L’accueil des immigrants
et l’intégration des populations
issues de l’immigration
Le rapport public particulier sur l’accueil des immigrants et
l’intégration des populations issues de l’immigration a été publié en
novembre
2004.
Un
premier
examen
des
suites
données
aux
recommandations de la Cour, au regard des initiatives prises, a été réalisé
dans l’année suivant cette parution.
Les politiques majeures menées depuis un an en matière d’accueil
des immigrants et d’intégration des populations issues de l’immigration,
sont d’ampleur inégale : plusieurs ont été engagées, parfois fortement (I).
Le bilan sectoriel demeure toutefois encore contrasté (II).
Telle qu’elle est engagée, la réforme des structures, qu’elles aient
eu leur part dans la conception et la préparation de ces politiques ou
qu’elles aient été mises en place pour les appliquer, ne contribue pas à la
simplification du cadre institutionnel et administratif de l’action de l’Etat
(III).
I
-
Les nouvelles politiques de l’immigration
et de l’intégration
Les politiques menées peuvent être regroupées sous les trois
rubriques des conditions d’accès et de séjour, de l’accueil des immigrants
et de l’intégration des populations déjà installées en France :
1.
L’attention continue portée depuis cinquante ans aux conditions
d’accès et de séjour reste prédominante. La politique nationale
d’accès et de séjour met avant tout l’accent sur la lutte contre
l’immigration irrégulière ainsi que sur la lutte contre le
détournement des procédures. La lutte contre le travail illégal fait
l’objet d’un programme parallèle.
20
COUR DES COMPTES
2.
Le deuxième axe concerne le service public de l’accueil des
immigrants, conforté par la généralisation du contrat d’accueil et
d’intégration (CAI). Un certain nombre de questions se posent
encore sur l’arrivée des migrants, d’autant que plusieurs débats
importants sont ouverts, notamment sur l’existence ou non d’un
besoin pour la France d’élargir l’immigration de travail et sur
l’opportunité, de ce fait, d’avoir recours à des dispositifs pour
adapter l’immigration aux besoins.
3.
Le troisième axe est celui de l’intégration, abordé par la priorité
attribuée à la lutte contre les discriminations et complété par la
promotion de l’égalité des chances. Cette politique, d’une part, tend
à ne pas différencier les immigrants et les personnes issues de
l’immigration et, d’autre part, privilégie les dispositifs de droit
commun. Faute que soient identifiées les populations appelant des
mesures spécifiques et qu’ainsi puissent être dégagés des moyens
particuliers pour les aider, la question de l’intégration n’est pas
réellement traitée pour les populations déjà installées. Si l’égalité
des chances est proclamée au niveau des principes, les moyens mis
en oeuvre ne sont pas actuellement à la hauteur des enjeux. C’est ce
qui a été constaté notamment dans l’examen des domaines
considérés comme les déterminants de l’intégration (logement,
emploi, école).
A - Le cadre législatif des conditions nouvelles de
l’entrée et de l'accueil
La Cour, dans son rapport public de 2004, avait pris en compte les
débuts de l’application des deux importantes réformes législatives
intervenues à la fin de 2003, concernant l’accès et le séjour ainsi que
l’asile. Elle ne disposait toutefois que de premiers éléments d’information
sur le plan de cohésion sociale détaillé en septembre 2004.
1 -
Les deux lois de la fin de l’année 2003
La loi du 26 novembre 2003
7
avait pour objectif de revenir sur
certaines dispositions de la loi RESEDA de 1998
8
et de limiter différents
détournements de la législation en matière d’accès et de séjour. Les
procédures de contrôle étaient aménagées, notamment pour allonger le
délai de la rétention.
7) Loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la
nationalité.
8) Loi du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au
droit d’asile.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
21
Sa mise en application est aujourd’hui presque achevée, y compris
pour l’outre-mer. Il ne paraît pas envisagé de modifier le dispositif
d’ensemble, même si de nouveaux textes de nature législative sont
annoncés : l’attention actuelle des ministères concernés se concentre, à la
suite de la loi de novembre 2003, sur la lutte contre les détournements de
procédure en matière d’immigration familiale (102 619 personnes en
2004, dont 25 420 au titre du regroupement familial).
La loi du 10 décembre 2003 transforme profondément, pour sa
part, le régime de l’asile institué par la loi du 25 juillet 1952. Elle a fait de
l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le
guichet unique de l’asile, en supprimant l’asile territorial demandé en
préfecture (111 accords en 2003 pour 34 494 refus) ; elle a également
instauré le nouveau dispositif de la protection subsidiaire.
Sa mise en application par deux décrets du 14 août 2004 et un
effort substantiel en moyens humains, matériels et financiers ont conduit
à une amélioration de la situation : en décembre 2004, la Commission des
recours des réfugiés (CRR) a rendu plus de décisions qu’elle n’a
enregistré de recours. Les délais d’instruction des premières demandes
sont désormais de l’ordre de deux à trois mois pour l’OFPRA et de quatre
à six mois pour la CRR, ce qui devrait permettre de résorber les dossiers
en retard au début de 2006. On pourrait ensuite compter sur des délais
globaux de sept à huit mois.
S’agissant des seules premières demandes, leur nombre est passé
de 79 945 en 2003 (dont 27 741 pour l’asile territorial) à 50 547 en 2004
hors le cas des mineurs accompagnants. La France demeure toutefois au
premier rang des pays d’accueil des demandeurs d’asile en Europe.
La judiciarisation croissante de la procédure et la possibilité de
présenter à tout moment de nouveaux documents dans le cadre du
changement de législation en 2003 justifient une grande vigilance,
puisque des délais excessifs favorisent le maintien sur le territoire des
demandeurs d’asile déboutés ; c’est pourquoi ces demandes sont traitées
majoritairement dans le cadre de la procédure prioritaire.
Le traitement des demandes d’asile est ainsi
remis en ordre sans
toutefois être achevé. Une mission d’évaluation et de contrôle de la
commission des finances de l’Assemblée nationale, à laquelle la Cour a
apporté son concours, a tenté de mesurer au premier semestre 2005
l’évolution des coûts budgétaires des demandes d’asile et a formulé trente
propositions dans son rapport du 6 juillet 2005.
22
COUR DES COMPTES
La question majeure reste celle des déboutés qui demeurent
irrégulièrement sur le territoire, comme la Cour l’avait relevé. De ce point
de vue, le nouveau comité interministériel de contrôle de l’immigration
(CICI) a porté le sujet des retours en tête de l’ordre du jour de sa première
réunion et il a été décidé, lors de la deuxième réunion, le 27 juillet, de
mettre en oeuvre dès septembre 2005 un nouveau dispositif expérimental
d’aide au retour volontaire dans 21 départements, avec un pécule
9
et qui
pourrait concerner dans un premier temps 5 000 personnes, en priorité les
déboutés. L’Agence nationale pour l’accueil des étrangers et les
migrations (ANAEM) participe à ce dispositif.
2 -
La loi de programmation pour la cohésion sociale
La loi du 18 janvier 2005 comporte un chapitre intitulé « Accueil
et intégration des personnes immigrées ou issues de l’immigration » qui
modifie le code du travail et le code de l’action sociale et des familles.
Elle répond en cela au programme 19 « Rénover l’accueil et l’intégration
des populations immigrées » du plan de cohésion sociale de septembre
2004.
Ce chapitre est bâti autour des quatre axes du programme que la
Cour avait analysés :
- créer l’Agence nationale pour l’accueil des étrangers et les
migrations (ANAEM) par fusion de l’Office des migrations
internationales (OMI) et du Service social d’aide aux émigrants
(SSAE) ;
- généraliser dès le 1
er
janvier 2006 le contrat d’accueil et
d’intégration (CAI) qui reçoit la base légale souhaitée par la Cour,
qui recommandait que ses conséquences juridiques fussent
précisées, de même que les engagements et les droits des
signataires des contrats signés avant l’application de la loi de
janvier 2005. Toutefois, le décret en Conseil d’Etat attendu pour
préciser son contenu n’était toujours pas publié au début de 2006 ;
- mieux coordonner au plan local les instruments de la politique
d’intégration en élaborant dans toutes les régions, sous l’autorité du
représentant de l’Etat, un programme régional d’insertion des
populations immigrées (PRIPI) qui acquiert un statut législatif
10
;
- actualiser les missions du Fonds d’action et de soutien pour
l’intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD).
9) - 2 000 € par adulte, 3 500 € par couple, plus 1 000 € par enfant mineur jusqu’au
troisième et 500 € ensuite.
10) Article L. 117-2 du nouveau chapitre VII « Personnes immigrées ou issues de
l’immigration » du code de l’action sociale et des familles.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
23
B - La rénovation de l'accueil
La Cour recommandait d’adapter le périmètre de l’accueil,
d’assurer un suivi minutieux du respect des contrats et de donner un
contenu substantiel à l’accueil des primo-arrivants.
1 -
La généralisation du contrat d’accueil et d’intégration
Le dispositif du service public de l’accueil confié à l’OMI, devenu
ANAEM, a été étendu en 2005 en vue de sa généralisation, mais la
couverture du territoire n’est pas complète.
Seuls 61 départements étaient concernés (décembre 2005), alors
que 75 plates-formes étaient à installer sur l’ensemble de l’année 2005
11
.
L’ANAEM souligne toutefois que le dispositif concerne déjà 85 % des
flux d’immigrants et que le décalage par rapport au calendrier prévu est
motivé dans la plupart des cas par la difficulté de trouver des locaux. Elle
estime que la couverture du territoire était satisfaisante début 2006, hors
Corse et DOM.
2 -
Les autres réformes attendues
L’ANAEM a donné une priorité absolue à la généralisation du CAI
et, dans l’attente du décret précisant son contenu, a apparemment renoncé
à d’autres réformes pourtant décisives, telles l’introduction du système
des référents, l’évaluation des prestations ou l’élaboration de parcours
d’intégration. De la même façon, la future éventuelle remise d’un
diplôme aux signataires du CAI n’entre pas dans ses préoccupations. La
validation prochaine par l’éducation nationale d’un diplôme comportant
une épreuve de français écrit changerait en effet, selon l’agence, la nature
du contrat.
Doivent être soulignés en revanche l’intérêt marqué par les préfets
et les DDASS
12
pour les plates-formes ainsi que l’effet favorable sur les
délais de la remise des titres de séjour sur les plates-formes. D’ailleurs,
l’accord-cadre DGEFP/ DPM/ ANPE/ FASILD
13
, conclu en mars 2002
pour faciliter l’insertion professionnelle des demandeurs d’emploi
immigrés ou issus de l’immigration et pour prévenir et combattre les
11) 30 000 CAI ont été signés au premier semestre 2005, 46 000 pour les trois
premiers trimestres 2005, pour un taux de signature de 92,3 % des primo-arrivants.
12) Directions départementales des affaires sanitaires et sociales.
13) Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, Direction de la
population et des migrations, Agence nationale pour l’emploi.
24
COUR DES COMPTES
discriminations raciales, est en cours de renouvellement afin de mieux
définir le rôle des correspondants ANPE sur les plates-formes d’accueil et
de recenser les bonnes pratiques en la matière. L’ANPE, qui a participé à
la réalisation du module « Vivre en France » présenté lors de l’accueil,
travaille actuellement à la mise au point d’un « atelier » d’aide à la
recherche d’emploi pour les personnes qui ne maîtrisent pas le français
écrit.
Le service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE) s’efforce,
quant à lui, de sensibiliser ses partenaires aux questions d’égalité entre les
femmes et les hommes, particulièrement importantes dans le cadre du
CAI et des entretiens individuels. Sur les plates-formes de l’ANAEM,
aucune possibilité de garde d’enfants n’est toutefois proposée - ou même
indiquée - aux parents primo-arrivants. Une des mesures prioritaires des
plans départementaux d’accueil (PDA) consiste pourtant à recenser les
besoins et les solutions apportées pour les modes de garde. Mais leur
application se heurte à la multiplicité des partenaires et au fait que la
formation linguistique, contrairement à la formation civique et à la
journée « Vivre en France », n’a pas lieu immédiatement après la
signature du CAI, mais ultérieurement.
3 -
La récente relance de l’action pour le CAI
Le ministre de l’intérieur a, le 11 juillet 2005, proposé que
«
l’intégration des primo-immigrants fasse l’objet d’une nouvelle
ambition républicaine
» en retenant six orientations qu’il a demandé à la
DPM et à l’ANAEM de «
mettre en oeuvre en 2006 sur l’ensemble du
territoire national
».
Le comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI),
réuni le 27 juillet, a repris ces propositions et décidé une «
évolution du
CAI
» sous quatre rubriques : généralisation du contrat dont le respect
doit être une des conditions de l’installation durable en France et pour
lequel un objectif de 100 000 est fixé, enrichissement de son contenu en
formation, accompagnement personnalisé du signataire dans la durée et
parcours renforcé pour les femmes. Toutefois, la nature du dispositif et
les moyens à mettre en oeuvre n’ont pas encore été précisés et le nombre
de contrats signés n’atteint pas encore l’objectif.
La ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité a souligné
l’importance de l’entretien individuel préalable à la signature du CAI. Par
ailleurs, elle a missionné un membre du HCI pour évaluer le CAI, les
conclusions de la mission étant attendues au premier trimestre 2006.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
25
C - Le plan d’action contre l'immigration et le séjour
irréguliers
La Cour avait estimé que, par leur importance, ces deux
phénomènes hypothéquaient la réussite d’une politique d’accueil et
d’intégration.
1 -
La lutte contre l’immigration clandestine
Le conseil des ministres du 12 mai 2005 a défini trois priorités qui
rejoignent celles exprimées par la Cour :
1) Mieux contrôler l’entrée sur le territoire français : les décisions
prises correspondent dans une large mesure aux recommandations de la
Cour, qu’il s’agisse de mieux définir la politique de délivrance des visas
de court séjour, de renforcer le contrôle des demandes de transcription
d’actes
de
mariage
célébrés
à
l’étranger,
de
mieux
organiser
l’hébergement des demandeurs d’asile en imposant d’accomplir les
démarches administratives dans le département de résidence, enfin de
rénover la politique d’aide au retour volontaire afin de l’appliquer en
priorité aux demandeurs d’asile déboutés dont le nombre augmentera
mécaniquement du fait de l’amélioration des délais de traitement des
dossiers par l’OFPRA et la CRR.
Une liste de « pays d’origine sûrs »
14
a été adoptée, afin de traiter
plus rapidement les demandes de leurs ressortissants : douze pays ont été
retenus par le conseil d’administration de l’OFPRA le 30 juin 2005.
Enfin, pour faciliter les reconduites à la frontière, il a décidé de
s’attacher à améliorer le taux de délivrance des laissez-passer consulaires
- qui était en 2004 de 35,16 % des demandes et qui est très faible avec
certains pays - notamment par des contacts bilatéraux, et au besoin par
des mesures restrictives en matière de délivrance de visas.
2)
Renforcer
la
coordination
des
politiques
relatives
à
l’immigration : au niveau national, celle-ci est désormais assurée par le
comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI) créé par le
décret du 26 mai 2005, qui fixe les orientations de la politique
gouvernementale en matière de contrôle des flux migratoires.
14) Pays où aucune persécution n’est exercée. Les demandes d’asile en France de
leurs ressortissants sont alors traitées selon une procédure prioritaire et ne donnent pas
lieu à délivrance de titre de séjour.
26
COUR DES COMPTES
Cette action exige un travail commun des responsables de la
délivrance des visas dans les postes consulaires et des agents des
préfectures chargés des titres de séjour. Le ministre de l’intérieur a
souhaité en particulier que dix consulats expérimentent un système de
guichet unique leur permettant de délivrer des documents valant à la fois
visa de long séjour et carte de séjour en liaison avec les préfectures. Il a
été en outre décidé d’organiser dans dix consulats sensibles une
procédure de « déclaration de retour » pour les personnes ayant bénéficié
d’un visa de court séjour.
L’introduction de la biométrie en matière de visas a été
expérimentée dans cinq postes (Annaba, Bamako, Colombo, Minsk et
San Francisco), et des lecteurs d’empreintes digitales ont été installés aux
aéroports de Roissy et Orly ainsi qu’au port de Marseille, pour un coût
total d’environ 1,5 M€. Le 27 juillet 2005, une liste d’une trentaine de
consulats supplémentaires à équiper d’ici la fin de l’année 2006 a été
arrêtée. L’objectif est la généralisation de la biométrie en 2008, et son
coût est évalué par le ministère des Affaires étrangères à 145 M€ sur trois
années. Ce dernier indique que la réaffectation de 50 % de la recette visa
à son budget devrait permettre d’amortir le coût de ce projet.
Le coût des procédés techniques peut toutefois limiter le rythme de
leur redéploiement : c’est le cas des bornes de lecture EURODAC
15
.
Une plus grande rigueur dans la gestion des visas consulaires ainsi
qu’une coordination renforcée entre les ministères de l’intérieur et des
affaires étrangères peuvent donc être constatées. Si ces recommandations
de la Cour ont été suivies d’effet, il n’en est pas de même, en revanche,
pour la restructuration du réseau consulaire.
Une appréciation générale de l’efficacité de ces dispositifs serait
prématurée, mais il convient de noter que se manifeste ainsi une volonté
politique et que se mettent en place des éléments qui pourraient
permettre, si le gouvernement le décidait, la réalisation d’un réseau
unique de fonctionnaires de l’Etat chargés de l’immigration.
3) Mettre en place une véritable « police de l’immigration » qui
couvre l’ensemble du territoire : la direction centrale de la police aux
frontières (DCPAF) animera la lutte contre l’immigration irrégulière et le
travail illégal et en informera le comité interministériel. Au sein de la
direction sera créée une unité de coordination opérationnelle pilotée par le
directeur central, réunissant régulièrement les représentants de la PAF, de
la direction centrale de la sécurité publique, de la direction générale de la
gendarmerie nationale, de la préfecture de police et de la direction des
15) Système européen de comparaison d’empreintes digitales des demandeurs d’asile
et des personnes ayant franchi irrégulièrement une frontière.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
27
libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ). Le décret est en
préparation.
