ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LE SOUTIEN
AU DÉVELOPPEMENT
DU BIOGAZ
Rapport public thématique
Évaluation de politique publique
Synthèse
Mars 2025
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent en annexe du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Un soutien croissant apporté par l’État pour développer
une production de biogaz contribuant aux politiques
publiques énergétique et climatique, agricole
et environnementale
7
2
Des objectifs de production de biogaz insuffisamment
étayés face aux incertitudes quant à la place
future du gaz dans le mix énergétique
et à la disponibilité de la biomasse agricole
9
3
Des modalités foisonnantes de soutien public,
ayant permis l’émergence d’une filière de production,
au prix d’un calibrage imparfait des aides .
11
4
Une contribution effective à la transition agroécologique
et à la gestion des déchets, mais dont l’ampleur est mal
appréciée
13
5
Un équilibre entre les politiques énergétiques
et climatiques, agricoles et environnementales
à préserver face à l’accroissement attendu
des objectifs de production de biogaz
15
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
Issu de la fermentation de matières organiques par un procédé appelé
« méthanisation », le biogaz fournit une énergie renouvelable utilisée pour
produire de l’électricité ou de la chaleur, « par cogénération », ou injectée
directement dans les réseaux de gaz après épuration sous forme de
« biométhane » . Les matières organiques utilisées pour produire le biogaz,
les « intrants », sont constituées de matières et déchets tels que les effluents
d’élevage, les résidus de culture ou les biodéchets collectés par les collectivités
locales, qui trouvent dans cet usage une valorisation énergétique . Outre le biogaz,
le procédé de méthanisation produit une substance, le « digestat », qui peut servir
de fertilisant agricole, se substituant ainsi, au moins partiellement, aux engrais
minéraux .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Un soutien croissant apporté
par l’État pour développer
une production de biogaz
contribuant aux politiques
publiques énergétique
et climatique, agricole
et environnementale
Compte tenu de la nature même de
son processus, la production de biogaz
permet de répondre à de multiples
objectifs de politique publique : la
décarbonation de la production
d’énergie, la transition agroécologique
et la résilience des exploitations
agricoles, la gestion et le traitement
des déchets .
Le soutien au développement de la
production de biogaz s’est donc inscrit
à la confluence de ces objectifs, sans
toutefois que la contribution de la
méthanisation à leur atteinte ne soit
exhaustivement analysée . Pourtant,
cette filière connaît aujourd’hui un
important essor . Elle bénéficie d’une
politique de soutien volontariste,
désormais principalement orientée
vers la production de biométhane
injecté sur le réseau de gaz . Fin 2023,
on dénombrait 1 911 méthaniseurs
en France, dont 652 en injection . La
production d’électricité à partir de
biogaz s’est élevée à 3 TWh au cours
de l’année 2023 . Elle a représenté
0,7 % de la consommation électrique
française au cours de cette période .
La production de biométhane injecté
s’est élevée à 9,1 TWh, soit 31 %
de plus qu’en 2022, et a représenté
2,4 % de la consommation française
de gaz . La nouvelle programmation
pluriannuelle de l’énergie, soumise à
consultation fin 2024, fixe désormais
une cible de production de biogaz de
50 TWh à l’horizon 2030 .
Cet essor est conforté par le large
consensus scientifique dont fait
désormais l’objet le bilan « carbone »
positif de la méthanisation, justifiant
son développement pour se substituer
au gaz naturel fossile et participer à
la décarbonation du mix énergétique
pour atteindre la neutralité carbone
en 2050 . Ce bilan positif ne prévaut
toutefois que pour les modalités
actuelles de production du biogaz . Il
importe donc de veiller continument
au respect de certaines conditions
à réunir pour que soit préservé
ce caractère positif, conditions qui
tiennent notamment à la limitation
des fuites de méthane, au caractère
raisonné de l’utilisation de la ressource
en eau pour la production des cultures
agricoles à vocation énergétique, et
plus généralement aux modalités
d’utilisation des intrants .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La crise des prix de l’énergie qui a
éclaté en 2021 a favorisé la prise
de conscience de l’intérêt du gaz
renouvelable, produit localement, et
a renforcé la volonté d’en soutenir la
production .
