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Fabrice COQUELIN
Président
presidence@ires.fr
Noisy-le-Grand, le 4 mai 2023
Objet : Réponse au rapport définitif de la Cour des comptes S2023-123
Ref. : 2021-000427
Monsieur le Président de la 4
e
Chambre,
Vous m’avez fait parvenir le rapport définitif le 7 avril dernier. Dans ce courrier, nous souhaitons traiter
des constats dressés par la Cour, de ses recommandations avant de revenir sur les missions de l’Ires.
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Concernant les constats
Dans le rapport, la Cour ne remet pas en cause l’objet social de l’Ires et son intérêt pour les
organisations syndicales (OS). Elle reconnaît la place spécifique du Centre commun de recherche (CCR)
dans le monde de la recherche. Elle recommande toutefois des modifications de fonctionnement pour
accroître le caractère académique de son activité et renforcer sa visibilité. Le rapport souligne que,
dans un contexte de forte baisse des moyens attribués à l’Institut, la gestion du Centre est «
saine et
rigoureuse »
.
Concernant le fonctionnement de l’Agence d’objectifs (AO), le rapport est particulièrement à charge,
critiquant à la fois la pertinence des sujets, la qualité des études commandées par les OS et leur
gestion. Si des améliorations sont nécessaires, et le Bureau y travaillait avant même le contrôle,
certaines assertions sont contestables. Certaines affirmations sont fausses et des chiffrages sont
biaisés. Ainsi peut-on lire : «
De 2010 à 2021, sur 17,50 M€ reçus par l’agence d’objectifs, le montant
des frais imputés par les syndicats peut être estimé à 10,50 M€. Si un taux moyen uniforme de 10 % de
frais de gestion avait été appliqué sur chaque contrat d’études signé durant la dernière décennie, l’IRES
aurait pu économiser près de 9 M€ ».
Notons tout d’abord que ce chiffrage ne se retrouve pas dans le corps de ce rapport, lequel d’ailleurs
ne porte que sur les années 2015-2021
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; qu’il repose sur une hypothèse contestable des « frais de
gestion » de 10 % (la Cour recommande le taux de 15 % ailleurs). Quoi qu’il en soit, cette simulation se
base sur un calcul arbitraire qui ne correspond pas à la réalité des études de l’AO, notamment de leurs
conditions de réalisation. La Cour n’a pas retenu qu’une partie des frais de gestion sont en fait des frais
d’ingénierie, de suivi, d’animation et de valorisation des recherches ; et qu’en cela ils répondent à
l’objet social de l’Ires. Les données envoyées par les OS dans leur réponse à la Cour en témoignent.
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2015-2020 initialement annoncées.
Monsieur Christian CHARPY
Cour des Comptes
Président de la 4
e
Chambre
13, rue Cambon
75001 PARIS
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Des améliorations sont nécessaires ; elles ont été exposées dans les réponses de la gouvernance de
l’IRES à la Cour. Elles s’appuient sur les fonctionnements effectifs d’ingénierie, de suivi, d’animation et
de valorisation des études de l’AO.
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Concernant les recommandations
Nous revenons dans cette partie sur les six recommandations formulées par la Cour dans sa synthèse.
2.1
Confier à la Commission scientifique l’évaluation des études de l’IRES
La Cour recommande de confier à une Commission scientifique indépendante l’évaluation des études
de l’AO comme du CCR. Notons que la Commission scientifique mise en place en 2017 est composée
d'une part de chercheurs qui s'expriment en toute indépendance, et d’autre part de deux personnalités
qualifiées nommées par les représentants de l’État. La gouvernance de l’IRES pourra étudier la
possibilité d’une reconfiguration comprenant notamment un élargissement de ses missions. Toutefois,
il faudra veiller à ne pas mettre en place des processus incompatibles avec la réalisation des études.
En outre, il faudra tenir compte des missions de l’Ires et notamment de la spécificité des études
commandées pour répondre aux besoins des organisations syndicales.
2.2
Plafonnement des « frais généraux »
Le rapport recommande de plafonner les frais généraux à 10 ou 15 %. Cette recommandation est en
décalage avec la proposition de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche académique
(LPPR) qui propose de retenir un montant de frais généraux de 22 %. Il considère que l’écart financier
entre les dotations aux OS et les conventions de recherche correspond à des «
frais généraux »
. C’est
un terme générique qui ne permet pas de retracer l’action même des organisations syndicales (OS)
dans la fabrication, l’animation, l’accompagnement et la valorisation des études. Pour illustrer les
limites de cette recommandation, il suffit à titre d'exemple de l'appliquer à d'autres structures de
recherches, telles que la DARES ou la DREES, pour comprendre aisément qu'elle conduirait à exclure
de leurs budgets le coût de l'animation et de la valorisation de leurs études.
