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Chapitre V
Le financement de la sécurité sociale par
l’impôt
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137
_____________________
PRESENTATION
_______________________
Distincts des cotisations sociales et de la contribution sociale
généralisée (CSG)
122
, les impôts et taxes affectés (ITAF) au financement
de la sécurité sociale regroupent un ensemble hété
rogène d’impôts, ou de
parts d’impôt, dont le montant cumulé atteignait 54
Md€ en 2011
123
, soit
12 % des recettes des régimes de base et dont la caractéristique commune
réside dans la qualification d’impositions de toute nature affectées à la
sécurité sociale.
Longtemps demeurée marginale, la fiscalité affectée n’a atteint une
di
mension significative qu’à partir des années 2000, marquées par
l’impact croissant des allègements de cotisations sociales sur les recettes
de la sécurité sociale. Depuis 2006, la part des ITAF dans les ressources
des régimes de base et en particulier du régime général, est en constante
progression, l’apport de ressources nouvelles à la sécurité sociale
empruntant davantage
la voie d’une augmentation de leur nombre et de
leur produit plutôt que
celle d’un relèvement de la contribution sociale
généralisée (I).
Cet ensemble constitue désormais de facto, aux côtés des cotisations
et de la CSG, un troisième pilier du financement de la sécurité sociale. Il se
présente cependant comme un agrégat foisonnant, principalement assis sur
la consommation et dont le dynamisme contrasté fragilise certains régimes
et branches. Il apparaît instable, d’une lisibilité insuffisante, peu
responsabilisant dans ses modalités pour les organismes de sécurité
sociale qui en bénéficient et la gestion de ces impôts et taxes, éclatée entre
plusieurs administrations, n’est pas suffisamment transparente (II).
Une meilleure structuration de ce dispositif au sein de l’ensemble
des ressources de la sécurité sociale apparaît désormais nécessaire, afin de
garantir la transparence, la pérennité et la stabilité de son financement
(III).
122.
La contribution sociale généralisée n’est pas comprise da
ns le périmètre du
présent chapitre. Elle fer
a l’objet d’investigations spécifiques de la Cour.
123. Hors prélèvements alimentant la caisse
nationale de solidarité pour l’autonomie
(CNSA), le fonds national des solidarités actives (FNSA) et le fonds CMUC.
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I - Une place croissante dans le financement de la
sécurité sociale
Trois principales catégories de recettes devraient assurer en 2012
plus de 90 % des ressources des régimes de base
124
: les cotisations, pour
64 %, soit 280
Md€, la CSG, pour 16
%, soit 72
Md€, enfin les impôts et
taxes affectés (ITAF), pour 12 %, soit 54
Md€.
Cette dernière catégorie dont les contours varient selon les années
et selon les documents budgétaires, rapports et annexes joints aux projets
de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité
sociale
125
, rassemblait en 2011 une cinquantaine d’impôts et taxes diffé
-
rents, auxquels la loi de finances initiale pour 2012 a ajouté une taxe sur
les sodas et les boissons sucrées, ainsi que les taxes qui finançaient
jusqu’alors directement l’agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé (AFSSAPS).
Sur cet ensemble, les dix premiers prélèvements représentaient
85 % du produit total en 2011 et les trois premiers (taxe sur les salaires,
droits de consommation sur les tabacs et TVA sur certains produits
-tabacs, alcools, produits pharmaceutiques-) 61 %.
124. Les autres recettes sont composées essentiellement de transferts en provenance
d’organismes tiers (notamment du fonds de solidarité vieillesse
-FSV- et de la caisse
nationale de solidarité pour l’autonomie
-CNSA-) et de contributions publiques
principalement de l’Etat (comme les subventions aux régi
mes spéciaux de retraite).
125. Les annexes au PLF « voies et moyens » et « bilan des relations financières entre
l’Etat et la protection sociale
» ajoutent aux ITAF répertoriés par la commission des
comptes de la sécurité sociale les ressources du fonds CMU
C et du FNSA. L’annexe 6
du PLFSS retient le même périmètre, dont sont cependant exclues diverses taxes
affectées à des régimes particuliers, telles la contribution tarifaire d’acheminement
revenant à la caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG).
L’annexe 4 au PLFSS, qui contient une évaluation des recettes des régimes de sécurité
sociale par grande catégorie, dont les ITAF, ignore les prélèvements effectués au
profit du fonds CMUC et du FNSA, comme le fait le rapport sur les prélèvements
obligatoires et leur évolution, qui est le seul document budgétaire à présenter des
données sur les ITAF en droits constatés. L’ensemble de ces documents répertorient la
CSG et la CRDS parmi les taxes affectées.
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Principaux impôts et taxes affectés à la sécurité sociale
En M€
2010
2011
Taxe sur les salaires
11 437
11 644
Droit de consommation sur les tabacs
8 257
10 908
TVA « sectorielles » (tabacs, alcools, produits
pharmaceutiques)
8 544
10 114
Contribution de solidarité sur les sociétés (C3S) de base et
additionnelle
5 089
5 255
Droit de consommation sur les alcools
2 111
2 126
Prélèvement social sur les produits de placements
1 170
1 808
Prélèvement social sur les revenus du patrimoine
916
1 058
Contribution sociale sur les bénéfices
823
850
Taxe sur les véhicules de société
995
928
Contribution sur les contrats d'assurance en matière de
circulation de véhicules terrestres à moteur
946
972
Forfait social
632
1 056
Taxe sur les conventions d'assurance sur les contrats assurance
maladie
891
Taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation (« exit
tax »)
836
Total
40 920
48 446
Ensemble des ITAF (tous régimes et fonds)
45 915
53 691
Source :
DSS, ACOSS, DGFIP ; données en encaissements/décaissements
Les nouvelles mesures de recettes adoptées fin 2011
126
, essen-
tiellement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2012 et de la loi de finances rectificative du 19 septembre 2011, se
traduisent par une prévision d’accroissement de plus de 3
Md€ du produit
des ITAF pour 2012. Au-delà, les mesures additionnelles adoptées en
2012 au terme du vote de la loi de finances rectificative du 16 août 2012
devraient se traduire en année pleine par une augmentation du rendement
126. Les principales sont le relèvement de 2,2 % à 3,4 % du taux du prélèvement
social sur les revenus du capital, la hausse du taux du forfait social de 6 % à 8 %, le
passage de 3,5 % à 7 % du taux de la TSCA sur les contrats solidaires et responsables
et l’effet de la hausse de 6
% des prix du tabacs aux 1er octobre 2011 et 2012.
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des ITAF de plus de 2
Md€
127
, tandis que leur impact sur 2012 serait
limité à moins de 0,8
Md€. Le montant total des ITAF devrait ainsi,
toutes chose
s égales par ailleurs, s’élever à près de 60
Md€ dès 2013.
L
’importance de ces
prélèvements
est le résultat d’une évolution
relativement récente, qui remonte au début de la décennie 2000.
A
Un mode de financement marginal jusqu’au début
des années 2000
1
Un financement fiscal longtemps confiné aux régimes des
non-salariés et aux fonds de financement
Avant 2000, les ITAF n’ont représenté une part significative des
ressources que dans le cas des régimes des non-salariés, leur affectation
étant destinée à pallier
l’insuffisance des cotisations. Le régime des
exploitants agricoles a ainsi été financé depuis l’origine pour plus d’un
tiers de ses ressources par des taxes affectées, dont une fraction de TVA
jusqu’en 2004. Les régimes des non
-salariés non agricoles, au
jourd’hui
regroupés au sein du RSI, sont quant à eux financés depuis 1970 par la
contribution de solidarité sur les sociétés (C3S), à hauteur d’environ un
cinquième de leurs recettes totales.
