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Chapitre IX
Le rôle de l’ordre national des médecins
dans l’organisation des soins et le
respect de la déontologie médicale
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L
E ROLE DE L
ORDRE NATIONAL DES MEDECINS DANS L
ORGANISATION
DES SOINS ET LE RESPECT DE LA DEONTOLOGIE MEDICALE
265
_____________________
PRESENTATION
_______________________
L’ordre national des médecins est composé d’instances élues par les
médecins qui sont obligatoirement inscrits auprès de lui pour pouvoir
exercer. Créé dans sa forme actuelle par une ordonnance du 24 septembre
1945
245
, il a été dès l’origine qualifié par un arrêt du Conseil d’État
d’organisme privé chargé d’une mission de service public dans l’intérêt
des patients et de la santé publique. Il veille en effet, selon les termes de
l’article L.
4121-2 du code de la santé publique, « au maintien des
principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement
indispensables à l’exercice de la profession de médecins
» et assure « la
défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession médicale
»
246
.
Son rôle dans l’organisation des soins et dans le respect de la
déontologie médicale est ainsi majeur. C’est en particulier à ces missions
que la Cour s’est intéressée en 2011, à l’occasion d’un contrôle plus
général sur les comptes et la gestion du conseil national de l’ordre.
L’enquête menée par la Cour fait apparaître son inégale
contribution à l’organisation du système de soins (I) et la portée très
limitée du contrôle du respect
de la déontologie médicale qu’il exerce (II).
L’ordre des médecins est organisé en 127 conseils, aux niveaux
national, régional et départemental. Indépendants, ils sont chargés, chacun
à son niveau, de l’ensemble des missions générales de l’ordre. Ce sché
ma,
qui suit de près l’organisation administrative du pays, conduit à de fortes
hétérogénéités de ses structures locales : si le conseil départemental de
Paris compte plus de 23 500 praticiens, ceux de Guyane, de Lozère et de
cinq autres départements en regroupent bien moins de 500 chacun.
Le code de la santé publique confère au conseil national un pouvoir
limité à l’égard des autres conseils. Il fixe le montant de la cotisation
ordinale ainsi que les quotités attribuées aux conseils régionaux et
départementaux. La loi « hôpital, patients santé, territoires » (HPST) de
245. Un ordre a été créé une première fois par deux lois de 1940 et 1942, dans une
conception corporatiste où il se substituait notamment aux syndicats de médecins. Il a
été aboli par une ordonnance de décembre 1944.
246.
Un accord est intervenu dès 1946 pour répartir les tâches entre l’ordre nati
onal
des médecins et les organisations syndicales représentatives de médecins, le premier
étant chargé de la déontologie et du contrôle des contrats individuels conclus par les
médecins dans leur exercice et les secondes se réservant la négociation avec
l’assurance maladie des conventions nationales aujourd’hui visées à l’article L.
162-5
du code de la sécurité sociale. Une loi du 4 janvier 1993 a créé les unions régionales
des médecins libéraux (URML) qui contribuent à l’amélioration de la gestion du
système de santé et de la qualité des soins, dans le cadre de missions que leur
attribuent les conventions et les organisations syndicales décrites supra.
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juillet 2009 l’a toutefois chargé de la validation et du contrôle de la gestion
de ces derniers. Il reçoit d’eux leurs documents budgétaires et comptables,
dont il fixe, dans un « règlement de trésorerie », les modalités
d’administration, de validation et de contrôle. La commission de contrôle
des comptes et des placements financiers, placée auprès du conseil
national, établit un rapport très sommaire sur leurs comptes. Un
commissaire aux comptes certifie ceux du seul conseil national depuis
2009.
Le code charge les conseils régionaux d’assurer «
notamment les
fonctions de représentation de la profession dans la région ainsi que celle
de coordination des conseils départementaux ».
L’ordre compte
au total environ 530 salariés (90 au niveau national,
55 dans les régions, 385 dans les départements) et 3 669 mandats électifs
(54 conseillers nationaux, 457 régionaux et 3 158 départementaux). Ses
dépenses ont été de 59
M€ en 2010 (19
M€ pour le conseil national, 6
M€
pour les conseils régionaux et 34
M€ pour les conseils départementaux)
pour 72
M€ de produits, dégageant ainsi un résultat global de 13,3
M€, qui
a porté ses réserves de trésorerie à 83,6
M€ au 31 décembre 2010
.
I -
Une contribution inégale à l’organisation des
soins
A
Un suivi de la profession dans l’ensemble bien
assuré
1
Un rôle majeur de l’ordre avec l’inscription au tableau
Le tableau de l’ordre est le fondement du contrôle de l
a profession.
Le délit d’exercice illégal de la médecine, constitué en cas de non
inscription, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30
000
d’amende.
La tenue du tableau est donc une activité essentielle des conseils.
Elle incombe surtout au niveau départemental, qui reçoit les demandes
d’inscription et au niveau national, où est assurée la cohérence de
l’ensemble. Les transferts, près de 8
000 par an, sont plus nombreux que
les premières inscriptions (un peu plus de 5 000). Le conseil national gère
également la « liste spéciale » des médecins inscrits en France mais
établis à l’étranger. Au total, 270
000 médecins (incluant 51 000 retraités)
étaient inscrits au tableau fin 2011.
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L’observation de la démographie médicale par l’ordre
Au-delà du contrôl
e de l’exercice de la profession, le tableau des
médecins est une base utile à l’étude de la démographie médicale.
Le conseil national publie tous les ans un atlas de la démographie
médicale, en deux nationaux de plus de mille pages, donnant lieu à la
pub
lication de 23 plaquettes régionales. L’édition 2011 a
pour la première
fois analysé la situation dans les 2
215 bassins de vie définis par l’INSEE.
Cet atlas vise à éclairer les choix nationaux de l’État et les dé
cisions
régionales des ARS, en particulier
pour la planification de l’offre de soins.
Il confirme que les disparités se creusent entre régions, en leur sein et à
l’intérieur des bassins de vie.
Une convention conclue entre le conseil national et le ministère de
la santé permet à celui-
ci d’utilise
r ces données. La direction de la
recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques a ainsi réalisé des
projections annonçant une baisse des effectifs de médecins pendant
environ une dizaine d’années, qui serait suivie d’une hausse dépassant
largement le niveau actuel
247
.
La portée du tableau n’est
pourtant
pas universelle, puisqu’il ne
s’applique pas «
aux médecins (…) appartenant aux cadres actifs du
service de santé des armées », ni à ceux qui, « ayant la qualité de
fonctionnaire de l’État ou d’agent titulaire d’une collectivité locale, ne
sont pas appelés, dans l’exercice de leurs fonctions, à exercer la
médecine » (article L. 4112-6 du code de la santé publique).
La Cour a par ailleurs constaté la situation temporairement illégale
de centaines de jeunes médecins qui prennent chaque année leurs
fonctions de chefs de clinique des universités-assistants des hôpitaux
plusieurs semaines ou plusieurs mois avant d’être inscrits au tableau
248
.
