La restauration des usagers du
service public scolaire ou à
caractère social en Alsace
_____________________
PRESENTATION
____________________
La restauration collective publique représente un volume de
quelque 10 milliards d’euros par an en France, ce qui constitue un enjeu
très important de gestion publique. Six millions d’enfants, soit un élève
sur deux, fréquentent la restauration scolaire.
Les chambres régionales des comptes d’Ile-de-France et de
Provence-Alpes-Côte d’Azur ont, dans le passé, formulé des observations
sur la délégation du service public de la restauration, dans le cadre du
rapport public annuel de la Cour des comptes
208
. Les plus significatives
sont relatives au recours abusif aux procédures de délégation pour
échapper au champ d’application du code des marchés publics, aux
investissements parfois disproportionnés prévus par le contrat de
délégation,
au
caractère
complexe
et
souvent
déséquilibré
des
conventions de délégation au préjudice de la collectivité publique
concédante, aux insuffisances du contrôle de cette dernière sur les
conditions d’exécution du contrat de délégation et à l’activité
extérieure
209
des délégataires susceptibles de générer à la fois un
préjudice au concédant et des distorsions de concurrence.
208) «
La gestion déléguée du service public communal de la restauration collective
en Ile-de-France
», rapport public 1998, pages 469 et ss. ; «
Le service public
communal de la restauration collective en Provence-Alpes-Côte d’Azur
», rapport
public 2004, pages 645 et ss.
209) Les clauses dites d’activité accessoire permettent au gestionnaire, à partir des
équipements réalisés pour la restauration collective, de vendre des repas à des tiers.
654
COUR DES COMPTES
La chambre régionale des comptes d’Alsace a examiné les modes
de restauration collective mis en oeuvre par 19 collectivités territoriales
ou organismes
210
au bénéfice de leurs usagers ; les données chiffrées ont
porté sur l’exercice 2002. A partir d’un canevas d’enquête unique, les
contrôles ont porté sur les aspects juridiques et les modalités de gestion
de ce service public local, le respect des normes sanitaires et la qualité
des repas ainsi que sur la dimension économique à partir d’une analyse
des coûts et des tarifs pratiqués, dans un secteur fortement réglementé
par les pouvoirs publics.
I
-
Les modalités de gestion du service
La restauration collective est un service public à vocation sociale et
à caractère facultatif. Pour lui donner corps, une collectivité peut utiliser
plusieurs solutions : gérer le service avec ses propres moyens
(« régie
directe »), conclure un marché de fourniture de repas – ce qui constitue
une variante de la régie directe - ou organiser une délégation de service
public.
Dans le cadre de l’enquête en Alsace, le mode de production et
d’approvisionnement en repas est relativement constant. Les repas sont le
plus souvent confectionnés par le prestataire, public ou privé (société de
restauration collective ou association), puis livrés à la collectivité ou
servis dans les locaux même du prestataire (dans le cas des partenaires
publics). Dans deux cas, la commune a mis ses équipements à disposition
du prestataire, qui pouvait produire les repas sur place. Quatre des
établissements publics locaux d’enseignement examinés ont opté pour
une restauration en régie directe et le cinquième a conclu un marché de
fourniture de repas. Dans tous ces cas, les moyens apportés par la
collectivité de rattachement sont déterminants et emportent le mode de
gestion adopté. Enfin, les deux maisons de retraite publiques prises en
compte ont toutes deux eu recours à des marchés de fourniture de repas.
210)
10
communes
(182 000
habitants),
5
établissements
publics
locaux
d’enseignement, 2 maisons de retraite publiques, 2 associations de gestion d’activités
périscolaires.
LA RESTAURATION COLLECTIVE EN ALSACE
655
A - Le recours aux marchés publics
Le fait, pour une collectivité publique, d’acheter des repas à une
autre personne morale de droit public ne la dispense pas du respect des
règles d’appel à la concurrence et de la conclusion d’un marché public
211
.
La chambre régionale des comptes a constaté que plusieurs communes
contrôlées s’adressaient à des établissements publics (hôpitaux, maisons
de retraite, lycées ou collèges) pour assurer la restauration dans les écoles
maternelles et primaires. Il ne semble pas établi, en droit, qu’il entre dans
la compétence de ces établissements, régis par le principe de spécialité
212
,
de fournir ce type de prestation, même si ces pratiques peuvent trouver
des justifications économiques.
Une commune faisait livrer les repas par une maison de retraite
publique, en dehors de tout cadre contractuel et sans avoir procédé à la
moindre mise en concurrence préalable. De surcroît, le prix acquitté par la
commune s’est avéré peu fondé, établi sur des bases non justifiées, de
type forfaitaire. Un tel schéma présente de multiples irrégularités et un
risque d'inadéquation entre le prix payé et le coût réel de la prestation
fournie.
La plupart des gestionnaires publics figurant dans l’enquête
régionale ont conclu, pour assurer leur approvisionnement, des marchés
d’achat de repas qui, sous l’empire des anciens codes des marchés
publics, étaient qualifiés de « marchés à bons de commande ». Ceux-ci
imposaient à l’acheteur public de définir un niveau minimum et un niveau
maximum de prestation, en valeur ou en volume. Compte tenu de la
nature du besoin, la plupart des marchés contrôlés ont défini des niveaux
de besoin exprimés en volume, c'est-à-dire en nombre de repas. Pourtant,
trois collectivités n’ont pas respecté ces contraintes : deux n’ont défini ni
minimum ni maximum, la troisième n’a prévu qu’un minimum sans
maximum. Dans ce dernier cas, le montant réel des commandes s’est
avéré inférieur au volume minimum fixé par le marché.
