RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS,
ORGANISMES ET PERSONNES CONCERNÉS
LES CONTRÔLES
D’IDENTITÉ
Une pratique généralisée
aux finalités à préciser
Rapport public thématique
Décembre 2023
•
Réponses des
administrations,
organismes et personnes concernés
Réponses reçues
à la date de la publication (06/12/2023)
Réponse du ministre de
l’intérieur et des outre
-mer
...................................
4
Réponse du Garde des Sceaux, ministre de la justice
.................................
5
COUR DES COMPTES
4
RÉPONSE DU
MINISTRE DE L’INTÉRI
EUR ET DES OUTRE-MER
Vous avez souhaité me faire parvenir le rapport public thématique
intitulé « Les contrôles d'identité : une pratique généralisée aux finalités à
préciser ». Je souhaite saluer le travail réalisé par la juridiction. La prise
en compte d'une grande partie des remarques formulées lors de la phase
contradictoire permet de tracer les contours des actions que le ministère
de l'intérieur et des outre-mer
souhaite mettre en œuvre pour améliorer la
traçabilité des contrôles et formaliser la doctrine spécifiant leurs finalités
opérationnelles.
Ainsi, si nous partageons les constats et les objectifs, les modalités
opérationnelles de déploiement de certains projets de recommandations
appellent les remarques suivantes de ma part.
En ce qui concerne la recommandation n°
1 visant à assurer le
recensement exhaustif des contrôles d'identité réalisés, il est impératif que
cette tâche n'obère pas la fluidité des opérations de contrôle réalisées par
les policiers et les gendarmes. Des travaux informatiques pourraient être
conduits pour intégrer, sur les terminaux NEO, le décompte des
consultations de fichiers effectuées dans le cadre d'un contrôle d'identité
par une case à cocher lors de la procédure de consultation. Je serai
particulièrement attentif à ce que les policiers et les gendarmes n'aient
aucune saisie redondante, par nature chronophage, à effectuer.
S'agissant de la recommandation n°
6 visant à la réalisation d'une
nouvelle expérimentation d'enregistrement systématique des contrôles
d'identité par les caméras-piétons, les réserves sur la faisabilité juridique,
technique et organisationnelle sont nombreuses : la compatibilité
juridique d'une expérimentation généralisée avec le droit existant doit être
examinée, les capacités de stockage des vidéos enregistrées au regard du
volume conséquent de l'activité doivent être évaluées y compris dans leurs
aspects financiers, et l'appréciation qualitative des contrôles nécessite une
forte mobilisation de ressources humaines.
Par ailleurs, je vous assure de la pleine mobilisation des services du
ministère pour enrichir la formation des policiers et des gendarmes, qui
s'appuie déjà sur des socles pédagogiques importants mais qui pourront
être systématisés et partagés entre les forces, à l'instar des retours
d'expériences s'appuyant sur les enregistrements de caméras-piétons.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
5
RÉPONSE DU
GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE
Vous avez porté à ma connaissance le rapport public thématique
intitulé « Les contrôles d'identité : une pratique généralisée aux finalités
à préciser ».
Ce rapport fait suite à une saisine de Madame la Défenseure des
droits s'interrogeant sur la traçabilité des opérations de contrôle d'identité,
le
caractère
suffisamment
protecteur
du
cadre
légal
face
aux
discriminations, et l'effectivité du contrôle exercé par l'autorité judiciaire
s'agissant des contrôles d'identité réalisés sur réquisitions.
Aux termes de ce projet de rapport, la Cour fait le constat d'un
recours important aux contrôles d'identité par les services de police et de
gendarmerie tous motifs confondus
1
, sans relever d'évolution significative
depuis 2018. Elle observe cependant, malgré la place centrale qu'occupe
la pratique des contrôles d'identité dans le débat public, que les forces de
sécurité intérieure ne disposent pas d'une connaissance suffisante, sur le
plan quantitatif et qualitatif, des contrôles réalisés. S'agissant des
contrôles d'identité mis en œuvre sur réquisitions du procureu
r de la
République, la Cour questionne par ailleurs l'effectivité du contrôle exercé
par l'autorité judiciaire,
a priori
, sur la légalité et la légitimité des
demandes de réquisitions, et
a posteriori
, sur le résultat de leur mise en
œuvre sur la base des
comptes rendus transmis aux parquets par les FSI
depuis 2014.