2
Une implication active dans la reconnaissance des
qualifications
Des évolutions juridiques ont accru le champ et le contenu de
l’inscription au tableau des médecins. Le principe européen de la
247. RALFSS 2011, chapitre V
La répartition territoriale des médecins, p. 147.
248. Cet état de fait se produit lorsque le recrutement et la prise de fonction sont
immédiats et avant que les diplômes n’aient été délivrés par les universités, tâche qui
prend actuellement jusqu’à plusieurs mois. En l’absence de réactions du ministère de
la santé ou des ARS, cela a conduit à des pratiques hétérogènes visant à en réduire la
durée. A la suite du constat de la Cour, le conseil national a recommandé fin 2011 aux
conseils départementaux une procédure y remédiant et la conférence des doyens et
coordonnateurs des facultés de médecine a élaboré une révision du calendrier
correspondant.
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reconnaissance automatique des diplômes et l’adoption de la directive
2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications ont étendu
notablement les possibilités d’inscription au
tableau. De nouveaux
mécanismes d’autorisation complètent ce dispositif. La procédure
d’autorisation d’exerci
ce donne ainsi la possibilité au ministre de la santé,
sur proposition d’une commission auprès de l’ordre, d’autoriser
individuellement à exercer des titulaires d’un diplôme hors Union
européenne ou des médecins diplômés dans l’Union mais d’une autre
nationalité. Le régime général européen permet, depuis juillet 2010, dans
deux cas
249
, l’autorisation d’exercice, au prix le cas échéant de stages,
formation
complémentaire ou épreuve d’aptitude.
Une loi de 2002 a par ailleurs rendu obligatoire l’enregistrement
des qualifications (c'est-à-dire des spécialités médicales, y compris celle
de généraliste).
Ces nouvelles voies ont pris une importance certaine, comme en
témoigne le tableau établi par le conseil national sur les années 2009 et
2010 :
Mode d’obtention des qualifications en 2009 et en 2010
Mode
d’obtention
Diplôme
qualifiant
Commission de
qualification
250
Procédure
d’autorisation
d’exercice
Régime
général
européen
Diplôme
UE/Suisse
Total
Nombre
8 119
1 470
1 276
65
1 372
12 302
%
66
11,9
10,4
0,5
11,2
100
Source :
CNOM
L’ordre a un rôle important dans ces procédures. Il dispose de
l’ensemble des
responsabilités pour ce qui concerne les qualifications et
la reconnaissance des diplômes européens. Il intervient par ailleurs dans
les procédures d’autorisation ministérielles parce que ses membres
siègent systématiquement dans les commissions qui examinent les
dossiers ou parce qu’il assiste les services ministériels dans leur
secrétariat.
249.
Les titulaires de titres de formation d’un État tiers reconnus dans un État de
l’Union européenne et les titulaires de titres de formation délivrés par un État de
l’Union ne répondant pas aux conditions de reconnaissance mais permettant d’exercer
légalement dans cet État.
250. Cette commission examine les demandes de changement de spécialités déposées
par les médecins, hors médecine générale.
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Il apprécie la validité des pièces justificatives. À la demande de la
Cour, le conseil national a calculé que, dans un échantillon représentatif
de dix départements, les faux documents, parfois français, détectés à cette
occasion représentaient entre 2 à 5 % des documents reçus dans ce cadre.
Ces fraudes ont conduit, selon les cas, à des procédures civiles, pénales
ou disciplinaires.
Les aléas de la formation continue des médecins
Le conseil national s’est vu confier, entre décembre 2006 et juin
2010, la gestion, par délégation du ministère de la santé, des crédits et du
fonctionnement des conseils de la formation médicale continue (FMC).
Celle-ci a connu une très lente
gestation. L’ordonnance du 24 avril 1996
en a posé les principes, la loi du 4 mars 2002 les a formalisés, un décret du
11 novembre 2003 a créé trois conseils nationaux (médecins libéraux,
hospitaliers, salariés) installés en 2004, le dispositif législatif et
règlementaire a été complété en 2005 et 2006 et une convention de gestion
a enfin été signée fin 2006 entre le ministère de la santé et le conseil
national. L’ensemble du dispositif a été abandonné en moins de temps
qu’il n’en avait fallu pour le mettre en place, puisque dès l’origine, les
conseils régionaux de la FMC prévus par les textes ont été laissés de côté
et que la loi HPST a instauré en juillet 2009 un nouveau dispositif, le
« développement professionnel continu », sur des bases nouvelles et en
dehors de l’ordre.
Le conseil national n’intervenait pas dans les actions de formation
elles-mêmes, pas plus que dans les décisions prises par les conseils de la
FMC autrement que par le fait que plusieurs de ses membres y siégeaient.
En revanche, il a pris en charge de 2006 à 2010 la gestion de ces conseils
(recrutement de cinq contractuels, location de locaux, achats de matériel
et
c.) et l’enregistrement des instituts de formation. Il s’est bien acquitté de
cette tâche, pour un coût limité.
En revanche, la lenteur du ministère de la santé à mettre en place le
nouveau cadre règlementaire du développement professionnel continu (la
loi est de juillet 2009, les décrets d’application de décembre 2011) a
conduit à deux années de fonctionnement à rythme très ralenti de la FMC
avant qu’elle ne soit supprimée au deuxième semestre 2010. Cet arrêt
continue à occasionner des frais de liquidation (bail non résiliable en
cours, notamment) dont le total n’est pas encore connu.
L’ordre n’a plus de rôle de gestion dans le
nouveau dispositif, mais,
au travers de ses conseils départementaux, il a une fonction
, qui n’est
toujours pas formalisée par l’État,
de promotion et de vérification que
l’obligation annuelle de développement continu des médecins est bien
remplie.
Le conseil national, autorité compétente au sens de la directive
européenne citée plus haut, alimente en statistiques le système
d’information du marché intérieur communautaire (IMI). Il a aussi été
chargé par le ministère de la santé, dans des conditions qui devraient être
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mieux formalisées, de délivrer aux médecins français des attestations de
conformité quand elles leur sont nécessaires hors de France.
Par ailleurs, s’agissant des risques d’insuffisances professionnelles,
les articles L. 4112-3 et L. 4113-14 du code de la santé publique, issus de
la loi HPST de juillet 2009, introduisent un nouveau dispositif de contrôle
de la profession médicale. Il permet, lorsque l’insuffisance profession
-
nelle du praticien peut être soupçonnée, que le directeur général de l’
ARS
décide sa suspension temporaire dès lors que la santé du patient est mise
en danger. Il doit simultanément saisir les instances de l’ordre des
médecins qui statuent sur le fond
251
. Les textes d’application de ces
dispositions n’ont toutefois pas encore é
té pris par le gouvernement.