Le code des marchés publics de 2004
213
a maintenu la faculté de
conclure un marché dont le rythme ou l’étendue des besoins à satisfaire
ne peuvent être entièrement arrêtés dans le marché. Ce dernier doit en
fixer le minimum et le maximum en valeur ou en quantité (article 71-I).
Par dérogation à ce principe, le marché peut être conclu sans minimum ni
maximum lorsque le montant des besoins et le rythme auxquels les bons
211) V. CRC Bretagne, 23 mars 1998, rapport d’observations définitives,
Centre
hospitalier de Quimperlé (Finistère).
212) V. Conseil d’Etat, ass., avis du 7 juillet 1994 ; CAA Nantes, 29 mars 2000,
Centre hospitalier de Morlaix.
213) V. décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 portant code des marchés publics.
656
COUR DES COMPTES
de commande devront être émis ne peuvent être appréciés a priori
(article
71-II). Ces dérogations ne pouvant être valablement invoquées dans le
domaine de la restauration collective, le nombre de clients potentiels étant
aisé à apprécier, il est recommandé que les marchés conclus sur ce
fondement précisent systématiquement le niveau minimal et maximal du
besoin. En outre, le code des marchés publics de 2004 limite désormais la
durée de ces marchés à quatre années, sauf cas exceptionnel dûment
justifié.
Par ailleurs, le contrôle de l’exécution des marchés a mis en
évidence certaines insuffisances en termes de suivi.
−
La mise en oeuvre d’un marché de ce type suppose l’envoi au
prestataire de bons de commande établis par la personne publique ;
tel n’est pourtant pas le cas dans deux communes.
−
Un manque de rigueur conduit parfois la personne publique à
commander plus de repas que nécessaire, ou à honorer des factures
manquant manifestement de précision (certains repas facturés étant
supposés servis lors de jours fériés dans des cantines municipales).
Ces deux faits sont générateurs de surcoûts pour la collectivité alors
qu'ils paraissent faciles à corriger.
−
Les engagements pris par un prestataire sur les gammes des repas
livrés et sur leur grammage n’ont pas toujours fait l’objet d’un suivi
suffisant par les collectivités publiques. Or, le non respect de ces
engagements est susceptible de modifier l’équilibre économique du
contrat.
−
Les modalités de la révision du tarif dû au prestataire font partie
intégrante du contrat. Or, deux marchés conclus par des communes
ont retenu des modalités de révision intégralement fondées sur des
variations d’indices
214
, alors que le droit applicable prévoyait que la
formule de révision devait inclure une part fixe de 15 % au moins
pour atténuer l’effet des hausses d’indices variables. Toute formule
de révision doit par conséquent respecter ce principe, le taux
minimum de part fixe ayant cependant été réduit à 12,5 % en 2001
215
.
−
L’application des formules de révision doit également faire l’objet
d’une vérification de la part de la personne publique. Le cas d’une
erreur de calcul de révision fondée sur la prise en compte d’indices à
des niveaux erronés a ainsi été relevé : la commune n’avait pas
procédé aux vérifications utiles.
214) En l’espèce, les indices «
repas traditionnel dans un restaurant
» et «
repas
traditionnel dans un restaurant scolaire ou universitaire
» de l’INSEE.
215)
Cf.
décret n° 2001-738 du 23 août 2001.
LA RESTAURATION COLLECTIVE EN ALSACE
657
Enfin, il est rappelé la nécessité d’encadrer strictement les clauses
dites d’activité accessoire : la chambre régionale a ainsi relevé le cas
d’une commune ayant mis à disposition d'un prestataire privé une cuisine
collective pour l'exécution de son contrat. Celui-ci sert les repas aux
élèves des écoles de la commune et en livre d'autres à une association
interentreprises, sur le fondement d’une convention tripartite liant la
commune, le fournisseur et l’association. Cette convention stipule que
«
l’activité de restauration scolaire et périscolaire restera l'activité
prioritaire
»
. Or les repas livrés aux entreprises représentaient 71 % du
total produit en 1999-2000 et encore 52 % en 2002-2003.
La convention précitée pose, en outre, plusieurs difficultés. Elle
prévoit, d’abord, que le fournisseur versera à la commune une redevance
qui ne prend pas en compte les coûts fixes de fonctionnement de la
cuisine, notamment l’amortissement d’investissements lourds de mise en
conformité assumés par la collectivité. Cette situation, anormale,
provoque un transfert de charges du salarié des entreprises bénéficiaires
du dispositif vers l’usager du service public et le contribuable local. Elle
permet au concessionnaire de proposer un tarif « extérieur » de faible
montant, découplé du coût réel du service ; cet état de fait remet en
question les conditions de la libre concurrence. Cette convention ne fait
pas, en second lieu, l’objet d’un suivi rigoureux de la part de la commune.
Ainsi la révision annuelle du montant de la redevance au bénéfice de la
collectivité
n’est
jamais
intervenue,
en
dépit
des
dispositions
contractuelles liant les parties. De même, le produit de la redevance a fait
l’objet de versements tardifs à la commune, sans réaction de cette
dernière
.
B - Le recours aux associations
L’enquête a relevé le recours relativement fréquent à des
associations, régies par le droit local
216
, pour assurer la restauration
collective, ce qui semble être, à un tel degré d’intensité, une spécificité
alsacienne. Sur les dix communes contrôlées, quatre ont confié la gestion
du service à une association et deux ont choisi une organisation faisant
intervenir une association.
216) La loi du 1er juillet 1901 sur les associations n’est pas applicable en Alsace.
658
COUR DES COMPTES
Il est vrai que, dans nombre de cas, la prestation rendue par
l’association ne se limite pas à la fourniture et à la distribution des repas
et peut comprendre toute une gamme de services (transport, activités
occupationnelles, surveillance des enfants …). Certaines ont obtenu
l’habilitation en qualité de centre de loisirs sans hébergement
217
.
