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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA LOI DE
PROGRAMMATION
MILITAIRE (LPM)
2019-2025 ET
LES CAPACITÉS
DES ARMÉES
Rapport public thématique
Synthèse
Mai 2022
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent à la suite du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
1
Une exécution budgétaire conforme à la programmation
pour la première fois depuis deux décennies
5
2
Des capacités militaires fortement employées
mais qui présentent encore des fragilités
9
3
Vers des choix nécessaires
11
Recommandations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Une exécution budgétaire
conforme à la programmation
pour la première fois
depuis deux décennies
Après une série de réductions du format
des armées et de réformes structu-
relles qui ont conduit à supprimer plus
de 60 000 emplois lors de la dernière
décennie, la loi du 13 juillet 2018
relative à la programmation militaire
(LPM) pour les années 2019 à 2025
a prévu une remontée des moyens
accordés à la défense . Elle prévoit sur
cette période une croissance du budget
qui permettra d’atteindre 2 % du PIB en
2025 et de créer 6 000 emplois . Il s’agit
dans un premier temps, jusqu’en 2025,
de régénérer les armées et de combler
certaines lacunes capacitaires, avant
de poursuivre l’effort pour atteindre,
à l’horizon 2030, un modèle d’armée
« complet et équilibré » apte à répondre
à l’ensemble des menaces . Cet effort
s’inscrit dans un contexte international
marqué par une compétition stratégique
accrue entre les principales puissances
et par une mowntée des menaces
décrites dans la
Revue stratégique de
défense et de sécurité nationale
publiée
le 13 octobre 2017 .
Principaux budgets militaires mondiaux en 2020
Source: Stockholm International Peace Research Institute
778
États-Unis
252
Chine
73
Inde
62
Russie
57
59
53
49
45
53
Arabie
Saoudite
Royaume-Uni
France
Allemagne
Japon
Corée
du Sud
En Md$
entre 100 et 500
entre 30 et 60
- de 30
entre 60 et 100
+ de 500
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une exécution budgétaire conforme à
la programmation pour la première fois
depuis deux décennies
Les premières années d’exécution de
la LPM ont vu les crédits augmenter,
passant de 35,9  Md€ en 2019 à
40,9 Md€ en 2022, conformément à la
programmation . Les ressources prévues
ont effectivement bénéficié au ministère
des armées, y compris au profit de
l’équipement des forces, domaine qui
n’avait pas reçu l’ensemble des crédits
prévus lors des précédentes LPM . Le
ministère des armées a su éviter certains
travers précédemment relevés par la
Cour des comptes : sous-budgétisation
chronique des opérations extérieures et
renégociations de commandes fermes
d’armement ; surestimation des recettes
exceptionnelles de cessions, des
hypothèses d’exportation d’armement
et des économies attendues des
réformes . Les ajustements annuels
de la programmation militaire de la
période 2019-2021 ont été conduits de
façon souple ; ils ont permis de financer,
sans crédit supplémentaire, des besoins
non prévus par la loi, comme ceux de
la stratégie spatiale de défense, de la
réponse à la crise sanitaire et du plan
de relance aéronautique, en décalant
certaines dépenses, mais sans en
supprimer à ce stade .
2019
2020
2021
2022
2023
Total
2024
2025
Total
général
Crédits
(en Md€ courants)
35,9
37,6
39,3
41,0
44,0
197,8
Objectif 2 % du PIB
en 2025
Réalisé
35,85
37,49
39,42
-
-
-
-
Augmentation
d’effectifs
+ 450
+ 300
+ 300
+ 450
+ 1 500
+ 3 000
+ 1 500
+ 1 500
+ 6 000
Réalisé
+ 391
+ 416
+ 221
-
-
-
-
-
-
Ressources de la LPM 2019-2025 (hors pensions)
Source : Articles 3 et 5 de la LPM 2019-2025
Néanmoins, plusieurs questions
méritent attention . L’estimation des
autorisations d’engagement restant
à couvrir par des crédits de paiement
a fortement augmenté pour atteindre
54 Md€ fin 2021 et 72 Md€ fin 2025 .
L’évolution des coûts de production des
armements,un temps ralentie par la crise
sanitaire, risque de repartir à la hausse,
alors que des tendances inflationnistes
se manifestent dans l’économie . Le coût
du remplacement des avions
Rafale
prélevés sur le parc de l’armée de l’air et
de l’espace pour les ventes d’occasion
à l’exportation, n’était pas prévu dans
la programmation initiale .