Aussi, la Cour a-t-elle souhaité conduire
une évaluation de la politique publique
de soutien au développement du
biogaz . Dans ce cadre, elle a cherché
à répondre aux trois questions
évaluatives suivantes, en retenant une
période d’analyse s’étendant de 2011
à 2023 :
1) Les critères sur lesquels l’État s’est
fondé pour définir les objectifs de
développement du biogaz étaient-ils
bien identifiés ?
2) Les mécanismes de soutien public
ont-ils permis le développement de
la filière tout en en maîtrisant le coût
pour les finances publiques ?
3) Le soutien au biogaz a-t-il contribué à
l’atteinte d’autres objectifs que la seule
production d’énergie renouvelable ?
Un soutien croissant apporté par l’État pour développer
une production de biogaz contribuant aux politiques publiques
énergétique et climatique, agricole et environnementale
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les objectifs relatifs au biogaz ont
été principalement dictés par ceux
de développement des énergies
renouvelables et n’ont été que peu
explicités . À court terme, ils ont
fluctué au gré des considérations
budgétaires, afin de contenir le coût
du soutien public accordé à une
filière dont la baisse annoncée des
coûts de production n’a pas eu lieu .
La programmation pluriannuelle de
l’énergie de 2020 a ainsi abaissé à
7 % l’objectif de part des énergies
renouvelables dans le gaz en 2030,
alors que la loi du 17 août 2015
relative à la transition énergétique
pour la croissance verte l’avait
fixé à 10 % . À plus long terme, le
développement du biogaz s’inscrit
dans la stratégie nationale bas
carbone, qui prévoit de décarboner
les consommations résiduelles de gaz
d’ici à 2050 . À cette date, le besoin
de production de biogaz dépendra
donc de la place qu’occupera alors le
gaz dans le mix énergétique . Or, sa
consommation pourrait baisser de
plus de 65 % par rapport à 2020 . Mais,
dans le même temps, dans la mesure
où seul du gaz renouvelable devra
être employé, ces consommations
résiduelles de gaz dépendront aussi
des capacités de production de biogaz .
Les trajectoires de production d’énergie
permettant d’atteindre ces objectifs
en 2050 demeurent très incertaines .
L’équilibre entre les consommations
de gaz et d’électricité constitue en
particulier un sujet sensible, dans
la mesure où une baisse forte et
rapide de la consommation de gaz
pourrait se traduire par une hausse
des pics de consommation électrique .
Faire face à ces pointes supposerait
alors de relever les capacités de
production d’énergie électrique et
le dimensionnement des réseaux .
Aussi, une meilleure coordination
des travaux de prospective associant
les gestionnaires des réseaux de gaz
et d’électricité est nécessaire pour
mieux éclairer la trajectoire possible
et souhaitable de développement
du biogaz, en tant qu’élément d’un
système énergétique cohérent et
équilibré .
Le développement du biogaz suppose
par ailleurs des extensions ou des
renforcements des réseaux de gaz
Des objectifs de production
de biogaz insuffisamment étayés
face aux incertitudes quant à la place
future du gaz dans le mix
énergétique et à la disponibilité
de la biomasse agricole
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
pour les raccordements d’installations
de méthanisation, qui relèvent
d’un dispositif dit de « droit à
l’injection » . Or les travaux sur
l’avenir de ces réseaux abordent
insuffisamment l’impact de la baisse
des consommations et du nombre
de consommateurs de gaz sur leur
financement, alors que ces derniers
en supportent le coût, ainsi que sur
leur bon dimensionnement . Des
analyses économiques et financières
c o m p l é m e n t a i r e s s o n t d o n c
nécessaires pour éclairer ces débats et
décisions .