Les missions de cette police sont de protéger les frontières
extérieures aux points d’entrée et aux axes de transit des immigrants
irréguliers et de surveiller les frontières intérieures, de lutter contre les
réseaux et filières d’immigration clandestine en lien avec les autres
organismes compétents, et de poursuivre l’éloignement des étrangers en
situation irrégulière. L’objectif sur le dernier point a été porté à 23 000
reconduites à la frontière, soit une augmentation de plus de 50 % par
rapport à 2004 ; 12 849 reconduites avaient été menées à bien à la fin
mai, soit 56 % de l’objectif. La DCPAF fait à ce titre l’objet d’une
modernisation à un rythme soutenu.
Le nombre de places dans les centres de rétention administrative
(CRA) devait doubler en deux ans ; parallèlement, un plan triennal
organise la fermeture des centres les plus vétustes. L’objectif de 1 800
places pour juin 2006 vient d’être annoncé. Pour répondre à des critiques
sur la qualité de l’accueil, le ministre a annoncé la mise en place de la
«
commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention
administrative et des zones d’attente
», commission consultative chargée
de veiller au respect des droits des étrangers maintenus en ces lieux
instituée par la loi du 26 novembre 2003
16
.
Il reste que les éloignements continuent à se faire au cas par cas,
sans que soient pour l’instant dégagées des priorités dans les catégories de
personnes en situation irrégulière à éloigner. Il conviendrait d’examiner le
rôle des pôles d’éloignement auprès des préfets en la matière.
En outre, deux séries de blocages continueront à se manifester. Il
existe en premier lieu des personnes «
ni régularisables ni expulsables
»,
notamment celles dont les autorités administratives ou judiciaires ont
décidé le départ du territoire mais dont la reconduite est extrêmement
difficile, voire impossible en pratique. En second lieu, les quotas et les
règles des compagnies aériennes limitent les capacités de transport, ce qui
conduit les autorités responsables à envisager un recours plus fréquent à
des vols spécialement affrétés ou à des opérations conjointes permettant à
plusieurs pays européens d’exécuter les éloignements.
16) Décret du 30 mai 2005 pris en application de l’article 35nonies de l’ordonnance
du 2 novembre 1945 modifiée (ordonnance désormais intégrée au code de l’entrée et
du séjour des étrangers et du droit d’asile annexé à l’ordonnance du 24 novembre
2004).
28
COUR DES COMPTES
Une mention particulière doit être faite de la situation outre-mer où
le nombre de clandestins est considérable, notamment en Guyane, à la
Guadeloupe, à la Réunion et surtout à Mayotte. Le CICI, dans sa
deuxième réunion, le 27 juillet, a retenu le principe d’une adaptation du
droit et des moyens opérationnels à cette situation spécifique.
Une autre forme d’immigration irrégulière se constitue également
dès lors que les étudiants étrangers cherchent, sous couvert de leurs
études, à bénéficier d’une immigration économique et à se maintenir sur
le territoire. La Cour avait cité une expérience innovante, celle du Centre
d’évaluation linguistique et académique ou CELA, engagée par
l’ambassade de France en Chine. Sous l’égide du ministère des affaires
étrangères, une expérience analogue de centres pour les études en France
(CEF), qui doivent évaluer le sérieux du projet et la bonne orientation de
l’étudiant, est en cours depuis janvier 2005 dans six pays. Toutefois, ces
centres fonctionnent pour l’instant essentiellement avec les services d’une
société privée choisie sans appel d’offres. Le système actuel impose aux
candidats des frais de dossiers sans qu’un bilan de l’amélioration du
niveau des étudiants ait encore pu être établi.
2 -
Le dispositif parallèle de lutte contre le travail illégal
La Cour avait considéré que les initiatives prises ne suffisaient pas
et que les efforts devaient être plus ambitieux. Moins d’un an après le
plan de relance de la lutte contre le travail illégal, le 18 juin 2004, la
commission interministérielle s’est à nouveau réunie le 8 mars 2005, ce
qui marque une rupture avec la situation antérieure. Le 5 août, une
conférence de presse du ministre délégué au travail, à l’emploi et à
l’insertion professionnelle des jeunes a confirmé cette relance.
Le décret du 12 mai 2005 a créé un office central de lutte contre le
travail illégal (OCLTI), office de police judiciaire spécialisé à vocation
interministérielle, rattaché à la sous-direction de la police judiciaire de la
direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). Il doit lutter
contre les infractions relatives au travail illégal sous toutes ses formes, en
coopération avec l’office central pour la répression de l’immigration
irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST) et les groupes
d’intervention régionaux (GIR), en concertation avec la délégation
interministérielle à la lutte contre le travail illégal (DILTI).
Celle-ci paraît d’ailleurs avoir repris une activité soutenue. Elle a
publié en décembre 2004 un rapport d’enquête sur l’intervention en
France des entreprises étrangères prestataires de services. Il en ressort que
l’emploi détaché, qui prend de plus en plus la forme d’un emploi ouvrier
intérimaire, reste selon ses termes un «
nid à fraudes
». Afin d’enrayer
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
29
cette évolution préoccupante, la délégation préconise la transposition
complète de la directive européenne du 16 décembre 1996 sur le
détachement des salariés et un renforcement de la coopération
administrative avec les services de contrôle des autres Etats membres,
notamment ceux qui ont rejoint l’Union européenne récemment.
Le premier bilan du plan de lutte contre le travail illégal dressé en
mars 2005 traduit un niveau élevé de mobilisation, mais pour des résultats
encore limités. Avec la police aux frontières, dont l’action est désormais
orientée vers les personnes en situation irrégulière, la DILTI va pouvoir
s’appuyer sur un service de contrôle encore plus présent qu’auparavant.
Dans les quatre secteurs qui embauchent prioritairement les étrangers en
situation irrégulière (spectacle vivant et enregistré, agriculture, hôtels-
cafés-restaurants et bâtiment et travaux publics), près de 72 000 contrôles
ont été effectués : ils ont donné lieu pour 40 % d’entre eux à la
constatation d’infractions et ont permis le recouvrement de 15 M€ de
cotisations sociales éludées. L’ACOSS évalue la sous-déclaration de
cotisations, du fait du travail illégal, au minimum à 4 milliards d’euros.
Si la proportion de fraudes impliquant des étrangers est notable, il
n’existe pas d’actions spécifiques à leur égard. Des opérations concertées
de contrôle de l’emploi illégal de travailleurs étrangers ont cependant été
organisées durant le deuxième semestre 2005 ; elles doivent faire l’objet
d’un bilan par le CICI. Par ailleurs, si les structures répressives sont plus
nombreuses, il reste à assurer leur articulation effective, notamment entre
l’OCLTI et l’OCRIEST, ce dernier devant surtout se préoccuper des
filières organisées.
II
-
L'intégration dans la société française des
immigrants et des populations issues de l'immigration
La Cour avait examiné les facteurs essentiels de l’intégration et
recommandé que l’application du droit commun ne fût pas exclusive de
mesures spécifiques, au moins pour certaines des populations concernées.
La présente évaluation ne peut certes révéler des changements de grande
ampleur sur une seule année, mais il faut bien constater qu’aucune
avancée significative n’a encore eu lieu dans les trois principaux
domaines que sont l’emploi, le logement et l’école.
30
COUR DES COMPTES
A - L'emploi
La Cour formulait différentes recommandations afin de mettre fin
à l’isolement du service de la main-d’oeuvre étrangère par rapport aux
autres activités du service public de l’emploi. Elle soulignait que l’idée
d’une extension du régime des quotas pour certaines professions
déficitaires pourrait être opportunément explorée.
La délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle
(DGEFP) souligne que tant qu’un système d’identification des salariés ou
des jeunes issus de l’immigration ne sera pas mis en place, il sera
extrêmement difficile de savoir si les mesures prévues atteignent leur
objectif et d’évaluer l’importance des problèmes soulevés. La direction de
la population et des migrations (DPM) fait valoir que les éventuels
éléments de repérage ne permettraient qu’un constat de la situation ex
post.
1 -
Le cadre juridique
Depuis la réunion de juin 2004 sur la mise en application du
programme du comité interministériel pour l’intégration (CII), la
collaboration entre le DGEFP et la DPM s’est distendue ; or la DGEFP
estime nécessaire de poursuivre l’effort en matière d’emploi des jeunes
immigrants ou issus de l’immigration par le parrainage vers l’emploi et
surtout l’apprentissage. Elle a rappelé ces priorités au service public de
l’emploi par une circulaire du 4 mai 2005. De plus, dans le plan de
cohésion sociale, les programmes n° 2 « accompagner 800 000 jeunes en
difficulté vers l’emploi durable » et n° 4 « favoriser la mixité sociale dans
la fonction publique par le développement de l’alternance » profiteront
notamment aux jeunes issus des quartiers sensibles.
La DGEFP indique également que la mise en place au sein des
institutions de défense d’un dispositif d’accompagnement de l’insertion
professionnelle des jeunes en difficulté, transposant le système du service
militaire adapté (SMA), intéressera les publics concernés
17
.
Il est à noter en revanche que la DGEFP, comme la DILTI, n’est
pas membre du comité des directeurs du CICI. Pourtant, dans les travaux
programmés le 10 juin 2005, deux sujets la concernent, qui auraient
d’ailleurs pu être traités aussi dans le cadre du CII : l’adaptation de la
politique d’immigration aux besoins de l’économie française et la
mobilisation des services publics pour lutter contre le travail illégal.
17) Ordonnance du 2 août 2005.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
31
2 -
L’emploi des immigrants
L’immigration de travail régulière représente actuellement de
l’ordre de 5 % de l’ensemble de l’immigration légale en France.
Le groupe de projet réuni sous l’égide du Commissariat général du
plan sur la prospective de la population active, des besoins de main-
d’oeuvre et des migrations, dit «
groupe Kazan
», n’a pas encore publié
ses conclusions, attendues initialement pour juin 2005.
Dans l’immédiat, la DGEFP et la DPM disposent seulement des
résultats de quelques études, dont celle sur les conditions d’emploi dans
quelques départements des salariés ressortissants de pays tiers qui
travaillent en France dans le cadre d’une prestation de service
internationale. Il s’agit pour la plupart d’entreprises sous-traitantes des
pays d’Europe de l’Est : l’immigration de travail en France pourrait,
pendant le temps du développement économique de ces pays, être
essentiellement européenne et répondre à certains besoins de l’économie
française. Par ailleurs, l’importance de l’immigration de travail irrégulière
exige une coopération européenne renforcée.
Au plan national, le projet d’informatisation des services de main-
d’oeuvre étrangère (MOE) des DDTEFP devrait être opérationnel début
2007, ce qui permettrait la gestion et le traitement des demandes
d’autorisation de travail, la production de statistiques sur les flux
migratoires
de
travail
et
la
dématérialisation
des
déclarations
d’intervention des entreprises étrangères sur le territoire français.
Les campagnes pour la promotion de l’égalité des chances et les
premières réflexions engagées sur une sélection des candidats à
l’immigration font apparaître une forte convergence vers la lutte contre
l’immigration irrégulière et la limitation des détournements de la loi et
des procédures. La prédominance massive de l’immigration admise pour
motifs familiaux sur l’immigration de travail (7 200 autorisations de
travail en 2004, hors saisonniers) souligne la faible place occupée
actuellement par «
l’immigration choisie
», l’accès au marché du travail
étant principalement indirect.
Le ministre de l’intérieur a annoncé, le 11 juillet, «
la création
d’une mission interministérielle chargée d’évaluer les capacités d’accueil
de la France et de ses besoins »,
qui rendrait
« ses conclusions
opérationnelles en mars 2006
», et souhaité «
une vraie réflexion
qualitative et quantitative sur les profils des personnes à qui nous
souhaitons délivrer des visas
», notamment sur le visa à «
points
».
32
COUR DES COMPTES
B - Le logement et l'habitat
La concentration de l’habitat, très forte pour certaines des
populations concernées, constituait selon la Cour une autre hypothèque
qui enrayait le processus d’intégration et devait donc recevoir un
traitement adapté. De plus, les besoins en logement de l’immigration
familiale, à laquelle l’immigration de travail a progressivement cédé la
place, ont été manifestement sous-estimés.
1 -
L’offre globale de logement
La Cour avait souligné que le redressement de l’offre globale de
logement social était un préalable à l’amélioration des conditions de
logement des personnes issues de l’immigration.
La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier
2005 a fixé, pour la période 2005 à 2009, les objectifs de construction à
500 000 logements locatifs sociaux, de réhabilitation à 200 000 logements
locatifs privés à loyer maîtrisé, ainsi que de remise sur le marché à
100 000 logements privés vacants.
Cependant, le système, morcelé entre des intervenants de plus en
plus nombreux du fait de la récente décentralisation de la politique du
logement
18
, ne répond ni aux problèmes spécifiques d’accès au logement
des populations immigrées ni au phénomène de la concentration.
2 -
Les foyers de travailleurs migrants (FTM)
Certains foyers de travailleurs migrants font l’objet d’un contrat
d’objectifs révisé pour la période 2005-2010 entre l’Etat et la
SONACOTRA, qui fixe la programmation et les actions en matière de
lutte contre la suroccupation et d’accompagnement du vieillissement de
ses résidents. L’articulation, sur un même site, entre une résidence sociale
et un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes
(EPHAD) fait l’objet de programmes expérimentaux ou de projets en
discussion, à Bobigny, Colombes et Marseille.
18) Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction (DGHUC),
commission interministérielle pour le logement des personnes immigrées (CILPI),
délégation interministérielle à la ville (DIV), agence nationale pour la rénovation
urbaine (ANRU), société nationale de construction de logements pour les travailleurs
(SONACOTRA), organismes HLM, collectivités territoriales, associations.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
33
La CILPI indique plus généralement qu’elle a engagé des travaux
dans trois domaines : la programmation des travaux de réhabilitation des
foyers de travailleurs migrants, la sécurisation des bâtiments, le traitement
de la suroccupation (difficultés des contrôles, sous-locations, utilisation
des parties communes, expulsions). La mise en place d’un observatoire
francilien de l’occupation est prévue en 2006.
Selon la DGUHC, le financement de ces travaux dans le cadre du
plan de traitement des foyers, prorogé jusqu’en 2006 mais réalisé à
hauteur de 50 % seulement, n’est pas toujours le principal obstacle à la
réalisation des projets, subordonnée à leur acceptation par les collectivités
territoriales concernées et entravée par la complexité de la démarche à
mettre en oeuvre. Depuis l’intervention de la loi de décentralisation du
13 août 2004, l’adaptation de l’offre de logements aux besoins locaux
nécessite des délégations de compétence en matière d’aides à la pierre
aux collectivités demanderesses pour la période comprise entre 2006 et
2011. Aussi le plan de traitement des foyers devra-t-il être prolongé au-
delà de 2006. A la mi-août 2005, seize conventions avaient été signées ;
70 étaient attendues pour la fin de l’année.
3 -
L’hébergement des demandeurs d’asile
L’hébergement temporaire en centres d’accueil des demandeurs
d’asile (CADA) de ceux qui ne disposent pas des ressources suffisantes
pour se loger a connu une évolution rapide.
La capacité des CADA a été portée à 17 470 places au
1
er
décembre 2005, à la suite de l’ouverture de 2000 nouvelles places par
créations et transformations de places d’urgence ; la réduction de la durée
d’instruction des demandes d’asile devait de surcroît accentuer la rotation
des personnes. Les décisions en matière d’asile prises par le CICI dans sa
réunion du 27 juillet concernaient notamment le pilotage du dispositif par
les préfets de région. Des CADA ont été ouverts dans tous les
départements (sauf en Corse) pour tenir compte de la pratique récente de
dispersion des demandeurs sur le territoire et de la nécessité de soulager
la région parisienne qui accueille environ 40 % des demandeurs ; alors
qu’en 2001 les deux tiers des centres se situaient en Ile-de-France, près de
la moitié sont désormais installés ailleurs.
Malgré un effort budgétaire appréciable (240 M€ en charge
annuelle), le nombre de places reste insuffisant, notamment à Paris.
34
COUR DES COMPTES
4 -
Le logement des immigrants en situation d’instabilité et de
précarité
Les difficultés les plus apparentes touchant l’hébergement des
immigrants concernent ceux entrés sur le territoire, régulièrement ou
irrégulièrement, que leur situation empêche d’accéder à un logement. Il
s’agit principalement des sans-papiers, notamment des demandeurs
d’asile déboutés, ou de personnes menacées d’exclusion sociale.
Obtenir le départ de certains étrangers en situation irrégulière reste
parfois délicat et peut se traduire par leur entrée dans les centres
d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), gérés par la direction
générale de l’action sociale (DGAS) et non par la DPM, qui sont eux-
mêmes déjà engorgés du fait du développement de l’exclusion ; ce
mélange des publics entraîne de surcroît une certaine confusion dans les
financements.
Le logement des immigrants en difficulté notamment à Paris et en
région Ile-de-France, pose des problèmes particulièrement aigus qui n’ont
été traités jusqu’à présent qu’au cas par cas et dans l’urgence.
C - L’école et l'apprentissage du français
1 -
L’école
La Cour avait émis de nombreuses recommandations pour une plus
grande implication du ministère de l’éducation nationale dans les actions
conduites pour l’accueil des élèves nouvellement arrivés en France
(ENAF), le suivi des cursus et l’implantation des actions éducatives sur le
territoire.
La réussite de tous les élèves est l’objectif central de la loi
d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005.
Ce n’est cependant que progressivement que des dispositions spécifiques
à certaines populations pourront être mises en place dans le cadre instauré
par la nouvelle loi. Celle-ci comporte néanmoins des dispositions en
faveur des élèves non francophones nouvellement arrivés en France
(actions particulières pour l’accueil et la scolarisation, adaptation des
structures d’accueil par regroupement d’établissements).
