Seul le prononcé fait foi
Audience solennelle du 7 septembre 2012 à 10 H 00
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Présidence de M. Didier MIGAUD, Premier président
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Installation de M Gilles JOHANET, Procureur général
Monsieur le Président de la République,
Je n’ai nul besoin de vous souhaiter l
a bienvenue à la Cour des comptes, institution qui est la
vôtre, ni au Palais Cambon, puisque vous le connaissez parfaitement.
C’est pour la Cour des comptes, ses membres et l’ensemble de ses personnels, un très grand
honneur de vous accueillir en cette G
rand Chambre pour la séance solennelle d’installation du nouveau
Procureur général.
En venant ici dans les premiers mois de votre mandat, vous confortez une pratique, initiée par
le général de Gaulle et suivie par tous vos prédécesseurs sous la Vème République. Nous y sommes
sensibles. Nous en sommes fiers, et conscients qu’au
-delà du geste de reconnaissance que votre
présence adresse à une institution de l’Etat, il en résulte d’abord pour nous des responsabilités et des
devoirs.
Votre présence, madame la Garde des sceaux, ministre de la justice, nous fait honneur. Elle
rappelle notre appartenance à la famille des juridictions de ce pays. Grâce au rôle assuré par le
procureur général, les relations avec l’autorité judiciaire sont efficaces et harmonieuses
: vous trouverez
en lui et en moi-même des interlocuteurs disponibles.
Monsieur le ministre de l’économie et des finances, la Cour des comptes vous est plus
que
familière, et pas seulement en raison des attributions qui sont les vôtres. Nous sommes heureux et fiers
de vous accueillir ce matin. De par vos fonctions, vous êtes un interlocuteur régulier, et vous savez que
les juridictions financières sont mobilisées pour remplir toutes les missions qui sont les leurs.
La Cour est également fière d’accueill
ir les présidents des commissions des lois de
l’Assemblée nationale
et du Sénat. Nous nous réjouissons des relations sans cesse plus étroites qui
unissent le Parlement et la Cour.
Je remercie vivement les hautes personnalités représentant d’autres juridic
tions qui sont
venues assister aujourd’hui à cette séance solennelle
: monsieur le Président du Conseil
constitutionnel, monsieur le Vice-
président du Conseil d’État, monsieur le Premier président de la Cour
de cassation, monsieur le Procureur général près celle-ci, monsieur le Premier président de la Cour
d’appel de Paris, monsieur le Procureur général près celle
-ci, monsieur le Président de la Cour de
justice de la République, madame la Présidente du Tribunal de grande instance de Paris, monsieur le
Procureur de la République près celui-
ci. Leur présence est une marque d’estime pour la Cour des
comptes.
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Je suis heureux de saluer M. Pierre SCHAPIRA, adjoint au maire de Paris chargé des
relations internationales et de la francophonie, qui représente M. DELANOË, maire de Paris.
Je voudrais également exprimer ma reconnaissance aux présidents des autorités
administratives indépendantes qui sont venus ce matin : monsieur le Défenseur des droits, monsieur le
Président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, et monsieur le Président de l’Autorité de la
concurrence. Je suis sensible à leur témoignage d’attachement à la Cour des comptes.
Je remercie les autorités administratives civiles et militaires qui sont présentes, monsieur le
Grand chancelier de la Légion d’honneur, monsieur le Chef d’état
-major des armées, monsieur le Préfet
de police, monsieur le secrétaire général du Gouvernement, monsieur le secrétaire général de la
Présidence de la République, monsieur le Gouverneur militaire de Paris, ainsi que les secrétaires
généraux, directeurs d’administration centrale et hauts fonctionnaires qui assistent à cette séance.
Qu’ils sachent que la Cour apprécie leur présence.
Je veux exprimer également ma gratitude aux hautes personnalités étrangères et aux
ambassadeurs
qui nous font l’honneur d’assister ce matin à notre séance, et tout spécialement à
M. Philippe ROLAND, premier président de la Cour des comptes de Belgique. Leur venue met en
évidence la dimension internationale de l'action de la Cour.
Monsieur le maire du premier arrondissement de Paris, votre fidélité nous honore et je suis
sensible à votre présence.
Je ne peux oublier de saluer mes trois prédécesseurs, André CHANDERNAGOR, Pierre
JOXE et François LOGEROT, ainsi que Jean RAYNAUD et Hélène GISSEROT, procureurs généraux
honoraires qui nous font l’honneur et l’amitié de leur présence ce matin. J’y vois aussi la marque de leur
attachement à cette maison, à ses traditions. Leur contribution au rôle éminent de la Cour et du parquet
général a été remarquable, chacun le sait et en garde le souvenir.
