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4
L’approvisionnement en
électricité
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Sans atteindre l’effondrement spectaculaire du secteur des
transports, l’activité dans le domaine de l’énergie n’a pas été épargnée par
la crise sanitaire de la covid 19, survenue au premier trimestre 2020, ni
par les effets des mesures de restriction des activités et des déplacements
mises en œuvre pour lutter contre la propagation de la pandémie.
La consommation brute d’électricité corrigée des aléas climatiques
s’est ainsi repliée de 3,5
% entre 2019 et 2020. Le caractère inédit et
soudain de cette baisse a du reste concerné l’ensemble du continent
européen. Tout en prenant en compte les mesures de lutte contre la
pandémie et les risques pesant sur les salariés, le secteur électrique devait
prioritairement maintenir la product
ion et l’acheminement de l’électricité
afin de répondre aux besoins de consommation. La capacité de réaction et
d’adaptation de tous les acteurs du secteur était ainsi cruciale, au moment
où les hôpitaux étaient sollicités de manière exceptionnelle et alors que le
travail à distance se généralisait.
À l’issue des travaux de la Cour, il apparaît que les acteurs du
secteur électrique ont su s’adapter dans l’urgence pour maintenir la
production et la fourniture d’électricité. Cette réactivité doit être saluée.
La crise a néanmoins mis en évidence des risques pesant sur la sécurité
d’approvisionnement qu’il convient de maîtriser (I). Les effets financiers
de la crise de la covid
19 n’ont par ailleurs épargné aucun acteur du
secteur électrique, dont les consommateurs finals et les contribuables (II).
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
336
I -
Un système électrique réactif
mais des conséquences à gérer dans la durée
A -
Une bonne réactivité face à l’urgence
1 -
Un net repli de la consommation d’électricité sous l’effet
des mesures de restriction des activités économiques
et des déplacements
La
consommation
brute
d’électricité
s’est
réduite
de
24,55 térawatts-heure (TWh) entre 2019 et 2020, soit une diminution de
5,1 %. Corrigée des aléas climatiques, elle a atteint 460 TWh en 2020, soit
3,5
% de moins qu’en 2019, alors qu’elle était restée stable depuis 2014.
Le gestionnaire du réseau en France, Réseau de t
ransport d’
électricité
(RTE), évalue à 4,7
% la baisse de la consommation d’électricité
314
entre
la période de mars à décembre 2020 et la moyenne des consommations de
la même période pour les années 2014 à 2019
315
. Cette baisse peut être
assimilée à l’impact de la crise sanitaire.
Dès la mise en œuvre des mesures de restriction des activités et des
déplacements pour lutter contre la pandémie, une brusque contraction de la
consommation d’électricité a en effet été observée, de l’ordre de 15 à 20
%
les premières semaines, d’une ampleur et d’une soudaineté inédites selon
RTE
316
. Depuis la fin du premier confinement, la consommation
d’électricité n’a pas retrouvé son niveau
passé, excepté durant la période
des congés du mois d’août 2020, en raison de la persistance des mesures
de restrictions et de couvre-feux et de deux autres confinements. La
consommation du premier semestre 2021 restait encore en retrait de 2,8 %
par rapport à la moyenne de la même période pour les années 2014 à 2019.
314
Corrigée des aléas climatiques.
315
RTE,
Bilan électrique 2020
, mars 2021.
316
RTE,
L’impact de la crise sanitaire (
c
ovid 19) sur le fonctionnement du système
électrique
, avril 2020.
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
337
Graphique n° 1 :
évolution de la consommation hebdomadaire
moyenne corrigée en 2020 et début 2021 comparée
à la période 2014-2019 (en MW)
Source : RTE,
Répercussions de la crise sanitaire sur l’approvisionnement en électricité pour
l’hiver 2020
-2021, juin 2020 (données actualisées)
Si la
consommation finale d’électricité
317
des ménages, soutenue par
le télétravail et les usages domestiques, a légèrement crû entre 2019 et 2020
(+ 0,7 %), celles des clients professionnels (- 4,7 %), des PMI-PME
(- 8,4 %), de la grande industrie (- 10,3 %) et des grandes entreprises
(- 5,8 %) ont fortement chuté, accompagnant la récession économique. Le
premier confinement avait également modifié le profil de la consommation
d’électricité selon les heures de la journée. Mais celui
-ci est depuis revenu
à la normale. Ainsi, en dépit de la baisse globale de consommation, les pics
journaliers notamment durant l’hiver
,
n’ont pas disparu.
La diminution de la consommation constatée en France s’observe de
manière analogue dans les principaux pays européens. Selon les données
d’Eurostat, la consommation d’électricité non corrigée des aléas
climatiques s’est réduite de 4
% entre 2019 et 2020
318
dans les 27 États de
l’Union européenne (UE).
317
La consommation finale correspond à l'électricité réellement consommée par les
différentes catégories de consommateurs.
318
Commission européenne, DG Energy,
Quaterly report on European electricity
market- Q4 2020
, 2021.
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COUR DES COMPTES
338
Graphique n° 2 :
écart mensuel entre la consommation d’électricité
en 2020 et la moyenne de la consommation 2014-2019 en France
et dans cinq autre pays européens (en pourcentage)
Source
: Cour des comptes d’après les données d’Eurostat et du Department for Business, Energy and
Industrial Strategy pour le Royaume-
Uni. Consommation d’électricité en GWh dis
ponibles pour le marché
intérieur, données non corrigées des aléas climatiques et jours ouvrés
Même si un effet rebond a été observé en 2021 après la contraction
de 2020, RTE n’anticipe un retour au niveau de consommation d’électricité
observé en France en
2019 qu’à compter de 2025
-2026
319
. Le rythme de
reprise de l’activité et le profil de la sortie de crise rendent néanmoins très
incertaines les perspectives de consommation d’électricité.
