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Chapitre I
Un financement de la sécurité sociale
non assuré à terme sauf mesures
vigoureuses de redressement
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Sécurité sociale 2025 – mai 2025
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_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale
(Robss) et du fonds de solidarité vieillesse (FSV)
2
devait, selon la loi de
financement initiale pour 2024, rester stable en 2024 par rapport à 2023,
alors qu’il se réduisait tous les ans depuis la sortie de la crise sanitaire. Il
s’est finalement creusé de
4,8
Md€
par rapport à cette prévision, atteignant
15,3
Md€ selon le projet de loi d’approbation des comptes sociaux définitifs.
Cette dégradation, inédite hors contexte de crise, résulte
, d’une part,
d’une prévision optimiste d
es produits de la taxe sur la valeur ajoutée,
d’autre part,
de moindres recettes de contribution sociale généralisée et de
cotisations sociales. Elle résulte aussi d’une absence persistante de maîtrise
des dépenses d’assurance maladie
3
. La constatation en cours d’exercice de
ces écarts n’a pas donné lieu à des mesures de redressemen
t significatives.
En octobre 2024, la Cour a publié une analyse de la prévision de
déficit 2024 et de la trajectoire envisagée jusqu’en 2028
4
au vu des données
du dernier rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale
(octobre 2024). Le déficit
2024 s’est révélé un peu inférieur aux 18
Md€
alors prévus mais la trajectoire, jugée « non soutenable » par la Cour, a
encore été dégradée par la loi de financement pour 2025. En raison
notamment de moindres mesures d’économie, le déficit
dépasserait 22
Md€
en 2025 et 24
Md€
à l’horizon 2028
. Il en résulte une accumulation de dette
qui constituera un risque financier croissant pour la sécurité sociale du fait
de la saturation potentielle du marché d’emprunt de capitaux à court terme
auquel elle doit recourir.
Le chapitre analyse les causes du déficit constaté en 2024, en
présentant les principales évolutions des recettes globales et des dépenses
par branche (I). Il explique en quoi, si rien n’est fait, la situation de la
sécurité sociale pourrait devenir c
ritique d’ici 2028
(II).
2
L
’ensemble des Robss (régime général, régimes agricoles et régimes spéciaux) est regroupé
dans cinq branches : maladie, maternité, invalidité et décès (branche maladie) ; accidents du
travail et maladies professionnelles ; vieillesse et veuvage (branche vieillesse) ; famille et, depuis
2021, autonomie. Le FSV assure le financement du minimum vieillesse et d’autres pre
stations
de solidarité. Il sera supprimé en 2026 en application de la loi de financement pour 2025.
3
Voir le chapitre II du présent rapport : «
Des dérives continues dans l’exécution de l’Ondam,
un pilotage efficace à retrouver ».
4
Cour des comptes,
La situation financière de la sécurité sociale, un déficit devenu structurel
malgré les mesures envisagées pour 2025
, communication à la Commission des affaires sociales
de l’Assemblée nationale et à la Commission des affaires sociales du Sénat, octobre 2024
.
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UN FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE NON ASSURÉ À TERME
SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
37
I -
En 2024, un creusement du déficit inédit
hors période de crise
Le déficit constaté en 2024 excède de
4,8 Md€ (46
%) la prévision
initiale et de 4,5
Md€ celui de 2023
, du fait du tassement de la progression
des recettes et de la hausse
des dépenses d’assurance maladie
.
A -
Un déficit bien plus élevé que prévu, qui interrompt
le redressement entamé depuis 2021
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoyait un
déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de
solidarité vieillesse (FSV) de 10,5
Md€, pratiquement stable par rapport à
2023. Il atteint finalement 15,3
Md€ en 2024, soit 0,4
% du PIB, renversant
ainsi la tendance continue de réduction constatée après la crise sanitaire.
Graphique n° 1 :
évolution du déficit agrégé des régimes obligatoires
de base de sécurité sociale et du FSV (2009-2024, en
Md€)
Note : La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 a été adoptée avec un déficit
2020 s’élevant à 39,7
Md€. En tenant compte de la rectification du déficit 2021
en LFSS pour
2023 (minoration de 5
Md€ de produits rattachables à 2020
), le solde 2020 serait de - 34,7
Md€.
Source
: Cour des comptes d’aprè
s les comptes 2022 à 2024 des régimes de sécurité sociale et les
tableaux d’équilibre approuvés par les
lois de financement pour les années antérieures
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COUR DES COMPTES
38
La branche maladie porte, à elle seule, 90 % du déficit (- 13,8
Md€),
et explique
la totalité de l’écart
par rapport à la prévision initiale pour 2024.
L’amélioration constatée en 2023 résultait en totalité de la fin des dépenses
covid, marge qui a disparu en 2024.
La dégradation du solde de la branche vieillesse par rapport à 2023,
due au mécanisme de revalorisation des pensions, était prévue. La réduction
de l’excédent de la branche accidents du travail et maladies professionnelles
résulte d’un transfert de cotisations au profit de la branche vieillesse, décidé
par
la loi de financement rectificative d’avr
il 2023 portant réforme des
retraites. Le résultat de la branche famille, dont les recettes étaient sous-
estimées en loi de financement initiale, est comparable à celui de 2023.
Enfin, le retour en 2024 à une situation excédentaire pour la branche
autonomi
e résulte de l’attribution à cette branche de 0,15 point
supplémentaire de contribution sociale généralisée (effet de 2,6
Md€)
5
.
Tableau n° 1 :
soldes des régimes obligatoires de base de la sécurité
sociale et du fonds de solidarité vieillesse (en Md€)
Réalisé
2024
LFSS
2024
Écart à la
prévision
Réalisé
2023
Écart
2024/ 2023
Maladie
- 13,8
- 8,5
- 5,3
- 11,1
- 2,7
AT-MP
0,7
1,1
- 0,4
1,4
- 0,7
Vieillesse
- 5,6
- 5,8
0,2
- 2,6
- 3,0
Famille
1,1
0,8
0,3
1,0
0,1
Autonomie
1,3
1,2
0,1
- 0,6
1,9
Total Robss
- 16,4
- 11.3
- 5,1
- 11,9
- 4,5
FSV
1,1
0,8
0,3
1,1
0,0
Vieillesse + FSV
- 4,5
- 5,0
0,5
- 1,5
- 3,0
Total Robss + FSV
- 15,3
- 10,5
- 4,8
- 10,8
- 4,5
Note
: l’ordre de mention des branches est celui de l’article L.
200-2 du code de la sécurité sociale.
Source
: Cour des comptes d’après la
LFSS pour 2024 et les comptes définitifs 2022 et 2023
L’aggravation du déficit constaté par rapport à la prévision initiale
en loi de financement de la sécurité sociale tient, pour les trois quarts, au
moindre rendement des recettes, en particulier de TVA, et pour le solde, à
une dynamique plus forte des dépenses, notamment de la branche maladie.
5
Transfert prévu par la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.
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UN FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE NON ASSURÉ À TERME
SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
39
B -
Une prévision de recettes trop optimiste
En 2024, les produits des régimes obligatoires de base et du fonds de
solidarité vieillesse, nets de charges pour non-recouvrement, se sont élevés à
627,8
Md€.
Ce montant de produits nets représente une hausse de 4,6 % par
rapport à 2023 mais il est inférieur de 0,6 % à celui prévu par la loi de
financement pour 2024.
Tableau n° 2 :
produits nets par nat
ure de recettes (en Md€)
Source
: Cour des comptes d’après la
LFSS pour 2024 et les comptes définitifs 2023 et 2024
Comme pour le budget de l’État
6
, la prévision des recettes fiscales
attendues a été trop optimiste, principalement du fait d’une hypothèse de
croissance de 1,4
% peu réaliste, ce qu’avait à l’époque souligné le Haut
Conseil des finances publiques qui l’estimait «
élevée
»
7
. Elle a été
réajustée à 1,0 % en avril 2024
8
. Par ailleurs, l’hypothèse de progression
de la masse salariale, sur laquelle reposent les prévisions de recettes des
cotisations et de la plus grande partie de la CSG, a été plus élevée que la
progression constatée, pour la deuxième année consécutive
9
.
