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Le rôle du ministère de la recherche
et ses moyens d’action
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PRÉSENTATION
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Achevant un cycle de contrôles portant sur le ministère de la
recherche, les fonds budgétaires qu’il gère ainsi que sur les grands
établissements publics (CNRS, INSERM, …) dont il assume la tutelle, la
Cour a souhaité, en s’appuyant sur une vision rétrospective de la
politique publique de recherche des vingt dernières années (1982 –
2002), établir un bilan de l’action menée.
Elle a observé en premier lieu que l’instabilité chronique de la
direction politique et des structures administratives du ministère ainsi
que la prolifération de ses instances consultatives n’avaient pu
qu’affecter l’efficacité de l’action de pilotage qui lui incombe.
En second lieu, alors même que la responsabilité des chercheurs
lui échoit depuis qu’ils ont obtenu le statut de fonctionnaire, il a fallu
attendre l’automne 2001 pour que soit véritablement abordée la question
cruciale du renouvellement du personnel scientifique. De même, il est
préoccupant
d’observer
que
manquent
les
dispositifs
assurant
efficacement l’orientation vers la recherche des jeunes thésards.
Enfin, l’efficacité des fonds ministériels – Fonds national de la
science et Fonds de la recherche technologique – qui représentent plus de
400 millions d’euros en 2003 et qui sont destinés à financer des actions
dites incitatives, est amoindrie par l’instabilité de leurs objectifs, la
centralisation de leur gestion et l’absence d’évaluation réelle de leurs
résultats.
La Cour estime qu’à l’heure où la priorité est de permettre aux
organismes de recherche et aux chercheurs français de prendre une place
dans le nouvel espace européen de la recherche, la tête de réseau que
doit constituer le ministère de la recherche ne dispose ni de l’autorité
politique ni de l’efficacité nécessaire pour agir. La thésaurisation des
crédits par les équipes de recherche inquiètes pour leur avenir et la
réduction des crédits budgétaires destinés à assécher des réserves jugées
disproportionnées au regard de la situation des finances publiques sont le
reflet d’une crise de confiance qui ne pourra être surmontée que par
l’inscription de l’action dans un nouvel horizon.
L’organisation de la recherche publique en France date du tournant
des années cinquante. A l’initiative du Président du Conseil, Pierre
Mendès-France, est ouverte en 1955 une réflexion sur un projet global de
développement scientifique. Elle débouche au colloque de Caen en
novembre 1956 sur des propositions qui inspirent les décisions prises à la
naissance de la 5
ème
république. Le général de Gaulle crée un comité
interministériel de la recherche scientifique et technique (CIRST) animé
par une délégation générale (DGRST) et un fonds de développement de la
recherche scientifique et technique destiné à assurer le financement direct
d’actions de recherche. Le succès rencontré par certaines de ces actions
conduit à la création d’organismes comme le centre national d’études
spatiales (CNES) ou l’institut national de la santé et de la recherche
médicale (INSERM). Dès l’origine, un partage apparaît entre la
responsabilité du gouvernement qui donne les impulsions à travers des
orientations politiques et des financements additionnels et celle des
établissements qui mettent en oeuvre les politiques de recherche.
Les réformes engagées à partir de 1981 marquent une nouvelle
étape. L’article 10 de la loi d’orientation et de programmation pour la
recherche et le développement technologique du 15 juillet 1982 dispose
que «
les choix en matière de programmation et d’orientation des actions
de recherche sont arrêtés après une concertation étroite avec la
communauté scientifique, d’une part, et les partenaires économiques et
sociaux, d’autre part.
» Un conseil supérieur de la recherche et de la
technologie (CSRT), installé auprès du ministre chargé de la recherche et
de la technologie, est consulté sur les grands choix scientifiques de la
politique du gouvernement. L’article 15 crée un statut spécifique
d’établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST).
Quatre nouveaux établissements voient le jour dans les années quatre-
vingt, deux EPST, le centre du machinisme agricole, du génie rural, des
eaux et des forêts (CEMAGREF) et l’institut national de recherche sur les
transports et leur sécurité (INRETS) ainsi que deux établissements
publics à caractère industriel et commercial (EPIC), l’institut français de
recherche et d’exploitation de la mer (IFREMER) et le centre
international de recherche agricole pour le développement (CIRAD).
L
E RÔLE DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE ET SES MOYENS D
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Les dépenses nettes du budget du ministère de la recherche se sont
élevées en 2002 à 6 Md€, soit 1,77 % du budget de l’Etat contre 1,95 %
en 2000, les dotations des organismes représentant près de 90 % de ce
budget. Il constitue lui-même 70 % du budget civil de recherche et de
développement technologique (BCRD) qui regroupe la totalité des crédits
de recherche civile des ministères. Le BCRD est passé de 5 Md€ en 1983
à 7,3 en 1992 et 8,7 en 2002 mais l’évolution est moins favorable
rapportée à la richesse nationale. Si la recherche des administrations
représentait 0,68 % du PIB en 1978 et avait atteint 0,92 % en 1993, elle
ne représentait plus que 0,77 % du PIB en 2000.
La Cour est intervenue à plusieurs reprises au cours de ces
dernières années sur l’organisation de la recherche publique en France.
Elle a évoqué dans le rapport public de 1999 les relations du ministère de
la recherche avec les principaux EPST et appelé à une meilleure
reconnaissance de leur autonomie. Elle constate aujourd’hui qu’il en est
résulté une généralisation – à l’exception de l’INSERM – des contrats
quadriennaux avec le ministère ainsi qu’une réforme budgétaire devant
entrer en application en 2005 et substituer une logique d’objectifs à une
logique de moyens. En 2000, la Cour a rendu compte de ses analyses sur
l’organisation et le financement de la recherche biomédicale et en 2001,
elle s’est prononcée sur la gestion et l’avenir du CNRS. Elle a relevé
depuis lors une réorganisation du dispositif français de recherche
génomique ainsi que la définition par le CNRS d’orientations stratégiques
en accord avec le ministère dans un cadre contractuel.
Depuis 2001, la Cour a centré ses contrôles sur le ministère de la
recherche, ses responsabilités et ses moyens d’action. Elle a examiné
l’organisation de l’administration centrale du ministère, l’exécution de
son budget et plus largement du budget civil de recherche et
développement technologique, l’utilisation des crédits incitatifs des fonds
de la recherche technologique (FRT) et de la science (FNS), la gestion
des personnels des EPST, ainsi que l’activité des groupements d’intérêt
public (GIP) dans le domaine de la recherche.
Au terme de ces contrôles, la Cour constate que le dispositif central
de pilotage de la recherche française souffre d’une instabilité des
structures, d’une discontinuité dans l’action et d’une absorption par la
gestion au détriment de l’orientation et de l’impulsion stratégiques. Ces
constats sont d’autant plus préoccupants que le ministère de la recherche
n’est plus le seul lieu de pilotage central de la recherche en France, les
institutions européennes l’orientant de façon croissante dans le cadre des
programmes cadre de recherche développement (PCRD). Au-delà même
de leur participation à ces programmes communautaires, les équipes de
recherche doivent désormais inscrire leur action dans une coopération
avec les équipes des autres pays jusqu’à former progressivement un
espace européen de la recherche. Or, cette évolution n’a guère été
anticipée par le ministère ni par les organismes. Le bilan des premiers
appels d’offres du 6
ème
PCRD classe la France loin derrière la Grande
Bretagne et l’Allemagne, notamment pour ce qui est de la coordination
des projets de recherche. Ces piètres résultats tiennent à une organisation
largement défaillante d’un point de vue linguistique, administratif et
financier. Ils devraient inciter à de rapides mesures de redressement pour
que les équipes françaises puissent animer un plus grand nombre de
réseaux d’excellence au niveau européen.
Face à ce nouveau contexte, il convient de ne pas se tromper de
débat et de ne pas réduire les réflexions des acteurs de la recherche
publique aux variations du budget du ministère dont l’impact sur les
équipes n’est de surcroît pas immédiat au vu des réserves dont disposent
les organismes. Avant d’être une question financière, la question
aujourd’hui posée au ministère de la recherche porte sur la stratégie,
notamment européenne, sur le renouvellement des chercheurs et
personnels administratifs et sur la nature des relations avec les
organismes de recherche.
Il devrait donc être remédié à l’instabilité des structures d’un
ministère manquant de relais interministériel, au défaut d’anticipation de
grandes questions comme celles du renouvellement des personnels et de
l’européanisation de la recherche, au caractère parfois tatillon et toujours
insuffisamment stratégique de la tutelle des organismes et à la tentation
de la gestion directe des actions incitatives.
I
L’évolution des structures ministérielles
Qu’il
s’agisse
de
la
direction
politique,
des
structures
administratives et des instances consultatives du ministère de la
recherche, les dernières décennies ont été marquées par une instabilité et
une confusion qui n’ont pu qu’affecter l’efficacité de son action par
nature interministérielle.
A
L’administration de la recherche
Vingt-cinq ministres de la recherche se sont succédé depuis 1958,
soit une durée moyenne de fonctions inférieure à deux ans. Ce
mouvement des hommes s’est accompagné de fréquents changements des
structures ministérielles.
L
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Au début de la 5
ème
république, la dimension interministérielle de
la recherche est affirmée par l’implication directe du Premier ministre et
la désignation auprès de lui d’un ministre délégué. Les impulsions sont
données, sous la présidence du Premier ministre, par le comité consultatif
de la recherche scientifique et technique, composé de douze scientifiques,
dont la délégation générale (DGRST) assure le secrétariat et dont le fonds
de développement (FDRST) permet le financement d’actions spécifiques.
De cette époque datent les décisions politiques qui ont conduit
notamment à la confirmation d’équipes de recherche françaises de
réputation internationale dans les domaines génétique, spatial ou
nucléaire.
Cette dimension interministérielle s’estompe au début des années
soixante-dix, le chef du gouvernement cessant de présider le comité
interministériel. En 1981, la nomination d’un ministre d’Etat, ministre de
la recherche et de la technologie, marque à nouveau une priorité. Des
assises régionales et des journées nationales sont organisées. Leurs
conclusions inspireront la loi d’orientation et de programmation pour la
recherche et le développement technologique du 15 juillet 1982.