2 -
Une production et une livraison d’électricité assurées
sans interruption
Les mesures de restriction des activités et des déplacements des
personnes décidées lors du premier confinement ont éprouvé la continuité
des activités de production et de livraison d’électricité, qu’il s’agisse de la
gestion du cycle du combustible nucléaire (de sa production au traitement
des combustibles usés), des activités de production à proprement parler, de
l’acheminement
et
de
la
distribution
de
l’électricité
jusqu’aux
consommateurs, ou de l’équilibrage permanent entre puissance électrique
produite et puissance consommée.
319
RTE,
Bilan prévi
sionnel de l’équilibre offre
-
demande d’électricité en France –
édition 2021
.
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
339
Or, les différents acteurs du système électrique
État, régulateur,
producteurs, réseaux de transport et de distribution et fournisseurs
ont fait
face, tout en assurant la protection de la santé de leurs salariés. La plupart
étaient dotés de plans de continuité d’activité, constitués ou révisés après la
crise H1N1 de 2009 et activés promptement (le 13 mars 2020 pour Électricité
de France (EDF), le 15 mars 2020 pour RTE et Orano
320
). Les marchés de
l’électricité ont pour leur
part continué de fonctionner normalement.
Lors du premier confinement, seules les activités essentielles à la
production et à la fourniture d’électricité ont été maintenues sur site alors qu’un
recours massif au télétravail était instauré. Les activités de service et de
maintenance, les chantiers non essentiels, les activités de démantèlement
nucléaire ont été mis à l’arrêt dans un premier temps. Pour les activités
maintenues en présentiel, les cycles de travail ont été réorganisés afin d’éviter
qu’un trop
grand nombre de salariés soient présents au même moment dans les
locaux, des équipes de réserve ont été constituées et de nombreux protocoles
sanitaires ont été élaborés pour protéger la santé des salariés, y compris avec
les sous-traitants pour maintenir leur activité quand elle était nécessaire. Dans
les centrales nucléaires d’EDF, le nombre de personnes présentes
quotidiennement a ainsi chuté de plus de 30 000 à environ 10
000. L’ensemble
des activités a progressivement repris à partir de la fin du premier confinement
et la survenue des confinements suivants n’a pas autant affecté les
organisations. La mobilisation, la réactivité et la capacité d’adaptation des
différents acteurs durant cette période ont été saluées aussi bien par le ministère
de la tran
sition écologique, la commission de régulation de l’énergie (CRE)
que par l’autorité de sûreté nucléaire (ASN)
,
qui n’a pas constaté de
dégradation des conditions de sûreté nucléaire durant toute cette période.
Dès la fin de la phase aiguë de la crise, et en dépit de sa persistance,
plusieurs retours d’expérience ont été lancés afin d’apporter des améliorations
aux dispositifs de gestion de crise : EDF et Orano ont organisé un retour
d’expérience de chacune de leurs entités, la CRE a sollicité tous les opér
ateurs
de réseaux et d’infrastructures, l’ASN a interrogé tous les exploitants
nucléaires. De ces premiers retours d’expérience ressortent plusieurs
enseignements relatifs à la question du dimensionnement des équipes de crise
compte tenu de sa durée, à la
nécessité d’intégrer les conditions de reprise
d’activité et de retour sur site, à la sous
-estimation actuelle, dans les plans, de
la généralisation du travail à distance et à la gestion logistique des stocks
stratégiques de matériels de protection.
320
Orano est
l’entreprise qui approvisionne les réacteurs nucléaires français en
combustible et retraite ce dernier après usage.
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COUR DES COMPTES
340
L’ASN
estime que la crise soulève des questions
« de nature
systémique qui pourraient se poser, dans les mêmes termes, en cas de crise
nucléaire»
321
. L’importance de la préparation à la gestion de crise, la
sensibilité des questions de logistique à l’aune des prob
lèmes de masques
et de vaccination, la nécessité d’impliquer les acteurs locaux pour la mise
en œuvre des actions de protection des populations lorsque la crise s’inscrit
dans la durée, et le risque de défiance d’une partie de la population envers
la parole des pouvoirs publics et des autorités scientifiques, sont autant
d’éléments à prendre en considération pour la gestion de crise nucléaire.
L’
État a engagé une révision du plan national de continuité
électrique élaboré en 2009. Il importe de veiller à l’
articulation de ce plan
avec les plans de gestion de crise et de continuité d’activité des
producteurs, gestionnaires de réseaux, distributeurs et fournisseurs
d’électricité et à la prise en compte des retours d’expérience de leur mise
en œuvre, afin de répondre aux effets d’une crise longue et diffuse comme
l’a été
,
et l’est encore
, celle de la covid 19.
