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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LES TRANSPORTS
EXPRESS RÉGIONAUX
À L’HEURE
DE L’OUVERTURE
À LA CONCURRENCE
Des réformes tardives,
une clarification nécessaire
Rapport public thématique
Synthèse
Octobre 2019
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Un fort engagement des régions, un service encore
insuffisant
7
2
Une activité coûteuse, de plus en plus subventionnée . . . . .11
3
Une préparation encore insuffisante à l’ouverture
à la concurrence
15
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Les TER regroupent tous les transports régionaux par trains et cars réalisés par
SNCF Mobilités, à l’exception de l’Île-de-France et de la Corse . Ils transportent
chaque jour environ 900  000 voyageurs dans 7  000 trains et 1  300 cars . Les
trains concernés circulent sur 20 489 kilomètres de lignes de chemin de fer, dont
11 853 sont électrifiées . L’activité des TER se structure autour de trois offres :
la desserte périurbaine ; la desserte entre les villes régionales ; la desserte des
territoires isolés .
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Un fort engagement des régions,
un service encore insuffisant
Cette activité est subventionnée par
les régions, qui y ont consacré, au cours
de la période 2012-2017, des dépenses
importantes .
Celles-ci contrastent avec
une qualité de service insuffi
sante et
une fréquentation en baisse .
Après
avoir
largement
augmenté
leur offre de transport, les régions,
devenues
autorités
organisatrices
de transports (AOT), l’ont stabilisée
entre 2012 et 2018 .
Elles ont poursuivi
leurs eff
orts sur le renouvellement
du matériel roulant (3,3 Md€ entre
2012
et
2017)
permettant
un
rajeunissement et une modernisation
du parc .
Elles ont également mené
des
politiques
tarifaires
favorables
aux clients, notamment les abonnés,
pour améliorer l’attractivité des TER et
favoriser le report modal .
Mais le fait le plus notable sur la période
2012-2017 est l’engagement de plus
en plus marqué des régions dans les
investissements sur le réseau ferré
régional et les gares, l’objectif étant
d’améliorer le service rendu aux clients .
Le total de ces investissements a atteint
environ 2,1 Md€ entre 2012 et 2017 .
Or,
la propriété du réseau ferré et des gares
relève de SNCF Réseau et de l’activité
Gares & connexions de SNCF Mobilités .
Il devient donc indispensable de clarifier
les rôles respectifs des régions, du
groupe public ferroviaire et de l’État
dans le financement des infrastructures
régionales, en ouvrant aux régions la
possibilité
de
devenir
propriétaires
des infrastructures qu’elles financent
déjà  : cela leur permettrait de mieux
maîtriser les choix de renouvellement,
de développement ou de suppression,
ainsi que les modalités de gestion et
de maintenance .
Trafic TER, en milliards de voyageurs-kilomètres, 1990-2018
Source :
Cour des comptes d’après SNCF Mobilités
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les dépenses accrues des régions se
sont paradoxalement accompagnées
d’une baisse de la fréquentation, en
particulier des clients occasionnels .
Le trafic des TER, qui avait doublé
au cours de la période 1995-2012, a
diminué jusqu’en 2016, avec un léger
rebond en 2017 .
Cette
baisse
de
la
fréquentation
survenue à partir de 2012 s’explique en
partie par des facteurs externes comme
la concurrence de nouveaux modes de
transport, notamment du covoiturage
et
des
transports
interurbains
par
autocars
1
, la diminution de la population
dans certains territoires, ou encore la
baisse des prix des carburants survenue
entre 2012 et 2016 qui a favorisé l’usage
du véhicule individuel .
Elle s’explique également par des
facteurs propres au groupe public
ferroviaire, qui fragilisent sa qualité
de service, marquée depuis 2012 par
un niveau trop élevé de suppressions
de trains et par une augmentation
du nombre de trains en retard, en
comparaison
notamment
avec
les
moyennes européennes .
Un fort engagement des régions, un service
encore insuffisant
1 Dits « cars Macron » depuis que l’organisation de cette activité a été libéralisée par la loi
n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques .
2 Cour des comptes,
Rapport public thématique : SNCF Réseau : des réformes à approfondir. La
Documentation française, décembre 2018, 99 p., disponible sur
www.ccomptes.fr
.
