par la France en signant, puis en ratifiant le traité européen
sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Un dispositif nouveau de surveillance des finances
publiques a été mis en place par la loi organique du 17 décembre 2012.
En progressant sur ce sujet, notre pays ne fait pas que répondre à une attente de ses
partenaires européens, il prolonge un effort qu’il a engagé de lui
-même depuis plus de dix ans pour
rénover la gestion de ses finances publiques dans leur ensemble et les rendre plus transparentes.
Sera donc mis en place, à compter du 1
er
mars, un Haut Conseil des finances publiques,
chargé principalement de donner un avis a priori sur le projet de programme de stabilité, ainsi que sur
les projets de lois de programmation, lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale. Il lui
appartiendra notamment à ce titre d’apprécier la cohérence des textes financiers ave
c les orientations
pluriannuelles de solde structurel. Il portera également une appréciation sur les prévisions de
croissance et le solde structurel.
Je mesure pleinement l’importance et la difficulté de la tâche qui incombera au Haut Conseil,
organisme
indépendant, placé auprès de la Cour, et que j’aurai l’honneur de présider comme Premier
président de la Cour des comptes. Il devra trouver rapidement toute sa place dans nos institutions
républicaines, respecter rigoureusement les missions strictement définies qui sont les siennes et
éclairer par ses avis publics des choix qui, naturellement, seront ceux de la représentation nationale et
d’elle seule.
Le défi est de taille. L’estimation de la croissance économique potentielle est un exercice
délicat. L’appréciation de la cohérence des objectifs annuels de dépenses et de recettes avec l’objectif
de solde structurel ne l’est pas moins.
Au-delà de ce cadre légal, au-delà des futurs membres du Haut Conseil dont je ne doute pas
de la qualité, compte tenu des autorités qui procéderont à leur nomination, tout comme celle des
rapporteurs que la Cour va mobiliser pour alimenter les travaux, beaucoup dépendra aussi de la qualité
et de la richesse des informations qui lui seront communiquées et de la date à laquelle celles-ci lui
seront fournies par les administrations compétentes. Je serai exigeant sur ce point crucial. Le Haut
Conseil doit en effet être en mesure d’exercer pleinement ses attributions. Il ne saurait en pratique être
réduit à une chambre d’enregistrement. S’il ne disposait pas de toute l’information nécessaire à
l’élaboration de ses avis, il pourrait être conduit à estimer qu’il n’est pas en mesure de formuler d’avis.
Mais je ne doute pas que toutes les dispositions seront prises par monsieur le minist
re de l’économie et
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des finances, monsieur le ministre délégué chargé du budget et leurs services pour que ce risque ne se
réalise pas.
Je veillerai à ce que les rôles respectifs de la Cour et du Haut Conseil soient bien distingués
et s’exercent de façon
cohérente. La Cour continuera naturellement de jouer pleinement son rôle en
matière de contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la
sécurité sociale, de certification des comptes de l’Etat et du régime géné
ral de la sécurité sociale et,
bien sûr, d’analyse de la situation et des perspectives des finances publiques dans la ligne de l’audit de
juillet 2012.
La qualité des comptes publics et leur harmonisation au niveau européen représentent
également un enjeu
essentiel dans la recherche d’une meilleure transparence des finances publiques.
La Commission européenne a été chargée d’une évaluation de l’adéquation des normes internationales
dites IPSAS, applicables aux comptes des administrations publiques, aux comptes des Etats membres.
La Cour est très réservée sur la pertinence d’appliquer sans précaution les normes IPSAS en
Europe. Certes, ces normes ont le mérite d’exister au niveau international et il convient sans aucun
doute de s’en inspirer. Toutefois, leu
r application pleine et entière poserait problème. Elles sont en
partie inadaptées aux spécificités du secteur public, incomplètes et instables. Elles sont par ailleurs
élaborées par un organisme dont la légitimité, en matière de comptabilité publique, est contestable, dès
lors qu’y siègent essentiellement des experts privés et que les pouvoirs publics ne sont pas représentés
de façon institutionnelle, et peu écoutés.
Ce sujet de gouvernance est majeur et il mérite la plus grande attention des pouvoirs publics.
Il importe de veiller à ne pas abandonner à des comités autonomes et sans légitimité institutionnelle des
responsabilités portant sur des enjeux importants pour chacun des pays européens. La Cour, avec
l’appui notamment du président du conseil de no
rmalisation des comptes publics, appelle à la vigilance
sur ce point. Elle continuera son action en ce sens en 2013 en sensibilisant l’ensemble des institutions
supérieures de contrôle de l’Union européenne à cet enjeu central.
Au niveau national, la certification des comptes devrait connaître des progrès au sein des
administrations publiques, et ainsi contribuer au processus continu d’amélioration de leur qualité, initié
depuis la LOLF. En 2009, le législateur a décidé de confier à la Cour des comptes une nouvelle mission
de certification des plus importants établissements publics de santé. Monsieur le Premier ministre, nous
savons que le gouvernement est déterminé à ce que ce processus soit prochainement mis en œuvre et
la Cour s’y prépare. Elle se prépar
e également à assurer les missions de certification des comptes des
deux assemblées parlementaires. Messieurs les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, je me
réjouis de la démarche partenariale qui est engagée avec chacune des Assemblées.