B -
Des impacts sur le système électrique
1 -
Une importante réorganisation des arrêts pour maintenance
du parc de réacteurs nucléaires
Si la production d’électricité n’a pas connu d’interruption, les
restrictions d’activités et de déplacements ont néanmoins affecté le
programme d’arrêt pour maintenance des réacteurs nucléaires d’EDF. La
suspension initiale des chantiers a conduit dès mars 2020 au décalage
d’opérations de maintenance pour 25 réacteurs. Puis, les conditions de
reprise d’activité (application des protocoles sanitaires et des mesures
barrières, limitation du nombre de personnes dans certains locaux,
diminution des ressources humaines et matérielles disponibles) ont allongé
la durée des arrêts.
Mi-
avril 2020, l’impact des décalages initiaux de maintenance
laissait entrevoir la perspective que la puissance disponible soit inférieure
de l’ordre de 15 à 16
GW en moyenne sur novembre-décembre par rapport
aux anticipations de la fin de l’année 2019, sur une puissance maximale
autorisée du parc nucléaire de 61,37 GW au 31 décembre 2020. Aussi, afin
de limiter ses pertes économiques tout en réduisant les risques sur la
sécurité d’appro
visionnement, EDF a décidé, entre avril et mai 2020,
d’engager des actions permettant d’accroître la disponibilité de son parc
321
ASN,
La sûreté nucléaire et la radioprotection en France en 2020
.
Rapport public annuel 2022
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
341
nucléaire lors de l’hiver 2020
-
2021. L’entreprise a ainsi adopté pour
11
réacteurs nucléaires, en accord avec l’ASN, des mesures
de report ou de
déplacement d’arrêts pour maintenance, de prolongation d’arrêt et/ou de
modulation de puissance afin d’économiser le combustible. En revanche,
l'arrêt définitif du réacteur n° 2 de Fessenheim prévu en juin 2020 n'a pas
été reporté
322
. Conjugu
ée à des prolongations d’arrêts moins importantes
qu’attendues, cette réorganisation, qui a nécessité une refonte de tout le
programme d’arrêts des tranches des cinq années à venir, a permis de
maintenir la disponibilité effective du parc nucléaire lors de la période
hivernale à un niveau proche de celui observé les années précédentes. Elle
constitue une réussite opérationnelle.
Graphique n° 3 :
puissance hebdomadaire maximale du parc
nucléaire disponible depuis la crise sanitaire comparée à l’historique
des 10 dernières années
Source : RTE
La production nucléaire a été néanmoins réduite à 335,4 TWh en
2020, soit 44,1 TWh de moins qu’en 2019 (
- 11,6 %). EDF estime à
32,9 TWh la perte brute de production liée à la crise sanitaire et à 14 TWh
le gain lié à la réorganisation
des plannings d’arrêts de maintenance. L’effet
de la crise sanitaire sur la production peut donc être estimé à une perte nette
de 18,9 TWh. La perte supplémentaire de 25,2 TWh (44,1-18,9) est
322
Les deux tranches de Fessenheim ont été définitivement arrêtées le 22 février et le
29 juin 2020. Pour des raisons techniques, réglementaires et sociales, EDF a considéré
que la
prolongation de quelques mois de l’exploitation du second réacteur de la centrale
n’était pas souhaitable.
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COUR DES COMPTES
342
imputable à des aléas techniques
323
ainsi qu’à la fermeture de la
centrale de
Fessenheim, non compensée par la mise en service de l’EPR
324
de
Flamanville
325
. Limité à 18,9 TWh, l’impact de la crise sanitaire est
comparable à celui des aléas techniques susceptibles désormais d’affecter
la disponibilité du parc nucléaire.
Graphique n° 4 :
facteurs explicatifs de la chute de production
nucléaire en 2020 (en TWh)
Source
: Cour des comptes d’après les données d’EDF
Des baisses de production nucléaire ont été enregistrées dans toute
l’Europe en 2020 (sur les onze premiers mois de 2020
, une baisse de 12 %
a été constatée par rapport à 2019). Mais ces baisses ne sont pour partie
imputables à une perturbation des opérations de maintenance dues à la crise
sanitaire qu’en
France.
326
.
323
Événements exceptionnels concernant le diesel de secours de Flamanville 1 et le
poste d’évacuation d’énergie de Cattenom 1 et prolongation des arrê
ts de Flamanville 2
et Paluel 2 suite à des difficultés techniques.
324
Evolutionary Pressurised Reactor
. L’EPR est un réacteur de nouvelle génération à
eau sous pression d’une puissance de 1 600 MW.
325
Cour des comptes,
L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires
,
communication à la commission des finances du Sénat, mars 2020.
326
IEA,
Electricity Market Report
, décembre 2020. Ce sont en effet des aléas techniques
qui expliquent la réduction de 22 % de la production nucléaire belge et de 10 % de la
production britannique et ce sont les fermetures définitives de réacteurs qui ont conduit
aux baisses de 27 % de la production suédoise (fermeture du réacteur de Ringhals 2) et de
15 % de la production allemande (fermeture du réacteur Phillipsburg 2).
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
343
L’effet domino observé sur la maintenance du parc nucléaire
français t
rouve son origine dans l’optimisation
327
des moyens par EDF
pour faire face à un calendrier de maintenance particulièrement lourd et
concentré dans le temps, du fait notamment de l’âge relativement uniforme
des différentes séries de réacteurs du parc.
2 -
Des risques à prendre en compte pour la sécurité
d’approvisionnement des prochains hivers
Au vu du poids de l’énergie nucléaire dans la production électrique
totale (70 % en 2019), la disponibilité du parc nucléaire pendant les mois
d’hiver est déterminante pour la sécurité d’ap
provisionnement en électricité.