Cependant, dès lors qu’il est établi que la collectivité est à l’origine
de l’organisation du service ou a « repris la main », seuls une délégation
de service public ou un marché public
218
sont juridiquement possibles
219
.
Dans ces hypothèses, certaines règles et principes doivent être respectés,
notamment :
−
toutes les missions ne peuvent être par principe déléguées par la
collectivité. L’avis du Conseil d’Etat en date du 7 octobre 1986
concernant le fonctionnement des cantines municipales précise ainsi
que
« les communes ne peuvent confier à des personnes privées que
la fourniture ou la préparation des repas, à l’exclusion des missions
qui relèvent du service de l’enseignement public et notamment de la
surveillance des élèves » ;
−
le principe d’égal accès au service public, s’il n’interdit pas de
procéder à des discriminations tarifaires (v.
infra
), proscrit la pratique
selon laquelle seule une partie des usagers pourrait avoir accès au
service. Dans l’hypothèse où la gestion de la cantine a été déléguée à
une association, l’obligation d’adhérer à cette association et/ou
d’acquitter une cotisation pour accéder au service de restauration ne
peut être opposée aux familles sans rompre l’égal accès de tous les
usagers à ce service public ;
−
de plus, le prélèvement direct auprès des usagers d’une participation
financière, par une association, sans habilitation légale
220
et reddition
des comptes au comptable public de la collectivité, est irrégulier. Une
telle pratique peut être constitutive d’une gestion de fait des deniers
publics ;
−
enfin, dans le cas des délégations de service public, il est nécessaire
pour l’association gestionnaire d’assumer sur ses fonds propres une
partie du risque d’exploitation du service.
217) Sur le fondement de l’arrêté interministériel du 20 mars 1984 modifié.
218) Pouvant être conclu sur le fondement de l’article 30 du nouveau code.
219) V. réponse du ministre de l’Intérieur à M. J.-M. AUBRON, député, JO, 31 août
2004, page 6828.
220) Une convention de délégation de service public est susceptible de constituer une
telle habilitation.
LA RESTAURATION COLLECTIVE EN ALSACE
659
Par ailleurs, dans les cas où la prestation de l’association se limite
à l’achat de repas ou de denrées destinées à leur confection pour le
compte de la collectivité publique, la collectivité s’expose,
dans ce
domaine
hautement
concurrentiel,
à
des
risques
juridiques
et
économiques. En effet, dans la plupart des cas examinés par la juridiction,
les relations nouées entre la collectivité publique responsable et
l’association sont régies par une simple convention conclue de gré à gré.
Dans cette hypothèse, la solution la plus adaptée pour permettre la pleine
application du principe de libre concurrence demeure le marché public.
Lorsque l’association n’est qu’un intermédiaire qui achète les repas pour
les revendre, qu'elle fonctionne au bénéfice d’une seule commune avec
les moyens humains et matériels mis à disposition par celle-ci, l’intérêt
économique de son intervention n'apparaît pas nettement. Outre le risque
juridique précédemment évoqué, cette situation est porteuse pour la
commune d’un risque de surcoût (le coût de l’intermédiation n’est pas
forcément négligeable) et d’un décalage entre le coût réel de la prestation
et celui couvert conjointement par les familles et la collectivité.
II
-
Le respect des normes sanitaires
et la qualité des repas
Les conditions d’hygiène applicables dans les établissements de
restauration collective à caractère social sont définies par l’arrêté du
ministre de l’agriculture du 29 septembre 1997. Ce texte précise que tout
établissement de restauration collective doit être déclaré au représentant
de l’Etat dans le département (direction des services vétérinaires) par son
responsable et que ce responsable doit, d’une part, procéder à des
autocontrôles réguliers
221
et peut, d’autre part, se référer à un guide de
bonnes pratiques hygiéniques publié au journal officiel.
Cet arrêté n’est pas toujours rappelé par les documents contractuels
établis par les communes contrôlées, alors que tel devrait être le cas : une
convention a ainsi cité l’arrêté du 26 juin 1974, pourtant abrogé et
remplacé par l’arrêté de 1997 beaucoup plus complet.
Certaines dispositions de l’arrêté de 1997 ne sont pas respectées :
des manquements à l’obligation de déclaration de l’établissement et
l’absence d’autocontrôle ont été observés, alors qu’une commune avait
choisi de décentraliser les lieux de restauration, ce mouvement
multipliant les démarches à effectuer pour se conformer aux règles et,
logiquement, le risque de non respect de celles-ci.
221) Ces contrôles portent notamment sur la conformité des installations et du
fonctionnement aux dispositions de l’arrêté du 29 septembre 1997, et sur la
conformité des denrées aux critères microbiologiques réglementaires.
660
COUR DES COMPTES
Lorsqu’une convention est conclue entre une commune et un
prestataire, association ou établissement public local d’enseignement,
l’arrêté précité du 29 septembre 1997 demeure applicable : le fait de
confier la gestion d’une cantine scolaire ou de demander la livraison de
repas à un tiers ne supprime pas l’obligation faite au responsable du
service public de vérifier la conformité des installations et de leur
fonctionnement à la réglementation. Est, par exemple, fautive la
commune qui s’est abstenue de vérifier que l’établissement public
d’enseignement auquel elle avait demandé de fournir des repas était
titulaire de l’agrément « cuisine collective », imposé par l’arrêté de 1997 ;
en l’espèce, l’établissement n’en disposait pas.
