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LA CAISSE DES CONGÉS SPECTACLES
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La caisse des congés spectacles
Le régime d’indemnisation des congés payés des salariés du
spectacle, créé en 1939, présente la spécificité de confier à une caisse
spécialisée le versement des indemnités de congés payés des salariés
intermittents des métiers du spectacle. Ces indemnités sont
financées
par des cotisations des employeurs versées à cette caisse. Pour les
intermittents, ce dispositif
se substitue au régime de droit commun dans
lequel les indemnités sont directement payées par l’employeur.
Le contrôle de la Cour sur la caisse « Les congés spectacles » a
donné lieu, le 13 mars 2008, à l’envoi d’un référé aux ministres chargés
du travail et de la culture. La Cour critiquait sévèrement les délais de
versement des indemnités, l’absence de paiement de certaines cotisations
sociales
ainsi que les modalités de financement du « conseiller social ».
La Cour, au vu de ces constats, mettait en doute le bien-fondé du régime
des « congés spectacles ».
Dans leurs réponses, en date respectivement du 17 juin et du
13 juin 2008, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille
et de la solidarité et la ministre de la culture et de la communication ont
marqué leur volonté de s’engager dans une profonde réforme du
dispositif.
L’intervention de la Cour a par ailleurs déjà produit des effets
auprès de la caisse « Les congés spectacles » elle-même et de certains de
ses partenaires.
* * *
132
COUR DES COMPTES
La Cour observait qu’en l’absence d’une caisse spécialisée, les
intermittents du spectacle percevraient directement leurs indemnités
à
l’issue
de
chaque
contrat
sous
la
forme
d’indemnités
compensatrices de congé payé, comme c’est le cas pour les
travailleurs intérimaires et pour bien d’autres salariés employés par
des contrats à durée déterminée de courte durée.
Les deux ministres de tutelle ont aussitôt pris en considération
les
conclusions de la Cour et ont engagé des actions
pour une réforme du
dispositif.
Le 27 mai 2008, ils ont ainsi chargé conjointement les inspections
générales des affaires sociales et de l’administration des affaires
culturelles d’examiner la faisabilité d’un paiement direct aux
salariés de l’indemnité de congés payés, suggéré par la Cour, ou de
solutions alternatives qui permettraient de mettre fin aux
dysfonctionnements constatés.
Le ministre chargé du travail a reconnu que les pratiques relevées
par la Cour appelaient une remise en ordre immédiate, sans
attendre d’autres évolutions futures du dispositif. Il a indiqué à ce
propos qu’une réforme des règles de gouvernance de la caisse avait
été engagée et qu’un audit externe avait été conduit en vue
d’améliorer le versement des droits et l’acquittement des
cotisations.
La caisse avait prêté son concours au prélèvement d’une
cotisation additionnelle
, censée couvrir les dépenses d’un service de
« conseiller social » chargé d’une assistance en matière d’hygiène et de
sécurité.
La perception de la cotisation additionnelle dite « conseiller
social » a été interrompue en avril 2007, après que la caisse a eu
connaissance des premières constatations de la Cour.
Cette cotisation était appelée chaque année auprès de 4 600
entreprises de production de films, alors que seulement 1 500
d’entre elles y étaient juridiquement assujetties ou la versaient
volontairement. Cette cotisation était perçue par la caisse pour le
compte d’une organisation syndicale d’employeurs qui jusqu’à juin
2005, à l’insu des contributeurs, a reversé 40 % de son montant à
un autre syndicat. Ce dernier ne menait aucune action particulière
dans le domaine d’activité du conseiller social.
Les particularités du régime des congés spectacles étaient
par
ailleurs invoquées par la caisse pour justifier le fait qu’elle ne paye
pas certaines charges sociales ou fiscales.
LA CAISSE DES CONGÉS SPECTACLES
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Il en était ainsi du versement transport ou des cotisations à
l’Association pour la gestion du régime d’assurance des créances
des salariés (AGS).
Qui plus est, la Cour constatait que jusqu’à 2001, la caisse
avait omis d’acquitter environ deux millions d’euros par an de
cotisations sociales, soit plus de quinze millions d’euros pour la
seule période 1994-2001, du fait de la pratique d’abattements indus
pour frais professionnels sur les bases de calcul des cotisations
dues sur les indemnités de quelque 15 000 techniciens du
spectacle. La caisse avait ensuite cherché à éviter la divulgation de
cette situation gravement anormale, afin de ne pas avoir à la
régulariser, notamment en passant un accord avec une organisation
syndicale par lequel elle lui versait 70 000 euros en contrepartie
d’un engagement de confidentialité et de son abstention de toute
procédure judiciaire.