Les élèves n’ont normalement le « statut » particulier d’ENAF que
pendant l’année scolaire de leur arrivée, au plus pendant deux ans, car
l’objectif est de les intégrer le plus rapidement possible dans un cursus
scolaire normal. Ils pourront ensuite, comme d’autres publics, bénéficier
de mesures telles que le parrainage par le milieu professionnel,
l’alternance collège et entreprise, la diversification horaire de la classe de
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
35
3
ème
, le projet pluridisciplinaire à caractère professionnel lors de la
préparation
du
BEP,
les
sections
expérimentales
préparant
au
baccalauréat professionnel en trois ans, ou le bilan personnalisé établi en
fin de scolarité obligatoire.
Une convention-cadre a été signée le 13 juillet 2004 par le
ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la
recherche, le ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, le
FASILD et l’ONISEP. Le deuxième comité de suivi, qui aurait dû se
réunir en mars 2005, a été reporté au 18 octobre 2005.
Cette convention, qui vise à améliorer la scolarisation des élèves
primo-arrivants, intègre les mesures relatives à l’éducation décidées par le
comité interministériel à l’intégration du 10 avril 2003. Elle cherche tout
particulièrement à proposer un appui approprié aux jeunes filles et aux
familles, pour éclairer et accompagner leur choix d’orientation et à
sensibiliser les acteurs de l’éducation, notamment dans le cadre de leur
formation initiale ou continue.
Il est à noter qu’une étude d’avril 2005 du Centre d’études et de
recherches sur les qualifications (CEREQ) sur l’insertion et l’orientation
professionnelle des jeunes gens issus de l’immigration, souligne que
ceux-ci ne forment pas un ensemble homogène, les jeunes d’origine
maghrébine ayant en moyenne les parcours d’insertion les plus difficiles.
La question de l’intérêt de mesures spécifiques n’est donc que
partiellement tranchée, sauf à considérer qu’elles n’interviennent qu’en
tout début de cursus scolaire.
2 -
L’apprentissage du français
La ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité a indiqué le
21 juillet 2005 que l’octroi d’un titre de long séjour en France pourrait
être lié à la capacité à apprendre la langue française. En tout état de cause,
la Cour l’avait souligné, sa maîtrise est un facteur majeur d’intégration et
d’autonomie.
A la demande de la DPM, un groupe d’experts piloté par la
délégation générale à la langue française et aux langues de France a
élaboré un
Référentiel pour les premiers acquis en français
et la
certification nationale associée, le
diplôme initial de langue française
(DILF)
. Ces outils seront prêts pour la généralisation du CAI, le diplôme
devant bientôt être officialisé par un arrêté du ministère de l’éducation
nationale. Seule sa partie orale serait exigée dans un premier temps.
36
COUR DES COMPTES
Toutes les questions relatives à la conception du nouveau diplôme,
puis à sa gestion administrative et pédagogique, ont été confiées au
Centre international d’études pédagogiques de Sèvres (CIEP). Toutefois,
aucune décision n’est encore prise sur la manière dont les formations
devront être assurées, sur le type de validation à privilégier, ni sur le
financement de l’ensemble.
D - L'ouverture et l'exercice des droits sociaux
1 -
L’aide médicale d’Etat (AME)
Les dépenses de l’AME concernent essentiellement les personnes
en situation irrégulière qui ne sont pas prises en charge par la couverture
maladie universelle (CMU). Ces dépenses ne peuvent toujours pas être
considérées comme maîtrisées. Deux éléments, qu’il y aura lieu d’évaluer
sur une plus
longue période, sont toutefois à relever.
D’une part, on peut noter un infléchissement du nombre de
bénéficiaires (146 000 environ au 4
ème
trimestre 2004 contre 170 316 à la
fin du 4
ème
trimestre 2003) et une stabilisation voire une diminution des
dépenses de l’AME (383 M€ au 4
ème
trimestre 2004 contre 515 M€ au
1
er
trimestre 2004). D’autre part, les récents décrets du 28 juillet 2005
relatifs aux conditions d’accès à l’AME prévus par les lois de finances
pour 2002 et 2003 vont entrer en application.
2 -
L’allocation d’insertion (AI)
L’allocation d’attente attribuée par l’Etat a été supprimée en 2004,
son rôle étant désormais rempli par l’allocation d’insertion versée pendant
une durée maximale de douze mois et dont le coût annuel est de 152 M€.
La dénomination de cette allocation financière qui ne prépare à aucune
insertion, dont 80 % des bénéficiaires sont des demandeurs d’asile, les
autres étant principalement des sortants de prison, doit être revue.
Pour se conformer à une directive européenne, il convient
désormais de la verser «
pendant toute la durée de la procédure
» : les
pouvoirs publics comptent donc sur la réduction à environ sept mois des
délais de procédure pour limiter le coût de cette mesure. Par ailleurs, le
CICI a décidé lors de sa réunion du 27 juillet que le versement de
l’allocation pourrait être suspendu en cas de refus d’une offre
d’hébergement.
La loi de finances initiale pour 2006 procède en ce sens à la
réforme de l’allocation d’insertion, désormais dénommée allocation
temporaire d’attente et dont la durée de versement est alignée sur la durée
effective de l’instruction de la demande.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
37
E - La situation des femmes de l'immigration
La Cour recommandait l’établissement de statistiques sur les
femmes de l’immigration et une personnalisation de l’accueil des
immigrantes,
ainsi
que
la
dénonciation
des
conventions
qui
méconnaissent le principe constitutionnel d’égalité entre hommes et
femmes.
Le Service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE) fait état
d’une accélération de la prise de conscience des problèmes spécifiques
aux femmes de l’immigration.
1 -
Les droits civiques
Un groupe de travail « Femmes de l’immigration – assurer le plein
exercice de la citoyenneté, à part entière, à parts égales », auquel a
participé le ministère de affaires étrangères, a été installé en juin 2004,
pour donner suite à un avis du HCI, par le ministre de la justice et la
ministre chargée de la parité. Il a rendu, le 7 mars 2005, un rapport repris
lors d’une réunion interministérielle du 18 mai 2005.
En matière de mariages forcés, le projet du SDFE a trouvé sa
traduction dans la proposition de loi sénatoriale renforçant la prévention
et la répression de la violence au sein du couple, qui est en cours de
discussion devant le Parlement : elle prévoit notamment d’élever l’âge
nubile de 15 à 18 ans pour les femmes. Parallèlement, une jurisprudence
ferme sur la non-reconnaissance de la répudiation, basée sur le principe
d’égalité entre époux, a été adoptée par la Cour de cassation en février
2004. Cette jurisprudence doit limiter le recours aux conventions
bilatérales
dont
la
renégociation
relève
désormais
du
niveau
communautaire.
En outre, le contentieux des transcriptions en droit interne des
mariages conclus à l’étranger est centralisé depuis le 1
er
mars 2005 au
parquet de Nantes dont les moyens ont été renforcés, de manière à
uniformiser la jurisprudence.
L’avant-projet de loi de prévention des violences, préparé par le
ministère de l’intérieur, prévoit le relèvement des peines en matière de
mariages forcés ; il devrait également rendre plus effective la répression
des mutilations sexuelles féminines, y compris pour les faits commis dans
les pays d’origine. Cette répression serait accompagnée de mesures de
prévention et de formation des professionnels. En ce qui concerne les
médecins, un plan « violence et santé », qui constitue l’un des cinq plans
stratégiques prévus par la loi relative à la politique de santé publique du
9 août 2004, sera prochainement examiné par le ministre de la santé.
38
COUR DES COMPTES
La lutte contre la polygamie
19
n’a pas bénéficié des mêmes
développements du fait qu’elle est encore très mal connue. Aussi la
réunion interministérielle du 6 avril 2005 a-t-elle débouché sur la décision
de faire mesurer par la CNAF l’ampleur réelle du phénomène. Il a été
prévu de recouper les résultats de cette enquête avec celle du ministère de
l’intérieur sur les refus ou non-renouvellement des titres de séjour pour
cause de polygamie. Une mission d’étude sur la question de la polygamie
a par ailleurs été confiée à la Commission nationale consultative des
droits de l’homme par la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la
parité. Ses conclusions devraient être rendues en avril 2006.
2 -
La Charte de l’égalité
La Charte de l’égalité entre les hommes et les femmes, adoptée en
2004, qui recense les engagements des ministères et dont le bilan a été
fait le 8 mars 2005 par le ministre chargé de la parité, mentionne dix
actions de la DPM et dix-sept actions de la délégation interministérielle à
la ville (DIV).
L’analyse des actions conduites démontre, selon le bilan de
l’accord-cadre FASILD/ SDFE/ DPM, une réelle volonté des différents
ministères d’intégrer l’égalité entre les hommes et les femmes dans leurs
politiques : 15 % des engagements ont été réalisés pour l’année 2004 et
37 % sont en cours de réalisation.
3 -
L’intégration des femmes immigrées
En application de l’article 10 du même accord, un comité de suivi
s’est réuni pour la première fois le 28 janvier 2005 afin de réaliser un
premier bilan des différentes mesures du programme de travail 2003-2005
destinées à favoriser l’intégration des femmes immigrées et issues de
l’immigration et à prévenir et combattre les phénomènes de double
discrimination.
Les femmes étrangères installées depuis plusieurs années en
France représentent la majorité du public (de 65 à 75 %) des formations
linguistiques financées par le FASILD. En revanche, l’Etat ne prend en
charge ni les frais de transport ni l’organisation de systèmes de garde
d’enfants : la compétence en revient aux collectivités territoriales qu’il
faut solliciter.
19) La loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 l’a rendue illégale sur le
territoire français de Mayotte pour les personnes accédant à l’âge requis pour se
marier à compter du 1er janvier 2005.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
39
F - Les mineurs étrangers isolés
L’afflux de mineurs étrangers, notamment roumains, avait rendu
nécessaires dès 2001 et 2002 plusieurs réunions interministérielles.
300 mineurs étrangers isolés étaient recensés en 2000-2001, 845 en 2002,
950 en 2003 et près de 1 200 en 2004. La loi du 26 novembre 2003 a
tenté de traiter le problème en rendant plus difficile l’accès à la
nationalité française. Un effet de ses dispositions a donc été de diriger ces
mineurs vers la demande d’asile. Il a été jugé utile d'instaurer l'obligation
de se présenter en préfecture, afin de faciliter la désignation d'un
administrateur ad hoc conformément aux dispositions de la loi du
10 décembre 2003. Le flux est aujourd’hui en régression (519 pour les
8 premiers mois de 2005 contre 872 pour la période équivalente de 2004).
Si la pression s’est atténuée, le sujet reste d’actualité qu’il s’agisse
de filières très organisées (pays de l’Est et de l’ex-URSS) ou d’enfants-
soldats (conflits d’Afrique). Les services départementaux de l’aide sociale
à l’enfance (ASE), ceux de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et
les magistrats ont à faire face à des situations complexes et à prendre des
mesures coûteuses. Deux évolutions sont prévisibles : d’une part, le
relèvement du taux d’encadrement des mineurs, d’autre part, celui de la
séparation des mineurs et des adultes, ce qui ne se fait actuellement que
jusqu’à 13 ans.
Par ailleurs, à la suite de décisions judiciaires et de prises de
position en faveur des droits de l’enfant, le refus de certaines caisses
d’allocations familiales d’accorder des allocations pour les mineurs
étrangers qui n’entrent pas dans le cadre du regroupement familial est
désormais contesté. Une mesure réglementaire est en cours de préparation
pour harmoniser les positions des caisses et concilier la nécessaire
protection de l’enfant avec le souci de déjouer la fraude organisée au
regroupement familial.
G - La situation des vieux travailleurs immigrés
Elle a subi si peu d’avancées significatives que le HCI a émis le
17 mars 2005 un avis sur ce sujet.
Le HCI constate que la question du vieillissement de la population
immigrée en France n’est pas récente mais prend une acuité particulière
depuis quelques années, avec le vieillissement général de la population. Il
considère qu’avant de mettre en place des dispositifs spécifiques, il faut
rechercher si les populations immigrées ont effectivement accès aux
politiques sociales de droit commun en matière de retraite (harmonisation
40
COUR DES COMPTES
de la durée de l’obligation de résidence en France) de logement (octroi de
l’APL et création de résidences médicalisées) et de santé (droits ouverts
en France). Pour le HCI, les travailleurs migrants âgés ne doivent plus
demeurer les oubliés de l’intégration.
Le HCI demande également au ministre de l’intérieur de rappeler
avec force aux maires la nécessité de créer dans les cimetières des
emplacements répondant aux demandes des différentes religions,
notamment des carrés musulmans.
Il recommande enfin d’améliorer la connaissance de cette
population ainsi que de celle des femmes immigrées âgées.
H - L’histoire de l’immigration
Le décret du 30 décembre 2004 a créé le groupement d’intérêt
public dénommé « Cité nationale de l’histoire de l’immigration ». La
mission de ce GIP est de préfigurer et de réaliser la future Cité afin de
rendre accessibles l’histoire et les cultures de l’immigration en France,
contribuant ainsi à la reconnaissance des parcours d’intégration des
populations immigrées dans la société française. Les personnels et les
moyens de l’Agence pour le développement des relations interculturelles
(ADRI) ont été transférés au nouveau GIP à la date du décret.
La Cité, qui sera installée au palais de la Porte Dorée, propose
d’ores et déjà des ressources documentaires, une galerie de portraits, une
exposition virtuelle retraçant deux siècles d’immigration, ainsi que le
projet de cité lui-même. On peut noter deux approches qui privilégient
l’une l’aspect patrimonial et muséographique, l’autre l’aspect historique,
sociologique
et culturel dans un contexte plus politique et international.
I - La politique de codéveloppement et
l'aide à la réinsertion
L’accueil et l’intégration paraissent de plus en plus imposer des
relations suivies avec les pays d’origine des migrants pour qui, la Cour le
soulignait, l’intégration ne saurait signifier rupture avec le pays d’origine.
Elle recommandait notamment que les pouvoirs publics portent à
l’agenda des instances de la francophonie le thème du codéveloppement
20
fondé, en particulier, sur les ressources de la binationalité.
20) On entend par codéveloppement toute action d’aide au développement, quelle
qu’en soit la nature et quel que soit le domaine dans lequel elle intervient, à laquelle
participent des migrants vivant en France, quelles qu’en soient les modalités
(intervention à une ou plusieurs étapes des projets : conception, études de faisabilité,
financement, réalisation, évaluation).
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
41
Le premier rapport au Parlement (mars 2005) mentionne un certain
nombre d’informations sur le codéveloppement qui remontent toutefois à
2003.
La politique du codéveloppement devrait être sensiblement
renforcée. Elle représente 1 M€ de dépenses en 2003, mais il est prévu
que celles-ci atteignent 15 M€ sur la période 2006 à 2008. A cette date,
tous les pays francophones devraient être concernés.
Quant à l’aide au retour, ou plus précisément l’aide à la réinsertion,
elle ne touche selon le ministère des affaires étrangères que 150
personnes par an, ce qui la rend insignifiante. La possibilité qui existe
maintenant d’opérer avec une vingtaine ou une trentaine de pays pourrait
permettre de favoriser 200 à 300 retours par an ; mais le ministère
n’envisage pas de relever substantiellement le montant des allocations.
III
-
Le pilotage des politiques
La Cour avait relevé que la politique publique à l’égard des
immigrants a été longtemps fractionnée sans que les choix opérés
puissent, jusqu’à ces dernières années, être considérés comme constituant
des éléments cohérents.
De ce fait, elle avait recommandé fortement, dans le cadre d’une
approche plus globale, une adaptation des structures.
A - Les recommandations transversales de la Cour
1 -
L’amélioration de l’information publique
La loi du 26 novembre 2003 a prévu un rapport annuel au
Parlement sur les orientations de la politique gouvernementale en matière
d’immigration. Le premier rapport a été déposé en mars 2005. Cette
présentation générale apporte des informations abondantes, avec toutefois
une majorité de statistiques datant de 2003. C’est désormais le CICI qui
«
adopte le rapport préparé par son secrétaire général
».
Le rapport annuel sur l’exécution de la loi du 18 janvier 2005 de
programmation pour la cohésion sociale apportera lui aussi des
informations
sur
l’accueil,
l’intégration
et
la
lutte
contre
les
discriminations.
42
COUR DES COMPTES
2 -
Le développement des statistiques
Aucun système organisé d’identification des populations issues de
l’immigration n’a été mis en place. Pourtant, la connaissance de leur
situation par un dispositif large et pérenne permettrait de détecter les
difficultés de l’intégration et les effets des politiques menées.
Le
dispositif
statistique
principal
s’appuie
désormais
sur
l’Observatoire Statistique de l’Immigration et de l’Intégration (OSII),
rattaché au Haut conseil à l’intégration et installé en juillet 2004. Dirigé
par un membre du Haut conseil, il est composé d’un Groupe statistique de
représentants de six ministères, de l’INSEE, de l’ANAEM et de l’INED,
ainsi que d’un Conseil scientifique. Il a pour obligation légale de rendre
un rapport annuel. Deux rapports ont été remis au Premier ministre en
2004 et 2005. Une publication est prévue à la Documentation française au
sein du rapport annuel du HCI en février 2006. Désormais, les difficultés
dues au manque de fiabilité et de cohérence des données sur les flux
migratoires semblent surmontées et une réflexion sur les indicateurs et les
parcours d’intégration est commencée. Cela permet à l’OSII d’être
reconnu dans les instances nationales et européennes, en tant que point
contact national au sein de plusieurs groupes techniques de la
Commission.
La question est désormais de savoir si la connaissance statistique
sera suffisamment développée par le financement d’études communes
pour
répondre
aux
besoins
en
matière
d’immigration
et
plus
particulièrement d’intégration
21
.
S’agissant des données statistiques nécessaires pour une évaluation
tant des mesures d’intégration que des discriminations, la Commission
nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a réaffirmé le 5 juillet
2005 l’interdiction des critères ethniques ou raciaux. Les fichiers de
connaissance ou d’enquête permettent toutefois des travaux sur la
question des origines, à la différence des fichiers nominatifs de gestion
administrative.
