Chapitre VIII
La mise en place des agences régionales
de santé
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233
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PRESENTATION
_______________________
Créées par
la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux
patients, à la santé et aux territoires (HPST) du 21 juillet 2009, les 26
agences régionales de santé (ARS) ont pour mission
d’assurer, à l’échelon
régional, un pilotage unifié du système de sant
é afin d’en renforcer
l’efficience et de mieux répondre aux besoins des patients par une
approche globale et cohérente du parcours de soins.
A
boutissement d’une
réflexion engagée dès le début des années
1990
218
et qui s’était notamment traduite par l’institution en 1996 des
agences régionales de
l’hospitalisation,
il s’agit ainsi d’une réforme
majeure aux enjeux essentiels non seulement en termes de santé publique
mais aussi de régulation
des dépenses de l’assurance maladie.
Deux ans après l’installation effective des ARS, il est apparu à la
Cour encore prématuré
d’évaluer la manière dont elles exercent les
responsabilités qui leur ont été confiées et mettent en œuvre les outils
novateurs dont elles ont été dotées
: la grande majorité d’entre elles n’ont
de fait pas achevé d’élaborer leur projet régional de santé qui doit définir
leur stratégie dans leurs différents champs de compétence. Mais elle entend
examiner d’ores et déjà les conditio
ns de mise en place de ces nouveaux
opérateurs dont la souplesse de fonctionnement et la capacité d’initiative
sont des facteurs primordiaux de réussite de leurs missions.
Après avoir analysé les modalités
d’installation des
nouvelles
agences, qui ont perm
is à cette réforme d’être rapidement mise en place
(I), la Cour a cherché ainsi à apprécier leur positionnement dans
l’environnement institutionnel qui est le leur (II) ainsi que les moyens de
fonctionnement humains et techniques à leur disposition (III).
I - Une réforme structurelle rapidement mise en
place
La création des ARS représente une réforme structurelle majeure
tant par les missions qui leur sont confiées que par l’organisation
administrative retenue. Leur installation effective est intervenue dès le 1
er
avril 2010, soit neuf mois seulement après la publication de la loi HPST.
218 . R. Soubie. Commissariat général du Plan. Santé 2010, rapport du groupe
«prospective du système de santé ». Paris, la Documentation française, 1993.
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A
–
De nouvelles institutions aux enjeux majeurs
Les ARS constituent une triple innovation : en termes de missions,
d’organisation administrative territoriale et de conduite des po
litiques
publiques.
1
–
Une approche transversale du système de santé
La création des ARS s’inscrit dans le cadre de la révision générale
des politiques publiques (RGPP) et de sa déclinaison territoriale, la
réforme de l’administration territoriale de l’Etat (
RéATE), par la volonté
d’organiser un pilotage d’ensemble des acteurs présents sur un même
territoire de santé et de décloisonner les filières de prise en charge, qu’il
s’agisse de la prévention et des soins proprement dits, des établissements
de santé et de la médecine ambulatoire, du secteur sanitaire et du secteur
médico-social.
En termes d’ancrage territorial, elle prolonge ainsi les réformes
d’organisation progressivement introduites dès 1996 avec les agences
régionales de l’hospitalisation (ARH) pour
le secteur hospitalier et les
unions régionales des caisses d’assurance maladie (URCAM) pour le
secteur ambulatoire. L’objectif d’une plus grande transversalité du
pilotage du système de santé avait conduit par la suite en 2004 à mettre en
place des missions régionales de santé (MRS) constituées entre les ARH
et les URCAM et des groupements régionaux de santé publique (GRSP)
pour mettre en œuvre les politiques de prévention. La création des ARS
confirme le niveau régional comme échelon pertinent de déclinaison et de
gestion des politiques de santé publique, historiquement plutôt organisées
dans un cadre départemental.
En termes de pilotage, la loi HPST fait des ARS, selon son exposé
des motifs, « la clé de voûte
» de l’amélioration de l’efficacité et de
l’
efficience du système de santé. Les réformes successives étaient en effet
apparues insuffisantes pour faire évoluer l’offre de soins et pour maîtriser
les dépenses de santé
219
. Le pilotage unifié confié aux ARS est destiné à
remédier à un éclatement des responsabilités préjudiciable à la bonne
organisation du système de soins et par là même au patient. Comme le
souligne la présentation du projet de loi HPST en conseil des ministres le
22 octobre 2008, il
s’agit
ainsi de « faciliter l'accès aux soins et l'accès à
l'information, décloisonner les soins de ville et ceux dispensés à l'hôpital
afin de simplifier le parcours de santé des patients et développer la qualité
et la sécurité du système de santé ».
219. Rapport Ritter sur la création des ARS, janvier 2008.
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Les missions confiées aux ARS sont de fait très larges puis
qu’elles
couvrent
l’organisation de l’offre
de soins hospitaliers, ambulatoires et
médico-sociaux ainsi que la sécurité sanitaire et la gestion des crises, la
prévention et la santé publique, y compris en matière environnementale.
2
–
Une organisation administrative novatrice
Les ARS ont profondément simplifié le paysage institutionnel
régional en matière de régulation et de pilotage du système de santé en
regroupant sept institutions préexistantes :
-
des administrations déconcentrées de l’Etat
: les services des
directions départementales et régionales des affaires sanitaires et
sociales -DDASS et DRASS- en charge des questions de santé, santé
environnement et médico-sociales
220
;
-
des organismes d’assurance maladie
: les unions régionales des
caisses d’assuranc
e maladie (URCAM), une partie des services des
caisses régionales d’assurance maladie (CRAM)
221
et des directions
régionales du service médical (DRSM) ;
-
des structures mixtes
associant l’
Etat
et de l’
assurance maladie : les
agences régionales de l’hospitalis
ation (ARH) et les groupements
régionaux de santé publique (GRSP) qui pouvaient aussi associer à leur
demande des collectivités territoriales.
Cette réorganisation présente une double originalité par rapport au
mouvement d’ensemble de reconfiguration terri
toriale des services
publics. D’une part en effet, elle concerne non seulement des
administrations déconcentrées de l’Etat, mais également des organismes
de sécurité sociale, dans une vision, beaucoup plus large que de simple
rationalisation administrative
, d’association des compétences et des
moyens au bénéfice d’une capacité attendue d’action collective renforcée.
D’autre part, pour rassembler des structures
qui représentent plus de
9
000 agents de l’Etat et de l’assurance maladie, a été fait le choix de
l’établissement public administratif de l’Etat à compétence régionale,
préféré à celui du groupement d’intérêt public conféré en 1996 aux ARH.
Ce statut, innovant en matière d’organisation territoriale, offre un cadre
de fonctionnement stable, critère important notamment pour les
fonctionnaires transférés des DRASS et des DDASS et permet aux
directeurs généraux des ARS d’asseoir leur pouvoir hiérarchique sur leurs
équipes. La création d’un établissement public traduit aussi
une forme de
220. Les missions proprement sociales sont pour leur part désormais exercées par les
directions régionales et départementales en charge des questions de cohésion sociale.
221.
Les CRAM sont désormais devenues les CARSAT (caisses d’assurance retraite
et de la santé au travail) et ne sont plus compétentes en matière d’offre de soi
ns.
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décentralisation fonctionnelle de certaines responsabilités, engagée pour
la première fois à l’échelon territorial
et jugée souhaitable pour permettre
de disposer des marges d’initiative et d’autonomie indispensables pour
une approche plus partenariale des politiques de santé.
3
–
Un cadre d’intervention partenarial
La dimension pluridimensionnelle des politiques de santé impose
aux ARS d’exercer leurs missions en interaction constante avec une
pluralité d’interlocuteurs aux compétences en interface avec les leurs :
ainsi notamment les préfets pour la sécurité sanitaire et la gestion de
crises, l’assurance maladie pour la gestion du risque ou encore les
conseils généraux pour l’offre médico
-sociale.