3
Des missions élargies à la tenue du répertoire partagé des
professions de santé
Le répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) est une
base de données recensant l’ensemble des professionnels de santé dotés
d’un ordre,
en leur attribuant un numéro unique d’identification qu’ils
garderont tout au long de leur carrière. Sa mise en œuvre a simplifié les
démarches des médecins, tout en assurant une meilleure communication
entre les acteurs (ordre, agences régionales de santé -ARS- et assurance
maladie). L’ordre est ainsi devenu l’autorité unique d’identification
formelle des médecins civils et de leur enregistrement
252
.
Pour les médecins, la mise en œuvre du RPPS n’est intervenue que
par l’arrêté du 17 octobre 2011, en décalag
e avec les pharmaciens
(janvier 2010), les sages-femmes (août 2010) et les chirurgiens-dentistes
(septembre 2011) et très longtemps après que la loi du 20 décembre 2004
en eût arrêté le principe. Manquent encore les textes d’application
nécessaires à l’enr
egistrement des internes en médecine.
251. Antérieurement à ces nouvelles dispositions législatives, les ARS ainsi que les
autorités qui les ont précédées, avaient déjà des possibilités de saisine de l’ordre mais
celles-
ci n’ont guère été utilisées. A la suite de ce constat, le ministère de la santé
prévoit de leur adresser une instruction à ce sujet.
252.
L’autre autorité d’enregistrement de médecins au RPPS est le service de santé
des armées. D’autres médecins ne sont pas inscrits au RPPS alors qu’ils accèdent à
des données de santé sur un fondement juridique particulier (les médecins des
héberg
eurs de données de santé, de l’assurance maladie, les médecins responsables de
l’informatique médicale, les médecins inspecteurs de santé publique…). Ces métiers
sont cependant soumis au respect du code de déontologie et leur exercice devrait donc
requérir une inscription au tableau et au RPPS dans des sections appropriées.
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Parmi les raisons de ces retards, il y a la complexité intrinsèque de
l’opération, l’ajout de données complémentaires et
la mobilisation lente
de l’ordre, qui n’a augmenté significativement les moyens nécessaires
qu’à
partir de 2009.
La difficulté de la coordination entre les acteurs et l’opérateur
maître d’ouvrage du RPPS (le GIP ASIP) a également contribué à ralentir
ces travaux. La situation s’est toutefois améliorée avec l’instauration d’un
comité de pilotage mensue
l par le GIP ASIP, à la fin 2011, à l’initiative
de la caisse nationale d’assurance maladie notamment.
Cependant, bien que le numéro RPPS remplace le numéro ADELI
d’identification des médecins par les caisses d’assurance maladie, ces
dernières continuent à reconnaître exclusivement chaque médecin par le
numéro ADELI, de la même façon que l’ordre continue d’utiliser le sien.
Les numéros RPPS sont progressivement inscrits dans les cartes à puce de
professionnels de santé (CPS) au fur et à mesure de leur renouvellement,
effectué par fusion avec la carte ordinale. La généralisation de leur usage
en
milieu
hospitalier
suppose
une
harmonisation
des
systèmes
informatiques dont les modalités, le calendrier et le financement ne sont
pas encore connus.
B
Un positionnement contrasté sur les questions liées
à l’accès aux soins
1
Une mission réduite depuis 2003 pour une permanence des
soins de plus en plus difficile à assurer
La permanence des soins
253
ne repose plus depuis un décret de
2003 sur une obligation de garde pour les médecins supervisée par
l’ordre
, qui rencontrait des difficultés à faire respecter ce devoir
déontologique. Désormais principalement fondée sur le volontariat (sous
réserve de réquisitions éventuelles par le préfet), elle est maintenant
rémunérée par l’État et l’assurance maladie et gérée, à la suite de la loi
« Hôpital, patients, santé, territoires » du 21 juillet 2009, par les agences
régionales de santé (ARS) qui se sont alors substituées dans ce rôle aux
préfets de départements.
L’ordre y joue désormais un rôle de facilitateur et d’expert, en
vérifiant au niveau départemental que les tableaux sont convenablement
établis, en attestant la capacité des volontaires à exercer la permanence,
en dressant la liste des exemptés qui ne pourront pas être réquisitionnés et
253.
Ce dispositif organise la mise en place d’un système de garde pour répondre à la
demande de soins non programmés la nuit, le week-end et les jours fériés.
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celle des médecins susceptibles d’exercer la permanence des soins, en
actualisant, au fil des désistements, les tableaux de garde. Cette expertise
et le contact qu’il maintient avec les médecins en fait un acteur important
dans le processus d’évo
lution des dispositifs locaux de permanence des
soins, comme l’évolution de la sectorisation. La concertation avec l’ARS
exige une bonne coordination au sein de l’ordre, qui n’a pas de pouvoir
de décision
: le conseil régional est en effet associé à l’élab
oration du
cahier des charges de la permanence des soins alors que le travail de
terrain incombe aux conseils départementaux que l’ARS consulte par
ailleurs directement pour les dispositions les concernant.
L’implication de l’ordre, matérialisée notamment
au niveau
national par la mise au point d’un logiciel de gestion des gardes
largement répandu, est par ailleurs variable d’un département à l’autre,
alors que le taux de volontariat ne cesse de se dégrader : le pourcentage
de départements disposant de plus de 60 % de volontaires a chuté de
81 % en 2007 à 71 % en 2011
254
. La permanence est notamment de plus
en plus difficile à assurer en zone rurale.
2
Une adaptation insuffisante de l’ordre à la réorganisation
régionale du système de santé
L’extension des compé
tences des conseils régionaux, en 2007, a
été inscrite dans la perspective de la réorganisation régionale du système
de santé piloté par les agences régionales de santé. Le code de la santé
publique prévoit désormais que le directeur général de ces agences les
« consulte sur les questions relevant de leur compétence ». Compte tenu
des délais de constitution puis de montée en puissance des ARS, ce rôle
n’a pris réellement consistance qu’à partir de 2010. Il se traduit par
d’intenses activités de réunion et d
e concertation. La Cour a toutefois
constaté des difficultés dans leur préparation et leur suivi, ainsi que dans
la coordination des positions qui y sont prises. Des comités informels de
coordination entre conseils départementaux ont subsisté jusqu’en 2012
dans plusieurs régions, en concurrence avec le rôle propre du conseil
régional. Le conseil national a annoncé des outils destinés à faciliter les
échanges d’information autour de ces sujets. Il a commencé à organiser
des réunions nationales thématiques afin de partager les expériences et
d’en tirer des éléments communs d’intervention.
La réforme des conseils régionaux apparaît donc encore en partie
virtuelle. La stratégie de l’État et de l’assurance maladie en matière de
254.
L’ordre considère qu’une des causes réside dans l’absence d’assurance par l’État
des risques encourus lors de ces permanences.
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santé bénéficierait sans doute d’un
e structuration plus ordonnée et
vigoureuse de l’apport de l’ordre dans les régions
, ce qui lui permettrait
au demeurant de mieux mobiliser ses membres les plus jeunes, qui sont
aussi les plus engagés dans leur activité professionnelle.