La Cour devra ultérieurement apprécier la réalité de cette avancée
en matière statistique qu’elle appelait de ses voeux. Elle constate que des
difficultés de deux ordres demeurent :
a) En matière d’accès et de séjour, la question de la connaissance
du nombre de personnes en situation irrégulière est toujours d’actualité.
Plusieurs indicateurs ont été avancés dans le rapport au Parlement de
mars 2005, sans clore le débat.
21) L’INSEE a publié en septembre 2005 l’édition 2005 du recueil « les immigrés en
France ».
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
43
b) En matière de discrimination à l’embauche, une commission
technique
22
souhaite le développement de la diversité dans l’entreprise
pour lutter contre les discriminations ethniques. Une conférence nationale
pour l’égalité des chances a été organisée en février 2005. Pour autant, les
difficultés restent grandes, comme en témoignent les divergences
d’appréciation sur le curriculum vitae anonyme.
3 -
Le renforcement de la coordination
a)
Les travaux du HCI
En dehors des travaux statistiques, la réponse du HCI au rapport
public particulier de la Cour a fait état d’un renouvellement de sa
fonction : il remet désormais au Premier ministre, sur saisine de ce
dernier, des avis qui complètent ceux que formule son rapport annuel, et
sont l’occasion d’une coordination plus étroite entre les pouvoirs publics.
Le HCI a notamment infléchi la définition de l’intégration en la
liant à la notion de contrat et en soulignant que la formation civique est
un élément essentiel du CAI. Il a également approuvé la création de la
HALDE. Pour autant, la question de l’intégration ne peut, selon lui,
s’appréhender uniquement en termes de discriminations ; il a d’ailleurs
pris position contre la politique de discrimination positive.
b)
La structuration de l’organisation gouvernementale
La déclaration de politique générale du Premier ministre, le 8 juin
2005, aborde la question de l’immigration sous deux aspects : la lutte
contre les discriminations et la promotion de l’égalité des chances, la lutte
contre l’immigration irrégulière.
Le gouvernement compte désormais auprès du Premier ministre un
ministre délégué à la promotion et à l’égalité des chances. La question de
l’accueil et de l’intégration relève cependant principalement du ministre
délégué à la cohésion sociale et à la parité, placé auprès du ministre de
l’emploi, de la cohésion sociale et du logement et du ministre de
l’intérieur.
Un décret du 16 juin 2005 charge le ministre de l’intérieur de
l’ensemble des questions touchant l’immigration, pour l’examen desquelles
il dispose de la DPM. Un autre décret du même jour dispose que le
ministre chargé de la cohésion sociale, qui a autorité sur cette direction,
gère la politique des naturalisations et les questions sociales relatives à
l’immigration.
22) Présidée par M. Roger Fauroux et faisant suite à un rapport de M. Claude Bébéar
sur « des entreprises aux couleurs de l’intégration ».
44
COUR DES COMPTES
Deux suggestions de la Cour n’ont pas été à ce jour retenues. D’une
part, la DPM et la DIV n’ont pas été rapprochées ; d’autre part, la DPM n’a
pas non plus été dotée d’un statut interministériel qui aurait clarifié sa
position par rapport aux autres directions d’administration centrale, alors
même qu’elle souligne le rôle d’impulsion qui a été le sien dans la mise en
place de nombre de réformes récentes.
Selon les trois ministères de l’intérieur, des affaires étrangères et des
affaires sociales, la coordination fonctionne bien et conduit, outre à
l’élaboration du rapport au Parlement, à des contacts quotidiens à tous les
niveaux des services. Elle s’est surtout institutionnalisée avec la création
récente du comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI).
Présidé par le Premier ministre ou par délégation par le ministre de
l’intérieur, il comprend les ministres chargés de l’intérieur, des affaires
sociales, de la défense, de la justice, des affaires étrangères, de l’éducation
nationale, de l’économie et des finances et de l’outre-mer.
Le secrétaire général du CICI, placé auprès du ministre de
l’intérieur, préside et anime un comité des directeurs chargés de la mise en
oeuvre de la politique gouvernementale en matière de contrôle des flux
migratoires, d’immigration et d’asile ; il comprend 15 directeurs
d’administration centrale
23
et les directeurs généraux de l’ANAEM et de
l’OFPRA. Pour éclairer les travaux du CICI, un comité de douze experts,
auquel participe le président du HCI ou son représentant, a été prévu.
L’institution d’un secrétariat général du CICI permanent affaiblit
encore la vocation interministérielle de la DPM, qui souhaite assurer le
secrétariat du comité d’experts.
Le problème de la coordination des deux comités interministériels –
CICI et comité interministériel à l’intégration (CII) - semble d’ores et déjà
posé. Le CICI, dans sa deuxième réunion du 27 juillet 2005, a pris huit
séries de décisions, notamment sur l’évolution du contrat d’accueil et
d’intégration. Il s’est réuni une troisième fois le 29 novembre. Ce faisant, il
s’est - au moins pour l’instant - substitué au CII qui n’a pas été réuni
depuis juin 2004 mais devrait le faire au début de 2006 sur un ou plusieurs
thèmes sectoriels.
23) Ni le délégué interministériel à la lutte contre le travail illégal (DILTI), ni le
délégué général à l’emploi, et à la formation professionnelle (DGEFP), ni le directeur
des relations du travail (DRT) n’en font partie ; le décret autorise toutefois le
secrétaire général à inviter tout autre directeur d’administration centrale ou
d’établissement public.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
45
4 -
Une meilleure identification des dépenses
L’application de la loi organique relative aux lois de finances
(LOLF) permettrait d’évaluer le coût des politiques de l’immigration. Ce
n’est pas encore le cas aujourd’hui, car il faut encore additionner les
actions pour approcher l’ensemble des moyens mis en oeuvre par les
ministères concernés. Par exemple, les ministères sociaux ont défini une
mission interministérielle « solidarité et intégration » avec un programme
« accueil des étrangers et intégration » de cinq actions (809 M€ en 2004).
Or l’aide médicale d’Etat n’est plus incluse dans ce programme depuis la
fin de l’année 2004.
L’éparpillement des actions est encore plus prononcé au budget du
ministère de l’intérieur en matière de lutte contre l’immigration
irrégulière.
Au budget de l’éducation nationale, des indicateurs sont encore à
construire, par exemple la proportion d’élèves primo-arrivants non
francophones admis dans une classe ordinaire correspondant à leur âge.
Des indicateurs transversaux font actuellement défaut pour connaître
précisément les parcours des élèves.
Il conviendrait que cette dynamique aboutisse, d’ici quelques
années, à une politique transversale de l’immigration dont il serait alors
possible de chiffrer le coût global.
5 -
Une approche coordonnée au plan international
Le renforcement de la dimension européenne des politiques
d’accueil et d’intégration se poursuit. De ce fait, la réflexion prospective
prend une place importante.
La Commission a présenté un « livre vert » sur une approche
communautaire de la gestion des migrations économiques qui souligne
l’impact du déclin démographique et du vieillissement de la population
sur l’économie européenne entre 2010 et 2030 : il prévoit une baisse du
nombre des actifs de 20 millions. La Commission souhaite adopter un
projet stratégique de migration économique, qu’elle considère comme
«
la pierre angulaire de toute politique d’immigration
», d’autant plus
nécessaire que les flux migratoires seraient «
encore plus susceptibles de
contourner les règles et législations nationales
».
46
COUR DES COMPTES
A la suite de ce « livre vert », la Commission a proposé, le
1
er
septembre 2005, une nouvelle législation en matière de statistiques sur
les migrations et l’asile. Elle a également adopté le même jour «
un
ensemble de mesures de grande envergure dans le domaine de
l’immigration et de l’asile
». Une directive devrait traiter des normes
communes
applicables
au
retour
des
clandestins.
En
matière
d’intégration, même si la conception des actions et leur mise en oeuvre
relèvent principalement de la compétence des Etats membres, sont
proposés des mécanismes de soutien et des mesures concrètes : fonds
européen pour l’intégration, points de contacts nationaux, guide, site
Internet, forum européen, rapports périodiques.
La primauté du cadre européen n’exclut pas l’émergence d’autres
instances de coordination, comme le G5
24
. Par ailleurs, la coopération
avec les pays tiers paraît un axe de travail désormais majeur.
B - L’évolution des organismes
1 -
La mise en place de la Haute autorité de lutte contre les
discriminations et pour l’égalité (HALDE)
La Cour avait pris connaissance des propositions du rapport remis
au Premier ministre le 16 février 2004 par M. Bernard Stasi, qui proposait
la création d’une Haute autorité. Elle avait recommandé la transformation
du GIP Groupe d’études et de lutte contre les discriminations (GELD),
inadapté pour tenir le rôle d’une autorité indépendante.
La HALDE, compétente pour connaître de toutes les formes de
discriminations directes ou indirectes prohibées par la loi ou par un
engagement international auquel la France est partie, a été créée par la loi
du 30 décembre 2004, complétée par le décret d’application du 4 mars
2005. Des pouvoirs de sanction administrative devraient lui être
prochainement attribués.
Un numéro Azur a été mis en place, se substituant au « 114 »
précédemment géré par le GIP GELD. Le site Internet est opérationnel
depuis le 29 septembre 2005.
La HALDE avait, au 15 septembre 2005, enregistré 728
réclamations dont environ 15 % étaient manifestement en dehors de son
champ de compétences. Pour le reste, la prévalence du caractère pénal des
infractions n’a pas été jusqu’à présent évidente : pour les 21 premiers
dossiers examinés, seul un cas paraissait avéré.
24) Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
47
Le volume des plaintes est réparti presque à égalité entre
discriminations provenant de l’action administrative et des pratiques du
secteur privé, notamment dans le secteur de l’emploi (48,4 %) et pour
l’accès aux biens et services publics (19,7 %) ; les motifs de
discrimination les plus souvent invoqués sont l’origine ethnique ou
raciale (35,7 %), la santé et le handicap (14,33 %). La HALDE a engagé
une réflexion sur l’action de promotion de l’égalité, qui pourrait combiner
les actions individuelles avec une intervention « collective » qu’elle n’a
pour l’instant pas déterminée.
La HALDE s’est surajoutée à un ensemble d’institutions
existantes. Dès lors, elle doit trouver sa place en collaborant avec de
nombreux partenaires, notamment avec le HCI, les services du ministère
de la justice, mais également le FASILD et le SDFE sur des thématiques
précises. En effet, le réseau des directeurs régionaux du FASILD subsiste
alors même que la Haute autorité «
peut disposer de délégués régionaux
qu’elle désigne
». De ce point de vue, les recommandations de la Cour
visant la rationalisation institutionnelle n’ont pas été suivies d’effet.
2 -
La nouvelle Agence nationale pour l’accueil des étrangers et
les migrations (ANAEM)
La Cour notait que la nouvelle agence devait s’affranchir de deux
handicaps qui affectaient l’OMI, à savoir une insuffisante capacité
d’initiative et une certaine dispersion de ses centres d’intérêt.
a)
La constitution de l’ANAEM a été retardée
Le conseil d’administration constitutif de l’ANAEM s’est réuni le
25 juillet 2005. Toutefois, l’OMI et le SSAE n’avaient pas encore
fusionné à cette date, même si la nouvelle agence disposait déjà d’un
logo, d’un site Internet et d’une plaquette de présentation.
Il était en effet prévu que le transfert de l’intégralité du personnel
du SSAE serait réalisé au 1
er
octobre 2005. L’élaboration et la signature
des contrats de droit public, autorisées par la publication du décret portant
statut des personnels du 29 juin 2005, étaient toutefois subordonnées à la
consultation de l’ensemble des agents concernés. Comme 120 salariés ont
fait connaître leur choix de ne pas rejoindre l’établissement, des
procédures de licenciement seront à la charge de l’ANAEM.
La convention de transfert des actifs du SSAE signée le 26 juillet a
pris effet au 1
er
octobre 2005. L’association, déchargée des seules
missions confiées par l’Etat depuis 1976, a revendiqué le maintien à son
profit d’une partie des réserves chiffrées à 3 M€, constituées au fil du
temps principalement par des subventions publiques ; elle en a obtenu le
tiers pour poursuivre une autre activité.
48
COUR DES COMPTES
Ces évènements ont compliqué la définition du maillage territorial,
ont retardé la mise en place du service public de l’accueil et auront un
impact financier sur les autres actions liées au service public de l’accueil,
notamment pour le suivi des contrats.
Par ailleurs, l’établissement a été doté d’un premier document
contractuel prospectif qui reste à développer sur 2007-2008. Les schémas
d’information et immobilier ne devraient être prêts qu’en cours
d’année 2006 : cela est dû au fait, en particulier, que le schéma
d’information devrait être commun à l’Agence et au FASILD.
b)
Le réseau des implantations et des plates-formes d’accueil n’est
pas stabilisé
L’ANAEM est conduite à reprendre le réseau du SSAE, dont
toutes les implantations ne correspondent plus aux besoins, alors que
certains contrats de travail du SSAE mentionnent expressément le lieu de
travail des agents. Il doit être rationalisé et rendu cohérent avec celui de
l’ancien OMI, ce qui sera peut-être facilité par le départ de nombreux
agents. Il apparaît cependant difficile de rapprocher les « cultures
professionnelles » des agents de l’établissement public et de ceux de
l’association, pour le moment très éloignées.
L’objectif de l’ANAEM est de disposer dans deux ans d’un site de
plein exercice dans chaque région. Des programmes immobiliers ont donc
été engagés en 2004 et 2005. L’Agence recherche désormais des surfaces
suffisantes pour loger les plates-formes à côté de ses sites.
L’ANAEM invoque l’importance que paraissent prendre les
retours au pays d’origine pour justifier que les représentations de l’OMI à
l’étranger soient conservées, alors que la Cour recommandait un
rapprochement du réseau consulaire.
3 -
Le positionnement du Fonds d’action et de soutien pour
l’intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD)
a)
L’ensemble des missions du FASILD a été confirmé
Alors que la Cour avait soulevé la question de l’avenir du FASILD
dans la perspective de la création de la HALDE, du renforcement de
l’OMI et de la réorganisation de l’administration territoriale, toutes les
missions prévues par la loi du 16 novembre 2001 ont été confortées par le
nouvel article L. 121-14 du code de l’action sociale et des familles inséré
par la loi de programmation pour la cohésion sociale : «
Le FASILD met
en oeuvre des actions visant à l’intégration des populations immigrées et
issues de l’immigration résidant en France et concourt à la lutte contre
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
49
les discriminations dont elles pourraient être victimes
.» A ce titre
«
il participe au service public de l’accueil assuré par l’ANAEM dans les
conditions prévues à l’article L. 341-9 du code du travail
». D’ailleurs, le
contrat d’objectifs et de moyens soutenant le programme stratégique de
l’établissement public devrait être signé à la fin de l’année 2005.
Le budget du FASILD a été abondé de 17 M€ en 2005 (20 M€
prévus par le plan de cohésion sociale) pour atteindre 181 M€.
L’abondement supplémentaire procuré à son budget à compter de 2006
serait de 6 M€ ; le plan de cohésion sociale chiffrait toutefois les besoins
à 32 M€ sur la période 2005-2006 (20 + 12).
b)
Ce choix laisse subsister des difficultés de fonctionnement
Ces difficultés résultent de la place croissante du financement du
CAI dans le budget du FASILD. Dans certaines directions régionales,
75 % des crédits sont réservés aux formations linguistiques des
signataires du CAI, ce qui limite d’autant les actions d’intégration et
suscite des protestations de la part de certains administrateurs des
commissions régionales pour l’intégration et la lutte contre les
discriminations (CRILD). Or les ajustements possibles ne sont plus
nombreux.
La priorité donnée aux primo-arrivants par rapport aux immigrés
en situation d’intégration et à ceux qui sont arrivés depuis de nombreuses
années semble d’ailleurs être toujours un sujet difficile pour le FASILD.
Cette préoccupation rejoint celle de la Cour, qui avait estimé que l’effort
devait également porter sur la population des immigrés déjà présents et
qui n’ont jamais pu bénéficier de mesures d’accueil et d’intégration.
Le FASILD et l’ANAEM semblent toutefois avoir établi des relations
pour faciliter la mise en oeuvre du CAI.
c)
Les difficultés d’articulation avec d’autres organismes peuvent
conduire à une réforme plus profonde
La première difficulté provient de la participation, maintenant
prévue par la loi, du FASILD au service public de l’accueil.
L’établissement, qui finance les formations linguistiques destinées aux
signataires du CAI gérées par l’ANAEM, dépend entièrement des
prévisions de flux de l’agence (ainsi que du nombre de réfugiés admis)
pour préparer la passation des marchés publics pluriannuels nécessaires.
50
COUR DES COMPTES
Or les retards constatés dans la généralisation du nouveau service
public retentissent sur la présence des bénéficiaires potentiels aux
formations : certaines ne peuvent être dispensées faute de stagiaires. Les
prestataires concernés, qui ne peuvent substituer au public prévu des
primo-arrivants
d’autres
populations
immigrées
ayant
besoin
de
formation, peuvent être mis en difficulté : dans ce cas, sauf pour les
ateliers des savoirs de base, l’accueil chasse l’intégration.
Il faut toutefois, selon la DPM, prendre acte du principe de
transfert de ses missions à l’ANAEM début 2006. De ce point de vue, le
projet de loi créant une agence nationale pour la cohésion sociale et
l’égalité des chances est de nature à faire subir à l’établissement
d’importantes évolutions.
Une autre difficulté tient à la place du FASILD aux côtés des
services de l’Etat au niveau local, dans les CRILD ainsi que dans les
instances de préparation des nouveaux PRIPI : sans doute, comme le
souligne l’établissement, l’extension des CRILD à l’ensemble du
territoire a-t-elle facilité la coordination pour l’élaboration des plans
départementaux d’accueil et au sein des commissions pour la promotion
de l’égalité des chances et la citoyenneté (COPEC) qui ont pris la suite
des commissions départementales d’accès à la citoyenneté (CODAC)
avec
un
champ
d’intervention
étendu
à
toutes
les
formes
de
discriminations. Il reste que la question des cofinancements, que veut
désormais éviter le FASILD en raison des contraintes de son budget, n’est
pas réglée, non plus que celle de l’association de l’établissement au
traitement de certains thèmes retenus par les préfectures de région, sur
lesquels il revendique le statut d’expert.