- En décembre 2007, le conseil d’administration de la caisse a
décidé
de
régulariser
les
paiements
de
cotisations
de
retraite
complémentaire qui avaient été éludés depuis 1996, du fait de la pratique
des abattements indus pour frais professionnels.
En janvier et en juin 2008, la caisse a versé
respectivement
4,7 millions d’euros et 0,8 million d’euros à AUDIENS, organisme
de gestion des retraites complémentaires des intermittents du
spectacle. Toutefois, elle n’a payé ces sommes qu’à titre
conservatoire et elle s’est refusée à reconnaître l’existence d’une
dette de sa part envers AUDIENS. La négociation d’une
transaction a été engagée avec cet organisme. Les deux parties sont
d’accord pour ne pas remonter au-delà de 1996, mais leurs
discussions n’ont pas pour l’instant abouti. Il est regrettable que
l’on tarde ainsi à apurer définitivement le préjudice causé aux
caisses de retraite complémentaire et aux salariés intermittents
qu’elles représentent.
La Cour relevait que l’interposition de la caisse de congés
payés entraînait des délais de procédure retardant le paiement des
indemnités
.
- Des mesures ont été prises par la caisse pour améliorer le
versement des indemnités.
Au lieu de percevoir celles-ci à la fin de chaque contrat,
comme dans le régime de droit commun des contrats de travail de
courte durée, les intermittents ne les recevaient qu’après un délai
moyen de sept mois lorsque le dispositif fonctionnait normalement.
On constatait dans de nombreux cas des délais de paiement très
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COUR DES COMPTES
excessifs, ou même la perte pure et simple des droits des
bénéficiaires. Plus d’un an après la fin de chaque période annuelle
se terminant le 31 mars, plus de 16 % des bases salariales déclarées
par les employeurs au cours de cette période n’avaient encore
donné lieu à aucun paiement d’indemnité, et près d’un tiers des
intermittents rémunérés n’avaient fait parvenir aucune demande
d’indemnité. Le taux définitif de non-paiement après cinq ans
dépassait 8 % du total des indemnités théoriquement dues, soit
seize millions d’euros par an.
En octobre 2007 et en février 2008, des versements
complémentaires d’un montant total de 8,3 millions d’euros ont été
effectués aux intermittents ayant effectué une demande de congé,
pour tenir compte des droits à indemnités correspondant aux
périodes d’emploi connues de la caisse mais non mentionnées sur
leurs demandes. En novembre 2007, une lettre de relance a été
adressée à ceux qui n’avaient pas encore envoyé leur demande. En
outre, à partir de 2008, les intermittents n’ont plus à joindre à leur
demande les certificats d’emploi ou les bulletins de salaire reçus de
leurs employeurs. Ces mesures sont de nature à réduire les délais
de paiement liés à l’interposition de la caisse et les cas de non-
paiement définitif, mais non à les faire entièrement disparaître,
l’objectif de la caisse étant de limiter ces non-paiements à 3 ou 4 %
au mieux de la masse totale des indemnités, au lieu de 8 %.
LA CAISSE DES CONGÉS SPECTACLES
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RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA
COMMUNICATION
Comme vous le savez, c’est le ministère du Travail qui est chargé de
la tutelle de la Caisse des congés spectacles. Néanmoins, compte tenu de la
gravité des dysfonctionnements observés, le ministère
de la Culture a
souhaité agir en très étroite collaboration avec ce ministère pour examiner
les conditions de mise en oeuvre des préconisations de la Cour relatives à la
suppression de la caisse de congés payés dans le secteur du spectacle.
Il m’est apparu en effet indispensable de mesurer les conséquences
que ces préconisations pourraient avoir en matière de droits sociaux, en
particulier pour les salariés les plus fragilisés. La mission confiée
conjointement à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection
générale des affaires culturelles doit donc expertiser les recommandations de
la Cour au regard des objectifs suivants :
- assurer aux salariés l’intégralité de leurs droits à rémunération avec
toutes les garanties de sécurité juridique et de versement effectif des
sommes qui leur sont dues ;
- permettre la prise effective de congés en conformité avec les règles
communautaires ;
-
clarifier
l’articulation
entre
indemnisation
congés
payés
et
indemnisation chômage ;
- simplifier les mécanismes administratifs de déclaration, de gestion et
de versement des droits ;
- assurer une meilleure transparence de la gestion et renforcer le
contrôle du fonctionnement du dispositif.