6
Voir Cour des comptes,
L
e budget de l’État en 2024, résultats et gestion
, avril 2025.
7
Avis n° HCFP-2023-8 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la
sécurité sociale
pour l’année 2024
, septembre 2023.
8
Programme de stabilité 2024-2027, avril 2024.
9
En 2024, 3,3 % de hausse constatée contre 3,9 % prévus pour la masse salariale privée
hors prime de partage de la valeur. Un même écart avait été constaté en 2023.
Réalisé
2024
LFSS
2024
Écart
à la prévision
Réalisé
2023
Écart
24 / 23
Cotisations sociales
304,2
304,7
- 0,5
- 0,2 %
291,0
13,2
4,5 %
Cotisations prises
en charge par l’État
6,9
6,7
0,2
3,7 %
6,9
0,0
0,7 %
CSG brute
128,2
128,7
- 0,5
- 0,4 %
120,7
7,5
6,2 %
Contribution employeur
49,5
49,4
0,1
0,1 %
46,3
3,2
6,8 %
Impôts, taxes et autres
contributions sociales
111,4
114,3
- 2,9
- 2,5 %
108,1
3,3
3,1 %
Charges
de non-recouvrement
- 2,4
- 1,9
-0,5
28,4 %
- 1,9
- 0,5
28,4 %
Transferts nets reçus
12,3
12,1
0,2
1,5 %
12,7
- 0,4
- 3,3 %
Autres produits nets
17,7
17,5
0,2
1,1 %
16,2
1,5
9,3 %
Total Robss + FSV
627,8
631,5
- 3,7 - 0,6 %
600,0
27,8
4,6 %
Sécurité sociale 2025 – mai 2025
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COUR DES COMPTES
40
Les branches ont des structures de recettes différentes. Celle dont
l’origine est la plus ancienne, accidents du travail et maladies
professionnelles, est financée par des cotisations patronales
10
et la plus
récente, autonomie, par des taxes affectées. Les trois autres disposent d’une
part variable de ces deux types de recettes et de transferts de l’État ou internes
à la sécurité sociale. Seule la branche maladie perçoit une fraction de TVA.
Les assiettes des cotisations sociales sont assises sur les revenus
d’activité, tout comme la plus grande partie de la contribution sociale
généralisée (CSG). La part de CSG affectée à la branche autonomie dépend
d’autre
s revenus (pensions de retraite, revenus du capital). La TVA est un
impôt sur la consommation. Il en résulte une sensibilité différente de
chaque branche aux variations de la croissance et de l’inflation.
Effet d’une variation de l’inflation
sur les soldes des branches de la sécurité sociale
En cas d’augmentation ou de diminution de l’inflation, les effets se
répercutent rapidement sur les recettes de la sécurité sociale qui reposent à
85
% sur les salaires (cotisations, CSG sur revenus d’activité, taxe sur
les
salaires) et sur la consommation (TVA). Les effets sont plus lents sur les
dépenses, avec un an de décalage pour les dépenses indexées (prestations et
pensions),
et
plus
encore
pour
les
dépenses
fondées
sur
des
conventionnements (honoraires). En conséquence, et sauf revalorisation par
anticipation des prestations comme en 2022, les déficits de la sécurité sociale
diminuent quand l’inflation accélère et augmentent quand elle décélère.
Cet effet a contribué à la dégradation du solde de la branche
vieillesse en 2024. La moindre inflation constatée en 2024 (1,8 % hors tabac
contre 2,5 % prévus) a eu un effet négatif indirect,
via
les salaires, sur les
recettes de la sécurité sociale
11
.
Un deuxième effet jouant en sens contraire est que, en période
d’inflation, l’indexation du Smic conduit à une croissance rapide des
allégements généraux de charges sociales pour tous les salaires inférieurs à
1,6
Smic, ce qui freine mécaniquement l’augmentat
ion des recettes de
sécurité sociale
12
.
10
Le taux des cotisations dépend de la taille de l’entreprise, de son secteur d’activité e
t
de son degré de sinistralité.
11
Voir sur ce point le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale
d’octobre 2024, fiche éclairage 3.1
Impacts du choc d’inflation 2022
-2023 sur les
comptes des régimes de base et du FSV
.
12
Voir le chapitre III du présent rapport
Maîtriser la dynamique des allègements généraux
de cotisations sociales, contribuer à l’équilibre financier de la sécurité sociale
.
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UN FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE NON ASSURÉ À TERME
SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
41
Les recettes en plus grand décalage par rapport à la prévision sont
les impôts, taxes et autres contributions sociales, en retrait de 2,9
Md€. Le
plus important écart à la prévision provient de la fraction de TVA affectée
à la branche maladie (23,1 % en 2024) qui a rapporté 49,4
Md€ contre
51,6
Md€ attendus. Son évolution constatée par rapport à 2023 (2,1
%) est
proche de l’évolution en valeur de la consommation des ménages en 2024
(2,0 %). Le Haut Conseil des finances publiques avait souligné dans son
avis précité, outre l’optimisme de la prévision sur la consommation des
ménages, les «
hypothèses favorables sur le rendement de certains
impôts
» et notamment une «
croissance de la TVA supérieure à celle de
sa base taxable
». Il a constaté
ex post
que la croissance a «
principalement
été portée par le commerce extérieur et la consommation publique plutôt
que par la consommation des ménages
13
. »
Les recettes de cotisations sociales (inférieures de 0,5
Md€ soit
de
0,2 % à la prévision) et de CSG évoluent plus en ligne avec la loi de
financement. La progression de la masse salariale privée inférieure aux
prévisions a été en grande partie compensée par le moindre dynamisme des
allégements généraux du fait de la désinflation.
Les taxes sur les tabacs ont rapporté 13,1 Md
€, en baisse de 0,5
Md
(- 3,8 %), tendance déjà constatée en 2023. Cette évolution pourrait résulter
d’une baisse de la consommation liée à une hausse des prix plus rapide que
prévu, ou d’une hausse des importat
ions légales et illégales ; la tendance
est aussi à la baisse pour les taxes sur les alcools et les boissons sucrées.
Le rendement du forfait social
14
a légèrement diminué (- 0,9 %), alors
qu’une forte hausse était prévue
. La progression de la taxe sur les salaires
(3,6 %) a été proche de la prévision mais le montant perçu inférieur de
0,6
Md€ en raison d’un rendement en 2023 moindre que prévu. La
contribution sociale de solidarité des sociétés a été dynamique (+ 8,7 %) du
fait de la progression du chiffre d’affaires des entreprises en 2023, tirée par
l’inflation.
13
Avis HCFP n° 2025-2 relatif au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et
portant approba
tion des comptes de l’année 2024, avril 2025.
14
Contribution de l’employeur assise sur les revenus d’activité assujettis à la
contribution sociale généralisée et exemptés de cotisations sociales.
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42
Tableau n° 3 :
p
roduits nets par branches (en Md€)
Réalisé
2024
LFSS
2024
Écart à la
prévision
Réalisé
2023
Écart
2024 / 2023
Maladie
239,2
243,4
- 4,2
- 1,7 %
232,8
6,4
2,7 %
AT-MP
16,9
17,1
- 0,2
- 1,2 %
16,8
0,1
0,6 %
Vieillesse
288,2
287,9
0,3
0,1 %
272,5
15,7
5,8 %
Famille
58,9
58,8
0,1
0,2 %
56,8
2,1
3,7 %
Autonomie
41,2
41,2
0,0
0,0 %
37,0
4,2
11,4 %
Total Robss
626,4
630,3
- 3,9
- 0,6 %
598,5
27,9
4,7 %
FSV
21,6
21,4
0,2
0,9 %
20,4
1,2
5,9 %
Robss + FSV
627,8
631,5
- 3,7
- 0,6 %
600,0
27,8
4,6 %
Note : les cinq lignes des branches, qui comprennent des transferts entre branches, ne doivent pas
être additionnées (ce qui conduirait à des doubles comptes). La comparaison de ce tableau avec
le suivant relatif aux charges permet de retrouver les soldes présentés dans le tableau n° 1.