Il convient également que l’établissement précise ses relations avec
la HALDE. Présent sur le terrain, il devrait lui faire remonter des
informations sur les discriminations résultant de processus institutionnels
et sur les bonnes pratiques recensées ; inversement, la HALDE mettrait à
sa disposition son futur centre de ressources et « labelliserait » les bonnes
pratiques à diffuser. Le FASILD conserverait le financement des
associations, les programmes territoriaux liés aux projets européens
EQUAL ESPERE et LATITUDE que pilote désormais la DGEFP, ainsi
que les projets de sensibilisation cofinancés par le secteur privé. La
conférence pour l’égalité des chances paraît être également l’occasion
pour lui de rebâtir, avec l’accord de la HALDE, des actions de prévention
des mécanismes de contournement de l’égalité.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
51
4 -
Des incertitudes sur l’organisation territoriale
La Cour avait achevé ses recommandations en analysant
l’organisation territoriale, estimant qu’une plus grande cohérence devait
s’imposer et que les préfets devaient être invités à reprendre la main sur le
sujet de l’immigration. Le remodelage de l’organisation et de l’action
territoriales des services de l’Etat intervenu en 2004, qui affirme et
renforce le niveau régional, n’a pas remis en cause les administrations de
proximité au niveau du département. L’immigration n’apparaît pas dans
les « pôles régionaux » prévus par le décret du 5 octobre 2004 ; elle est
prise en charge par les secrétaires généraux pour les affaires régionales en
vertu de la circulaire du 19 octobre 2004. On notera que le FASILD est
rattaché au pôle « santé et cohésion sociale » comme établissement public
invité à participer aux travaux, alors que l’ANAEM n’est pas citée.
La création de centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA)
sur l’ensemble du territoire n’a pu être menée à bien que par des relations
plus étroites entre les associations et les préfets. De même, bien qu’il ne
soit pas question de créer des plates-formes d’accueil dans tous les
départements, préfets et DDASS ont dû intervenir dans chacun d’eux. A
cet égard, les plans départementaux d’accueil redeviennent d’actualité.
Les DRASS et les DDASS sont fortement mobilisées sur la mise
au point de ces plans qui pourraient enfin voir le jour, ce qui serait
d’autant plus utile qu’elles sont au coeur des partenariats, ainsi que sur
celle des nouveaux PRIPI que les préfets ont la charge d’élaborer. Ceux-
ci y voient des instruments de programmation dotés d’indicateurs de
résultats. La difficulté provient du fait qu’ils ne disposent pas de crédits
spécifiques, ceux-ci ayant été attribués au FASILD.
Les préfets, accaparés jusqu’à présent par l’ampleur des problèmes
de l’entrée et du séjour au détriment des actions d’intégration, paraissent
aujourd’hui mieux prendre en compte cette dernière préoccupation.
٭٭٭
L’inventaire des actions engagées au cours de la période récente,
même s’il peut paraître disparate, permet de constater de nombreuses
avancées.
Il s’agit notamment de la mise en application, dans des délais
relativement brefs, des dispositions législatives de 2003 : le nouveau
régime de l’entrée et du séjour et la réduction des délais d’instruction des
demandes d’asile sont d’ores et déjà entrés dans les faits. Les contrôles
tendent à devenir plus efficaces par la mise en place de nouvelles
52
COUR DES COMPTES
procédures et dispositifs techniques. Des mesures, notamment en matière
de police, sont déjà intervenues dans la lutte contre l’immigration
irrégulière, dont plusieurs dispositions exigeront un effort soutenu. De
même, le développement de la capacité des CADA peut être constaté.
En matière d’accueil, même si l’ANAEM n’assume pas encore la
totalité de sa nouvelle mission, la généralisation du contrat d’accueil et
d’intégration est acquise et la mise en place du réseau de plates-formes
d’accueil bien engagée.
La lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité des
chances font l’objet d’une attention marquée, notamment la première,
avec la mise en place en quelques mois de la Haute autorité.
Enfin, par les travaux et réflexions du HCI ou de groupes plus
spécialisés, les questions d’accueil et d’intégration, présentes dans
plusieurs textes comme la loi de programmation pour la cohésion sociale,
ont été au coeur du débat public.
Ce bilan ne peut toutefois dissimuler les difficultés structurelles,
qui ne pouvaient certes être résolues un an seulement après le constat
opéré par la Cour, mais pour lesquelles des perspectives de prise en
compte n’apparaissent guère aujourd’hui, d’autant que l’organisation du
pilotage et de la mise en oeuvre des ces politiques n’a pas été simplifiée.
La Cour note à ce sujet que le projet de loi sur l’égalité des chances
prévoit une nouvelle modification du dispositif institutionnel alors que les
avancées constatées connaissent de sérieuses limites et que les
évènements de novembre 2005 soulignent l’urgence en la matière.
La priorité donnée à la maîtrise des flux migratoires et à l’accueil
des nouveaux arrivants fait passer au second plan la question de
l’intégration qui n’est de ce fait pas réellement traitée pour les
populations déjà installées. Les écarts restent préoccupants entre les
besoins et les moyens mis en oeuvre en matière de scolarisation et
d’apprentissage de la langue, de logement et d’emploi. Les mesures de
droit commun ne suffisent pas à résoudre les difficultés spécifiques de
certaines catégories de populations d’immigrants.
Au-delà de la généralisation du CAI, la réflexion n’a pas été
suffisamment engagée sur la réalité des besoins des nouveaux immigrants
tels qu’ils peuvent être constatés à cette occasion. C’est pourtant à partir
de là que l’adaptation des dispositifs devrait être affinée.
C’est pourquoi la Cour renouvelle sur ces différents points ses
recommandations, dont elle ne manquera pas de suivre la prise en
compte.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
53
RÉPONSE DU
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
L'insertion au rapport public annuel 2005 sur « L’accueil des
immigrants et l’intégration des populations issues de l’immigration » appelle
de la part du ministère des affaires étrangères les observations suivantes.
Sur l’asile (mise en oeuvre de la réforme, raccourcissement des délais)
Après l’adoption de la loi du 10 décembre 2003 et la publication des
décrets du 14 août 2004 réformant le droit d’asile, les premiers résultats
obtenus sont satisfaisants, comme le souligne la Cour des comptes.
La demande d’asile globale a diminué en France en 2004 de près
d’un tiers par rapport à 2003 (65 600 demandes contre 90 000, incluant
l’asile territorial). Avec un total de 45 476 demandes sur les neuf premiers
mois de 2005, elle a diminué de 7,3 % par rapport à la même période de
2004.
Les délais imposés à l’office français de protection des réfugiés et
apatrides (OFPRA) pour le traitement des procédures prioritaires sont
globalement respectés.
Ces délais réglementaires sont de 15 jours pour les
demandeurs d’asile laissés libres et 4 jours pour les demandeurs placés en
rétention administrative.
Le principe de généralisation de l’audition des demandeurs d’asile a
été acté. Le taux de convocation qui avait atteint 73 % en 2004, est de 81 %
pour les neuf premiers mois de 2005.
A l’OFPRA, le nombre de dossiers en instance en 2005 correspond
désormais à environ 2 mois d’activité ; il correspondait à 4 mois d’activité à
la fin 2003.
A la commission des recours des réfugiés, le recrutement de 125
agents contractuels supplémentaires a permis d’apurer le stock des recours
en instance. Le nombre des dossiers en instance devrait correspondre à
4 mois d’activité à la fin de l’année 2005.
Sur la liste des pays d’origine sûrs
La liste de 12 pays d’origine sûrs adoptée par le conseil
d’administration de l’OFPRA comprend, en Afrique, le Bénin, le Cap Vert, le
Ghana, le Mali, la République de Maurice et le Sénégal ; en Asie, l’Inde et la
Mongolie et, en Europe, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Géorgie et
l’Ukraine.
Elle permet de mettre en oeuvre la procédure prioritaire de traitement
des demandes d’asile pour les ressortissants de ces pays.
54
COUR DES COMPTES
Comme pour tout autre demande traitée en procédure prioritaire, le
dossier des ressortissants de ces pays est examiné de manière individuelle
sur le fond et le demandeur est auditionné s’il remplit les conditions de la loi
à cet égard. Les garanties fondamentales du droit d’asile sont donc
entièrement préservées.
L’une des conséquences du traitement du dossier en procédure
prioritaire étant l’absence de délivrance d’un titre provisoire de séjour, les
demandes d’asile des ressortissants de ces pays ont diminué de 51,4% en
moyenne depuis juin 2005. La baisse est particulièrement forte s’agissant des
demandeurs ukrainiens (-76,1%), mongols (-70,8%), bosniens (-70,1%) et
indiens (-62,7%). Les données concernant les autres pays portent sur des
chiffres trop peu élevés pour avoir une valeur significative.
Sur les laissez-passer consulaires (LPC)
Conformément aux décisions rendues par le comité interministériel de
contrôle de l’immigration (CICI) lors de sa réunion du 27 juillet 2005, le
ministère des affaires étrangères a entamé une série d’actions destinées à
améliorer les taux de délivrance de laissez-passer consulaires (LPC),
indispensables à l’éloignement d’étrangers en situation irrégulière démunis
de documents d’identité.
La coopération insuffisante dont font preuve certaines représentations
étrangères en France à cet égard a conduit les autorités françaises à
effectuer plusieurs types de démarches auprès des autorités des douze pays
concernés.
Le ministre des affaires étrangères a adressé des lettres à ses
homologues des pays concernés afin de souligner la nécessité d’améliorer le
taux de délivrance des LPC.
Ces courriers indiquaient qu’en l’absence de
résultats concrets constatés à la fin de l’année 2005, les autorités françaises
donneraient instruction à leurs représentations diplomatiques ou consulaires
dans ces pays de prendre des mesures restrictives en matière de délivrance
de visas, quels que soient le type de passeports ou la qualité des demandeurs.
Le ministère des affaires étrangères et le ministère de l’intérieur ont
parallèlement
organisé des réunions de travail avec les représentations des
pays concernés, en vue d’explorer diverses
pistes pour améliorer le taux de
délivrance des LPC.
Sur la biométrie
La liste des trente postes consulaires dans lesquels l’expérimentation
BIODEV doit être étendue d’ici la fin de l’années 2006 a été arrêtée, à la
suite du CICI du 27 juillet 2005, comme suit : Agadir, Alger, Ankara,
Amman, Bombay, Brazzaville, Casablanca, Chisinau, Cotonou, Dakar,
Damas, Douala, Fès, Islamabad, Istanbul, Lagos, Le Caire, Lomé,
Marrakech, Moroni, Niamey, Nouakchott, Ouagadougou, Rabat, Saint Louis,
Tanger, Tbilissi, Tripoli, Tunis, Yaoundé.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
55
Cette extension s’inscrit dans la perspective de la généralisation de la
biométrie à l’ensemble des postes consulaires des partenaires « Schengen »,
en 2007 ou 2008, avec le Visa Information System européen.
A ce jour aucun financement n’a pu être dégagé au sein du budget du
ministère des affaires étrangères, ni dans la loi de finances 2005, ni dans le
projet de loi de finances initiale pour 2006, ni dans le projet de loi de
finances rectificative pour 2005. Le MAE a présenté le 29 septembre dernier
à la direction du budget un plan d’équipement biométrique répondant à la
décision du CICI du 27 juillet, d’un montant de 145 millions € sur trois ans.
A défaut de financement, qui n’interviendra en toute hypothèse que
tardivement, le début de l’extension de la biométrie à ces trente postes ne
pourra pas commencer avant 2006.
Sur les étudiants étrangers et les centres pour les études en France (CEF)
La Cour note qu’aucun bilan n’a encore été fait de l’expérience des
centres pour les études en France. Il est certain qu’il n’était pas possible de
tirer des enseignements définitifs avant la fin de la campagne d’inscription
universitaire.
Toutefois :
−
le ministère dispose des analyses du service de coopération et d’action
culturelle à Pékin, où le CEF et son prédécesseur, le CELA, ont
permis d’accueillir les étudiants dans de bien meilleures conditions,
tout en rendant le contrôle des dossiers nettement plus effectif. C’est
d’ailleurs sur la base de ces résultats positifs, salués par la Cour, que
l’extension de ce dispositif a été décidée ;
−
il est d’ores et déjà possible d’estimer que les cinq nouveaux centres
pour les études en France
25
, ont permis de dissuader les candidatures
les plus médiocres. En effet, le nombre de demandes de visa pour
études a chuté de manière notable, tandis que le taux d’acceptation
des demandes a crû. Les centres ont par ailleurs été bien acceptés par
les étudiants, et le paiement de droits d’inscription n’a pas soulevé de
protestations. Ceux-ci ne représentent en effet qu’une très faible part
des ressources dont les candidats doivent justifier pour obtenir leur
visa. Par ailleurs, les boursiers en sont dispensés ;
−
en outre, le paiement réclamé aux étudiants est la contrepartie d’un
véritable service. Les candidats ont très largement utilisé la possibilité
qui leur est offerte de poser des questions en ligne sur tous les sujets
touchant aux études en France et à l’obtention du visa. Le lien
électronique qui sera très prochainement mis en place avec les
établissements d’enseignement supérieur volontaires améliorera
également de manière substantielle les démarches que doivent
effectuer les étudiants, en leur permettant de s’inscrire en ligne ;
25) en Algérie, au Maroc, en Tunisie, au Sénégal et au Vietnam.
56
COUR DES COMPTES
−
enfin, les CEF seront l’instrument adéquat pour évaluer les dossiers
des candidats à des études en France à l’aune des critères de
délivrance du visa pour études qui seront prochainement précisés par
la circulaire, qui, à l’instigation du comité interministériel de contrôle
de l’immigration (CICI), a été élaborée en commun par le ministère
des affaires étrangères et le ministère de l’éducation nationale ;
−
les ambassades concernées se verront avant la fin de l’année réclamer
un bilan détaillé du fonctionnement de leur centre.
La Cour note par ailleurs que les centres fonctionnent essentiellement
avec les services d’une société privée choisie sans appel d’offres.
Il convient sur ce point de rappeler que les CEF sont placés sous le
contrôle de l’ambassade, et plus particulièrement du conseiller de
coopération et d’action culturelle. Leur budget constitue un service spécial
au sein de celui d’un établissement à autonomie financière, l’Institut
français,
ce
qui
permet
de
connaître
avec
précision
leur
degré
d’autofinancement.
Le prestataire informatique a été choisi par les établissements à
autonomie financière, dans le cadre du droit qui leur est applicable, afin de
répondre dans l’urgence à la commande du séminaire intergouvernemental
pour l’attractivité de la France du 7 février 2005.
Le ministère des affaires étrangères passera un appel d’offres au
début du printemps 2006, afin de désigner le prestataire qui installera et
assurera la maintenance du système informatique de l’ensemble des CEF, les
six existants et les quatorze qui à la demande du CICI seront prochainement
créés. Le ministère travaille actuellement avec un prestataire, lui-même
désigné par appel d’offres, qui l’assiste dans la préparation de ce marché.
Sur la situation des femmes de l’immigration (droits civiques)
Le ministère des affaires étrangères, notamment lors de sa
participation au groupe de travail "femmes de l'immigration", a soutenu les
propositions mentionnées par la Cour :
−
centralisation du contentieux des mariages au Parquet de Nantes
(effective depuis le 1er mars 2005) ;
−
harmonisation de l'âge légal du mariage à 18 ans pour les hommes et
les femmes ;
−
création d'un délit de contrainte au mariage, pour les mariages forcés
(projet de révision du code pénal).
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
57
S'agissant de la recommandation de la Cour de dénoncer les
conventions qui méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité entre les
hommes et les femmes, il apparaît que la renégociation de conventions
bilatérales relève désormais de la compétence de la Commission depuis la
communautarisation de la coopération judiciaire en matière civile et
commerciale et l'adoption des règlements Bruxelles II et Bruxelles II bis en
matière matrimoniale et de responsabilité parentale.
Cependant la jurisprudence a évolué avec les arrêts de la Cour de
cassation de février 2004 confirmant que le principe d'égalité des époux (art.
5 du 7ème protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de
l'Homme) est une composante de l'ordre public international français et
prime donc sur les éventuelles conséquences de la mise en oeuvre de
dispositions de conventions bilatérales (répudiation notamment).
Sur les mineurs isolés
La part des mineurs isolés dans la demande d’asile n’avait cessé de
croître, passant de 845 demandes enregistrées en 2002 à 949 en 2003 et
1221 en 2004.
Cette hausse est enrayée puisque ces demandes ont chuté de
40,3% depuis le début de l’année 2005. Il est possible d’y voir les effets de
l’obligation faite aux mineurs qui souhaitent déposer une demande d’asile de
se présenter en premier lieu en préfecture afin qu’un administrateur ad hoc
soit désigné.
La circulaire du ministre de l’intérieur appelant à une interprétation
au cas par cas de la loi du 23 novembre 2003, en ce qui concerne l’accès à la
nationalité française au moment de la majorité, peut également avoir eu pour
effet de contenir les demandes d’asile de mineurs.
Sur le comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI)
Le ministère des affaires étrangères se félicite de l’instauration en mai
2005 du CICI, en raison du rôle de coordination efficace qu’il joue dans tous
les volets de la maîtrise des flux migratoires.
Ce ministère a marqué sa disponibilité à pleinement collaborer avec
le Secrétariat général du CICI en nommant dans un très court délai un
ambassadeur, M. Hubert de la Fortelle, pour seconder son secrétaire
général, M. Patrick Stéfanini.