C’est autour de vous, Monsieur le Procureur général, cher Gilles
JOHANET, que nous
sommes réunis ce matin, pour vous installer en tant que vingt-huitième Procureur général près la Cour
des comptes - ce qui est peu en deux cent ans, comparé aux trente-six premiers présidents qui se sont
succédés -.
Vous succédez à Jean-François BÉNARD, auquel je veux redire la très grande estime dans
laquelle je le tiens, et dont je veux souligner les qualités professionnelles et humaines remarquables.
Monsieur le Procureur général, votre nomination intervient dans le prolongement d’une
carrière diversifiée et déjà prestigieuse.
L’exercice successif des fonctions de directeur de la caisse nationale d’assurance maladie
des travailleurs salariés, à deux reprises, de secrétaire général de la Cour, de directeur général adjoint
des AGF, de président de section à la sixième chambre et de président du comité économique des
produits de santé en donnent un rapide aperçu. Cette carrière, qui traduit un équilibre heureux entre
mobilité dans l’administration et exercice de responsabilités internes à la Cour, vous a donné une
profonde connaissance de l’action administrative et de son contrôle. Elle est un exemple pour les
jeunes magistrats.
Mais
ce n’est pas simplement celle
-
ci que vient honorer votre nomination, c’est également un
état esprit associant l’écoute, la rigueur, l’inventivité et l’originalité, ainsi que de grandes qualités
humaines qu’apprécient tous ceux qui vous connaissent.
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Procureur général près la Cour des comptes, vous occuperez une fonction originale à de
nombreux égards
: vous dirigerez l’action publique dans les juridictions financières, dans l’intérêt de la
société, sans recevoir d’instruction, ni générales, ni particulièr
es. Vous êtes placé « près » la Cour des
comptes mais par votre connaissance intime des procédures vous serez en mesure de contribuer, aux
étapes essentielles de production des différents travaux, au contrôle de leur qualité. C’est pourquoi,
vous êtes à la fois « près » et « dans » la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales.
En exerçant ses deux missions de mise en œuvre des poursuites et de contrôle de qualité, le
parquet joue un rôle essentiel au bon fonctionnement de notre juridiction. Il ne fallait pas moins que vos
qualités pour
le diriger et je forme tous les vœux de réussite pour votre action et suis convaincu de votre
utile contribution aux évolutions nécessaires des juridictions financières.
*
*
*
Monsieur le Président de la République,
Madame, Monsieur les Ministres, Mesdames et Messieurs,
Mes chers collègues,
Depuis des années, voire des décennies, le champ de compétence des juridictions financières
n’a cessé de s’étendre
: à la sécurité sociale, aux entreprises publiques, aux organismes faisant appel à
la générosité publique, à ceux bénéficiant de dons ouvrant droit à un avantage fiscal… Ce ne sont là
que des illustrations parmi les plus connues.
La loi organique relative aux lois de finances, en 2001, puis la loi organique relative aux lois
de financement de la sécurité sociale, en 2005, ont constitué des étapes fondamentales par
l’apprentissage du nouveau métier de certificateur et par la vision globale qu’elles ont permises sur
l’ensemble des finances publiques.
La révision constitutionnelle de juillet 2008 a sensiblement étendu la mission de la Cour des
comptes
: assistance au Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement
; assistance au
Parlement et au Gouvernement dans l’évaluation des politiques publiques.
Elle a aussi établi un lien
direct entre la Cour des comptes et les citoyens.
Il existe donc une perspective historique profonde de renforcement de cette institution dans
l’Etat.
Elle répond à une véritable nécessité démocratique
: conforter la place d’
un contrôle externe
indépendant et garantir l’information complète des citoyens sur les sujets de notre compétence.
Alors que s’ouvre une nouvelle législature je suis convaincu qu’elle saura s’inscrire dans ce
mouvement et
conforter la contribution des juridictions financières à la vie démocratique de notre pays.
Ceci, bien sûr, à la place qui est la leur et sans empiéter sur les prérogatives éminentes de ceux qui
exercent la souveraineté et qui ont le dernier mot parce qu’ils ont la légitimité conférée p
ar le suffrage
universel. Notre mission est de les assister et de les éclairer par nos travaux.
Je veux
évoquer aujourd’hui deux sujets qui sont encore insuffisamment pris en
compte par le législateur : le principe de transparence et le principe de responsabilité dans la
gestion publique.