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une exécution budgétaire conforme à
la programmation pour la première fois
depuis deux décennies
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’ensemble de ces éléments fait peser
un risque d’éviction sur les investisse-
ments programmés par la LPM qui
restent à réaliser . Surtout, le fait que,
dès la conception de la LPM, la plus
grande partie de l’augmentation du
budget et des créations d’emplois
aient été programmée en fin de
période, au-delà de 2023, constitue
un risque important pour la réalisation
des capacités visées par la loi .
Couverture du surcoût des opérations extérieures en M€
Note : OPEX : opérations extérieures – MISSINT : missions de sécurité intérieure
Source : Cour des comptes à partir des données d’exécution budgétaire
1 600
1 400
1 200
1 000
800
600
400
200
0
Provision surcoût OPEX MISSINT
Surcoût OPEX MISSINT constaté
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
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Des capacités militaires
fortement employées mais qui
présentent encore des fragilités
La période 2019-2021 a été marquée
par un haut niveau d’activité
opérationnelle au titre des missions
dites permanentes des armées,
notamment celles liées à la posture
nucléaire et à la protection du
territoire, de l’espace aérien et des
approches maritimes . Il en est allé de
même pour les déploiements au titre
de la prévention des conflits et des
opérations extérieures, notamment
Barkhane
au Sahel et
Chammal
au
Levant . Les armées contribuent aussi
à diverses missions de service public,
comme la mission
Sentinelle
au
titre de la lutte contre le terrorisme,
les opérations
Résilience
pendant
la crise sanitaire et
Apagan
pour
l’évacuation de Kaboul à l’été 2021, et
les missions d’action de l’État en mer .
Elles participent, enfin, au soutien
des exportations d’armement .
Déploiements opérationnels des forces armées françaises
Source : chiffres-clés de la défense (2021)
• eAP : enhanced Air Policing
(Police du ciel renforcée) ;
• eFP : enhanced Forward Presence
(Présence avancée renforcée)
1. Déploiement non permanent.
État-major des armées / juin 2021
@EtatMajorFR
Plus de 30 000 militaires Français engagés
10
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Si elles ont réalisé l’ensemble des
missions qui leur ont été deman-
dées, les forces n’ont pu atteindre
ce haut niveau d’engagement qu’au
détriment de la «  régénération
1
  »
prévue par la loi de programmation,
qui est encore loin d’être achevée .
Le niveau d’entraînement et le taux
de disponibilité du matériel demeu-
rent inférieurs aux objectifs fixés,
malgré d’importants moyens alloués
à la  maintenance . La remontée
des effectifs met également en
évidence des difficultés d’attractivité,
de fidélisation et de gestion des
compétences .
Des capacités militaires fortement employées
mais qui présentent encore des fragilités
Le comblement des lacunes capa-
citaires et la réponse aux nouvelles
menaces s’inscrivent, quant à eux,
dans le temps long . Enfin, l’objectif
de participer, aux côtés de nos alliés,
à une opération classique majeure
de coercition face à un adversaire
étatique constitue un défi de taille
pour une armée qui ne présente
plus la masse nécessaire, ni le niveau
de préparation qu’impliquerait une
telle perspective .
Norme LPM
2018
2019
2020
2021
Cible
2023
Journées de préparation
opérationnelle (Terre)
90 jours
81
82
79
81
83
Pilote d’hélicoptère
(Terre)
200 heures
de vol
154
173
163
142
158
Pilote de chasse (Air)
180 heures
de vol
161
159
152
164
170
Pilote de transport (Air)
320 heures
de vol
201
185
176
219
245
Bâtiment de surface
(Marine)
110 jours de
mer
101
109
102
95
110
Niveau de réalisation des activités et de l'entraînement
Source : chiffres-clés de la défense (2021)
1 Le rapport annexé à la LPM définit présente ainsi la « régénération » : «
Il s'agit d'abord [dans
la perspective de « l’ambition 2030 »] d'un impératif immédiat visant à régénérer le capital
opérationnel des armées, soumis à une usure accélérée découlant de l'emploi des parcs de matériels
déjà anciens et de l'intensité des engagements récents des forces au-delà des contrats opérationnels
définis dans le Livre Blanc de 2013.