La prééminence de la recherche dans le dispositif gouvernemental
disparaît en 1983 avec son rattachement au ministère de l’industrie.
Depuis cette époque, le ministère n’a guère trouvé de place stable dans
l’organisation gouvernementale car le ministre est tantôt autonome, tantôt
délégué auprès du ministre de l’industrie ou du ministre de l’éducation
nationale.
Pour la première fois en 1986, le ministre est délégué auprès du
ministre de l’éducation nationale, chargé de l’enseignement supérieur et
de la recherche. Ce rattachement doit permettre une meilleure articulation
entre les organismes à caractère scientifique et des universités dont la
capacité de recherche est appelée à croître. Le rapprochement entre
l’enseignement supérieur et la recherche est confirmé entre 1993 et 1997.
L’arrivée en 1997 au ministère de l’éducation nationale, de la
recherche et de la technologie, d’un nouveau ministre conduit à renouer
avec une politique active d’orientation de la recherche publique par des
financements ministériels directs.
En 2000 et en 2002, les gouvernements renouent avec la formule
du ministre délégué.
Ces changements successifs de rattachement se sont accompagnés
de
nombreuses
variations
dans
l’organisation
des
structures
administratives de la recherche.
En 1981, la délégation interministérielle créée vingt ans plus tôt
s’est transformée en direction générale du nouveau ministère de la
recherche. Sa configuration a varié en fonction des rattachements
ministériels. En 1997, elle a été scindée en une direction de la recherche
et une direction de la technologie.
Cette évolution fréquente des structures n’était pas de nature à
faciliter les relations entre la recherche des EPST et la recherche
universitaire. Longtemps parent pauvre, celle-ci s’est affirmée au cours
des dix dernières années et l’urgence d’une action politique de pilotage
s’est imposée. A cet effet, une mission scientifique universitaire (MSU),
rattachée à la fois à la direction de la recherche et à celle de
l’enseignement supérieur, a été créée puis remplacée en 2003 par une
mission scientifique technique et pédagogique (MSTP).
Les quarante dernières années ont donc vu le passage d’une
mission interministérielle à une direction générale d’un ministère de la
recherche puis à deux directions parmi les douze directions du ministère
de l’éducation nationale. La visibilité et l’autonomie que lui procurait sa
position interministérielle initiale n’ont pu qu’en être affectées.
Cette évolution peut expliquer le sort réservé au budget civil de la
recherche et du développement technologique (BCRD) qui regroupe
l’ensemble des chapitres budgétaires « recherche » du budget civil de
l’Etat pour un montant total de 9 Md€. En effet, cet agrégat budgétaire,
matérialisé par un document annexé au projet de loi de finances intitulé
« Etat de la recherche et du développement technologique », n’a qu’une
fonction d’information et ne permet pas au ministère de la recherche de
jouer le rôle de coordination que prévoient pourtant les textes. Central au
moment de la prévision, le ministère de la recherche est absent de
l’exécution budgétaire du BCRD et n’est informé qu’a posteriori des
mouvements de crédits affectant cet agrégat. Dès lors, il n’est en aucune
manière en situation de peser sur la mise en oeuvre des politiques de
recherche relevant des autres administrations, d’autant plus que le BCRD
ne représente en fait qu’un peu plus d’un quart de l’effort de l’Etat en
faveur de la recherche. Imprécis dans ses frontières, éclaté dans son
exécution, incapable de coordonner les politiques, la Cour s’interroge sur
le bien fondé du maintien en l’état du BCRD, dont une remise en cause
profonde semble devoir s’imposer à l’occasion de la mise en oeuvre de la
loi organique sur les lois de finances (LOLF).
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B
Les conseils scientifiques
L’instabilité des structures ministérielles s’est accompagnée d’une
prolifération des instances de conseil scientifique que le ministère de la
recherche explique par son besoin d’expertise scientifique et par
l’importance de la demande économique et sociale dans la définition et le
suivi des politiques de recherche.
Le comité consultatif
de douze scientifiques mis en place au début
de la 5
ème
république a été remplacé en 1982 par
un conseil supérieur de
la recherche et de la technologie (CSRT)
placé auprès du ministre de la
recherche et présidé par lui. Représentant l’ensemble des personnels et
des partenaires de la recherche, il comprend quarante membres nommés
pour une durée de trois ans renouvelable une fois et doit rendre chaque
année un avis sur la politique scientifique du gouvernement.
Créé en 1988, le conseil destiné à faire des suggestions au ministre
sur les choix en matière de
très grands équipements
a cessé d’exister
faute de renouvellement de ses membres.
A la fin des années quatre-vingt-dix, mais en venant s’ajouter au
CSRT, une nouvelle génération de conseils a été installée. Il a été créé
notamment, par décret du 20 octobre 1998,
le conseil national de la
science (CNS)
qui a pour objet d’éclairer les choix du gouvernement sur
la recherche et la technologie. Nommés pour une durée de quatre ans
renouvelable une fois, ses membres, pour un tiers des scientifiques
étrangers, devaient se réunir au moins deux fois par an à l’initiative du
ministre. Deux de ses membres en ont démissionné en octobre 1999 à
l’annonce de l’abandon sans concertation du projet de synchrotron Soleil
sur le site d’Orsay. Depuis, le conseil n’a été réuni qu’à une seule reprise
en juin 2000.
Egalement créé en 1998,
le comité consultatif du développement
technologique
, placé auprès du directeur de la technologie et présidé par
lui, contribue à l’élaboration des orientations et à la définition des moyens
propres à transformer les résultats de la recherche publique en procédés
industriels. Nommés pour une durée de deux ans renouvelable une fois,
ses membres ont mis au point une charte de la propriété intellectuelle.
A côté de ces conseils pluridisciplinaires émettant des avis sur la
politique scientifique du gouvernement, ont été créés depuis peu des
comités de coordination
thématiques dont les membres, nommés pour
une durée de deux ans, représentent les scientifiques et les organismes.
Pour expliquer leur création, le ministre de la recherche affirmait en 1999
que la France dispose de beaucoup d’organismes de recherche, « de trop
sans doute » et qu’il est donc nécessaire d’agir avec prudence.
Ainsi, l’organisation des conseils du gouvernement sur la
recherche scientifique apparaît-elle éclatée et stratifiée. En témoigne la
description du rôle de chacun dans l’annexe au projet de loi de finances
pour 2002 (« jaune budgétaire ») : «
Les grandes orientations de la
politique
nationale
de
la
recherche
sont
décidées
en
comité
interministériel de la recherche scientifique et technique (CIRST),
préparé par le ministère de la recherche sur avis du conseil national de
la science (CNS), soumises à l’avis du conseil supérieur de la recherche
et de la technologie (CSRT) et débattues au parlement et dans ses
commissions, principalement à l’occasion de la préparation de la loi de
finances.
».
En fait, la création des nouvelles instances de conseil mises en
place entre 1998 et 2000 ne s’est pas accompagnée d’une redéfinition du
dispositif d’ensemble de conseil du gouvernement en matière de
recherche scientifique. C’est ce constat qui est sans doute à l’origine du
jugement exprimé par la commission des finances de l’Assemblée
nationale dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2000,
lorsqu’elle notait : «
La multiplicité des instances qui ont à connaître des
décisions concernant la recherche sème la confusion.
» Une telle
confusion est regrettable au moment où chacun s’accorde à reconnaître la
nécessité d’une réorganisation
dans un environnement profondément
modifié par l’apparition d’acteurs nouveaux.
La grande instabilité des structures ministérielles peut expliquer les
insuffisances que la Cour a relevées dans l’emploi par le ministère de ses
moyens d’action. Dans le système français, ceux-ci sont principalement
au nombre de trois : la gestion des personnels, la tutelle des organismes,
l’octroi de financements incitatifs.
II
La politique de l’emploi scientifique
Les performances de la recherche scientifique sont étroitement
liées à la qualité des ressources humaines auxquelles elle fait appel et en
premier lieu à celle de ses chercheurs, même s’il est vrai que certains
domaines de la science sont de plus en plus dépendants d’équipements
techniques. En 2000, les neuf EPST – CEMAGREF, CNRS, INED,
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INRA, INRIA, INSERM, INRETS, IRD, LCPC – comprenaient un
effectif total (etp) de 41 732 agents
1
.
Les choix de recrutement et de cursus professionnel sont les
premiers à orienter l’appareil public de recherche. C’est encore plus vrai
depuis 1983 avec ce qu’on a coutume d’appeler la « fonctionnarisation »
des chercheurs. Depuis cette date, les métiers de la recherche sont exercés
dans les EPST par des fonctionnaires organisés par corps. Selon les
statuts des organismes, les principales décisions les concernant ne
relèvent pas de la direction générale mais de la communauté des
scientifiques dont le comité national de la recherche scientifique au
CNRS est le meilleur exemple. L’évaluation des chercheurs est assurée
par leurs pairs à travers les sections du comité national. Pour les
recrutements, la section compétente siège en jury d’admissibilité et la
direction générale nomme les jurys d’admission.
Même dans cette organisation où l’autonomie des chercheurs est
grande, les choix de renouvellement des personnels de la recherche
relèvent directement du gouvernement parce qu’ils engagent l’avenir de
la communauté nationale et mobilisent, à travers les créations d’emploi,
d’importants moyens financiers. La recherche publique française ayant
fortement recruté dans les années soixante et soixante-dix, à l’inverse des
années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, les chercheurs publics français
sont aujourd’hui parmi les plus âgés du monde avec un âge moyen de
47 ans. Entre 2005 et 2012, environ 50 % des chercheurs actuellement en
poste quitteront leurs fonctions. Dans le même temps, la désaffection des
étudiants pour les études scientifiques met à l’épreuve la capacité de la
France à renouveler les professionnels de la recherche. Plus que jamais,
une politique d’ensemble de l’emploi scientifique paraît s’imposer, depuis
la formation initiale jusqu’aux parcours professionnels.