À titre liminaire, en réponse aux observations de la Cour relatives
à la complexité du cadre juridique actuel des contrôles d'identité, il
convient de rappeler qu'il est le résultat d'évolutions législatives
successives, visant à assurer une conciliation entre d'une part, la
prévention des atteintes à l'ordre public et la recherche des auteurs
d'infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de
principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des droits
et des libertés constitutionnellement garantis, et notamment la liberté
d'aller et venir, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de
l'Homme et du citoyen de 1789, et le droit au respect de la vie privée,
protégé par son article 2. Les différents types de contrôles existants se
justifient par la diversité des modalités de leur mise en œuvre, et reposent
chacun sur un cas d'usage déterminé.
1
Le rapport traite des contrôles d’identité mis en œuvre en matière de police
administrative et de police judiciaire.
COUR DES COMPTES
6
Si les décisions du Conseil constitutionnel et la jurisprudence de la
Cour de cassation sont venues apporter des précisions importantes ne
figurant pas expressément dans la loi, ces éléments sont pour autant
stabilisés et bien maîtrisés par
l’
ensemble des acteurs concernés, pour
avoir donné lieu à des communications précises. Ainsi, les différents
cadres sont détaillés par voie de dépêche ou de circulaire en cas
d'évolution marquante. De plus, en guise d'outil pratique, une fiche focus
disponible pour l'ensemble des magistrats est régulièrement tenue à jour
des exigences de la loi comme de la jurisprudence.
La mise en cohérence et la clarification de certaines dispositions
pourront néanmoins être étudiées dans le cadre de la réécriture du code
de procédure pénale. En effet, l'article 2 de la loi d'orientation et de
programmation 2023-2027 du ministère de la Justice, prévoit une
habilitation du Gouvernement à procéder à la réécriture à droit constant
de la partie législative du code de procédure pénale, mais ouvre la voie à
des modifications nécessaires pour « assurer le respect de la hiérarchie
des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l'état du
droit, remédier aux éventuelles erreurs ou omissions, abroger les
dispositions obsolètes ou devenues sans objet et procéder aux adaptations
terminologiques utiles ».
Ensuite, et en réponse aux interrogations de la Cour quant à
l'effectivité du contrôle a priori exercé par l'autorité judiciaire, les
procureurs de la République ont rappelé, notamment dans le rapport annuel
du ministère public de 2016, la nécessité de conserver la maîtrise des
réquisitions aux fins de contrôle d'identité, les conduisant à exiger que les
demandes de réquisitions soient motivées par le contexte du contrôle, sa
durée et sa localisation, et à rejeter celles ne répondant pas à ces exigences.
Ces pratiques sont encadrées par les dépêches et circulaires diffusées
par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère
de la justice en la matière. Ainsi, la circulaire du 6 mars 2017, rappelle la
nécessité du contrôle par le procureur de la République du respect des
libertés individuelles, notamment l'absence de caractère discriminatoire, en
détaillant la nécessité de vérifier l'opportunité du contrôle selon ses motifs,
ses lieux et dates visés, et le cas échéant en pratiquant des déplacements
inopinés sur les lieux de ces contrôles. Elle précise également, conformément
aux réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel, qu'il ne peut être
retenu des lieux et périodes de contrôle sans lien avec la recherche des
infractions visées dans les réquisitions, et que le procureur de la République
ne saurait autoriser des contrôles d'identité généralisés dans le temps ou
dans l'espace, en particulier en procédant par un cumul de réquisitions
portant sur des lieux ou des périodes différents.