Les conclusions de cette mission sont attendues par le Gouvernement
courant janvier 2009. Je ne manquerai pas de vous en tenir informé ainsi que
les suites qui leur seront données.
136
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION
DE LA CAISSE DES CONGÉS SPECTACLES
L’insertion au rapport public de la Cour des comptes concernant la
Caisse des Congés Spectacles appelle de notre part les remarques qui
suivent.
Le rapport d’observations définitives, reçu en mars 2008, il y a
seulement 6 mois, concerne le contrôle effectué au 1
er
semestre 2006 portant
sur les exercices 2003 à 2005.
Dès mars 2006, le changement de Président et de Bureau a permis,
sans attendre les nouvelles observations de la Cour, de prendre en compte
l’ensemble des recommandations du 22 juillet 2005 en clôture du précédent
contrôle portant sur les exercices 1999 à 2002. Ont été ainsi initiées des
actions visant notamment à accroître la transparence et la communication, à
renforcer le contrôle de gestion, à élaborer un recueil des procédures et
mettre en oeuvre un contrôle interne, à poursuivre les simplifications
administratives à destination des employeurs et des salariés.
* Suppression de la Caisse
La Cour préconise le paiement direct par l’employeur d’une
indemnité compensatrice de congé à chaque fin de contrat de travail
La substitution d’une indemnité compensatrice de congé payé au
versement du congé annuel par la Caisse compromettrait la possibilité
qu’offre celle-ci aux artistes et techniciens du spectacle de prendre
effectivement un congé annuel, alors que la Cour de Justice des
Communautés Européennes a jugé, le 16 mars 2006 (C-131/04 et C-257/04) :
« l’article 7 de la directive 93/104 s’oppose à ce que le paiement du congé
annuel minimal au sens de cette disposition fasse l’objet de versements
partiels étalés sur la période annuelle de travail correspondante et payés
ensemble avec la rémunération au titre du travail effectué, et non d’un
versement au titre d’une période déterminée au cours de laquelle le
travailleur prend effectivement congé ».
* La cotisation Conseiller social
Concernant la cotisation dite « Conseiller Social » et conformément
aux instructions de la Direction Générale du Travail, la Caisse précisait
depuis 2002 sur le bordereau d’appel, d’une part les catégories
d’employeurs assujettis à cette cotisation, d’autre part ceux qui pouvaient
l’acquitter à titre facultatif.
Elle spécifiait également sur ce bordereau qu’elle n’agissait qu’en
tant que mandataire de l’organisation professionnelle à qui elle reversait les
cotisations.
LA CAISSE DES CONGÉS SPECTACLES
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La Caisse n’avait pas connaissance de l’utilisation des sommes
reversées en totalité, hormis les frais de gestion, au syndicat et ne détenait
aucun pouvoir de contrôle sur leur utilisation.
*
Les charges sociales et fiscales
- Pour ce qui concerne le versement transport, il convient de rappeler
que l’ACOSS a admis depuis fort longtemps que les caisses de congé payé,
qui sont dans l’ignorance du lieu de travail des salariés auxquels elles
versent le congé annuel, n’ont pas à acquitter le versement transport. Cette
position de l’ACOSS est constante : Instruction ACOSS 75.5 du 6 mars
1974 ; Guide du recouvrement ACOSS (p.110-2, n° 3-1993 ; réponse
technique ACOSS FC/NB n° 80720 du 18 février 1998 aux URSSAF) ; lettre
circulaire n° 2005-087 du 06/06/2005).
C’est sur ces bases que l’URSSAF de Paris n’a jamais notifié de
redressement à notre organisme.
- Dans la mesure où l’Association pour la Gestion du régime
d’assurance des créances des Salariés (AGS) a considéré que notre
organisme n’entrait pas dans son champ d’application, la cotisation n’a
jamais été appelée sur les bordereaux du GARP (ASSEDIC de Paris). Notre
organisme verse les indemnités de congés annuels acquis par les salariés,
même si les employeurs n’acquittent pas leur cotisation et c’est lui et non
l’AGS qui recouvre cette cotisation auprès des employeurs faisant l’objet
d’une procédure collective, supportant ainsi à la place de l’AGS le risque des
impayés.