Source
: Cour des comptes d’après la LFSS
2024 et les comptes définitifs 2023 et 2024
C -
Une hausse des dépenses due à la revalorisation
des prestations et au rythme d’évolution de l’Ondam
Les charges nettes des régimes obligatoires de base et du FSV
s’élèvent en
2024 à 643,1
Md€, en augmentation de
5,3 % par rapport à
2023, avec des évolutions contrastées entre branches.
Tableau n° 4 :
charges nettes
par branches (en Md€)
Réalisé
2024
LFSS
2024
Écart à la
prévision
Réalisé
2023
Écart
2024 / 2023
Maladie
253,0
251,9
1,1
0,4 %
243,9
9,1
3,8 %
AT-MP
16,3
16,0
0,3
1,9 %
15,4
0,9
5,8 %
Vieillesse
293,8
293,7
0,1
0,0 %
275,1
18,7
6,8 %
Famille
57,8
58,0
- 0,2
- 0,3 %
55,7
2,1
3,8 %
Autonomie
39,9
40,0
- 0,1
- 0,3 %
37,6
2,3
6,1 %
Total Robss
642,8
641,6
1,2
0,2 %
610,4
32,4 5,3 %
FSV
20,5
20,6
- 0,1
- 0,5 %
19,3
1,2
6,2 %
Robss + FSV
643,1
642,0
1,1
0,2 %
610,7
32,4 5,3 %
Même note que pour le tableau n° 3 sur la non-addition des lignes.
Source
: Cour des comptes d’après la LFSS
2024 et les comptes définitifs 2023 et 2024
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UN FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE NON ASSURÉ À TERME
SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
43
1 -
Un important dépassement de l’objectif national de dépenses
de l’assurance maladie (Ondam)
Les dépenses de la branche maladie
s’élèvent à
253,0
Md€
en 2024,
en augmentation de 3,8 % par rapport à 2023.
L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) couvre
les dépenses de prestations légales en nature (remboursement des dépenses
eng
agées ou financement direct de services), les dépenses d’indemnités
journalières maladie (hors congés maternité et paternité) et les dotations aux
établissements de santé et médico-sociaux. Il couvre 80 % des dépenses des
branches maladie et autonomie et u
n peu plus d’un tiers de celles de la
branche accidents du travail
maladies professionnelles (indemnités
journalières, soins compensant une incapacité temporaire). L’Ondam
définitif est arrêté dans l’année n+2 après fixation du montant des remises
pharmaceutiques
15
et des dépenses de soins rattachées à l’exercice.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 avait établi
l’Ondam total 2024 (y compris les dépenses résiduelles covid) à
254,9
Md€, en progression de 2,9
% par rapport à 2023. Le montant
constaté a atteint 256,4
Md€, soit une progression de 3,3
% et un
dépassement de 1,5
Md€. Alors que les dépassements constatés les années
passées étaient largement imputables à des circonstances exceptionnelles
(crise sanitaire entre 2020 et 2022, forte
inflation en 2022 et 2023), tel n’est
pas le cas en 2024
; le dépassement résulte pour l’essentiel (1,3
Md€) de la
forte progression des dépenses courantes, notamment pour les soins de ville
(109,9
Md€, +
4,4 % par rapport à 2023). Le chapitre II du présent rapport
analyse en détail les composantes de ce dépassement.
2 -
Hors Ondam, une hausse due aux revalorisations légales
Hors Ondam, les dépenses des branches maladie et accidents du
travail - maladies professionnelles ont été conformes à la prévision. Pour
la branche maladie, les prestations d’invalidité (8
Md€) ont progressé du
fait de la revalorisation de 4,6 % au 1
er
avril 2024. Les prestations de
maternité et paternité (7,6
Md€) enregistrent un recul de 2
% lié à la baisse
de la natalité (cf.
infra
, dépenses de la branche famille) et à une réduction
15
Le prix de vente
public d’un médicament étant supérieur
au prix réel effectivement
supporté
par l’
assurance maladie, les entreprises pharmaceutiques versent annuellement
à celle-ci des remises atténuant ses dépenses de remboursement aux assurés, lesquelles
sont assises sur les prix publics. En fonction des ventes réalisées, les montants de
remises de l’année n sont arrêtés et versés en novembre de l’année n+1.
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44
des dépenses réalisées en établissement (2,9
Md€ contre 3,1
Md€ en 2023)
résultant d'une optimisation des séjours post-accouchement.
Les prestations d’incapacité permanente de la branche accidents du
travail
maladies professionnelles s’établissent à 4,7
Md€, en hausse de
3,8
%, l’effet de la revalorisation étant en partie compensé par une baisse
du nombre de bénéficiaires. Les autres dépenses de la branche (2,7
Md€,
en baisse globale de 2 %) sont constituées de compensations et de transferts
à d’autres régimes, notamment une contribution au profit de la branche
maladie au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies
professionnelles (1,2
Md€ en 2024, comme en 2023), en application de
l’a
rticle L. 176-1 du code de la sécurité sociale.
3 -
Des dépenses de la branche vieillesse conformes aux prévisions
Les dépenses de la branche vieillesse s’élèvent à
293,8
Md€ pour
tous les régimes obligatoires de base, en augmentation de 6,8 % par rapport
à 2023. Cette évolution est très proche de celle prévue en loi de
financement pour 2024 ; en effet, l
’aggravation du déficit
résulte du
relèvement des pensions de retraite de 5,3 % au 1
er
janvier 2024 du fait de
l’application des règles de revalorisation lég
ales qui reflètent la forte
inflation de 2023 (art. L. 161-25 du code de la sécurité sociale).
Pour les assurés du régime général (au nombre de 15,4 millions au
31 décembre 2024, soit + 1 %), les prestations légales vieillesse atteignent
160,9
Md€, soit 5
6
% des prestations légales de l’ensemble des régimes de
base et 80 % des prestations légales de cet ensemble hors fonctionnaires.
Tableau n° 5 :
prestations légales de la branche vieillesse
du régime général (en Md€)
Source : comptes de la branche vieillesse du régime général
2024
2023
Écart
2024/2023
Écart
(%)
Droits
propres
Droits
dérivés
Total
Droits
propres
Droits
dérivés
Total
Pensions
137,3
13,0 150,3
128,2
12,3 140,5
9,8
7,0 %
Minimum
vieillesse
3,8
0,2
4,0
3,5
0,2
3,6
0,4
9,7 %
Majorations
5,8
0,8
6,6
4,7
0,7
5,4
1,2 22,0 %
Total
147,0
13,9 160,9
136,3
13,2 149,6
11,3
7,5 %
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SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
45
Le déficit de la branche vieillesse (5,6
Md€) s’explique par les déficits du
régime général (3,6
Md€) et de la caisse de retraites des agents titulaires relevant
des fonctions publiques territoriale et hospitalière (CNRACL, 3
Md€). Les
autres régimes spéciaux sont soit équilibrés par l’État
16
, soit excédentaires
17
.