Depuis 2017, RTE indique chaque année, dans ses bilans
prévisionnels de l’équilibre offre
-
demande d’électricité, que la période
2018 à 2022 s’annonce «
sans marge »
328
en raison de la fermeture de la
centrale nucléaire de Fessenheim en 2020, des retards accumulés pour la
mise en service de l’EPR de Flamanville, des fermetures programmées
d’ici à 2022 des centrales thermiques à charbon, surtout utilisées lors des
pics de consommation,
et de l’important progr
amme de maintenance du
parc nucléaire en cours. La crise sanitaire a fragilisé plus encore une
situation déjà tendue.
Malgré les efforts mis en œuvre par EDF pour reprogrammer ses
arrêts de maintenance, RTE a placé le 11
juin 2020 l’hiver 2020
-2021
« sous vigilance particulière »
329
, appréciation confirmée en novembre
330
et a agi de concert avec l’État, par des mesures exceptionnelles, pour
améliorer la sécurité d’approvisionnement
: aménagements du mécanisme
de capacités
331
, accroissement exceptionnel du soutien public aux
effacements de consommation
332
, généralisation du dispositif ÉcoWatt
327
Les ressources en matériel spécifique et en sous-traitants sont dimensionnées au
mieux pour obtenir hors aléas majeurs une saisonnalité suffisante du planning d’arrêts.
328
RTE,
Bilan prévisionnel de l’équilibre offre
-
demande d’électricité en France –
édition 2017
. La « marge
» correspond à l’écart entre la disponibilité prévisionnelle de
capacités de production déclarée par les exploitants et le besoin de capacités à venir.
329
RTE,
Répercussions de la crise sanitaire sur l’approvisionnement en électricité pour
l’hiver 2020
-2021
, juin 2020.
330
RTE,
L’équilibre offre –
demande d’électricité pour l’hiver 2020
-2021,
novembre
2020.
331
Le mécanisme de capacités vise à assurer la disponibilité de moyens de production
ou d’effacement utiles à la couverture des pointes de consommation, en particulier en
hiver pour la France. Il permet de rémunérer cette disponibilité.
332
L’effacement de
consommation électrique désigne la décision
d’un consommateur
de réduire temporairement sa consommation électrique.
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
344
d’information du public des situations de tension sur le réseau électrique.
RTE estime que, grâce à ces mesures, des volumes supplémentaires
d’effacement de plus de 300 MW pour la fin de l’année 2020 et de plus de
400
MW pour le début de l’année 2021 ont été dégagés, portant l’ensemble
des capacités d’effacement à environ 3,4
GW
333
.
Au début de l’hiver 2020
-2021, la réorganisation du programme de
maintenance d’EDF et, dans une moi
ndre mesure, les actions entreprises
par l’État et RTE avaient permis de réduire significativement les risques
pesant sur la sécurité d’approvisionnement pour l’hiver
, sans parvenir
toutefois à les ramener sous le seuil garantissant le respect du critère
réglementaire.
Le critère réglementaire de sécurité d’approvisionnement
Le critère de sécurité d’approvisionnement est défini comme un seuil
acceptable de risque de défaillance
334
:
« la durée moyenne de défaillance
annuelle est inférieure à trois heures ; et la durée moyenne de recours au
délestage pour des raisons d'équilibre offre-demande est inférieure à deux
heures ».
Relevant d’une logique de probabilités, le respect du critère ne
garantit pas l’absence de coupure. En revanche, cette «
défaillance » du
système électrique n’est pas synonyme de
black-out
. Elle correspond à la
mise en œuvre de moyens exceptionnels
maîtrisés sur un plan technique :
l’interruption de consommation des sites industriels français sous contrat
avec RTE (« interruptabilité »), la baisse de tension du réseau ou, en dernier
recours
la mise en œuvre de délestage
s (coupures) ciblant provisoirement
certains consommateurs.
Aucune difficulté n’a néanmoins été constatée durant l’hiver
2020-2021. Au-
delà des efforts d’EDF et de l’État, l’hiver s’est avéré peu
rigoureux
335
, les importations d’électricité ont été plus important
es et la
consommation est restée contenue par la persistance de la crise sanitaire.
333
RTE,
Bilan prévisionnel de l’équilibre offre
-
demande d’électricité en France –
édition 2021
.
334
Article D. 141-12-
6 du code de l’énergie.
335
La pointe de consommation de l’hiver 2020
-2021, constatée le 11 janvier 2021, a
atteint 88,4 GW. Elle se situe dans la fourchette basse des pics des dix dernières années.
Rapport public annuel 2022
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
345
Graphique n° 5 :
évolution de la production d’électricité
entre 2019 et 2020 (en TWh) et ajustement avec la baisse
de consommation observée
Source
: Cour des comptes d’après les données du SDES et de RTE
Ces craintes quant à la sécurité d’approvisionnement pour l’hiver
2020-
2021 n’ont pas concerné tous les pays européens. Seule la France a
fait part au réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport
d’électricité (Entso
-e) de difficultés liées à la crise sanitaire
336
.
Début 2021, RTE estimait que les trois hivers suivants resteraient
sous vigilance, plus particulièrement l’hiver 2021
-2022
337
.
336
Entso-e,
Winter Outlook 2020-2021
.
337
RTE,
Bilan prévisionnel de l’équilibre offre
-
demande d’électricité en France –
édition 2021
.