Évolution de la non réalisation de l’offre de service
2,30 %
3,20 %
5,10 %
2,60 %
6,40 %
2,50 %
12,20 %
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Source : Cour des comptes d’après SNCF Mobilités
Les grèves de 2014, 2016 et 2018
ont aggravé les difficultés de gestion
rencontrées
par
l’exploitant .
Cette
dégradation de la qualité de service
est également imputable au mauvais
état
des
infrastructures
et
aux
conséquences sur la ponctualité des
trains de l’accroissement des travaux
de rénovation, dont la responsabilité
incombe à SNCF Réseau
2
Le réseau
emprunté par les TER est en effet
fortement
dégradé,
en
particulier
en ce qui concerne les lignes les
moins
fréquentées
qui,
en
2017,
représentaient 9 137 kilomètres sur les
20 489 kilomètres de lignes utilisées
par des TER . Cette dégradation de l’état
du réseau ferré a conduit SNCF Réseau
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un fort engagement des régions, un service
encore insuffisant
à multiplier les ralentissements des
circulations, voire
à
suspendre
le
service pour des raisons de sécurité .
Si les conventions entre les régions
et
SNCF
Mobilités
prévoient
des
pénalités lorsque le service n’est pas
réalisé, la plupart des dispositifs sont
encore insuffisamment incitatifs . Le
renforcement du niveau d’incitations
par les régions pousserait davantage
SNCF Mobilités à prendre des mesures
correctrices .
Enfin, le constat de la baisse globale de
la fréquentation ne doit pas occulter
la
grande
disparité
de
situations
selon les lignes . La moyenne est en
effet tirée vers le bas par certaines
lignes de faible fréquentation, avec
de
nombreux
trains
occupés
par
moins de 10 voyageurs . Il en est de
même pour les gares  : on comptait,
en 2016, 285 gares accueillant en
moyenne moins de trois voyageurs
par jour . La fermeture de ces lignes
et gares peu fréquentées, qui pourrait
être
justifiée
d’un
point
de
vue
économique, voire d’un point de vue
environnemental quand le service est
assuré par des rames motorisées au
diesel, n’est cependant pas la seule
option . Pour assurer la desserte de
territoires souvent isolés, plusieurs
autres solutions sont envisageables  :
le plan de transport peut souvent être
amélioré ; la ligne peut être gérée
de façon plus économique par un
exploitant autre que SNCF Mobilités ;
des cars, minibus ou taxis, réguliers
ou à la demande, peuvent remplacer
certains trains .Pour effectuer ces choix,
il est indispensable que les régions
disposent d’une analyse économique,
sociale
et
environnementale
pour
chacune de ces lignes régionales peu
fréquentées .
Évolution de la régularité du service
91,9 %
91,4 %
91,5 %
90,8 %
90,2 %
90,5 %
90,4 %
88%
89%
90%
91%
92%
93%
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
Source : Cour des comptes d’après SNCF Mobilités
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les coûts d’exploitation du transport
express
régional,
qui
s’élevaient
en 2017 à 4,1  Md€, sont en hausse
constante .
La responsabilité de ces
coûts
élevés
est
partagée
entre
les régions et SNCF Mobilités .
Les
premières ne cherchent pas toujours
à rationaliser l’activité, en proposant
des plans de transport peu optimisés
ou
en
maintenant
un
niveau
de
service en gare (guichets) ou à bord
des trains (présence de contrôleurs)
dont l’effi
cacité est discutable .
La
seconde fournit le service à un coût
très élevé, notamment à cause d’une
organisation du travail peu effi
cace,
d’une trop faible polyvalence des
agents et d’une augmentation trop
automatique des salaires .
Une activité coûteuse, de plus
en plus subventionnée
2
Coûts d’exploitation des trains et cars TER, 2012-2017
Les coûts d’exploitation 2018, affectés par les conséquences de la grève du
printemps, ne sont pas repris dans le graphique : ils se sont élevés à 4,2 Md€
et le coût d’exploitation par voyageur-kilomètre à 0,303 €.
Source : Cour des comptes d’après SNCF Mobilités
Pourtant,
l’activité
TER
dégage,
pour
SNCF
Mobilités,
une
marge
opérationnelle élevée (en 2017, elle
s’élevait à 231 M€, soit 5,6 % du chiffre
d’affaires) et génère une trésorerie
en
forte
croissance
(808
M€
au
31  décembre 2017) .
