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RAPPORT D’
ÉVALUATION DÉFINITIF
ÉVALUATION DE LA POLITIQUE
DU MATÉRIEL ROULANT
FERROVIAIRE DE
LA RÉGION AUVERGNE-RHÔNE-
ALPES
Synthèse
Juin 2024
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du rapport d’évaluation définitif
de la chambre régionale des comptes, délibéré le 30 janvier 2024
Seul le rapport engage la chambre.
Les réponses au rapport sont publiées à la suite du
rapport, dans l’espace réservé
LA POLITIQUE DU MATÉRIEL ROULANT DANS LA STRATÉGIE RÉGIONALE FERROVIAIRE
SYNTHÈSE
Premier réseau régional ferroviaire
après celui de l’
Ile de France, les trains express
régionaux (TER) Auvergne-Rhône-Alpes transportent près de 220 000 voyageurs tous les jours,
pour un coût de 820 M
€ en 2022,
dont 67 % sont pris en charge par le contribuable régional et 33 %
par les usagers.
La politique ferroviaire est de la compétence de la Région Auvergne-Rhône-Alpes dont la
mise en œuvre est réalisée par la SNCF, exploitant unique. Au sein de cette compétence ferroviaire,
la politique du matériel roulant ferroviaire constitue un axe essentiel pour permettre une bonne
réalisation du plan de transport et assurer une bonne qualité de service aux usagers.
La Région Auvergne-Rhône-Alpes a saisi la chambre régionale des comptes (CRC) pour
mener une évaluation de sa politique ferroviaire, axée sur le matériel roulant ferroviaire.
L’évaluation exclut de son champ l
es transports TER par cars et le Léman Express qui fait
l’objet d’une convention particulière
.
Les questions posées étaient les suivantes :
•
Dans quelle mesure le matériel roulant est-il adapté pour atteindre le niveau de
qualité de service arrêté par convention entre la Région et la SNCF ?
•
Dans quelle mesure la politique d'entretien et de maintenance du parc de matériel
est-elle adaptée pour atteindre le niveau de qualité de service arrêté par convention
entre la Région et la SNCF ?
•
Comment rendre la politique en matière de matériel roulant de la Région plus
efficiente ?
Afin de pouvoir déterminer si le niveau de qualité de service attendu était atteint, la chambre a
procédé à sa propre étude de satisfaction des usagers.
Un matériel ferroviaire qui ne contribue pas à la qualité de service
attendue
La qualité de service des TER dans la Région Auvergne-Rhône-Alpes est mesurée par
la SNCF
avec des indicateurs d’exploitation du réseau,
conformément à la convention signée
entre la Région et la SNCF.
Sur
le plan de l’exploitation
, les résultats régionaux affichés sont proches de la moyenne
nationale avec 2,6 % de trains annulés (contre 2,2 % au niveau national) et 8,9 % de trains en
retard (contre 8,4 % au niveau national).
L’analyse des causes des retard
s et annulations montre
que la part du matériel est très significative notamment pour les annulations (environ un quart
entre 2017 et 2022).
La SNCF mesure également le niveau de satisfaction des usagers. Le taux de satisfaction
global avoisine les 90 % entre 2017 et 2022. Sur les items relevant du matériel roulant, seule la
propreté des sanitaires présente une réserve des usagers avec seulement 62 % de satisfaction.
Face à de tels résultats plutôt favorables, souvent en décalage avec l’expression des
as
sociations d’usagers, la chambre régionale des comptes
a réalisé ses propres mesures pour
objectiver la qualité de service.
Les mesures de la SNCF sur le degré de réalisation de l’exploitation des TER sont
réalisées par train, sans tenir compte du nombre de passagers à bord. Cette mesure de la
performance industrielle
ne tient pas compte du volume d’usagers transportés, en retard ou dont
le train a été annulé.
Ainsi, si le taux de retard par train est à 8
%, il s’élève à 14
% en moyenne
vu de l’
usager,
ce constat mettant en évidence que les retards sont plus nombreux pour les trains fortement
fréquentés en heures de pointe que pour les trains des heures creuses ou du week-end. En
prenant en compte les annulations de trains, le nombre de trains en retard ou annulés vu de
l’usager est de l’ordre de 20
% : pour un usager effectuant cinq allers retours par semaine, deux
trajets en moyenne seront affectés.