Si le recrutement comme l’évaluation des chercheurs dépendent
des communautés scientifiques, la gestion courante relève, elle, des
directions des organismes. Quant aux responsabilités propres du ministère
de la recherche, elles sont d’une triple nature : coordination des politiques
de personnel menées par les organismes, définition et adaptation du cadre
juridique, anticipation du renouvellement des effectifs. Mais les
investigations menées par la Cour l’ont conduite à constater que
l’organisation administrative du ministère ne permettait pas leur bon
exercice.
1
) Dans les effectifs réels, sont comptabilisés, outre les agents titulaires, des agents
contractuels qui ont renoncé à la titularisation et des agents recrutés sur contrats à
durée déterminée (CDD) pour lesquels des emplois de titulaires sont gagés.
La direction de la recherche comprend certes une sous direction
qui traite des questions relatives à l’emploi scientifique, c’est à dire celles
relatives aux perspectives démographiques et de renouvellement des
personnels. Mais les questions statutaires sont, elles, prises en charge par
les directions des personnels du ministère de l’éducation nationale dans
des conditions analogues à celles prévues pour les personnels enseignants
et administratifs des premier et second degrés comme du supérieur. Les
directions de la recherche et de la technologie jouent dès lors un rôle de
courroie de transmission entre les organismes sous leur tutelle et les
directions fonctionnelles du ministère de l’éducation nationale. Le
ministère de la recherche reconnaît que «
ce fonctionnement devient très
difficile lorsque les directions de la recherche et de la technologie n’ont
pas d’interlocuteur unique et qu’elles ne disposent pas de ressources
suffisantes pour assurer la maîtrise d’ouvrage des dossiers. C’est
particulièrement le cas dans le domaine de l’emploi scientifique et la
gestion des personnels statutaires de la recherche (…). Le regroupement
dans une structure unique et identifiable, des compétences en matière de
maîtrise d’oeuvre aujourd’hui dispersées dans trois directions s’agissant
des corps de chercheurs et d’ITA, aurait rendu le traitement des dossiers
plus facile.
»
Ce constat peut expliquer que le ministère de la recherche ait tardé
à se saisir de la question pourtant cruciale du renouvellement du potentiel
scientifique. Alors que les données démographiques étaient disponibles, il
a fallu attendre le comité interministériel du 15 juillet 1998 pour que le
ministre de la recherche prenne l’initiative de demander aux EPST la
définition d’une stratégie pluriannuelle de recrutement, le développement
de l’accueil de chercheurs étrangers et la mise en place d’incitations à la
mobilité. Deux ans plus tard, les priorités définies par le CIRST de juin
1999 pour les sciences de la vie et les sciences de l’information ont reçu
une traduction en termes de moyens humains et financiers. Enfin, le
conseil des ministres du 24 octobre 2001 a adopté un plan décennal de
gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l’emploi scientifique : 1000
créations d’emplois dans les EPST dont la moitié d’emplois chercheurs
ont été annoncées pour la période 2001 à 2004. Cinq cents créations ont
été effectivement inscrites aux budgets 2001 et 2002. Le plan a été
ensuite abandonné.
Ces interventions tardives et pour partie inabouties n’ont pas été de
surcroît l’occasion d’un débat sur l’environnement, notamment juridique
et économique, de l’emploi scientifique. Cet environnement présente en
effet de fortes singularités par rapport à la plupart des pays étrangers. Les
personnels de la recherche sont recrutés par concours de la fonction
publique. L’entrée des docteurs de l’université dans les EPST se trouve
dès lors conditionnée par le nombre de postes ouverts chaque année aux
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concours, même si les personnels non titulaires n’ont pas totalement
disparu. Si les statuts des fonctionnaires contribuent à donner une sécurité
et une liberté d’esprit aux chercheurs et permettent des recrutements de
qualité tant que l’université produit un nombre élevé de docteurs, la
désaffection actuellement constatée pour les études scientifiques pourrait
changer la donne. La Cour avait déjà appelé l’attention sur ce point en
soulignant que des moyens devaient être dégagés pour orienter vers la
recherche des jeunes thésards qui seront en tout état de cause sollicités sur
le marché du travail dans l’Europe tout entière.
Il y a lieu en outre de s’interroger sur les conséquences pour les
chercheurs de leur statut de fonctionnaire. Par nature en effet, la formule
statutaire les inscrit dans une perspective de carrière de quarante années
alors que l’activité de recherche évolue avec les âges de la vie : temps de
formation, temps de création, temps d’animation et de gestion d’équipes.
S’il est souhaitable qu’un grand nombre de chercheurs puisse tirer profit
de l’investissement consenti par la nation pour les former « à et par la
recherche » dans les EPST et dans les universités, il n’est pas établi qu’il
soit de bonne gestion de prévoir que tous doivent ensuite exercer leur
travail de recherche dans les EPST. Au moment où la perspective de
renouvellement du potentiel scientifique permet d’envisager une plus
grande diversité des formes d’emploi (statutaire, contractuel, post-
doctorant), la Cour estime souhaitable que le Parlement et la communauté
scientifique débattent d’une gestion équilibrée des différentes formes
d’emploi qui rendrait l’appareil public de recherche capable notamment
d’accueillir un plus grand nombre de jeunes chercheurs.
Enfin, les possibilités de mobilité offertes aux chercheurs, soit à
l’intérieur des établissements qui les ont recrutés, soit vers l’extérieur
(universités, autres établissements français et étrangers, entreprises, …)
sont, à l’heure actuelle, encore limitées. Peu nombreux sont ceux qui y
ont recours. Le ministère de la recherche s’est certes préoccupé ces
dernières années de modifier le cours des choses. Dès 1998, des postes
ont été réservés dans les universités à des chercheurs venus des EPST
tandis que des chercheurs universitaires étaient accueillis en délégation
dans ces organismes. De même, dans le contrat stratégique 2002 - 2005
signé par le CNRS, 10 % des postes sont réservés à ce type d’accueil.
Dans le même esprit, une loi du 12 juillet 1999 a mis en place des
mesures pour favoriser la création d’entreprises innovantes par les
chercheurs. Mais l’exigence de mobilité prend plus de force encore dans
la perspective d’un espace européen de la recherche qui appelle une
intensification des échanges et du travail en commun. Selon la Cour, un
tel effort devrait donc être généralisé et accentué.
III
La tutelle des établissements
Selon l’article 15 de la loi du 15 juillet 1982, « les EPST sont des
personnes morales de droit public dotées de l’autonomie administrative et
financière (…). Il sont créés par décret après consultation du conseil
supérieur de la recherche et de la technologie. Ce décret définit le
département ministériel exerçant la tutelle. »
L’exercice de la tutelle est généralement confié par les décrets
constitutifs des organismes au ministère de la recherche, mais aussi
parfois
conjointement
à
un
autre
ministère :
agriculture,
santé,
coopération. Cette tutelle, contrepartie de l’autonomie reconnue aux
établissements, ne se confond pas avec un pouvoir hiérarchique.
A l’occasion de ses contrôles, la Cour a été conduite à s’intéresser
aux conditions d’élaboration des budgets et des contrats pluriannuels des
EPST. Elle a également pu constater qu’à défaut d’une approche globale
de ces contrats, les créations de structures de coopération entre EPST se
sont multipliées. Enfin la Cour a relevé le caractère parcellaire de
l’évaluation des organismes, ce qui est de nature à affaiblir la capacité
d’orientation et de contrôle du ministère de la recherche.
A
Budgets et contrats pluriannuels
Les modalités d’exercice de la tutelle par le ministère de la
recherche ne respectent pas suffisamment l’autonomie des établissements
et de leurs dirigeants. Sans doute, le ministère de la recherche doit-il être
à même d’exercer sa fonction de pilotage et de coordination en
intervenant dans la négociation budgétaire, mais tout se passe comme s’il
entendait gérer lui-même cette procédure et l’allocation des ressources.
La discussion budgétaire est directement conduite par le ministère chargé
de la recherche qui négocie avec le ministère du budget les arbitrages
entre dépenses d’équipement et de fonctionnement, créations et
suppressions d’emplois, avec des résultats qui peuvent être parfois assez
éloignés des attentes des établissements. L’approche retenue privilégie les
démarches dites de « reconduction » budgétaire qui laissent aux
dirigeants des établissements des marges de manoeuvre très réduites.
Cette pratique de la tutelle est également peu satisfaisante dans le
domaine du contrôle de gestion ou de la politique des ressources
humaines où il n’existe pas de partage clair des responsabilités entre les
établissements et les ministères.
Depuis une dizaine d’années, le ministère de la recherche s’est
engagé dans un nouveau type de relations qui tend à substituer à
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l’unilatéralité de la tutelle administrative une démarche de type
contractuel. Cette démarche a été présentée à l’origine comme le
complément nécessaire au pilotage de la recherche par les canaux usuels
que sont les mandats donnés aux présidents et directeurs généraux des
organismes et les orientations arrêtées par les conseils d’administration.
Interrogé à ce sujet par la Cour, le ministère de la recherche a précisé que
cette contractualisation permettait «
dans le cadre de l’autonomie des
établissements, d’assurer une visibilité à leur programmation et de
définir de grandes lignes d’action qui structurent le travail des équipes
(…) et de traiter de manière transversale des enjeux communs à plusieurs
établissements
».
Mais comme pour la tutelle classique, ce sont les modalités de la
procédure contractuelle qui conduisent à s’interroger sur son efficacité.
La Cour avait d’ailleurs relevé en 1999 les insuffisances de la première
génération des contrats, faute d’engagements financiers, de calendriers de
réforme ou d’indicateurs de suivi. La procédure de contractualisation
engagée en 1993 a été réformée par le CIRST du 15 juillet 1998 et par la
loi du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche, les contrats
d’objectifs devenant des contrats d’objectifs et de moyens d’une durée de
quatre ans. Ces nouveaux contrats se voulaient plus précis dans leurs
objectifs, plus lisibles quant aux moyens mis en oeuvre et mieux évalués.
Sur la période 2000-2002, tous les organismes de recherche sauf
l’INSERM
ont
signé
un
tel
contrat.