Le pilotage et l’animation des études de l’AO supposent une forte mobilisation, en particulier des
conseillers techniques. Leur activité, d’ailleurs, ne se limite pas aux AO mais concerne aussi le CCR :
participation aux réunions d’équipe, comités de lecture ; colloques et séminaires dont les Entretiens
de l’Ires, lien avec les différentes structures des OS (Fédérations professionnelles, Unions
départementales…). Et cela est sans compter la particularité des recherches participatives et les
recherches-actions qui mobilisent d'importantes ressources humaines au sein des OS. À la lumière de
ces éléments, l'IRES considère que la notion de frais généraux ne peut s'entendre qu'en intégrant dans
l'ensemble des frais de l'AO les frais relatifs à l’ingénierie, le suivi, l’animation et la valorisation des
études. Il s’agit bien, alors dans ce cas, de financement des capacités d’études et de recherche, comme
le démontrent les éléments détaillés fournis par les OS. Au total, en ignorant la spécificité des études
menées par l'IRES, et tout particulièrement au sein de l'AO, la Cour aboutit à des recommandations
inadaptées à la réalité des missions poursuivies par l'institut.
Pour autant, dans un esprit de bonne gestion, l'IRES n'exclut pas la nécessité de mettre en place un
plafonnement desdits frais généraux dès lors que celui-ci ne vient pas compromettre la capacité de
financement accordée aux OS pour réaliser et valoriser leurs recherches. Dans cette perspective le
nouveau règlement intérieur (RI) de l'IRES, adopté lors de l’Assemblée générale (AG) du 12 avril 2023,
propose un plafonnement des frais généraux intégrant l'ensemble des frais liés aux activités de
conception, d'animation et de valorisation des recherches conduites au sein des OS dans le cadre de
l'AO.
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2.3
Restitution des fonds en cas de retards
La Cour recommande de restituer les fonds en cas de retards des études de plus de trois ans.
Évidemment, il est de l’intérêt de tous que les études soient rendues rapidement.
Des modifications du RI de l’IRES ont d’ailleurs été introduites. Ainsi, en l’absence de justifications, les
études trop en retard sont considérées comme non advenues. Le montant de l’étude voté lors de l’AG
est abandonné au profit du Centre commun de recherche de l’IRES diminué des frais déjà engagés par
l’OS sur justificatifs.
Toutefois, cette mesure d’abandon doit être exceptionnelle et sur une période plus longue (5 ans) que
celle recommandée. En effet, les retards proviennent de raisons différentes qui souvent se cumulent :
difficultés de trouver une équipe sur un sujet donné ; difficultés administratives des laboratoires de
recherche pour concrétiser la convention ; difficultés diverses rencontrées par l’équipe chargée de
l’étude : accès au terrain ou tout autre motif lié à l’incertitude d’une recherche ; difficultés à l’intérieur
de l’organisation pour mettre en place le comité de lecture final, sans oublier les difficultés liées, dans
la dernière période, à la crise sanitaire. Notons que d’un point de vue budgétaire comme d’un point
de vue de fond, il vaut mieux une étude terminée en retard qu’une étude non-rendue ou de moindre
qualité.
Signalons au passage plusieurs approximations dans le rapport. Celui-ci indique qu’aucun progrès
n’aurait été fait. Or, des points réguliers sur l'avancement des études sont effectués au Bureau : des
tableaux de suivi ont d’ailleurs été fournis lors du contrôle. La volonté et l’action de l’IRES sont bien de
réduire les retards et de permettre aux études d’être réalisées plutôt que d’être abandonnées. Les
retards, présentés dans le rapport du commissaire aux comptes, sont communiqués à l’ensemble des
membres de l'AG.
2.4
Réduire la dotation annuelle de l’AO
Alors que la décision a été prise en 2017 par les OS de réduire la part de l’AO dans la dotation globale
de l’IRES, la Cour recommande de réduire plus encore cette part. Sur ce point, déjà mentionné plus
haut, le paramètre retenu pour les « frais généraux » ne prend pas en compte la spécificité de
l’animation et de l’accompagnement des études qui est le gage de leur utilité.
2.5
Concernant l’AGFPN et la scission de l’IRES
La Cour préconise de financer l’AO-IRES par l’AGFPN (Association de Gestion du Fonds Paritaire
National) et de rattacher le CCR à un grand centre de recherche académique. Ce point appelle deux
remarques, l’une sur la nature de l’AGFPN, l’autre sur les évaluations de nature académique.
2.5.1
L’AGFPN
La nature de l’AGFPN n’est pas celle de l’IRES. L’AGFPN n’a pas vocation à contrôler la qualité de la
dépense ni même sa coordination mais seulement la charge financière.
In fine
, cela pourrait même
conduire à la dégradation de la coordination des études, entre les OS mais aussi avec le CCR. Ce n’est
pas une solution appropriée. Des améliorations comptables internes, simples, transparentes et
rigoureuses, font l’objet du nouveau règlement intérieur, voté lors de la dernière Assemblée générale
(AG) de l’IRES, qui s’applique dès 2023.