2
Un régime général peu concerné
jusqu’à une période récente
En
revanche, le régime général n’a jamais vu son financement par
ITAF dépasser la part de 2,5 % avant 2000. Après la mise en place
temporaire de taxes sur le revenu imposable au profit de la CNAV, c’est
la branche maladie qui a reçu à partir de 1995 l’essenti
el des impôts
nouvellement affectés (essentiellement des fractions de droits de
consommation sur le tabac), le financement fiscal des branches vieillesse
et famille étant limité aux prélèvements sur les revenus du capital.
127. Soit 2,6
Md€ au titre de l’augmentation de
deux points du taux du prélèvement
social sur les revenus du capital (mesure conservée de la LFR de mars 2012), 2,3
Md€
au titre du passage de 8 % à 20 % du taux du forfait social, 0,3
Md€ au titre du
relèvement du prélèvement social sur les « stock-options »
et de l’assujettissement
aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers des non-résidents, desquels il faut
déduire 3
Md€ au titre de la réduction du champ des exonérat
ions sur les heures
supplémentaires aux entreprises de moins de 20 salariés, qui se traduit par une
réduction des transfert d’impôts affectés jusqu’ici à sa compensation (la TVA sur les
alcools, une fraction de droits sur les tabacs et le produit de la contribution sociale sur
les bénéfices).
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Etant donné le poids du régime g
énéral dans l’ensemble des
régimes de base, la part du financement par ITAF dans les ressources
totales de ces régimes est donc demeurée marginale avant 2000, ne
dépassant pas la barre de 4 %.
B
La montée en puissance de la fiscalité affectée à la
sécurité sociale
La montée en puissance des ITAF sur la décennie 2000 s’explique
d’une part par la nécessité de financer le coût croissant des allègements
de cotisations sociales, qui pesait alors essentiellement sur le budget de
l’Etat en vertu du principe de comp
ensation posé par la loi de 1994 et
d’autre part, par le souci d’apporter des ressources nouvelles pour réduire
le déficit de la sécurité sociale et financer la dette sociale sans augmenter
la CSG, la CRDS ou les cotisations.
La recherche d’une solution o
ptimale pour financer les allègements
de charges s’est traduite par un mouvement d’aller
-retour entre
débudgétisation et rebudgétisation, qui s’est dénoué en 2006 par la mise
en place d’un dispositif affectant directement des ITAF aux régimes et
branches concernés.
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Evolution du montant des impôts affectés aux fonds et aux principaux
régimes de base entre 1988 et 2011
128
En M€
0
10 000
20 000
30 000
40 000
50 000
60 000
1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
1er et 2nd "paniers"
FOREC
FRR
FSV
CNAV
CNAF
CNAMTS
régime des exploitants
CSSS-RSI
Source :
Données issues des rapports de la commission des comptes de la sécurité
sociale
1
Le financement des allègements de cotisations sociales
Les ITAF ont été progressivement mobilisés pour financer la
politique d’allègement des cotisations patronales sur
les bas salaires
menée par les gouvernements successifs, renforcée à partir de 1998 par la
mise en place de la réduction du temps de travail.
L’instauration en 2000 d’un fonds dédié, le FOREC, lui
-même
financé exclusivement par des recettes fiscales affectées, a conduit à un
doublement de la part des ITAF au sein du financement de la sécurité
sociale. Cette opération a permis de ne pas répercuter sur les dépenses de
128. Les « premier et second paniers
» renvoient à l’ensemble d’impôts et taxes
affectés aux différents régimes et branches de sécurité sociale pour compenser
l’impact sur leur financement des allègements de charge décid
és dans le cadre de la
loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement
de l’emploi («
premier panier » compensant les allègements généraux « Fillon ») et
dans le cadre de la loi du 21 août 2007 sur le travail, l’emploi
et le pouvoir d’achat
(« second
panier »
compensant
les
exonérations
« TEPA »
sur
les
heures
supplémentaires).
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l’Etat l’augmentation du coût des allègements de cotisations (+25
% en
2001). Objet de nombreuses critiques, notamment de la Cour
129
, le
FOREC a été supprimé à compter du 1
er
janvier 2004.
Le FOREC
Le fonds de financement de la réforme des exonérations de charges
sociales (FOREC) a été créé par la LFSS pour 2000
sous la forme d’un
établissement p
ublic de l’Etat. Chargé d’assurer le financement de la
compensation des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires,
notamment au titre de la réduction du temps de travail, ce fonds était
alimenté en recettes par différents impôts et taxes affectés, pour partie
nouveaux, pour partie affectés antérieurement au budget de l’Etat, ou
enfin
dirigés
auparavant vers l’assurance
-maladie (droits tabacs, taxe sur les
véhicules terrestres à moteur) et vers le fonds de solidarité vieillesse
(FSV).
Durant
ses trois années d’existence (2000
-2003), le FOREC a fait
l’objet de nombreuses critiques,
portant notamment sur les éléments
suivants :
- la présence parmi ses ressources de prélèvements auparavant dirigés
vers la CNAMTS et le FSV revenait à faire financer par la sécurité sociale
une partie du coût des « 35 heures » ;
- constitué tardivement
130
, il affichait en 2000 et 2001 des déficits de
1,7
Md€
et 0,7
Md€, représentatifs d’une créance de l’ACOSS sur l’Etat,
garant en dernier ressort du FOREC. La dette de
l’Etat a finalement été
apurée par des versements de la CADES à l’ACOSS en 2003 et 2004
;
- les dynamiques divergentes des exonérations de charges et des
recettes du fonds ne permettaient d’assurer son équilibre annuel qu’au prix
d’ajustements permanents d
es ressources affectées.
La suppression du FOREC a été alors présentée comme une
mesure de clarté et de sincérité du budget de l’Etat organisant le retour à
une inscription en dépense budgétaire du coût d’un dispositif en faveur de
l’emploi désormais unifié dans le cadre de l’allègement dit «
Fillon » sur
les bas salaires instauré en 2003. Dans le même temps, l’ensemble des
recettes du fonds a été réaffecté à l’Etat. Cette suppression a ramené fin
2004 la proportion des ITAF dans les ressources du régime général à son
niveau de 1985, soit moins de 1,5 %.
129.
Après avoir demandé l’établissement d’un compte consolidé du FOREC et des
organismes de sécurité sociale (RALFSS 2001), la Cour a insisté sur
l’absence de
lisibilité liée aux ajustements annuels successifs (RALFSS 2002).
130.
Alors que le FOREC a été créé en janvier 2000, les conventions entre l’ACOSS
et l’Etat n’ont été signées qu’en décembre 2000 et janvier 2001.
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Après deux années de financement budgétaire des exonérations de
charges sociales, la réforme de 2006 a consisté à affecter directement aux
régimes de sécurité sociale un panier de recettes fiscales pour compenser
le coût de ces exonérations, de manière à faire échapper l’évolution
dynamique de cette dépense aux contraintes de la norme de dépenses
publiques retenue pour la préparation des lois financières et affichée dans
le programme de stabilité présenté au niveau européen.
Cette réforme a conduit instantanément à un doublement du poids
des ITAF dans les recettes de l’ensemble des régimes. Le dynamisme du
coût de ces allègements, intégralement compensé par des ajustements sur
le périmètre des impôts affecté
s et l’affectation de nouvelles taxes pour le
financement des exonérations sur les heures supplémentaires, au sein
d’un «
second panier », ont accentué en 2007 et 2008 la progression du
poids du financement fiscal des régimes de base.