La gouvernance des agences a pris en compte cette dimension
partenariale. Leur conseil de surveillance est présidé par le préfet de
région et comprend des élus locaux, des représentants de l’Etat et des
organismes d’assurance maladie ainsi que des représentants d’usagers et
des personnalités qualifiées. La loi HPST a par ailleurs créé différentes
instances de concertation (conférence régionale de la santé et de
l’autonomie, commissions de coordination des politiques de santé,
conférences
de
territoire)
permettant
d’associer
les
élus,
les
professionnels de santé, les associations et les usagers, aux décisions de
l’ARS.
Pour faciliter les échanges, les agences sont par ailleurs structurées
entre un siège dans la ville chef-lieu de région et des délégations
territoriales dans chaque département.
B
–
Une mise en place rapide et maîtrisée
1
–
Un pi
lotage ferme de la phase d’installation
Le pilotage de la mise en place des ARS a été confié, dès 2008, au
secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales qui s’est
entouré d’une équipe projet légère et de consultants externes.
La loi HPST (article 130) prévoyait une période de préfiguration
qui pouvait théoriquement durer jusqu’au 1
er
juillet 2010. Le processus de
recrutement des 26 responsables préfigurateurs a été original à double
titre : un large appel à candidature (publication des of
fres d’emploi dans
la presse écrite et approche directe par un cabinet de recrutement
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spécialisé) et avis d’un comité consultatif
222
sur les candidatures
présélectionnées par ce cabinet et le secrétariat général.
Les préfigurateurs ainsi recrutés, aux profils diversifiés
223
, ont été
nommés par décret du Président de la République, moins de trois mois
après la promulgation de la loi, le 1
er
octobre 2009. Ils ont eu pour
mission, avec l’aide des équipes de direction des structures ayant vocation
à être fusionnées, un accompagnement étroit du secrétariat général et
l’appui de consultants externes, de préparer la mise en place matérielle
des agences tant sur le plan immobilier qu’au regard des transferts de
personnels. Ils ont également contribué à l’élaboration du
premier budget
et ont conçu un projet d’organisation des nouvelles agences tout en
assurant la continuité des missions dévolues aux organismes auxquels ces
dernières devaient succéder.
Les ARS ont pu être ainsi juridiquement installées dès le 1
er
avril
2010, soit trois mois avant la date limite prévue par la loi. Tous les
responsables préfigurateurs ont été alors nommés directeurs généraux
d’ARS par décret, les différents textes d’application nécessaires à
l’ouverture des agences ayant également été publié
s ce même jour.
Grâce à cette période de préfiguration, la mise en place des ARS a
pu être ainsi réussie sans aucune rupture
avec les institutions qu’elles
fusionnaient. L
es plafonds d’emplois 2010 ont été fixés à 9
590
équivalents temps plein (ETP), dont 7 897 en provenance des services de
l’Etat et 1
693 de l’assurance maladie. Les effectifs réels transférés au 1
er
avril 2010 ont été de 8 508 ETP
224
. Parallèlement, les questions
immobilières ont été réglées dans le cadre plus large du mouvement
général de r
éorganisation des administrations territoriales de l’Etat.
2
–
Des choix immobiliers contraints
Les choix immobiliers ont été encadrés par deux objectifs définis
au niveau national
: privilégier l’implantation sur un site unique de
l’ensemble des personnels et
le maintien dans les locaux existants,
notamment des DRASS et des DDASS. Les préfets ont reçu à cet effet
instruction de prendre en compte pour l’élaboration de leur schéma
immobilier dans le cadre de la réforme territoriale de l’Etat
(RéATE) les
222. Ce comité était présidé par un ancien président du groupe PSA Peugeot Citroën
et composé de cinq spécialistes du secteur sanitaire et des ressources humaines.
223 . Ils sont pour 50 % issus de la fonction publique, pour 23 % originaires
d’organismes de
sécurité sociale, pour 15 % venant du secteur privé.
224.
Les effectifs totaux sont très variables d’une ARS à une autre
: de près de 1 200
ETP pour l’ARS Ile de France à moins de 200 ETP pour les départements d’outre
-
mer, la Corse ou le Limousin.
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problématiques des nouvelles agences en les considérant à cet égard
comme des services déconcentrés.
Au 31 décembre 2011, 66 % des sièges et 78 % des délégations
territoriales occupent ainsi les locaux des structures précédentes, le cas
échéant après des travaux
d’aménagement et de densification. Ce choix a
pu conduire à des décisions d’implantation aux conséquences financières
non négligeables pour les ARS à terme plus ou moins proche :
-
certaines ARS ont bénéficié de la part de l’Etat de
transferts de baux
avec
option d’achat (siège des ARS de Basse
-Normandie, Bourgogne
et Midi-Pyrénées).
Dans ces situations, il est prévu qu’à échéance du
bail, l’Etat devienne propriétaire et non l’ARS
qui supporte pourtant
des loyers élevés intégra
nt notamment des charges d’amor
tissement
pour le propriétaire. Au-
delà de la question de l’acquéreur final,
ce
régime fait durablement supporter aux ARS concernées une dépense
lourde ;
-
conformément au principe de mise à disposition gratuite prévu par la
loi HPST, les ARS occupent souvent des locaux mis à disposition des
DDASS par les conseils généraux en application de la loi du 11
octobre 1985, ce qui pourrait les confronter à l’avenir à des coûts de
rénovation importants compte tenu de la vétusté de ce patrimoine ou, à
défaut, à des besoins de relocalisation.
Pour leur part, les implantations nouvelles (34 % des sièges et
22 % des délégations territoriales) ont le plus souvent fait
l’objet
de prises
à bail. Les nouvelles locations représentent ainsi 29 % des surfaces
occupées par les ARS pour un parc locatif total de 55 % des surfaces
occupées.
L’augmentation de la part du locatif résulte à la fois de la nécessité
de trouver des locaux adaptés à la taille des agences (notamment à Paris
ou Marseille) mais aussi des choix effectués par les préfets dans le cadre
de la RéATE. Cette situation pose la question de la soutenabilité
financière des loyers à la charge des ARS. Les implantations dans des
locaux neufs se sont traduites par des surloyers (conséquence de la prise
en charge par le prop
riétaire des travaux d’aménagement comme à Paris,
Marseille ou Lille), sans que les ARS ne bénéficient de manière
automatique de la rétrocession des produits de la cession de surfaces
domaniales libérées par les DRASS et les DDASS. Certaines ont
cependant reçu des crédits sur cette enveloppe pour leur aménagement
(400 000
€ pour l’ARS Nord
-Pas-de-Calais, 350 000
€ pour l’ARS
Rhône-Alpes par exemple).
La création des ARS a au total permis une réduction importante
des surfaces occupées antérieurement par les services des ministères
sociaux : le nombre de sites a été réduit de 126 (-54 %) et les surfaces
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utiles nettes de 114 188m
2
(-30 %)
225
, même si la norme de 12m
2
par
agent, très inégalement observée, ne doit être respectée qu’à l’horizon
2017.
3
–
Des financements maîtrisés
a)
Un coût d’installation relativement limité
Un budget de première installation de 68
M€ avait été défini en
2009. Il devait être financé par l’assurance maladie pour 28
M€, des
crédits de l’Etat (25
M€) et un prélèvement sur le fonds de roulement
provenant des ARH (5
M€). Un financement complémentaire de 10
M€
en provenance de produits de
cessions d’équipements sportifs n’est en
définitive pas intervenu.
Les crédits de première installation ont ainsi représenté 58
M€ et
ont été, pour essentiel, utilisés de la manière suivante :
-
28,6
M€ ont été délégués aux ARS (26,4
M€ en 2010 et 2,2
M€ e
n
2011). Fin 2011, ces crédits n’étaient pas entièrement consommés,
certaines opérations immobilières n’étant pas encore achevées. La
nature des dépenses est très variée : travaux et aménagement des
locaux, informatique, mobilier, doubles loyers temporaires, frais de
déménagement, communication, mais aussi financement parfois des
reports de charges des structures antérieures ;
-
19
M€ ont été consacrés à des prestations de consultants destinées à
aider à la mise en place des ARS ;
-
5,9
M€ ont été affectés aux investissements informatiques (dont
3,1
M€ consacrés aux projets informatiques mutualisés développés
dans les ARS) ;
-
1,8
M€
ont permis de financer des dépenses de communication et de
formation.