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La première contribution de la Cour des comptes à la transparence de la gestion
publique, c’est l’éclairage qu’elle apporte sur la situation globale des finances publiques. Qui
pourrait avoir conscience de cette situation mieux que les personnalités assemblées dans cette
salle ?
L
a Cour a eu l’occasion d’alerter
à plusieurs reprises
sur l’état des finances publiques de notre
pays. La dernière fois était il y a 2 mois. Je me réjouis que les messages de la Cour aient été entendus
par l’opinion et les décideurs.
La situation des comptes publics reste très sérieuse et toujours préoccupante et justifie un
engagement fort pour retrouver l’équilibre des comptes, afin de garantir que notre souveraineté ne soit
pas remise en cause.
Nous avons identifié quatre lignes directrices qui, selon nous, pourraient rendre ce
redressement moins difficile à conduire, plus juste et plus crédible :
faire participer chacune des catégories d’administration publique –
nationales,
locales, sociales
–
à l’effort dans le cadre d’une gouvernance partagée
;
résorber en priorité le déficit des comptes sociaux, qui est une anomalie ;
répartir l’ajustement de façon équilibrée entre maîtrise des dépenses et hausse
des recettes, tout en étant attentif à
la compétitivité de l’économie et des entreprises
;
enfin, faire porter prioritairement les mesures de réduction du poids de la
dépense publique sur les dispositifs les moins efficaces, en s’appuyant sur l’évaluation de
chacune des politiques publiques. Pa
r l’ensemble de leurs travaux, les juridictions financières
apporteront leur contribution pour que soient identifiés les dispositifs qui devraient en priorité
être réformés ou supprimés.
Nous avons montré l’importance du chemin qui reste à parcourir.
Le
gouvernement a pris des engagements de retour à l’équilibre des comptes.
La Cour suivra avec attention le degré d’application de ces quatre lignes directrices qu’elle
juge essentielles, étant entendu que, pas plus dans son analyse des finances publiques que dans
d’autres sujets, elle n’a de parti pris dogmatique. Mais elle pense fondamentalement, et donc elle le dit
parce que c’est sa mission, que tout déséquilibre structurel durable a des conséquences pour un pays
et ses citoyens.
Cette situation dégra
dée renforce ma conviction que la Nation n’a jamais eu autant
besoin qu’aujourd’hui d’acteurs impartiaux, comme le sont les juridictions financières, pour
garantir la transparence de la gestion publique, en toute indépendance
.
Cette transparence dans la gestion publique, je sais, Monsieur le Président de la République,
que vous y êtes attaché.
Elle concerne les
niveaux les plus élevés de l’Etat.
Votre prédécesseur avait permis que les comptes de l’Elysée soient examinés par la Cour des
comptes, ce qui constituait une innovation importante. Vous avez souhaité que la Cour poursuive cette
mission.
Les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ont également exprimé le souhait que la
Cour puisse, dans le respect de l’autonomie de gestion des pouvoirs
publics et selon des modalités
encore à préciser, contribuer à rendre la gestion de leurs crédits plus transparente et plus efficiente.
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La transparence doit prévaloir au niveau le plus global de la gestion publique.
Les règles nouvelles de surveillance
budgétaire mutuelle entre Etats membres de l’Union
européenne visent notamment à conforter la confiance que ces Etats s’accordent mutuellement, à
réduire les inquiétudes des marchés et à permettre l’apaisement de la crise des dettes souveraines.
Certaine
s de ces mesures sont encore en discussion. D’autres, comme celles contenues dans
le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance devraient prochainement être traduites dans le
droit national.
Ces normes vont entraîner une évolution de la façon dont notre pays prépare et suit
l’exécution des budgets. Parmi ces évolutions figure la mise en place d’un comité budgétaire
indépendant. Ce comité devra se prononcer sur les prévisions macro-économiques qui sous-tendent les
projets de lois financières. Il devra vérifier que les différentes lois de programmation, de finances et de
financement de la sécurité sociale respectent la trajectoire à laquelle notre pays s’est engagé. Il lui
appartiendra enfin de veiller au respect des règles budgétaires figurant dans le droit national. Cette
vigilance devra s’exercer non seulement
a posteriori
, mais également en cours d’exécution afin
d’assurer le respect effectif de cette trajectoire.
Hormis l’examen des prévisions macroéconomiques, la Cour exerce déjà large
ment ces
missions dans les faits. Elles sont au cœur du contrôle de l’exécution des lois de finances et de
financement de la sécurité sociale, missions inscrites dans la Constitution, respectivement, depuis 1946
et 1996.