En organisant un allègement supplémentaire des cotisations
sociales, portant sur les cotisations patronales familiales, compensé par un
relèvement de 1,6 point de la TVA à taux normal et une hausse du taux
du prélèvement social sur les revenus du capital, la loi de finances
rectificative de mars 2012 visait à prolonger ce mouvement. Cette mesure
a été abrogée par la loi de finances rectificative du 16 août 2012, qui a
également supprimé à compter du 1er septembre 2012 l’essentiel des
exonérations de charges sur les heures supplémentaires.
2
L
’apport
de ressources supplémentaires
Indépendamment du financement des allègements de cotisations, le
financement par recettes fiscales affectées a été retenu de façon
quasiment systématique au cours des dernières années pour apporter de
nouvelles ressources à la sécurité sociale.
a)
Le besoin de financer une partie du coût de la réforme des
retraites
La réforme des retraites de 2010 s’est accompagnée, pour la
sécurité sociale, par un apport de 3,7
Md€ en 2011, dont 1,7
Md€
proviennent d’un acc
roissement net du produit des ITAF, notamment par
transfert de fractions de TVA (TVA sectorielles sur le secteur médical) et
de droits tabacs. Ces recettes nouvelles ont conduit au final à un
accroissement des ressources du FSV afin que ce dernier finance une
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partie du coût des minima de pensions bénéficiant aux retraités du régime
général et des régimes alignés
131
.
b)
Une substitution en 2011 à une augmentation de CRDS
Le financement de la reprise de dette sociale par la CADES votée
en LFSS 2011 s’est traduit q
uant à lui par un apport de 3,5
Md€ d’ITAF à
la CNAF en contrepartie d’un transfert de CSG vers la CADES. Pour
cette opération, les nouvelles taxes affectées, au demeurant non pérennes,
ont été une alternative à un relèvement de la contribution au
remboursement de la dette sociale (CRDS).
c)
Le choix de la fiscalité pour compenser des niches sociales et pour
réduire les déficits de l’assurance maladie
La réduction des niches sociales s’est opérée par la création ou
l’augmentation de taux de taxes
ad hoc assises sur des éléments
d’assiettes exemptés de cotisations sociales. Il en est ainsi du forfait
social, assis pour l’essentiel sur l’intéressement et la participation et dont
le taux aura été multiplié par dix depuis sa création en 2009. Son
rendement devrait ainsi passer de 1,1
Md€ en 2011 à près de 3,8
Md€ en
2013 en raison du relèvement de son taux à 20 % par la loi de finances
rectificative d’août 2012. De nombreuses autres taxes ont de fait été
créées, ou ont vu leur taux augmenter depuis 2005, pour financer les
dépenses d’assurance maladie (contributions sociales sur les «
stock-
options » en 2008, contributions sur les revenus du capital-risque,
prélèvements sur les jeux et les appels surtaxés en 2010, C3S
additionnelle
en
2005),
souvent
en
restaurant
l’u
niversalité
du
prélèvement social.
Au cours de la période 2005-2012, la fiscalité affectée a ainsi été
systématiquement préférée à l’apport de ressources nouvelles par des
mesures portant sur les cotisations sociales ou la CSG. Ce mouvement
traduit une vo
lonté de contenir, dans la recherche d’un meilleur équilibre
des comptes sociaux, le poids des ressources assises sur le travail, de
diversifier les modalités de financement de la protection sociale mais
aussi une préférence pour des ajustements plus diffus et moins visibles
que des augmentations de CSG, de CRDS ou de cotisations sociales. Il a
131. Le schéma de financement correspondant prévoit que la CNAMTS bénéficie
d’un transfert de TVA (1
Md€
) et de droits tabac (350
M€) en provenance de l’Etat
ainsi que d’une augmentation du taux du forfait social (350
M€). En contrepartie, elle
cède au FSV le produit de la C3S additionnelle (1
Md€
) et une part du produit du
forfait social (700
M€).
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abouti à une profonde redéfinition des lignes de partage des différents
modes de financement des régimes de sécurité sociale, entre cotisations,
CSG, fiscalité affectée, selon une démarche essentiellement opportuniste.
C
Un degré de fiscalisation hétérogène entre les
différentes branches et les différents régimes
Au-delà de leur affectation à la sphère sociale, la répartition des
ITAF par régime et par branche a fait l’
objet de modifications
incessantes. Ces dernières ont constitué au cas par cas des réponses de
circonstance à des questions de financement à court terme. Elles
aboutissent à une situation très hétérogène au regard du degré de
fiscalisation de chaque branche.
Ainsi, si toutes les branches ont été concernées par la montée en
charge du financement fiscal des allègements de cotisations entre 2005 et
2008, comme le montre le tableau ci-après, la branche maladie voit sa
part de fiscalité progresser encore nettement au-
delà de 2009 (sous l’effet
notamment de la mise en place du forfait social pour le régime général et
de l’affectation de la taxe sur les véhicules de société au régime des
exploitants agricoles). Mais en 2011, c’est la branche famille qui reçoit le
p
lus d’ITAF en part relative après les opérations liées au financement de
la reprise de dette par la CADES. En revanche, la branche AT-MP a vu
son financement par la fiscalité quasiment disparaître en 2011 : elle ne
reçoit plus de compensation au titre des allègements dits « Fillon »
puisque le périmètre de ceux-
ci n’intègre plus depuis 2011 les cotisations
AT-MP.
Evolution de la part des ITAF dans les ressources de l’ensemble des
régimes de base entre 2005 et 2011
En %
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011 (p)
Toutes branches
4,8
9,4
9,6
10,1
10,9
10,9
11,8
Maladie
7,6
12,2
11,8
12,1
13,6
13,7
14,7
Vieillesse*
3,6
7,1
7,5
8,2
8,7
8,4
8,4
Famille
0,8
6,6
7,3
7,4
7,4
7,9
15,1
AT-MP
2,0
15,3
17,2
18,0
18,0
16,8
1,5
*hors prise en compte des ITAF finançant le FSV
Source :
Données PLFSS, calculs Cour des comptes
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147
1
Le régime général désormais premier bénéficiaire de la
fiscalité affectée
Le régime général, principal concerné par les allègements
généraux de charges sociales ainsi que par la reprise de dette opérée en
2011 et par le volet recettes de la réforme des retraites, a vu sa proportion
de financement fiscal pratiquement décupler entre 2004 et 2011. Elle est
désormais légèrement supérieure à 12 %. Le régime concentre maintenant
75 % du produit des impôts affectés à
l’ensemble des régimes de base.
2
Des régimes des non-salariés aux ressources fiscales toujours
significatives
L’apport de la C3S demeure important pour les branches vieillesse
du régime des indépendants (plus de 20 %). Il a en revanche été fortement
réduit pour la branche maladie du RSI en 2011 avec le transfert de
30,89 % du produit de la C3S vers le régime des exploitants agricoles,
destiné à neutraliser les effets de la suppression de la compensation
démographique maladie entre ces deux régimes.
Outre ce transfert, la branche maladie du régime des exploitants
agricoles avait déjà bénéficié de l’apport du produit de la taxe sur les
véhicules de société en 2009. Cette branche est dorénavant financée à
hauteur de plus de 60 % par des ITAF.
*
*
*
Représen
tant aujourd’hui près de 12
% des ressources de
l’ensemble des régimes de base, la fiscalité affectée fait ainsi désormais
figure de troisième pilier du financement de la sécurité sociale, aux côtés
des cotisations et de la CSG.