La
seconde
vague
de
contractualisation a permis un dialogue plus fécond avec les EPST sans
pour autant atteindre un résultat pleinement satisfaisant.
Selon
la
Cour,
le
renouvellement
prochain
des
contrats
quadriennaux devrait être l’occasion de tirer les enseignements des deux
premières générations de contrat et de donner une plus grande cohérence
et efficacité à la politique contractuelle. Or, il faut souligner que sur ce
point le ministère de la recherche n’a pas une position très affirmée.
Ainsi, en 2001, dans le cadre du débat budgétaire, il indiquait que ces
contrats «
donnent aux établissements les moyens d’atteindre ces objectifs
en leur assurant une réelle visibilité pluriannuelle en termes (…) de
crédits
». En 2002, il indiquait à l’inverse que «
contrairement aux
contrats passés avec les établissements d’enseignement supérieur, [les
contrats] ne comprennent pas d’engagements sur les moyens ; la
négociation (…) se fait annuellement dans le cadre de la discussion de la
loi de finances
».
Qu’il s’agisse de la définition des champs de compétence, de
l’allocation des moyens financiers pluriannuels ou de l’incitation à mettre
en oeuvre des stratégies d’alliance ou de réseaux européens, les enjeux
pour la recherche sont si lourds que la négociation des prochains contrats
devrait être conduite avec une vision politique et financière d’ensemble
permettant d’arbitrer sur les priorités de chacun des établissements et de
procéder si nécessaire à des ajustements de frontières entre eux. C’est
cette absence de vision d’ensemble qui a conduit dans un passé récent à la
multiplication des structures de coopérations entre les organismes.
B
Groupements d’intérêt public et autres structures
fédératives
A l’initiative du ministère de la recherche, les années récentes ont
vu la création de GIP ou de structures fédératives, pour faire face à
l’apparition de nouvelles problématiques de recherche. Par ces moyens, le
ministère peut tenter de remédier aux lacunes des organismes de
recherche dans un domaine que des considérations de santé publique
(sida, prion) ou de concurrence internationale (génome) rendent
prioritaire.
Le groupement d’intérêt public permet de faire collaborer entre
eux les organismes de recherche ainsi que les secteurs public et privé
pendant une durée limitée sur un objet déterminé. L’interdiction de
recrutement de personnel propre atteste un souci de légèreté et de
réactivité. La plupart du temps on attend du GIP qu’il joue plus un rôle de
catalyseur par la mise en réseau et le travail en commun qu’un rôle direct
de recherche scientifique.
Mais la viabilité de ces coopérations est fonction de la volonté des
partenaires de s’y impliquer et de leur capacité à respecter leurs
engagements conventionnels. Les enquêtes effectuées par la Cour ont
révélé qu’il était difficile de faire travailler ensemble les partenaires
contre leur gré, comme le montrent certains exemples dans les domaines
de
la
géographie
(GIP
RECLUS)
et
de
l’hydrographie
(GIP
Hydrosystèmes). L’expérience montre que le ministère de la recherche ne
peut obtenir de véritables résultats qu’à la condition de créer dans les
organismes les postes que ceux-ci mettront ensuite à disposition du GIP.
Ainsi créée à son initiative, l’agence nationale de la recherche sur le
SIDA (ANRS) a été principalement financée par le ministère de la
recherche, les mises à disposition de personnels par l’INSERM et le
CNRS correspondant pour les trois-quarts d’entre elles à des créations de
postes consenties par le ministère sur le budget de ces organismes.
L’orientation de la recherche par la création d’un GIP est donc liée à la
capacité de conviction du ministère par rapport aux organismes, capacité
d’autant plus forte qu’il dégage des moyens nouveaux.
L
E RÔLE DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE ET SES MOYENS D
ACTION
177
177
La situation des structures dites fédératives est différente mais pose
des
problématiques
assez
semblables.
Les
premières
structures
fédératives sont apparues au CNRS au début des années 1990 pour
associer des équipes de recherche situées sur plusieurs sites autour d'un
thème commun et pour répondre au coût croissant des plateaux
techniques nécessaires à la recherche.
Les instituts fédératifs de recherche (IFR) ne sont juridiquement
qu’un contrat mais s’apparentent souvent à une structure distincte des
laboratoires qui s’y rattachent, notamment parce qu’ils perçoivent des
ressources propres. En effet, les IFR ont pu obtenir des financements tant
des organismes de recherche et du ministère, que d’autres partenaires
publics et privés. Au-delà de la mise en commun d’outils technologiques,
il s’agit donc bien de la création d’une structure scientifique à laquelle
des moyens propres sont attribués pour développer des projets communs.
Ces structures viennent s’inscrire dans un paysage scientifique déjà
complexe et renforcent l’autonomie des unités de recherche par rapport à
leur organisme de rattachement. La faiblesse relative des moyens
apportés par ces établissements à leurs propres équipes et la part
croissante des financements directs reçus par les IFR donnent en effet un
rôle déterminant aux directeurs d’IFR.
La création répétée de structures nouvelles conduit aussi à
s’interroger sur la capacité d’adaptation des EPST. Pour l’expliquer, le
ministère estime que « face à un enjeu qui appelle une réponse rapide et
des moyens importants (…), il ne peut se tourner vers un des grands
établissements de recherche existants sans risquer de rompre les
équilibres au sein des communautés scientifiques concernées ». Il en
conclut que « ce n’est pas tant le manque de réactivité des organismes qui
est en cause, que le morcellement du paysage institutionnel ».
Comme la Cour a déjà eu l’occasion de le dire, il paraît en effet
paradoxal de répondre au morcellement du paysage institutionnel par la
multiplication d’organismes nouveaux alors que c’est une responsabilité
première du ministère que de remédier à ses conséquences néfastes. Mais
pour l’exercer, il est nécessaire de pouvoir s’appuyer sur des procédures
permanentes et efficaces d’évaluation des organismes.
C
L’évaluation des organismes de recherche
L’évaluation devait jouer un rôle déterminant dans le dynamisme
et la qualité de la recherche. Comme l’indique l’article 6 de la loi du 15
juillet 1982 «
l’appréciation de la qualité de la recherche repose sur des
procédures d’appréciation périodique portant à la fois sur les personnels,
les équipes, les programmes et les résultats
». Cette évaluation peut
prendre trois formes. La première, relevant de la communauté scientifique
et du jugement par les pairs, est destinée à promouvoir ou sanctionner les
chercheurs. La seconde, plus politique, est celle du système de recherche
dans son ensemble et relève principalement du Parlement. Enfin, la
troisième forme d’évaluation est celle qui concerne les établissements de
recherche.
Cette évaluation est apparue au début des années quatre-vingt au
moyen d’audits et de rapports commandés à des experts. Il faut attendre la
loi du 23 décembre 1985 relative à la recherche et au développement
technologique pour que l’évaluation des organismes soit reconnue comme
une priorité, et la création en 1989 du Conseil national d’évaluation de la
recherche (le CNER) pour qu’un organisme public soit spécialement
dédié à cette problématique. Doté de garanties d’indépendance à la fois
par le mode de nomination de ses membres et par une ligne budgétaire
particulière, le CNER est chargé de l’évaluation périodique et
systématique des opérateurs financés sur le budget civil de la recherche et
du développement. La Cour a pu constater la qualité de ses travaux et
propositions, notamment sur les organismes oeuvrant en matière de
recherche pour le développement, sur les méthodes d’évaluation et sur les
pôles régionaux de recherche.
Mais elle a pu aussi relever la difficulté pour le ministère de la
recherche de tirer parti de ces audits extérieurs, difficulté que l’on
retrouve dans le suivi de la stratégie et de la gestion des organismes. Que
ce soit pour les organismes ou pour leurs structures de coopération, la
mission d’évaluation qui fait partie de l’exercice de la tutelle n’est que
partiellement assurée. Alors que la contractualisation aurait pu être un
facteur de progrès en fixant les modalités d’une juste appréciation de la
stratégie et de la gestion des organismes, ainsi que de l’évaluation des
équipes et de leur capacité d’innovation, elle ne l’a été que très
marginalement faute d’avoir prévu une quantification des objectifs et un
examen périodique des résultats au moyen d’indicateurs. Une évolution
dans ce sens, qui peut être constatée notamment dans les contrats
quadriennaux des universités, apparaît dans les contrats les plus récents et
la Cour ne peut que s’en féliciter. Cet effort capital pour la stratégie
nationale de recherche devrait être intensifié dans l’avenir.
IV
Les financements incitatifs
Le ministère de la recherche a depuis l’origine estimé que le
recours à des actions incitatives directes devait contribuer à l’orientation
L
E RÔLE DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE ET SES MOYENS D
ACTION
179
179
de la recherche. La Cour a constaté que les actions incitatives soulevaient
un débat de principe qui peut expliquer la discontinuité qui les caractérise
et un mode de gestion centralisé qui rend difficile leur évaluation et leur
transformation en actions pérennes.
A
Un débat de principe
Les financements incitatifs s’opposent aux financements récurrents
des établissements publics de recherche. Mis à la disposition de leurs
laboratoires pour couvrir les dépenses nécessaires aux activités de
recherche, les crédits récurrents ne sont pas « fléchés », c’est à dire
destinés à financer une thématique de recherche particulière.
A l’inverse, les financements incitatifs visent à orienter les travaux
des laboratoires existants vers des priorités thématiques définies par le
ministère. Ces crédits, alloués dans le cadre d’appels à projets, visent
aussi bien la structuration d’équipes de recherche (exemple du
programme génomique), la promotion du travail interdisciplinaire ou inter
organismes (exemples du programme cognitique et des instituts fédératifs
de recherche) ou le soutien aux jeunes chercheurs. Créées pour une durée
de deux ou quatre ans, les actions concertées incitatives doivent
normalement être prises en charge ensuite par les structures de recherche
pérennes dans le cadre normal des missions qui leur incombent et dans
leurs champs disciplinaires respectifs.