De même, dans le cadre de l’assis
tance au Parlement et au Gouvernement, la Cour livre
chaque année une analyse d’ensemble de la situation et des perspectives des finances publiques,
destinée à alimenter le débat d’orientation budgétaire. Cette année, conformément au souhait que vous
aviez exprimé, Monsieur le Président de la République, et pour répondre à la demande du Premier
ministre, ce rapport s’est enrichi d’une analyse très approfondie des risques pesant sur l’exécution en
cours. Cela va dans le sens des nouvelles règles européennes et se révèle être un exercice utile qui
doit devenir d’usage constant.
Adosser les missions du comité budgétaire à une institution qui en exerce déjà une grande
partie et dont l’indépendance est garantie par les normes constitutionnelles ne peut qu’être
perçu, en
France et au plan communautaire, comme la meilleure façon de transposer le nouveau cadre européen.
Cela suppose, naturellement, que cette entité nouvelle dispose des prérogatives et des
moyens nécessaires pour assumer pleinement et effectivement les missions qui sont les siennes.
Monsieur le Président de la République, dans le contexte exigeant du redressement des
comptes publics, vous pouvez compter sur l’engagement de la Cour pour apporter une contribution très
active à cette entreprise qu’elle juge essentielle pour l’avenir de notre pays. Soyez certain qu’elle jouera
ce rôle avec rigueur, indépendance et esprit de responsabilité.
Cette transparence doit prévaloir à tous les autres niveaux de la gestion publique et, là
encore, je suis convai
ncu que l’indépendance des juridictions financières fournit la plus grande
garantie.
A ce titre, je considère que
la fiabilisation des comptes des entités publiques
, dont la
certification constitue la forme la plus aboutie, est essentielle à la transparence.
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J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce que ceci
impliquait
pour les hôpitaux publics
,
par exemple.
Je regrette que soit demeurée lettre morte la disposition de la loi « Hôpitaux, Patients, Santé
et Territoires » - HPST
–
de 2009, posant le principe de la certification des comptes des hôpitaux
publics. A plusieurs reprises déjà, la Cour a alerté sur l’insuffisante fiabilité des états financiers des
hôpitaux. Le législateur, en 2009, avait cherché à y remédier, mais des blocages et oppositions divers
ont fait obstacle à la publication des décrets nécessaires.
Le résultat de ces atermoiements est que, à ce jour, aucun établissement public de santé ne
dispose d’états financiers légalement certifiés, malgré l’enjeu considérable que ceux
-ci représentent
pour les finances publiques.
Le même constat peut être fait
en ce qui concerne les états financiers des collectivités
. Je
n’ignore pas que la certification, chaque année, des états financiers de l’ensemble des collectivités
paraît démesurée et suscite, à bon droit, des réticences.
Ce débat aurait déjà considérablement avancé si, dès 2009, une expérimentation législative
de certification des comptes de collectivités locales volontaires, avait été mise en œuvre. Aujourd’hui,
nous en serions à procéder au bilan de cette phase expérimentale pour que le Parlement souverain
décide de la généralisation et, dans l’affirmative, des conditions de cette généralisation.
Malheureusement, nous en sommes restés au point de départ. Pourtant, pour les collectivités
locales, un regard indépendant et extérieur apporterait beaucoup en termes de connaissance des
enjeux patrimoniaux ou de connaissance de leurs engagements hors bilan ou de bonne perception d’un
périmètre de consolidation comprenant leurs satellites directs ou indirects, par exemple.
Cette option a été reprise dans un rapport d’information, consensuel, fait au nom de la mission
commune d’information du Sénat sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences
de notation, en juin 2012. Y e
st faite la proposition d’une certification, par la Cour des comptes, des
comptes des établissements publics de santé les plus importants, ainsi que l’expérimentation de la
certification de certains comptes locaux.
Je souhaiterais que le législateur s’eng
age sans plus tarder dans cette voie.
J’ajoute que la transparence de la gestion publique locale constituera sûrement l’un des
thèmes de
l’acte 3 de la décentralisation
que le Gouvernement a inscrit à son programme de travail. Il
est dans l’esprit de la décentralisation que l’octroi de compétences supplémentaires aux collectivités ait
pour corollaire un rôle croissant confié aux institutions de contrôle, en l’occurrence aux chambres
régionales et territoriales des comptes.