C
Des prises de position parfois vigoureuses sur
l’évolution du système de soins
Le conseil national, dans le cadre de la défense de la profession ou
de la déontologie, exprime très régulièrement son opinion (deux ou trois
fois par mois en moyenne) et intervient en particulier sur les questions
liées à l’assurance maladie. Ainsi a
-t-il en 2011 critiqué les modalités de
dématérialisation des protocoles de soins de longue durée engagée par
celle-ci ou exprimé avec vigueur son analyse de la convention médicale
du 26 juillet 2011 e
n termes de déontologie et d’exercice professionnel.
Lors de la mise en place des contrats d’amélioration des pratiques
individuelles (CAPI), le conseil national a fait connaître son opposition,
pour des motifs déontologiques, sans toutefois donner de consigne. Des
conseils départementaux ont cependant déconseillé plus ou moins
explicitement, dans des courriers adressés aux médecins, la signature de
ces contrats.
Des appréciations divergentes sur leurs responsabilités respectives
dans les résultats très décevants de la lutte contre les manquements au tact
et à la mesure dans la fixation des honoraires ont occasionné début 2012
une vive polémique par voie de presse entre la caisse nationale
d’assurance maladie et le conseil national de l’ordre, dans un contex
te
évoqué infra. Le conseil national de l’ordre a indiqué dans un
communiqué de mai 2012 qu’il entendait modifier son approche sur la
question des rémunérations en recommandant que les médecins du
secteur 2 réservent au moins 30 % de leur activité au tarif du secteur 1 et
que les dépassements d’honoraires soient plafonnés et modulés en
fonction notamment du patient et du reste à charge qu’il peut assumer.
*
*
*
Ainsi, alors que l’ordre réalise efficacement des tâches telles que
l’inscription des médecins au tableau, d’autres missions ne se sont pas
toujours concrétisées ou modernisées de façon pleinement convaincante,
que ce soit du fait de l’État ou, à des niveaux divers, de l’ordre.
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II - Un contrôle du respect de la déontologie
médicale à la portée trop limitée
Le code de déontologie est à la base des positions de l’ordre et de
ses décisions dans le contrôle de la profession (examen des contrats, des
relations des médecins avec l’industrie), comme dans la défense des
intérêts des patients (respect du tact et de la mesure dans les honoraires
notamment). C’est aussi la référence des décisions disciplinaires.
Ce code est publié par décret et intégré au code de la santé
publique. Encore très général dans sa première édition de 1947 qui
reprenait largement les princ
ipes de la déclaration d’Hippocrate, il s’est
précisé au cours du temps. Ainsi, sa quatrième édition a-t-elle accentué en
2009 la prise en compte des droits des malades, la nécessité de les
informer et précisé la fonction de conseil du médecin. Le code suit
également les évolutions scientifiques et techniques, l’émergence de
nouvelles pratiques professionnelles, ainsi que les débats contemporains
sur la bioéthique et la fin de vie.
La portée du code de déontologie se trouve accrue par ces
nouveaux apports m
ais sa mise en œuvre est affectée par des
insuffisances d’application.
A
De nombreuses difficultés dans le traitement des
plaintes
1
Un dispositif d’une portée très large
Le respect du code de déontologie est d’abord assuré par les
chambres disciplinaires des
conseils régionaux de l’ordre, en
premier
ressort et par la chambre d’appel du conseil national. Elles statuent sur les
plaintes qui sont déposées en grande partie par des patients ou d’autres
médecins. A côté des manquements à la confraternité ou aux devoirs
envers les patients, des actes entraînant une déconsidération de la
profession, des fautes de diagnostic, les chambres disciplinaires ont à
connaître, avec une fréquence un peu moindre, des problèmes de secret
professionnel, de refus de soins, ou d’im
mixtion dans les problèmes
familiaux. Des sections des assurances sociales (SAS), à l’organisation
similaire, jugent des fraudes, abus et autres faits relevés à l’encontre de
praticiens, par l’assurance maladie le plus souvent, mais aussi, selon les
textes
, par l’Etat et l’ordre des médecins.
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Malgré l’ampleur de leur champ d’intervention, ces instances n’ont
guère été actionnées pour sanctionner les excès de dépassements
d’honoraires, dont la croissance a été constatée ces dernières années et
qui sont, dans certains cas, antinomiques avec les notions de tact et de
mesure inscrits dès l’origine dans le
code de déontologie
255
.
Une composition des instances juridictionnelles demeurant centrée sur
la profession médicale
Une réforme importante de la procédure a ét
é mise en œuvre par la
loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité des
systèmes de santé, qui n’a été que tardivement suivie de décrets
d’application, en 2005
-2007. Les instances qui jugent des plaintes sont
depuis lors formellement distinctes des organes de représentation de la
profession, même si elles restent administrées par les conseils régionaux
de l’ordre. Le plaignant a acquis la qualité de partie, tandis qu’une
conciliation obligatoire doit être organisée au niveau des conseils
départementaux
avant
le
dépôt
de
toute
plainte.
Les
chambres
disciplinaires sont maintenant présidées par des magistrats des tribunaux
administratifs -les sections des assurances sociales ont quant à elles
toujours été présidées par des magistrats, tant au niveau de la première
instance que de l’appel
-, sans que ce changement de présidence ne se soit
accompagné de la création d’un rapporteur public.
L’effort d’ouverture de la loi de 2002 n’a toutefois pas
fondamentalement remis en cause une composition de ces instances
reposant sur l’appartenance au monde médical. A l’exception de leur
président, elles sont en effet exclusivement composées de médecins, élus
en totalité par le conseil régional de l’ordre dans le cas des chambres
disciplinaires et pour moitié dans celui des sections des assurances
sociales, dont l’autre moitié est formée de médecins de l’assurance
maladie.
2
Une organisation parfois défaillante
Activité des chambres disciplinaires et des SAS
Affaires enregistrées
2007
2008
2009
2010
Total
Chambres disciplinaires
1 344
1 356
1 379
1 193
6 351
Section des assurances sociales
273
160
228
163
824
Source :
CNOM
255
.
Par ailleurs, le régime général signale à l’ordre, qui peut les déférer à la chambre
disciplinaire ou aux ARS, les cas de pratique dangereuse, qui sont en nombre
décroissant : 34 signalements en 2008, 21 en 2009, 12 en 2010 et 14 de janvier à
octobre 2011.