De même, plusieurs prestataires n’ont pas satisfait aux conditions
prévues par l’arrêté de 1997 et rappelées dans le marché conclu avec eux,
sans que les personnes publiques ne puissent redresser la situation : deux
communes ont saisi le prestataire de la violation de ses engagements
contractuels sans résultat, tandis qu’une troisième, qui ne recevait aucune
information qualitative de son prestataire, n’a pas réagi, alors même que
les faits lui auraient permis d’appliquer une réfaction significative sur les
montants facturés. Un autre prestataire s’est abstenu de réunir la
commission des menus prévue dans son offre, alors que les critères de
qualité et de diversité des menus avaient été à l’origine de sa sélection par
la personne publique ; celle-ci n’est pourtant pas intervenue pour
provoquer la réunion de ladite commission.
Le recours à une association de gestion de la restauration
collective, intermédiaire entre la commune et un prestataire extérieur, est
un facteur de risque et de dilution des responsabilités. C’est ainsi qu’une
convention conclue par une association et son prestataire ne prévoyait
aucune modalité de contrôle de la qualité des repas.
En matière d’hygiène et de nutrition, les lycées et les collèges
doivent se conformer à la circulaire ministérielle du 25 juin 2001 relative
à la composition des repas servis en restauration scolaire et à la sécurité
des aliments. Il ressort des investigations menées que plusieurs
procédures visant à garantir la qualité des repas sont généralement mises
en oeuvre : tous les établissements visités ont ainsi fait l’objet de contrôles
ponctuels des services vétérinaires, la plupart réalisant par ailleurs des
autocontrôles
(analyses
microbiologiques,
bactériologiques
ou
hygiénologiques), procédant à des consultations périodiques auprès des
usagers et réunissant une commission des menus. Il a, cependant, été
constaté que les commissions des menus ne se réunissent plus dans deux
lycées.
LA RESTAURATION COLLECTIVE EN ALSACE
661
III
-
Les aspects économiques et financiers
A - Les coûts de revient
1 -
L’identification des coûts de revient
La chambre régionale des comptes s’est employée à établir et à
comparer les coûts de revient du service de la restauration collective des
organismes qu’elle a contrôlés. Cet exercice de comparaison s’est avéré
particulièrement difficile.
S’agissant des EPLE, le coût de revient complet du service n’est
jamais établi. En effet, les gestionnaires des lycées et collèges doivent en
la matière appliquer le décret n° 2000-672 du 19 juillet 2000
222
qui les
invite, pour fixer les tarifs des repas, à calculer le coût du fonctionnement
du service. La différence est significative, puisque le coût de
fonctionnement
exclut
les
dépenses
d’investissement
et
leur
amortissement ; il comprend les dépenses d’achat de denrées ou de repas
et les charges liées à la préparation, au service et au nettoyage,
« à
l’exclusion des charges de personnel payées ou prises en charge par
l’Etat »
(
cf.
article 2, décret et circulaire d’application du 31 décembre
2001). Ainsi, les personnels de direction et de gestion étant entièrement
financés sur crédits d’Etat, leur coût n’est pas intégré dans le coût de
fonctionnement. En revanche, les agents recrutés directement par
l’établissement (contrat emploi solidarité, par exemple) génèrent un coût
qui sera partie intégrante de la notion de coût de fonctionnement. Enfin,
l’essentiel des personnels d’internat et de demi-pension, du cuisinier aux
surveillants, est pris en charge par l’Etat
223
, mais une partie de son coût
est comprise dans le coût de fonctionnement par l’intermédiaire de la
cotisation de l’établissement au fonds académique pour la rémunération
des personnels d’internat (FARPI).
Le coût de fonctionnement est déterminé par addition : les lycées
et collèges contrôlés ont ainsi pu fournir les éléments nécessaires au
calcul du coût de fonctionnement
224
, mais n’ont pas été en mesure de le
faire pour le coût complet par repas.
222) Décret relatif au prix de la restauration scolaire pour les élèves de
l’enseignement public.
223) Depuis le 1er janvier 2005, les régions et les départements assurent la
restauration dans les établissements dont ils ont la charge (loi n°2004-809 du 13 août
2004 modifiant le Code de l’Education).
224) Ces éléments étaient disponibles puisqu’ils font l’objet de mandatements locaux.
662
COUR DES COMPTES
S’agissant des communes, auxquelles le décret précité du 19 juillet
2000 est également applicable, le coût de fonctionnement s’approche
davantage du coût de revient total, sans pour autant se confondre avec lui.
En effet, dans les écoles primaires et maternelles, le coût de
fonctionnement correspond à l’ensemble des dépenses engagées par la
collectivité locale, à l’exception des investissements et des charges des
personnels éventuellement chargés de l’animation du temps de midi. Si
aucune
animation
n’est
prévue,
l’ensemble
des
dépenses
de
fonctionnement de la cantine (hors amortissements) forme donc le coût de
fonctionnement, y compris les frais de personnels de service communaux.
Hors hypothèse d’animations, la commune doit être en mesure d’établir le
coût total par repas (hors amortissement et investissements).
Cependant, comme précédemment indiqué, une majorité de
communes contrôlées dans le cadre de l’enquête régionale a recours,
selon des modalités diversifiées, à des associations pour la gestion de la
restauration scolaire. Or, certaines d’entre elles organisent des activités
périscolaires d’animation dont le coût unitaire, faute de comptabilité
analytique, ne peut être établi de façon précise.
Il n’a donc pas été possible à la chambre régionale de reconstituer
des coûts de revient de la restauration collective établis sur des bases
homogènes ; les comparaisons s’en trouvent biaisées, sauf à l’intérieur
d’une même catégorie de collectivités. Aussi, il est recommandé aux
gestionnaires publics de mettre en place une comptabilité analytique des
coûts, leur permettant de raisonner en termes de coûts complets et de
coûts de fonctionnement, de déterminer les tarifs en fonction des
exigences posées par la réglementation (voir
infra
), de faire apparaître la
charge nette du service supportée par le budget de la collectivité.
