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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
L’ORGANISATION
DES MARCHÉS
DE L’ÉLECTRICITÉ
Rapport public thématique
Évaluation de politique publique
Synthèse
Juillet 2022
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
1
Au sein d’un secteur électrique européen ouvert
à la concurrence depuis le début des années 2000,
la France a développé, au service d’objectifs nationaux,
une politique publique d’organisation des marchés fondée
sur plusieurs dispositifs d’intervention structurants.
. . . . . .
5
2
Les TRV sont de plus en plus exposés aux variations des prix
de marché, au risque de s’éloigner plus nettement des coûts
de production d’EDF.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11
3
La mise en œuvre de l’ARENH ne s’est pas déroulée
comme prévu, mais a permis la couverture des coûts
complets sur la période considérée.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
15
4
Le mécanisme de capacité est à l’origine de transferts
financiers qui peuvent excéder les nécessités de la sécurité
d’approvisionnement.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
17
5
Les réponses aux trois questions examinées dans le cadre
de l’évaluation montrent que les résultats de l’intervention
publique ne sont pas maîtrisés de façon satisfaisante.
Ce constat appelle une clarification et une hiérarchisation
des objectifs poursuivis, afin de déterminer les modalités
les mieux adaptées de régulation des marchés
de l’électricité..
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
19
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
A
u sein d’un secteur électrique européen
ouvert à la concurrence depuis le début des
années 2000, la France a développé, au service
d’objectifs nationaux, une politique publique
d’organisation des marchés fondée sur
plusieurs dispositifs d’intervention structurants.
L’électricité
constitue
un
bien
de
consommation de première nécessité
pour les ménages ainsi qu’un facteur
de production de l’industrie, dont le
prix peut être déterminant pour sa
compétitivité. En 1945, la France avait
fait le choix d’une nationalisation
du
service
public
de
l’électricité
(production, transport, distribution et
fourniture), en le confiant à Électricité
de France (EDF).
Dans
les
années
1990,
l’Union
européenne a entrepris d’étendre les
règles de fonctionnement du marché
intérieur au secteur électrique. Avec
l’adoption
successive
de
quatre
directives du Parlement et du Conseil
en 1996, 2003, 2009 et 2019, elle a
ainsi cherché à ouvrir à la concurrence
les secteurs de la production et de
la fourniture d’électricité et à lever
les
barrières
d’accès
aux
réseaux
nationaux
et
aux
interconnexions,
favorisant
aussi
les
échanges
transfrontaliers.
Ces
directives
ont
eu
des
conséquences sur l’organisation du
secteur électrique  : au sein d’EDF,
les
activités
de
transport
et
de
distribution
d’électricité
ont
été
séparées des activités de production et
de fourniture et confiées à ses filiales
Réseau de transport d’électricité (RTE)
et Enedis. Des fournisseurs alternatifs
(aux fournisseurs historiques, c’est-à-
dire à EDF et aux entreprises locales
de distribution
1
- ELD) sont apparus.
Deux types de marché de l’électricité
se sont développés  : les marchés de
gros
2
entre les producteurs et les
fournisseurs d’électricité ; les marchés
de
détail
entre
les
fournisseurs
d’électricité et les clients finals.
1. Le fournisseur historique d’électricité est EDF ou, dans quelques communes (qui concernent
moins de 5 % des clients), une entreprise locale de distribution (ELD) comme, par exemple,
Électricité de Strasbourg ou Usine d’Électricité de Metz.
2. Le marché de gros désigne le marché où l’électricité est négociée (achetée et vendue) en vue
d’approvisionner les clients finals (particuliers ou entreprises).
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Dans ce nouveau cadre d’ouverture
à la concurrence au niveau européen
et face à une augmentation des
prix de marché à partir de 2005,
les pouvoirs publics ont en France
défini et mis en œuvre une politique
publique
d’organisation
des
marchés de l’électricité en recourant
à des dispositifs de régulation et
d’intervention.
Cette
politique
française délimite le périmètre de
l’évaluation conduite par la Cour.
Les objectifs de la politique française
découlent des caractéristiques par-
ticulières du système de production
français, qui se distingue au sein de
l’Europe par le poids et la compétitivité
du parc nucléaire historique. En effet,
en l’absence d’intervention publique,
l’ouverture à la concurrence à l’échelle
européenne se serait traduite par un
approvisionnement de la clientèle
française à des conditions de prix
de gros de l’électricité susceptibles
d’excéder nettement les coûts de
production du parc français. La flam-
bée des prix de gros de l’électricité en
2022, dans le sillage de ceux du gaz,
illustre ce risque. Les pouvoirs publics
ont dès lors cherché à faire bénéfi-
cier les clients français de l’avantage
comparatif
que
constituaient
les
faibles coûts de production du parc
nucléaire historique.
Cette politique nationale d’organisation
des
marchés
et
les
dispositifs
correspondants
devaient
néanmoins
rester compatibles avec le droit de la
concurrence et les règles du marché
intérieur de l’électricité, elles-mêmes
évolutives.
Dans
ce
contexte,
les
autorités
françaises
ont
adopté
une
« 
nouvelle
organisation
du
marché de l’électricité  » par la loi du
Au sein d’un secteur électrique européen ouvert à la concurrence
depuis le début des années 2000, la France a développé, au service
d’objectifs nationaux, une politique publique d’organisation des
marchés fondée sur plusieurs dispositifs d’intervention structurants.
Échanges commerciaux d’électricité
Source : Cour des comptes
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
7  décembre 2010 du même nom (loi
NOME).
Elle
poursuivait
plusieurs
objectifs  : permettre, conformément
au
cadre
européen,
l’exercice
de
la
concurrence
entre
fournisseurs,
garantir aux consommateurs des prix
stables et reflétant la compétitivité
du parc nucléaire existant, assurer le
financement de ce parc et disposer
de capacités suffisantes pour garantir
l’équilibre entre l’offre et la demande.