A ces dépenses peuvent être ajoutés les primes de transfert
attribuées aux personnels de l’assurance maladie mutés dans les ARS
(7,2
M€ en 2010
226
) ainsi que le coût du pilotage des ARS au sein du
secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales (6
M€ sur
la
période
2008-2011
correspondant
à
la
masse
salariale
des
collaborateurs de la « mission ARS » du secrétariat général).
225. Périmètre tous ministères sociaux
–
mai 2011.
226.
Données CNAMTS. Primes versées par les directeurs généraux d’ARS mais
prises en charge par la CNAMTS dans le cadre de la contribution versée aux ARS en
2010.
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Au total, le coût de la mise en place des ARS peut être ainsi évalué
à environ 70
M€.
b)
Des budgets sous tension
Les ARS sont
financées par une dotation de l’Etat
(77 %), des
contributions des régimes d’assurance maladie
(18 %) et de la caisse
nationale de solidarité pour l’autonomie (4
%) qui reprennent pour
l’essentiel les budgets des entités transférées
. Ces crédits (1,1
Md€ en
2011) sont répartis en enveloppes limitatives correspondant aux charges
de personnel (67 %
du total), de fonctionnement, d’investissement et
d’intervention.
Pour respecter le budget qui leur est alloué et qui intègre les
normes d’économies prévues
pour les opérateurs de l’Etat sur la période
2011-2013, les ARS ont parfois
d’ores et déjà
utilisé la masse salariale et
le prélèvement sur fonds de roulement comme des variables d’ajust
ement.
En effet, la quasi-totalité d
’entre elles
ne saturent pas leur plafond
d’emploi. Les effectifs réels des agences
au 31 décembre 2011, 8 955
équivalents temps plein (ETP), représentent ainsi 94,8 % des plafonds
d’em
ploi. Ces vacances, liées notamment à la recherche de compétences
nouvelles, leur permettent de respecter leur enveloppe budgétaire.
Elles ont en outre disposé de fonds de roulement importants au
moment de leur création (200
M€), issus des ARH et des GRSP
227
. Les
prélèvements sur ces fonds ont été substantiels en 2010 (123
M€) et pris
en compte dès les budgets primitifs. Ils ont toutefois été nettement
moindres en 2011 et n’ont concerné que quatre ARS pour 1,6
M€.
Il importe en tout état de cause désormais que les ARS recherchent
des gains
d’efficience et de productivité interne pour respecter la
trajectoire budgétaire ; ces gains devront toutefois être conciliés avec
leurs besoins en matière de ressources humaines et de systèmes
d’information (cf. III).
L’enjeu financier réel de la création
des ARS ne réside toutefois
pas dans leur budget de fonctionnement mais bien dans leur capacité à
accroître l’efficience globale du système de santé pour maîtriser les
dépenses d’assurance maladie.
*
*
*
227.
Les GRSP avaient bénéficié de l’intégralité des dél
égations de crédits budgé-
taires en début d’année 2010.
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L’installation des ARS s’est déroulée dans des dé
lais très
contraints qui représentaient un réel défi et de manière maîtrisée sur les
plans opérationnels et financiers. Cette mise en place réussie, pour
importante qu’elle ait été sur un plan symbolique et organisationnel,
n’était cependant qu’un préalabl
e nécessaire au bon exercice de leurs
missions, qui dépend de manière plus déterminante encore de leur
positionnement dans leur environnement.
II - Un positionnement institutionnel à clarifier
Les ARS sont placées sous une tutelle nationale particulièrement
étroite, guère
conforme à leur statut d’établissements publics et
qui risque
de les priver de certaines des souplesses et des marges d’initiative que
nécessite une approche renouvelée du pilotage du système de santé.
Celle-ci suppose également un nouveau dialogue avec les préfets et les
organismes d’assurance maladie
, qui doivent prendre plus pleinement en
compte l’existence et le rôle
confié par la loi aux agences.
A
–
Un pilotage national
qui n’a pas trouvé son point
d’
équilibre
1
–
Un conseil national de pilotage (CNP) trop peu stratégique
Le
conseil
national
de
pilotage
est
chargé
de
conduire
«
l’animation du réseau des agences
»
228
. A ce titre, il « donne aux ARS
les directives pour la mise en œuvre de la politique nationale de santé sur
le territoire » et « veill
e à la cohérence des politiques qu’elles ont à mettre
en œuvre en termes de santé publique, d’organisation de l’offre de soins
et de prise en charge médico-sociale et de gestion du risque ». Il
rassemble à cet effet, sous l’autorité du ou des
ministres concernés, les
directeurs des administrations centrales impliquées dans les questions
intéressant les ARS et
les directeurs des caisses nationales d’assurance
maladie ainsi que le directeur de la caisse nationale de solidarité pour
l’autonomie (CNSA)
.
Cette i
nstance, dont la constitution a été préférée à celle d’une
agence nationale de santé parfois évoquée, se réunit à un rythme soutenu :
près d’une fois par mois pendant la période de préfiguration puis deux
fois par mois depuis le 1
er
avril 2010. Elle
n’a
cependant que de plus en
plus rarement été présidée par les ministres eux-mêmes (quatre fois
pendant la période de préfiguration, deux fois en 2010 et jamais en 2011).
228. Article L. 1433-1 du code de la santé publique.
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242
Le CNP fonctionne en réalité comme une instance administrative
de coordination entre les membres qui le composent, présidée en
l’absence des ministres
par le secrétaire général des ministères chargés
des affaires sociales, qui en assure par ailleurs le secrétariat. Ce dernier
dispose à cet e
ffet d’une équipe spécifique
(19 personnes en moyenne en
2011). Il organise, avec les administrations centrales concernées, des
rencontres régulières pour traiter les questions communes à l’ensemble
des agences (séminaires mensuels des directeurs généraux, réunions des
directeurs des ressources humaines, réunions des chefs des services
financiers et agents comptables, réunions des chefs des services
informatiques etc.), sans avoir néanmoins autorité sur les directions
« métiers »
du ministère dont les missions n’ont pas été modifiées par la
création des agences.
Ce mode de fonctionnement a favorisé un dialogue plus étroit entre
administrations centrales et a sans doute amélioré la cohérence des
instructions adressées aux ARS, qui doivent en principe lui être
systématiquement soumises pour validation. Mais il ne paraît pas avoir
joué à cet égard un rôle de filtre suffisant : les agences ont été
destinataires pendant les deux premières années de leur création de plus
d’une instruction par jour ouvrable
-307 en 2010 et 310 en 2011-, les
mobilisant sur les sujets les plus divers alors même que ces dernières
devaient simultanément ro
der leur fonctionnement interne, s’emparer des
nouveaux outils de programmation créés par la loi HPST et définir leurs
modalités de travail avec des partenaires nombreux et exigeants.
Au total, ce
pilotage très serré n’a pas permis une redéfinition plus
stratégique des
politiques de santé à conduire à l’échelon régional, non
seulement en termes d’organisation des soins mais aussi de pilotage des
dépenses d’assurance maladie, qui constitue
un enjeu majeur. Même si la
mise en place tardive de réunions de travail mensuelles ad hoc des
membres du CNP a contribué à construire une vision mieux partagée, une
capacité d’arbitrage a fait défaut, faute de présidence plus fréquente par le
ministre du CNP.
Il n’est guère étonnant dans ces conditions que les
objectifs assignés aux agences apparaissent encore très généraux.
2
–
Des contrats d’objectifs et de moyens
inadaptés
Chaque ARS conclut avec les ministres chargés de la santé, de
l'assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées un
contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) pour une durée de
quatre ans. Le CNP approuve les objectifs fixés dans chaque contrat et en
évalue les résultats par le suivi des indicateurs. Les premiers CPOM,
portant sur la période 2010-2013, ont été signés dès le 8 février 2011,
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243
permettant ainsi aux nouvelles agences de s’inscrire dans un cadre clair et
de responsabiliser le directeur général
229
et ses équipes.