II - Une source de financement dépourvue de
lisibilité et de cohérence d’ensemble
Si les impôts et taxes affectés permettent une diversification
d’assiette dans le financement de la sécurité sociale, les bénéfices que
l’on aurait pu en attendre sont obérés par l’instabilité et la complex
ité de
ce dispositif. Celui-ci est de ce fait insuffisamment responsabilisant et
pose de sérieux problèmes de pilotage.
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C
OUR DES COMPTES
148
A
Des avantages limités en termes de diversification
d’assiette et de dynamisme des prélèvements
1
Un dispositif qui fait une part importante aux impôts et taxes
assis sur la consommation
Les ITAF assis sur la consommation constituaient de loin en 2011
la catégorie la plus importante : à 26,4
Md€, ils représentaient 49
% du
total
132
. Les ITAF assis sur la consommation
recouvrent pour l’essentiel
les droits sur les alcools et les tabacs, pour un montant de 14,5
Md€ en
2011. A ces taxes « comportementales »
s’adjoignaient jusqu’à la fin
2011
les TVA sectorielles sur l’alcool, le tabac, le médicament et
certaines prestations de santé.
Les recettes de TVA dirigées vers la sécurité sociale
Le BAPSA
133
a été financé jusqu’en 2004 par
une part des recettes
de TVA, représentant 0,70 % des recettes totales nettes. Le montant
affecté à ce titre au régime agricole s’élevait à 4,1
Md€ en 2000 et 2001.
Les parts de TVA dites « sectorielles » ont été introduites lors de la
constitution en 2006 du panier destiné à financer les allègements généraux
de charges sociales et ont concerné dans un premier temps les ventes de
tabacs (recette de 3 472
M€ en 2011) et de produits pharmaceutiques
(3 502
M€ en 2011). Calculés en fonction de la TVA brute comp
tabilisée
sur ces produits, ces transferts ont également porté à partir de 2008 sur les
ventes des producteurs de boissons alcoolisées (2 100
M€ en 2011), cette
TVA sectorielle étant affectée au panier finançant les exonérations sur les
heures supplémentaires.
La LFSS pour 2011 a enfin transféré à la CNAMTS la TVA brute
comptabilisée sur plusieurs acteurs de la santé, le produit total des TVA
sectorielles atteignant 10,1
Md€ en 2011.
La loi de finances rectificative du 14 mars 2012 devait amplifier ce
phénomène de transfert, en augmentant de 1,6 point le taux normal de
TVA à compter du 1er octobre 2012 et en affectant le produit de cette
augmentation (10,6
Md€ en année pleine) à la branche famille. Cette
mesure a été abrogée par celle d’août 2012. Ce texte n’a en revanche pas
remis en cause le remplacement des TVA sectorielles par l’affectation à la
sécurité sociale d’un pourcentage équivalent des recettes totales de TVA
132. A
ces montants pourraient s’adjoindre certains ITAF répertoriés plus loin parmi
les impôts et taxes prélevés sur les entreprises, mais qui pourraient aussi bien être
présentés comme assis sur la consommation des ménages : il en est ainsi par exemple
de la ta
xe sur les conventions d’assurance sur les contrats d’assurance
-maladie
(789
M€ en 2011) ou de la contribution sur les contrats d’assurance en matière de
circulation de véhicules terrestres à moteur (972
M€ en 2011).
133. Budget annexe des prestations sociales agricoles.
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IMPOT
149
nette, qui accompagnait l’instauration de la TVA dite
« compétitivité ».
Toutefois, en re
venant sur l’essentiel des exonérations sur les heures
supplémentaires, il supprime l’affectation de TVA qui compensait en
partie le coût de ces exonérations. Seule la CNAMTS serait ainsi
dorénavant affectataire d’une part de la TVA nette (soit 5,75
%).
Les recettes de TVA transférées à la sécurité sociale ont évolué de
la manière suivante depuis 2006 :
En M€
2006
2007
2008
2009
2010
2011
TVA transférée
5 847
6 118
8 372
8 451
8 544
10 114
La LFR d’août 2012 aura pour effet de réduire ces transf
erts de
près de 2,1
Md€, toutes choses égales par ailleurs, à compter de 2013
.
Les impôts et taxes assis sur les rémunérations s’élevaient à
14
Md€ en 2011, soit 26
% du rendement total. En sus des taxes destinées
à limiter l’effet des niches sociales (cf
. supra), cette catégorie comprend à
titre principal la taxe sur les salaires, qui se place par son rendement brut
annuel au premier rang des ITAF (11,7
Md€ prévus en 2011)
134
.
Les impôts et taxes prélevés directement sur les entreprises
représentaient pour leur part 10,2
Md€ en 2011, soit 19
% des ITAF
dirigés vers la sécurité sociale, la part la plus importante étant prise par la
C3S de base et additionnelle (au total 5,3
Md€), suivie par la taxe sur les
véhicules de société (928
M€) et par la contribution
sociale sur les
bénéfices (850
M€).
Les prélèvements dits « de 2% » sur les revenus du capital
s’élevaient enfin à 2,9
Md€ en 2011, soit 5
% des ITAF
135
. Ces
prélèvements ont augmenté de 38 % par rapport à 2010, en raison
notamment de la taxation au fil de
l’eau des compartiments euro des
contrats d’assurance
-vie multi-support, décidée dans le cadre de la reprise
de dette de 2010.
134. Son rendement net pour les finances publiques est cependant significativement
inférieur. En dehors des 2,5
Md€ prélevés sur les banques et assurances, la taxe sur les
salaires est en effet payée à hauteur de 38 % par les cliniques, laboratoires et hôpitaux
et à hauteur de 15 % par des organismes publics tels que les caisses de sécurité sociale
et donc financée en grande partie par l’assurance maladie.
135. Hors CSG et CRDS.
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150
2
Des apports en termes de dynamique de prélèvement à la fois
limités et ambigus
La diversification des recettes par le biais des ITAF pouvait
répondre au souci de protéger la sécurité sociale contre les fluctuations du
PIB et de la masse salariale qui pèsent sur ses ressources. En réalité, ce
résultat n’est que partiellement atteint, un certain nombre d’ITAF restant
significativement corrélés au PIB.
a)
Une dynamique de moyen terme proche de celle de la masse
salariale et du PIB
Pondérés de leurs rendements 2011, les principaux ITAF
136
présentent sur les 12 dernières années une croissance moyenne de 3,1 %,
légèrement inférieure à celle de la masse salariale et une volatilité
similaire. Une analyse plus fine montre que deux taxes (la taxe sur les
salaires et la C3S de base) dégagent une croissance moyenne supérieure à
celle de la masse salariale tout en étant corrélées au PIB. En revanche, les
taxes assises sur la consommation de produits particuliers ont évolué sur
le passé moins favorablement que la masse salariale (à l’exception de la
TVA sur les produits pharmaceutiques) tout en étant beaucoup moins
corrélées au PIB. Un impôt se distingue enfin par sa volatilité très élevée :
il s’agit de la contribution sociale sur les bénéfices (CSB).
Globalement, l’apport des ITAF à la dynamique des prélèvements
sociaux n’est pas très différent de celui assuré par la CSG sur les revenus
d’activité e
t sur les revenus du capital.
136.
Il s’agit des impôts suivants, représentant 85
% du produit total des ITAF au sens
de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) en 2011 : taxe sur les
salaires, droits tabacs, C3S, contribution sociale sur les bénéfices, taxe sur les
véhicules de société, taxe assurances sur les véhicules terrestres à moteur, TVA sur les
produits pharmaceutiques, contribution prévoyance complémentaire, taxes sur les
boissons alcoolisées. La TVA sectorielle sur les alcools n’a pas été prise en
considération, son affectation à la sécurité sociale étant trop récente pour apprécier
son évolution sur plusieurs années.