La situation très dégradée de la CNRACL, due à son évolution
démographique (en 2023, 2,2 millions de cotisants pour 1,6 million de
pensionnés, soit un ratio de 1,4, contre 1,5 en 2022), a fait l’objet d’un audit
des inspections générales des affaires sociales, des finances et de
l’administration, publié en mai 2024 (cf.
infra
). En 2024, les cotisations
versées au régime ont été dynamiques (+ 5,6 %), principalement du fait de
l’augmentation d’un point de la cotisation employeur au 1
er
janvier 2024
18
,
de l’attribution aux cotisants de cinq points d’indice et de l’effet en année
pleine de la hausse de 1,5 % du
point d’indice en juillet 2023. Toutefois, la
progression des pensions a été encore supérieure (+ 7,8 %), notamment du
fait de la revalorisation de 5,3 % des pensions au 1
er
janvier 2024. À ces
effets, s’ajoute le doublement des frais financiers (0,27
Md€
contre
0,14
Md€ en 2023) lié au coût croissant de la dette du régime.
4 -
Des charges de la branche famille dont la progression
est atténuée par la baisse des naissances
En 2024, les charges nettes de la branche famille s’élèvent à 57,8
Md€
19
,
en hausse de 3,8 % (5,7 % en 2023). Les prestations (40,7
Md€) représentent
70 % de ces charges. Le solde est constitué de transferts (14,0
Md€)
20
et de
charges courantes (3,1
Md€, dont plus de 70
% de charges de personnel).
16
L’État verse des subventions aux régimes de la SNCF, de la RATP, des mines, des
marins, etc. Voir Cour des comptes,
Analyse de l’exécution budgétaire 20
24 de la
mission Régimes sociaux et de retraite,
a
vril 2025. Sa contribution d’équilibre en tant
qu’employeur au régime des fonctionnaires de l’État est de 48,2
Md€ pour un montant
total de charges de 63,7
Md€.
17
Les excédents des régimes des professions libérales, des industries électriques et
gazières, des clercs et employés de notaires et des avocats, ensemble, apportent 1
Md€
au résultat de la branche.
18
Cette augmentation a été compensée par une réduction (seulement en 2024) du taux
de cotisation maladie.
19
Les caisses d’allocations familiales versent en outre
des prestations pour le compte
de
l’État (41,8
Md€ en 2024
: aides au logement, allocation aux adultes handicapés,
prime d’activité, etc.), des départements (10,2 Md€
: revenu de solidarité active) ou de
la branche autonomie (1,6
Md€
: allocation d’éducation de l’enfant handicapé), qui ne
constituent pas des charges de la branche.
20
Transferts vers la branche vieillesse au titre des majorations de pensions pour enfants
à charge (5,8
Md€) et de l’assurance vieillesse des parents au foyer (5,5
Md€),
remboursement par la branche des indemnités journalières de maternité post-natales
(2,0
Md€) et des congés de paternité (0,7
Md€).
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46
Tableau n° 6 :
prestations versées par la branche famille (en
Md€)
2024
2023
Écart 2024/2023
Allocations en faveur de la famille
22,0
21,2
0,9
4,0 %
Prestation d’accueil du jeune enfant
11,6
11,4
0,2
1,7 %
Autres prestations légales
0,13
0,17
0,0
- 22 %
Total prestations légales
33,7
32,7
1,0
3,1 %
Prestations extra-légales
7,0
6,5
0,5
7,6 %
Total prestations branche famille
40,7
39,2
1,5
3,9 %
Source : comptes de la branche famille
La croissance des prestations résulte surtout de la revalorisation
légale de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (+ 4,6 % au
1
er
avril 2024). Un deuxième facteur est que les plafonds de ressources pour
bénéficier des allocations ont augmenté plus rapidement que les ressources
des allocataires en 2022, année de référence pour le calcul des allocations
2024,
du fait de la forte inflation (l’inverse avait été constaté en 2023).
Enfin, le dynamisme (+ 7,2 %) des allocations de soutien familial versées
aux parents isolés (3,3
Md€) provient en partie de la généralisation, début
2023, de l’intermédiation des pensi
ons alimentaires
21
, qui contribue à
augmenter l’effectif éligible à ces prestations.
La branche finance aussi des prestations extra-
légales d’action
sociale en faveur des établissements d’accueil pour la petite enfance et la
jeunesse. Les subventions d’investissement (0,3
Md€) augmentent de 18
%
en application du plan « petite enfance » de 2021 et les subventions de
fonctionnement (6,5
Md€) de 9
% en raison de l’augmentation des heures
d’accueil sans hébergement et des subventions en matière de parentalité,
centres sociaux et espaces de vie sociale.
Ces hausses sont atténuées par la diminution des naissances (de
2,5 % en 2024, après 6,6 % en 2023), qui conduit à une progression du
montant des prestations de petite enfance (de 1,7 %, dont 1,2 % pour la
prestation d’accueil du jeune enfant) inférieure à celle découlant de la
revalorisation des prestations.
21
Cf. chapitre XII du présent rapport :
Le service public des pensions alimentaires :
une montée en charge rapide, une qualité de service en deçà des attentes
.
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SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
47
5 -
Des dépenses de la branche autonomie toujours dynamiques
En 2024
, les charges nettes de la branche autonomie s’élèvent à
39,9
Md€, en hausse de
6,7 % (après 6,8 % en 2023 et 8,1 % en 2022).
Elles sont essentiellement constituées de prestations.
Tableau n° 7 :
prestations versées par la branche autonomie
(Md€)
2024
2023
Écart
Établissements et services pour personnes âgées
et pour personnes en situation de handicap
31,3
30,0
1,3
4,4 %
Concours aux départements
5,2
4,6
0,6 12,7 %
Autres concours et subventions
1,7
1,2
0,5 40,4 %
Allocation d’éducation de l’enfant handicapé
1,6
1,5
0,1
8,5 %
Total
39,7
37,2
2,5
6,7%
Source : comptes de la branche autonomie
Les quatre cinquièmes des prestations correspondent au financement
des établissements et services pour personnes âgées (16,1
Md€ en 2024,
+ 5 %) et pour personnes en situation de handicap (15,2
Md€, +
3,7 %), qui
constituent deux sous-objectifs
de l’Ondam.
Les progressions résultent de la
poursuite des revalorisations salariales, issues notamment du Ségur de la
santé et de ses extensions, de la hausse précitée du point d’indice, et de
plans visant à adapter et à transformer l’offre
: médicalisation des
étab
lissements
d’hébergement
pour
personnes
âgées
dépendantes,
renforcement des services de soins infirmiers à domicile.
Les concours aux départements sont un cofinancement de leurs
dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie (3,1
Md€, +
12,4 %
22
) et
de prestation de compensation du handicap (0,9
Md€, +3,3
%), ainsi que
d’autres concours (1,4
Md€, +20,1
%) finançant des dispositifs en
développement : la compensation du tarif plancher de valorisation des
heures d’aide à domicile et une dotation complémentair
e pour améliorer la
qualité de vie au travail des intervenants dans les services d’aide à domicile
et la qualité du service rendu à l’usager.
Enfin, la branche finance l’allocation d’éducation de l’enfant
handicapé dont le nombre de bénéficiaires progresse (1,6
Md€, soit
+ 8,7 %, évolution bien supérieure à la revalorisation légale).
22
Un complément de versement aux départements de 150
M€ a été décidé par l’art.
86
de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024.
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48
6 -
La compensation par la sécurité sociale de l’extension
des allègements généraux de cotisations
L’extension des allégements généraux de cotisations sociales
patronales à l’assu
rance chômage et aux organismes de retraite
complémentaire donne lieu à une compensation versée à ces organismes
par l’a
gence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) grâce à
une fraction de TVA qui lui est affectée. Si cette fraction excède les
montants dus par l’Acoss, celle
-ci reverse le trop-perçu à la sécurité
sociale
; dans le cas inverse, ce qui est le cas depuis 2022, c’est la sécurité
sociale qui finance le moins-perçu (0,5
Md€ en 2022, 1,5
Md€ en 2023,
1,2
Md€ en 2024).