Cependant les objectifs et indicateurs de résultats du CPOM sont
communs à toutes les ARS et ne prennent pas en compte la diversité et les
spécificités des situations régionales comme on aurait pu s’y attendre
pour mobiliser chaque ARS sur des enjeux territorialement prioritaires.
La discussion avec chaque agence
n’a
en effet porté que sur les valeurs
cibles et les moyens alloués (plafond d’emplois 2011
-2013 et crédits
budgétaires 2011).
Les 14 objectifs de mise en place (élaboration des documents de
planification sanitaire, installation des instances de démocratie sanitaire,
signature des contrats avec les préfets et l’assurance maladie) et de
management (indicateurs relatifs à la gestion des ressources humaines,
aux systèmes d’information et à la gestion interne des ARS) sont de
nature essentiellement quantitative.
Les 31 indicateurs « métiers » retenus répondent à trois priorités
nationales
: l’amélioration de l’espérance de vie en bonne santé, la
promotion de l’égalité devant la santé et le développement d’un système
de santé de qualité, accessible et efficient. Ils se réfèrent ainsi à des
enjeux de santé publique généraux et nécessairement de long terme et ne
reflètent pas les résultats directs et immédiats de l’action des ARS. Les
indicateurs du CPOM ne sont au demeurant pas articulés avec ceux des
projets régionaux de santé qui doivent pour leur part couvrir la période
2011-2014.
Aucun indicateur ne cherche par ailleurs à mesurer spécifiquement
l’impact de l’action des agences sur la régulation de la dépense
d’assurance maladie.
La première génération des CPOM, aux objectifs et indicateurs à la
fois trop nombreux, insuffisamment spécifiques et peu marqués par la
prise en compte du rôle des agences dans la maîtrise de la dépense, traduit
ainsi un pilotage plus administratif que stratégique d’en
tités dont le statut
d’établissement public aurait laissé attendre bien davantage de latitude
d’action et de marges d’autonomie. Elle reflète en cela le poids
d
’administrations centrales qui n’ont pas pris
toute la mesure des
changements de fonctionnement
que la création d’agences se substituant à
des services déconcentrés devait appeler de leur part.
229.
Le directeur général est par ailleurs destinataire chaque année d’une lettre de
mission des ministres qui fixe ses objectifs notamment au regard de ceux définis dans
le CPOM. L’évaluation individuelle du directeur général est réalisée par rapport aux
objectifs qui lui sont ainsi fixés.
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244
3
–
Des administrations centrales qui
n’ont pas tiré toutes les
conséquences de la création des ARS
La création des ARS aurait dû conduire les administrations
centrales à se réorienter vers les fonctions de pilotage stratégique des
politiques dont elles ont la charge en se coordonnant dans le cadre du
CNP.
Or chaque direction continue, comme par le passé, de fonctionner
en «
tuyaux d’orgues
» avec les ARS, leur donnant des orientations ou
leur adressant des demandes segmentées par secteur (hôpital, médico-
social, soins de ville, prévention), sans toujours passer par le conseil
national de pilotage. L
’unification
du pilotage du système de santé au
niveau régional n’
a pas été accompagnée
d’un décloisonnement à
l’échelon national.
La direction générale de l’offre de soins (DGOS) continue
ainsi de
traiter directement de dossiers particuliers à certains établissements de
santé. Elle participe aux réunions mensuelles des directeurs généraux des
centres hospitaliers universitaires sans la présence des directeurs
généraux d’
ARS. Elle pilote le comité des risques financiers qui examine,
certes cette fois
en présence du directeur général d’ARS concerné, la
situation des établissements les plus déficitaires. Elle peut octroyer des
crédits, conservés au niveau national, pour aider certains établissements.
Ce mode de fonctionnement interfère avec les responsabilités reconnues
aux agences et n’est pas de nature à permettre de fair
e reconnaître leur
autorité par leurs interlocuteurs locaux.
Le dialogue budgétaire entre les agences et la direction des affaires
financières, informatiques, immobilières et des services (DAFIIS) pour
déterminer le budget propre des ARS, très étroit, témoigne aussi
d’une
autonomie particulièrement limitée pour des établissements publics. Tout
mouvement de crédits est ainsi soumis à son approbation préalable.
B
–
Une collaboration délicate
avec l’assurance
maladie
Les ARS ont été créées dans un contexte marqué par une certaine
résistance de la part de la caisse nationale d’assurance maladie
(CNAMTS), soucieuse
non seulement de l’enjeu financier lié à leur
fonctionnement, mais aussi de la préservation de ses prérogatives en
matière de gestion du risque.
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245
1
–
La déte
rmination de la contribution de l’assurance maladie
au fonctionnement des ARS : un sujet sensible
Au-delà
des personnels des caisses d’assurance maladie
qui leur
ont été directement et effectivement transférés (1 267 ETP), 426 emplois
ont pu être pourvus par les ARS par appel à candidature dans les
organismes de sécurité sociale (310 ETP du régime général, 73 de la
mutualité sociale agricole et 43 du régime social des indépendants), soit
au total 1 693 ETP.
La contribution des régimes d’assurance maladie v
ersée aux
agences pour financer ces personnels et leur fonctionnement a
fait l’objet
de vives discussions. Dans un premier temps partiellement forfaitaire, elle
a ensuite
fait l’objet d’une
« clause de revoyure » dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2012
230
. Le montant arbitré, à
hauteur de 161
M€ pour 2011, est plus faible que celui établi par le
secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales à partir des
remontées statistiques des ARS (165
M€) mais plus élevé qu
e
l’estimation de la CNAMTS de près de 10
M€.
Les paramètres d’évolution
(effets des avenants aux conventions
collectives ou des suppressions
d’emplois
par exemple) de la contribution
de l’assurance maladie ne sont au demeurant pas rigoureusement définis,
ce qui risque de susciter des difficultés récurrentes pour sa détermination
2
–
La lente implication de la CNAMTS dans une gestion
partagée du risque
Au titre de leurs missions, les ARS « définissent et mettent en
œuvre, avec les organismes d’assurance maladi
e et avec la CNSA, les
actions régionales prolongeant et complétant les programmes nationaux
de gestion du risque et les actions complémentaires ». La loi HPST a ainsi
conféré aux ARS une responsabilité en matière de politique de gestion du
risque et a rendu nécessaire la collaboration avec les caisses locales
d’assurance maladie pour la mise en œuvre des actions.
Les orientations nationales en matière de gestion du risque ayant
été définies par l’UNCAM dans le cadre du contrat signé avec l’Etat le
230.
Montant de la contribution des régimes d’assurance maladie pour les dépenses de
fonctionnement : 118
M€ en 2010 (neuf mois de fonctionnement), 151
M€ en 2011
(LFSS 2011) revu à 161
M€ en partie rectificative de la LFSS 2012 et 160
M€ pour
2012.
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C
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246
1
er
mars 2011, les ARS ont dû retenir les dix priorités
231
ainsi fixées pour
l’élaboration de leur programme pluriannuel régional de gestion du
risque. La CNAMTS,
dont l’objectif prioritaire était de mettre en œuvre
ces orientations,
n’a pas favorisé la définition d’actions
régionales
complémentaires entre
les ARS et les organismes locaux d’assurance
maladie.
La mise en œuvre d’actions de gestion du risque par les ARS s’est
heurtée en tout état de cause à des difficultés concrètes de coopération. La
CNAMTS a privilégié son propre réseau au détriment des ARS
notamment sur le plan de l’accès aux systèmes d’information et aux outils
de travail de l’assurance maladie.
L’accès aux systèmes d’information de l’assurance maladie en
particulier au SNIIRAM
232
a été dans un premier temps limité aux seuls
agents transférés en 2010 et qui disposaient déjà des habilitations
nécessaires. Les discussions entre la CNAMTS, le secrétariat général
char
gé des ministères sociaux et l’u
nion nationale des professions de
santé (UNPS), soucieu
se de conserver l’anonymat des données
individuelles des professionnels de santé ont retardé de deux ans la mise
au point d’un nouveau protocole d’accès au SNIIRAM, qui n’est
intervenu qu’au printemps 2012. Il
permettra aux ARS une information
détaillée mais non nominative sur les activités de soins.