Enfin, indépendamment de la place
du biogaz dans le mix énergétique, la
disponibilité de la biomasse nécessaire
à la méthanisation constituera à
moyen et long terme un déterminant
de son développement . À ce stade, le
secrétariat général à la planification
écologique estime que la disponibilité
de biomasse pour la méthanisation
pourrait être insuffisante dès 2030,
compromettant 15 des 50 TWh de
biogaz qui pourraient être retenus
dans la nouvelle programmation
pluriannuelle de l’énergie . Cet écart
est susceptible de susciter des
conflits d’usages de la biomasse,
entre le développement du biogaz,
la production alimentaire, ou entre
certains biocarburants .
La connaissance des volumes de
biomasse disponibles et de leur
capacité de mobilisation au profit
de divers usages énergétiques
reste toutefois lacunaire, malgré
les contributions de l’observatoire
national des ressources en biomasse .
Le suivi de ces gisements et l’arbitrage
entre les usages possibles dans le
cadre des différentes démarches de
planification, constituent ainsi une
priorité, qui devrait se traduire par
l’actualisation et la mise en cohérence
des différents outils de planification
(stratégie nationale de mobilisation
de la biomasse, schémas régionaux de
biomasse notamment) .
Des objectifs de production de biogaz insuffisamment étayés
face aux incertitudes quant à la place future du gaz dans le mix
énergétique et à la disponibilité de la biomasse agricole
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
À l’instar des autres énergies
renouvelables, le développement de
la méthanisation a été principalement
soutenu par la mise en œuvre de
tarifs d’achat de l’énergie produite,
gaz ou électricité, financés par
le budget de l’État au travers de la
compensation des charges de service
public de l’énergie assignées aux
entreprises concernées . Au titre des
années 2011 à 2022, le montant de
ces charges s’élève à 2,6 Md€ . Ces
tarifs d’achat garantis ont été couplés
à des subventions d’investissement
allouées par l’agence pour la transition
écologique (ADEME) et par les régions,
à hauteur de 0,5 Md€ entre 2019 et
2023 . Par comparaison avec les divers
dispositifs de soutien aux énergies
renouvelables, ce cumul est spécifique
au biogaz . De plus, de nombreuses
modalités additionnelles de soutien ont
été mises en œuvre : prise en charge
des coûts de renforcement des réseaux
par les consommateurs et réfaction
des coûts de raccordement au réseau
de gaz pour les projets de biométhane
(147,5 M€ entre 2019 et 2023),
exonérations d’impôts locaux ciblées
sur la méthanisation dite « agricole »
(portée par des agriculteurs), facilités
accordées pour le financement des
projets (enveloppe de prêts sans
garantie de 175 M€ proposés par
Bpifrance à partir de 2020) .
La multiplicité des modalités de
soutien, combinée à la diversité des
situations individuelles intrinsèque à
la filière, a compliqué l’appréciation de
la rentabilité effective des installations
et le juste calibrage des aides
apportées à une filière naissante . Les
pouvoirs publics ne se sont toutefois
pas suffisamment donné les moyens
d’obtenir les informations permettant
d’apprécier la rentabilité des
installations, même s’il convient de
relever l’effort notable que constitue
l’étude récente de grande envergure
de la Commission de régulation de
l’énergie (CRE) sur l’injection de
biométhane . Cet effort devrait
être poursuivi car des rentabilités
excessives ont pu être observées
pour certaines installations ayant
fait l’objet de contrats conclus avant
2020 . L’analyse réalisée par la CRE en
2024 sur les installations d’injection
de biométhane, dont la plupart
bénéficie de contrats antérieurs à
2020, montre ainsi que la médiane
Des modalités foisonnantes
de soutien public, ayant permis
l’émergence d’une filière
de production, au prix
d’un calibrage imparfait
des aides
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
des taux de rentabilité interne avant
impôt des projets correspondants
atteindrait 16,9 % en tenant compte
des subventions d’investissement .