58
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DE L'EMPLOI, DE LA COHÉSION SOCIALE
ET DU LOGEMENT
L'aide au retour des déboutés de la demande d'asile
Il est indiqué que cette décision du Comité interministériel de contrôle
de l’immigration CICI date du 27 juillet, alors que la DPM s’est consacrée à
ce dossier depuis le début de l'année 2005 et a inscrit à ce titre 5 M d'euros
en PLFI pour 2006 au programme "accueil des étrangers et intégration".
La base légale du contrat d’accueil et d’intégration - CAI
Concernant la base légale du contrat d’accueil et d’intégration, la
Cour note que le décret en Conseil d'Etat prévu par la loi de programmation
pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 et "attendu pour préciser son
contenu" n'est
toujours pas publié. Le décret en Conseil d'Etat prévu par
l'article 146 de la loi précitée pour application de l'article L 117-1 du code
de l’action sociale et des familles et qui doit fixer les conditions d'application
du présent article a été préparé et est en cours d’examen au Conseil d’Etat.
Il détermine les catégories d'étrangers bénéficiaires du contrat d'accueil et
d'intégration, la durée du contrat et ses conditions de renouvellement, les
actions prévues au contrat et les conditions de suivi et de validation de ces
actions, dont la reconnaissance de l'acquisition d'un niveau satisfaisant de
maîtrise de la langue française. L'article 152 II de la loi PCS prévoit que ces
dispositions
entrent en vigueur le premier janvier 2006. Il n'y a donc pas
encore de retard.
Par ailleurs, dans l'attente de la parution du décret, le contrat
d'accueil et d'intégration fonctionne toujours, fut-ce sous son mode
expérimental.
L'actualisation des missions du FASILD
Après que la loi de programmation pour la cohésion sociale ait
confirmé le FASILD dans sa nature et posé le principe de sa participation au
service public de l’accueil assuré par l’ANAEM, l'année 2005 a vu mettre en
place les éléments nécessaires à une éventuelle évolution : le ministère a
nommé une nouvelle équipe dirigeante au mois d'octobre et un nouveau
conseil d'administration a pris ses fonctions. Le principe d’un transfert à
l’ANAEM des missions assurées par le FASILD au titre de la politique de
l’accueil (financement et organisation des formations associées à la
signature du contrat d’accueil et d’intégration) est d’ores et déjà acté. Les
conditions et modalités de mise en oeuvre de ce transfert seront examinées
dès le début de 2006. Par ailleurs, un contrat d'objectifs et de moyens
triennal sera signé en début d'année prochaine entre l'établissement et le
ministère.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
59
En ce qui concerne le HCI, l'observatoire des statistiques de
l'immigration et de l'intégration a été installé en juillet 2004 et a rendu son
rapport sur les données 2004 le 24 novembre 2005.
La généralisation du contrat d’accueil et d’intégration- CAI
La Cour indique que "l'ANAEM a donné une priorité absolue à la
généralisation du CAI et a apparemment renoncé à d'autres réformes
pourtant décisives, telles l'introduction du système des référents, l'évaluation
des prestations ou l'élaboration de parcours d'intégration."
Cette analyse mérite d'être nuancée. Elle repose en effet sur les
observations de la Cour lors de son rapport final et ne tient pas compte de
deux faits : l'article 143 de la loi de programmation pour la cohésion sociale
du 18 janvier 2005 (article L.341-9, b) du code du travail) qui précise les
missions assignées à l’ANAEM, ne lui attribue pas une compétence générale
dans le champ de l’intégration, qui la rendrait légitime à élaborer des
« parcours d’intégration ». En revanche, les modalités de suivi individualisé
de chaque signataire du CAI sont précisées dans le décret d’application de la
loi de programmation pour la cohésion sociale. Il importe toutefois de
signaler que la mise en oeuvre de ces dispositions (et notamment du suivi de
90.000 signataires du CAI) supposera la mobilisation d’importants moyens
supplémentaires.
La Cour ajoute que "la future éventuelle remise d'un diplôme aux
signataires du CAI n'entre pas dans le cadre de ses préoccupations"
.
Dès
l’année prochaine, les compétences linguistiques acquises dans le cadre des
formations linguistiques prescrites au titre du CAI seront validées par le
diplôme initial en langue française créé, à l’initiative de la DPM et de la
DGLFLF, par le ministère de l’éducation nationale. Les conditions de
délivrance de ce diplôme seront précisées par un décret de ce même
ministère.
Les difficultés des modes de garde d'enfant
Une des difficultés des modes de garde d’enfant est liée, concernant la
formation linguistique, au fait que "contrairement à la formation civique et à
la formation "Vivre en France", (elle) n'a pas lieu immédiatement après la
signature du CAI mais ultérieurement". Cette difficulté effective est liée à
deux facteurs :
- d'une part, la formation linguistique nécessite l'organisation de
groupes homogènes et suffisants de bénéficiaires, ce qui peut
nécessiter un peu de temps, l'hypothèse n'étant pas, pour des raisons
de coût mais aussi pédagogiques, d'organiser des formations
individuelles ;
- d'autre part, la formation se déroule sur une longue durée (en moyenne
380 heures par personne), soit souvent sur plus d’une année compte
tenu du rythme hebdomadaire.
60
COUR DES COMPTES
La lutte contre l’immigration clandestine
La Cour se félicite des mesures prises dans le cadre de la lutte contre
l'immigration clandestine et en infère que ces dispositions permettraient, si le
gouvernement
le
souhaitait,
la
réalisation
d'un
réseau
unique
de
fonctionnaires chargés de l'immigration.
La question se pose de savoir si les difficultés rencontrées sont telles
qu'il faille spécialiser des réseaux actuellement constitués en compétences
par métiers (séjour, prise en charge sociale, défense des droits…) en réseau
par population.
Autre forme d’immigration irrégulière
Selon la Cour « Une autre forme d’immigration irrégulière se
constitue également dès lors que les étudiants étrangers cherchent, sous
couvert de leurs études, à bénéficier d’une immigration économique et à se
maintenir sur le territoire »
La politique conduite actuellement par le gouvernement vise à être
davantage attractive pour des étudiants étrangers à haut potentiel. La DPM
prépare des mesures visant à faciliter l'accès au marché du travail de ces
étudiants (du niveau du master et se voyant proposer un contrat de travail
assorti d'une rémunération mensuelle brute d'au moins 2500 euros).
Lutte contre le travail illégal
En matière d’emploi illégal de travailleur étranger, la direction de la
population et des migrations a diffusé une circulaire interministérielle datée
du 9 décembre 2005 demandant à toutes les administrations concernées
d’assurer un traitement plus rapide et un meilleur recouvrement de la
contribution spéciale. Par ailleurs, le ministère de l’intérieur et de
l’aménagement du territoire finalise la préparation d’un décret
permettant
de demander aux employeurs de payer une contribution forfaitaire
représentative des frais de ré acheminement dans son pays de l’étranger sans
titre de séjour et de travail.
"Emploi des immigrants"
Sur les chiffres, la part de l'immigration de travail est de 5% sur
l'ensemble des flux migratoires pour les pays tiers, de 20% si les chiffres
intègrent les ressortissants de l'Espace Economique Européen.
La Cour ne mentionne pas le rôle de la direction des populations et
des migrations (DPM) sur les différentes actions alors qu'elle est à
l’initiative de certaines d'entre elles : c'est principalement à la demande de la
DPM que s'est réuni, au sein du commissariat général au Plan, un groupe de
travail, dénommé Kazan, qui a engagé une réflexion prospective sur les
conséquences du vieillissement de la population sur les politiques d'emploi,
de formation professionnelle et de migrations de travail. La DPM a participé
aux réunions de ce groupe mais aussi à son pilotage.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
61
La DPM s'appuie, pour faire des propositions d'évolution des
politiques publiques, sur des études conduites par des organismes
spécialisés. C'est ainsi qu'en 2005, ont été conduites deux études portant
respectivement sur l'accès des étudiants étrangers au marché du travail et
sur les prestataires de services internationaux. Une étude portant sur le
statut des salariés détachés en France dans la filiale d'un groupe enrichira la
réflexion de la DPM sur les inflexions à apporter à la réglementation pour
l'adapter à cette forme de mobilité internationale qui se développe
rapidement. La DPM a initié et conduit à titre de maîtrise d'ouvrage
l'informatisation des services de main d'oeuvre étrangère.
Pour ce qui concerne les flux de travailleurs en provenance d'Europe
de l'Est, la DPM a assuré l'animation d'un groupe de travail franco-polonais
dont les conclusions contribueront à enrichir les réflexions préalables à la
décision qui devra être prise, avant le 1
er
mai 2006, de reconduire la
première phase de la période transitoire pour huit des dix pays ayant rejoint
l'Union européenne en 2004
Les foyers de travailleurs migrants
Il existait environ 680 FTM au lancement du plan de traitement. A ce
jour, sur les 325 FTM inscrits au plan de traitement, 155 ont vu leur dossier
validé en CILPI. Cependant, sur ces 155, une trentaine de foyers n’a pas
encore été réhabilitée, compte tenu des délais nécessaires au déménagement
des
résidents,
à
l’élaboration
du
calendrier de
reconstruction
ou
réhabilitation et aux délais inhérents aux travaux même. Sur les 350 autres
foyers, une trentaine a bénéficié d’un conventionnement sans travaux,
devenant Résidence Sociale.
Allocation d’insertion
Selon la Cour « La loi de finances initiale pour 2006 procède en ce
sens à la réforme de l’allocation d’insertion dénommée allocation
temporaire d’attente, et alignée sur la durée effective de l’instruction de la
demande. »
Il s’agit de l'article 88 de ladite loi de finances, qui procède à la
réforme de l’allocation d’insertion, rebaptisée « allocation temporaire
d’attente » (ATA). Ses conditions et modalités de versement sont précisées.
S’agissant des allocataires demandeurs d’asile, la durée de service de l’ATA,
versée à terme échu, est désormais alignée sur la durée effective de la
procédure d’instruction de la demande d’asile, recours inclus. En outre,
l’allocation n’est pas versée aux demandeurs d’asile pris en charge dans un
centre d’hébergement, ni à ceux qui auront refusé une telle offre. Cette
réforme doit permettre d’améliorer l’efficacité de la gestion de l’allocation,
qui bénéficie majoritairement aux demandeurs d’asile, tout en maîtrisant
l’évolution des crédits publics alloués à son financement
.
62
COUR DES COMPTES
La situation des femmes de l’immigration
La proposition de loi sénatoriale renforçant la prévention et la
répression de la violence au sein du couple a fait l’objet d’une première
lecture et sera présentée au Sénat en 2
ème
lecture en janvier 2006 : elle
prévoit notamment d’élever l’âge nubile de 15 à 18 ans pour les femmes et
d’autres mesures d’ordre procédural pour lutter contre les mariages forcés
et amélioration la répression des mutilations sexuelles féminines.
L'aide au retour
La Cour indique que le nombre de bénéficiaires est selon le ministère
insignifiant puisqu'il ne concernerait qu'une centaine de personnes par an.
Cette indication mérite d'être nuancée par les informations suivantes.
En 2004, l’OMI a mis en oeuvre 4 principaux dispositifs d’aide au retour
volontaire en direction des étrangers qui souhaitent définitivement regagner
leur pays d’origine :
1-Programme d’aide à la réinsertion des étrangers invités à quitter le
territoire français mis en place concernait 729 personnes en 1991 et 947 en
2003 ;
2-Rapatriement humanitaire : 477 personnes ont bénéficié de cette
procédure en 2004 ; elles étaient 696 en 2003.
Par ailleurs, dans le cadre de la coopération entre les gouvernements
français et roumain en vue de la protection des mineurs roumains en
difficulté sur le territoire français, de leur retour dans leur pays d'origine et
de la lutte contre les réseaux d'exploitation, l’OMI a organisé le départ et
l’accompagnement de 9 mineurs qui ont été confiés, par ses soins, à leur
arrivée à Bucarest, à l’autorité nationale roumaine pour la protection des
droits de l’enfant.
De même, 11 personnes ont bénéficié en 2004 du programme
d’accueil d’urgence des victimes bulgares des réseaux de prostitution et de
traite des êtres humains ;
3-Dispositif d’aide à la réinsertion dans leur pays d’origine des
étrangers en situation régulière : 8 personnes en 2004, 14 en 2003 ;
4-Programmes d’aide à la réinsertion dans les pays d’origine :
le programme de développement local migration au Mali intégré dans
le programme de co-développement: suivi et appui technique en France
avant le départ et pendant une année dans le pays ainsi qu’une aide au
démarrage pouvant aller jusqu’à 7000 euros pour 125 projets économiques
en 2004 (92 en 2003) ;
−
un programme de co-développement au Sénégal proposant les
mêmes aides techniques et financières qu’au Mali démarre en
octobre 2005 ;
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
63
−
le
programme
de
co-développement
-
migration
pour
la
Roumanie :11
projets
économiques
essentiellement
dans
le
commerce et l’élevage ont bénéficié d’un financement ;
−
le programme d’aide à la réinsertion des ressortissants moldaves
déboutés de l’asile ou dont le séjour a été refusé par les autorités
françaises, programme co-financé par le Fonds européen pour les
réfugiés : 70 migrants ont bénéficié d’un accompagnement social et
27 projets de création d’activité économique ont été financés (11 en
2003).
Par ailleurs un programme ambitieux d'aide au retour des familles de
déboutés est en cours d'expérimentation.
L'organisation administrative
La Cour estime que les évolutions concernant l'organisation
administrative ont affaibli la position de la Direction de la population et des
migrations en ce que d’une part, le rapprochement préconisé avec la DIV n'a
pas été fait, et d’autre part le CICI s’est pour l’instant substitué au CII,
notamment par la prise de décisions concernant l'intégration et l’institution
d’un secrétariat général permanent affaiblissant de fait la vocation
interministérielle de la DPM.
Sur ce point, il convient de confirmer que le CICI n’a pas vocation à
traiter des questions d’intégration.
C’est la raison pour laquelle le Cabinet du Premier ministre a validé
le principe de la tenue en janvier d’un prochain comité interministériel à
l’intégration, dont le programme est en cours de finalisation.
La prise en compte des spécificités au sein de l’Union européenne
Concernant le livre vert de la Commission européenne, il faut préciser
que la réponse adressée à la Commission en octobre 2005 est le résultat d'un
travail interministériel conduit sous l'égide du SGAE et reprend les
propositions faites initialement par la DPM.
La DPM a porté la position du ministère qui a consisté à faire évoluer
le projet vers, notamment, la nécessaire prise en compte des spécificités de
chaque pays de l'Union européenne et la mobilisation des ressources
humaines disponibles dans chaque pays de l'UE, ainsi que la priorité à
accorder à l'intégration des migrants et au développement des pays d'origine.
64
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE, DE
L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE
La Cour observe que la loi d’orientation et de programme pour
l’avenir de l’école du 23 avril 2005 comporte des dispositions en faveur des
élèves non francophones nouvellement arrivés en France, mais que ces
mesures ne pourront être mises en place que progressivement. Elle considère
ainsi que «la question de l’intérêt de mesures spécifiques
n’a été que
partiellement tranchée, sauf à considérer qu’elles n’interviennent qu’en tout
début de cursus scolaire».
Après un examen attentif de l’insertion, le ministère de l’éducation
nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche tient à apporter les
précisions suivantes concernant
le dispositif d’accueil des élèves non
francophones.
On
appelle
«nouvel
arrivant
non
francophone» tout
élève
nouvellement arrivé en France (depuis moins d’un an) dont la maîtrise de la
langue française ou des apprentissages scolaires est insuffisante et qui de ce
fait ne peut pas intégrer immédiatement une classe du cursus ordinaire.
L’obligation d’accueil dans les établissements scolaires s’applique à
tous et en particulier aux élèves nouvellement arrivés en France. Ces élèves,
qui arrivent tout au long de l’année, sont scolarisés en partie ou entièrement
dans des dispositifs particuliers. L’objectif recherché est de favoriser une
insertion progressive et rapide dans une classe ordinaire.
Durant l’année scolaire 2004-2005, 40.000 nouveaux arrivants non
francophones ont été accueillis dans les premier et second degrés en France
métropolitaine et dans les DOM : 19.400 dans une école primaire, 17.800
dans un collège, et 2.800 dans un lycée dont une majorité (58%) dans un
lycée professionnel. Durant l’année scolaire 2000-2001, le nombre d’élèves
ainsi accueillis s’élevait à 27.000 (13.000 dans le premier degré et 14.000
dans le second degré).
S’y ajoutent environ 2.000 jeunes de plus de 16 ans qui, ne relevant
plus de l’obligation scolaire, ont bénéficié d’actions spécifiques de formation
dispensées par la Mission Générales à l’Insertion de l’Éducation nationale
(MGIEN) ou par les groupements d’établissements pour la formation
continue (GRETA).
Les élèves nouveaux arrivants non francophones représentent 0,5 %
des écoliers du primaire et 0,4 % des collégiens et lycéens de France
métropolitaine et des DOM. Du fait des courants migratoires, les disparités
entre académies sont importantes : 0,1% des élèves du premier degré de
l’académie de Lille sont non francophones, contre 1% pour celle de Corse et
5% en Guyane. De même, seuls 0,1% des collégiens ou lycéens de
l’académie de Nantes sont non francophones, contre 1,4% pour l’académie
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
65
de Paris et 2,2% en Guyane. Au total, plus du quart des nouveaux arrivants
non francophones habitent en région parisienne (académies de Paris, Créteil
et Versailles).
Globalement, en 2004-2005, 82 % des élèves nouveaux arrivants non
francophones bénéficient, dès leur arrivée, d’une scolarité dans des classes
spécifiques ou d’un soutien ponctuel, 18% en bénéficiant ultérieurement.
Dans les écoles primaires,
74 % des élèves non francophones sont
concernés. Les classes d’initiation (CLIN) scolarisent les enfants qui ont le
plus besoin de soutien pour une durée en principe limitée à un an alors
qu’avec les cours de rattrapage intégré (CRI), les nouveaux arrivants sont
intégrés dans les classes ordinaires et regroupés quelques heures par
semaine pour une remise à niveau linguistique.