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276
a)
Des sections des assurances sociales très peu utilisées
Les saisines des sections des assurances sociales sont relatives
aussi bien à la
qualité des soins qu’au respect de la plus stricte économie
et des règles qui s’appliquent aux prescriptions. Mais ces sections peuvent
contribuer à la bonne utilisation de ses ressources, l’assurance maladie y
recoure très rarement (824 affaires entre 2007 et 2010) et de manière
décroissante, puisqu’il n’y a eu que 163 saisines en 2010 contre 273 en
2007. Une seule plainte émanant des services de l’État a été recensée
entre 2007 et 2011. Les conseils départementaux ne leur défèrent
pratiquement jamais d’affaires, alors qu’ils ont une ample connaissance
de faits incriminants mais ils ne disposent pas de moyens légaux
d’investigation. Le nombre des saisines est au demeurant très variable
selon les régions, puisqu’en moyenne sur 2007
-2010, la section des
assurances sociales de Champagne-Ardenne a enregistré une plainte pour
162 médecins inscrits, alors qu’à l’autre extrémité, en Haute
-Normandie,
il n’y en a qu’une pour 1
202 inscrits.
b)
Des délais de traitement des plaintes qui restent parfois élevés
dans les chambres disciplinaires
La réforme de 2002 a provoqué une forte croissance des doléances
relevant des chambres disciplinaires et arrivant dans les conseils
départementaux, estimée par le conseil national à près de 50
%. L’ordre a
évité un engorgement de la procédure, grâce notamment au succès de la
procédure de conciliation qui permet de résoudre près de la moitié des
affaires, notamment les plaintes de patients, qui demeurent peu
nombreuses. De ce fait, le nombre de saisines disciplinaires en première
ins
tance n’a pas significativement augmenté (1
158 en 2007, 1 170 en
2011). Le nombre d’affaires en instance en fin d’année s’est même
nettement réduit, passant de quinze à neuf mois d’activité entre 2007 et
2011.
Au niveau de l’instance nationale d’appel, le
nombre d’affaires
s’est en revanche accru (de 252 à 304 décisions), de même que les stocks
en fin d’année (de 80 à 342), ce qui signifie des délais supérieurs à dix
-
huit mois pour certaines affaires. La durée de la procédure n’a donc pas
été significative
ment réduite en cas d’appel.
Malgré l’efficacité de la procédure de la conciliation préalable en
cas de plaintes relevant des chambres disciplinaires, le conseil national en
constate l’absence dans 20
% des cas, en dépit de l’obligation légale.
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E ROLE DE L
ORDRE NATIONAL DES MEDECINS DANS L
ORGANISATION
DES SOINS ET LE RESPECT DE LA DEONTOLOGIE MEDICALE
277
c)
Des faiblesses préoccupantes dans les deux dispositifs
La proportion très élevée, même si elle est en diminution,
d’annulation des décisions des chambres disciplinaires régionales par la
chambre nationale (42 % en 2007, 34 % en 2011) et notamment (à 28 %)
pour des q
uestions de procédure, peut amener à s’interroger sur la qualité
de la préparation des décisions, au moins sur le plan matériel et
procédural. En revanche, celles de la chambre nationale ne sont
quasiment jamais remises en cause par le Conseil d’État en ca
ssation.
Il en est de même pour les décisions des sections d’assurance
sociale puisque le taux de réformation ou d’annulation de la section
nationale a été de 59 % entre 2007 et 2010. Les annulations pour des
raisons de procédure sont peu nombreuses. Un calcul effectué par la
CNAMTS dans une région sur l’évolution des sanctions décidées en
première instance et en appel montre d’ailleurs que le niveau national
affaiblit presque toujours la peine infligée au médecin. Sur 147 décisions
d’appel prises concernan
t les affaires provenant de cette section entre
2001 et 2010, 18 seulement ont abouti à une aggravation, 34 à un
maintien, mais 95 à une diminution de la sanction.
L’importance
des
non
-confirmations
de
jugements
résulte
notamment
du très faible nombre d’af
faires traitées dans une proportion
significative de régions : 11 sur 25 ont traité en 2010 moins de 20
dossiers chacune pour les chambres disciplinaires et plus de la moitié des
sections des assurances sociales, moins de cinq. Cela y limite les
possibilit
és d’acquisition de l’expérience indispensable.
Le suivi de cette activité est très parcellaire. Il ne permet pas en
particulier de comparer la sévérité des jugements entre régions, pour
détecter le cas échéant des disparités infondées dans le traitement des
affaires. Son exploitation reste embryonnaire, alors que les plaintes sont
un indicateur des problèmes appelant des solutions préventives. Leur
analyse détaillée serait pourtant fort utile à l’ordre, au ministère de la
santé comme à l’assurance maladie
.
L’inspection des chambres disciplinaires, programmée en 2012
pour la première fois
par la mission d’inspection des juridictions
administratives du Conseil d’État, pourra opportunément contribuer à
analyser plus précisément les difficultés qu’elles renco
ntrent.
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278
B
L’inefficacité du contrôle du tact et de la mesure
L’article 53 du code de déontologie dispose que «
les honoraires
du médecin doivent être déterminés avec tact et mesure, en tenant compte
de la réglementation en vigueur, des actes dispensés ou de circonstances
particulières »
256
. Le conseil national en rappelle périodiquement le
principe.
Dans l’interprétation qu’il en fait, la notion de tact renvoie à la
façon dont sont demandés les honoraires, tandis que la mesure n’est pas
une notion absolue rel
evant d’un barème, mais une adaptation aux
capacités financières de chaque patient (sans référence aux honoraires
conventionnels), à la valeur de l’acte et à la notoriété du médecin. Il
considère que «
la mise en place d’un tel barème serait contraire à l’
esprit
et à la lettre de l’article 53
» précité.
L’article L.
162-1-19 du code de la sécurité sociale, issu de la loi
HPST de 2009, oblige les organismes d’assurance maladie à informer
l’ordre des fai
ts pouvant porter atteinte à la déontologie
, afin qu’en
soient
saisies les chambres disciplinaires ou les sections des assurances sociales.
La mise en œuvre de cette disposition a
nécessité
deux années d’échanges
épistolaires entre le conseil national et la caisse nationale d’assurance
maladie pour aboutir mi-2011 à la diffusion par
cette dernière d’une
lettre-réseau donnant les instructions appropriées aux responsables locaux
de la CNAMTS.
Les sections des assurances sociales ont été jusqu’en 2011 très
rarement saisies par les ARS ou l’assurance maladie.
Début 2012, cette
dernière
prévoyait de déférer à l’ordre les cas de 214 praticiens libéraux
et 28 praticiens hospitaliers, pratiquant des dépassements dans 95 % des
cas et pour respectivement au moins 2,5 fois ou 3,5 fois le tarif
conventionnel.
Au conseil dép
artemental de l’ordre
de Paris, les signalements de
la caisse primaire ont abouti en 2010 à des entretiens entre la présidente
du conseil et 11 médecins hospitaliers mis en cause dont le taux moyen de
dépassement était égal ou supérieur à 550 % du tarif conventionnel dans
80
% ou plus de leurs consultations. Chacun de ces praticiens s’est
engagé par écrit à modérer ses
dépassements sous peine d’être poursuivi
par l’ordre.