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS, ORGANISMES
ET PERSONNES CONCERNÉS
7
La DACG a rappelé, notamment par circulaire du 22 avril 2021
relative au traitement des infractions commises en tien avec des
groupements violents lors des manifestations, l'importance de la
coordination de l'action du procureur de la République avec celle du préfet
et des forces de l'ordre, notamment s'agissant de l'opportunité de délivrer
des autorisations de procéder à des mesures de contrôles d'identité. À cette
fin, les procureurs de la République sont particulièrement investis dans les
instances locales visant à coordonner l'action de l'autorité judiciaire avec
notamment la préfecture, les FSI et les élus locaux. Ainsi, ils sont parties
prenantes des états-majors de sécurité, président les groupes locaux de
traitement de la délinquance (GLTD), qui associent notamment les FSI et
les élus locaux, et participent aux conseils locaux de sécurité et de
prévention de la délinquance (CLSPD). Les procureurs ont ainsi
régulièrement recours à ces instances pour définir le ciblage des
opérations de contrôle de façon partenariale.
Enfin, s'agissant de l'effectivité du contrôle a posteriori exercé par
l'autorité judiciaire, la Cour note que malgré la charge de travail
conséquente des magistrats du parquet, en particulier à la permanence,
ces derniers ont « renforcé le contrôle de la régularité et de l'opportunité
des demandes de réquisitions », en exigeant la transmission systématique
d'un compte rendu par les FSI. Elle regrette cependant l'absence de
centralisation malgré les opportunités techniques actuelles offertes par la
numérisation de la procédure pénale et recommande donc de « demander
aux parquets d'enregistrer systématiquement les réquisitions et les comptes
rendus de leur mise en œuvre afin de permettre un suivi consolidé de leur
nombre, de leur étendue et de leurs résultats »
2
.
Le ministère de la Justice est favorable à cette recommandation
et partage avec la Cour le souhait de poursuivre le renforcement du suivi
du nombre, de l'étendue et des résultats des réquisitions délivrées aux
fins de contrôle d'identité.
À ce jour, les réquisitions aux fins de contrôle d'identité et les
comptes rendus afférents sont stockés dans les serveurs des juridictions.
Pour celles qui bénéficient des outils de la procédure pénale numérique
(PPN), les réquisitions aux fins de contrôles d'identité peuvent être signées
électroniquement via le bureau pénal numérique (BPN) après contrôle et
correction des magistrats du parquet, puis envoyées via le module de
communication électronique sécurisé (CPN). Toutefois, il doit être
2
Recommandation n° 7 : «
Demander aux parquets d’enregistrer systématiquement les
réquisitions et les comptes
rendus de leur mise en œuvre afin de permettre un suivi
consolidé de leur nombre, de leur étendue et de leurs résultats
».
COUR DES COMPTES
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souligné que la fonction première du BPN n'est pas d'organiser le stockage
des pièces de procédures, ni d'en organiser le contrôle. Par ailleurs, les
réquisitions de contrôle d'identité intervenant en amont de la constatation
d'une infraction pénale et donc de l'ouverture d'une procédure pénale, elles
ne peuvent être directement transmises et stockées dans les applications de
numérisation des procédures pénales (NPP)
3
des juridictions à défaut de
numéro de procédure.
Aussi, il est prévu d'initier, dès 2024, des travaux en vue de
permettre l'enregistrement et le suivi, via les logiciels métiers du parquet
(LMP), des réquisitions de contrôle d'identité et des comptes rendus
afférents. L'objectif sera double : d'une part poursuivre la numérisation
complète de cette procédure, déjà possible dans un grand nombre de
juridictions, et d'autre part, créer des outils de suivi statistique et
opérationnel, par ressorts de cours d'appel, de la mise en
œuvre
des
réquisitions aux fins de contrôle d'identité.
3
L’application
« Numérisation des procédures pénales » permet de fluidifier les
échanges de documents numérisés tout au long de la chaîne pénale judiciaire ou de
délivrer, dans les délais les plus brefs, des copies aux avocats sur support numérique.