La diffusion des documents de doctrine et des instructions de la
CNAMTS à l’attention de son propre réseau (lettres réseaux) en matière
de gestion du risque a fait tardivement aussi, fin 2011, l’objet d’un acc
ord
de principe de diffusion aux ARS.
Le partage de ces outils est une condition essentielle au bon
exercice des missions de chacune de ces institutions qui partagent
l’objectif de maîtrise d
es dépenses de santé. Après les réticences initiales
de la CNAMTS, les avancées récentes doivent pouvoir se concrétiser
rapidement et être approfondies pour créer un partenariat efficace.
231 . Transp
orts sanitaires, prise en charge de l’insuffisance rénale chronique,
médicaments et dispositifs médicaux en établissements, prescriptions hospitalières de
médicaments exécutées en ville, imagerie médicale, chirurgie ambulatoire, efficience
des établissemen
ts d’hébergement pour personnes âgées (EHPAD), prescriptions dans
les EHPAD, établissements de soins de suite et réadaptation, permanence des soins
ambulatoires et urgences hospitalières.
232. Le SNIIRAM est un entrepôt de données inter-régimes sur les activités de soins
et de remboursement en ville et à l’hôpital.
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247
C
–
Des relations complexes entre préfets et directeurs
généraux d’ARS
La création des ARS, qui s’est traduite par un transfert partiel
des
services déconcentrés de l’Etat au profit d’un établissement public, est
intervenue dans un contexte de profonde réorganisation de l’Etat au
niveau territorial. Le préfet de région est désormais « responsable de
l’exécution des politiques de l’Etat dan
s la région, sous réserve des
compétences de l’ARS
»
233
.
La collaboration entre les ARS et les services des préfets est
nécessaire pour l’exercice de leurs missions respectives. Reprenant les
moyens des DDASS en matière de santé-environnement, les ARS
exercent en effet, pour le compte du préfet de département qui conserve
ses pouvoirs régaliens, les missions relatives à la veille, à la sécurité, à
l’
hygiène et à la police sanitaires (hospitalisations sans consentement,
protection contre les risques sanitaire
s liés à l’environnement, y compris
les risques liés à l’habitat, volet sanitaire des plans de secours et de
défense, avis sanitaires etc.). Le préfet peut, pour les matières relevant de
ses attributions au titre du code de la santé publique, déléguer sa signature
au directeur général
de l’ARS
.
Le décret n° 2010-
338 du 31 mars 2010 prévoit la signature d’un
protocole entre le préfet de département et le directeur général de l’ARS
pour définir les modalités pratiques des actions et prestations mises en
œuvre
par l’agence pour le compte du préfet de département. Après des
discussions parfois difficiles, les protocoles d’accord
234
, qui définissent
de manière opérationnelle les procédures, ont été signés en 2010 pour une
durée de trois ans. La réussite de ce partenariat ne dépend toutefois pas de
la seule application de ces accords mais aussi de la qualité du dialogue
entre le directeur général d’ARS et ses délégués territoriaux
235
avec les
préfets
. Il est tributaire à cet égard des choix d’organisation des
délégations territoriales. Le mouvement de régionalisation engagé dans de
nombreuses ARS limite en effet le champ d’action de ces dernières et
tend à priver en effet le préfet de département d’un interlocuteur
décisionnel et de services de proximité. Il en résulte des tensions
récurrentes entre préfets et directeurs généraux d’ARS, parfois avivées
233. Décret n° 2010-146 du 16 février 2010 modifiant le décret n° 2004-374 du 29
avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services
de l’Etat dans les régions et
départements.
234.
Des protocoles provisoires ont été signés dès l’installation des ARS puis ont été
négociés des protocoles définitifs.
235. Les délégués territoriaux des ARS sont positionnés dans les départements.
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248
par
des
difficultés
d’ordre
protocolaire
ou
dans
les
relations
institutionnelles avec les élus.
Plusieurs
instructions
écrites
des
secrétaires
généraux
des
ministères chargés des affaires sociales
et du ministère de l’intérieur
236
ont cherché à préciser le rôle de chacun, mais le juste équilibre à trouver
est en l’occurrence moins affaire de textes que de pratique au quotidien.
De ce point de vue, l’enjeu pour les agences est
de se mettre en mesure
d’apporter dans les domaines pour lesquels elles sont mises à disposition
des préfets une qualité de service au moins égale à celle des anciennes
DDASS, en termes notamment de capacité de gestion de crises sanitaires.
*
*
*
La question du mode de pilotage national est la plus problématique
car
traduisant
une
conception
classique,
plutôt
jacobine
sinon
recentralisatrice, de la tutelle, qui si elle perdurait priverait les agences de
toute capacité à être des interlocuteurs réactifs et crédibles et des marges
d’initiative
indispensables
à
leur
mission.
L
es
difficultés
de
positionnement avec les organismes d’assurance maladie au plan local et
les préfets devraient de fait
s’apaiser à mesure de la montée en charge des
ARS dans l’exercice
des compétences partagées.
III - Des moyens de fonctionnement à moderniser
La réussite des agences repose, au-delà des pouvoirs importants
que leur confèrent les textes, sur la qualité des équipes et des systèmes
d’information qu’elles pourront mobiliser pour s’imposer dans le paysage
institutionnel complexe décrit précédemment et sur la possibilité pour
elles de disposer d’outils financiers adaptés. Des progrès apparaissent
d’ores et déjà nécessaires sur ces différents plans.
A
–
Simplifier la gestion des personnels et adapter les
compétences
La loi HPST a fait le choix de la continuité en matière de gestion
des ressources humaines. Les personnels des structures fusionnées ont été
transférés ou affectés dans les ARS en conservant durablement le statut
qui était le leur avant la fusion. La juxtaposition de statuts privés et
publics compliquent la gestion par les directeurs généraux confrontés par
236. Instructions interministérielles des 24 mars et 24 septembre 2010, courrier du
7 juillet 2011, circulaire du 5 août 2011.
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249
ailleurs à la nécessité d’adapter les profils aux missions nouvelles des
ARS.
1
–
L’hétérogénéité des statuts des personnels
Les ARS gèrent trois grandes catégories de personnels : des agents
titulaires de la fonction publique d’Etat (anciens agents des DRASS et des
DDASS notamment), des agents contractuels de droit public et des agents
contractuels de droit privé (personnels provenant des organismes de
sécurité sociale). Les quelques agents titulaires de la fonction publique
territoriale ou de la fonction publique hospitalière, tout comme les
praticiens hospitaliers, sont le plus souvent recrutés par contrat de droit
public. C’es
t aussi le cas des personnes recrutées aux postes de direction
les plus importants, dits « emploi COMEX »
237
.
Les CPOM conclus entre chaque ARS et les ministres prévoient un
objectif de maintien de la répartition entre agents de l’Etat et personnels
de l’as
surance maladie. Cet équilibre est évalué ARS par ARS et en
référence à la situation théorique de départ (plafond d’emplois 2010), qui
correspond au niveau national à une proportion de 82,3
% d’agents
publics et de 17,7
% d’agents de droit privé.
Ces derni
ers ne peuvent relever que de l’une des conventions
collectives applicables aux organismes de sécurité sociale (régime
général, régime social des indépendants et régime social agricole).
Certaines agences ont recruté sous ce régime des personnes ne provenant
pas d’organismes de sécurité sociale (informaticiens, consultants…) pour
satisfaire des exigences de rémunération qui ne pouvaient l’être en
appliquant le cadre de gestion des contractuels de droit public ou pour
respecter «
l’équilibre des viviers Etat
et assurance maladie ». Au
31 décembre 2011, les agents de droit public représentaient 83 % des
effectifs et ceux de droit privé 17 % sur un total de 8 955 ETP.
a)
Des conditions de rémunération et de travail différentes
Les comparaisons de rémunération sont difficiles entre agents de
droit public et agents de droit privé. Les éléments constitutifs
(rémunération de base, système de primes, indemnités de résidence), les
cotisations sociales applicables et les modalités de versement (14 mois
pour les agents de droit privé sous convention collective de sécurité
sociale) ne sont en effet pas homogènes. Toutefois, le coût moyen
237.