Part des passagers impactés par un retard (en minutes)
La chambre a aussi audité les enquêtes de satisfaction menées par la SNCF auprès des
usagers et a administré la sienne auprès des abonnés du TER, utilisateurs en moyenne plus
intensifs que les usagers interrogés par la SNCF.
L’analyse de l’enquête
de la SNCF fait
ressortir des biais méthodologiques qui favorisent des scores de satisfaction élevés. En adoptant
la méthode de calcul de la SNCF, la chambre estime la satisfaction générale des usagers
satisfaits et très satisfaits à 53 %, contre 87 % en moyenne pour les enquêtes SNCF
(2017-2022). De même,
l’indicateur
1
qui mesure le nombre d’usager
s disposés à recommander
le service (le NPS), est mesuré à - 44 par la chambre, contre - 10 par la SNCF. Tous les items
relatifs au matériel roulant ont un taux de satisfaction inférieur à 50 %, sauf le sentiment de
sécurité à bord (75
%). Un des enseignements de l’enquête montre que le niveau de l’emport
des trains et donc du confort de voyage est extrêmement important pour les usagers.
1
Le Net Promoter Score (NPS) est le résultat de la différence entre la part des usagers qui recommandent le service
(note 9 et 10), et les détracteurs (1 à 8).
0
10
20
30
40
50
60
70
à l'heure
1-3
3-5
5-10
10-15
15-30
30-60
> 60
Part en %
Voyageurs
Trains
LA POLITIQUE DU MATÉRIEL ROULANT DANS LA STRATÉGIE RÉGIONALE FERROVIAIRE
Comparaison des r
ésultats obtenus par l’enquête
de la CRC et de ceux issus des enquêtes de la SNCF
La chambre a constaté une qualité de service relativement dégradée, dont une des causes
est l’insuffisance de rames et l’inadaptation des matériels actuels aux besoins des usagers.
Ce
constat devait être fait avant de pouvoir répondre aux trois questions évaluatives.
Un parc de matériels roulants sous dimensionné
La première question de l’évaluation portait sur l’adaptation du matériel roulant pour
l’atteinte du niveau de la quali
té de service prévu dans la convention entre SNCF Voyageurs et
la Région.
La Région dispose d’un schéma
directeur du matériel et de la maintenance depuis 2020,
mais il ne se traduit pas par une programmation à long terme des investissements à réaliser.
Notamment, il n
’anticip
e pas les acquisitions de matériel roulant sur une période longue.
De ce fait, les radiations récentes de matériels anciens, et les retards sur la mise en
service de matériels commandés trop tardivement, pèsent aujourd’hui sur la consis
tance du
parc. L’écart entre les besoins et les matériels disponibles s’élève à une trentaine de rames
. La
hausse significative de la fréquentation depuis
2022, et les projections d’évolution, laissent à
penser que cette situation perturbée va se prolonger
jusqu’
en 2027.
Trajectoire du parc et estimation des besoins (en nombre de rames)
SNCF
Enquête CRC
Moyenne 2017-2022
Année 2022
2023
Satisfaction générale
87 %
87 %
53 %
Sentiment de sécurité à bord
82 %
93 %
75 %
Propreté des sanitaires
62 %
62 %
40 %
Ponctualité
78 %
84 %
39 %
NPS
- 10
0
- 44
370
380
390
400
410
420
430
440
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
2025
2026
2027
total hors Mont Blanc et TTOL
Estimation besoins
Total yc OPMV
Cette tension risque d’être encore accrue par
la nécessité de remplacer les trains
CORAIL et
l’obligation de procéder à des opérations de maintenance
patrimoniale lourdes
(OPMV) sur une part significative du matériel (plus du quart du parc), qui va peser sur sa
disponibilité.
Pour faire face à ce sous-dimensionnement du parc de matériel roulant et assurer au
mieux le plan de transport, la SNCF a fixé la réserve de trains nécessaire pour faire face aux
aléas de la circulation (avaries sur les trains) à un niveau insuffisant et a réduit l’emport de
nombreuses liaisons pourtant
très fréquentées. Ces choix n’ont pu qu’
accroître le taux
d’annulations des trains et l’inconfort
des trajets pour les usagers.
Avec un taux de remplissage moyen passé de 89 à 104 voyageurs par train entre 2017
et 2022 (+ 16,8
%) et un emport qui n’a
progressé que de 2,8 % sur la même période, la tension
s’accroît sur le parc
de matériels roulants et sur la qualité de service ressentie par les usagers.
