COMMUNIQUÉ DE PRESSE
12 octobre 2023
Rapport d’observations définitives
LA TARIFICATION À L’ACTIVITÉ
La loi du 18 décembre 2003 relative au financement de la sécurité sociale pour 2004 a
introduit dans les secteurs public et privé entre 2005 et 2008 une tarification à l’activité
(T2A). Elle prévoit, pour chaque séjour hospitalier correspondant à un type de pathologie,
la détermination préalable d’un tarif établi au coût moyen constaté dans un échantillon
d’établissements participant à une étude nationale de coûts. La T2A consiste en un
paiement, par l’assurance maladie, de ce tarif préalablement défini. En 2019, les tarifs ont
représenté 47,4 Md€, soit 24 % de l’Objectif national de dépense d’assurance maladie
(Ondam). Pour les établissements de santé, les recettes tarifaires, rapportées au total des
recettes perçues de l’assurance maladie, représentent 59,2 % pour les établissements
publics, 69,2 % pour les établissements privés sans but lucratif et 81,4 % pour les
établissements privés à but lucratif.
Un vecteur de maîtrise des coûts et un outil d’orientation des pratiques médicales
La T2A a pour but d’inciter les établissements dont les coûts se situent au-dessus du tarif à des
efforts d’efficience et de productivité. La première vertu de la T2A est de rendre plus objective
la connaissance des coûts des établissements grâce à une nomenclature médico-économique
et, sur cette base, de rendre plus équitable la répartition des financements entre
établissements. Les établissements de santé publics et privés ont donc été incités à développer
des outils de pilotage budgétaire et de mesure des coûts, de manière à adapter leur
organisation et leur gestion aux recettes d’activité tirées des séjours des patients. Cependant,
la comptabilité analytique des hôpitaux présente encore des limites difficilement conciliables
avec les exigences de gestion qu’implique la tarification à l’activité. Elle peut être améliorée
pour rendre possible une meilleure connaissance de l’activité médicale et des coûts. La T2A a,
malgré tout, contribué, par l’incitation à la maîtrise des charges d’exploitation qu’elle a
entraînée, à faire progresser l’organisation des soins et le pilotage des établissements de santé.
Par ailleurs, les tarifs ont été parfois utilisés,
via
des augmentations ou des baisses ciblées, au
service d’objectifs de santé publique, d’organisation ou d’évolution des pratiques.
Des tarifs de plus en plus complexes
La représentativité de l’étude nationale des coûts, sur laquelle repose la détermination des
tarifs, est insuffisante, tant en raison de la faible diversité, notamment géographique et
statutaire, des établissements qui y participent, que du défaut d’exhaustivité des activités qui y
sont intégrées. La nomenclature médicale hospitalière présente le mérite d’être suffisamment
fine pour correspondre aux pratiques médicales. En revanche, la multiplication des tarifs (près
de 3 700 tarifs en 2022) alourdit le dispositif (alors même que près de la moitié d’entre eux sont
sous-utilisés) complexifie les opérations de codage. Dans les établissements, les pratiques des
départements d’information médicale, sur lesquels reposent la complétude et la qualité du
codage de l’activité, devraient être unifiées, autant que possible, à l’échelle des groupements
hospitaliers de territoire. Les erreurs de codage qui, dans certains cas, induisent des paiements
injustifiés ou surévalués, sont insuffisamment contrôlées par l’assurance maladie. La
multiplication des tarifs nuit à la mutualisation des coûts des pratiques médicales traitant la
même pathologie. L’adoption tardive des tarifs annuels, fixés au mois de mars alors que les
établissements ont l’obligation règlementaire d’arrêter leur budget à la fin de l’exercice
précédent, aggrave leur situation et contraint la réalisation des prévisions budgétaires sur des
bases tarifaires stabilisées.
Un outil de tarification utilisé comme un outil de régulation budgétaire
Les tarifs ont longtemps été le principal mécanisme de respect de l’objectif national annuel de
dépenses d’assurance maladie fixé chaque année par le Parlement dans la loi de financement
de la sécurité sociale, transformant ainsi un outil de tarification en instrument quasi-budgétaire.
Cet ajustement uniforme des tarifs en-deçà des coûts moyens qu’ils sont censés couvrir, a
permis de contenir la dépense hospitalière et, parfois, de compenser les dépassements de
l’enveloppe des soins de ville. Toutefois, la baisse des tarifs depuis une décennie a mis les
établissements en difficulté, puisque les tarifs s’éloignaient sans cesse davantage des coûts
qu’ils étaient supposés couvrir. En réalité, les tarifs sont désormais moins fixés par référence
aux coûts que par référence aux tarifs de l’année précédente, actualisés par un taux d’évolution
lui-même fonction de l’Ondam. L’impossibilité de rapprocher les tarifs et les coûts nuit à la
lisibilité du système aussi bien qu’à la connaissance fine, par les hôpitaux, de l’efficience de leurs
activités. Pour émettre un signal-prix efficace, les tarifs doivent être construits de manière
lisible, assurer la couverture des coûts moyens et s’approcher au plus près de la neutralité
tarifaire. Sur le long terme, les écarts creusés entre les coûts et les tarifs ont produit des
situations de sur ou de sous-financement. Ces distorsions du signal-prix ont eu des incidences
sur l’organisation des soins et sur la répartition des spécialités entre les établissements publics
et privés, lucratifs ou non, dont les décisions peuvent se révéler opportunistes.
La préservation d’une part de T2A dans le financement des établissements de santé
L’évolution de la tarification hospitalière doit être l’occasion de garantir les conditions d’une
totale transparence du processus de calcul des coûts et de construction des tarifs, tant
politiques que techniques. Au prix des améliorations décrites ci-dessus, le maintien d’une part
significative de tarification à l’activité dans le financement des établissements de santé
permettrait de lui conserver sa vocation première d’outil incitant à la réduction des coûts et à
l’efficience. Les objectifs initialement assignés à la T2A, en termes d’équité et de transparence,
demeurent indispensables et l’outil a apporté la preuve qu’il contribuait à leur réalisation. Si le
poids de la tarification à l’activité diminuait au profit d’autres vecteurs de financement des
établissements de santé, il serait nécessaire, pour faire respecter l’Ondam, de trouver d’autres
modalités que les seules évolutions tarifaires. La régulation devrait alors porter, non plus sur les
tarifs eux-mêmes mais sur les dotations et sur des mises en réserve prudentielles accrues.
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