Cette rentabilité
est très variable selon les régions
(de -6,9 % du chiffre d’affaires à
+14,6 %, en 2017) .
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le calcul du coût du TER doit éga-
lement intégrer les investissements
dans les infrastructures et le matériel
roulant, le coût du régime spécial de
retraite des cheminots mais aussi les
externalités de ce mode de transport,
lesquelles regroupent diverses nuisances
potentiellement génératrices de coûts
pour la collectivité : accidents, émissions
de gaz à effet de serre, pollution locale
par oxydes d’azote et particules fines,
bruit et congestion .
On observe en effet
que le bilan environnemental des TER
s’avère inégalement vertueux et très
mitigé en ce qui concerne les émissions
de gaz à effet de serre : si les émissions
par passager des trains TER électriques
sont négligeables, celles des trains TER
motorisés au diesel sont très élevées
lorsqu’ils sont peu occupés .
Une activité coûteuse, de plus en plus
subventionnée
Émissions de gaz à effet de serre de différents modes de transport en 2016
(en gramme de CO2 par voyageur-kilomètre)
Source : Cour des comptes d’après SNCF Mobilités et Ademe
La prise en compte des coûts, certes
de nature différente, tels que les coûts
d’exploitation,
les
investissements,
le régime de retraite des cheminots
et
les
coûts
environnementaux
représente environ 8,5 Md€ en 2017,
soit un coût moyen par voyageur-
kilomètre de 61  centimes d’euros  :
compte tenu du taux de remplissage
actuel des trains, cela fait du TER le
mode de transport le plus coûteux .
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une activité coûteuse, de plus en plus
subventionnée
Ces coûts du TER sont couverts à
88 % par des subventions publiques,
les clients n’en payant que 12  %,
soit environ 1  Md€ sur un coût
total de 8,5 Md€ . Cette situation
tient
aux
politiques
tarifaires
mises en œuvre par les régions,
qui ont continuellement réduit la
participation des clients au coût du
service . C’est en particulier le cas
des abonnés, qui bénéficient chacun,
en moyenne, d’environ 12  000  €
de
subvention
publique
par
an .
Cette évolution des grilles tarifaires
soulève la question de la répartition
du financement des TER entre le
contribuable et l’usager .
Financement de l’ensemble des coûts du TER, en Md€, 2017
SNCF Réseau : 0,7
Divers : 0,5
Citoyens : 0,2
Voyageurs
(billets, abonnements) :
1,0
Régions : 3,9
État : 2,0
Source : Cour des comptes d’après SNCF Mobilités
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les relations entre les régions et
SNCF
Mobilités
sont
par
nature
déséquilibrées, du fait de la situation
de monopole de cette dernière  : de
nombreuses clauses des conventions
lui sont particulièrement favorables .
La loi du 27 juin 2018 pour un
nouveau pacte ferroviaire, qui prévoit
une généralisation de l’attribution
concurrentielle
des
nouveaux
contrats à partir de 2023, offre
l’opportunité d’un rééquilibrage de
ces relations .
Les données techniques et financières
dont dispose SNCF Mobilités sont
indispensables aux régions à deux
titres  : d’abord pour la gestion de
l’activité, pour laquelle les données
qu’elle
transmet
ne
sont
pas
assez
précises
et
insuffisamment
exploitables  ; ensuite en vue de
l’ouverture
à
la
concurrence,
celle-ci
devant
communiquer
des
données supplémentaires afin que
les régions puissent préparer leurs
appels d’offres . La communication
devra concerner aussi des données
à caractère industriel et commercial
accumulées
par
SNCF
Mobilités
durant sa période de monopole, par
exemple des données relatives à la
maintenance des trains .
La plupart des régions ont encore
pris insuffisamment conscience des
moyens à mettre en œuvre pour
réussir l’ouverture à la concurrence .
Pour ce faire, les régions doivent très
rapidement renforcer les compétences
de
leurs
services,
notamment
en
recourant davantage à des profils
d’expertise technique,
juridique
et
financière .