Les dispositifs de soutien ont été en
pratique orientés vers les petites et
moyennes installations agricoles,
même s’ils ont permis de développer
la filière à travers tous les types
d’installations, quel que soit le pouvoir
méthanogène des intrants, c’est-à-dire
leur plus ou moins grande capacité à
produire du méthane . Les quelques
2 000 installations de méthanisation
qui ont été créées produisent ainsi
du biogaz à partir d’installations de
stockage de déchets non dangereux
(ISDND), de boues de stations
d’épuration (STEP), d’installations
de méthanisation « industrielles » ou
agricoles (individuelles ou collectives) .
Les unités de méthanisation agricole
sont de loin les plus nombreuses .
La production de biogaz a ainsi
atteint les objectifs énergétiques qui
lui avaient été assignés pour 2023
dans la deuxième programmation
pluriannuelle de l’énergie .
Le coût budgétaire du dispositif est
significatif . Les engagements pris au
titre des tarifs d’achat contractualisés
à fin 2022 (pour des contrats de 15 à
20 ans) représenteraient encore entre
12,7 Md€ et 16,2 Md€ à décaisser pour
l’État d’ici 2037 pour le biométhane
injecté et entre 2,2 Md€ et 3,9 Md€
pour la production d’électricité en
cogénération d’ici 2042 . À ces charges,
il faudrait ajouter environ 7 Md€
supplémentaires pour les nouveaux
contrats d’injection de biométhane
signés d’ici à 2028 .
Ces perspectives financières et les
ambitions de développement et
de massification de la production
pour que la France respecte ses
engagements climatiques ont conduit
le Gouvernement à proposer un
nouveau dispositif de soutien, les
certificats de production de biogaz
(CPB), qui fait peser l’obligation
de soutien des installations sur les
fournisseurs de gaz et,
in fine
,
transfère le financement de ce soutien
des contribuables aux consommateurs
de gaz . Toutefois les conditions de bon
fonctionnement et de surveillance
du marché de CPB à venir ne sont
aujourd’hui pas définies . Les capacités
de production qui pourraient émerger
dans le cadre de ce dispositif sont mal
connues et l’impact sur les factures
des consommateurs ne fait pas
l’objet d’évaluations robustes, qui
pourraient utilement être portées à la
connaissance du public . Une analyse
plus approfondie devrait être conduite
sur cette évolution majeure et ses
conséquences éventuelles .
Des modalités foisonnantes de soutien public,
ayant permis l’émergence d’une filière de production,
au prix d’un calibrage imparfait des aides
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
4
Favorisant la décarbonation des
usages des gaz fossiles, la production
de biogaz est pilotable, à la différence
des autres énergies non renouvelables
et contribue à la diversification du
mix de production énergétique . Au
delà de la seule production d’énergie
renouvelable, elle présente en
outre des co-bénéfices importants .
Elle contribue en effet également à
la politique publique de transition
agroécologique et à la politique de
traitement des déchets, sans que la
portée de ces contributions ne soit
toutefois réellement mesurée et
appréciée .
Ainsi, en privilégiant le développement
de nombreuses installations agricoles,
les dispositifs de soutien à la
méthanisation ont visé à renforcer la
résilience des exploitations agricoles .
D’après les estimations de la Cour, en
moyenne annuelle, les exploitations
a g r i c o l e s i m p l i q u é e s d a n s l a
méthanisation ont accru leur excédent
brut d’exploitation (EBE) de 40 000 €
à un an et de 55 000 € à cinq ans entre
2016 et 2019, soit une augmentation
de l’ordre de 20 % par rapport aux
exploitations similaires non impliquées
dans la méthanisation . L’effet est
significatif pour les exploitations
détenant en propre un méthaniseur ;
il est beaucoup plus incertain pour
celles qui se limitent à approvisionner
un méthaniseur ou à en récupérer le
digestat .
Le soutien à la production de biométhane
visait également à accompagner les
exploitations dans leur transition
agroécologique, en particulier en
limitant le recours aux engrais minéraux
grâce au digestat et en contribuant
au traitement des effluents d’élevage .