2 -
La mesure des coûts de revient
Les coûts de fonctionnement des lycées et collèges contrôlés se
révèlent très concentrés et s’établissent à un niveau qui peut être qualifié
de modéré au regard des coûts observés dans les cantines municipales.
Ces coûts de fonctionnement sont, en effet, compris entre 3 et 3,83 € par
repas. La principale cause de cette concentration pourrait être la
similitude des modes de gestion de la restauration, puisque 4 EPLE sur 5
produisent leurs repas en régie. Cependant, l’établissement approvisionné
par un fournisseur privé ne s’écarte pas de la fourchette évoquée, avec un
coût de fonctionnement de 3,75 € par repas.
LA RESTAURATION COLLECTIVE EN ALSACE
663
En revanche, la structure de ce coût dépend très directement du
mode de gestion. Dans les quatre cas de régie directe, les éléments
nécessaires à la production du repas, c’est-à-dire les denrées « brutes »,
représentent de 1,94 à 2,23 € par repas, soit 56 à 64 % des coûts de
fonctionnement
constatés.
Dans
le
cinquième
établissement,
l’approvisionnement par un prestataire privé conduit le coût d’achat du
repas, c’est-à-dire les denrées « transformées », à s’établir à 3,04 €, soit
83 % du total.
Les cantines municipales de l’échantillon présentent des coûts de
revient par repas très hétérogènes, allant de 5,39 € à 10,99 €. Les causes
de ces écarts importants sont multiples et se combinent. Peuvent être cités
les différences dans les volumes de repas servis, les prestations diverses
fournies (repas froids ou chauds), l’existence de coûts de transport (les
élèves sont transportés jusqu’au lieu de restauration), ou encore le nombre
des personnels d’encadrement. Elément central de cet ensemble, les prix
des repas livrés par les prestataires privés ne sont pas davantage
homogènes, répartis entre 1,99 € et 4,24 € et représentant 33 à 50 % du
coût total.
La situation spécifique d’une association gérant une cantine pour
les enfants des écoles maternelles doit être citée. Offrant, en sus de la
restauration,
des
prestations
d’animation
et
de
surveillance
particulièrement importantes, elle présente un coût de revient du repas qui
comprend, en réalité, une prestation d’accueil située au plus haut de la
fourchette citée, soit 19,21 € par élève.
Une deuxième association organise, parallèlement à la restauration,
des activités périscolaires pour les enfants de la commune. L’excédent
d’exploitation généré par la restauration permet alors de financer ces
tierces activités, sans que la distinction dans le financement des deux
activités soit clairement définie.
Doit, enfin, être évoquée l’existence de gratuités (repas distribués
gratuitement à certains personnels municipaux), observée ponctuellement.
Cette pratique tend à accroître les coûts de revient des repas facturés et
induit un besoin de financement, couvert soit par les familles, soit par la
commune.
Les maisons de retraite contrôlées dans le cadre de l’enquête
achètent les repas à des prestataires privés avec des tarifs complexes,
dépendant des types de repas livrés, évoluant autour de 2,5 €, mais
n’évaluent pas leurs coûts internes de distribution des repas, ce qui ne
permet pas de reconstituer de façon précise le coût de revient total du
repas.
664
COUR DES COMPTES
B -
La politique tarifaire
1 -
Les règles applicables dans la détermination des tarifs
La chambre régionale des comptes a constaté que les procédures
mises en oeuvre pour définir les tarifs de la restauration collective ne se
conformaient pas toujours à la réglementation.
Les tarifs des restaurants des collèges et lycées doivent
impérativement
être
fixés
par
le
conseil
d’administration
de
l’établissement
225
. Pour les cantines municipales (écoles primaires et
maternelles),
les
tarifs
doivent
être
déterminés
par
l’assemblée
délibérante, ce qui n’est pas toujours le cas.
Cette compétence s’exerce dans le cadre d’une réglementation
précise :
−
d’une part, la variation annuelle du prix moyen des repas servis au
sein d’un service de restauration est limitée à un taux fixé par arrêté
du ministre de l’économie et des finances
226
. Ce taux limite a été
arrêté à 2 % pour 2001 et 2,3 % pour l’année 2002. Dans certaines
hypothèses exceptionnelles
227
, une évolution supérieure à ce taux peut
être appliquée ; le taux de variation est alors autorisé par le préfet à la
demande du maire ou du représentant de l’EPLE.
−
d’autre part, les tarifs les plus élevés ne peuvent être supérieurs au
coût de revient par usager de la prestation concernée. Cette
disposition prévue par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte
contre les exclusions
228
limite le tarif moyen payé par les usagers et la
modulation entre tarifs appliqués dans un même restaurant. Plus
précisément, selon les dispositions du décret précité du 19 juillet
2000, le tarif le plus élevé ne peut être supérieur au coût de
fonctionnement
du
service,
notion
distincte,
comme
indiqué
précédemment, du coût de revient total du repas. S’agissant de la
restauration scolaire, si des animations sont offertes, la commune doit
individualiser leur coût et le retrancher du coût total par repas et c’est
ce niveau que le tarif le plus élevé ne peut dépasser.
225)
Cf. a
rticle 4 du décret n° 85-934 du 4 septembre 1985 modifié par le décret
n° 2000-992 du 13 octobre 2000.
226)
Pris sur le fondement de l’article 1 du décret n° 2000-672 du 19 juillet 2000
relatif aux prix de la restauration scolaire pour les élèves de l’enseignement public.
227)
Si le prix moyen payé par l’usager est inférieur à 50 % du coût de
fonctionnement du service.
228) V. loi d’orientation n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les
exclusions.