Enfin, pour des motifs tenant à la localisation (en milieu rural
notamment) ou à l’insuffisance des effectifs, certains départements ont
développé des dispositifs supplémentaires plus souples, en fonction des
besoins : des enseignants spécialisés partagent leur service entre plusieurs
établissements et apportent un soutien de quelques heures par semaine aux
élèves non francophones qui y sont scolarisés dans des classes ordinaires.
Dans les collèges et lycées,
les dispositifs sont similaires : classes
d’accueil (CLA), modules d’accueil temporaire (MAT) ou cursus ordinaire
avec soutien. Ensemble, ces dispositifs accueillent 87 % des élèves non
francophones.
Les dispositifs d’accueil ont été mis en place de manière très inégale
par les académies : six académies y scolarisent moins de deux tiers de leurs
élèves non francophones dès leur arrivée (Martinique, Lille, Poitiers,
Rennes, Nancy- Metz, Nantes, Caen), et trois académies plus de 90 %
(Rouen, Créteil, Dijon, Versailles, Guyane), voire 100 % pour l’académie de
Paris.
66
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU HAUT CONSEIL Á L’INTÉGRATION
1 – Observations relatives au point I de l’insertion : les nouvelles politiques
de l’immigration et de l’intégration :
Le Haut Conseil souhaite préciser que la décision prise, à l’occasion
du Comité interministériel à l’intégration du 19 avril 2003, de créer
un
service public de l’accueil des immigrés
entrant durablement sur notre
territoire a été mis en place dans de très brefs délais avec la création de
l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM),
rassemblant les moyens humains et matériels de l’Office des migrations
internationales (OMI) et du Service social d’aide aux émigrés (SSAE), d’une
part, et d’autre part celle du contrat d’accueil et d’intégration proposant aux
nouveaux entrants des formations civiques et linguistiques principalement (le
100 000è contrat d’accueil et d’intégration ayant été signé fin 2005 alors que
l’expérimentation a été engagée en juillet 2003 dans 12 départements) ;
Pour ce qui concerne la loi du 10 décembre 2003, qui a profondément
modifié
le régime de l’asile
dans notre pays, le Haut Conseil, note que cette
réforme a permis d’inverser la courbe de progression de la demande d’asile
en France en raccourcissant les délais d’instruction des demandes à
l’OFPRA, et à la Commission de recours des réfugiés, dans le strict respect,
de la Convention de Genève ;
Il est observé que
le dispositif expérimental de retour volontaire des
personnes principalement déboutées de leur demande d’asile
gérées par
l’Agence nationale pour l’accueil des étrangers et les migrations (ANAEM),
ne répond pas encore aux attentes du Gouvernement. Le Haut Conseil
souhaite, dans un souci de cohérence, qu’une réflexion soit entreprise sur les
publics visés par les retours volontaires, et ceux pouvant bénéficier de
mesures de régularisation. Aujourd’hui les familles déboutées de leur
demande d’asile paraissent être privilégiées dans les deux cas. Dans l’attente
d’une réflexion plus approfondie, le Haut Conseil est favorable à un
dispositif dont bénéficieraient, sur la base du volontariat, toutes les
personnes en situation irrégulière et dont les différents types d’aide au retour
(accompagnement au départ, et premier accueil dans le pays, aide
financière, et éventuellement au projet d’insertion) soient négociés avec les
pays de fortes migrations irrégulières vers la France (les relations établies
par notre pays avec le Mali, dans ce domaine, nous paraissent à plus d’un
titre exemplaires).
La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005
créant un service public de l’accueil doté d’une agence (l’ANAEM) et d’un
outil
le contrat d’accueil et d’intégration
prévoyait dans son article 146 au
dernier alinéa de l’article L117 nouveau du code de l’action sociale et des
familles qu’ «
un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
67
du présent article.
Il détermine les catégories d’étrangers bénéficiaires du
contrat d’accueil et d’intégration, la durée du contrat et ses conditions de
renouvellement, les actions prévues au contrat et les conditions de suivi et de
validation de ces actions, dont la reconnaissance de l’acquisition d’un
niveau satisfaisant de maîtrise de la langue française.». Le Haut Conseil
comme la Cour note que ce décret n’est toujours pas publié. Or en
application du II de l’article 152 de la loi précitée, le dispositif d’accueil et
d’intégration devait entrer en vigueur le 1
er
janvier 2006. Ainsi l’article
L.314.2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui
résulte des dispositions de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise
de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, ne
peut entrer en vigueur en ce qu’il prévoyait de tenir compte de la signature et
du respect du contrat d’accueil et d’intégration, pour l’attribution de la carte
de résident. Le Haut Conseil ne peut que regretter ce retard, et souhaite que
soit clarifiée la finalité du contrat d’accueil et d’intégration au regard
notamment des règles relatives au séjour en France ;
2 – Observations relatives au pont II de l’insertion : L’intégration dans la
société
française
des
immigrants
et
des
populations
issues
de
l’immigration
:
Le Haut Conseil note, comme la Cour, les retards pris en matière de
construction d’un cadre d’expertises et de prospectives des besoins de main-
d’oeuvre dans notre pays, puisque le projet
d’informatisation des services de
main d’oeuvre étrangère
des DDTEFP devrait être opérationnel début 2007,
alors que les décisions ont été prises à l’occasion du Comité interministériel
à l’intégration du 10 avril 2003.
Pour ce qui concerne
l’hébergement des demandeurs d’asile
, comme
la Cour, le Haut Conseil note l’effort considérable fait depuis quatre ans,
puisque le nombre de places d’accueil est passé de 5 300 fin 2001 à plus de
17 000 fin 2005, et que 38 départements ne disposaient pas de CADA fin
2001, et que seuls les deux départements de Corses en sont aujourd’hui
dépourvus. Le Haut Conseil souhaite cependant ajouter qu’afin de mieux
répartir les demandeurs d’asile sur notre territoire, l’ANAEM qui a pour
mission de coordonner le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile, en
application de l’article L341-9 nouveau du code du travail, doit disposer
d’un outil statistique performant afin de suivre, avec les gestionnaires des
centres, les demandeurs d’asile pendant l’instruction de leur demande, et de
leur proposer, en cas de rejet, un retour volontaire dont l’Agence est
également chargée. Enfin, il convient d’ajouter que la concentration de
demandeurs d’asile dans certaines régions s’explique, pour partie, par une
application inégale, voire un refus de certaines préfectures de prendre en
compte les règles de domiciliation administratives des demandeurs d’asile ;
68
COUR DES COMPTES
Comme la Cour, le Haut Conseil dans son avis relatif
aux droits des
femmes issues de l’immigration
remis au Premier ministre en Juillet 2003,
souhaite un renforcement de la connaissance statistique des problèmes
rencontrés, insiste sur la dimension individuelle des droits civils de ces
femmes, notamment dans le contrat d’accueil et d’intégration, et a souhaité
un renforcement des moyens d’action contre les violences dont elles sont
parfois victimes. Le Haut Conseil note que certaines réformes sont en cours
particulièrement pour ce qui concerne le relèvement de l’âge nubile, et les
violences. Au-delà des avancées jurisprudentielles récentes, notamment en
matière de répudiation, il lui apparaît que le législateur doit s’acheminer
vers l’application de la loi du domicile en matière de mariage, de dissolution
du mariage, et d’autorité parentale à l’instar de nombreux pays européens.
Le Haut Conseil considère que le Gouvernement devrait engager, dans les
meilleurs délais, des négociations bilatérales à cet effet. Plus généralement,
le Haut Conseil regrette que les travaux entrepris sur ces sujets par un
groupe de travail sous l’autorité de Madame Nicole Ameline, alors Ministre
chargée de la parité, aient été interrompus alors qu’ils avaient très
largement contribué à ces évolutions législatives ;
Enfin, comme la Cour le rappelle, le Haut Conseil a émis en mars
2005 un avis
sur la situation des vieux travailleurs immigrés
. Cependant,
alors que dans cet avis il était recommandé d’assouplir les règles relatives
au minimum vieillesse, notamment celle concernant l’obligation de
résidence, qui conduisent certains immigrés retraités à choisir de ne pas
retourner dans leur pays d’origine alors qu’ils le souhaiteraient,
occasionnant en retour à la communauté nationale des frais importants, le
Haut Conseil déplore que la loi du 19 décembre 2005 de financement de la
sécurité sociale pour 2006 ait encore restreint les possibilités de percevoir
ces prestations non contributives. Cette situation est d’autant plus
dommageable que les deuxième voire troisième générations d’immigrés
souvent Français, sont très sensibles au sort réservé à leurs aînés, qui pour
certains, souhaitent retourner dans leur pays d’origine.
3 – Observations relatives au point de l’insertion : Le pilotage des
politiques
:
Le Haut Conseil souhaite préciser les observations de la Cour
concernant
les statistiques de l’immigration et de l’intégration
. En effet,
l’observatoire statistique qui lui est rattaché, d’une part, a été mis en place
mi 2004, et d’autre part, il établit un rapport annuel annexé à celui du Haut
Conseil, qui est validé par son Conseil scientifique. Le premier objectif que
s’était fixé l’observatoire était de donner des statistiques fiables en matière
de flux migratoires. Depuis deux ans, le rapport de l’observatoire validé par
le conseil scientifique comprenant l’ensemble des organismes collecteurs de
données n’a donné lieu à aucune contestation. Désormais sur la base de ce
travail, et en application du décret du 26 mai 2005, instituant un Comité
interministériel de contrôle de l’immigration, ce dernier adopte chaque
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
69
année le rapport au Parlement, prévu à l’article L.111-10 du Code de
l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ainsi, comme l’année
précédente, le Haut Conseil a joint le rapport statistique de l’immigration et
de l’intégration pour 2004 à son rapport annuel remis au Premier ministre le
24 novembre dernier. Sur cette base a été établi le rapport au Parlement visé
ci-dessus, qui sera communiqué dans les prochaines semaines. Il est observé
que depuis 2005, l’observatoire s’est engagé dans une étude concernant les
parcours d’intégration, et ce dans le respect des principes définis par la
CNIL et par la HALDE. Une réflexion est d’ores et déjà engagée sur les
indicateurs de l’intégration. Enfin, en liaison avec la DRESS, l’observatoire
souhaite que soit réalisées des études longitudinales sur les parcours
d’intégration des immigrés depuis leur accueil sur notre territoire, à l’instar
de ce que font certains pays étrangers comme le Canada.
Concernant
les travaux du Haut
Conseil
, le Premier ministre a saisi
depuis trois ans très régulièrement le Haut Conseil de nombreux avis ( juillet
2003 – La promotion sociale des jeunes dans les quartiers en difficulté ;
juillet 2003 – Les droits des femmes issus de l’immigration ; mars 2005 –
Diversité culturelle et culture commune dans l’audiovisuel ; mars 2005 – La
condition sociale des travailleurs immigrés âgés ; novembre 2005 –
L’organisation de la politique d’intégration).
Pour ce qui concerne
la structuration de l’action gouvernementale
,
le Haut Conseil partage deux suggestions partant de la Cour qui visent à
rapprocher la Direction de la population et des migrations (DPM) et la
Délégation
interministérielle
à
la
Ville
(DIV),
et
à
renforcer
l’interministérialité sur ce dossier de l’intégration.
Sur ce premier point, dans un avis rendu au Premier ministre le
21 décembre 2005 relatif au projet de loi pour l’égalité des chances, le Haut
Conseil a relevé néanmoins un écueil. Après avoir rappelé que la politique
d’intégration ne peut se fondre dans le droit commun en ignorant sa
dimension culturelle et symbolique alors même que des identités réelles et
supposées réclament d’être prises en compte, le Haut Conseil a souligné
l’écueil qui « consiste à fondre purement et simplement la politique de
l’intégration dans
la politique de la ville
. Cette fusion ferait courir le risque,
d’une focalisation de la politique d’intégration sur les seules problématiques
liées aux quartiers, et de l’accentuation de la stigmatisation déjà importante
des personnes issues de l’immigration. Si ces deux politiques sont très
complémentaires, depuis le comité interministériel des villes de juin 1998, et
pourraient être, à ce titre, utilement prises en charge par une même agence
(sous réserve que la DIV soit concernée par cette réforme), elles doivent
néanmoins rester distinctes. En effet, le zonage des « quartiers » ne traite pas
les problèmes d’intégration qui concernent des centres ville et des zones
rurales. En Alsace ou dans le Midi, les problèmes d’intégration sont aussi
aigus dans les zones rurales. Par ailleurs, la logique de la politique de la
ville, qui renvoie à des mécanismes de compensation à raison des territoires,
70
COUR DES COMPTES
et indirectement des publics, est pour partie distincte de celle de la politique
d’intégration, qui cherche à ouvrir le droit commun. A titre d’exemples,
l’accès au droit à la retraite des vieux travailleurs migrants (avis du Haut
Conseil de mars 2005), ou encore, la lutte des jeunes filles ou des femmes
immigrées pour l’égalité effective des droits (avis du Haut Conseil de juillet
2003), ne rentrent pas dans une logique de compensation mais bien dans
celle de la politique d’intégration. ». Le projet de loi pour l’égalité des
chances présenté en Conseil des ministres le 11 janvier 2006, en créant une
Agence de la cohésion sociale, réunissant semble-t-il la politique de la ville et
la politique de l’intégration, la DIV et le FASILD, devra éviter cet écueil.
Sur le second point relatif à
l’interministérialité de la politique
d’intégration
qui concerne en effet, l’éducation, le logement, l’emploi etc, le
Haut Conseil regrette qu’à la suite du Comité interministériel à l’intégration
(CII)
d’avril 2003, qui a marqué la relance de la politique publique
d’intégration, il n’y ait eu qu’un Conseil interministériel en mai 2004, de
simple bilan de mise en oeuvre des décisions de l’année précédente. Aucun
Comité ne s’est réuni en 2005, même s’il est annoncé pour le début 2006,
alors que, par décret du 30 janvier 2003 modifiant le décret du 6 décembre
1989 portant création du CII, il a été décidé de réunir ce comité au moins une
fois par an.
Pour ce qui concerne
l’identification des dépenses
, la Cour regrette
que les dépenses de l’aide médicale - Etat (AME) ne figurent pas dans le
programme « accueil des étrangers et intégration ». Outre qu’il n’était pas
possible pour la DPM, chargée de ce programme, de suivre cette dépense
prise en charge par la DGAS, le Haut Conseil considère qu’il ne s’agit pas à
proprement parler d’un dépense entrant dans le champ de l’intégration,
puisqu’elle concerne depuis la réforme de la CMU presque exclusivement des
personnes en situation irrégulière au regard du droit au séjour en France.
Sur le plan international
, le Haut Conseil souhaite préciser qu’il est
point de contact unique de la Commission européenne pour ce qui relève des
statistiques de l’immigration et de l’intégration, et point de contact partagé
avec la DPM sur les questions relatives à l’intégration.
La Cour note que
la Haute autorité de lutte contre les discriminations
et pour l’égalité
(HALDE) s’est surajoutée à un ensemble d’institutions
existantes. Le Haut Conseil souhaite nuancer cette affirmation. En effet, en
application de l’article 18 de la loi du 30 décembre 2004 portant création de
cette Haute autorité, celle-ci a été créée à partir des moyens du Groupe
d’études et de lutte contre les discriminations (GIP-GELD), qui gérait le
numéro d’appel gratuit 114. Par ailleurs, sur le modèle principalement du
Centre pour l’égalité des chances belge, la Haute autorité vise à réparer des
préjudices individuels liés aux discriminations en réglant une difficulté
juridique essentielle, la preuve de la discrimination. Ainsi le traitement
individuel des discriminations constitue un atout pour l’intégration des
personnes immigrées ou issues de l’immigration dans notre pays.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
71
La Cour évoque
les délégations de l’ANAEM à l’étranger
. Le Haut
Conseil ne souhaite pas qu’elles soient remises en cause. Au delà d’un
accueil de bonne qualité des personnes bénéficiant du regroupement familial,
le Haut Conseil attire l’attention de la Cour sur le fait qu’il s’agit des seules
structures institutionnelles françaises de proximité pour les étrangers dans
ces pays. A titre d’exemple, à Istanbul des femmes victimes de violence et
ramenées en Turquie par leur mari s’adressent à l’ANAEM car c’est le lieu
dont elles se souviennent pour y avoir passé leur visite médicale à leur
départ. De même un nombre très important de vieux immigrés rentrés
définitivement dans leur pays à l’âge de leur retraite s’adressent à l’ANAEM
localement pour obtenir aide et conseil. Le Haut Conseil note que ce travail
n’est pas fait, et ne peut sans doute pas l’être, par les personnels des
Consulats.
Enfin, le Haut Conseil partage l’avis de la Cour
sur le rééquilibrage
nécessaire des moyens financiers
entre la politique d’accueil des nouveaux
immigrés et les besoins encore nombreux des immigrés installés depuis
longtemps dans notre pays. Si le Haut Conseil estime que la création d’un
service public de l’accueil dans notre pays était tout à fait nécessaire, et
n’avait que trop tardé, il considère néanmoins que cette nouvelle politique ne
pouvait être entreprise sans moyens financiers nouveaux. Cela n’a pas été le
cas. Aussi est-il désormais urgent d’engager une réflexion et des moyens
nouveaux pour rééquilibrer les deux volets de la politique d’intégration.
***
Telles sont les observations que le Haut Conseil a souhaité apporter à
la Cour. Le Haut Conseil remercie très vivement la Cour de son intérêt
durable pour les questions d’accueil des immigrants et d’intégration des
populations issues de l’immigration qui constituent, à n’en pas douter, des
enjeux majeurs pour notre nation dans un proche avenir.
72
COUR DES COMPTES
RÉPONSE CONJOINTE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL
D’ADMINISTRATION ET DU DIRECTEUR DE L’AGENCE NATIONALE
DE L’ACCUEIL DES ÉTRANGERS ET DES MIGRATIONS (ANAEM)
1-
La Cour évoque tout d’abord la décision, prise sous l’impulsion du Comité
interministériel de contrôle de l’immigration, de mettre en oeuvre un nouveau
programme d’aide au retour volontaire, à destination des étrangers
séjournant irrégulièrement sur le territoire.