Pour ce faire, la loi NOME a fait
reposer l’intervention publique sur
trois principaux dispositifs. Elle a
ainsi mis en place une régulation
au stade amont de la vente en
gros
de
la
production
nucléaire,
via
l’instauration de l’accès régulé
à
l’électricité
nucléaire
historique
(ARENH). L’ARENH a accompagné
à
partir
de
2011
la
suppression
définitive des tarifs réglementés pour
les grandes et moyennes entreprises.
Il devait permettre de garantir à tous
les clients finals le bénéfice de la
compétitivité du parc nucléaire, et de
donner aux fournisseurs alternatifs
les moyens de concurrencer EDF.
Concomitamment, la loi a créé un
dispositif spécifique visant à garantir
la sécurité d’approvisionnement, en
particulier lors des périodes de tension
entre offre et demande : le mécanisme
de capacité. Enfin, elle a conforté la
régulation des prix de détail pour les
ménages et les petites entreprises en
maintenant leur éligibilité aux tarifs
réglementés de vente (TRV) que les
opérateurs historiques (EDF et les
entreprises locales de distribution)
ont l’obligation d’offrir.
Au sein d’un secteur électrique européen ouvert à la concurrence
depuis le début des années 2000, la France a développé, au service
d’objectifs nationaux, une politique publique d’organisation des
marchés fondée sur plusieurs dispositifs d’intervention structurants.
Ordonnancement initial des objectifs et dispositifs publics associés à la loi NOME
Objectif 1
Restitution aux clients français de la compétitivité
du parc nucléaire historique
Objectif 2
Garantir aux clients français des prix stables
Objectif 3
Favoriser la concurrence sur le marché de détail
Objectif 4
Garantir le financement du parc historique
Objectif 5
Disposer d’une puissance garantie suffisante
Dispositif :
TRV
Dispositif :
ARENH
Dispositif :
Mécanisme
de capacités
Source : Cour des comptes
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Après plus de dix années d’application
de la loi NOME, les parts de marché
des
fournisseurs
alternatifs
ont
fortement augmenté sur le marché de
détail
3
. Elles dépassent notamment
50  % sur la clientèle professionnelle
des grandes et moyennes entreprises,
même si la place des opérateurs
historiques reste très importante. En
revanche, le segment de la production
demeure
largement
dominé
par
EDF, qui assure encore 85  % de la
production nationale. Le caractère
intégré d’EDF, qui utilise l’essentiel
de sa production directement pour
l’approvisionnement de ses propres
clients finals, réduit la liquidité des
échanges sur le marché de gros.
Au sein d’un secteur électrique européen ouvert à la concurrence
depuis le début des années 2000, la France a développé, au service
d’objectifs nationaux, une politique publique d’organisation des
marchés fondée sur plusieurs dispositifs d’intervention structurants.
3. C’est sur le marché de détail que sont proposés et conclus les contrats de fourniture
d’électricité aux clients finals.
Évolution des parts de marché des fournisseurs alternatifs depuis 2010
(en volume de consommation)
Grands sites professionnels
Moyens sites professionnels
Petits sites professionnels
Ménages
60 %
50 %
40 %
30 %
20 %
10 %
0 %
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Source  : Cour des comptes d’après données CRE –
observatoire du marché de détail
La
Commission
de
régulation
de
l’énergie
(CRE)
surveille
le
bon
fonctionnement
des
marchés
de
gros et de détail de l’électricité et
publie
régulièrement
un
état
du
développement de la concurrence
dans le cadre de son observatoire
des marchés de détail. De son côté,
l’Autorité de la concurrence a été
saisie
de
nombreuses
demandes
d’avis sur le secteur et a rendu
plusieurs décisions dans le cadre de
ses fonctions contentieuses. Ces deux
institutions sont par ailleurs chargées
à la fois d’évaluer l’ARENH et les TRV.
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Au sein d’un secteur électrique européen ouvert à la concurrence
depuis le début des années 2000, la France a développé, au service
d’objectifs nationaux, une politique publique d’organisation des
marchés fondée sur plusieurs dispositifs d’intervention structurants.
Aucune
institution
n’a
dressé
un
bilan consolidé des trois dispositifs
de politique publique d’organisation
des marchés de l’électricité que sont
les TRV, l’ARENH et le mécanisme
de capacité. C’est à l’établissement
de ce bilan des résultats propres et
des effets combinés de la mise en
œuvre de ces dispositifs que la Cour
s’est attachée, en partant des trois
questions évaluatives suivantes :
l
  dans quelle mesure le dispositif
des tarifs réglementés de vente
a-t-il contribué à faire bénéficier
les clients finals de prix stables
et compétitifs dans le cadre de
l’ouverture
des
marchés
à
la
concurrence ?
l
 
dans
quelle
mesure
la
mise
en œuvre de l’accès régulé à
l’électricité
nucléaire
historique
(ARENH) a-t-elle eu un impact
sur la capacité d’EDF à couvrir les
coûts de production du nucléaire
existant ?
l
  le mécanisme de capacité  rému-
nère-t-il de manière proportionnée
les moyens de production mobilisés
pour la pointe de consommation ?
C’est donc bien la politique publique
d’organisation
des
marchés
de
l’électricité décidée par la France qui
fait l’objet de la présente évaluation
par la Cour des comptes, et non pas
la libéralisation du secteur électrique
adoptée par l’Union européenne.
En réponse aux questions ci-dessus
mentionnées, l’évaluation débouche
sur les conclusions suivantes.