Ce mode d’intervention n’est pas nouveau dans son principe
puisqu’il est utilisé en France depuis les années 60. Dès sa création en
1959, le fonds de développement de la recherche scientifique et technique
(FDRST) a eu pour vocation de «
développer, coordonner et animer des
actions concertées ou urgentes dans le domaine de la recherche
fondamentale ou appliquée
». Leur succès en matière de recherche
spatiale, d’exploration des océans et de biologie moléculaire servit de
référence pour justifier de nouvelles actions de même type : programme
Biotechnologie en 1982, actions concertées en faveur des sciences du
vivant en 1993 et plus récemment, en 1999, création du Fonds national de
la science (FNS). Cette politique s’est traduite par une forte progression
des crédits incitatifs qui sont passés de 35 M€ par an en moyenne entre
1995 et 1998 à 73.5 M€ en 1999 et plus de 400 M€ en 2003. Elle s’appuie
aujourd’hui sur deux fonds. Le Fonds de la recherche et de la technologie
(FRT), qui a succédé au fonds créé en 1959 (FDRST), vise à stimuler la
recherche en amont des entreprises ainsi que le partenariat entre acteurs
publics et privés. Le FNS a quant à lui pour objet d’orienter l’activité de
recherche fondamentale des organismes publics et des organismes privés
sans but lucratif autour de thématiques nouvelles, dans des domaines
identifiés
comme
stratégiques,
en
favorisant
financièrement
la
coopération entre unités de recherche.
Le recours à des actions incitatives directes est justifié par une
double ambition : favoriser la réorientation des thèmes de recherche,
redistribuer les chances entre les équipes de recherche, au profit
notamment de jeunes équipes. Cette ambition est souvent critiquée pour
les effets pervers que de telles actions prioritaires peuvent comporter si
elles ne sont que les reflets de la mode du jour.
Ce débat de principe est prolongé par les constatations faites par la
Cour en ce qui concerne l’évolution des financements incitatifs au cours
de ces dernières années.
B
L’évolution discontinue des fonds incitatifs
Au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix le ministère a
relancé à plusieurs reprises une politique de financements incitatifs. Le
cap d’une priorité pour les sciences du vivant a été maintenu mais la
politique a fortement fluctué dans ses montants. En 1985, l’essentiel du
FRT (62 %) a été consacré aux « programmes mobilisateurs » sur les
biotechnologies. Un an plus tard, les crédits du FRT étaient réduits de
moitié et toutes les actions lancées auparavant s’en trouvaient
inéluctablement affectées. A partir de 1988 et jusqu’en 1993, le niveau de
dotation du FRT est à nouveau en forte croissance. La réorientation
s’accentue autour de deux grands axes : la recherche biomédicale (SIDA,
génomique) et la recherche industrielle. Mais, en 1993, les actions
incitatives pilotées par le ministère disparaissent à nouveau, à l’exception
du SIDA et des GIP génomiques qui sont relancés dés 1995. Le comité
interministériel de la recherche scientifique et technique (CIRST) du
3 octobre 1996 invite les établissements de recherche à développer eux-
mêmes des actions incitatives internes pouvant aller jusqu’à représenter
20 % des crédits de fonctionnement des laboratoires. En conséquence de
ce choix politique, la dotation totale du FRT diminue et se concentre sur
les acteurs privés en vertu du principe, rappelé par le ministère de la
recherche à la Cour dans une communication de janvier 1997, que «
le
FRT ne peut plus se concevoir comme un instrument de pilotage de la
recherche publique
».
Deux ans plus tard, un choix radicalement différent est à nouveau
opéré par le CIRST du 1
er
juin 1999. Face à la dispersion des moyens des
EPST, il estime qu’une coordination doit être assurée par des actions
concertées incitatives
« destinées à développer des recherches dans des
secteurs prioritaires et pour lesquels l’appareil de recherche est mal
L
E RÔLE DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE ET SES MOYENS D
ACTION
181
181
adapté ».
Il précise également qu’elles seront gérées à travers deux fonds
nationaux : le Fonds de la recherche technologique (FRT) et le Fonds
national de la science (FNS).
Dans le cadre de ces nouvelles orientations, des infléchissements
substantiels interviennent. Le FRT est en effet réorienté vers le soutien à
la création d’entreprises innovantes, les actions principalement conduites
à travers des réseaux de recherche technologique (RRT) associant
laboratoires publics et privés. Dans la même logique de mise en commun,
le FRT finance d’autres actions, comme les « incubateurs » d’entreprises
ou le concours national de création d’entreprises innovantes.
Quant au FNS, destiné, depuis sa création, à financer des
recherches de base sur des thématiques prioritaires, il est géré par la
direction de la recherche. C’est au sein de ses départements scientifiques
que sont conçus les programmes ou les actions concertées incitatives
(ACI) qui sont les déclinaisons précises des priorités politiques arrêtées
lors des CIRST. Le FNS sert également à financer certaines structures de
recherche, et notamment les différents groupements d’intérêt public créés
dans le domaine de la génomique (Centre national de séquençage, centre
national de génotypage).
Marquée
par
la
fluctuation
des
motivations,
des
modes
d’intervention et des moyens financiers, la politique incitative du
ministère de la recherche se caractérise depuis vingt ans par une grande
instabilité. Plus encore, la Cour a constaté que ces fonds incitatifs tendent
à constituer des moyens de gestion centralisée du ministère et se
transforment de facto en guichet supplémentaire pour les organismes
publics.
C
Un mode de gestion centralisé et sans évaluation
Alors qu’à l’origine la DGRST distinguait clairement ce qui devait
relever de la politique de coordination des organismes et ce qui relevait
de la politique d’incitation directe par le ministère, l’articulation entre
fonds incitatifs et organismes de recherche a, au fil du temps, perdu de sa
clarté. Au lieu d’intervenir auprès des établissements en charge pour les
inciter à prendre en compte une thématique, à ses yeux négligée ou
oubliée, le ministère a en effet choisi de la financer directement. Ceci
peut expliquer les réserves fréquentes exprimées par les responsables des
EPST. Mais, plus fondamentalement, l’interrogation porte sur les
capacités relatives du ministère et des organismes en matière d’animation
des communautés impliquées dans les programmes, de suivi de la
production scientifique, de valorisation et de transfert de résultats.
Au-delà de la question de la gestion des aides, c’est aussi celle de
leurs destinataires, de l’évaluation de leurs effets et de leur transformation
en actions pérennes qui est posée.
En ce qui concerne les destinataires, force est de constater que
malgré les critiques qu’ils leur adressent, ce sont les équipes des EPST
qui sont les principaux bénéficiaires de ces aides. Structurelle dans le
FNS compte tenu de sa mission, la part des organismes publics de
recherche, et particulièrement des établissements d’enseignement, dans
l’obtention des financements du FRT est croissante : alors qu’elle était
d’à peine 4 M€ en 1996, elle représentait plus de 44 M€ en 2000, soit
35 % du total. Cette évolution en faveur des organismes publics n’a fait
l’objet d’aucune décision politique explicite. Présenté souvent comme
concurrent des organismes publics de recherche, le FRT est devenu une
source importante de financement des laboratoires publics des EPST
comme
des
universités.
Ceux-ci
mobilisent
jusqu’à
55
%
des
financements totaux pour les sciences du vivant, 67 % pour les micro et
nanotechnologies, 80 % pour les recherches sur la ville. A ce niveau
d’aide, on ne saurait parler de recherche de mixité mais bien de
financement direct de la recherche publique.
L’évaluation
qualitative
des
actions
incitatives
se
fait
principalement au travers de l’examen de rapports scientifiques établis
par le département concerné du ministère de la recherche. En fonction de
la nature du projet, de sa complexité et des enjeux financiers, le rapport
est transmis pour avis à des experts indépendants, universitaires ou
directeurs de recherche d’organismes publics. L’examen d’un rapport
scientifique fait l’objet d’un bref compte-rendu et d’un avis positif ou
négatif. Il n’y a pas de critères d’évaluation définis a priori pour l’examen
de ces actions. Chaque expert définit sa propre méthodologie, ce qui rend
les comparaisons et les synthèses très difficiles. La Cour a d’ailleurs
constaté qu’il n’existait pas d’exploitation statistique de ces comptes-
rendus ou de ces rapports, ce qui prive par là même le ministère d’une
vision globale de la qualité des travaux menés dans un programme ou de
connaître l’apport des fonds incitatifs aux progrès scientifiques réalisés
dans les domaines concernés.
Enfin, la Cour s’est interrogée sur les conditions dans lesquelles les
actions incitatives, une fois l’impulsion donnée, sont reprises, comme
cela devrait être la règle, par les organismes de recherche. Utiles pour
couvrir des champs d’exploration délaissés, les fonds incitatifs ne peuvent
en effet être conçus comme une forme durable d’intervention d’autant
que leur durée de vie (entre 2 et 4 ans) ne correspond pas au rythme de la
recherche.
L
E RÔLE DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE ET SES MOYENS D
ACTION
183
183
Or, les conditions de prorogation de certaines « actions concertées
incitatives » (ACI) suscitent l’interrogation. La Cour a ainsi relevé
l’exemple de l’ACI « cryptologie », dans le secteur des nouvelles
technologies, qui s’est transformée en ACI « sécurité informatique » pour
laquelle, il est vrai, le ministère n’agit plus seul mais en partenariat avec
le CNRS et l’INRIA. De même, dans le domaine des sciences humaines
et sociales, l’ACI « cognitique », en cours d’évaluation, se fond
désormais dans une action plus large qui, avec une dénomination
différente, « terrains, techniques, théories », reprend l’essentiel des
actions engagées par ce programme.
En revanche, certains cas d’urgence scientifique (VIH, maladies à
prions) ont conduit à la mise en place d’actions incitatives rapides qui ont
été pérennisées soit dans des structures ad hoc, de type ANRS, soit au
sein d’organismes de recherche déjà existants (INSERM, CNRS, …).
C’est la problématique que rencontre aujourd’hui la recherche génomique
et qui a conduit à la création, sous la forme à nouveau d’un GIP, du
consortium national de recherche en génomique.