La compensation est intégrale pour les organismes de retraite
complémentaire et l’article L.
225-6 du code de la sécurité sociale la met à
la charge de la branche vieillesse (0,75
Md€ en 2024). S’agissant de
l’assurance chômage, le solde à financer (0,48
Md€ en 2024) est
réparti par
arrêté entre les branches en fonction de leur résultat prévisionnel. En 2024,
il a été mis à la charge des branches accidents du travail et maladies
professionnelles (0,13
Md€), famille (
0,11
Md€) et autonomie (0,24
Md€).
II -
Une trajectoire de déficits conduisant
à l’accumulation d’une dette non financée
La loi de financement rectificative de la sécurité sociale
d’avril 2023
portant réforme des retraites prévoyait une stabilisation du déficit de la
sécurité sociale à 13,1
Md€ en 2026
. La loi de financement pour 2024 a
dégradé cette projection, décrivant
une augmentation continue jusqu’en
2027 (17,2
Md€)
sans perspective de stabilisation et moins encore de retour
à l’équilibre. La trajectoire de déficit est encore aggravée jusqu’en 2028
(24,1
Md€)
dans les prévisions de la loi de financement pour 2025.
Sur longue période, la part des dépenses de sécurité sociale dans le
produit intérieur brut progresse plus rapidement que celle des recettes.
L’écart s’était réduit dans la décennie 2010 jusqu’à abou
tir à une quasi
résorption du déficit de la sécurité sociale en 2018 et en 2019.
L’accroissement prévu du déficit, en l’absence de mesures de
redressement, conduit à la progression continue d’une dette non financée,
qui fragilise à terme la pérennité de la sécurité sociale.
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SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
49
Graphique n° 2 :
évolution des recettes et des dépenses
de la sécurité sociale en part de PIB et du montant de son déficit
Sources
: lois de financement de la sécurité sociale et comptes de l’exercice 2024, mise en forme
Cour des comptes
A -
En 2025, des hypothèses dont le respect est incertain
La loi de financement pour 2025 prévoit un déficit 2025 des régimes
obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss) et du fonds de solidarité
vieillesse (FSV) de 22,1
Md€,
soit une dégradation prévue par rapport à
2024 (6,8
Md€) supérieure à celle constatée en 2024 par rapport à 2023
(4,4
Md€).
En deux ans, le déficit de la sécurité sociale aura ainsi plus que
doublé. La dégradation concerne toutes les branches.
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50
Tableau n° 8 :
comparaison des prévisions en loi de financement
de la sécurité sociale 2025 et des réalisations
2024 (Md€)
LFSS
2025
Réalisé
2024
Écart LFSS
2025 / réalisé 2024
Produits nets Robss + FSV
644,3
627,8
16,5
2,6 %
Charges nettes Robss + FSV
666,4
643,1
23,3
3,6 %
Maladie
- 15,4
- 13,8
- 1,6
AT-MP
0,2
0,7
- 0,5
Vieillesse + FSV
- 6,6
- 4,5
- 2,1
Famille
0,4
1,1
- 0,7
Autonomie
- 0,7
1,3
- 2,0
Total soldes Robss + FSV
- 22,1
- 15,3
- 6,8
Source : Cour des comptes d’après la LFSS 202
5 et les comptes 2024
La communication précitée de la Cour, en octobre 2024, analysait
les mesures d’économie envisagées pour 2025 par le PLFSS (15 Md€)
;
elles ont été finalement réduites de 5,6
Md€ dans la loi de financement
publiée le 28 février 2025 pour atteindre seulement 9,4
Md€.
1 -
Une maîtrise incertaine des dépenses,
notamment
d’assurance maladie
La principale incertitude pour 2025 est, comme depuis 2022, la
capacité à
tenir l’objectif fixé pour les dépenses d’assurance maladie
, qui
est de 265,9
Md€, en progression de 3,
4 %
par rapport à l’objectif 2024
révisé à la hausse par la loi de financement pour 2025. Cette progression,
en apparence égale à celle de 2024, est en réalité supérieure, du fait du
ralentissement attendu de l’inflation (1,4
% en 2025 contre 1,8 % en 2024).
Malgré cela, la tenue de l’objectif 2025 reste fragile. Elle suppose la
réalisation de mesures d’économie d’un montant sans précédent (5,2
Md€) et
une bonne tenue des dépenses de soins de ville, principales responsables du
dérapage de la dépense en 2024. Or la maîtrise de cette dépense reste complexe
du fait du manque de recul sur la première année de mise en œuvre de la nouvelle
convention médicale signée en juin 2024 et de la poursuite des négociations entre
l’administration et les entreprises pharmac
eutiques sur un nouveau protocole
d’accord, après une seconde prorogation de l’accord actuel jusqu’en mars 2026.
Par ailleurs, une annulation des crédits des établissements publics
de santé et médico-sociaux, mis en réserve pour couvrir un éventuel
nouveau dérapage des dépenses de soins de ville, ne serait pas sans
conséquence sur la situation financière dégradée de ces établissements.
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UN FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE NON ASSURÉ À TERME
SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
51
Le comité d’alerte de l’Ondam
23
du 15 avril 2025 a ainsi appelé à «
une
vigilance renforcée sur l’évolution en 2025 des dépenses de soins de ville et
à une action déterminée visant à réduire le point de fuite majeur de l’Ondam
que constitue le déficit croissant des établissements publics de santé
».
Les dépenses de la branche vieillesse devraient, à nouveau, être plus
dynamiques que ses recettes en 2025. L’application de la réforme de 2023
devrait améliorer le solde du régime général de 1,6
Md€ en 2025, dont
1,1
Md€ du fait du transfert de cotisations de la branche accidents du
travail-maladies professionnelles (cf.
supra
), ce qui sera insuffisant pour
empêcher l’augmentation du déficit de la branche
24
.
Par ailleurs, en application de cette même réforme et de la loi de
financement pour 2024, les déficits des régimes spéciaux fermés sont
désormais financés en dernier ressort par le régime général. Pour cela, la
caisse nationale d’assurance vieillesse bénéficie d’une compensation par
l’État
sous forme de crédits budgétaires, mode de compensation
recommandé par la Cour
25
. En 2025, la charge correspondante serait de
5,4
Md€, compensée par une dotation de l’État de 5,2
Md€ et par 0,2
Md€
de cotisations des nouveaux entrants au régime général.
La loi de financement pour 2025 a porté la contribution de la branche
accidents du travail et maladies professionnelles à la branche maladie au titre
de la sous-déclaration à 1,6
Md€, contre 1,2
Md€ en 2024. Ce montant reste
très inférieur à l’estimation réa
lisée en juin 2024 par la commission chargée
de son évaluation, qui la situe entre 2,0 et 3,8
Md€.
Les charges de prestations extra-légales de la branche famille
seraient en forte progression (9,9 %) du fait de la montée en charge des
dépenses en faveur du service public de la petite enfance.
La progression des dépenses de la branche autonomie serait très
supérieure à celle de ses recettes en 2025. La branche devra notamment
financer le surcoût (0,4
Md€) de deux réformes intervenant en 2025
concernant la tarification des établissements et services pour personnes
âgées dépendantes et les concours versés aux départements
26
.
23
La supervision de l’exécution de l’Ondam est confiée à un comité d’alerte qui adresse
une notification au Parlement, au Gouvernement et aux caisses nationales maladie en
cas de risque de dépassement de l’objectif adopté en loi de financement de la sécurité
sociale supérieur à 0,5 %, pour que puissent être adoptées des mesures de redressement.
24
Cour des comptes,
Situation financière et perspectives du système de retraites,
communication au Premier ministre, février 2025.
25
Sur cette réforme, cf. Cour des comptes,
Analyse de
l’exécution budgétaire
,
op. cit
.
26
Cf. chapitre X du présent rapport,
Une branche autonomie aux leviers insuffisants
pour faire face à des enjeux démographiques cruciaux.