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les
tarifs
réglementés
de
vente
(TRV) constituaient l’unique mode
de tarification au détail de l’ancien
monopole public. Ils visaient à limiter
les prix payés par les clients finals
à la stricte couverture des coûts de
fonctionnement et de développement
du parc de production français ainsi
que du réseau électrique.
La
libéralisation
du
secteur,
à
travers les directives européennes
successives, vise en revanche à laisser
le marché fixer les prix de gros et de
détail, par le jeu de l’offre et de la
demande et par une concurrence libre
et non faussée entre producteurs et
entre fournisseurs. En l’absence de
prix réglementés et du fait de la forte
composante nucléaire du parc de
production français, la libéralisation
aurait
donc
exposé
a
priori
les
consommateurs français à des prix
plus volatils et susceptibles d’excéder
nettement les coûts du parc de
production national.
Bien que le droit européen considère
tout prix réglementé comme une
entrave à la concurrence et limite
de plus en plus les possibilités d’y
recourir, la France a pu conserver
jusqu’à présent des TRV, mais sur
un
champ
désormais
circonscrit
aux ménages et à certaines petites
entreprises. La France fait partie des
pays européens affichant les plus
fortes parts de ménages bénéficiant
d’un tarif réglementé (67 % fin 2021).
Néanmoins,
les
gouvernements
successifs ont estimé que le maintien
de tarifs règlementés n’était possible
que si une « contestabilité » effective
des TRV était assurée. Ce principe
fondé sur le droit européen signifie
que
les
fournisseurs
alternatifs
doivent être en situation de proposer
des tarifs au moins aussi attractifs.
Le maintien des TRV sur le marché de
détail devait notamment permettre
une stabilité des prix de détail dans le
temps (même si le niveau des TRV est
revu tous les six mois) et une maîtrise
des coûts de commercialisation et
des marges des fournisseurs. Dans
le même temps, pour assurer leur
«  contestabilité  », le niveau des TRV
devait être fondé non plus sur les
coûts de production d’EDF mais sur
les conditions d’approvisionnement
des fournisseurs alternatifs.
Les TRV sont dès lors calculés chaque
année depuis 2015 par « empilement »
de différentes composantes de coûts,
dont plusieurs relatives aux coûts
d’approvisionnement. La composante
d’approvisionnement à l’ARENH, qui
correspond à la consommation «  en
Les TRV sont de plus en plus exposés aux
variations des prix de marché, au risque
de s’éloigner plus nettement des coûts de
production d’EDF.
2
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
base  »
4
des clients (représentant près
de 70  % de la consommation totale
annuelle pour un ménage), est valorisée
au
prix
régulé
de
l’ARENH,
censé
refléter les coûts de production du parc
nucléaire historique, leur compétitivité
et
leur
stabilité.
La
composante
d’approvisionnement
au
marché
reflète les besoins complémentaires
(représentant près de 30  % de la
consommation totale annuelle pour
un ménage). Elle est valorisée en
reproduisant la stratégie d’achat sur les
marchés à terme de l’énergie et le marché
de capacité (cf.
infra
) d’un fournisseur
mettant
en
œuvre
une
politique
prudente
d’approvisionnement
lissée
sur une période de 24 mois. 
Or,
depuis
2019,
les
demandes
annuelles d’ARENH des fournisseurs
alternatifs excèdent le plafond de
100  TWh que la loi leur permet
d’obtenir pour approvisionner leurs
clients «  en base  ». Les demandes
des fournisseurs alternatifs sont alors
«  écrêtées  », c’est-à-dire qu’elles ne
sont pas servies complètement, mais
seulement à hauteur d’un pourcentage
de celles-ci. Cet écrêtement renchérit
le coût moyen d’approvisionnement de
ces fournisseurs, puisqu’ils doivent alors
compléter
leur
approvisionnement
« en base » en recourant au marché et,
depuis 2019, le faire à un prix plus élevé
que celui de l’ARENH.
Les TRV sont de plus en plus exposés aux variations des prix de marché,
au risque de s’éloigner plus nettement des coûts de production d’EDF.
4. La consommation en base correspond peu ou prou au soutirage sur toutes les heures de
l’année de la puissance appelée lors des périodes creuses.
Niveaux d’écrêtement de l’ARENH
(dû aux écarts entre les volumes demandés et livrés)
30,9
60,8
64,3
59,5
12,11
0
81,3
87,1
133
147 146,2
160,36
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Quantité en TWh
Volumes d'ARENH demandés
Mesure exceptionnelle annoncée dans le cadre
du bouclier tarifaire
Volumes d'ARENH livrés
Plafond ARENH 100 TWh
Taux d’écrêtement
24,8 %
32 %
31,6 %
37,6 %
Source : Cour des comptes
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Pour assurer la « contestabilité » des
TRV, la CRE, chargée de proposer
chaque
année
l’évolution
de
ces
tarifs, répercute ce renchérissement
des coûts d’approvisionnement des
fournisseurs alternatifs dans le calcul
des TRV. Cette répercussion prend
la forme d’une réduction du poids
de la composante ARENH à prix fixe,
désormais inférieure à 50 %, au profit
d’une composante valorisée à une
référence de prix de marché plus
élevée et nettement plus volatile.
Ainsi,
plus
la
demande
d’ARENH
excède le plafond de 100 TWh, plus
les TRV sont exposés aux variations
de prix de marché. Or la demande
d’ARENH ne cesse de croître avec le
développement des parts de marché
des fournisseurs alternatifs, ce qui a
conduit la CRE à recommander un
relèvement du plafond de l’ARENH.
La méthodologie de prise en compte
de l’écrêtement d’ARENH dans le
calcul des TRV, retenue par la CRE
après consultation publique, est ainsi
de nature à affecter significativement
le degré de stabilité offert par les TRV.