L’orientation de la recherche par des fonds incitatifs pose en
définitive au ministère de la recherche des questions essentielles en ce qui
concerne la définition des thématiques pouvant donner lieu à actions
incitatives, l’association des établissements de recherche à leur mise en
oeuvre, l’évaluation et la transformation des actions en programmes de
recherche pérennes. Force est de constater qu'en l’état actuel des choses,
les pratiques observées n’apportent pas de réponse claire et satisfaisante
en termes d’efficacité.
______________________
CONCLUSION
______________________
La définition et la mise en oeuvre de la politique de la recherche
souffrent de l’absence d’un partage clair des responsabilités entre le
ministère et les grands établissements de recherche qui peut engendrer
un manque de confiance entre les acteurs.
Le débat budgétaire qui anime aujourd'hui le monde de la
recherche en est un exemple. En 2002, les dépenses nettes du ministère de
la recherche ont diminué de 2,4 % par rapport à l’année précédente en
raison à la fois de l’évolution des crédits inscrits dans la loi de finances
initiale et de la régulation budgétaire. Le ministère du budget justifie ses
décisions par l’importance des réserves et par l’aisance de la trésorerie
des EPST, estimée à fin 2002 à 438 M€, dont 207 M€ pour le seul CNRS.
De fait, en dépit du fort recul des subventions versées aux EPST, les
crédits des laboratoires ont en effet progressé de 150 M€ en 2002, dont
100 M€ pour le seul CNRS et 26 M€ pour l’INSERM. La régulation forte
et ciblée intervenue sur l’exercice 2002 n’a donc pas conduit à une
diminution effective des dépenses des organismes.
La situation budgétaire de la recherche traduit donc ce manque de
confiance : les organismes accumulent des réserves financières car ils
manquent de visibilité sur la politique et les orientations à venir, tandis
que le ministère opère une forte régulation des crédits et reproche aux
organismes une thésaurisation des moyens et un manque de flexibilité.
Pour surmonter cette crise de confiance, dont l’origine remonte à
plusieurs années, trois conditions devraient être réunies. Tout d’abord,
un débat sur le rôle de l’Etat dans l’orientation de la recherche serait
d’autant plus utile aujourd’hui que la formalisation des priorités
politiques de la recherche « remonte » de plus en plus vers le niveau
européen, voire vers des problématiques mondiales, et qu’à l’inverse, la
mise en oeuvre de ces priorités politiques « descend » vers les unités de
recherche et les laboratoires installés dans les régions. Cette situation
conduit à s’interroger sur ce que doit être le rôle des échelons
intermédiaires que sont l’administration centrale du ministère de la
recherche et les directions nationales des grands organismes.
Ensuite, tout en garantissant l’autonomie des établissements à
partir d’une démarche contractuelle rénovée, le ministère doit tenir
compte de l’impact des programmes et des réseaux européens ainsi que
des actions des régions au travers d’appels d’offre ou de financement
d’équipements.
Enfin, le ministère de la recherche devrait veiller à l’existence
effective de mécanismes d’évaluation et faire en sorte que leurs résultats
permettent de réorienter si nécessaire les « missions » et « actions »
préalablement définies en application de la loi organique sur les lois de
finances du 1
er
août 2001. Cette loi doit en outre être l’occasion de
définir clairement une mission interministérielle « recherche » afin de
doter le ministère d’un véritable rôle de pilote de la politique nationale
de recherche, mission interministérielle qui pour être efficace ne peut
faire l’économie d’un travail préalable de certification des comptes des
établissements publics de recherche et de consolidation de ces données
au niveau ministériel.
L
E RÔLE DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE ET SES MOYENS D
ACTION
185
185
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES
ET DE L’INDUSTRIE
L’évolution des structures ministérielles et l’administration de la
recherche
Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie partage les
conclusions de la Cour des comptes sur l’instabilité des structures
ministérielles de la recherche et sur les limites du budget civil de recherche
et développement (BCRD).
Comme le note la Cour, l’annexe « Etat de la recherche et du
développement technologique » est un document d’information, certes de
grande qualité, mais qui ne permet pas au ministère de la recherche
d’assurer un rôle de coordination de la politique de la recherche.
Le BCRD ne constitue pas non plus le cadre approprié du suivi de la
politique de la recherche. Il ne représente qu’une fraction de l’effort de
l’Etat en faveur de la recherche, excluant la rémunération des enseignants-
chercheurs et la dépense militaire de recherche mais surtout l’effort fiscal
(crédit d’impôt recherche), appelé à se renforcer dans les années à venir.
D’autre part, comme le souligne justement la Cour, le ministère de la
recherche n’a pas les moyens de suivre les crédits en exécution. On peut
d’ailleurs noter la tendance des ministères à faire porter en priorité sur les
lignes BCRD de leurs budgets les mesures d’annulations ou de mises en
réserve, sans que le ministère de la recherche n’en soit même informé. Cette
difficulté est accrue par le nombre de lignes budgétaires incluses dans le
BCRD (plus de 150), dont l’immense majorité est soit d’un montant
négligeable, soit ne représente pas un intérêt stratégique dans le financement
de la politique de la recherche.
La LOLF doit donc être l’occasion de redéfinir le BCRD, à la fois
dans son périmètre, afin de le rapprocher de l’effort de l’Etat dans le
domaine de la recherche et d’en écarter les dotations non stratégiques, mais
surtout dans ses principes de fonctionnement.
Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie partage les
observations de la Cour des comptes sur la faiblesse de l’administration de
la recherche et la dispersion des conseils scientifiques du Gouvernement. Il
souhaite que la mise en oeuvre de la LOLF et l’entrée en vigueur du nouveau
cadre budgétaire et comptable des établissements publics à caractère
scientifique et technologique soient l’occasion de redéfinir précisément les
modalités de pilotage du ministère. Cela impliquera nécessairement une
rationalisation des structures administratives et une évolution du rôle de la
tutelle vis-à-vis des différents opérateurs publics.
La politique de l’emploi scientifique
Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie partage les
interrogations de la Cour sur les effets de la « fonctionnarisation » de la
recherche. Il considère que le statut de fonctionnaire n’est probablement pas
le plus adapté à la conduite de l’activité de recherche, en raison de ses
lourdeurs (recrutement par concours), de ses rigidités (impossibilité
d’accorder aux personnels des rémunérations de niveau international) et de
ses contraintes (garantie de l’emploi qui n’est pas toujours compatible avec
une évaluation scientifique régulière des travaux et qui empêche des
redéploiements rapides entre les disciplines). Le ministère de l’économie, des
finances et de l’industrie note en outre que dans la plupart des pays
développés, la structure des laboratoires est très différente : des personnels
permanents en petit nombre ont pour mission d’animer l’équipe, de recruter
les contractuels et de rechercher les financements, entourés de nombreux
chercheurs aux statuts variés (thésards, post-doctorants, CDD). Le
recrutement sur un poste permanent se fait uniquement, après une forte
compétition, pour les chercheurs ayant démontré leurs capacités d’animation
d’une équipe, les autres étant incités à essaimer vers le secteur privé.
Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie souhaite,
comme la Cour, un débat sur le poids respectif des différentes formes
d’emploi scientifique. Une première étape d’un rééquilibrage est intervenue
par la décision du Gouvernement de privilégier dans le PLF 2004 le
recrutement de contractuels, afin de redonner de la souplesse aux
établissements, aussi bien dans les modalités de recrutements, les
rémunérations que dans la gestion quotidienne. Ce choix doit également
permettre de renforcer la mobilité entre recherche publique et recherche
privée.
C’est dans ce cadre qu’une gestion pluriannuelle de l’emploi
scientifique peut être envisagée, le précédent plan, dont l’application a été
suspendue, n’étant qu’en réalité qu’un plan d’augmentation des emplois de
fonctionnaires,
qui
ne
comprenait
que
peu
d’indications
sur
les
réorientations disciplinaires à opérer et n’évoquait nullement l’équilibre à
rechercher entre les différentes formes d’emplois.
La tutelle des établissements
Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie partage le
constat de la Cour sur une allocation des moyens entre les établissements qui
s’appuie d’abord sur une logique de reconduction. Cette logique guide
également la répartition des moyens au sein des établissements.
En dépit d’efforts en faveur d’un financement de projets, cette
faiblesse traduit la persistance d’un financement accordé majoritairement
aux structures.
L
E RÔLE DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE ET SES MOYENS D
ACTION
187
187
L’entrée en vigueur de la LOLF, qui supprime la distinction services
votés – mesures nouvelles et du nouveau cadre budgétaire et comptable des
EPST, qui prévoit une présentation du budget des établissements par nature
et par destination, doivent être l’occasion de faire évoluer les pratiques.
Le ministère de l’économie, des finances et de l’industrie a une
approche réservée sur la démarche contractuelle dans le domaine de la
recherche, certains contrats, notamment celui liant l’Etat et le CNRS,
n’ayant pas fait l’objet d’une préparation suffisante et comprenant des
insuffisances manifestes en termes d’objectifs précis et d’indicateurs.
Si l’évaluation de l’activité de recherche est régulière, le ministère de
l’économie, des finances et de l’industrie regrette que ses résultats ne servent
que rarement dans les décisions relatives à l’attribution des moyens aux
organismes ou aux laboratoires, la logique de préservation des situations
acquises l’emportant parfois sur celle de l’excellence scientifique. Par
ailleurs, on peut constater l’absence d’une évaluation globale des
organismes de recherche et de la politique de la recherche en générale.
L’entrée en vigueur de la LOLF et des programmes et rapports annuels de
performance qui y sont associés devrait contribuer à corriger ces lacunes.
La Cour note une forte progression des fonds incitatifs gérés par le
ministère de la recherche, dont elle note la gestion discontinue. Le ministère
de l’économie, des finances et de l’industrie partage les recommandations de
la Cour sur la nécessité d’améliorer l’évaluation globale des fonds incitatifs
et notamment la meilleure association des organismes à la programmation et
au suivi des actions financées.