Le nombre d’emplois COMEX a été fixé par arrêté. Il s’élève à 118 emplois dont
les 26 directeurs généraux. L’équipe COMEX est l’équipe dirigeante de l’ARS. Le
comité de di
rection (CODIR) est une instance plus large qui associe l’ensemble des
directeurs métiers et les délégués territoriaux.
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250
(incluant les cotisations patronales) d’un agent de droit privé en ARS
atteint près de 80 000
€, soit plus de 10
000
€ de plus que le coût
d’un
agent de droit public. Cette différence peut traduire des structures
d’emploi non homogènes, mais renvoie aussi à des niveaux de
rémunération qui peuvent être en décalage. Les écarts de rémunération les
plus notables concernent les médecins, la situation des praticiens conseils
de l’assurance maladie étant notablement plus favorable que celle des
médecins inspecteurs de santé publique.
Les modalités de travail, également dissemblables, posent des
difficultés et alimentent les revendications des organisations syndicales.
Les principaux sujets portent sur l’organisation et la durée du temps de
travail (congés, jours accordés au titre de la réduction du temps de travail
notamment), le remboursement des frais professionnels, la restauration,
l’organisation
et le paiement des astreintes. Sur ces questions, non
seulement les textes réglementaires applicables aux agents de l’Etat
diffèrent sensiblement des dispositions conventionnelles prévues pour les
agents des organismes de sécurité sociale mais des accords locaux plus
favorables qui s’appliquaient dans les structures précédant l’ARS ont
encore accru les difficultés.
Le dialogue social peut permettre de faire converger dans une
certaine mesure les situations des agents de statuts différents. La loi
HPST a prévu des instances représentatives du personnel au sein de
chaque ARS (comité d’agence qui exerce les missions d’un comité
d’entreprise, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail,
délégués syndicaux et délégués du personnel pour les personnels de droit
privé). Les accords locaux relatifs au temps de travail ont ainsi été
renégociés au sein des ARS fin 2011 et au premier semestre 2012.
Toutefois la négociation locale ne peut aboutir à une harmonisation
complète des conditions de travail car les marges de discussion sont
fortement encadrées par les dispositions conventionnelles s’appliquant
aux agents de droit privé et les textes réglementaires pour les agents
publics. Les règles relatives au dialogue social (représentativité des
syndicats, transposition des accords, rôle joué au niveau national par le
comité national de concertation
238
) sont de surcroît particulièrement
complexes et limitent la capacité de négociation des directeurs généraux
des agences.
238. Ce comité, créé auprès des ministres par la loi HPST et composé de représentants
des personnels des ARS, des directeurs généraux des
agences, de l’assurance maladie
et des tutelles, a à connaître des questions communes aux agences en matière
d’organisation, d’activités et de conditions de travail.
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251
b)
Des rigidités de gestion
Le directeur géné
ral de l’ARS a autorité, en application de la loi,
sur l’ensemble de ses agents.
Pour les agents statutaires cependant, qui sont en position
d’affectation et non de détachement, ses pouvoirs sont limités par les
règles de gestion de la fonction publique. Le recrutement des agents
publics
titulaires
doit
respecter
la
procédure
des
commissions
administratives paritaires nationales (CAPN). En termes d’évolution et de
gestion des carrières, le directeur général de l’ARS est aussi tributaire des
décisions prises au niveau national par celles-ci. Le passage en CAP est
également nécessaire pour la mutation volontaire d’un agent entre une
délégation territoriale et le siège d’une même ARS. Il conviendrait ainsi à
tout le moins d’étudier un aménagement des règles po
ur les mutations
internes et volontaires au sein d’une agence, en examinant la possibilité
d’élargir la notion de résidence administrative à la région.
L’harmonisation des statuts de personnels de droit privé devrait
être recherchée par un rattachement conventionnel unique en privilégiant
les conventions collectives applicables aux salariés du régime général
(union des caisses nationales de sécurité sociale -UCANSS), ne serait-ce
que pour les nouveaux recrutements. La gestion de neuf conventions
collectives (employés et cadres, praticiens-conseils et agents de direction
pour le régime général, la MSA et le RSI) est en effet d’une grande
complexité.
Enfin, le développement des recrutements sur contrats (de droit
public de type « COMEX » pour les cadres de direction ou de droit privé)
donnerait plus de liberté aux directeurs généraux dans leur politique de
recrutement et de rémunération, dans la limite des enveloppes salariales
dont ils peuvent disposer. Cette évolution suppose toutefois une remise en
cause p
rogressive de l’objectif des CPOM de strict respect de la
proportion entre les personnels Etat et de l’assurance maladie.
c)
Un coût de gestion non négligeable
La multiplicité des statuts entraîne une lourdeur de gestion pour les
services supports des ARS. La
plupart d’entre elles ont ainsi dû recruter à
la tête des directions des ressources humaines un binôme comprenant un
cadre de l’assurance maladie et un agent de catégorie A de la fonction
publique d’Etat.
L’absence d’outil informatique de gestion de paie
oblige à
déléguer une partie des opérations de paie à la direction régionale des
finances publiques pour les agents publics et aux organismes de sécurité
sociale pour les agents de droit privé. Les conventions de paie à façon,
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252
définies au niveau national,
prévoient une rémunération par l’ARS de
1,52
€ par feuille de paie pour les agents publics et de 28
€ par feuille de
paie pour les agents de droit privé. Sur la base d’un effectif des ARS de
près de 9 000 agents au 31 août 2011, la charge annuelle totale pour
l’ensemble des ARS atteint 650
000
€. L’abandon du projet d’un système
d’information ressources humaines propres aux ARS (SIRH cf. infra), au
profit d’une solution intégrée pour les agents publics au projet de
l’opérateur national de paye (ONP) report
e la diminution de ces charges à
un horizon plus lointain.
Si elle pouvait se justifier au moment de la création des ARS, la
question de la pérennité d’une
situation caractérisée par la coexistence de
statuts différents se pose non seulement en termes de climat interne et de
lourdeur de gestion, mais d’évolution des profils nécessaires pour
l’exercice des missions.
2
–
Des qualifications partiellement inadaptées aux missions
Les agences ont hérité des personnels des structures qui les ont
précédées, parmi lesqu
els une forte proportion de personnels d’exécution.
Les personnels de catégorie C représentaient ainsi au 1
er
janvier 2011 un
tiers des effectifs des agents publics titulaires. La concentration des
fonctions supports au siège de l’ARS en région a fortement
réduit les
besoins de ces personnels dans les délégations départementales.
Au contraire, les missions nouvelles exigent des compétences et
qualifications qui n’existaient pas ou étaient insuffisamment développées
dans les structures antérieures. Il s’agit par exemple de l’appui à la
performance hospitalière et médico-sociale (analyse financière, contrôle
de gestion…), de l’animation territoriale, de l’exercice de missions de
proximité (soutien à l’installation des professionnels de santé), des
fonctions de management et gestion de projets, de compétences
spécifiques dans le domaine des systèmes d’information en santé (PMSI,
SNIIRAM…).
L’évolution des missions et des compétences concerne tout
particulièrement les délégations territoriales qui comptent 45 % des
effectifs des ARS. La répartition des missions entre siège et délégations
diffère d’une ARS à l’autre et n’est pas encore stabilisée. Cependant la
tendance est plutôt à la régionalisation et à la mutualisation, qui ont
commencé par les fonctions supports et se poursuivent sur les fonctions
métiers, les délégations ayant vocation à se positionner sur un rôle
d’animation territoriale et des missions de proximité dont les contours
sont aujourd’hui encore mal définis.