Sans les mesures gouvernementales
exceptionnelles du « bouclier tarifaire »,
limitant la hausse des TRV à + 4 % TTC,
cette méthodologie aurait conduit à
une augmentation du niveau des TRV
de + 35,4 % TTC en février 2022, ce qui
plaide
a minima
pour sa révision.
Les TRV sont de plus en plus exposés aux variations des prix de marché,
au risque de s’éloigner plus nettement des coûts de production d’EDF.
Évolution des postes de coûts des TRV bleus résidentiels TTC
Acheminement / réseaux
Commercialisation
CTA (Contribution tarifaire d’acheminement)
TCFE (Taxe sur la consommation finale d’électricité)
Rattrapage
Marge
TVA (Taxe sur la valeur ajoutée)
CSPE (Contribution au service public de l’électricité)
Approvisionnement en énergie (ARENH/marché/capacités)
Passage à la méthode
de l’empilement
0
50
100
150
200
250
300
€/MWh
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022*
Taxes et
prélèvements
Acheminement /
réseaux
Énergie
+ 36 %
+ 25 %
+ 24 %
*Note : Les données 2022* n’intègrent pas les annonces gouvernementales de janvier
2022 relatives aux 20 TWh d’ARENH supplémentaires et à la limitation de la hausse des
TRV à + 4 % TTC.
Source : Cour des comptes sur la base des données CRE
14
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les fournisseurs alternatifs considèrent
que le mode de calcul par « empilement »
des TRV n’assure qu’imparfaitement
la possibilité de les concurrencer. Pour
autant, l’observatoire du marché de
détail régulièrement établi par la CRE
montre que la majorité des offres des
fournisseurs alternatifs, à prix variables
ou indexées, sont affichées à des prix
inférieurs au niveau des TRV, depuis
2015 et jusqu’en 2020 compris.
Cela étant, la flambée des prix de
gros intervenue à partir du second
semestre 2021 a montré que l’intérêt
relatif des différentes offres de détail
pouvait être évalué non seulement
au regard de leur prix, mais aussi en
fonction de la sécurité contractuelle
que le fournisseur peut apporter aux
clients,
notamment
en termes
de
révisions de prix et de dénonciation
de contrat. De ce point de vue, les TRV,
indépendamment de leur compétitivité
en termes tarifaires, incarnent depuis
2021 une certaine sécurité en tant
qu’obligation de service public imposée
à l’opérateur historique. En tout état de
cause, les difficultés rencontrées par
certains fournisseurs en 2021 incitent
à renforcer les garanties exigées des
fournisseurs en activité, quant à leurs
capacités financières et leur politique
de couverture des risques, afin de
sécuriser la continuité du service à un
prix abordable.
Enfin, le mode de calcul des TRV par
«  empilement  » de composantes de
coûts
d’approvisionnement
conduit,
par principe, à une déconnexion entre
l’évolution de leur niveau et l’évolution
des coûts de production d’EDF. C’est
a minima
le cas pour la composante
d’approvisionnement au marché. Mais,
ces dernières années, cette déconnexion
est
également
constatée
pour
la
composante ARENH, pourtant censée
refléter les coûts de production du parc
nucléaire  : comme indiqué plus haut,
cette composante voit son poids réduit
et son prix figé depuis 2012 à un niveau
conventionnel déconnecté des coûts
réels et de leur évolution (cf. 
infra
).
Par ailleurs, la CRE vérifie chaque
année que le niveau des TRV permet
de couvrir les coûts de production
comptables d’EDF, hors rémunération
des capitaux propres. La méthode
de calcul des coûts qu’elle utilise
mériterait d’être rendue publique.
L’évaluation conduite fait cependant
apparaître que les niveaux annuels
des TRV sont restés proches des
coûts jusqu’en 2020, alors que leurs
facteurs d’évolution respectifs sont
désormais
largement
déconnectés.
Ce résultat découle, sur les années
les plus récentes, de la coïncidence
entre l’augmentation des TRV, sous
l’effet de l’écrêtement de l’ARENH,
et la hausse des coûts unitaires de
production d’EDF, du fait notamment
de la réduction des volumes produits.
Il n’est en revanche plus garanti par le
dispositif de régulation mis en œuvre.
En réponse à la première question
évaluative,
la
Cour
constate
donc
une érosion de la capacité des TRV,
du fait de leur mode de calcul, à
assurer aux consommateurs des prix
stables neutralisant la volatilité des
prix du marché de gros. Elle constate
également que le risque que le niveau
des TRV s’éloigne significativement
des coûts de production d’EDF, et fasse
perdre le bénéfice de leur compétitivité,
est de plus en plus important, malgré
la coïncidence récente entre hausse
des TRV et hausse des coûts.
Les TRV sont de plus en plus exposés aux variations des prix de marché,
au risque de s’éloigner plus nettement des coûts de production d’EDF.
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’ARENH est dès l’origine un dispositif
transitoire,
qui
arrive
à
échéance
fin 2025. Il devait accompagner le
développement de la concurrence
à la fois sur l’amont et sur l’aval du
secteur, c’est-à-dire sur le segment
de
la
production
d’électricité,
et
notamment sur les moyens produisant
«  en base  », et sur le segment de la
fourniture d’électricité aux clients.
Sa mise en œuvre a bien permis le
développement de la concurrence
en
aval,
en
partie
grâce
à
la
« contestabilité » des TRV entretenue
par le régulateur : les parts de marché
des fournisseurs alternatifs ont crû
significativement
et
atteignaient
fin 2021, 28  % de la consommation
des ménages et plus de 52  % de la
consommation des grands et moyens
sites
professionnels.
En
revanche
les conditions d’un développement
de la concurrence sur la production
électrique « en base » n’ont jamais pu
être réunies. EDF est resté largement
dominant sur ce segment depuis
2011, et la part du nucléaire dans le
mix électrique a peu baissé en 10 ans :
elle est passée de l’ordre de 75 % de la
production à environ 70 %.