LA RESTAURATION COLLECTIVE EN ALSACE
665
Pour ce qui est du respect de la réglementation des tarifs, deux
lycées contrôlés par la chambre régionale des comptes présentaient des
tarifs supérieurs à leur coût de fonctionnement, situation qui n’a été
relevée dans aucune cantine municipale.
2 -
La modulation des tarifs
Pour la restauration collective comme pour les autres services de
ce type, les tarifs peuvent être fixés en fonction du niveau du revenu des
usagers et du nombre de personnes vivant au foyer
229
. Cette faculté est
toutefois limitée puisque, quelle que soit la modulation prévue, aucun
tarif ne peut dépasser le coût de fonctionnement du service (v. supra).
Les critères qui permettent d’organiser la modulation des tarifs
sont définis par la loi, mais également par la jurisprudence administrative
qui reconnaît aux personnes publiques la faculté de réserver un traitement
différent aux personnes se trouvant dans des situations différentes. C’est
donc sans violer le principe d’égalité qu’une commune peut prévoir des
tarifs dépendant de la domiciliation des familles dans la commune ; elle
ne peut cependant, interdire aux non résidents l’accès au service public.
Le décret précité du 19 juillet 2000 a étendu les possibilités de
modulation, notamment au profit des EPLE. Le plafonnement de
l’évolution annuelle des tarifs, décrite précédemment, concerne en effet le
tarif moyen appliqué aux élèves. Mais des tarifs multiples peuvent,
chacun, évoluer selon un rythme supérieur à cette limite, si leur évolution
moyenne respecte cette même limite.
En Alsace, les communes examinées ont largement recouru à la
modulation des tarifs. Les critères de modulation retenus, définis par les
conseils municipaux, ne sont cependant pas homogènes : dans 2 cas, le
critère de détermination du tarif est le revenu de la famille, dans 5 cas le
niveau du quotient familial, dans 1 cas la combinaison du niveau de
revenu et la domiciliation dans la commune et dans 2 cas la seule
domiciliation dans la commune.
Lorsque la modulation est organisée, son amplitude est très
variable. Ainsi l’écart entre le tarif le plus bas et le tarif le plus haut va-t-
il, selon les collectivités, de 1 à 1,25 dans le cas de modulation la plus
faible et de 1 à 1,80 dans l’hypothèse de modulation la plus forte.
229)
Cf
. article 147 de la loi d’orientation du 29 juillet 1998, précédemment citée.
666
COUR DES COMPTES
En dépit de la faculté qui leur est offerte, aucun des cinq EPLE
contrôlés n’a opté pour la modulation des tarifs. Dans tous les cas, des
tarifs différents existent, mais ils dépendent du choix de l’élève (forfait 4
jours, forfait 5 jours ou achat au ticket) et non de sa situation personnelle
(et celle de sa famille). Il est vrai que les établissements prennent
néanmoins en considération la situation des élèves, de manière limitée et
par exception, par le biais de fonds social pour les cantines. Les critères
d’attribution
des
aides
sont
alors
déterminés
par
le
conseil
d’administration. Globalement, les aides ne concernent qu’une faible
proportion d’individus.
3 -
Les tarifs pratiqués
Les tarifs moyens facturés aux usagers (ou à leurs familles) ont été
vérifiés par la chambre régionale. S’agissant des cantines municipales,
ces tarifs sont extrêmement divers, sans qu’un lien existe avec la pratique
de la modulation : ils vont de 1,89 € à 6,86 €, avec une concentration de
tarifs entre 2,80 € et 4,20 € ; ces écarts s’expliquent par le niveau du coût
de production du repas et par le niveau d’intervention budgétaire de la
collectivité
publique
gestionnaire
(cas
des
cantines
scolaires
municipales).
En revanche, dans les EPLE contrôlés, les tarifs moyens facturés
aux élèves sont très voisins, tous s’inscrivant aux alentours de 3 €. La
forte
homogénéité
des
modes
de
production
et
l’encadrement
réglementaire du calcul des tarifs expliquent cet état de fait.
C - La gestion des impayés
La plupart des gestionnaires de cantines sont confrontés à des
phénomènes d’impayés de la part des familles.
La chambre régionale des comptes a constaté, à l’instar des
statistiques nationales, une tendance à l’augmentation du volume des
impayés au cours des dernières années. Certaines collectivités examinées
sont ainsi confrontées à des taux proches de 25 %. Au demeurant, les
différences constatées entre les organismes vérifiés sont très importantes
et ne sont pas systématiquement corrélées au lieu d’implantation du
service : la juridiction a relevé des ratios d’impayés plus faibles dans des
cantines situées dans des quartiers défavorisés que dans certaines autres,
implantées dans des zones plus aisées. La qualité de la gestion et du suivi
du recouvrement des contributions des familles apparaît donc comme un
facteur essentiel.
LA RESTAURATION COLLECTIVE EN ALSACE
667
Des techniques existent qui ont fait leur preuve en la matière,
notamment
le
prépaiement
lequel
peut
prendre
plusieurs
formes (prélèvement automatique, achats de tickets à l’avance …) ou
encore les systèmes monétiques, adoptées dans les collectivités
importantes, qui peuvent intégrer le paiement d’autres prestations.
Le suivi des factures doit être, dans toute la mesure du possible,
mensualisé et, s’agissant des familles en difficulté ou à faibles revenus, il
appartient à l’assemblée délibérante d’adapter les tarifs - ce que le juge
administratif admet - et au gestionnaire de se rapprocher des services
sociaux pour la mise en place d’un suivi individualisé permettant de
rechercher des solutions mobilisant les dispositifs financiers existants en
la matière.
D - L’équilibre du service et la charge budgétaire pour
les collectivités publiques
L’écart constaté entre les tarifs pratiqués et le coût de revient
global (même réduit à la notion du coût de fonctionnement du service)
peut conduire les collectivités publiques responsables à supporter sur leur
budget propre l’équilibre financier du service. La situation se présente,
cependant, dans des termes très différents pour les communes et les
établissements publics locaux d’enseignement.