L’adaptation des qualifications et co
mpétences aux missions des
ARS doit ainsi s’inscrire dans une gestion prévisionnelle doublement
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253
contrainte par les tensions sur la masse salariale qui limitent les
possibilités de recrutement sur contrats et l’impossibilité de mobilité
géographique contrainte des agents publics. Dans ces conditions, il
importe d’accentuer les efforts de formation et de développer des actions
d’accompagnement à la conduite du changement au niveau des cadres
intermédiaires, tout particulièrement dans les délégations territoriales.
B
–
Investir dans les systèmes d’information
: une
priorité
Les ARS ont hérité des systèmes d’information des structures
précédentes et ont été confrontées, dès leur installation, à des difficultés
d’accès à certaines applications, à des problèmes de coh
érence globale
des outils et d’adéquation à leurs besoins. Les premiers temps, la priorité
a logiquement été donnée à la continuité de service. Désormais,
l’évolution des systèmes d’information est déterminante pour la réussite
de missions qui leur sont confiées.
1
–
Des outils foisonnants et inadaptés
Une cartographie des
systèmes d’information
entrant dans le
périmètre des ARS a été réalisée
dès le mois d’
août 2008, puis affinée en
juillet 2009 avec l’aide de consultants. Cet état des lieux a permis de
dénombrer plus de 700 applications (nationales ou locales) qui peuvent
être utilisées par les ARS et montré que ces outils répondent parfois à un
même besoin, qu’ils diffèrent d’un département à l’autre au sein d’une
même région et qu’ils ne communiquent pas en
tre eux.
Le pilotage du système de santé par les ARS nécessite au contraire
des systèmes d’information intégrés, adaptés à leurs spécificités et à leurs
missions tant sur les fonctions supports que sur les fonctions métiers. Les
ARS produisant à cet égard relativement peu de données doivent pouvoir
exploiter celles produites par leurs partenaires pour assurer le pilotage des
politiques de santé. La question des droits d’accès et du développement
d’applications d’interfaces est ainsi essentielle. L’article L
. 1435-6 du
code de la santé publique, introduit par la loi HPST, prévoit
d’ailleurs que
l’ARS dispose de l’accès aux données des établissements de santé et des
établissements médico-
sociaux ainsi que des organismes d’assurance
maladie et de la caisse nati
onale de solidarité pour l’autonomie
239
.
239.
L’article L.
1435-6 du code de la santé publique précise que « cet accès est
assuré dan
s des conditions garantissant l’anonymat des personnes bénéficiant de
prestations de soins ou de prises en charge et d’accompagnements médico
-sociaux ».
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Les évolutions réalisées sur l’outil Diamant, infocentre sur les
données des établissements publics de santé, tout comme le récent
protocole d’accès au SNIIRAM (cf. supra), montrent de premiers progrès
à cet égard qui doivent être poursuivis.
2
–
Une mise en œuvre prioritaire du schéma directeur
informatique
Un schéma directeur 2012-
2014 des systèmes d’information des
ARS a été élaboré en 2011 par des consultants à partir de réflexions
conduites par cinq groupes de travail thématiques associant les ARS. Il a
été présenté au comité national de pilotage en décembre 2011.
a)
Un schéma directeur 2012-2014 ambitieux
Il comprend une partie «
plan d’actions
» avec l’identification
d’une trentaine de projets à développer et une par
tie gouvernance. Le
tableau ci-
dessous démontre l’ampleur des adaptations nécessaires pour
permettre aux ARS de mener à bien leurs missions.
Contenu des projets du schéma directeur
Programme A
Concevoir et piloter la
politique régionale de
santé
Programme B
Appuyer la
gouvernance et le
pilotage des ARS
Programme C
Améliorer l’efficacité
opérationnelle des ARS
Programme D
Doter les ARS d’une
architecture SI et
d’infrastructures adaptées
8 projets dont:
-
analyse de l’offre
de la consommation
(extension Diamant)
-
mise en place d’une
approche de type
parcours de santé
- outil de pilotage
commun des états
financiers
- stratégie
d’approvisionnement
nationale en données
externes
- suivi des CPOM
ARS
7 projets dont
- SI RH ARS
240
- SIBC (dont
gestion des
immobilisations)
- outils de pilotage
commun des ARS
(tableau de bord
des DG)
- suivi des plans
d’actions liés à la
politique régionale
12 projets dont :
- gestion des contrats
établissements
- allocation de
ressources (extension
de HAPI au-delà du
médico-social)
- gestion des
autorisations
- outil unique « point
focal régional »
(veille et sécurité
sanitaire)
- données financières
des établissements
médico-sociaux
4 projets dont :
- choix et mise en place
d’un référentiel des
structures ARS
- plateforme
d’autom
atisation des
échanges
- rationalisation et
consolidation des
infrastructures
techniques
Source :
Tableau Cour des comptes élaboré à partir du schéma directeur 2012-2014
des systèmes d’information des ARS
240.
Projet finalement abandonné en février 2012 au profit d’un projet d’intégration
de la gestion des ag
ents de l’Etat dans le projet interministériel de l’opérateur national
de paye (ONP).
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L
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255
L’organisation privilégiée pour sa mise en œuvre repose sur
une
gouvernance centralisée du pilotage des projets au niveau national (une
commission à vocation stratégique émanant du CNP et un comité
opérationnel restreint auprès du secrétariat général) et une délégation de
la maîtrise d’ouvrage à quelques ARS. Ce s
ystème de projet mutualisé
confié chaque fois à une ARS, issu du dispositif retenu pour les ARH, est
déjà en œuvre. Fin 2011, les projets mutualisés mobilisaient une vingtaine
d’experts répartis essentiellement dans cinq ARS. Ces projets ont été
repris dans le schéma directeur 2012-
2014. Ce choix d’une maîtrise
d’ouvrage déléguée à cinq ARS est cependant un élément de complexité,
de risque de dispersion et de manque de cohérence des outils, d’autant
que le pilotage national est faible.
b)
Les insuffisances du pilotage national
Le
pilotage national des systèmes d’information a souffert en 2011
d’une rotation importante des équipes et d’un manque d’articulation
des
responsabilités au sein du secrétariat général des ministères chargés des
affaires sociales entre la mission ARS et la nouvelle délégation à la
stratégie des systèmes d'information de santé (DSSIS).
Par ailleurs, l’absence de décision en matière de financement est
particulièrement préoccupante. Les besoins globaux résultant de la mise
en œuvre du schém
a directeur ont été évalués à 26
M€ pour la seule
période de 2012 à 2014.
A la création des ARS, un budget de 20
M€ avait été initialement
prévu dans le budget de première installation pour les systèmes
d’information. La réduction de ce budget, conséquence de la non
réalisation des opérat
ions de cessions d’équipements sportifs, à hauteur
de 10
M€ et les surcoûts intervenus en matière immobilière ont impacté
directement les projets informatiques. La programmation budgétaire 2012
n’a identifié, ni dans les budgets des ARS, ni au niveau centr
al, de crédits
budgétaires spécifiques. Une mise en œuvre dans des délais raisonnables
du schéma directeur est cependant indispensable pour permettre aux
agences d’exercer leurs missions et en particulier de contribuer
efficacement à la maîtrise des dépens
es d’assurance maladie et il importe
que les tutelles en fassent un enjeu prioritaire.
C
–
Des leviers financiers encore en construction
Les ARS n’ont pas été dotées à leur création de dispositifs de
financement nouveaux et spécifiques par rapport à ceux dont disposaient
les structures qu’elles ont remplacées. Leurs crédits d’intervention
(GRSP, DDASS notamment), principalement issus du programme 204
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256
« prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission « santé »
du budget de l’Etat, s’élèvent à mo
ins de 400
M€. Ils sont affectés aux
actions de prévention et santé publique, à la formation initiale des
médecins et à quelques mesures médico-sociales.