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
346
Graphique n° 6 :
appréciation des marges du système électrique
par rapport au critère de défaillance sur les trois prochains hivers
Source : RTE, Bilan prévisi
onnel de l’équilibre offre
-
demande d’électricité
en France
édition 2021. Note de lecture
: pour l’hiver 2021
-2022, RTE
estimait à 1 000 MW le déficit de capacités disponibles au regard du critère
réglementaire de défaillance, déficit que divers facteurs peuvent réduire ou
amplifier
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
347
En dépit de nouvelles modifications des plannings des arrêts de
maintenance, suite à de nouvelles indisponibilités non prévues, RTE a même
renforcé sa vigilance pour le cœur de l’hiver 2021
-2022. Elle indique, en
effet, que
« la disponibilité prévisionnelle du parc nucléaire français est
désormais évaluée par RTE dans une fourchette comprise entre 43 et 51 GW
pour la majeure partie de janvier : il s’agit du niveau le plus bas jamais
atteint pour le parc nucléaire à cette péri
ode de l’année
»
338
.
La crise sanitaire a ainsi mis en évidence les conséquences de
l’absence actuelle de marges dans le système électrique au regard des
impératifs
de
sécurité
d’approvisionnement.
À
court
terme,
le
développement des effacements de consommation pourrait contribuer à une
restauration des marges, d’autant que ce développement accuse du retard
pour respecter l’objectif fixé par le Gouvernement de disposer de 4,5
GW de
capacités d’effacements en 2023. Les nouvelles capacités de production ne
peuvent,
en revanche contribuer à la sécurité d’approvisionnement qu’à
moyen terme, compte tenu de leurs délais de construction.
3 -
Des retards supplémentaires dans la mise en service
de nouvelles capacités de production
Les craintes apparues durant la crise sanitaire mettent en évidence
l’intérêt de respecter au mieux le calendrier de la transition énergétique,
qui prévoit une diversification des moyens de production. La stratégie
nationale bas carbone (SNBC) et la programmation pluriannuelle de
l’énergie 201
9-2028
339
(PPE), publiées le 21 avril 2020, en pleine période
de confinement, ont ainsi traduit l’objectif d’une production d’électricité
provenant à 40
% d’énergies renouvelables (EnR) en 2030, fixé par la loi
relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015.
Cette diversification tarde néanmoins à se concrétiser. En 2020, les
énergies renouvelables (EnR) ont certes représenté une part inédite de la
production électrique en France (24,5 %) et en Europe (38,2 %), y
dépassant pour la première fois la production issue des énergies fossiles
340
.
Toutefois cette hausse du poids des EnR dans la production en France a des
causes multiples. Elle s’explique avant tout par la baisse de la production
totale d’électricité et par des conditions météorol
ogiques favorables à
l’éolien et à l’hydraulique.
338
RTE,
Réactualisation des perspectives de l’équilibre offre
-demande en électricité
pour l’hiver 2021
-2022
, décembre 2021.
339
Décret du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie
nationale bas-carbone et décret du 21 avril 2020 relatif à la programmation
pluriannuelle de l’énergie.
340
Ember et Agora Energiewende,
The European Power sector in 2020
.
Rapport public annuel 2022
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COUR DES COMPTES
348
La crise sanitaire a, quant à elle, ralenti en 2020 la dynamique
d’installation de nouvelles capacités renouvelables, alors que les objectifs
de la PPE accusaient déjà des retards. Les interruptions de chantiers et les
difficultés d’approvisionnement du
premier semestre 2020 ont en effet
concouru au recul de 22
% des installations de nouvelles capacités d’EnR
en 2020
341
. Les volumes d’appels d’offres ouverts par l’État ont aussi été
inférieurs de 2,2 GW à la programmation de la PPE. En outre, dans son
dernier bilan prévisionnel, RTE indique que
« même sans tenir compte de
l’année 2020
[…]
le développement des énergies renouvelables
[est]
en
deçà des rythmes nécessaires pour l’atteinte des objectifs 2023 de la P
PE »
et souligne le retard de l’énergie solaire, dont 15 GW seraient disponibles
en 2023 au lieu des 20 GW programmés.
Ces
retards s’ajoutent à ceux déjà évoqués de l’EPR de Flamanville.
Or, le respect du calendrier de mise en service de toutes les installations
dont le développement et la construction sont prévus par les
programmations pluriannuelles de l’énergie, est crucial pour renforcer la
sécurité de l’approvisionnement à moyen et long terme.
II -
Des impacts financiers qui n’épargnent
aucun acteur du secteur
A -
Des marchés de l’électricité perturbés
La chute brutale de la demande d’électricité en mars 2020, la baisse
du prix du gaz observée depuis début 2019 et l’importante production
d’électricité d’origine éolienne du début d’année 2020 ont entraîné au
premier semestre 2020 une chute des prix sur les marchés de gros de
l’électricité, au comptant (marché spot
342
) et, dans une moindre mesure, sur
les marchés à terme, c’est
-à-dire pour une livraison future. Mais les cours
se sont ensuite rétablis en fin d’année
2020. Ils ont connu depuis, au long
de l’année 2021, une très forte hausse, principalement en raison de la
reprise partielle de l’activité économique, de la hausse des prix du pétrole
et du gaz et d’une nette augmentation du prix de la tonne de CO
2
.
341
SER-RTE,
Panorama de l’électricité renouvelables au 31 décembre 2020
, février 2021.
342
Cotation du jour pour le lendemain.