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151
Evolution et élasticité par rapport au PIB des principaux ITAF
Produit
2011
(M€)
Taux d’évolution
annuel moyen
depuis 1998*
Volatilité
**
Coefficient
de corrélation
au PIB
Elasticité
au PIB
en valeur
Masse salariale du privé
3,5%
0,6
0,87
0,9
Assiette « 2% » du capital
3,1%
2,4
0,83
3,0
Taxe sur les salaires
11 644
4,1%
0,4
0,74
0,6
Droits tabacs
10 908
2,4%
0,8
-0,35
n.s.
Contribution de solidarité sur les
sociétés de base
4 271
4,4%
0,9
0,94
2,0
TVA sur les tabacs
3 472
2,1%
-0,06
n.s.
Taxes sur les boissons alcoolisées
3 139
1,1%
2,2
-0,11
n.s.
Contribution sociale sur les
bénéfices
850
2,1%
13,7
0,65
8,7
Taxe sur les véhicules de société
928
n.s.
n.s.
n.s.
Taxe assurance véhicules
972
1,4%
3,7
0,1
n.s.
TVA pharmacie
3 389
3,2%
0,6
0,04
n.s.
TVA alcools
2 130
n.s.
n.s.
n.s.
n.s.
Contribution prévoyance
complémentaire
736
4,8%
1,3
0,28
n.s.
Moyenne des ITAF
3,1%
*ou plus récemment selon l’année de création de certaines taxes
**mesurée comme le r
apport entre l’écart
-
type sur les taux annuels d’évolution et le
taux moyen d’évolution
Source :
Calculs Cour des comptes sur données CCSS, DGDDI et DGFIP
b)
Néanmoins une évolution déconnectée de la conjoncture pour
certaines taxes
En sus des taxes portant sur les assurances, qui ne présentent pas
de corrélation marquée avec la conjoncture, les droits de consommation
sur les tabacs et les boissons alcoolisées et les parts de TVA brute
collectée sur ces secteurs ont une évolution déconnectée de celles du PIB
et de la masse salariale. Le potentiel de croissance des ITAF sur les
tabacs et les alcools est lié à la possibilité d’augmenter leurs taux ou le
prix minimum de ces produits (cigarettes).
Les recettes (droits de consommation et TVA sectorielles)
procurées par les t
abacs et les alcools font cependant dépendre l’équilibre
financier des régimes d’une consommation qu’il est par ailleurs souhaité
limiter pour des raisons de santé publique. Avec l’entrée en vigueur de la
LFR 2012, la substitution d’une fraction de la TVA
nette globale au
produit des TVA sectorielles atténuerait cependant cette dépendance
financière.
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152
c)
Des dynamiques contrastées selon les régimes et branches
Si leur dynamique est en moyenne comparable à celle du PIB et de
la masse salariale (cf. infra), les ITAF connaissent individuellement des
évolutions différenciées qui peuvent favoriser ou au contraire pénaliser
des branches ou des régimes donnés.
La CNAF s’est ainsi v
u réserver au fil des ans des taxes
particulièrement peu dynamiques, ce constat valant aussi pour le
prélèvement sur les contrats d’assurance automobile qui lui sera affecté à
compter de 2013.
Elle s’est également v
u allouer le produit du prélèvement annuel
sur les compartiments en euros des contrats d’assurance
-vie multi-
supports, qui étaient auparavant taxés au dénouement du contrat. Si les
montants attribués à la branche famille à ce titre ont été fixés de façon
forfaitaire et intangible pour chacune des prochaines années
137
, ce qui la
met en principe à l’abri des fluctuations conjoncturelles
enregistrées sur
ce type de placements, les autres bénéficiaires, au premier rang desquels
l’assurance
-maladie
138
, risquent d’être affectés en 2012 et 2013 par le
mouvement de décollecte observé à partir de la mi-2011.
La branche vieillesse des exploitants agricoles, attributaire des
droits sur les alcools (2 126
M€ prévus en 2011) marqués par une faible
croissance annuelle moyenne sur les dix dernières années, s’est pour sa
part vu affecter par la LFSS pour 2012 un peu plus de 60 % des droits sur
les bières et les boissons non alcoolisées (soit 230
M€), dont le
dynamisme est faible. La taxe sur les véhicules de société allouée à la
branche maladie du régime des exploitants agricoles connaît pour sa part
une érosion tendancielle qui ne peut être contrebalancé
e qu’au prix
d’ajustements réguliers de son assiette.
137. La séquence de ces montants prévoit une diminution progressive depuis 1,6
Md€
en 2011 jusqu’à 0 en 2020.
138.
L’assurance
-maladie est attributaire de 5,95 points de CSG placements, soit 73 %
du produit de cet impôt après la ponction au profit de la CNAF prévue par la loi de
finances pour 2011.
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153
B
Un dispositif instable et peu responsabilisant
Les modifications incessantes des allocations d’impôts et taxes, au
cours des dernières années, les nouvelles répartitions entre branches, les
créations de nouvelles taxes destinées à financer des dépenses croissantes
ont accentué la complexité d’un dispositif devenu désormais peu lisible et
au pilotage administratif insuffisamment efficient.
1
Une instabilité entretenue par une application stricte du
principe de compensation
La loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 dite « loi Veil » a fixé le
principe de la compensation financière par l’Etat des exonérations de
charges sociales, inscrit à l’article L.
137-6 du code de la sécurité sociale.
Le passage en 2006 à un financement des allègements de
cotisations sociales par des impôts et taxes affectés ouvrait la voie à une
plus grande sécurisation des ressources de la protection sociale. Cette
perspective est restée très largement virtuelle. Dès 2007, l’accroissement
du coût des allègements a été financé par un réajustement de près
d’1
Md€ des recettes fiscales dirigées vers la sécurité sociale, tandis qu’à
l’inverse les excédents constatés en 2009 et 2010 sur le panier de recettes
affectées étaient repris par l’Etat pour financer ses dettes à l’égard de la
sécurité sociale
139
.
De même, les excédents générés par l’annualisation du calcul des
allègements généraux (2
Md€ d’économies prévues pour 2011) et par la
fin de la neutralisation des heures supplémentaires dans le calcul des
allègements généraux (600
M€ d’économies prévues pour 2012) ont été
utilisés pour financer la réforme des retraites puis pour compléter les
ressources
finançant
les
allègements
« TEPA
»,
qui
s’avéraient
insuffisantes.
Afin de compenser strictement, exercice budgétaire après exercice
budgétaire, le coût des allègements de charges, l’Etat a procédé à des
ajustements multiples et fréquents de la liste et de la part des impôts et
taxes affectées à la sécurité sociale, au gré des lois de finances et de
fi
nancement initiales et rectificatives. A titre d’exemple, après avoir été
affecté pour partie au panier consacré au financement des heures
supplémentaires (2
nd
panier dit TEPA), le produit de la taxe sur les
véhicules de société a été affecté par la LFR 2008 à la résorption des
dettes de l’Etat vis
-à-
vis du RSI et des régimes spéciaux, avant d’être
139.
L’excédent de 1,6
Md€ repris par l’Etat en 2010 a néanmoins été restitué l’année
suivante dans la base fiscale des recettes affectées.
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154
transféré par la LFI 2009 de ce 2
nd
panier vers la caisse centrale de la
mutualité sociale pour le financement de la branche maladie des
exploitants agricoles. Pour le reste, une grande partie des ajustements
s’est opérée à travers la modification des clés de répartition des droits sur
les tabacs entre l’Etat et la sphère sociale.