Laquelle risque de se dégrader dans les prochaines années, à mesure que les besoins en matériels
seront plus importants.
Occupation moyenne des trains
Les besoins en investissement pour les seuls matériels roulants
peuvent être aujourd’hui
chiffrés à environ 3,8
Md€,
estimation qui ne prend pas en compte de nombreux investissements
qui seront rendus nécessaires avec l’ouverture à la concurrence
et la mise en place des Services
Express Régionaux Métropolitains (SERM).
Des gains de productivité à développer pour la maintenance
La deuxième question de l’évaluation portait sur
la politique d'entretien et de
maintenance du parc de matériel pour atteindre le niveau de qualité de service arrêté par
convention entre la Région et la SNCF.
En matière de maintenance, les résultats de la SNCF dans la région Auvergne-Rhône-
Alpes sont satisfaisants relativement aux autres régions françaises, l
e taux d’immobilisation des
rames pour réaliser la maintenance
s’élevant
à moins de 17 %, soit à un meilleur niveau que la
moyenne nationale.
Une grande partie de ce résultat s’explique par un savoir
-faire industriel
reconnu et par le développement récent de la gestion de la maintenance assistée par ordinateur.
Taux de disponibilité des trains
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Taux Global
78,5 %
77,2 %
81,6 %
74,6 %
80,6 %
83,4 %
Pour autant, la maintenance souffre de faiblesses qui se traduisent par des coûts élevés
et une efficacité perfectible.
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Nombre moyen de voyageurs par trains
(VKM/TKM)
89,8
93,5
97,2
71,7
73,7
104,4
LA POLITIQUE DU MATÉRIEL ROULANT DANS LA STRATÉGIE RÉGIONALE FERROVIAIRE
Ainsi, l’implantation des différents ateliers, trop concentrés sur le nœud ferroviaire
lyonnais peu accessible, se révèle inadaptée
aux actuelles conditions d’exploitation des TER.
De plus, la faible polyvalence des ateliers constitue un frein pour maintenir un parc caractérisé
par une quinzaine de séries différentes.
Les équipements techniques apparaissent vieillissants et sous-
dimensionnés. C’est
notamment le cas des tours en fosse, dont la Région ne dispose à ce jour que d
’un seul
exemplaire, ne permettant pas de faire face aux besoins de maintenance.
Les temps de travail de nuit et le week-end sont trop peu mobilisés (35 % des opérations
de maintenance) alors que ce sont les périodes où les TER ne circulent pas. Actuellement, trop
de rames sont immobilisées en journée dans le technicentre alors que les usagers souffrent de
manque de places dans les trains ou constatent de trop nombreuses annulations.
Répartition par site entre le jour et la nuit des opérations de maintenance programmée,
la dernière semaine de juillet 2023
Interventions en jours de semaine
Interventions de nuit ou week-end
Enfin, en ce qui concerne la maintenance patrimoniale lourde, la Région ne dispose que
de faibles marges de manœuvre. N’étant pas propriétaire de son matériel, et devant faire face à
un lourd progra
mme d’opération
s à mi-vie, la collectivité se trouve dans une situation de
dépendance vis-à-vis de son exploitant, qui définit les besoins de maintenance, arrête le
calendrier et réalise les opérations qui en découlent.
Si les conditions de maintenance ne sont pas optimales, la maîtrise des coûts est loin
d’être atteinte. Le coût constaté entre 2017 et 2022 a nettement augmenté, la part de la
maintenance dans les charges d’exploitation étant passée de plus de 14
% en 2017 à 16 % en
2022. Le temps de travail productif (1 410 heures annuelles), inférieur au temps travail
théorique (1 528 heures) peut constituer une explication. Mais la faible transparence des coûts
du t
echnicentre ne permet pas à la Région de suivre précisément l’évolution des charges de
maintenance et leurs causes.
Pour améliorer la maintenance des TER, la Région devra envisager d’importants
investissements que la chambre estime au moins à 400
M€ sur les dix ans à venir. L’ouverture
de l’exploitation des TER à la concurrence sera l’occasion d’
engager une refonte du système
de maintenance courante et de programmer les investissements nécessaires (nouveaux ateliers,
modernisation de l’existant).
Des gisements d’efficience à considérer
La dernière question de l’évaluation portait sur
les pistes possibles pour rendre plus
efficiente la politique en matière de matériel roulant ferroviaire de la Région.