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COUR DES COMPTES
52
2 -
Des prévisions économiques trop optimistes
Le Haut Conseil des finances publiques, saisi en janvier 2025 sur la
révision des prévisions des projets de lois de finances et de financement de
la sécurité sociale pour 2025
27
, a pointé le caractère légèrement optimiste
du scénario pour 2025. Ainsi, la prévision de croissance du PIB de 0,9 %
était jugée «
atteignable mais un peu optimiste
» ; la
prévision d’inflation
,
«
un peu élevée
» ; et la prévision de masse salariale, «
un peu optimiste »
.
La prévision de croissance spontanée des cotisations sociales était plus
prudente, ce qui «
pourrait compenser en partie une prévision de masse
salariale un peu élevée
».
En raison notamment de la dégradation de l’environnement
international, le Gouvernement a révisé à la baisse ses prévisions
macroéconomiques et de finances publiques pour 2025 en avril
28
, donc
après le vote de la loi de financement. Pour 2025, le Haut Conseil des
finances publiques
29
a considéré que la nouvelle hypothèse de croissance à
0,7 % «
n’est pas hors d’atteinte malgré l’accumulation de risques à la
baisse
», soulignant des éléments de fragilité liés à l’environnement
international. I
l a estimé que la prévision d’inflation, maintenue à 1,4
%,
«
reste un peu élevée
», et que la prévision de masse salariale des branches
marchandes non agricoles, qui forme la plus grosse partie de l’assiette des
recettes de la sécurité sociale, «
reste aussi un peu haute
», malgré une
révision à la baisse de 0,6 point. Il en résulte une nouvelle prévision de
cotisations sociales pour 2025, revue à la baisse par rapport à la prévision
de la loi de financement mais qui «
paraît un peu haute
» encore.
Au total, la prévision de déficit de la sécurité sociale pour 2025
(22,1
Md€) a reposé sur des hypothèses de croissance des recettes
largement revues à la baisse depuis la publication de la loi de financement.
B -
Après 2025, une dégradation continue du déficit
L’ag
gravation prévue du déficit après 2025 viendra essentiellement
du creusement des soldes des branches maladie et autonomie, celui de la
branche vieillesse étant stabilisé.
27
Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2025-1, janvier 2025.
28
À l’occ
asion du
rapport d’avancement annuel 2025 du plan budgétaire et structurel à
moyen terme 2025-2029, qui remplace dorénavant le programme de stabilité.
29
Haut Conseil des finances publiques, avis n° HCFP-2025-3, avril 2025.
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UN FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE NON ASSURÉ À TERME
SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
53
1 -
Une trajectoire toujours plus dégradée jusqu’en
2028
L’annexe de la
loi de financement pour 2025 donne la trajectoire
prévisionnelle des régimes obligatoires de base et du FSV jusqu’en 202
8.
Tableau n° 9 :
trajectoire 2025 - 2028
d’après la loi de financement
de la sécurité sociale pour 2025
(Md€)
Montant du solde
2025
2026
2027
2028
Maladie
- 15,4
- 16,0
- 16,1
- 16,8
AT-MP
0,2
- 0,4
- 0,6
- 0,5
Vieillesse +FSV (*)
- 6,6
- 4,6
- 5,0
- 5,6
Famille
0,4
0,0
0,8
1,6
Autonomie
- 0,7
- 2,2
- 2,1
- 2,8
Total Robss + FSV
- 22,1
- 23,2
- 23,0
- 24,1
(*) Le FSV sera intégré au 1
er
janvier 2026 dans les comptes de la branche vieillesse, selon des
modalités en cours d’étude. La suppression de ce fonds avait été recommandée par la Cour, pour
simplifier le financement des droits non contributifs de retraite
30
.
Source : Cour des comptes
d’après la LFSS
2025
Le déficit de la sécurité sociale continuerait à se creuser, à un rythme
plus lent que celui constaté en 2024 et prévu pour 2025, pour atteindre
24,1
Md€ en 2028
.
30
Cour des comptes, « Le financement de la sécurité sociale : des règles à clarifier et à
stabiliser »,
rapport d’application sur la loi de financement de la s
écurité sociale
,
chapitre II, octobre 2022.
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54
Graphique n° 3 :
trajectoire financière 2021-2028
des soldes des branches maladie et vieillesse +
FSV (en Md€)
Source : LFSS 2025, rectifiée pour 2024 par les comptes définitifs (les soldes 2021 correspondent
aux montants approuvés par la LFSS 2022)
Par rapport à la précédente trajectoire publiée en loi de financement
pour 2024, le déficit de la branche vieillesse se stabiliserait autour de
5
Md€, du fait des hausses de cotisations patronales du régime des
fonctionnaires hospitaliers et territoriaux.
En effet, seule mesure prise à ce stade sur les 11 recommandations
du rapport précité des inspections sur la CNRACL, la hausse de 12 points
du taux de cotisation employeurs sur 4 ans rapporterait 7,3
Md€ en 2028.
Le déficit de la caisse, estimé ainsi à 2,4
Md€ en 2025, se réduirait à
0,4
Md€ en 2028, mais se creuserait de nouveau ensuite,
du fait de la
dégradation continue du ratio entre cotisants et pensionnés.
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UN FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE NON ASSURÉ À TERME
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55
La réforme des retraites de 2023 était déjà prise en compte dans la
trajectoire 2024-
2027. Comme l’a confirmé la communication précitée de
la Cour publiée en février 2025, ses effets, très progressifs, atteindront un
pic de 7,1
Md€ pour le régime général en 2032 avant de décroître ensuite.
La trajectoire des déficits prévus de la branche maladie se dégrade
fortement dans la prévision 2025 par rapport à celle de 2024. Le déficit
2027 de la branche, attendu à 9
Md€ dans la prévision 2024, est désormais
estimé à 16,1
Md€ (et à 16,8
Md€ en 2028). Cette évolution s’explique à
hauteur de 2,8
Md€ par la compensation des effets négatifs de l’augmentation
des taux de cotisation à la CNRACL des employeurs de la fonction publique
hospitalière, par de moindres recettes (3,6
Md€) et, pour le solde (0,7
Md
€), par
l’intégration partielle du dépassement en dépenses constaté en 2024 (1,6
Md€).
La branche accidents du travail et maladies professionnelles
deviendrait faiblement déficitaire à compter de 2026, du fait d’un nouveau
transfert en 2026 de cotisations au profit de la branche vieillesse, comme
prévu par
la loi de financement rectificative d’avril 2023 portant réforme des
retraites
. Cette situation ne suscite pas d’inquiétude au vu du niveau élevé
des réserves de la branche (8,2
Md€ fin 2024).
La branche
famille verrait son solde se redresser du fait d’une
évolution tendancielle de ses recettes (+ 2,9 % en moyenne annuelle entre
2025 et 2028) supérieure à celle de ses dépenses (+ 2,3 %). Elle serait la
seule à rester excédentaire en 2028.
L’inverse se pro
duirait pour la branche autonomie, avec des
dépenses moyennes en progression de 4 % par an contre 2,6 % pour les
recettes. En outre, la loi de financement pour 2024 a instauré un abattement
de 26 % sur le revenu professionnel des travailleurs indépendants, servant
d'assiette pour la cotisation sociale généralisée, principale ressource de la
branche. En contrepartie, ces travailleurs acquittent des cotisations
vieillesse et maladie dont ne bénéficie pas la branche. La perte de recettes
est estimée à 1,1
Md€
en 2026 (double effet portant sur les revenus 2025
et 2026) puis à 0,6
Md€ pour les années suivantes.
La trajectoire de dépenses de la branche, qui ne dispose pas de
réserves, repose par ailleurs sur des hypothèses ambitieuses de prise en
charge des personnes majoritairement à domicile
mais l’essentiel de
l’impact de l’entrée dans le grand âge des générations nombreuses de
l’après
-guerre sera postérieur à 2030 (cf. chapitre X du présent rapport).