Certaines
caractéristiques
du
dispositif ont été mises en cause.
EDF a en particulier dénoncé son
asymétrie,
le
recours
à
l’ARENH
étant optionnel pour les fournisseurs
alternatifs, alors que les obligations
d’EDF ne le sont pas. Les fournisseurs
alternatifs
considèrent
quant
à
eux que le dispositif présente aussi
des
éléments
d’asymétrie
à
leur
détriment, par exemple à travers les
pénalités qui s’imposent à eux seuls
en cas d’obtention excessive d’ARENH
par rapport à la consommation de
leurs clients.
En outre, le prix de l’ARENH devait
être fixé par référence aux conditions
économiques de la production du
parc
nucléaire
historique,
pour,
d’une
part,
en
couvrir
les
coûts
et
permettre
son
amortissement
complet fin 2025 (reflétant une durée
de vie prévisionnelle des réacteurs de
40 ans) et, d’autre part, permettre que
la compétitivité de ce parc se traduise
dans les coûts d’approvisionnement
des fournisseurs, et au final dans les
prix de détail aux clients finals. Mais
aucun accord n’a pu être trouvé entre
l’État et la Commission européenne
sur une méthode de calcul du prix de
l’ARENH. La décision de la Commission
approuvant le dispositif en a figé
de fait les paramètres de volume
(plafond à 100  TWh – hors mesure
exceptionnelle de 20 TWh dans le
cadre du « bouclier tarifaire » de 2022)
et de prix (42  €/MWh) depuis 2012,
sans que ce niveau de prix n’ait jamais
été fondé sur les coûts de production
La mise en œuvre de l’ARENH ne s’est pas
déroulée comme prévu, mais a permis la
couverture des coûts complets sur la période
considérée.
3
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
du
parc
nucléaire.
Les
20 
TWh
supplémentaires mis à disposition en
2022 ont toutefois été proposés à un
prix réévalué à 46,2  €/MWh.
Le niveau de prix fixé pour l’ARENH
ne s’applique pas uniquement aux
ventes effectuées par EDF, au guichet
ARENH, à destination des fournisseurs
alternatifs. Il valorise indirectement une
part de la consommation des clients
aux TRV  du fait du mode de calcul
de ces tarifs (cf. 
supra
), et des clients
d’EDF en offre de marché, car EDF
réplique dans ses offres les conditions
d’approvisionnement des fournisseurs
alternatifs. Le prix de l’ARENH détermine
donc fortement les revenus qu’EDF
peut tirer de sa production d’électricité
d’origine nucléaire.
En regard, les coûts comptables du parc
de production nucléaire historique se
sont établis en moyenne à 40,5 €/MWh
sur la période 2011-2021. Ils ont crû
d’environ 35 % entre 2011 (32 €/MWh)
et 2019 (43 €/MWh). L’année 2020 a été
marquée par un très fort accroissement
des coûts unitaires de production (qui
ont atteint de l’ordre de 52  €/MWh),
du fait de la baisse de production
engendrée par la crise sanitaire. L’année
2021 a permis un redressement par
rapport à 2020, mais les coûts unitaires
ont néanmoins crû de 8,5 % par rapport
à 2019.
Sur la base d’hypothèses détaillées
dans le rapport, la Cour a pu évaluer
les revenus globalement tirés de la
production nucléaire et considérer
qu’ils ont été supérieurs de 1,75 Md€
environ aux coûts comptables de
cette production, sur l’ensemble de
la période 2011-2021, l’écrêtement
de l’ARENH ayant pallié l’absence de
révision de son prix. Des difficultés de
couverture des coûts sont néanmoins
apparues entre 2016 et 2018 du fait
de l’optionalité de l’ARENH, et depuis
2020 plus particulièrement, du fait de
la baisse des volumes de production.
La Cour a également estimé qu’en
l’absence d’ARENH, les revenus du
nucléaire, sur l’ensemble de la période
2011-2021,
auraient
probablement
été supérieurs : ils auraient excédé les
coûts comptables d’environ 7 Md€ sur
la période. L’ARENH a ainsi limité les
revenus du producteur nucléaire.
Ces résultats sont la conséquence d’une
combinaison de facteurs difficilement
pilotables, bien qu’issus de dispositifs de
régulation  : les possibilités d’arbitrage
des fournisseurs alternatifs (recours ou
non à l’ARENH) ont pesé sur les revenus
d’EDF lors des périodes de faibles prix
de marchés. À l’inverse l’écrêtement
des demandes d’ARENH a eu pour effet
de soutenir les revenus d’EDF et de
pallier l’absence de révision du prix de
l’ARENH, lors des périodes de prix de
marché élevés. Enfin, la filière nucléaire a
bénéficié de rémunérations capacitaires
dépendant du niveau de l’écrêtement de
l’ARENH (cf.
infra
).
En réponse à la deuxième question
évaluative,
la
Cour
constate
donc
que bien que l’ARENH ait limité les
revenus du producteur et ait permis
une redistribution des bénéfices de
la compétitivité du parc, les revenus
estimés de la filière nucléaire historique
ont excédé ses coûts complets sur la
période 2011-2021. La rémunération
de cette filière est toutefois dépendante
de paramètres difficilement pilotables, y
compris les effets de l’écrêtement, ce qui
ne permet pas au dispositif de l’ARENH
de garantir la couverture des coûts.
La mise en œuvre de l’ARENH ne s’est pas déroulée comme prévu, mais
a permis la couverture des coûts complets sur la période considérée.
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
4
Le mécanisme de capacité est à l’origine de
transferts financiers qui peuvent excéder les
nécessités de la sécurité d’approvisionnement.