»
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
3
Vers des choix nécessaires
Les évolutions majeures intervenues
depuis 2019 sont de nature à remettre en
cause les termes de la LPM 2019-2025,
dont les ressources n’ont pas été fixées
par la loi au-delà de 2023, faute d’avoir
procédé en 2021 à une actualisation à
mi-parcours de la loi, comme cela avait
été le cas pour les LPM précédentes .
D’une part, la crise sanitaire a dégradé
les finances publiques, conduisant le
Gouvernement à adopter une nouvelle
trajectoire budgétaire visant à réduire
le déficit public à 3 % du PIB en 2027,
au prix d’un effort important de
maîtrise des dépenses publiques . Elle
a également fait émerger de nouvelles
priorités budgétaires . D’autre part,
l’Actualisation stratégique
de 2021
a mis en exergue une accélération
de la montée des menaces avec une
multiplication des zones de crise
et le réarmement des principaux
compétiteurs de la France . Un risque
d’escalade entre puissances rivales
menant à un affrontement de haute
intensité paraît ainsi moins improbable .
Il est donc nécessaire que le ministère
des armées exploite davantage les
marges de manœuvre qui s’offrent
à lui et en identifie de nouvelles,
notamment dans le domaine de la
coopération européenne et s’agissant
de la définition du périmètre des
missions des armées, afin d’alléger la
charge qui pèse sur elles . Ces marges
de manœuvre sont toutefois limitées .
Une révision du choix retenu de modèle
d’armée risque donc d’être nécessaire
afin de préserver la cohérence entre
les ambitions et les moyens alloués au
ministère des  armées .
Confirmer les orientations de la LPM
2019-2025 et tendre vers le « modèle
d’armée complet » à l’horizon 2030
supposerait la poursuite de la crois-
sance de l’effort budgétaire au profit de
la défense, avec une accélération en fin
de période de programmation qui devra
vraisemblablement être pour suivie
jusqu’en 2030,après un point de passage
à 50 Md€ en 2025 . Tenter de préserver le
modèle d’armée complet en réduisant
homothétiquement les moyens,
comme lors des révisions stratégiques
de 2008 et de 2013, risquerait de
mettre à mal la cohérence des armées .
À défaut, il serait envisageable de faire
le choix de rééquilibrages majeurs
entre capacités, comme ceux réalisés
par le Royaume-Uni lors de sa dernière
revue stratégique en 2021 . Un tel
choix risquerait cependant d’entraîner
des renoncements irréversibles,
sans nécessairement permettre des
économies budgétaires importantes à
court terme, comme le montre le cas
du Royaume-Uni .
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Pour préparer la réflexion qui débou-
chera sur les décisions à prendre au
plus tard à l’issue de la LPM en cours,
le ministère des armées devrait
adopter un processus de décision
plus réactif, permettant de s’adapter
plus rapidement aux évolutions,
en  effectuant plus fréquemment
des  revues stratégiques . Dans le
domaine des  programmes d’arme-
ment, cela doit se traduire par une
meilleure captation des innovations et
une plus grande capacité d’évolution
des équipements .
Ce processus doit s’accompagner
d’un renforcement des capacités
d’anticipation à moyen et long termes,
indispensable dans un contexte
stratégique en évolution rapide, ce
qui suppose une association étroite des
capacités d’anticipation de la direction
générale de l’armement et de celles des
armées . Il est enfin nécessaire de prévoir
une meilleure information des pouvoirs
publics et une plus grande association
des commissions compétentes du
Parlement sur les capacités actuelles
des armées et leur évolution envisagée .
Vers des choix nécessaires
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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
1.
Chiffrer les crédits budgétaires
de 2024 et 2025 correspondant aux
besoins issus des ambitions de la LPM,
en tenant compte du dernier ajuste-
ment annuel de la programmation
militaire et établir une trajectoire
budgétaire jusqu’à l’horizon de
stabilisation du déficit public prévu
en 2027
(ministère des armées)
2.
Identifier et exploiter les marges de
manœuvre budgétaires qui peuvent
exister, notamment dans le domaine
de la coopération européenne et
s’agissant de la définition du périmètre
des missions confiées aux armées
(ministère des armées).
3.
Adopter un processus d’actualisa-
tion stratégique et de programmation
militaire plus réactif, plus transparent
et reposant sur une plus grande
capacité d’anticipation
(ministère
des armées)