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56
Dans son précédent rapport annuel sur l’application des loi
s de
financement de la sécurité sociale
31
, la Cour relevait un point de bascule,
le
déficit
devenant
supérieur
en
2027
à
la
capacité
annuelle
d’amortissement par la caisse d’amortissement de la dette sociale (
16
Md€
en 2025, cf.
infra
) conduisant à une croissance
continue de l’endettement.
Ce constat est désormais fortement aggravé : le point de bascule de la
hausse de l’endettement est atteint dès 2025 et la prévision de déficit 2027
est supérieure d’un tiers à ce qu’elle était en 2024.
2 -
Des hypothèses économiques encore trop favorables
L’annexe de la loi de financement pour 2025
présente les principales
hypothèses économiques sur lesquelles repose la trajectoire jusqu’en 2028.
Tableau n° 10 :
p
rincipales hypothèses de l’annexe de la LFSS
2025
2025
2026
2027
2028
PIB en volume
0,9 %
1,4 %
1,5 %
1,5 %
Masse salariale privée (*)
2,5 %
3,1 %
3,4 %
3,4 %
Inflation hors tabac
1,4 %
1,75 %
1,75 %
1,75 %
Ondam total (**)
3,4 %
2,9 %
2,9 %
2,9 %
(*) hors prime exceptionnelle de pouvoir d'achat et prime de partage de la valeur ajoutée.
(**) Y compris dépenses résiduelles liées à la crise sanitaire.
Source : annexe de la LFSS 2025
Pour les années 2026-2028, le Haut Conseil des finances publiques
a estimé en octobre 2024 que le scénario macroéconomique à moyen terme
était «
optimiste
»
32
. Il a relevé que la trajectoire de croissance prévue,
même revue à la baisse, repose sur des hypothèses encore loin d’être
acquises. La trajectoire de déficits prévue en loi de financement pour 2025
repose donc sur des hypothèses que l’on peut considérer aujourd’hui
comme trop favorables et déjà obsolètes, en particulier pour la masse
salariale. Même le scénario moins optimiste adopté postérieurement à la
loi de financement apparaît fragile.
31
« La situation financière de la sécurité sociale : une trajectoire de déficits non
maîtrisés, un redressement nécessaire »,
rapport sur l’application de la loi de
financement de la sécurité sociale 2024,
chapitre I, mai 2024.
32
Avis n° HCFP-2024-4, octobre 2024.
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UN FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE NON ASSURÉ À TERME
SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
57
Tableau n° 11 :
révision des hypothèses macroéconomiques
en avril 2025 (en %)
2026
2027
2028
Croissance du PIB en volume
1,2 %
1,4 %
1,4 %
(révision par rapport à la LFSS)
(- 0,2)
(- 0,1)
(- 0,1)
Inflation (hors tabac)
1,4 %
1,75 %
1,75 %
(révision par rapport à la LFSS)
(- 0,35)
(0,0)
(0,0)
Source : annexes de la LFSS 202
5, rapport d’avancement 2025 du plan budgétaire et structurel à
moyen terne 2025-2029, et avis HCFP
C -
Une dette croissante et non financée,
qui appelle des mesures fortes de retour à l’équilibre
Le financement des déficits nouveaux de la sécur
ité sociale n’est
plus assuré depuis 2024
par la caisse d’amortissement de la dette sociale
(Cades
) et le creusement de la dette fait courir un risque à l’agence centrale
des organismes de sécurité sociale (Acoss
33
), qui les supporte désormais.
1 -
La croissance de la dette et la fin de sa reprise
par la Caisse d’amortissement de la dette sociale
Bénéficiant de ressources affectées
34
, la Cades est structurellement
excédentaire après couverture de ses charges
d’
intérêts
d’
emprunts. Cet
excédent (18,3
Md€
en 2023)
s’est
réduit à 16
Md€ en 2024 en raison du
transfert à la branche
autonomie d’une fraction de
CSG (cf.
supra)
. À partir
de 2025, malgré la réduction de 2,1 à 1,45
Md€
du versement du fonds de
réserve des retraites
, l’excédent devrait réaugmenter,
du fait de la baisse
des charges financières de la Cades avec la réduction de son endettement.
La loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à
l'autonomie a organisé la prise en charge de 136
Md€ de dette sociale par la
Cades. Cette
opération s’est achevée en 2024
.
33
L’agence utilise dans sa communication l’expression «
Urssaf caisse nationale ».
34
Contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS), fraction de la CSG,
versements du fonds de réserve des retraites.
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58
Tableau n° 12 :
m
ontants pris en charge par la Cades (en Md€)
2020
2021
2022
2023
2024
Total
Déficits antérieurs à 2020
20,0
11,2
31,2
Déficit branche maladie + FSV 2020
23,8
9,1
32,9
Déficit branche vieillesse + FSV 2021
25,9
1,7
27,6
Déficit branches maladie + vieillesse 2022
22,5
22,5
Dotation établissements de santé
5,0
5,0
3,0
13,0
Déficit branche maladie 2023
8,8
8,8
Total
20,0
40,0
40,0
27,2
8,8
136,0
Source
: Cour des comptes d’après les comptes des
exercices 2020 et 2021 et les décrets n° 2020-1074 du 19 août
2020, n° 2021-40 du 19 janvier 2021, n° 2022-23 du 11 janvier 2022, n° 2023-12 du 11 janvier 2023, n° 2024-176
du 6 mars 2024 et n° 2024-952 du 23 octobre 2024.
Les 8,8
Md€
restant disponibles à la Cades en 2024 ont été utilisés
pour couvrir une partie du déficit 2023 de la branche maladie (11,1
Md€
).
À partir de 2024, les déficits nouveaux ne peuvent plus être repris
par la Cades, dont les ressources serviront à rembourser la dette sociale qui
l
ui a été affectée jusqu’à la cessation de son activité, prévue en 2033. L
a
dette sociale, incluant celle de la CNRACL dont la situation nette est
devenue négative depuis 2022, continuerait ainsi à augmenter, sans
perspective de résorption à terme, pour dépasser 180
Md€ en 202
8, dont
plus de 110
Md€ pèseraient alors sur l’Acoss.
Tableau n° 13 :
p
rojection de la dette sociale jusqu’en 202
8
(Md€)
2023
2024
2025 (p)
2026 (p)
2027 (p)
2028 (p)
Situation nette négative Cades
145,2
137,9
121,7
105
87
69
Cumul des déficits non repris
du régime général
11,6
11,7
31,3
53
76
100
Situation nette négative
CNRACL
4,9
7,9
10,3
12
13
13
Total
161,7
157,5
163,3
170
176
182
dont pesant sur l’Acoss
16,5
19,6
41,6
65
89
113
Encours moyen annuel Acoss
19,1
26,6
46,0
70
90
115
Plafond d’emprunt Acoss
45,0
45,0
65,0
90
110
135
Note : pour 2026-
2028 les plafonds d’emprunt indiqués, qui ne figurent pas dans la trajectoire votée, sont une
projection mécanique en fonction de l’encours moyen prévisible.
Source : Cour des comptes
d’après la LFSS 202
5 et les projections Acoss, Cades et CNRACL
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UN FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE NON ASSURÉ À TERME
SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
59
2 -
Une progression
de la dette de l’Acoss qui l’expose
à des difficultés croissantes de trésorerie
Le niveau de dette
croissant qui pèserait sur l’Acoss contreviendrait
à la mission de cette agence et deviendrait risqué pour le financement des
prestations de la sécurité sociale.