Mis en place en 2016, le mécanisme
français de capacité a été conçu
pour
éviter
que
certains
moyens
de production non rentables mais
utiles à la couverture des pointes
de
consommation
hivernales
ne
ferment ou ne soient mis sous cocon,
et pour inciter les fournisseurs à
développer leur capacité à modérer
la consommation de leurs clients
lors de ces pointes (on parle alors
d’« effacement » de la consommation).
Ce dispositif vise aussi à inciter à
une disponibilité accrue des moyens
existants sur ces périodes particulières
et, au besoin, à des investissements
dans de nouveaux moyens.
Le mécanisme oblige les fournisseurs
à détenir des garanties de capacité
en
fonction
de
la
consommation
prévisionnelle
de
leurs
clients
lors
des périodes de tension entre offre
et
demande.
Ces
garanties
sont
notamment
acquises
auprès
des
producteurs, à un prix résultant de
l’offre et de la demande lors d’enchères
organisées, qui est ensuite répercuté aux
consommateurs. Toutes les capacités de
production françaises y participent.
Le retour d’expérience réalisé par
RTE courant 2021 montre que ce
mécanisme
a
probablement
évité
certaines fermetures de centrales à
gaz, et ainsi contribué à la sécurité
d’approvisionnement.
En
revanche
sa contribution au développement
de nouvelles capacités de production
(ou d’effacement) ne peut être établie
clairement car ces nouvelles capacités
sont pour l’essentiel issues d’appels
d’offres spécifiques mis en place et
soutenus financièrement.
Toutefois le dispositif fait face à de
multiples contraintes, dont certaines
sont issues des choix de conception au
moment de l’approbation du dispositif
par
la
Commission
européenne.
Deux de ces contraintes impactent
significativement
la
formation
du
prix  des capacités : les enchères
pour une même année de livraison
sont multiples et une grande partie
des garanties de capacités n’y sont
pas valorisées. La CRE estime en
conséquence qu’elle n’est pas en
mesure de surveiller dans de bonnes
conditions la formation de ce prix.
De façon systématique, les ventes
d’ARENH
et
de
ses
équivalents
au sein des TRV ou des offres de
marché
répliquant
les
conditions
d’approvisionnement des concurrents
d’EDF, ne donnent pas lieu à une
valorisation spécifique au titre du
mécanisme de capacité car le coût
de
la
garantie
est
directement
inclus dans le prix du kWh. Cette
caractéristique de l’ARENH et de ses
équivalents permet de limiter le coût
global d’acquisition des garanties de
18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le mécanisme de capacité est à l’origine de transferts financiers qui peuvent
excéder les nécessités de la sécurité d’approvisionnement.
capacités par les fournisseurs, ensuite
répercuté sur les consommateurs. Ce
coût reste néanmoins significatif. Bien
que le bilan socio-économique du
mécanisme établi par RTE soit positif
pour l’ensemble de la collectivité, le
coût répercuté aux consommateurs a
été estimé entre 500 M€ et 1 200 M€
par an selon les années.
Or, certaines filières couvrent déjà
leurs coûts complets par la vente de
leur production, dans les conditions
courantes de prix sur le marché de
l’énergie ou grâce à des mécanismes de
soutien public spécifiques, et n’ont pas
besoin de rémunération capacitaire
pour
rester
en
fonctionnement.
C’est notamment le cas des énergies
renouvelables subventionnées (éolien
et photovoltaïque), des principales
concessions
hydro-électriques
et
du parc nucléaire historique dans
son
ensemble.
Bien
que
limitée
par
l’existence
de
l’ARENH,
la
part des revenus du dispositif qui
reviennent à la filière nucléaire sont
pourtant significatifs (372  M€ en
2019 et 550 M€ pour 2021 selon les
estimations de la Cour).
De plus, si le mécanisme de capacité
incite
à
la
disponibilité
lors
des
périodes de tension, il n’est pas établi
qu’il ait eu de ce point de vue un rôle
déterminant en ce qui concerne le parc
nucléaire  : les revenus capacitaires
n’ont par exemple pas été décisifs pour
les décisions de reprogrammation par
EDF des arrêts de maintenance dans le
contexte de la pandémie de covid 19.
Ces constats conduisent à s’interroger
sur la pertinence d’une rémunération
capacitaire pour le parc nucléaire
au regard des objectifs de sécurité
d’approvisionnement
que
poursuit
le
mécanisme
de
capacité.
Par
ailleurs, cette rémunération dépend
de
plusieurs
paramètres,
dont
le
niveau d’écrêtement de l’ARENH, qui
n’a aucun lien avec les besoins de la
sécurité d’approvisionnement. Cette
interférence
perturbe
la
lisibilité
du dispositif et nuit à la bonne
appréciation de son efficience.
En réponse à la troisième question
évaluative, la Cour considère donc
que le niveau de revenus perçus
par les différentes filières, qui est
in
fine
répercuté
sur
la
facture
des
consommateurs
finals,
n’est
pas
toujours
justifié
eu
égard
aux
nécessités
de
la
sécurité
d’approvisionnement.
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Plus de dix ans après le vote de
la loi NOME, la mise en œuvre de
l’intervention publique sur les marchés
français de l’électricité ne garantit
plus l’atteinte des objectifs initiaux.
Pourtant,
l’organisation
générale
telle
qu’envisagée
initialement
par
la loi NOME, semblait en mesure de
répondre aux objectifs qu’elle s’était
fixés  : principalement, transmettre aux
consommateurs les bénéfices de la
compétitivité du parc de production
nucléaire,
tout
en
en
couvrant
les besoins de financement et en
permettant le développement de la
concurrence. Mais, la réalisation de cette
ambition initiale supposait une mise
en œuvre et un pilotage des outils de
régulation et d’intervention préservant
les capacités de l’État et du régulateur à
opérer les arbitrages nécessaires entre
objectifs sur des bases documentées et
transparentes, et à adapter le cadre de
régulation aux évolutions de contexte,
par exemple au regard de la durée de vie
du parc nucléaire.