RÉPONSE DE LA MINISTRE DELEGUEE A LA RECHERCHE ET AUX
NOUVELLES TECHNOLOGIES
Le rapport de la Cour des comptes fournit une analyse exhaustive de
l'organisation et des principaux moyens d'intervention du ministère chargé
de la recherche au sein de l'appareil d'Etat. Il permet d'alimenter utilement
une réflexion sur l'évolution des politiques publiques dans ce domaine et sur
l'adéquation de ce dispositif au regard des enjeux de la période actuelle
marquée par la volonté affichée par tous les gouvernements de l'Union
Européenne, dont celui de notre pays, de développer au niveau européen, les
fondements d'une société de la connaissance articulant formations
supérieures, capacités d'innovation et croissance économique durable.
Les commentaires qui suivent, visent à contribuer à cette réflexion
nécessaire sans remettre en cause les fondements du rapport produit.
L'évolution des structures ministérielles
La Cour souligne dans son rapport la multiplicité des réorganisations
intervenues dans l'administration centrale de la recherche publique. On ne
peut contester que les changements répétés intervenus dans l'organisation de
l'administration centrale de la recherche au cours des dernières années tels
qu'ils sont précisément retracés par le rapport, constituent un facteur
d'affaiblissement pour l'action de l'Etat dans un domaine de l'action publique
qui a besoin de continuité pour porter ces fruits. Il est également frappant de
comparer la stabilité de l'appareil de recherche, constitué par les opérateurs
publics que sont les organismes qui n'a connu qu'une grande réorganisation
en vingt ans dans la continuité de la loi de programmation du 15 juillet 1982
avec cette instabilité de la structuration de l'administration centrale.
Ces évolutions traduisent la difficulté d'organiser en terme de
politique publique, l'articulation entre la nécessaire autonomie scientifique et
administrative
du
domaine
de
la
recherche
et
du
développement
technologique et ses retombées attendues dans les champs de l'éducation, du
développement économique et de la culture.
Il est donc souhaitable que, s'appuyant sur l'objectif de l'Union
Européenne de bâtir la société de la connaissance comme fondement du
développement économique avec un investissement collectif dans la R et D
qui devrait atteindre 3 % du PIB en 2010, l'organisation administrative de
notre pays dans le domaine de la recherche et de l'enseignement supérieur
puisse se structurer de façon stable en tenant compte du fait que les
interactions entre le dispositif de recherche et d'enseignement supérieur
constituent un des points cardinaux de l'efficacité de l'action publique.
Cette stabilisation paraît aussi nécessaire pour améliorer le
fonctionnement d'un dispositif par essence complexe et pour attirer des
administrateurs de haut rang capables de le piloter dans la durée.
La mise en oeuvre de la LOLF doit être l'occasion, au niveau du
budget de l'Etat et de ses moyens d'actions, de redonner toute sa dimension
interministérielle à l'action gouvernementale dans ce domaine sous l'autorité
du ministre en charge de la recherche, en élargissant le rôle de synthèse et
de pilotage du budget civil de la recherche et du développement
technologique (BCRD) par la création d'une mission interministérielle. Une
mission de cette nature permettrait avec les moyens de pilotage
interministériel qui doivent y être associés, aux ministres en charge de la
recherche et de l'enseignement supérieur de peser sur la mise en oeuvre des
politiques relevant des autres administrations.
C'est dans ce cadre que doit être redéfini le nombre et le rôle des
différents conseils existant aujourd'hui en distinguant ceux qui sont un lieu
de débat et de consultation au sein de la communauté scientifique de ceux
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E RÔLE DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE ET SES MOYENS D
ACTION
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qui, placés auprès du ministre, ont vocation à fixer des orientations, émettre
des avis, voire, prendre des décisions.
Autant les premiers peuvent connaître une certaine prolifération pour
répondre aux besoins de réflexion et d'expertise qui accompagnent
nécessairement l'activité scientifique autant les attributions et la composition
des seconds doivent être maîtrisés. La réorganisation de cet ensemble qui est
en cours de réflexion doit s'appuyer sur les principes suivants :
- éviter le dédoublement des structures de conseil entre celles placées
auprès des directeurs de l'administration centrale et celles placées
auprès du ministre ;
- renforcer la capacité de pilotage et d'arbitrage de ces instances en
les plaçant au plus haut niveau et en veillant à leur composition ;
- maintenir une instance à vocation consultative qui représente
l'ensemble des acteurs et des usagers du système national de la
recherche et du développement technologique.
Ces trois orientations devraient dans un premier temps conduire à
supprimer les conseils placés auprès des directeurs d'administration comme
le comité consultatif du développement technologique (CCDT) et à renforcer
ceux placés directement auprès du ministre dans une logique de pilotage
interministériel. En particulier le rôle du Comité interministériel de la
recherche scientifique et technique (CISRT) devrait être réaffirmé comme
instance de pilotage d'une future mission interministérielle qui pourrait être
créée à l'occasion de la mise en oeuvre de la LOLF.
La politique de l'emploi scientifique
Le pilotage par l'administration centrale de la politique de l'emploi
scientifique mise en oeuvre opérationnellement par les établissements de
recherche recouvre plusieurs domaines :
- le domaine réglementaire qui concerne la gestion statutaire des
corps de chercheurs et d'ITA ;
- le domaine de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des
compétences qui permet d'anticiper les évolutions des métiers et des
disciplines scientifiques en fonction des besoins de la science ;
- le domaine de la politique de l'emploi scientifique qui traduit
annuellement dans les budgets des établissements les priorités
retenues par le Gouvernement en matière d'emploi, d'accueil et de
mobilité.
Comme le note le rapport de la Cour, le premier domaine est réparti
entre plusieurs directions au sein de l'administration centrale de la recherche
et de l'éducation nationale. Le ministère chargé de la recherche ne peut que
confirmer son souhait de voir cette répartition des compétences évoluer pour
aller vers le regroupement des compétences dans une structure unique et
identifiable en matière de maîtrise d'oeuvre statutaire aujourd'hui dispersées
dans trois directions, s'agissant des corps de chercheurs et d'ITA.
Le deuxième et le troisième domaines représentent un enjeu
stratégique pour l'avenir de la recherche dans une période où une partie
importante des effectifs présents devraient partir à la retraite d'ici 2010.
Anticiper les évolutions des métiers de la recherche, penser le
renouvellement des compétences en favorisant un rééquilibrage entre
disciplines qui traduise les nouvelles priorités de la recherche, préparer les
viviers de recrutement pour garantir demain la qualité de l'activité de
recherche, telles sont les priorités du ministère, dans le cadre d'une politique
de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences.
Cet exercice doit pouvoir se décliner au niveau du ministère et des
opérateurs que sont les établissements de recherche. Il doit par ailleurs
mettre en perspective les enjeux propres à la recherche publique et à la
recherche privée mais aussi ceux concernant l'enseignement supérieur.
Pour répondre à ces impératifs, un certain nombre de dispositions ont
été prises pour traiter les problèmes identifiés :
- un premier plan décennal a été présenté en conseil des ministres le
24 octobre 2001. Ce plan doit faire l'objet d'une révision pour tenir
compte des nouveaux paramètres de la politique de l'emploi dans la
fonction publique mais aussi pour améliorer la connaissance des
viviers de recrutement et la répartition géographique sur tout le
territoire national des besoins de compétences dans les années à
venir ;
- à cet effet, il a été demandé à chaque établissement de recherche de
mettre en place les outils et de bâtir des scénarios d'évolution des
compétences dans leur domaine d'intervention. Pour permettre le
développement de ce type de démarche, un cadre de travail
coopératif entre les établissements de recherche et d'enseignement
supérieur et les directions d'administration centrale a été mis en
place dont l'Observatoire des sciences et des techniques (OST)
assure la maîtrise d'oeuvre afin de produire régulièrement des
données démographiques et professionnelles permettant de bâtir des
scénarios sur l'évolution des compétences pour les chercheurs et
pour les ITA. Le champ couvert concerne aussi bien les personnels
des EPST et des EPIC que ceux de l'enseignement supérieur ;
- dans le domaine de l'emploi scientifique, des mesures ont été prises
récemment par le Gouvernement qui sont destinées à assurer plus de
flexibilité dans les recrutements, à développer la gestion par projets
et à développer l'attractivité des carrières.
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E RÔLE DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE ET SES MOYENS D
ACTION
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Il s'agit de favoriser le retour des jeunes post-doctorants français
partis à l'étranger compléter leur formation scientifique après la thèse mais
aussi d'attirer les meilleurs candidats d'origine étrangère, essentiellement
européens, pour participer à l'activité de recherche dans notre pays ; déjà
10 % des chercheurs recrutés chaque année par le CNRS sont étrangers,
essentiellement Italiens et Espagnols.
Pour amplifier ce mouvement, 400 emplois de post-doctorants ont été
ouverts dans les établissements de recherche en 2003, nombre qui devrait
être porté à 600 en 2004. Ces contrats de dix huit mois, sont destinés à de
jeunes docteurs Français ou Etrangers pour leur permettre de préparer dans
de bonnes conditions, leur insertion professionnelle dans le monde de la
recherche tout en développant les capacités d'accueil temporaire de jeunes
scientifiques de qualité dans les laboratoires.
Ce dispositif devrait être complété en 2004 par des possibilités de
recrutements de chercheurs et d'ingénieurs contractuels de droit public sur
crédits publics dans les EPST en complément des recrutements statutaires.
Cette disposition doit permettre de développer une politique d'accueil
plus active de chercheurs Français et étrangers de tous niveaux.
Elle ouvre aussi la possibilité de faire cohabiter plusieurs situations
professionnelles au sein des communautés de chercheurs et d'ingénieurs avec
la volonté de favoriser l'insertion des meilleurs au sein du dispositif national
de recherche tout en aidant l'évolution de carrière des autres après un
passage valorisant dans un laboratoire.
La tutelle des établissements
Compte tenu du haut niveau de décentralisation fonctionnelle de la
politique de recherche sur des opérateurs publics, la gestion de la relation
avec les établissements de recherche constitue le coeur de l'activité de
l'administration centrale. Comme le note le rapport de la Cour, cette relation
qui est bornée par des textes fondant en particulier "l'autonomie" des
organismes ne saurait se confondre avec un pouvoir hiérarchique mais
relève plutôt d'une logique de pilotage stratégique, chacun devant jouer
assurer ses responsabilités dans son domaine de compétence.