Dans le même temps, le compte scrupuleux des transferts de
charges entre les différents financeurs publics se déboucle régulièrement,
s’agissant de la sécurité sociale, par des ajustements portant sur des ITAF.
Ainsi, en loi de finances pour 2012, la budgétisation du financement de
l’AFSSAPS a conduit à une reprise par l’Etat d’une fracti
on du produit de
la TVA « fabricants de lunettes » affectée à la CNAMTS en 2011.
2
Une lisibilité insuffisante
Alors que l’affectation d’impôts, comme alternative à un
financement par dotations, devait contribuer à clarifier le financement de
la
sphère
sociale,
le
dispositif
est
ainsi
devenu
illisible
et
déresponsabilisant.
a)
Des ITAF qui ne sont pas perçus comme des ressources propres de
la sécurité sociale
L’affectation d’impôts et taxes est parfois présentée comme une
clarification
du
financement
des
branches
et des
régimes,
qui
disposeraient ainsi de ressources propres complémentaires des recettes
collectées auprès de leurs cotisants.
Cette clarification suppose, pour être effective, une certaine
constance dans les affectations, une dynamique en ligne avec
l’évolution
des dépenses et une volatilité limitée. L’instabilité chronique de la
répartition des ITAF entre les branches et les régimes ne permet pas de
les considérer comme des ressources propres de nature à sécuriser le
financement de la sécurité social
e, à l’exception de quelques taxes
épargnées par ce mouvement incessant (taxes sur le secteur des
médicaments au profit de la CNAM, ou taxes sur les huiles et sur les
farines au profit du régime des exploitants agricoles, fraction de la C3S
calculée de manière à équilibrer le régime des indépendants).
A cette instabilité s’ajoute l’absence de fléchage explicite en
direction de la sécurité sociale. L’affectation à la sécurité sociale des
TVA dites « sectorielles » était ainsi dépourvue de visibilité pour le
consommateur final, comme l’avait été le préciput de 0,70
% de la TVA
finançant le régime agricole à l’époque du BAPSA et comme risque de
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155
l’être le pourcentage du produit total de la TVA nette destiné à remplacer
en 2012 les TVA sectorielles.
b)
Des financements qui manquent de clarté
Contrairement à la CSG et à la CRDS, dont les taux de
prélèvement apparaissent sur les bulletins de salaires et sur les avis
d’imposition, les ITAF sont dépourvus de visibilité pour ceux qui,
directement ou indirectement, les acq
uittent, alors qu’il s’agit d’un
prélèvement soit sur les marges des entreprises, soit sur le pouvoir
d’achat par le biais de leur répercussion dans les prix. La finalité de la
cinquantaine d’impôts et taxes ainsi affectés à la sécurité sociale n’est pas
d
avantage connue de ceux qui en bénéficient in fine. L’absence de clarté
de ces modes de financement en fait un dispositif largement
déresponsabilisant, comme le montre notamment la C3S.
La contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S)
Le régime social des indépendants recouvre la contribution sociale
de solidarité sur les sociétés (C3S), créée en 1970 pour compenser les
pertes de ressources des régimes de protection sociale des non-salariés
non-
agricoles consécutives à la dégradation de l’équil
ibre démographique
de ces régimes lié au développement de l’emploi salarié
140
.
Affectée en priorité aux régimes de base du régime social des
indépendants, la C3S permet d’équilibrer automatiquement
ses comptes
structurellement déficitaires, en particulier ceux des régimes vieillesse à
hauteur d’un peu plus de 20
% de leurs ressources. A cette forme de
déresponsabilisation d’un régime par un impôt affecté
s’ajoute la faible
lisibilité de l’affectation du solde de C3S au fonds spécial vieillesse et,
depuis 2011, à la mutualité sociale agricole.
3
Des relations entre l’Etat et la sécurité sociale trop peu
formalisées
Le recouvrement des impôts et taxes affectés à la sécurité sociale
est éclaté entre la direction générale des finances publiques (DGFIP), qui
assurait 55 % de la collecte en 2010, la direction générale des douanes et
140. La C3S a été instituée par la loi n° 70-13 du 3 janvier 1970 et complétée par une
C3S dite additionnelle instaurée par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004. Ces
contributions, dont le rendement atteignait 5,3
Md€ en 2011, soit plus de 10
% du
rendement de l’impôt sur les sociétés, sont acquittées par les sociétés dont le chiffre
d’a
ffaires est supérieur à 760 000
€. Contrairement à la TVA, elle est cumulative aux
différents stades du circuit économique, sans possibilité de déduction de la taxe payée
en amont.
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156
des droits indirects (DGDDI), qui en assurait 28
%, l’ACOSS (7
%) et le
RSI au titre de la C3S (10 %). Effectuée en majorité en dehors de la
sphère sociale, la gestion de ces ITAF n’a pas
toutes les qualités qui
pourraient être attendues d’une gestion déléguée.
La DGDDI, qui ne possédait pas d’application d’assiette, n’était
pas capable de ce fait jusqu’il y a peu de reconstituer les droits liquidés
par mois de taxation. La mise en place de
puis mars 2011 d’un téléservice
d’assiette a visé à remédier à ces difficultés
Les impôts et taxes collectés par les services des finances sont
d’abord centralisés par le service du contrôle budgétaire et comptable du
ministère des finances, avant d’être reversés à l’ACOSS avec un décalage
de un à quelques jours. Une accélération des reversements permettrait de
progresser dans le sens d’une plus grande neutralité des relations
financières Etat-sécurité sociale.
Plus généralement, l’effort fait au cours des
dernières années pour
doter les différents
régimes et branches de ressources fiscales dédiées n’a
pas été accompagné d’un renforcement du dialogue entre les services
chargés de collecter ces impôts et taxes et les administrations de sécurité
sociale. Ces d
ernières n’ont de ce fait qu’une connaissance imparfaite des
recettes destinées à assurer leur équilibre financier.
La perspective d’une
affectation stable et définitive, susceptible de
transformer les ITAF en véritables ressources propres des régimes (cf.
infra), doit nécessairement s’accompagner en tout état de cause de la mise
en place des moyens, pour les caisses bénéficiaires, de piloter pleinement
ces ressources depuis l’établissement des prévisions de produit jusqu’aux
enregistrements comptables des restes à recouvrer, en passant par le suivi
infra annuel du recouvrement et la capacité de solliciter des mesures
correctives.
Sans
remettre
en
cause
l’identité
des
services
de
recouvrement, cette appropriation du pilotage des ITAF, au moins par
l’ACOSS, suppose l’établissement de conventions nettement plus
exigeantes qu’aujourd’hui sur la nature des obligations des services
chargés de la gestion de l’impôt en matière de fourniture d’informations
et d’engagements sur les moyens de contrôle et de recouvremen
t.
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157
III - Une meilleure structuration de ce dispositif
désormais indispensable
Le mouvement de fiscalisation de la protection sociale par le biais
d’impôts et taxes affectés est, toutes choses égales par ailleurs,
probablement appelé à durer, voire à se renforce
r pour autant que d’autres
choix ne soient pas faits en matière de diversification de recettes par un
recours accru à la CSG. En effet, le financement de dépenses croissantes
sans peser sur le coût du facteur travail est une nécessité pour des
considérations de compétitivité. De plus, un mouvement massif de
rebudgétisation comme en 2004 est désormais plus difficile à mettre en
œuvre au regard des masses financières en jeu. Enfin, la substitution de
dotations de l’Etat à tout ou partie des impôts aujourd’hui
affectés aux
différents régimes affaiblirait la préoccupation d’une plus grande
responsabilisation des régimes sur leurs recettes et la maîtrise du solde de
la sécurité sociale.