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
349
Graphique n° 7 :
évolution en 2019 et 2020 du prix de gros de
l’électricité au comptant (spot) et à terme (Y+1) (en € / MWh)
Source
: Cour des comptes d’après données EPEX SPOT / EEX
Le mécanisme de capacités, qui vise à assurer, en la rémunérant, la
présence de moyens de pro
duction ou d’effacement suffisants lors des pics
de consommation, a également subi des évolutions de prix significatives à
partir de l’été 2020. L’annonce d’une moindre disponibilité du parc
nucléaire d’EDF pendant l’hiver 2020
-2021 a, en effet, logiquement
renchéri le prix des capacités fixé par l’enchère de juin 2020.
Graphique n° 8 :
évolution du prix moyen des enchères de capacités
depuis la création du mécanisme selon les années de livraison
(en
K€
/ MW)
Source : RTE. Note de lecture : AL signifie « année de livraison ». Exemple : lors de
l’enchère de juin 2020, il apparaît que les prix pour les capacités de l’année de
livraison 2021 (en rouge) ont presque atteint 50 k€ / MW
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COUR DES COMPTES
350
Si l’effet direct de cette hausse de prix sur la mise à disposition de
capacités de pr
oduction d’électricité supplémentaires à l’hiver 2020
-2021
reste difficile à quantifier, ces évolutions ont, en tout état de cause, des
conséquences sur les prix payés par les consommateurs (cf.
infra
).
Enfin, la crise sanitaire a également entraîné des tensions
importantes dans la mise en œuvre
du mécanisme d’accès régulé à
l’électricité nucléaire historique (Arenh). Plusieurs contentieux ont
, en
effet, été ouverts envers EDF par des fournisseurs alternatifs.
L’accès régulé à l’électricité nucléaire hist
orique (Arenh)
343
Créé par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle
organisation du marché de l’électricité, l’Arenh a été conçu pour permettre
aux consommateurs de continuer à profiter du prix compétitif de l’électricité
nucléaire tout en stimulant la concurrence sur le marché de la fourniture
d’électricité.
Le dispositif est entré en vigueur le 1
er
juillet 2011. Applicable
jusqu’au 31
décembre 2025, il donne aux fournisseurs alternatifs
d’électricité
la possibilité
d’accéder, s’ils le souhait
ent, à un prix régulé
(42
€ par MWh
)
, à une partie de l’électricité produite par les centrales
nucléaires historiques d’EDF.
Lors du premier semestre 2020, ces fournisseurs ont vu la
consommation de leurs clients chuter par rapport aux prévisions ayant
fon
dé, en 2019, leurs demandes d’Arenh et leur approvisionnement
complémentaire sur les marchés à terme pour 2020. Pour limiter les
reventes à perte de leur excès d’approvisionnement, certains fournisseurs
alternatifs ont cherché à interrompre leur approvisio
nnement à l’Arenh à
hauteur de la baisse de consommation effective de leurs clients. Estimant
insuffisants les reports et rééchelonnements de factures suggérés par la
CRE
344
et proposés par EDF, ils ont demandé l’activation de la clause de
force majeure du c
ontrat Arenh, pour suspendre son exécution, ce qu’EDF
a refusé. Si, sur proposition de la CRE, le ministère a depuis procédé à une
modification de l’accord
-
cadre Arenh afin de préciser l’application de
cette
clause
345
, les contentieux ouverts suite aux désaccords entre EDF et
certains
fournisseurs
alternatifs,
notamment
sur
des
demandes
d’indemnisation
, sont restés pendants au fonds courant 2021.
343
Cour des comptes,
L’évaluation de la mise en œuvre de l’accès régulé à l’électricité
nucléaire historique (Arenh)
, référé, 2018.
344
Délibérations n° 2020-071 du 26 mars 2020 et n° 2020-076 du 9 avril 2020.
345
Arrêté du ministère de la transition écologique du 12 novembre 2020.
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
351
B -
Des consommateurs protégés pendant la crise
mais exposés dès 2021 à une augmentation des prix
1 -
Un impact différé
d’un an sur les prix payés
par les consommateurs finals
Si les producteurs et les fournisseurs ont été affectés par ces
mouvements de prix, les clients finals, eux, n’ont toutefois pas ou peu été
concernés en 2020. La hausse des prix de l’électricité cons
tatée entre 2019
et 2020
s’explique par des facteurs survenus en 2019
346
. En effet, sur le
marché de détail de l’électricité, en 2020, 70
% des points de livraison
d’électricité disposaient d’un contrat aux tarifs réglementés de vente
d’électricité (TRVE)
347
. Or, les TRVE et une grande partie des autres offres
de marché ne suivent pas l’évolution instantanée des prix de gros de
l’électricité
, mais répercutent ces évolutions de façon différée, lissée et
souvent partielle. Ainsi, les TRVE ont intégré, dès 2021, une réduction au
titre des baisses de prix des marchés de l’électricité observées en 2020. Cet
effet a cependant été plus que neutralisé par la répercussion de la hausse
intervenue en 2020 du prix des capacités et, dans une moindre mesure, par
l’anticipation d’une hausse des impayés. Au 1
er
février 2021, le niveau
moyen des TRVE a ainsi été augmenté de 1,6 %.
346
Ministère de la transition écologique, SDES,
Prix de l’électricité en France et dans
l’Union européenne en 2020
, juin 2021.
347
CRE,
Observatoire des marchés de détail de l’électricité et du gaz naturel –
premier
trimestre 2020
.