Au-delà de leurs crédits propres, ainsi très limités, les ARS ont un
pouvoir de répartition de certai
ns financements de l’assurance maladie
auprès des établissements de santé (dotation annuelle de fonctionnement,
missions d’intérêt général, aide à la contractualisation, dotations du fonds
de modernisation des établissements de santé publics et privés -
FMESPP), des établissements et services médico-sociaux, des réseaux de
soins ou de professionnels de santé (fonds d’intervention pour la qualité
et la coordination des soins -FIQCS-). Selon les états financiers produits
en 2010 qui retracent «
l’ensemble des charges de l’Etat, des régimes
d’assurance maladie et de la CNSA relatives à la politique de santé et aux
services de soins et médico-
sociaux dans le ressort de l’ARS
»
241
(cf.
schéma infra), les ressources réparties par les ARS représentaient
42
Md€. Cependant, l’ARS ne dispose d’un véritable pouvoir de décision
que sur une faible part d’entre elles (2,9
Md€), correspondant aux
subventions du FIQCS, du FMESPP et des aides à la contractualisation.
L’absence de décloisonnement de financements répartis en
enveloppes distinctes est rapidement apparue comme en contradiction
avec les objectifs d’approche transversale de l’offre de soins et comme
une limitation importante à la capacité d’initiative des ARS, malgré la
possibilité de transfert entre sous-objectifs de
l’ONDAM instaurée par la
loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2009
242
. La LFSS
pour 2011
243
a certes ouvert une possibilité de fongibilité des crédits
entre le FIQCS et le FMESPP. Ces dispositifs, complexes à mettre en
œuvre, ont été toutefois
très peu utilisés
244
.
241.
Document prévu à l’article L.
1 432-2 du code de la santé publique, introduit par
la loi HPST. Il retrace «
l’ensemble des charges de l’Etat, des régimes d’assurance
maladie et de la CNSA relatives à la politique de santé et aux services de soins et
médico-
sociaux dans le ressort de l’ARS
».
242. Article 53 LFSS 2009.
243. Article 88.
244.
Neuf régions ont mis en œuvre la fongibilité entre FMESPP et FIQSV en 2011
pour un tota
l d’environ 4
M€. Sur le même exercice, les opérations de fongibilité
entre sous-
objectifs de l’ONDAM ont représenté 31
M€.
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L
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257
Schéma des flux financiers et marges d’action des ARS
Dépenses de
santé publique
0,6Md€
Dépenses de
soins de ville
74Md€
Dépenses des
établissements de
santé
71Md€
Dépenses des
établissements médico-
sociaux
(hors conseils généraux)
18Md€
Autre
1Md€
Total dépenses
dans le ressort des ARS
173Md€
Assurance maladie
97,6%
Crédits
propres
CNSA
0,84%
Etat
1,6%
Crédits répartis
par les ARS
42Md€ soit 24%
Choix d’action des
ARS sur, au plus,
3Md€ soit moins
de 2%
Crédits
santé
publique
FIQCS
FMESPP
Crédits AC
(contractualisation)
Dotations
annuelles de
financement
MIG
OGD (médico-
social)
PAI
ESAT
AC : aides à la contractualisation
–
MIG
: missions d’intérêt général
ESAT
: établissement et service d’aide par le travail
FIQCS
: fonds d’intervention pour la qualité et la coor
dination des soins
FMESPP : fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés
OGD : objectif global de dépenses
–
PAI
: plan d’aide à l’investissement
Source :
Schéma Cour des comptes à partir des données des Etats financiers 2010
des ARS
–
article L. 1432-2 du code de la santé publique (cf. supra)
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L’instauration d’un fonds d’intervention régional (FIR) par
l’article 65 de la LFSS pour 2012 vise cependant à donner plus de
souplesse aux ARS dans l’allocation de certains moyens financiers. Ce
fonds, géré comptablement et budgétairement par la CNAMTS, a
vocation à regrouper au sein d’une même enveloppe fongible (1,3
Md€
pour 2012) les financements des ARS en faveur des actions de
prévention, de permanence et de continuité des soins, de performance et
de qualité des soins (en regroupant une partie des crédits régionaux du
FIQCS, du FMESPP, des financements des missions
d’intérêt général des
hôpitaux ).
Si son périmètre a été réduit par rapport à certaines ambitions
initiales d’une dotation à hauteur de 5,4
Md€ en incluant également
notamment les aides à la contractualisation destinées aux établissements
hospitaliers et
les crédits relatifs à la régulation des urgences, il s’agit
d’un réel et appréciable changement de perspective.
La portée et l’efficacité de ce nouvel outil à la disposition des ARS
pour prendre en compte les spécificités régionales de l’offre de soins
d
épendront néanmoins de sa mise en œuvre (simplicité des circuits de
financement, visibilité pluriannuelle, niveau de précision des orientations
nationales, qualité de l’outil de pilotage et de reporting notamment).
______________________
CONCLUSION
________________________
La création des ARS constitue une réforme structurelle majeure du
pilotage du système de santé en renforçant son ancrage territorial et en
remédiant à un éclatement administratif préjudiciable.
Les nouvelles agences ont été installées rapidement et dans des
conditions satisfaisantes. Elles ont réussi à assurer sans rupture dans le
moment où elles se mettaient en place la continuité des missions des
structures qu’elles ont remplacées et, dès leur première année de
fonctionnement, se sont consacrées à l’élaboration du projet régional de
santé qui doit concrétiser une nouvelle approche, transversale et inscrite
dans un cadre régional, du système de santé.
Après l’importante phase de concertation qui a accompagné la
préparation de ce projet, l’enjeu pour les ARS est désormais de réussir la
mise en œuvre des objectifs ainsi fixés et de démontrer leur capacité à
améliorer l’efficience du système de santé.
Des éléments de fragilité restent à surmonter à cet égard pour leur
permettre de répondre pleinement aux objectifs très ambitieux qui leur ont
été assignés. Les ARS doivent pouvoir asseoir leur légitimité et disposer de
marges de manœuvre suffisantes vis
-à-vis des autres acteurs locaux pour
l’exercice des compétences partagées avec les acteurs nationaux, les
administrations centrales et l’ass
urance maladie. Cette évolution suppose
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une prise de conscience par ces acteurs, partenaires des ARS, des enjeux
de leur création et des spécificités et innovations que porte le modèle
profondément original retenu pour leur institution et une adaptation de
leur mode de fonctionnement en conséquence.
Rien ne serait plus dommageable que cette réforme essentielle pour
l’efficience du système de soins s’essouffle devant la lourdeur des
sollicitations administratives de tous ordres, un pilotage demeuré très
hiér
archique et un manque de souplesse et de marges d’initiative.
Certes, la reconnaissance des ARS se fera dans la durée et dépendra
de la qualité du dialogue qu’elles auront su nouer avec leurs différents
interlocuteurs. Mais il est nécessaire, sans attendre davantage, de
renforcer les leviers qui leur sont indispensables : des équipes en
adéquation meilleure avec les missions nou
velles, un système d’information
à hauteur des besoins, des moyens financiers aisément mobilisables au
service des objectifs multiples qui leur ont été fixés sont des conditions
décisives pour leur réussite au bénéfice des patients comme de la maîtrise
des
dépenses d’assurance maladie.
___________________
RECOMMANDATIONS
____________________
25.
Mettre en place un pilotage national respectueux de l’autonomie
nécessaire aux ARS pour accomplir leur mission, ce qui implique de :
-
définir les modalités d’une déconcentration accrue des compétences
des administrations centrales aux agences ;
-
redonner au conseil national de pilotage une fo
nction d’orientation
stratégique.
26.
Elaborer les prochains contrats
d’objectif et de moyens (CPOM)
avec chaque ARS en intégrant :
-
l’articulation avec les objectifs du proje
t régional de santé ;
-
la détermination d’objectifs en termes de gains d’efficience ou de
productivité interne permettant de respecter la trajectoire budgétaire
pluriannuelle.
27.
Simplifier la gestion des ressources humaines des ARS par :
-
l’augmentation de la
possibilité de recruter sur contrats ;
-
l’alignement de la situation des agents de droit privé sur les
conventions collectives du régime général (UCANSS) ;
-
l’
examen des modalités de mutations internes des fonctionnaires au
sein d’une même ARS.
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28.
Mettre en œuvre le schéma directeur des systèmes d’information
des ARS en en faisant une priorité d’arbitrage au sein du ministère.
29.
Renforcer le fonds d’intervention régional pour permettre
d’accroître les leviers d’action financiers des ARS.
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