Tout en indiquant la voie à suivre, la portée de cette
256 . Le Conseil d'État a, dans une décision du 24 octobre 2008, estimé que
« constituent des honoraires abusifs au sens de l'article L. 145-2 du code de la sécurité
sociale ceux qui sont réclamés pour un acte facturé sans avoir jamais été réalisé, pour
un acte surcoté, pour un acte réalisé dans des conditions telles qu'alors même qu'il a
été effectivement pratiqué il équivaut à une absence de soins, ou encore ceux dont le
montant est établi sans tact ni mesure ».
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ORDRE NATIONAL DES MEDECINS DANS L
ORGANISATION
DES SOINS ET LE RESPECT DE LA DEONTOLOGIE MEDICALE
279
procédure a été plutôt modeste : cinq de ces médecins ont baissé leur taux
de dépassement à 450 % et les six autres à 350 %.
Au-delà de ces tentatives isolées et peu fructueuses de contenir
préventivement les dépassements, qui ont représenté 2,5
Md€ en 2010,
les
résultats des saisines des instances de l’ordre demeuren
t très limités. Le
très petit nombre de sanctions décidées par les sections des assurances
sociales et les chambres disciplinaires est ainsi mis en évidence par le
calcul du
cumul des deux motifs de l’abus d’honoraires (multiplication
d’actes) et
de manquements au tact et à la mesure que retrace le tableau
suivant sur les quatre dernières années.
Nombre de condamnations pour abus et dépassements
2008
2009
2010
2011
Total
Section des assurances sociales
7
7
10
11
35
Chambre disciplinaire
6
7
9
4
26
Total
13
14
19
15
61
Source :
CNOM, non compris les cas de multiplications abusives d’actes ou de
cotations erronées.
Ces rares condamnations sont d’une sévérité variable.
Sur les 61
prononcées entre 2008 et 2011, 12 se sont limitées à un avertissement ou
à un blâme, tandis qu’une seule radiation a été décidée et que les
suspensions n’ont atteint six mois fermes que dans quatre cas, parfois
après réduction en appel. Malgré
la demande de l’ordre, la loi HPST n’a
pas retenu le principe d’une amende pouvant atteindre mille euros qui
avait pourtant été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.
Devant ce constat d’inefficience, les caisses d’assurance maladie
ont commencé, 60 ans après la création des SAS et en application de
l’article L.
162-1-14 du code de la sécurité sociale, à notifier directement
des pénalités financières (186 pénalités notifiées de 2008 à 2010). Il en
est résulté une baisse corrélative des affaires confiées par les caisses aux
SAS, dont la procédure juridictionnelle et les garanties de droit semblent
être perçues par les caisses comme inadaptées au traitement des
manquements les moins graves qui ne requièrent pas une éventuelle
suspension ou radiation. Parallèlement, les juridictions pénales ont jugé
74 affaires dans le même temps.
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280
Ce quasi blocage, dont la responsabilité est partagée entre l’État,
les caisses d’assurance maladie et l’ordre, n’est pas admissible eu égard à
l’importance des enjeux
d’égalité d’accès à des soins de qualité. La
coexistence de multiples procédures
257
n’est en rien un gage d’efficacité
.
On ne dénombre pas moins de cinq dispositifs proches les uns des autres :
chambres disciplinaires, sections des assurances sociales, sanction directe
des
caisses
d’assurance
maladie,
sanction
pénale
et
sanction
conventionnelle,
actuellement au titre de l’annexe XXII de la convention
médicale de juillet 2011. Pour autant les sanctions sont en définitive peu
nombreuses et en moyenne peu sévères, alors que le volume des
dépassements est de plus en plus important.
Par ailleurs, le conseil national
de l’ordre a sollicité à diverses
reprises le ministère de la justice sur le fondement de l'article L. 4126-6
du code de la santé publique, afin que les ordres départementaux soient
systématiquement
informés
des
condamnations
pénales
devenues
définitives, notamment pour des faits contraires à la déontologie, afin de
permettre à ces derniers d'agir. Selon l’ordre, ces transmissions
demeurent rares.
257. Les conventions médicales ont par ailleurs un dispositif de suivi de leur mise en
œuvre, confié à des commissions paritaires départementales, régionales et nationale
où l’ordre siège à titre co
n
sultatif. Leur bilan n’est pas publié. Ces commissions
peuvent notamment envisager des mesures améliorant l’accès aux soins. La CNAMTS
estime que toutes ces réunions sont organisées par les caisses à la périodicité requise
de trois par an, mais un sondage auprès de 80 conseils régionaux ou départementaux
montre que la commission n’a pas été créée ou que l’ordre n’y a pas été convié dans
un cinquième des cas et que 38
% des commissions effectivement instaurées n’ont été
réunies qu’une ou deux fois entre janv
ier 2011 et février 2012. Le conseil national
siège quant à lui régulièrement à la commission nationale.
Des commissions de conciliations mixtes ordre-assurance maladie sont par ailleurs
prévues pour traiter des cas de refus de soins, à l’égard notamment d
es bénéficiaires
de la couverture maladie universelle. L’échec de la conciliation devant ces
commissions où le professionnel concerné doit s’expliquer entraînera la saisine des
instances disciplinaires par l’ordre. En cas de carence les directeurs de caiss
es
pourront directement prononcer des sanctions financières. Près de trois ans après la
parution de la loi HPST qui a créé ce dispositif, le ministère de la santé (direction de
la sécurité sociale) indique que «
le décret d’application de l’article 54 de l
a loi HPST,
qui doit permettre de faire entrer en vigueur ces nouvelles dispositions, est en cours
d’élaboration
».
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E ROLE DE L
ORDRE NATIONAL DES MEDECINS DANS L
ORGANISATION
DES SOINS ET LE RESPECT DE LA DEONTOLOGIE MEDICALE
281
Ces
constats ainsi que l’évolution récente du conseil national de
l’ordre
258
devraient conduire l’État à envisager rapidement une réa
rticu-
lation de ces dispositifs qui réduise les redondances, clarifie le rôle des
uns et des autres et permette à chacun des acte
urs d’exercer jusqu’au bout
ses responsabilités pour un contrôle beaucoup plus effectif du tact et de la
mesure.
C
Une prévention des conflits d’intérêt peu efficace
1
Une surveillance partielle des contrats
Tous les contrats que signent les médecins inscrits au tableau et qui
sont relatifs à leur exercice doivent être communiqués au conseil
départemental de l’ordre de leur ressort. Ceux
-ci vérifient la conformité
de chaque situation avec les règles déontologiques, notamment le secret,
l’indépendance professionnelle et l’absence de clause de productivité
dans la rémunération. Ils s’assurent, en application de la loi du 4 mars
2002, que le médecin salarié est assuré par son employeur.
Le conseil national diffuse des contrats-type pour faciliter cette
activité, qui représente par exemple chaque année quelque 80 000
conventions entre médecins et industrie, ou encore, pour le seul conseil
départemental de Paris 1 946 conventions médecins-industrie, 4 251
contrats d’exercice salarié et 2
575 contrats de remplacement (2010). Le
développement des cabinets de groupe et du salariat a conduit à un
accroissement des relations contractuelles.