Les travaux de recherche relatifs
aux impacts de la méthanisation sur
les pratiques agricoles ne mettent
toutefois pas en évidence d’effets
systématiques, concernant par exemple
la conduite de l’élevage, les pratiques
d’assolement, le niveau de fertilisation
des cultures ou leur niveau de
traitement phytosanitaire . En revanche,
ils s’accordent sur l’importance de suivre
l’impact possible du développement
des cultures intermédiaires à vocation
énergétiques (CIVE), qui représentent le
principal gisement de biomasse pour
Une contribution effective
à la transition agroécologique
et à la gestion des déchets,
mais dont l’ampleur est mal
appréciée
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une contribution effective à la transition agroécologique
et à la gestion des déchets, mais dont l’ampleur est mal
appréciée
la méthanisation à long terme . Selon
leurs modalités de développement,
ces dernières pourraient en effet avoir
des conséquences à la fois sur les
cultures alimentaires et sur le bilan
environnemental des exploitations
concernées . Un suivi de l’impact de
la méthanisation sur les pratiques
agricoles devrait ainsi être mis en
place .
Enfin, le développement de la
méthanisation contribue à la politique
de traitement des déchets, même si
ces derniers ne représentent qu’une
part minoritaire des intrants utilisés .
L’analyse de la réglementation
afférente aux déchets met en effet
en évidence des contraintes pesant
sur la méthanisation, édictées
pour des raisons sanitaires ou
environnementales pleinement
justifiées . Celles-ci ne constituent
toutefois que rarement une limite
au développement de la production
de biogaz . Ainsi, si l’interdiction de
mélanger les déchets des boues
de station d’épuration (STEP) avec
d’autres déchets constitue en principe
une limite, les caractéristiques des
stations d’épuration françaises ne
permettent pas
de facto
d’envisager
un potentiel de production important .
De même, si la collecte séparée des
biodéchets, obligatoire depuis le
1
er
janvier 2024, ouvre un nouveau
g i s e m e nt m o b i l i s a b le p o u r l a
méthanisation, force est de constater
le très faible niveau de collecte actuel .
Enfin, la valorisation du digestat issu
de la méthanisation conditionne en
partie les bénéfices escomptés de la
production de biogaz, tels qu’énoncés
par le plan énergie méthanisation
autonomie azote (EMAA) du ministère
de l’agriculture . Celui-ci envisageait
en effet le transfert d’excédents
d’azote produits par certains territoires
vers d’autres en déficit . Or, le cadre
réglementaire complexe de cette
valorisation et ses modalités pratiques
concrètes (transfert des effluents
liquides, etc .) en restreignent la mise
en œuvre .
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
5
Le soutien au biogaz, centré sur la
croissance de sa production, s’est
développé dans un équilibre relatif
entre les objectifs des différentes
politiques publiques auxquelles il
contribue . Il en résulte un paysage
français de la production de biogaz
original au regard des pays européens
comparables, davantage assis sur
des installations agricoles, de taille
petite ou moyenne . L’état actuel des
connaissances scientifiques atteste
des bénéfices multiples (énergétique,
climatique, pratique agroécologique,
etc .) de la production de biogaz . Il met
aussi en évidence les risques associés
à ses conditions de production, dont il
convient de se prémunir .
Aussi, il apparaît que les divergences,
inévitables, qui émergent entre les
différents objectifs de politique
publique, nécessitent d’établir une
hiérarchisation entre ces derniers
et de clarifier les modes de soutien
associés . Ainsi, le soutien à la
production d’électricité à partir de
biogaz, qui ne se justifie pas au titre
de la seule production d’électricité
ou de chaleur, a été maintenu au
titre de la décarbonation du secteur
agricole . Pour autant, l’impact attendu
de ce soutien n’est pas explicité . Au
surplus, la décarbonation peut être
recherchée à moindre coût par
des nouvelles réglementations sur
la gestion des effluents . Ce soutien
devrait être réduit à un niveau étayé
par une évaluation des bénéfices
escomptés . Le rôle des subventions
d’investissement mériterait également
d’être clarifié . Celles ci gagneraient à
être circonscrites dans la mesure où
les tarifs d’achat devraient garantir
déjà une rentabilité « normale » des
projets .