Ce dispositif a été mis en place à titre expérimental (du 1
er
septembre
2005 au 30 juin 2006) dans vingt et un départements par circulaire
DPM/AC13/2005/423 du 19 septembre 2005. Il est placé sous la
responsabilité des préfets dans chaque département, en partenariat avec
l’ANAEM et les services déconcentrés de l’Etat, et sous la responsabilité des
ambassadeurs à l’étranger. Acteur majeur dans ce programme, l’Agence a
précisé à ses services, dès le 23 septembre 2005, les modalités retenues pour
la mise en oeuvre de ce dispositif. Après une courte période d’appropriation
par les différents intervenants dans le processus et par les publics concernés,
ce programme est en phase de démarrage progressif, les premiers retours
étant intervenus fin novembre 2005.
2
-
S’agissant ensuite du contrat d’accueil et d’intégration, la Cour souligne
que, dans le cadre de sa généralisation, la couverture du territoire n’est pas
complète fin 2005.
En effet, seuls 61 départements seront couverts fin 2005, qui,
toutefois, représentent plus de 85% du public éligible au CAI. Une dizaine de
départements supplémentaires bénéficieront du dispositif dès le mois de
janvier 2006. La couverture des départements restants (hors départements
d’Outre-Mer) est, dans la plupart des cas, tributaire soit de la recherche de
locaux, avec l’aide des DDASS, permettant d’accueillir les plates-formes
(pour des départements de très faibles flux migratoires) soit de l’ouverture
des trois nouvelles délégations départementales (Orléans, Dijon et
Bordeaux) initialement prévue fin 2005, mais qui interviendra en fait dans le
courant du 1
er
trimestre 2006. La création, en 2006, de trois nouvelles
délégations, à Rouen, Reims et Besançon, facilitera la montée en puissance
du dispositif dans les trois régions concernées, l’ANAEM devenant moins
tributaire de mises à disposition de locaux pour tenir ses plates-formes, mises
à disposition dont elle constate actuellement le caractère aléatoire et parfois
inadapté aux flux reçus.
Le contrat d’accueil et d’intégration recueille toujours le même
succès auprès des migrants puisque du 1
er
janvier à la fin novembre 2005,
60 650 contrats ont été signés avec un taux d’adhésion de 92,6%. Depuis
septembre, l’ANAEM est sur un rythme de l’ordre de 7000/7500 contrats
signés par mois.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
73
La Cour souligne que l’ANAEM a donné une priorité absolue à la
généralisation du CAI, en renonçant apparemment à d’autres réformes
décisives.
L’Agence a effectivement donné priorité à la généralisation du CAI
sur l’ensemble du territoire. Mais elle rappelle également qu’elle est toujours
en attente du décret en Conseil d’Etat prévu par l’article 146 de la loi de
programmation pour la cohésion sociale (devenu L 117-1 et L 117-2 du code
de l’action sociale et des familles). Le projet de décret établi par la DPM en
étroite concertation avec l’Agence devrait être de nature à répondre à la
plupart des préoccupations de la Cour.
3-
La Cour évoque enfin le retard pris par la constitution de l’ANAEM et ses
incidences, notamment sur le maillage territorial.
L’ANAEM est aujourd’hui opérationnelle, les activités et les
personnels de l’association Service social d’aide aux émigrants ayant été
transférés à l’Agence à la date prévue, le 1
er
octobre 2005. Elle précise qu’un
Contrat d’objectifs et de moyens a été élaboré avec l’appui de la DPM.
Néanmoins, une démarche de réflexion globale sur l’activité de l’ANAEM au
cours des prochaines années, les objectifs à atteindre et les moyens à y
consacrer ne pouvait être menée dans le court laps de temps imparti, et ce
d’autant moins que la visibilité de l’Agence sur les activités précédemment
exercées par le SSAE et les moyens humains et financiers associés n’était pas
totale ; par ailleurs l’Agence ne disposera pas avant le début 2006
d’instances de concertation avec les partenaires sociaux. Ce Contrat
d’objectifs et de moyens doit donc être considéré comme une première étape.
L’un des principaux objectifs de l’organisme sera par conséquent de
développer, en liaison avec sa tutelle, dans le courant 2006, une véritable
démarche d’élaboration d’un contrat plus détaillé, couvrant les années 2007-
2008, qui sera l’occasion de mobiliser l’ensemble du personnels.
En ce qui concerne le futur maillage territorial de l’ANAEM, celui-ci
est en cours de définition ; le départ de nombreux agents (120) de l’ancienne
association devrait contribuer à accélérer la fermeture des structures ex-
SSAE dont le maintien n’apparaît pas pertinent. Ainsi, dès 2006,
27 implantations vont être supprimées, soit parce que situées dans les mêmes
villes que les délégations régionales ou départementales actuelles, ces
dernières étant en mesure d’accueillir les personnels concernés, soit parce
que situées dans des départements dont les flux de migrants ne justifient plus
une structure pérenne de l’Agence. Cette rationalisation des implantations
permettra de faire des économies d’échelle.
74
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA DIRECTRICE GÉNÉRALE DU FONDS D’ACTION ET
DE SOUTIEN POUR L’INTÉGRATION ET LA LUTTE CONTRE LES
DISCRIMINATIONS (FASILD)
Observations relatives au point I- B- La rénovation de l’accueil
La Cour relève que la généralisation du contrat d’accueil et
d’intégration n’est pas entièrement achevée.
Le FASILD qui participe à la mise en oeuvre du dispositif au moyen
de marchés publics portant sur la formation civique et linguistique, constate
également que cette généralisation se heurte encore à des difficultés
concrètes, notamment les ouvertures de nouvelles plates-formes d’accueil. La
couverture intégrale du territoire ne pourra ainsi être effective qu’au cours
de l’année 2006. La sous-activité qui en résulte pour certains titulaires des
marchés du FASILD est de nature à les fragiliser économiquement. Elle est
d’autant plus mal ressentie par les acteurs de terrain que les financements
inscrits du FASILD pour les formations linguistiques dispensées à des
publics non signataires du CAI sont plus limités que ceux dédiés aux
signataires.
En dépit de ces difficultés pratiques, il convient de souligner les
progrès réalisés dans les relations partenariales entre les différents
opérateurs :
-
Le FASILD et l’ANAEM ont signé en mars 2005 un protocole qui
formalise et précise les missions et obligations respectives en
application de la circulaire du 13 janvier 2005. Ce texte a vocation à
être décliné dans chaque département, sous forme d’une convention
d’application conclue entre la DDASS, la délégation de l’ANAEM et
la direction régionale du FASILD. A ce jour, 20 conventions
départementales sont signées.
-
Le renouvellement de l’accord-cadre conclu en mars 2002 par la
DGEFP, la DPM, le FASILD et l’ANPE devrait aboutir à la fin de
2005 ou au début de 2006. Il prévoit diverses mesures qui faciliteront
le suivi des signataires du CAI inscrits à l’ANPE. : mise en place d’un
référent dans chaque agence locale pour suivre les parcours CAI, mise
en oeuvre de l’engagement en faveur de l’emploi des jeunes des
quartiers sensibles, utilisation des outils issus du programme EQUAL
ESPERE et des axes de travail fixés par la charte, signée le
18 novembre 2005, sur la prévention des discriminations du service
public de l’emploi.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
75
Observations relatives au point
II- L’intégration dans la société française
des immigrants et des populations issues de l’immigration
Concernant les mesures en faveur des élèves nouvellement arrivés,
il convient de souligner que la convention-cadre du 13 juillet 2004 signée par
le ministère de l’éducation nationale (DESCO), le ministère de l’emploi du
travail et de la cohésion sociale (DPM, le FASILD et l‘ONISEP donne lieu à
des réunions régulières du comité de pilotage. A ce jour deux réunions se
sont tenues).
Dans les autres domaines, notamment la question des femmes, la
Cour relève les progrès déjà accomplis auxquels le FASILD est associé. La
question des femmes de l’immigration, en termes de connaissance, de mixité,
d’accès aux droits, de promotion individuelle, sociale et professionnelle, et
de lutte contre la double discrimination dont elles peuvent être victimes, est
traitée de manière intégrée dans les priorités d’intervention pour 2006 du
FASILD adoptées lors de son conseil d’administration du 2 décembre 2005.
Observations relatives au point III- B - L’évolution des organismes
La Cour s’inquiète de la coexistence d’institutions susceptibles
d’intervenir dans le même champ, et particulièrement dans celui de la lutte
contre les discriminations.
1- La mise en place de la HALDE
La mise en place de la Haute autorité de lutte contre les
discriminations et pour l’égalité (HALDE) dont la première mission est de
traiter les cas individuels de discriminations de toute nature, répond à un
besoin qu’aucune des institutions existantes ne remplissait. Le projet de
renforcement des pouvoirs de sanctions de la HALDE devrait confirmer cette
orientation.
Dans le domaine de la lutte contre les discriminations, la mission du
FASILD consiste à promouvoir et appuyer les initiatives de prévention des
discriminations et de promotion de l’égalité des chances, dans le cadre des
priorités gouvernementales. Il conduit à ce titre des actions de partenariat en
vue de sensibiliser, mobiliser, préparer et outiller les entreprises et les
structures publiques et privées pour prévenir et lutter contre les
discriminations systémiques (recherche, information, formation, expertise,
accompagnement de diagnostics, d’expérimentations et de plans de
prévention des discriminations).
A ce titre l’établissement participe aux
travaux des COPEC dans les départements et contribue au financement des
associations de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations
à caractère racial ou ethnique.
Les deux institutions, intervenant de manière complémentaire, sont
appelées à nouer des contacts réguliers. Le FASILD s’attachera à informer
la Haute autorité des actions qu’il mène et de leurs résultats. Dans le
domaine des études, des recherches et de la formation où les deux structures
76
COUR DES COMPTES
sont appelées à collaborer, la HALDE est d’ores et déjà associée aux travaux
de la commission des études du FASILD.
De même, au plan territorial, la complémentarité s’exercera entre
les délégués régionaux de la HALDE, prévus à titre expérimental pour
sensibiliser et mobiliser les acteurs locaux pour une meilleure remontée des
réclamations individuelles, et les directeurs régionaux du FASILD qui
déclinent au plan local l’ensemble des missions de l’établissement et
particulièrement celles visant à prévenir les discriminations.
2- La nouvelle ANAEM
Avec l’ANAEM, il a été rappelé que la mise en oeuvre commune du
contrat d’accueil et d’intégration se traduit par des relations régulières et
étroites. Dans le domaine particulier des systèmes d’information, les
établissements oeuvrent ensemble à la mise en place d’un outil dédié au CAI.
Le projet actuel de mise en place d’une Agence nationale pour la
cohésion sociale et l’égalité des chances est de nature à transformer les rôles
respectifs de l’ANAEM et du FASILD.
3-
Le
positionnement
du
FASILD
et
les
incertitudes
sur
l’organisation territoriale
Comme le souligne la Cour, l’organisation régionale du FASILD est
en cohérence avec le renforcement du niveau régional des services de l’Etat.
L’articulation Etat-FASILD s’est améliorée avec l’implantation
progressive
des
CRILD.
Le
maillage
territorial
du
FASILD
sera
prochainement achevé : 2006 verra la mise en place des trois dernières
CRILD dans les régions qui n’en disposaient pas encore, l’installation sur
place de la direction régionale de Corse et la création d’une direction
régionale en Basse Normandie. Au delà il est prévu d’implanter
l’établissement dans les DOM-TOM.
La participation de l’établissement à l’élaboration des PRIPI
s’effectuera ainsi sur l’ensemble du territoire dans des conditions plus
homogènes.
Conclusion
Il convient de souligner qu’en 2006, l’établissement s’est efforcé
d’engager le rééquilibrage de ses interventions dans un sens plus favorable
aux populations installées en France avant la mise en place du contrat
d’accueil
et
d’intégration.
Trois
domaines
d’intervention
sont
particulièrement concernés en 2006 par cette volonté : la prévention des
discriminations,
l’apprentissage
de
le
langue
et
les
questions
de
l’hébergement des immigrés vieillissants.
Au delà de cette échéance, l’établissement pourrait connaître
d’importantes évolutions, dans le cadre du projet de création d’une Agence
nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.
OBSERVATIONS PORTANT SUR LES POLITIQUES PUBLIQUES
77
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU SERVICE SOCIAL D’AIDE
AUX ÉMIGRANTS (SSAÉ)
1-Observations relatives au point III-B-2-a « La constitution de l’ANAEM
a été retardée »
L’explication donnée à ce retard, qui serait en partie imputable au
SSAE et à la signature tardive de la convention de transfert, ne correspond
pas à la réalité.
Suite à l’annonce du comité interministériel d’avril 2003, les
dirigeants de l’association ont reçu la promesse du ministre des affaires
sociales de l’époque que le transfert serait réalisé avant fin 2003. Le retard
dans l’exécution du projet, si l’on considère que la constitution de l’ANAEM
a été retardée par rapport à cette date initialement envisagée, n’est
nullement le fait du SSAE. En effet, l’association n’a pris aucune part ni à
l’élaboration interministérielle, nécessairement longue, des textes législatifs
et réglementaires qui ont été jugés indispensables pour créer l’agence ni aux
décisions relatives à la constitution de son conseil d’administration.
A titre d’exemple, le SSAE avait fourni dès l’été 2004 un projet de
convention de transfert qu’elle souhaitait signer rapidement. Il a fallu
attendre juin 2005 pour que l’ANAEM fasse enfin parvenir à l’association
ses observations sur ce premier projet. De toute manière, la convention de
transfert ne pouvait pas être signée plus tôt puisque le directeur général de
l’agence jugeait indispensable que le conseil d’administration de la nouvelle
agence approuve préalablement cette convention. Elle a été soumise à ce
conseil dès sa mise en place et signée immédiatement après cette
approbation.
Si la date du transfert à l’ANAEM du personnel du SSAE, et si par
voie de conséquence la prise d’effet de la convention de transfert, a été fixée
au 1
er
octobre 2005, c’est qu’il était techniquement impossible, compte tenu
de la date de publication du décret fixant les modalités de reclassement des
salariés du SSAE dans le personnel de l’agence, de mener à bien avant le
1
er
octobre le processus très complexe de cette opération de reclassement, qui
supposait de donner à chaque salarié un délai d’information et de réflexion
avant d’accepter la proposition individuelle de reclassement.
Le commentaire selon lequel « L’association a refusé la fusion totale
et revendiqué le maintien à son profit d’une partie des réserves chiffrées à
3 M€, constituées au fil du temps principalement par des subventions
publiques ; elle en a obtenu le tiers pour poursuivre une autre activité » doit
être substantiellement revu pour tenir compte des éléments suivants.
Le SSAE est une association de la loi de 1901, qui a commencé son
activité dans les années 1920. Elle n’a reçu une mission de l’Etat que le 11-
2-1976, date de la signature de la première convention entre l’association et
l’Etat. La loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, en son article 149, ne
78
COUR DES COMPTES
transfère à l’Etat que les missions confiées par l’Etat à l’association, c’est-à-
dire celles couvertes par la convention. La loi n’a donc pas mis un terme à
l’activité de l’association, qui, en vertu de la liberté constitutionnelle
d’association, était parfaitement libre de continuer son activité et qui aurait
dû normalement conserver l’intégralité de ses fonds propres. Le SSAE tient à
rappeler ici que l’association était soumise au contrôle financier de l’Etat,
que ses comptes ont toujours été certifiés par ses commissaires aux comptes
et approuvés année après année sans discussion par les représentants de
l’Etat et que ces derniers n’ont jamais, au moment de l’approbation de ces
comptes, élevé la moindre prétention quant à la propriété des fonds propres.
Le transfert unilatéral imposé par l’Etat à l’association a d’ailleurs causé à
cette dernière un préjudice considérable qui dépasse largement la somme de
1M€ conservée par elle. Par exemple, la seule annonce de la fusion en avril
2003 a fait perdre en deux ans 600.000 € de recettes à l’association qui n’ont
pas été compensés par l’Etat : la Cour comprendra aisément que l’annonce
d’une telle fusion a conduit certains départements qui avaient antérieurement
conclu des conventions avec le SSAE à refuser de subventionner l’Etat.
L’association ne poursuit pas une « autre » activité mais continue à
répondre à son objet social, d’une autre manière.
2- Observation relatives au point III-B-2-b « Le réseau des
implantations et des plates-formes d’accueil n’est pas stabilisé ».
Le SSAE, employeur de droit privé, avait des contrats de travail
mentionnant le lieu de travail des salariés. Cette mention est fréquente dans
le secteur privé, surtout s’agissant de non cadres. A l’époque de leur
signature, la désignation du lieu de travail était d’ailleurs considérée comme
une condition substantielle du contrat.
Sur le rapprochement des cultures « pour le moment très éloignées »,
le SSAE tient à rappeler deux points importants. En premier lieu, ce qui avait
été initialement présenté comme une fusion sur une base paritaire (voir les
nombreuses déclarations et lettres du ministre) s’est rapidement transformé
en une absorption pure et simple du SSAE par l’OMI. C’est donc la culture
administrative qui s’est imposée et le SSAE a eu du mal à faire comprendre
que la culture de l’intervention sociale devait être prise en compte par
l’OMI.
En second lieu, dans cet esprit d’une fusion paritaire visant à
mélanger les deux cultures, le SSAE et l’OMI ont co-financé en 2003
l’intervention
d’un
cabinet
de
consultants
sur
ce
point
précis.
Malheureusement, sous la pression de l’OMI, cette mission s’est transformée
en mission d’organisation et le SSAE a déploré à plusieurs reprises, sans être
entendu, que les questions de culture aient été totalement perdues de vue. La
distance entre les deux cultures est donc restée ce qu’elle est en raison des
mauvaises conditions dans lesquelles cette opération d’absorption a été
conduite par l’administration.