Dans cette relation, il convient en particulier d'être attentif à limiter
la multiplication des tutelles techniques partagées sur les organismes pour
assurer la cohérence de la position de l'Etat vis-à-vis de ces opérateurs
publics. Le ministère en charge de la recherche joue un rôle important de
coordination du pilotage et de consolidation des moyens attribués à chacun
d'entre eux au travers du BCRD afin de préserver cette autonomie des
établissements. Cet exercice conjoint repose sur plusieurs procédures
inscrites sur des pas de temps différents :
- la négociation annuelle sur le BCRD qui permet à chaque
établissement de formaliser un projet de budget pour l'année à
venir. Si on peut regretter que la présentation de cette demande
s'inscrive dans un cadre qui privilégie toujours la présentation de
mesures nouvelles pour conduire de nouvelles actions avec un
découplage trop important encore entre la politique scientifique et
la politique de moyens, le non respect par le ministère de
l'autonomie des établissements n'est sûrement pas la cause première
de cette situation comme semble l'indiquer le rapport de la Cour.
Avec un budget du ministère de la recherche constitué à 85 % par
les subventions aux établissements, il n'est pas possible que le
ministre en charge de la recherche puisse mieux exercer sa fonction
de pilotage et de coordination interministérielle dans son domaine
de compétence sans avoir la responsabilité directe de la négociation
budgétaire avec le ministère chargé du budget afin de faire
prévaloir ses orientations et ses arbitrages politiques.
- la procédure peut sensiblement être améliorée en passant d'un
budget par nature à un budget par destination faisant une plus
grande place aux projets scientifiques et à la traduction d'une
politique. Tel est l'objectif poursuivi avec la mise en place de la
LOLF ;
- la négociation quadriennale du contrat d'objectifs entre le ministère
et les établissements de recherche, cadre d'élaboration d'une
stratégie et de définition conjointe d'objectifs sur un pas de temps
plus conforme à l'activité de recherche. Sur ce point, la Cour note
les progrès réalisés avec la deuxième génération de ces contrats qui
a permis de mieux préciser les objectifs avec les indicateurs de suivi
associés. Un progrès supplémentaire est souhaité dans le sens d'une
plus forte intégration de la vision stratégique et financière, alors
que les contrats actuels ne sont pas le cadre de l'allocation des
moyens attribués par l'administration centrale aux établissements de
recherche contrairement à ce qui se fait pour les établissements
d'enseignement supérieur.
Cette évolution peut être envisagée, certains contrats comme ceux
de l'INRIA et du CEA ayant déjà été le cadre d'une attribution
pluriannuelle de moyens.
Cette approche pose la question du principe de l'annualité
budgétaire auquel l'Etat reste attaché pour pouvoir assurer en
fonction de la conjoncture économique, la gestion de son budget et
sur
lequel
sont
inscrites
directement
les
subventions
aux
établissements.
Concernant les groupements d'intérêt public (GIP) et les autres
structures fédératives, le rapport de la Cour pointe l'apparente contradiction
L
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"d'une
réponse
au
morcellement du
paysage
institutionnel
par
la
multiplication d'organismes nouveaux alors que c'est une responsabilité
première du ministère que de remédier à ses conséquences néfastes".
Le développement de ses différentes structures fédératives ne répond
pas en premier lieu à une volonté de limiter le "morcellement institutionnel"
mais est profondément lié au besoin de développer des partenariats entre
plusieurs équipes scientifiques d'appartenance institutionnelle différentes sur
des thématiques qui sont transversales aux organisations.
Cette approche thématisée de l'activité de recherche repose le plus
souvent sur l'interdisciplinarité et la mobilisation des compétences provenant
de plusieurs communautés de chercheurs. La dynamique interne de la
science
contemporaine
qui
voit
apparaître
ses
questions
les
plus
intéressantes aux frontières des disciplines s'accommode mal d'une
organisation qui, quelle que soit sa logique, tend à figer les frontières de la
pratique scientifique dans un cadre institutionnel pré établi. Le besoin de
dépassement de ces frontières est permanent et doit être interprété comme un
signe de vitalité de l'activité de recherche.
L'autre facteur à l'origine de ce développement tient à la place de plus
en plus importante que prennent les dispositifs expérimentaux mobilisant des
technologies
diverses
dans
l'activité
scientifique
qui
nécessite
une
mutualisation des moyens entre plusieurs institutions.
Cette mise en commun de compétences et de moyens ne peut se faire
que dans un cadre institutionnel permettant d'obtenir la visibilité nécessaire
à la reconnaissance scientifique et permettre une gestion partagée des
dispositifs expérimentaux.
Les solutions institutionnelles à la disposition des communautés
scientifiques sont peu nombreuses en dehors du GIP pour créer
temporairement une structure ayant la personnalité juridique et morale. La
mise au point d'un cadre juridique de partenariat permettant une mise en
commun de moyens entre des partenaires publiques et privés qui soit plus
facile à créer que le GIP, tout en présentant des garanties suffisantes en
matière de gestion, rester un sujet à traiter.
Cependant, quel que soit le statut juridique de la structure fédérative,
l'important est de s'assurer que sa durée d'existence, du fait de son caractère
nécessairement temporaire, ne dépasse pas la période de son utilité
scientifique avérée.
Sur ce point, le rapport de la Cour a raison d'insister sur l'importance
de l'évaluation à caractère stratégique pour pouvoir piloter ce type de projet.
Si la communauté scientifique a développé de longue date des procédures
d'évaluation pertinentes pour apprécier la qualité de la production
scientifique des chercheurs et des laboratoires, l'évaluation "stratégique" au
service de la conduite des politiques publiques tant au niveau de l'Etat que
des organisations de la recherche, reste encore trop peu développée en
dehors des travaux de qualité conduits par le CNER.
Les contrats d'objectifs des établissements de recherche et les contrats
quadriennaux des établissements d'enseignement supérieur sont un premier
cadre d'utilisation de ce type d'approche qui vise, dans le cadre d'une
stratégie partagée, à mieux quantifier les objectifs et à suivre leur degré de
réalisation grâce à des indicateurs associés.
Une étape supplémentaire dans l'utilisation de ce type d'évaluation
devrait être franchie avec le développement du contrôle de gestion et la
production de tableaux de bord de pilotage qui permettent d'intégrer le
retour d'expériences lié aux résultats des évaluations stratégiques.
mise en place de la LOLF avec l'obligation de produire annuellement
pour chaque programme un "rapport annuel de la performance" (RAP) et un
"plan annuel de la performance" (PAP) à destination du Parlement avec les
indicateurs de suivi associés, constitue une forte incitation à s'engager plus
avant dans ce type de démarche.
Les financements incitatifs
S'agissant des financements incitatifs gérés en propre par le ministère
de la recherche, le rapport de la Cour note que "la politique incitative du
ministère de la recherche se caractérise depuis vingt ans par une grande
instabilité. Plus encore la Cour a constaté que ces fonds incitatifs tendent à
constituer des moyens de gestion centralisé du ministère et se transforment
de facto en guichet supplémentaire pour les organismes publics".
S'il est exact que la politique incitative du ministère a connu des
fluctuations dans les vingt dernières années, comme le pointe à juste titre le
rapport, on peut néanmoins constater une certaine constance dans la
conduite de l'action au cours des cinq dernières années pour stabiliser ce
dispositif autour de deux fonds : le fonds national de la science (FNS) et le
fonds de la recherche et de la technologie (FRT). Cette tendance devrait se
confirmer dans les années à venir où la logique de financement sur projets à
partir de fonds incitatifs, quel qu'en soit par ailleurs le gestionnaire (la
Commission Européenne, les Etats et les opérateurs de recherche) va
prendre une place de plus en plus importante dans l'attribution des moyens à
la recherche.
A côté des subventions attribuées en base aux organismes et aux
laboratoires, ils constituent un mécanisme puissant pour orienter leurs
activités sur les priorités thématiques retenues par ces agences comme
expression de la politique scientifique qu'elles entendent promouvoir.
Le fait que ce rôle soit partagé entre le ministère et les établissements
n'est pas un obstacle au bon fonctionnement du système. Il contribue au
contraire à coordonner les efforts de tous sur quelques grandes priorités
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comme le confirme l'évolution du fonds national de la sciences (FNS) où la
plupart de ses actions concertées incitatives (ACI) regroupent aujourd'hui
ses moyens avec ceux des établissements de recherche intervenant dans les
mêmes domaines.
Ces financements sont évidemment destinés aux équipes qui
soumettent un projet pour obtenir un financement en complément des
dotations qu'elles obtiennent par ailleurs de leurs établissements de
rattachement. Cette diversification des sources de financement dans une
logique concurrentielle favorise la qualité au détriment de la reconduction
pour peu que le nombre de guichets reste maîtrisé par le laboratoire.
S'agissant de la gestion des ACI du FNS, le ministère n'ayant pas
vocation à constituer une administration parallèle à celle des établissements,
des mandats de gestion sont la plupart du temps passés avec les organismes
partenaires sur la base d'une convention précisant le partage des
responsabilités scientifiques et administratives ainsi que les restitutions
d'informations demandées afin de pouvoir, en particulier, procéder à
l'évaluation de ces actions au terme de leur durée.
Il importe en effet compte tenu du caractère incitatif de ces fonds,
d'assurer sur la base d'une évaluation partagée, un renouvellement de leur
programmation thématique pour traduire les évolutions dans les priorités
scientifiques arrêtées par le ministère. Toutes les actions du FNS au-delà
d'une durée maximale de quatre ans font ainsi l'objet d'une évaluation et
n'ont pas vocation à être reconduite dans ce cadre au-delà de cette période.
Les efforts doivent être poursuivis par le ministère pour améliorer le
processus d'évaluation afin de venir alimenter en retour la réflexion sur la
programmation des nouvelles actions de ces fonds qui doivent garder le
caractère incitatif qui est le leur.