Le Conseil d’administration a décidé de prendre contact avec les
organismes concernés par ces deux cotisations.
- Le Conseil d’administration a accepté en 2007 la proposition
d’Audiens de régulariser les cotisations de retraites complémentaires de
certains techniciens de la production audiovisuelle de 1996 à 2001 et ce,
bien que ces cotisations aient été prescrites. Les déclarations nominatives
complémentaires et le versement des cotisations correspondantes, parts
patronale et salariale, ont été adressés à Audiens en janvier 2008 et un
complément en juin. Ils ont été validés par les experts désignés par Audiens.
La Caisse n’a pas envisagé de demander aux salariés le remboursement de la
part salariale qu’elle a versée en leur nom. La régularisation des points
complémentaires et des retraites a été effectuée par Audiens en mai et juin
2008 auprès des salariés concernés qui ont donc été remplis de leurs droits.
Le litige avec Audiens ne portait plus que sur les majorations de retard et les
frais de gestion exposés par celui-ci. Audiens a fait récemment une
proposition de règlement amiable acceptée par la Caisse, ce qui met fin au
différend.
138
COUR DES COMPTES
* Fonctionnement de la Caisse
La Cour fait état de la situation observée en 2004 au titre des
périodes de travail 2003.
Indépendamment du délai moyen incompressible de sept mois
concernant également les salariés permanents, l’objectif de notre organisme
est de rémunérer un congé annuel à l’ensemble des salariés qui le prennent
ce, dans les meilleures conditions : le plus rapidement possible et le plus
complètement possible.
C’est ainsi que depuis mai 2007, l’ensemble des périodes de travail
identifiées est pris en compte dans le calcul du montant de l’indemnité et que
des relances sont régulièrement effectuées dès la fin de la période habituelle
du congé, soit fin octobre de chaque année, auprès des salariés n’ayant pas
encore pris leur congé.
A fin novembre 2008 :
- le montant des indemnités du congé annuel 2007 versées à partir du
1
er
mai 2007 correspond à 99,7 % de la masse salariale déclarée par
les employeurs au titre de la période de référence ;
- 90 % des salariés ayant pris un congé annuel depuis le 1
er
mai 2008
ont pu bénéficier immédiatement du paiement total de leur congé.
Pour améliorer le délai de versement du congé annuel 2009, des
évolutions sont en cours. Les salariés pourront prochainement consulter sur
le site Internet de la Caisse les périodes de travail déclarées par leurs
employeurs et faire connaître les périodes de travail non déclarées ou non
identifiées en saisissant en ligne le numéro du certificat d’emploi ou du
feuillet du Guso qui leur a été délivré.
Ces dispositions permettront d’identifier des déclarations qui
n’avaient pu l’être. De plus, les salariés pourront a priori, en amont du
traitement de leur demande de congé, vérifier l’exhaustivité des déclarations
de leurs employeurs.
La dématérialisation de nombreuses déclarations d’employeurs
notamment via le portail national net-entreprises a permis, outre de
simplifier la gestion administrative des employeurs, d’améliorer notablement
la qualité et le nombre des déclarations reçues par la Caisse, accélérant
ainsi le traitement du congé annuel et augmentant le montant payé.
La déclaration sociale nominative mensuelle (DSN) dont le lancement
devrait être décidé en juin prochain, permettra à l’employeur de se libérer
chaque mois, en une seule connexion sur un site national, de toutes ses
obligations
sociales
déclaratives
et
des
règlements
de
cotisations
correspondants y compris ceux de la Caisse. L’interposition d’une caisse de
congé devient ainsi transparente pour les employeurs.
LA CAISSE DES CONGÉS SPECTACLES
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Enfin, les modifications statutaires adoptées par l’Assemblée
Générale Extraordinaire de notre organisme en juillet dernier visant à
modifier la gouvernance, notamment en introduisant une représentation des
salariés au sein du Conseil, vont permettre d’accroître la communication
vers les salariés par le biais de leurs représentants et donc, la connaissance
du fonctionnement de la Caisse.
Cette information, associée aux simplifications engendrées par la
dématérialisation, doit augmenter les performances de l’organisme lui
permettant ainsi d’atteindre ses objectifs.
Cette démarche d’amélioration de son efficience souhaite être
poursuivie de manière déterminée dans les années à venir.