La première exigence reste le retour à l’équilibre des comptes
sociaux, en pr
emier lieu par des efforts d’économies et de réductions des
niches sociales, ensuite, si le recours à des recettes supplémentaires
s’avère inévitable, par la mobilisation de prélèvements clairs et
responsabilisants.
Le maintien de ce qui est devenu un troisième pilier appelle
cependant des clarifications de plusieurs ordres en ce qui concerne la
structure du financement de la sécurité sociale.
A
L’intégration des allègements généraux de charges
dans le barème des cotisations sociales
La perspective d’une tell
e intégration était clairement associée à
l’affectation en 2006 de recettes fiscales au financement des allègements
généraux de charges sociales. La Cour avait examiné en 2008 les
avantages et les limites d’une telle «
barémisation
» de l’allègement dit
« Fillon »
141
, c’est
-à-dire la fixation de taux de cotisation patronale nets,
ceux réellement supportés par les entreprises, au lieu de l’affichage de
taux bruts, plus élevés, sans prise en compte des allègements. Elle
soulignait alors, outre l’incidence d’un
tel dispositif sur les systèmes
connexes d’exonérations ciblées et sur les heures supplémentaires, que
141 . Communication du 19 mai 2008 à la commission des affaires culturelles,
f
amiliales et sociales de l’Assemblée nationale.
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cette voie supposait l’abandon du principe de compensation à l’euro près
dans le cadre du « panier » fiscal.
De ce point de vue, les modifications des modalités de calcul des
allègements introduites en 2011 et 2012 se sont accompagnées d’un
changement majeur en ce sens de leur mode de compensation.
De fait, en déconnectant l’affectation des recettes destinées à
financer les allègements dits « Fillon » de l
’évolution ultérieure du coût
de ces allègements généraux sur les bas salaires, la LFSS pour 2011 a
restreint le champ de la compensation annuelle intégrale aux allègements
liés aux heures supplémentaires (allègements dits « TEPA »), dont le
bénéfice devrait dorénavant être restreint aux entreprises de moins de 20
salariés.. Cette déconnection permet d’éviter les ajustements annuels
incessants, en laissant évoluer les prélèvements une fois les bases fiscales
arrêtées et favorise l’intégration dans le barème
des allègements de
cotisations.
Dans ces conditions, l’intégration dans le barème de cotisations des
allègements généraux mettrait fin à l’affichage d’un niveau de
prélèvements sur les salaires
plus élevé qu’il n’est en réalité et qui peut
fausser l’appr
éciation que portent les acteurs économiques sur la
compétitivité de notre pays, comme l’a rappelé la Cour en 2011 dans son
rapport sur les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en
Allemagne
142
. Favorisée par le passage d’une compensation annuelle
str
icte à une compensation par transfert d’impôts, elle ferait rentrer dans
la norme des exonérations présentées jusqu’alors comme des exceptions à
l’universalité des prélèvements et créerait un contexte adapté à la
consolidation du troisième pilier de financement que constitue désormais
la fiscalité affectée.
L’annualisation du calcul des allègements dits “Fillon” depuis
2011 devra être pris en compte dans les conditions pratiques de mise en
œuvre d’une telle barémisation.
B
Une nouvelle articulation des procédures de vote
annuel des recettes fiscales
Le mouvement de fiscalisation du financement de la sécurité
sociale par les impôts et taxes affectés contribue à une imbrication des
sources de financement de l’Etat et de la sécurité sociale qui affaiblit la
lisi
bilité d’ensemble des finances publiques.
142. Rapport public thématique sur « les prélèvements fiscaux et sociaux en France et
en Allemagne », mars 2011, p. 236 et 237.
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Alors que les engagements de la France dans un cadre européen
sur une trajectoire de redressement budgétaire s’expriment à l’échelle de
l’ensemble des administrations publiques, les votes de dispositions
fiscales ayant des effets sur les ressources de la sécurité sociale soit en
lois de finances, soit en loi de financement de la sécurité sociale, ne
facilitent pas pour la représentation nationale une vue d’ensemble des
enjeux de financement de la protection sociale.
L’amélioration de la lisibilité de ce qui est devenu un troisième
pilier de financement de la sécurité sociale et le renforcement de la
cohérence des décisions fiscales intéressant la sécurité sociale doivent
conduire à poser la question de l’articulatio
n des procédures de vote de
lois de finances et de lois de financement de la sécurité sociale, comme
l’a déjà proposé la Cour en faisant le bilan de dix ans de mise en œuvre
de la loi organique sur les finances publiques
143
. Elle suggérait à cet
égard d’organiser une discussion générale unique suivie d’un examen des
volets respectifs des deux textes relatifs aux recettes, puis de passer à
l’examen des dépenses. Cette réforme permettrait une approche plus
globale et plus cohérente, en évitant par exemple que des recettes non
encore votées en loi de finances soient considérées comme des ressources
en loi de financement de la sécurité sociale. Elle apparaît d’autant plus
souhaitable que le changement des modalités de compensation des
allègements de cotisations suppose pour être tenable à terme pour
l’équilibre de la sécurité sociale un choix de recettes fiscales affectées
dont la dynamique soit globalement en ligne avec celle de leurs coûts.
C
Les voies possibles d’une refonte du dispositif
Le caractère plus ou moins contributif des dépenses financées par
les différentes branches des différents régimes devrait normalement
déterminer dans un premier temps le partage du financement de chaque
branche entre cotisations, CSG et impositions et taxes affectées. Au-delà,
la capacité des différents branches à supporter des recettes soit moins
dynamiques, soit plus variables que la masse salariale, devrait être
évaluée. Cette capacité, qui dépend notamment de la nature des dépenses
financées, devrait en effet être prise en compte pour répartir le produit des
taxes les plus volatiles ou les plus atones.
Une meilleure structuration interne du bloc des ITAF permettrait
en tout état de cause de mettre un terme à l’émiettement excessif des
143. Rapport public thématique sur «
la mise en œuvre de la loi organique relative a
ux
lois de finances (LOLF) : un bilan pour de nouvelles perspectives », novembre 2011,
p. 141, 146 et 147.
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taxes qui le constituent et aux défauts de la répartition empirique de
celles-ci entre branches et régimes. Au-delà, la contribution de la fiscalité
au financement de la sécurité sociale pourrait être rendue plus manifeste
par son ancrage autour de quelques impôts significatifs.
1
La réduction du nombre global de taxes affectées
La multiplication de taxes à assiette et rendement réduits nuit à la
lisibilité du financement des régimes et leur affectation à la sécurité
sociale rend plus difficile leur intégration dans toute réforme globale de la
fiscalité. Une réduction du nombre des ITAF limiterait alors les
inconvénients de l’émiettement actuel
. Il conviendrait sans doute alors de
réexaminer l’intérêt de maintenir l’affectation de taxes dont l’assiette est
susceptible de placer la sécurité sociale en porte-à-faux par rapport aux
politiques de santé publique (consommation de tabacs et d’alcools).
En tout état de cause, les taxes spécifiquement créées dans le cadre
de la réduction des niches sociales, en tant qu’elles visent à compléter
l’assiette effect
ive des cotisations sociales, devraient sans aucun doute
demeurer des ressources de la sécurité sociale.