Or, le prix de l’ARENH n’a jamais pu être
fixé selon les modalités prévues par la
loi. Le maintien du plafond de l’ARENH
à 100  TWh, malgré la croissance des
parts de marché des fournisseurs
alternatifs et les propositions de la
CRE de le relever à 150 TWh, a conduit
à accroître l’exposition des TRV aux
hausses de prix de marché, percutant
ainsi l’objectif de stabilité des prix
de détail. Le maintien de ce plafond
a, du reste, ces dernières années,
pallié l’absence de révision du prix de
l’ARENH et soutenu le financement du
parc nucléaire, au même titre que la
rémunération des capacités nucléaires
(hors ARENH ou équivalents). Les
dispositifs mis en place semblent avoir
atteint leur limite avec l’adoption en
loi de finances initiale pour 2022 des
mesures exceptionnelles du bouclier
tarifaire, visant à éviter une hausse de
près de 35 % du niveau TTC des TRV.
Au total, l’organisation n’est plus ni
lisible, ni pilotable.
Par ailleurs, la production nucléaire
du
parc
historique
a
conservé
sa
place
prépondérante
au
sein
de
l’approvisionnement
de
la
consommation des clients français,
ce qui laisse perdurer la question de
sa régulation.
5
Les réponses aux trois questions examinées
dans le cadre de l’évaluation montrent que les
résultats de l’intervention publique ne sont pas
maîtrisés de façon satisfaisante. Ce constat
appelle une clarification et une hiérarchisation
des objectifs poursuivis, afin de déterminer les
modalités les mieux adaptées de régulation
des marchés de l’électricité.
20
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les réponses aux trois questions examinées dans le cadre de l’évaluation
montrent que les résultats de l’intervention publique ne sont pas maîtrisés de
façon satisfaisante. Ce constat appelle une clarification et une hiérarchisation
des objectifs poursuivis, afin de déterminer les modalités les mieux adaptées
de régulation des marchés de l’électricité.
De fait, une remise en cohérence de
l’ensemble de l’intervention publique
sur les marchés de l’électricité apparaît
aujourd’hui indispensable. Les réflexions
engagées par les pouvoirs publics
prennent
notamment
appui
sur
les récents rapports de la CRE et
de l’Autorité de la concurrence, qui
recommandent de faire évoluer les
dispositifs
existants,
en
appelant
notamment à une clarification de leurs
objectifs.
Elles
devraient
également
tenir compte des évolutions de contexte
intervenues ces dernières années, tant en
termes de perspectives de mix électrique
et d’électrification des usages qu’en ce
qui concerne le droit sectoriel européen.
La situation récente marquée par la
flambée des prix du gaz se diffusant à
ceux de l’électricité, apporte un nouvel
éclairage sur la balance avantages/
inconvénients de l’intervention publique.
Synthèse des effets de la mise en œuvre de la loi NOME au regard des objectifs
Objectif 1
Restitution aux clients français
de la compétitivité du parc
nucléaire historique
Objectif 2
Garantir aux clients français
des prix stables
Objectif 3
Favoriser la concurrence
sur le marché de détail
Objectif 4
Garantir le financement
du parc historique
Objectif 5
Disposer d’une puissance
garantie suffisante
Dispositif :
TRV
Paramètres :
Composante ARENH
Composante Marché
Réplication écrêtement
ARENH
Dispositif :
Mécanisme de capacité
Paramètres :
Filières éligibles
Dispositif :
ARENH
Paramètres :
Prix
Plafond
Optionalité
Effet conforme
Effet contraire
Effet non prévu initialement
Effet finalement incertain
?
?
?
?
?
?
Source : Cour des comptes
21
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les réponses aux trois questions examinées dans le cadre de l’évaluation
montrent que les résultats de l’intervention publique ne sont pas maîtrisés de
façon satisfaisante. Ce constat appelle une clarification et une hiérarchisation
des objectifs poursuivis, afin de déterminer les modalités les mieux adaptées
de régulation des marchés de l’électricité.
En fonction des objectifs poursuivis,
et des effets recherchés, différentes
options d’organisation peuvent être
envisagées
sous
réserve
de
leur
compatibilité avec le droit européen,
selon notamment qu’une intervention
directe ou indirecte sur les volumes
et la valorisation de la production
nucléaire historique serait maintenue.
En tout état de cause, seul le maintien
d’une forme de régulation permettrait
de viser un objectif de prix de détail
reflétant la stabilité et la compétitivité
relative
du
parc
de
production
nucléaire historique. À cet égard, il
faut relever qu’aucune des parties
prenantes françaises concernées par le
fonctionnement du secteur électrique
n’appelle aujourd’hui à un abandon de
toute régulation pour s’appuyer sur
les seuls mécanismes de marché.
La
poursuite
d’une
intervention
publique appellerait la prise en compte
de plusieurs points de vigilance, afin
de mieux en paramétrer les outils.
L’éventuelle mise en œuvre d’une
régulation pérenne de la production
nucléaire historique, telle qu’elle avait
été envisagée par le Gouvernement,
nécessiterait notamment d’éclaircir
le
périmètre
des
bénéficiaires
de
la régulation,   tant en termes de
catégorie
de
clients
(ménages,
entreprises)
que
de
ressort
géographique (maintien du ciblage
sur les clients établis en France),  et
de justifier une possible intégration de
la production de l’EPR de Flamanville.
En outre, le caractère éventuellement
obligatoire de la régulation nucléaire
impliquerait d’en préciser l’articulation
avec le financement des capacités de
production d’électricité renouvelable.