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COUR DES COMPTES
352
Graphique n° 9 :
évolution moyenne des tarifs réglementés de vente
de l’électricité pour les consommateurs résidentiels (tarif bleu)
au 1
er
février 2021 (en € / MWh)
Source
: Cour des comptes d’après les données fournies par la CRE
Mais cette hausse en 2021 du prix de l’électricité pour les
consommateurs à cause de la crise sanitaire apparaît toute relative par
rapport à celle, très importante, attendue à partir de 2022. Celle-ci est liée
aux niveaux exceptionnels de prix atteints sur les marchés de gros de
l’électricité au cours de l’année 2021, qui n’ont pas de lien direct avec la
crise sanitaire.
2 -
Une volonté de protéger les consommateurs
Non
obstant les évolutions de prix de l’électricité, le Gouvernement
a, dès mars 2020,
pris des dispositions, mises en œuvre par les fournisseurs,
pour protéger les consommateurs qui seraient dans l’incapacité d’honorer
leurs factures en raison des conséquences de la crise sanitaire
sur l’activité
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
353
économique : prolongation de la période de trêve hivernale
348
pour les
particuliers (et donc
de l’interdiction des coupures d’électricité),
interdiction des suspensions de fourniture d’électricité pour les entreprises,
puis prise en charge d’une partie de leurs coûts fixes à compter de 2021,
report d’échéances de factures.
Cette protection des consommateurs a eu un effet notable en France
puisque, selon le médiateur national de l’énergie, le nombre des coupures
d’électr
icité ou des réductions de puissance suite à des impayés
, s’est réduit
de 16 % par rapport à 2019
349
. Elle a d’ailleurs
été instaurée dans la plupart
des États européens
: moratoire sur les coupures d’électricité (Espagne,
Italie, Royaume-Uni
), report d’éché
ances de factures (Allemagne, Italie,
Royaume-Uni), etc.
350
Les fournisseurs ont supporté, sur leur trésorerie, ces mesures de
protection des consommateurs décidées par le Gouvernement. Or, ils
redoutent des pertes liées à un effet retard sur l’accroissement
des impayés.
L’association nationale des opérateurs détaillants en énergie relevait à la
fin de l’année 2020 une nette dégradation du paiement des factures par
leurs clients professionnels
351
. Cette situation est d’autant plus pénalisante
en cette période d
e crise que les fournisseurs acquittent les droits d’accises
sur l’électricité à l’émission de la facture et non à son paiement
: ils sont
en effet redevables de la taxe intérieure sur la consommation finale
d’électricité
(TICFE)
352
et de la contribution tar
ifaire d’acheminement
353
,
indépendamment de la date du paiement effectif de cette même facture par
leurs clients.
Aucune donnée ne permet néanmoins à ce jour de quantifier les
efforts consentis par les fournisseurs durant la crise. Une évaluation de ces
impacts par la CRE serait utile et pourrait être rapprochée des soutiens
reçus au titre des dispositifs d’urgence de droit commun.
348
Jusqu’au 10 juillet 2020 et jusqu’au 31 mai 2021.
349
Médiateur national de l’énergie,
Une baisse des interventions pour impayés en 2020
en trompe l’œil
, communiqué de presse, 9 mars 2021.
350
Council of European Energy Regulators,
First analysis of the Covid-
19 pandemic’s
effects on the energy sector
Interim report
, 29 mars 2021.
351
S
elon une étude du cabinet Eurogroup pour l’assoc
iation nationale des détaillants en
énergie
, le taux d’échu moyen des clients professionnels a évolué, entre le deuxième
semestre 2019 et le premier semestre 2020, de 3 % à 17 %.
352
Dénommée, selon l’article 266
quinquies
C du code des douanes,
« contribution au
service public de l’électricité
»
.
353
La CTA permet de financer certains des
droits spécifiques relatifs à l’assurance
vieillesse des personnels relevant du régime des industries électriques et gazières.
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COUR DES COMPTES
354
C -
L’État mis à contribution
1 -
Un surcroît de charges et de moindres recettes fiscales
pour l’État
Indépendamment des effets de la crise sur sa propre facture
d’électricité, l’État a vu la crise sanitaire accroître ses charges. Le coût de
son soutien financier aux EnR électriques
354
au titre de 2020 a augmenté, à
travers le dispositif de compensation des charges du service public de
l’énergie, du fait de la baisse des prix de marché observée au
premier
semestre 2020. Selon les estimations de la CRE, une hausse de 623 M€ est
attendue
entre les charges du service public de l’énergie liées au soutien
des EnR dues au titre de 2019 et celles dues au titre de 2020
355
, dont
280
M€ environ s’expliqueraient par des effets
-prix auxquels la crise
sanitaire a concouru. Cette dernière a ainsi illustré le risque prix supporté
par l’État dans le cadre du développement de la filière des EnR
électriques
356
. En 2021, la hausse des pri
x de gros de l’électricité aura
a contrario
un effet modérateur.
À cette sollicitation mécanique du budget de l’État, s’ajout
ent les
financements spécifiques que celui-
ci a déployés pour soutenir l’économie
face à la crise sanitaire. Toutefois, le secteur électrique n’a eu que peu
recours jusqu’à présent aux principaux dispositifs du plan d’urgence. Le
secteur d’activité de la production et distribution d’électricité, de gaz, de
vapeur et d’air conditionné représentait, à fin avril 2021, 0,02
% des aides
allouées au titre du fonds de solidarité, 0,06 % du montant des prêts
garantis par l’État, et 0,27
% des reports d’échéance fis
cale. De mars 2020
à mars 2021, l’ensemble du secteur des industries extractives, de l’énergie,
de l’eau et des déchets n’a en outre représenté que 0,5
% des demandes
d’indemnisation au titre du chômage partiel (130,8
M€)
,
alors qu’il
représente 2
% de l’e
mploi salarié privé
357
.