Nous sommes
disponibles pour
apporter un concours actif à l’élaboration de cet acte 3, pour
alimenter la réflexion, et
l’enrichir à la lumière de l’expérience acquise depuis
1982.
*
*
*
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Mais
–
vous en conviendrez avec moi
–
la transparence ne prend tout son sens que si
prévaut aussi le principe de responsabilité.
De ce point de vue, je formule le vœu que la législature qui commence soit celle d’une
profonde rénovation des mécanismes de mise en jeu de la
responsabilité des gestionnaires publics,
sujet sur lequel ont échoué les législatures précédentes.
Dans une République exemplaire, il s’agit certainement d’un élément central.
En plusieurs étapes, ces dernières années, le mode de responsabilité des comptables publics
et la procédure que le juge des comptes met en œuvre à cet eff
et ont été profondément rénovés,
jusqu’à atteindre aujourd’hui un point d’équilibre.
La lacune qui persiste est celle du régime applicable aux ordonnateurs. La difficulté de mettre
en œuvre leur responsabilité devant la Cour de discipline budgétaire et fi
nancière présente le risque soit
de l’impunité, soit d’une pénalisation excessive de l’action publique. Il est pourtant
indispensable que
l’ordre public financier, budgétaire et comptable soit maintenu sans basculer nécessairement dans le
registre pénal.
Cette relative impuissance n’est pas le fait des juridictions financières
; elle résulte des textes
qui entravent leur action.
Nos concitoyens peuvent-
ils comprendre qu’en l’état actuel des textes, il suffise à un
ordonnateur de brandir devant le juge
un ordre écrit signé par son ministre ou par l’exécutif de la
collectivité, de commettre de graves irrégularités pour que ce juge ne puisse plus rien faire ?
Nos concitoyens peuvent-
ils comprendre qu’en l’état actuel des textes, l’octroi d’un avantage
in
justifié à autrui, au détriment du Trésor public, soit incriminé, mais pas l’octroi d’un avantage injustifié
à soi-même ?
Une réforme est indispensable. Elle n’entraînera aucunement une paralysie de l’action
publique ! Ceux qui soutiennent que pour foncti
onner efficacement, l’administration française doit
baigner dans l’irresponsabilité et l’impunité ont une curieuse idée de l’action publique
!
Certaines pistes de réforme méritent d’être expertisées sérieusement, à partir de ce qui a pu
être mis en place
dans d’autres pays. La Cour a pu, elle
-même, formuler quelques propositions.
Pour répondre à l’aspiration légitime des citoyens, pour obtenir que les irrégularités et les
erreurs de gestion les plus graves soient effectivement sanctionnées, le rôle de la juridiction financière
pourrait être conforté en élargissant les incriminations, en incluant tous les ordonnateurs dans la
population des justiciables, en encadrant et en simplifiant le dispositif.
Au prix de cette réforme, le principe de responsabilité
prévaudra. J’y vois un
apport important
à la démarche de rénovation de la vie publique et de la déontologie à laquelle vous avez demandé à
une commission présidée par M. Lionel JOSPIN de réfléchir.
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*
*
*
Monsieur le Président de la République,
Madame, Monsieur les ministres, élus et autorités,
Mes chers collègues,
Les magistrats qui nous reviennent après une longue absence soulignent qu’ils ne
reconnaissent pas l’institution tant elle a changé et s’est modernisée. Les juridictions financières figurent
parmi les institutions publiques qui ont le plus évolué sur les dernières décennies.
Cette évolution permanente, nous l’appelons de nos vœux parce que nous savons bien
qu’une institution qui n’évolue pas est menacée et parce que nous souhaitons être util
es.
Elle nous oblige aussi à de perpétuelles remises en cause de nos méthodes, de nos
programmes de travail tout en réaffirmant nos procédures (contradiction, collégialité, indépendance) qui
garantissent notre impartialité et nous donnent l’autorité néce
ssaire. Nous le faisons car il serait
profondément anormal que les juridictions financières ne s’appliquent pas à elles
-mêmes les
préconisations qu’elles adressent aux organismes qu’elles contrôlent.
Vous pourrez toujours compter sur l’investissement sans
faille des « gens des comptes » au
profit d’une gestion publique plus transparente et plus efficiente. En toute indépendance, avec esprit de
responsabilité, dans la fidélité à ce qui était gravé sur un jeton de la Chambre des comptes de Paris en
1608 : « Nec fallit nec fallitur unquam
» (jamais ne trompe ni n’est trompée).
Je vous remercie de votre attention.