S’agissant
de
la
perspective
de
l’ouverture à la concurrence, les régions
ont réagi diversement : quatre d’entre
elles (Occitanie, Bourgogne- Franche-
Comté, Bretagne, Centre-Val de Loire)
n’ont pas souhaité, à ce stade, prévoir de
calendrier et de modalités d’ouverture
à la concurrence  ; quatre régions
(Auvergne-Rhône-Alpes,
Normandie,
Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire)
ont prévu une mise en concurrence de
certaines lignes durant la période 2019-
2023, mais semblent, pour l’instant,
y renoncer en pratique  ; trois régions
(Grand Est, Hauts-de-France, Provence-
Alpes-Côte d’Azur) ont marqué dès
à
présent
leur
volonté
de
mettre
en concurrence certaines lignes, en
entamant les procédures de mise en
concurrence .
Une préparation encore
insuffisante à l’ouverture
à la concurrence
3
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
De son côté, SNCF Mobilités a pris
conscience tardivement de l’urgence
d’une évolution . Depuis 2013, une
affectation plus directe des moyens
et des charges à la direction générale
TER
a
permis
de
renforcer
une
gestion de proximité et de mettre
en place des mesures d’amélioration
de l’activité . Mais ce n’est qu’à partir
de 2016 que la direction générale
TER a élaboré et mis en œuvre un
plan
stratégique,
CAP
TER
2020,
orienté vers la réduction des coûts et
l’amélioration de la qualité . Toutefois,
l’activité TER continue de se heurter
à des contraintes structurelles sur
lesquelles elle n’a actuellement pas de
prise, notamment en ce qui concerne
le coût des fonctions support du
groupe ferroviaire . La filialisation de
l’activité constitue une piste sérieuse
pour répondre à ces difficultés .
Une préparation encore insuffisante à l’ouverture
à la concurrence
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Conclusion
Les
exemples
étrangers
montrent
que la réussite du transport régional
dépend de la conjonction de quatre
facteurs : la régionalisation, une part
suffisante du coût assumée par les
clients, un bon état du réseau et une
ouverture à la concurrence .
La France est aujourd’hui très en
retard sur les trois derniers facteurs
de réussite . S’agissant des coûts, les
exemples
étrangers
conduisent
à
poser la question d’une plus forte
contribution des clients des TER .
L’amélioration de l’état du réseau
est
nécessaire
et
appelle
une
clarification des rôles respectifs des
différents acteurs . L’ouverture à la
concurrence, enfin, fût-elle progressive,
doit
maintenant
devenir
effective
pour
confirmer
son
rôle
de
levier
d’amélioration de la performance du
transport express régional .
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
La Cour formule les 9  recomman-
dations suivantes :
1.
Transférer
aux
régions
qui
le
souhaitent
la
propriété
des
infrastructures
régionales
(réseau
secondaire, gares locales) et leur laisser
le choix des modalités de gestion et
d’entretien (État, régions) .
2.
Accroître l’exigence sur le niveau
de qualité de service attendu de
l’exploitant et renforcer le niveau
d’incitation (pénalités, bonus/malus)
(régions) .
3 .
Réaliser
une
analyse
sociale,
économique
et
environnementale
de chaque ligne peu fréquentée
permettant
à
chaque
région
de
choisir entre les options suivantes :
développer la ligne, la maintenir en
la gérant de façon plus économique,
l’organiser avec un autre mode de
transport ou la supprimer (régions,
SNCF Mobilités, SNCF Réseau) .
4.
Veiller,
dans
l’élaboration
des
cahiers des charges, à limiter les
coûts
d’exploitation,
notamment
en ajustant le niveau de présence
d’agents en gare et à bord des trains
au strict nécessaire (régions) .
5.
Revoir
les
plans
de transport
afin de les rendre plus fiables et
d’améliorer la régularité des trains
(régions,
SNCF
Mobilités,
SNCF
Réseau) .
6.
Réexaminer
le
niveau
de
contribution des clients aux coûts
du TER, en lien notamment avec la
qualité du service (régions) .
7.
Fiabiliser les informations qui sont
susceptibles d’être demandées par
les régions en application du décret
du 20 août 2019 (SNCF Mobilités) .
8.
Renforcer l’expertise technique,
juridique et financière des régions
afin de préparer efficacement les
futurs appels d’offres (régions) .
9.
Filialiser
l’activité
TER
et
lui
transférer l’essentiel des fonctions
support
assurées
actuellement
pour son compte par SNCF et SNCF
Mobilités (SNCF, SNCF Mobilités) .