Enfin, la Cour a proposé que soit expérimentée, sur la base du volontariat, la certification des
comptes des principales collectivités territoriales. Il s’agit d’un enjeu important pour l’amélioration de la
qualité de leur gestion, à travers une meilleure connaissance de leur patrimoine et de leurs
engagements financiers par exemple. Le Président de la République a reçu favorablement cette
proposition ici-
même, il y a six mois, nous espérons qu’avec votre soutien, Monsieur le Premier
ministre, des propositions seront faites au législateur en ce sens.
Ces exemples de nouvelles missions, parmi d’autres, mettent en évidence le mouvement
continu d’adaptation que les juridictions financières connaissent depuis plus de dix ans. Chacun le
constate, peu d’institutions r
épublicaines anciennes ont opéré une transformation aussi importante que
celle qu’a connue et continue de connaître la Cour
et avec elle les chambres régionales et territoriales
des comptes : elles assument de nouvelles missions, et cherchent à se rendre toujours plus utiles aux
décideurs comme aux citoyens. Elles modernisent leur organisation interne et leurs procédures. Elles le
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font sans concession sur l’exigence professionnelle et le respect des procédures, afin que leurs travaux
demeurent irréprochables. En contrepartie de ce dynamisme et de cette qualité maintenue, elles sont
de plus en plus visibles et reconnues dans l’opinion. La Cour répond ainsi de façon croissante à sa
mission constitutionnelle d’informer le citoyen.
L’année 2012 a mis en évidenc
e cette dynamique. La Cour, à la place qui est la sienne et
sans se substituer à l’autorité politique, a été présente dans le débat public. Les développements qu’elle
a consacrés aux finances publiques dans son rapport annuel, publié avant la campagne présidentielle,
ont contribué à sensibiliser les décideurs et les électeurs à l’importance de ce sujet. La Cour y est
revenue de façon plus approfondie en juillet, avec l’audit des finances publiques. Plusieurs
publications
importantes ont jalonné l’année
: les coûts de la filière électronucléaire en janvier, la sécurité sociale en
septembre, Science-Po en novembre, et, en décembre, notre cinquième évaluation de politique
publique de l’année 2012 consacrée à la lutte contre le tabagisme, pour n’en citer que qu
elques-unes.
Depuis 2012, outre les rapports publics, la Cour rend désormais publics ses référés, dès lors qu’ils ne
contiennent pas de secrets protégés par la loi. J’avais souhaité cette évolution en arrivant à la Cour.
Dans ce cadre ont été publiés pas moins de 34 référés sur des sujets aussi différents que le Grenelle
de l’environnement, l’Institut du Monde Arabe, le projet ferroviaire Lyon
-
Turin ou encore l’égalité des
chances et la répartition des moyens dans l’éducation nationale. Je n’oublie pas les
rapports livrés au
Parlement à sa demande, sur des sujets également divers : le retour de la France dans les structures
de commandement intégré de l’OTAN ou l’organisation du secours en montagne.
En 2012, de nombreuses évolutions internes se sont concrétisées : le regroupement de
chambres régionales des comptes au printemps, la simplification du fonctionnement de la chambre du
conseil, qui est l’instance collégiale la plus solennelle de la Cour, la modernisation des formations
communes entre la Cour et les chambres régionales et territoriales, le lancement du nouveau site
internet. Nous avons également mis en œuvre deux revues par les pairs, l’idée étant de soumettre la
Cour au regard critique et constructif de nos collègues étrangers
: l’une de ces revues
portait sur
l’organisation et le fonctionnement de la Cour, réalisée par le Tribunal des comptes du Portugal, l’autre
sur les activités de certification, réalisée par le Bureau d’audit de Finlande. Ces revues nous permettent
de continuer à évoluer, car nou
s croyons trop dans la nécessité d’une modernisation continue des
administrations et dans l’utilité du contrôle et du regard extérieur pour ne pas nous appliquer ces
principes à nous-mêmes. Une rigoureuse maîtrise des dépenses de fonctionnement par les juridictions
financières, et l’engagement des pouvoirs publics de garantir des moyens constants, nous ont permis
jusque-là de remplir les nouvelles missions qui nous sont régulièrement confiées, alors même que nos
effectifs et moyens sont sensiblement moins importants que ceux de nos homologues étrangères,
notamment britannique et allemande.
Je suis certain que l’année qui vient sera une occasion pour les juridictions financières de
jouer un rôle toujours croissant parmi les institutions de la République. Avec le souci permanent de la
rigueur, de la qualité, de la pertinence et de l’utilité de nos travaux, je forme le vœu qu’elles continuent
de mériter la confiance que placent en elle les citoyens, les pouvoirs publics, le législatif comme
l’exécutif. Elles apporteront leur contribution à l’entreprise de redressement des comptes publics et
d’amélioration de la qualité des services publics.
Je conclurai en exprimant à chacun et chacune d’entre vous mes vœux les meilleurs pour
l’année 2013.
L’audience est levée. Mais je vous demande de bien vouloir demeurer quelques instants à
votre place afin que je puisse, avec Monsieur le Procureur général, raccompagner monsieur le Premier
ministre et mesdames et messieurs les membres du Gouvernement.
Je vous remercie.