Surtout, alors que les ambitions
énergétiques et climatiques de
la France se traduisent par un
accroissement significatif des objectifs
de production de biogaz dès 2030, le
maintien des singularités françaises
constitue un défi . Principale demande
de la filière pour soutenir son
développement, le déploiement des
certificats de production de biogaz
à partir de 2026 nécessite une
attention particulière . Au-delà des
enjeux à court terme de sa mise en
Un équilibre entre les politiques
énergétiques et climatiques,
agricoles et environnementales
à préserver face à l’accroissement
attendu des objectifs de production
de biogaz
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Un équilibre entre les politiques énergétiques et climatiques,
agricoles et environnementales à préserver face à l’accroissement
attendu des objectifs de production de biogaz
œuvre (organisation et surveillance
du marché, liquidité, effets sur les prix
payés par le consommateur, etc .), il
pourrait conduire à moyen-long
terme à une évolution de la filière
de production du biogaz stimulant
davantage le développement d’unités
de taille importante, sur lequel se
fondent des anticipations de baisse
des coûts de production . Il requiert
ainsi un suivi de la répartition de
la valeur entre agriculteurs et
exploitants d’unités de méthanisation
de grande taille, ainsi que des
modalités d’approvisionnement en
intrants agricoles de ces unités afin
de conserver le bilan carbone positif
de l’injection de biométhane . Ainsi, la
perspective de l’accroissement des
objectifs de production de biogaz et
les adaptations tant des modalités de
soutien que du cadre réglementaire
rendent-elles nécessaire une meilleure
prise en compte des enjeux agricoles
et environnementaux qui soutiennent
cet essor . À défaut, l’équilibre qui a
présidé au développement du biogaz
jusqu’à présent pourrait être rompu, au
risque de réduire les bénéfices avérés
de cette politique publique, au regard
des divers objectifs qu’elle sert .
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1.
À partir des travaux prospectifs des
gestionnaires de transports de gaz
et des scénarios de mix électrique
de RTE, élaborer des scénarios
actualisés sur le mix énergétique
complet jusqu’à l’horizon 2050
(
ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique, 2026
) .
2.
À partir des différents scénarios
d’évolution de la consommation de
gaz, analyser l’impact économique et
financier des évolutions nécessaires
du réseau de gaz (
commission de
régulation de l’énergie, 2025
) .
3.
Actualiser la stratégie nationale
de mobilisation de la biomasse,
accélérer l’adoption des schémas
régionaux de biomasse et garantir
leur cohérence avec le prochain
exercice de planification énergétique
(
secrétariat général à la planification
écologique, ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique, ministère
de l’agriculture et de la souveraineté
alimentaire, 2025
) .
4.
Organiser un contrôle périodique
des coûts et de la rentabilité des
installations de production de biogaz
bénéficiant d’un dispositif de soutien
public (
ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique, commission
de régulation de l’énergie, 2025
) .
5.
Définir les objectifs de certificats de
production de biogaz, à l’horizon 2035,
à partir d’une évaluation indépendante
des cibles atteignables et du coût
répercuté sur les consommateurs
(
ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique, commission de régulation
de l’énergie, 2025
) .
6.
Confier à la commission thématique
inter-filière « Bioéconomie » le suivi
de l’effet de la méthanisation sur les
pratiques agricoles, sur la base d’une
liste d’indicateurs clés (
ministère de
l’agriculture et de la souveraineté
alimentaire, FranceAgriMer, 2025
) .
7.
Numériser les registres d’intrants
de la méthanisation et organiser
le recueil et l’exploitation des
déclarations de durabilité de la
biomasse transmises dans le cadre
des directives « RED » (
ministère
de l’économie, des finances et de
la souveraineté industrielle et
numérique, ministère de l’agriculture
et de la souveraineté alimentaire,
2025
) .
8.
Revoir le soutien au développe-
ment de nouvelles installations
de cogénération, sur la base d’une
évaluation actualisée des bénéfices
associés (
ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique, ministère
de l’agriculture et de la souveraineté
alimentaire, 2025
) .
Recommandations