L’ordre ne s’est cependant pas organisé de façon à bien détecter et
accompagner ces changements puisqu’aucun suivi national n’est
o
rganisé, si bien qu’il ignore le nombre ou la typologie des contrats aussi
bien que leurs évolutions. La diversité des pratiques des conseils
départementaux, certains ne jugeant par exemple pas utile d’examiner, en
dépit de leur nombre et de leur importance, les contrats de remplacement,
ne peut être de cette façon ni mesurée ni corrigée.
2
Un contrôle sans pouvoir de sanction des relations entre les
médecins et l’industrie
Dans le cadre de la prévention et de la sanction des conflits
d’intérêts, le code de
la santé publique établit une interdiction générale
258.
L’ordre a indiqué dans son communiqué de mai 2012 qu’«
en aucun cas, les
honoraires demandés à un patient (…) ne sauraient dépasser
trois à quatre fois le
montant opposable de l’acte concerné
».
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282
pour les professions médicales de recevoir des avantages en nature ou en
espèce, directs ou indirects, de l’industrie pharmaceutique. Le dispositif
législatif de 1993 a été modifié en 2002 (loi dite « anti cadeaux ») et
complété par la loi du 29 décembre 2011
259
. Deux exceptions concernent
les conventions de recherche ou d’évaluation d’une part et celles
d’hospitalité (accordée à l’occasion de manifestations à caractère
exclusivement scientifique ou profess
ionnel) d’autre part.
L’ordre joue un rôle consultatif et préventif en donnant un avis sur
ces conventions qui lui sont obligatoirement soumises. Les conseils
départementaux sont saisis si la convention s’exerce dans le cadre du
département
et
le
conseil
national
si
elle
couvre
un
champ
interdépartemental ou national. Ce dernier estime à environ 80 000 le
nombre des conventions examinées annuellement par l’ordre, dont la
moitié par les conseils départementaux.
a)
Des avis
dont le respect n’est pas documenté e
t une efficacité
inégale
Le conseil national ne réalise pas d’enquête sur cette activité. Le
nombre exact de dossiers traités n’est pas connu (sauf deux séries du seul
conseil national
260
), ni le temps passé à les traiter, pas plus que le volume
et le niveau financiers des prestations en cause, notamment par médecin
bénéficiaire, malgré des recommandations formulées en ce sens par
l’IGAS dès 2007.
L’ordre n’a déployé qu’en novembre 2011 une application
informatique permettant pour les industriels
l’accès par
internet, la saisie
en ligne des déclarations, le traitement et le suivi des demandes d’avis, la
gestion des référentiels, des requêtes et des rapprochements avec le
registre des médecins. Cette application, qui sera étendue aux conseils
départementaux, ne pourra être pleinement efficace que si les industriels
utilisent le dépôt électronique des conventions, ce qui est encore loin
d’être le cas puisque la majorité des dossiers arrive par la poste.
Le suivi des avis donnés par l’ordre n’est pas organisé. Ce
travail
était toutefois difficile à réaliser jusqu’à la loi de décembre 2011,
puisqu’avant cette date, les conventions effectivement passées n’étaient
259. Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité
sanitaire des médicaments et des produits de santé. Cette loi a également étendu la
compétence de l’ordre aux contrats
d’étudiants en médecine et aux conflits d’intérêts.
260. En 2010,
s’agissant des
contrats d’hospitalité, le conseil national a émis 27
600
avis conformes, 1 900 avis défavorables et 1 100 demandes de précision. Un nombre
supérieur serait traité par les conseils départementaux.
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E ROLE DE L
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ORGANISATION
DES SOINS ET LE RESPECT DE LA DEONTOLOGIE MEDICALE
283
pas obligatoirement rendues publiques par les entreprises. Il incombe à
ces dernières d’informer les médecins des avis rendus par l’ordre, alors
qu’il serait logique que ce dernier y veille, ce que la future messagerie
sécurisée pourra permettre de manière économique.
Les avis rendus par l’ordre sur ces conventions ne se caractérisent
pas toujours par une gr
ande sévérité dans l’appréciation des modalités de
défraiement et de prise en charge. S’agissant des rémunérations, le
conseil national a ainsi considéré comme normal un paiement de 250
€ de
l’heure à raison de 250 heures par an pendant trois ans, soit 187
500
€ au
total. S’agissant des frais de séjour et de restauration, la loi prévoit qu’ils
doivent être d’un niveau «
raisonnable » san
s qu’aucune disposition ne
vienne préciser ce terme. Un barème officieux du conseil national, qui
n’est pas systématiquement suivi, fixe des plafonds de nuitée de 275 à
325
€ pour Paris, les métropoles régionales ou les villes touristiques et de
250
€ en d
ehors de ces cas. Le forfait de deux repas plus une nuitée
atteint 495
€ pour la province et 550
€ pour l’Amérique, l’Asie et
l’Australie.
L’ordre
avait
constaté
des
dépenses
encore
plus
déraisonnables avant d’établir ces plafonds. Ce sont l’assurance mala
die
et les patients, au travers du prix des médicaments et des produits promus
directement ou indirectement à l’occasion de telles rencontres, qui
financent en dernière analyse ces dépenses.
En outre, les sanctions pénales, théoriquement lourdes (jusqu’à
deux ans d’emprisonnement, 75
000
€ d’amende et dix ans d’interdiction
d’exercice), n’interviennent que rarement
: dix jugements définitifs
depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2002, dont cinq relaxes. Le régime
inauguré par la loi « anti-cadeaux » se révèle, en définitive, dans ses
aspects répressifs, beaucoup plus clément que le dispositif précédent de la
loi du 27 janvier 1993, puisqu’alors, en moitié moins de temps (1995
-
2000), cinq fois plus de jugements définitifs avaient été recensés (51, dont
seulement 15 relaxes).
b)
Une insuffisante communication entre les acteurs
L’ordre des médecins ne peut pas aller au
-
delà de l’avis qu’il
exprime. Il ne le communique que sur demande à la direction générale de
la concurrence et de la répression des fraudes (DGCC
RF), en l’absence
de législation lui permettant un signalement automatique de cette
dernière. Or, c’est au réseau dépendant de cette direction que revient la
mission de police répressive pour détecter les infractions résultant
d’avantages illicites accordé
s par des industriels à des professionnels de
santé en dehors des procédures de déclaration ou d’autorisation. Ce rôle
n’est pas limité aux cas où des conventions sont soumises à l’ordre mais
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284
couvre l’ensemble des avantages illicites accordés par des entre
prises à
des professionnels de santé.