Cette recommandation de la Cour s’appuie sur un diagnostic contre lequel nous nous inscrivons en
faux. Outre la question des «
frais généraux
», déjà évoquée, le rapport définitif semble suggérer qu’il
n’existe aucune coordination et synergie entre l’AO et le CCR. Pourtant, des échanges ont
régulièrement lieu au sein du Bureau et au sein de la Commission scientifique. De plus, depuis plusieurs
années, certaines études de l’AO sont confiées au CCR. Si des améliorations sont certainement à
apporter, certaines sont déjà en cours de déploiement. De fait, cette recommandation remet en cause
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les fondements qui ont présidé à la constitution de l’IRES pour garantir un point de vue syndical dans
la réflexion et le débat public.
2.5.2
Concernant la scission
Le rattachement du CCR à un centre académique pourrait conduire, là-aussi, à remettre en cause la
spécificité et la mission de l’IRES.
Le rapport recommande de voir mis en place des processus « académiques » dans le fonctionnement
des recherches du CCR (et de l’AO). Par exemple, il suggère que des lectures en double aveugle
renforceraient le rayonnement de l’IRES. Contrairement aux centres de recherche académique, l’IRES
s’efforce d’engager un dialogue approfondi, à la fois avec les chercheurs mais aussi entre les
chercheurs et les organisations syndicales, conformément à sa mission spécifique. Rappelons-le, la
vocation de l’IRES n’est pas de nature académique. En outre, dans les centres de recherche ou les
administrations chargées de recherche (par exemple la Dares ou la Drees), ce n’est pas ce type de
fonctionnement qui est en place pour les rapports de recherche.
3
Conclusion
Pour finir, nous tenons à rappeler les missions spécifiques de l’IRES.
Nombre des analyses et recommandations de la Cour conduiraient à mettre fin au fondement de
l’institut, à son rôle et à sa spécificité ainsi qu’à l’indépendance de ses mandants. C’est
particulièrement le cas de la recommandation visant à scinder l’Agence d’objectifs et le Centre
commun de recherche.
Nous souhaitons ici de nouveau rappeler les éléments qui ont présidé à la création et au
développement
de
l’IRES,
lesquels
apparaissent
en
totale
contradiction
avec
plusieurs
recommandations du rapport. Pour mémoire, les textes précisent les missions suivantes :
• « Assurer des activités d’études et de recherches indépendantes en adoptant une démarche
scientifique, au service des organisations syndicales membres de l’association, sur l’ensemble du
champ économique et social ».
• « Nourrir le nécessaire pluralisme des débats de nature économique ou sociale, à tous les niveaux
(international, national, territorial, sectoriel, …) et ainsi apporter un soutien à la qualité du dialogue
social ».
• « Valoriser ses travaux par la publication de rapports, de notes… l’organisation de séminaires,
colloques, la participation à des réunions publiques ou à des entretiens commandés par des instances
ou organisations intéressées. »
Rappelons qu’en septembre 2022, le Bureau et les organisations syndicales ont apporté des
observations et commentaires précis et documentés sur le Relevé d’observations provisoire (ROP),
notamment concernant le rôle spécifique de l’IRES et les améliorations en cours de son
fonctionnement. De plus, le Président et le Directeur général ont été auditionnés le 19 octobre 2022,
à leur demande, par la 4
e
Chambre. Ils ont apporté à cette occasion des précisions supplémentaires.
Toutefois, le rapport définitif tient peu compte de l’ensemble des éléments apportés et aboutit à des
conclusions en contradiction avec les missions et actions de l’Institut.
Des voies d’amélioration ont été présentées par l’IRES à la Cour, en particulier un projet d’avenant au
Règlement intérieur qui a été adopté le 12 avril 2023 par l’Assemblée générale. Elles visent à renforcer
la traçabilité et la transparence des études de l’AO qui rencontrent l’esprit des recommandations de
la Cour.
Enfin, le Bureau de l’IRES tient aussi à rappeler que la Gouvernance a confié, dès le premier semestre
2021, un rapport sur l’évaluation du positionnement de l’IRES à Jean-Paul Guillot (ex-Président de
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Réalités du dialogue social). Ce rapport transmis à la Cour des comptes n’est quasiment pas cité, si ce
n’est pour évoquer la faible utilisation des réseaux sociaux. Pourtant, celui-ci est au cœur d’une
réflexion sur les améliorations à apporter à l’IRES au regard de sa mission et de sa spécificité. Il résulte
d’une large consultation des utilisateurs des productions de l’Institut et des acteurs de son
environnement : administrations, recherche et acteurs sociaux.
Pour le Bureau de l’IRES,
Fabrice COQUELIN
Président