Un endettement à court terme qui excède la mission de l’Acoss
et pourrait faire courir un risque de liquidité à la sécurité sociale
La mission d
e l’Acoss, outre son rôle de tête du réseau des
unions de
recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales
(Urssaf), est «
d’assurer la gestion commune de la trésorerie des différentes
branches
» du régime général (art. L. 225-1 du code de la sécurité sociale) ;
hors régime général, les autres régimes obligatoires de base peuvent déposer
à l’agence tout ou partie de leurs disponibilités, contre rémunération
(art. L. 225-1-3 du code)
35
. Après une situation inédite de trésorerie nette
positive fin 2023 (4
Md€), le solde de l’Acoss est redevenu négatif fin 2024
(- 3,7
Md€). Cette situation nette inclut 13
Md€ reçus par anticipation de la
Cades pour financer le désendettement et les investissements des hôpitaux
jusqu’en 2028, dont 4,3
Md€ seulement ont été utilisés à fin 2024.
Comme la sécurité sociale dans son ensemble, l’agence n’a pas
vocation à s’endetter et ne peut emprunter qu’à court terme, pour une durée
maximale portée à deux ans par la loi de financement pour 2025, mais avec
une durée moyenne d’un an
au maximum
. Son plafond d’emprunt
a été
réhaussé à 65
Md€ pour 2025, 20
Md€ de plus qu’en 2024 et 2023.
L’agence est donc exposée au risque de taux des marchés à court
-terme,
susceptible d’entraîner immédiatement un surcroît de frais d’intérêt. En outre,
le marché financier sur lequel émet l’Acoss, dont elle est déjà l’un des premiers
emprunteurs, n’est pas indéfiniment extensible. Une augmentation du besoin à
financer au-delà de certains seuils, ou particulièrement rapide, pourrait placer
la sécurité sociale en crise de liquidité, comme celle déjà constatée en 2020
quand le marché n’avait pas pu fournir tous les financements appelés
36
.
35
Comme le font la caisse centrale de mutualité sociale agricole, celle des industries
électriques et gazières, ou le conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants.
36
En 2020, la hausse accélérée des besoins de financement a rendu nécessaire un plan
de crise comportant des prêts de la Caisse des dépôts et consignations et de banques
(Cour des comptes,
La trajectoire financière de la sécurité sociale à partir de 2020 : le
défi des conséquences de la crise sanitaire
,
rapport d’application sur la loi de
financement de la sécurité sociale 2021,
chapitre I, octobre 2021).
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60
Il faut distinguer le niveau annuel moyen d’endettement porté sur
l’exercice et le pic d’emprunt
, dont le montant est plafonné par la loi de
financement. En 2025, l’Acoss doit pouvoir, sans risque particulier, porter
un endettement moyen de 46
Md€ et un pic d’emprunt, prévu en décembre,
qui approcherait le plafond de 65
Md€ fixé en loi de financement
. Un
endettement annuel moyen de 70
Md€ et un pic de 90
Md€ en 2026
comparable au niveau atteint au plus fort de la crise sanitaire (95
Md€ en
2020 et 2021) présentent un plus grand degré de risque qui supposerait un
accueil positif des marchés pour lever les montants correspondants.
Plus encore, au-delà de 70
Md€ d’endettement annuel moyen, ce qui
sera le cas dès 2027, le risque de ne pas pouvoir assurer le financement de
la sécurité sociale devient sérieux. L’Acoss se heurterait à la taille
insuffisante du marché des capitaux à court terme, qui pourrait ne pas être
en mesure d’absorber un volume d’emprunt aussi important. Il n’est pas
non plus envisageable de permettre à l’Acoss d’emprunter sur des durées
plus longues, comme le fait la Cades. Une telle perspective serait
directement en contradiction avec le principe d’équilibre des comptes de la
sécurité sociale, reviendrait sur les acquis du cantonnement de la dette
sociale au sein de la Cades et exposerait à créer une concurrence peu
compréhensible entre les deux institutions.
3 -
Avant toute perspective éventuelle de reprise de dette,
la nécessité de mesures structurelles de retour à l’équilibre
Comme l’a rappelé la Cour dans la communication précitée
d’octobre 2024, u
ne éventuelle nouvelle opération de reprise de dette par
la Cades serait soumise à des conditions strictes. Elle pourrait consister en
une nouvelle prolongation, au-delà de 2033, de la durée de vie de la caisse
et donc des recettes qui lui sont affectées, ce qui supposerait une loi
organique ; ou en une affectation de recettes nouvelles (sans dégradation
de celles de la sécurité sociale) permettant d’amortir un supplément de
dette sans prolongation de l’échéance.
Le stock de dette de la sécurité sociale qui s’accumulerait d’ici 2028
selon la trajectoire inscrite en LFSS pour 2025 pourrait dépasser 110
Md€.
Cela correspond à sept années de recettes de la Cades. En tout état de cause,
une nouvelle reprise de dette par la Cades ne résoudrait pas le problème de
fond résultant de la dégradation continue des soldes de la sécurité sociale,
qui exposerait à la reconstitution rapide d’un nouveau stock de dette. Un
préalable indispensable est la définition d’une trajectoire crédible de retour à
l’équilibre impliquant des mesures d’économie et de maîtrise des
dépenses,
comme celles que la Cour recommande, y compris dans le présent rapport
37
.
37
Partie II :
Des réformes nécessaires pour assurer un redressement pérenne des comptes sociaux.
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SAUF MESURES VIGOUREUSES DE REDRESSEMENT
61
En février 2025, la Cour a ainsi transmis au Premier ministre une
communication sur la situation et les perspectives du système de retraite,
indiquant les leviers de réforme pouvant être mobilisés. En avril 2025, elle
a publié une note
38
proposant un ensemble de mesures d’économie sur
l’assurance maladie, pouvant atteindre 20
Md€ au total. Elle sera attentive
au suivi de ses propositions.
38
Cour des comptes,
L’objectif national de dépenses de l’assurance maladie (Ondam)
:
maîtriser sa progression en veillant à la qualité des soins, contribution à la revue des
dépenses publiques
, avril 2025.
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62
______________________ CONCLUSION ______________________
En 2024, le déficit de la sécurité sociale (15,3
Md€) a fortement
progressé par rapport à la prévision initiale, en dehors de toute situation
de crise, et pour la première fois depuis 2021 s’est dégradé par rapport à
l’exercice précédent. L’une et l’autre évolutions résultent d’un moindre
rendement des recettes et d’une progression des dépenses d’assurance
maladie non maîtrisée en cours d’année.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, de manière
inédite, ne prévoyait pas de trajectoire de redressement de la situation
financière à horizon 2027. La loi de financement pour 2025 dégrade
encore cette perspective avec un déficit qui dépasserait 24
Md€ en 2028.
Ces
déficits
successifs
et
croissants
conduiraient
à
une
accumulation de dette sociale à des niveaux jamais atteints hors période
de crise et sans perspective pérenne de financement.
Cette dette va en effet reposer sur des financements à court terme
de plus en plus importants, mobilisés par l’agence centrale des organismes
de sécurité sociale, sur un marché f
inancier qui n’est pas extensible. Il en
résulte dès 2026 une prise de risque, fortement aggravée en 2027, qui ne
permet pas d’exclure une crise de liquidité de la sécurité sociale. Ainsi,
non seulement la charge du financement de la sécurité sociale serait
reportée sur les générations futures, ce qui est contraire au principe
constitutionnel d’équilibre de ses comptes, mais elle fait courir un risque
à court terme sur la pérennité du système lui-même.
C’est pourquoi la Cour appelle à un rétablissement dur
able des
comptes de la sécurité sociale par des mesures énergiques portant en
premier lieu sur les dépenses. Elle a formulé en ce sens des propositions
dans sa note de synthèse d’avril 2025 concernant l’objectif national de
dépenses de l’assurance maladie,
qui reprennent des propositions
formulées dans ses précédents rapports, et détaille de nouvelles
recommandations dans les chapitres de la partie II du présent rapport.
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