2
L’ancrage des ITAF autour d’un grand impôt de référence
La restructuration du bloc des ITAF ne pouvant s’opérer qu’à
prélèvements constants, elle aurait nécessairement pour corollaire de la
réduction du nombre de taxes l’émergence d’un impôt prépondérant
parmi les recettes fiscales affectées à la sécurité sociale. Différentes
options sont envisageables à cet égard :
a)
Un partage accru du produit de la TVA
Cette option ne ferait au final que prolonger le mouvement
d’affectation de parts croissantes de TVA au financement de la sécurité
sociale depuis 2006. Toutes choses égales par ailleurs, seraient alors à
réaffecter à l’Etat une partie des impôts inclus aujourd’hui dans les ITAF,
en contrepartie d’une hausse de la fraction de TVA affectée à la sécurité
sociale.
b)
Le recours aux taxes environnementales
Considérées comme moins défavorables au facteur travail que ne
le sont les cotisations, les taxes environnementales pourraient, si elles
étaient
mises
en
place
de
façon
significative,
constituer
une
diversification de l’assiette des recettes fiscales finançant la sécurité
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sociale. A cet égard, le régime des exploitants agricoles bénéficie déjà de
la taxe sur les véhicules de sociétés
144
, mais son champ d’application est
limité. Plus généralement, la Cour a estimé
145
que la taxation des
transports routiers souffrait en France d’un émiettement préjudiciable à
son efficacité depuis la suppression de la taxe annuelle sur les véhicules
de particuliers et que la fiscalité environnementale restait plus faible en
France qu’en Allemagne, en raison notamment des difficultés rencontrées
dans la mise en place d’une contribution «
carbone ».
Sans négliger le fait que la fiscalité environnementale poursuit des
objectifs économiques distincts de ceux du financement de la protection
sociale, un renforcement de ces prélèvements serait dès lors susceptible
de générer des recettes qui pourraient être affectées à la sécurité sociale,
en su
bstitution d’ITAF qui seraient rétrocédés à l’Etat. Ce type de
prélèvement présente toutefois, par construction, un faible dynamisme
toutes choses égales par ailleurs puisqu’en agissant sur les comportements
nuisibles à l’environnement il a pour effet de r
éduire sa propre assiette de
taxation
146
.
c)
Un rapprochement entre ITAF et CSG
Un certain nombre de prélèvements sociaux comptés au nombre
des ITAF ont en effet déjà une assiette et des modalités de recouvrement
strictement identiques à la CSG (prélèvements sur les revenus du capital
notamment) et pourraient être purement et simplement fusionnés avec
celle-ci
147
. Ce constat pourrait conduire à modifier à la marge la ligne de
partage actuelle entre ITAF et CSG.
A terme pourrait se poser également la question d’un
e suppres-
sion des taxes visant la compensation partielle de diverses niches sociales
au profit d’une intégration des éléments de revenus correspondants dans
l’assiette des cotisations sociales. Les revenus soumis au forfait social
seraient alors les premiers concernés par une telle intégration.
144 .
Cette taxe est calculée en fonction de la catégorie d’émission de
CO
2
du
véhicule.
145. Rapport thématique précité de mars 2011 sur les prélèvements fiscaux et sociaux
en France et en Allemagne, p. 240.
146.
L’exemple de la taxe sur les véhicules de société montre cependant que la
tendance à l’érosion de l’assiette peut être compensée par une modulation des
modalités de prélèvement (règl
es d’assiette ou taux).
147. Un point de CSG représente en 2012 8,4
Md€ sur les revenus d’activité, 2,5
Md€
sur les revenus de remplacement et 1,3
Md€ sur les revenus du capital.
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Plus généralement, à niveau de prélèvements constant, le
maintien de l’affectation d’impôts et taxes divers à la sécurité sociale
pourrait être réexaminé si les différents prélèvements sur le revenu (IR et
CSG) fais
aient à terme l’objet d’une réforme en profondeur. Une telle
réforme ouvrirait la voie à une nouvelle répartition entre l’Etat et la
sécurité sociale des recettes fiscales assises sur les revenus au sens large
et rendrait probablement moins nécessaire l’affectation d’impôts et taxes
spécifiques à la sécurité sociale.
*
*
*
Sans viser l’exhaustivité, les différentes hypothèses ainsi évoquées
soulignent que le recentrage nécessaire du financement fiscal de la
sécurité sociale autour d’un nombre plus réduit
d’impôts suppose des
choix et des arbitrages délicats, mais indispensables, à peser très
attentivement en particulier en termes de dynamique des ressources de
régimes sociaux et de compétitivité des entreprises. Pour autant, la
dimension désormais prise dans le financement de la sécurité sociale par
des ITAF attribués au coup par coup sans vision d’ensemble ni
prospective ne permet plus de les éluder, sauf à fragiliser gravement notre
protection sociale par le maintien d’ajustements incessants de court
terme.
______________________
CONCLUSION
________________________
Représentant désormais une part significative du financement de la
Sécurité sociale, la fiscalité qui lui est affectée constitue aujourd’hui un
ensemble très hétérogène résultant à la fois de sédimentations historiques
et de réponses de circonstance à des besoins de financement à court terme.
Aux côtés des cotisations sociales et de la CSG, est apparu ainsi un
troisième pilier de financement qui appelle désormais des choix essentiels
pour définir plus clairement les lignes de partage et d’
évolution de ces
différentes ressources.
Le dispositif actuel se caractérise par un foisonnement de taxes,
recouvrées par divers services, dont les assiettes sont très variées, nuisant
à la lisibilité et au pilotage du financement de la sécurité sociale. La
croissance spectaculaire de ce mode de financement depuis le début des
années 2000 a permis d’éviter des hausses de CSG, de CRDS ou de
cotisations pour financer des déficits sociaux récurrents et la progression
de la dette sociale, ainsi que de placer la dynamique de ces prélèvements
en dehors des contraintes de la norme d’évolution des dépenses affichée
dans les documents budgétaires et le programme de stabilité. Elle s’est
accompagnée d’une grande complexité et d’une instabilité accrue aussi
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bien dans le périmètre des impôts globalement affectés à la sphère sociale
que dans leur répartition par branches.
Le recentrage du financement fiscal de la sécurité sociale sur un
nombre plus réduit d’impôts devrait s’opérer dans le souci d’assurer une
transparence des flux de ressources, un dynamisme de la recette au moins
équivalent à celui obtenu jusqu’à présent sur l’ensemble des ITAF, tout en
maintenant une diversification des assiettes par rapport à celle reposant
sur le travail.
Sans jamais négliger la priorité à la maîtrise des dépenses et dans
une
approche
à
prélèvements
obligatoires
globalement
constants,
différentes voies devraient être examinées parmi lesquelles la montée en
charge du partage de la TVA entre l’Etat et la sécurité sociale, le
renforcement
de la fiscalité environnementale et l’affectation de son
produit à la protection sociale ou encore un nouveau partage entre l’Etat
et la sécurité sociale des recettes fiscales tirées des revenus au sens large.
La réarticulation souhaitable des modalités de présentation et de
discussion des lois de finances et des lois de financement de la sécurité
sociale permettrait en ce sens de mieux prendre la mesure des enjeux et des
voie
s d’action possible et aiderait à la clarification indispensable de
l’architecture
du financement de la sécurité sociale.
___________________
RECOMMANDATIONS
____________________
14.
Examiner
le
degré
de
fiscalisation
souhaitable
pour
le
financement de chacune des branches de la sécurité sociale (orientation).
15.
Intégrer dans le barème des cotisations sociales patronales les
allègements généraux de charges.
16.
Redéfinir et simplifier la fiscalité affectée à la sécurité sociale
dans le cadre d’une consolidation de ce 3
ème
pilier de financement.
17.
Organiser un examen commun des volets recettes du projet de loi
de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale
(PLFSS).
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