1 -
Les communes
En choisissant un niveau d’offre de service, un mode de gestion de
la cantine et en définissant une clé de répartition du coût total entre les
familles et elle-même, une municipalité influe largement sur le tarif qui
sera appliqué aux familles.
Dans l’enquête régionale, la part mise à la charge des famille dans
les cantines municipales varie pour l’essentiel entre 41,5 et 58,4 % du
coût de revient total. Seul un cas se situe en dehors de cette fourchette, la
restauration confiée à une association donnant lieu à un coût supporté à
70 % par les familles.
Les tarifs appliqués aux élèves se situent, dans tous les cas sauf un,
au dessus des prix de repas facturés par les fournisseurs (le taux de
couverture de ce prix par le tarif moyen acquitté par l’usager allant de
92 % à 200 %, avec une concentration de résultats entre 100 et 150 %).
Cet écart peut être considéré comme une contribution - souvent modeste -
aux autres frais supportés par le gestionnaire (surveillance, fluides,
locaux, transport, etc…).
668
COUR DES COMPTES
Le partage n’est pas figé et peut, au contraire, évoluer rapidement.
Une
diminution
annuelle
du
volume
de
clientèle
réduit
ainsi
mécaniquement la part financée par les familles et entraîne un
accroissement de la subvention d’équilibre versée par certaines
communes, donc de la part de la dépense à la charge de la personne
publique. En moyenne, la chambre régionale a constaté une augmentation
tendancielle de la charge budgétaire nette du service de la restauration
scolaire pour les communes.
Enfin, dans la plupart des communes contrôlées, il est apparu que
l’assemblée délibérante n’avait pas connaissance de la charge nette
supportée par le budget de la collectivité au titre de la restauration
scolaire. Dans nombre d’hypothèses, c’est l’intervention de la juridiction
financière qui a permis de la déterminer avec précision, ce qui n’est pas
satisfaisant.
2 -
Les établissements publics locaux d’enseignement
La situation des lycées et des collèges est assez différente de celle
des communes. En effet, s’agissant de l’établissement du tarif dans les
EPLE, les textes prévoient que les dépenses de fonctionnement du service
annexe d’hébergement, gestionnaire de la demi-pension, sont entièrement
supportées par les familles et l’Etat. En particulier, les dépenses de
personnel sont partagées selon une clé de répartition invariable
230
.
Le décret du 4 septembre 1985 prévoit que le tarif facturé couvre
une part des charges communes de l’établissement liées à la préparation
des repas ; cette contribution
« tient compte des orientations données par
la collectivité de rattachement »
et doit être fixée dans des limites qui
vont de 10 % à 25 % du tarif de demi-pension. En Alsace, faute
d’orientation donnée, les lycées ont fixé cette participation à des taux
allant de 10 à 17,25 %. Cette participation devrait s’appliquer au coût réel
des charges de fonctionnement (fluides notamment), mais l’absence de
décompte précis, faute de compteurs séparés, conduit à considérer cette
participation comme forfaitaire, contrairement à ce que prévoit la
réglementation.
La chambre régionale des comptes a relevé des pratiques
231
, soit
qui s’écartent de ce cadre juridique, soit qui révèlent son inadaptation et
qui faussent la répartition du financement du service entre les familles et
les autres contributeurs. C’est ainsi que le service annexe hébergement
230)
L’arrêté du 3 août 2001 prévoit que les charges du FARPI sont assumées par les
familles à hauteur de 22,5 % du tarif du repas.
231)
Soit dans le cadre de l’enquête régionale, soit au titre de contrôles antérieurs sur
des EPLE.
LA RESTAURATION COLLECTIVE EN ALSACE
669
apparaît souvent comme étant structurellement excédentaire
232
, ce qui
pose la question de l’utilisation des réserves ainsi accumulées. En droit,
ces excédents ne peuvent être employés que pour contribuer à
l’amélioration du service rendu aux usagers (baisse ou modulation des
tarifs, abondement du crédit « nourriture ») et non pour supporter des
dépenses étrangères au service de la restauration, ni pour financer des
dépenses d’investissement ou d’équipement, fussent-elles destinées à ce
service. De telles pratiques, parfois constatées par la juridiction
financière, ne sont pas régulières : l’investissement est, en effet, de la
compétence exclusive de la collectivité de rattachement, les familles ne
devant assumer plus que ce que prévoit le droit en vigueur.
La
Cour
considère,
cependant,
qu’une
évolution
de
la
réglementation pourrait utilement être envisagée, afin de donner une
marge de souplesse supplémentaire au sein d’un dispositif d’ensemble
fortement administré.
En sens inverse, le seul lycée faisant produire et livrer des repas
par un fournisseur privé doit être relevé. Dans ce cas précis, le coût de
fonctionnement a été grevé par le coût d’achat des repas, qui s’est révélé
comparativement élevé. Parallèlement, les tarifs appliqués aux élèves,
voisins de ceux pratiqués dans les autres EPLE, n’ont pu être ajustés en
raison de l’encadrement réglementaire des prix évoqué ci-dessus. Il en est
résulté un déficit d’exploitation, couvert sur décision de la collectivité de
rattachement par des subventions versées à partir du fonds commun des
services d’hébergement (FCSH)
233
. Ces versements, assimilés dans les
faits à une subvention d’équilibre, sont intervenus chaque trimestre
pendant plus de deux années.
Or, le décret du 4 septembre 1985 dispose que les fonds du FCSH
sont
« destinés à couvrir un déficit accidentel du service (…) ainsi que, le
cas échéant, toute dépense nécessaire à la continuité du service, à
laquelle l’établissement ne serait pas en mesure de faire face ».