La chambre a constaté qu
’entre 2015 et 2020, la mise en œuvre de cette politique était
moins efficiente en Auvergne-Rhône-Alpes que sur le territoire national. Avec un coût assez
élevé au train-kilomètre et une offre de transport stable, la Région Auvergne-Rhône-Alpes se
situe au 7
ème
rang des 11 Régions françaises.
Efficience comparée des régions entre 2015 et 2020
La maîtrise du service
passe d’abord par une montée en connaissance et en compétence
de la Région dans le domaine des matériels ferroviaires roulants et de leur maintenance.
P
lusieurs gisements d’efficience ont été identifiés par la chambre lors de ses échanges avec
d’autres
Régions et acteurs du ferroviaire. Cependant, les moyens actuels de la direction des
mobilités ferroviaires et aériennes de la Région est jugée insuffisante pour assurer un pilotage
efficace de sa politique ferroviaire.
Les réponses aux deux premières questions évaluatives ont déjà permis de dégager des
gisements d’efficience en matière de matériel roulant et de maintenance.
D’autres gisements
d’efficience existent et peuvent également être mobilisés, notamment dans la période
d’ouverture à la concurren
ce.
L’obligation d’ouvrir à la concurrence l’exploitation des TER est à cet égard une
opportunité dont la Région commence à se saisir. Le transfert de propriété des matériels et des
données de service a été demandé par la Région en juin 2023
, le projet d’a
llotissement des
0,6
0,65
0,7
0,75
0,8
0,85
0,9
0,95
17
19
21
23
25
27
29
31
33
Score d'efficience
Coût du TKM (€/TKM)
Auvergne
Rhône Alpes
LA POLITIQUE DU MATÉRIEL ROULANT DANS LA STRATÉGIE RÉGIONALE FERROVIAIRE
prochains services ouverts à la concurrence inclut une partie importante concernant la relation
à l’usager qui sera désormais mieux
maitrisée par la Région.
Cet engagement dans un processus que la chambre estime vertueux,
s’il est contrôlé
correctement, imposera à la Région de faire des choix très rapidement sur le mode de dévolution
et de gestion de son parc, sur la stratégie de remplacement du parc CORAIL et sur la mise à
niveau de son technicentre
aujourd’hui en tension
,
et qui n’
apparaît pas à même de sécuriser les
cinq lots qui seront ouverts à la concurrence entre 2025 et 2034. À cet égard, la feuille de route
« mobilité positive 2035 » adoptée par la Région en décembre 2023 affiche un objectif politique
ambitieux
qu’
il conviendra de
décliner dans un schéma opérationnel qui s’imposera alors au
(x)
futur(s) opérateur(s).
La mise en concurrence peut également être l’occasion d’
introduire des modes
d’exploitation plus efficient
s. Les simulations
d’un cadencement généralisé sur quelques
lignes
d’Auvergne
montrent que
l’on peut obtenir une offre de service multipliée par 2,5 pour
une
hausse des coûts de 16 %. Pour autant, quelques prérequis sont nécessaires, tels que la
standardisation des allocations de matériels, la priorisation des opérations de maintenance en
travail de nuit et la mise à niveau des installations de maintenance.
LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1.
(Région)
: augmenter le nombre d’indicateurs relatifs au matériel
roulant dans la certification.
Recommandation n° 2.
(Région) : consolider et utiliser un indicateur au passager pour le
pilotage du service.
Recommandation n° 3.
(Région) : réaliser un schéma directeur prospectif du matériel et
de la maintenance, anticipant les besoins futurs.
Recommandation n° 4.
(Région) construire une prospective financière détaillée à 15 ans,
déclinant le schéma directeur prospectif du matériel et de la maintenance.
Recommandation n° 5.
(Région) : arrêter une stratégie de décarbonation du parc de
matériel roulant, en cohérence avec les objectifs du SRADDET.
Recommandation n° 6.
(Région) : construire avec SNCF Voyageurs des indicateurs de
suivi du technicentre à même de contrôler son activité.
Recommandation n° 7.
(Région) : renforcer les moyens de la direction des mobilités
ferroviaires et aériennes pour permettre à la Région de trouver son autonomie de suivi et
de gestion.
Recommandation n° 8.
(Région) : statuer rapidement sur les modalités de portage et de
gestion du parc prochainement transféré.
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