Surtout il conviendrait de veiller à
ce que la régulation maintienne des
incitations à la performance du parc
à travers la fixation d’un volume-
cible
de
production.
Par
ailleurs,
l’accès équitable de cette ressource à
tous les fournisseurs justifierait une
séparation comptable des activités de
production nucléaire et des activités
de
commercialisation
d’EDF.
Dans
tous les cas, l’adoption d’une méthode
transparente et évolutive de fixation
du
tarif
de
régulation,
adaptable
aux
perspectives
de
prolongation
de la durée de vie des réacteurs,
serait nécessaire, afin que l’État et le
régulateur conservent une capacité
d’appréciation objective et de pilotage
de la mise en œuvre de la régulation,
ce qui n’a pas pu être fait pour l’ARENH.
Par ailleurs, une nouvelle régulation
prenant la suite de l’ARENH amènerait
également
à
reconsidérer
plus
fondamentalement le périmètre et la
conception du dispositif qui prendrait
le relais du mécanisme de capacité à
partir de 2027. Une articulation des
deux dispositifs serait à opérer dès
leur conception afin d’assurer une
rémunération
proportionnée
des
moyens qui concourent à la sécurité
d’approvisionnement.
Enfin, en ce qui concerne le marché
de détail, selon les grandes options
retenues, et au regard de la directive
de 2019, il semble prudent d’étudier
dès
à
présent
quelles
seraient
les
conséquences
d’une
nouvelle
réduction
du
champ
des
tarifs
réglementés, afin, le cas échéant,
de les anticiper et de prévenir les
dommages pour les consommateurs.
22
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les réponses aux trois questions examinées dans le cadre de l’évaluation
montrent que les résultats de l’intervention publique ne sont pas maîtrisés de
façon satisfaisante. Ce constat appelle une clarification et une hiérarchisation
des objectifs poursuivis, afin de déterminer les modalités les mieux adaptées
de régulation des marchés de l’électricité.
En
définitive,
le
présent
travail
d’évaluation démontre la nécessité
d’une articulation, sur le fond et en
termes de calendrier, des révisions
de ces différents outils ainsi que
l’indispensable
appropriation
des
enjeux correspondants par l’ensemble
des acteurs concernés.
En termes
de
calendrier,
l’arrivée
à
échéance
des
autorisations
européennes relatives à l’ARENH, fin
2025, et au mécanisme de capacité,
fin 2026, ainsi que la perspective
d’un nouveau rapport d’évaluation
des TRV à remettre à la Commission
européenne en 2025, supposent que
les pouvoirs publics aient défini d’ici
fin 2023 la nouvelle configuration des
outils de l’intervention publique sur
les marchés de l’électricité.
Le second semestre 2022 devrait
être ainsi mis à profit par l’État
et
le
régulateur
pour
élaborer
les
propositions
d’évolution
des
dispositifs, en tirant par ailleurs les
conséquences du contexte particulier
créé par la flambée des prix du gaz.
La forte hausse des prix de gros a déjà
amené les autorités françaises, mais
également d’autres État membres
et
la
Commission
européenne,
à
s’interroger sur le fonctionnement
actuel du marché de l’électricité et sa
capacité à supporter de telles hausses
de prix sans conséquences néfastes
pour
le
reste
de
l’économie.
Le
contexte actuel semble ainsi favoriser
la recherche de modes d’organisation
des marchés assurant une protection
des consommateurs contre des prix
excessivement volatils et éloignés des
fondamentaux de coûts de production
nationaux.
Enfin, au-delà d’une régulation liée au
parc actuellement en fonctionnement,
les futures interventions publiques en
matière d’organisation des marchés
de l’électricité devront être appréciées
à l’aune des enjeux qu’emportera
cette fois le financement des capacités
de production futures.
23
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
1.
 Rendre publics les paramètres de
calcul des coûts de production de
l’électricité retenus pour en vérifier la
couverture par les tarifs réglementés
de vente
(CRE, 2022)
.
2.
Redéfinir la méthode de calcul de
la composante des tarifs réglementés
de vente liée à l’écrêtement de
l’ARENH en allongeant la période de
référence
(CRE, 2022)
.
3.
Renforcer les garanties demandées
aux fournisseurs en activité quant
à leurs capacités financières et leur
politique de couverture des risques,
afin de sécuriser la continuité du
service à un prix abordable
(ministère
de la transition énergétique, 2022)
.
4.
Définir clairement chaque objectif
et y associer à titre principal un
instrument d’intervention publique
sur les marchés de l’électricité tout
en veillant à la cohérence d’ensemble
de la régulation
(ministère de la
transition énergétique, 2023)
.
5.
Au regard de l’article 5 de la
directive 2019/944 du Parlement
européen et du Conseil, conduire une
étude d’impact sur les conséquences
et les conditions de mise en œuvre
d’une éventuelle réduction du champ
d’application des tarifs réglementés
de vente d’électricité
(ministère de la
transition énergétique, 2023)
.
6.
Dans un scénario de régulation
pérenne
de
la
production
du
parc
nucléaire
existant
assise
sur la couverture des coûts de
production
(ministère de la transition
énergétique, 2023)
:
l
adopter
une
méthode
transparente et dynamique de
fixation du tarif de régulation en
explicitant notamment le taux de
rémunération des capitaux et en
tenant compte de la prolongation
de la durée de vie des réacteurs ;
l
inciter à la maximisation du taux
de disponibilité du parc nucléaire ;
l
préparer la séparation comptable
des
activités
de
production
nucléaire d’EDF et des activités
de commercialisation.
7.
Réviser le mécanisme de capacité
pour qu’il assure une rémunération
des
moyens
de
production
proportionnée à la stricte nécessité
de sécurité d’approvisionnement, en
tenant compte de la régulation du
nucléaire
(ministère de la transition
énergétique, RTE, 2023)
.