Une plus substantielle coopération entre l’ordre et la
DGCCRF
contribuerait à mettre en place un contrôle plus efficace de la loi « anti-
cadeaux ». Les résultats des quelques enquêtes menées récemment par
cette direction sur ce thème en témoignent. Elles ont notamment mis en
évidence des faits touchant de près au domaine de l’avis de l’ordre
:
fréquence des réunions dans des restaurants, absence systématique
d’ordre du jour et de compte rendu des réunions de formation c
ontinue,
factures
hôtelières
de
complaisance,
associations
de
médecins
susceptibles de masquer des liens entre laboratoires et médecins,
financement de participations à des congrès sans information préalable de
l’ordre, bourses d’étude à l’étranger dans de
s conditions contraires à la
législation, invitation de proches, par exemple.
Les relations entre l’ordre et la
DGCCRF restent pourtant
marquées par l’incompréhension, avec des tentatives de rapprochement
restées sans guère de suites. L’ordre ignore une pa
rtie du travail de cette
direction -
il indique n’avoir pas été informé des enquêtes susvisées ni de
leurs conclusions et souhaite une mesure réglementaire instaurant une
telle communication. Lui-même ne transmet à la DGCCRF que très peu
d’informations
ni n
’organise d’accès efficace à ses archives. Or, la
communication à la DGCCRF des avis défavorables donnés par l’ordre
faciliterait la détection des infractions.
D’autres difficultés, souvent liées à des défauts de communication
entre acteurs, entravent l’ef
ficacité de la procédure. Par ailleurs, les avis
rendus sur les conventions intéressant les médecins des établissements de
santé ne sont pas éclairés par l’autorisation, pourtant nécessaire, du chef
d’établissement. En l’absence d’obligation en la matière,
un conseil peut
donner un avis favorable à une demande dont il ignore qu’elle est
irrégulière en l’absence d’autorisation de l’employeur du bénéficiaire.
c)
Des améliorations indispensables
Indépendamment des améliorations et des garanties apportées par
la loi de 2011, qui a notamment réintroduit les études de marché dans le
champ de compétence de l’ordre, le dispositif n’aura d’efficacité que si
des modifications substantielles de procédure sont mises en œuvre. Une
des améliorations les plus urgentes serai
t de rendre obligatoire l’avis de
l’ordre des médecins sur une convention, afin de donner une portée réelle
à son contrôle. Le conseil national n’est lui
-même pas hostile à un tel
renforcement de son rôle. Il a ainsi suggéré que le législateur lui donne, à
l’encontre du praticien qui ne demanderait pas ou ne respecterait pas son
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Sécurité sociale 2012 – septembre 2012
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E ROLE DE L
ORDRE NATIONAL DES MEDECINS DANS L
ORGANISATION
DES SOINS ET LE RESPECT DE LA DEONTOLOGIE MEDICALE
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avis sur un projet de convention, un pouvoir de sanction. La loi de 2011
ne lui a pas conféré un tel pouvoir spécifique, seules les chambres
disciplinaires pouvant être saisies au regard du code de déontologie.
L
e conseil national de l’ordre ne s’est d’ailleurs pas limité à cet
aspect du contrôle des relations des médecins avec l’industrie. S’inspirant
notamment du récent
Sunshine Act
américain et dans le cadre des débats
qui ont précédé la loi du 29 décembre 2011, il a fait des propositions pour
remédier à certains dysfonctionnements. Il a en particulier suggéré
l’instauration d’un guichet
unique pour recenser et examiner les
conventions entre les médecins et les laboratoires pharmaceutiques,
l’
identification des bénéficiaires, d'une part, sur le tableau des médecins
en exercice et, d'autre part, en publiant une liste répertoriant les médecins
ayant contracté des liens avec l’industrie pharmaceutique et biomédicale
,
en assurant la publicité des rémunérations et autres avantages
reçus d’elle.
Il s’est également montré ouvert à l’adoption d’un formulaire de
déclaration d’intérêt commun entre tous les ordres sanitaires.
*
*
*
Le contrôle de la déontologie est l’aspect essentiel de l’ac
tivité de
l’ordre, car elle est au fondement de son existence même. Sa mise en
œuvre est toutefois très décevante. Il est certes à certains égards mal
organisé par les textes, mais l’ordre ne s’est pas saisi de façon énergique
et efficace des problèmes les plus pressants comme celui des
dépassements d’honoraires.
______________________
CONCLUSION
________________________
Le code de la santé publique accorde à l’ordre national des
médecins un rôle essentiel en matière de déontologie pour que le système
de santé fonctionne mieux, cela non seulement dans
l’intérêt de la
profession, mais aussi dans celui des patients.
Pour autant, sa contribution à l’organisation des soins apparaît
fortement contrastée : précise et rigoureuse en matière de suivi de la
profession, toujours plus limitée pour ce qui est de sa participation
concrète à la permanence des soins, voire critique vis-à-vis de certaines
mesures destinées à permettre une meilleure organisation des parcours de
soins des patients. Beaucoup plus préoccupant encore, son rôle dans le
contrôle du respect de
la déontologie médicale s’avère très décevant, qu’il
s’agisse du traitement des plaintes, du respect du tact et de la mesure dans
la détermination des honoraires, ou de la prévention des conflits d’intérêts,
alors même que les enjeux sont majeurs pour la poursuite de la confiance
des patients dans leurs médecins et plus globalement dans le système de
soins.
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Pour remédier à ces problèmes, il ne suffit pas de le doter de
nouveaux instruments juridiques pour le rendre mieux à même de remplir
les missions qui lui sont confiées, même si le retard de parution de certains
textes est anormal.
L’amélioration de la situation repose d’abord et essentiellement sur
un effort à conduire par l’ordre des médecins lui
-même, à tous ses niveaux,
en s’organisant de façon plus
professionnelle pour remplir ses missions, en
renforçant le poids du niveau régional, en faisant preuve d’une rigueur
nettement plus exigeante et d’une vigilance sans faille en matière
d’éthique, de déontologie et de conflits d’intérêt. Ce n’est qu’à ces
c
onditions qu’il renforcera durablement sa légitimité.
___________________
RECOMMANDATIONS
____________________
30.
Moderniser et adapter l’organisation territoriale de l’ordre au
pilotage régional du système de soins en transférant progressivement les
missions jusqu’à présent exercées au niveau d
épartemental aux conseils
régionaux.
31.
Clarifier et mieux articuler les différents dispositifs concourant
au contrôle du tact et de la mesure dans les honoraires.
32.
Doter le conseil de l’ordre de pouvoirs renforcés en matière du
contrôle des relations des méde
cins avec l’industrie en c
onférant un
caractère obligatoire à
l’avis rendu
sur un contrat ou une convention,
quel qu’en soit l’objet, le défaut d’avis conforme interdisan
t alors, sous
peine de sanction, l’exécution du contrat ou de la convention
.
33.
Etablir u
n protocole d’échange d’informations entre l’ordre et la
DGCCRF afin de renforcer la transparence et le contrôle des relations
entre médecins et industries, en recourant si nécessaire à une disposition
réglementaire.
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