Son
utilisation ne pouvant être que ponctuelle, le recours au FCSH dans ce cas
ne répond par conséquent ni à la lettre du texte ni à son esprit. En
l’occurrence, la collectivité ne pouvait davantage intervenir directement
pour subventionner le fonctionnement du service car, selon les termes de
l’article 2 du décret de 1985 modifié, les familles et l’Etat assument
l’intégralité des charges nées de ce service.
232)
Notamment lorsque l’établissement accueille des commensaux extérieurs.
233) Alimenté par une cotisation de 1,25 % en Alsace, prélevée sur les tarifs des repas
de tous les établissements de la région.
670
COUR DES COMPTES
Enfin, les établissements locaux d’enseignement contrôlés par la
chambre régionale des comptes consentent généralement des tarifs de
repas réduits à une part de leur personnel. Cette pratique s’appliquait
traditionnellement aux personnes, qui, par leurs fonctions, étaient
obligatoirement admis à la table commune et devaient prendre leur repas
sur place (il s’agissait essentiellement des personnels de service). Or, le
décret n° 2000-992 du 6 octobre 2000 a abrogé les dispositions de
l’article 5 du décret n° 85-934 du 4 septembre 1985 qui prévoyaient un
tarif réduit pour les commensaux de droit. Les établissements qui
proposent un tarif réduit (inférieur à celui appliqué aux élèves) à ces
personnes agissent donc sans base légale. Le décalage entre ce tarif réduit
et les tarifs « normaux » destinés aux élèves conduit indirectement les
familles à assumer une part du coût des repas.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La restauration collective connaît un essor du fait notamment de
l’évolution de la société et du développement du travail des femmes,
facteurs qui ont contribué à généraliser le recours à la « cantine ». La
politique active conduite au niveau local par les collectivités publiques en
ce domaine vise à offrir au plus grand nombre, chaque jour ouvrable, un
repas de qualité à un prix abordable dans une structure d’accueil
confortable. Les textes maintiennent l’intervention de l’Etat, notamment
pour des raisons sociales liées à la tarification et pour assurer la sécurité
alimentaire.
Cette politique engage les élus et les gestionnaires pour de
nombreuses années, eu égard aux crédits de fonctionnement et
d’investissement qu’elle mobilise, d’où l’importance du choix du mode de
gestion. Au moment de prendre des décisions essentielles de tous ordres,
il importe que les responsables disposent des éléments utiles. A ce titre, la
Cour émet trois recommandations.
- Réaliser une étude préalable à l’opération de création ou de
rénovation d’un restaurant qui prenne en compte un certain nombre de
critères tels que l’ancienneté des locaux et du matériel installé, la
conformité aux normes d’hygiène et de sécurité, le rapport entre la
capacité d’accueil et le niveau de fréquentation, ainsi que la qualité des
repas.
- Prendre régulièrement, au fil du temps, les décisions visant à
améliorer le dispositif dévolu à la restauration collective.
- Mettre en place des techniques d’autocontrôle inspirées des
démarches d’assurance-qualité.
LA RESTAURATION COLLECTIVE EN ALSACE
671
RÉPONSE DU MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DE L’INTÉRIEUR ET DE
L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
L’insertion au rapport public annuel de la Cour des comptes sur « la
restauration des usagers du service public scolaire ou à caractère social en
Alsace » ’appelle de ma part les observations suivantes.
Au point III- D- « L’équilibre du service et la charge budgétaire pour
les collectivités publiques », la Cour considère qu’une évolution de la
réglementation pourrait utilement être envisagée afin de donner une marge
de souplesse supplémentaire au sein d’un dispositif d’ensemble fortement
administré.
A cet égard, l’article 82 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004
relative aux libertés et responsabilités locales, qui confie aux régions et
départements la restauration dans les établissements scolaires dont ils ont la
charge, institue de nouveaux critères pour calculer les tarifs de restauration
scolaire ainsi que leur évolution, fixés en fonction du coût, du mode de
production des repas et des prestations servies. Les modalités d’application
sont renvoyées à un décret qui est en cours d’élaboration.
Ce projet vise à mettre un terme à l’encadrement des tarifs de la
restauration scolaire, tel qu’il résulte actuellement du décret n° 2000-672 du
19 juillet 2000 relatif aux prix de la restauration scolaire pour les élèves de
l’enseignement
public,
et
permettra
à
l’ensemble
des
collectivités
territoriales en charge de ce service, y compris les communes pour les
écoles, d’en fixer les tarifs sous leur responsabilité, en tenant compte des
dépenses d’investissement et de fonctionnement et des besoins exprimés par
les usagers.
672
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DÉLÉGUÉ AU BUDGET ET A LA RÉFORME
DE L’ETAT
Cette insertion contient un diagnostic exhaustif sur les différents
aspects juridiques et les modalités de gestion de la restauration des usagers
du service public scolaire en Alsace ainsi que sur sa dimension économique
notamment le mode de fixation du prix de revient et des tarifs. La Cour
recommande une « évolution de la réglementation afin de donner davantage
de souplesse au sein d’un dispositif d’ensemble fortement administré ».
Cette préconisation trouve une concrétisation dans l’évolution récente
des dispositifs législatifs et réglementaires. En effet, la loi n° 20004-809 du
13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales dispose que les
régions et les départements assurent la restauration scolaire dont les
conditions de fixation des tarifs seront précisées par un décret actuellement
en préparation.
Ce projet de décret vise d’une part à transférer aux collectivités
locales la fixation des tarifs et ainsi permettre une responsabilisation accrue
des collectivités compétentes et d’autre part à simplifier la gestion du service
de restauration par une simplification du système actuellement mis en place.