354
Afin d’assurer le développement des ENR, le
dispositif de soutien financier garantit
le revenu des producteurs quels que soient les prix des marchés. Cour des comptes,
Le
soutien aux énergies renouvelables
, communication à la commission des finances du
Sénat, mars 2018.
355
Dont le paiement s’étalera en 2021 et 2022.
356
Face à ce risque, la Cour avait formulé en 2018 plusieurs recommandations pour
améliorer l’efficience des mécanismes de soutien financier
. Cour des comptes,
Le
soutien aux énergies renouvelables
, communication à la commission des finances du
Sénat, mars 2018.
357
Situation au 24 avril 2021
, open data du Gouvernement
.
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
355
Par ailleurs, l
a baisse de consommation d’électricité a logiquement
amoindri certaines recettes fiscales en 2020. Notamment, la taxe intérieure
sur la consommation finale d’électricité a régressé de 7,837
Md€ en 2019
à 7,534
Md€ en
2020, soit une perte de 482
M€ pour le budget de l’État.
2 -
Les interventions de l’
État actionnaire et régulateur
Acteur intégré de la production et de la fourniture d’électricité, EDF
a été financièrement impactée par la crise. Entre 2019 et 2020, son chiffre
d’affaires s’est contracté de 3,2
% pour s’établir à 69,03
Md€
tandis que sa
marge opérationnelle (EBITDA
358
) se réduisait de 3,3 % à 16,17
Md€.
Bien que le groupe s’inscrive dans une trajectoire de redressement
depuis 2015, la crise sanitaire est intervenue alors que sa situation financière
restait fragile. De fait, avec plus de 40
Md€ d’endettement financier net,
toute compression de l’EBITDA d’EDF altère les ratios financiers
d’endettement qui guident les agences de notation dans leurs appréciations.
Or
, le groupe a besoin d’un accès à coût raisonnable aux marchés financiers
pour financer ses importants investissements : maintenance du parc de
production existant et prolongation de la durée de vie des centrales
historiques à travers le programme de Grand Carénage
359
, fin du déploiement
des compteurs Linky, achèvement des nouveaux EPR de Flamanville
360
et
d’Hinkley Point
-C
361
, développement des énergies renouvelables.
En réaction à la crise sanitaire, EDF, qui redoutait alors une perte
complémentaire de 2
Md€ d’EBITDA sur 2021 et 2022
362
, a engagé à
l’été
2020 un nouveau plan d’action pour la période 2020
-2022 dont
l’objectif affiché était de contenir l’endettement financier net
363
du groupe
en deçà du triple de son EBITDA à l’horizon 2022.
358
L’EBITDA
,
Earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization,
correspond au bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.
359
Le coût a été réévalué pour la période 2014-
2025 à 49,4 Md€ courants en octobre
2020 :
EDF réajuste le coût du programme Grand Carénage
, communiqué de presse,
29 octobre 2020 (les chiffres mentionnés comprennent la maintenance courante).
360
L
e coût à terminaison a été évalué à 19,1 Md€
2015
par la Cour des comptes. Cour des
comptes,
La filière EPR
, rapport public thématique, juillet 2020.
361
La mise en service
d’HPC a été reportée à juin 2026, au lien de la fin d’année 2025,
et le coût à terminaison réévalué de l’ordre de 0,5
Md£ à hauteur de 22-23 Md£
2015
sous
l’effet de la crise sanitaire
. EDF,
Actualisation du projet Hinkley Point C
, communiqué
de presse, 27 janvier 2021.
362
Les Échos, interview du directeur général d’EDF, 18 février 2021.
363
L
’endettement financier net désigne le solde des dettes financières de l’entreprise et
des placements financiers.
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COUR DES COMPTES
356
Le plan d’action d’EDF po
ur 2020-2022 en réponse
à la crise sanitaire
Le 30 juillet 2020, le conseil d’administration d’EDF a approuvé un
plan comportant quatre piliers pour la période 2020-2022 : réduire de
0,5
Md€ les dépenses opérationnelles entre 2019 et 2022, réaliser un
pro
gramme de cessions de l’ordre de 3
Md€, stabiliser à 15
Md€ par an les
investissements nets du groupe et consolider les fonds propres de
l’entreprise. EDF a ainsi levé 4,5
Md€
364
de fonds auprès des marchés
financiers en septembre 2020 : 2,1
Md€ de titres obligataires dits
« hybrides », considérés comme des fonds propres au regard des normes
comptables internationales, et 2,4
Md€ d’obligations convertibles en
actions nouvelles ou existantes (OCEANE).
Grâce au soutien de l’État, les mesures décidées ont porté leurs fruits
dès 2020 en limitant l’endettement financier net à 42,3
Md€ en fin d’année,
en dépit de la détérioration des flux de trésorerie du groupe, négatifs de
2,7
Md€ en
2020.
L’État, en tant qu’actionnaire, a en effet participé à la souscription
de l’émission d’obligations convertibles de 2,4
Md€ lancée par l’entreprise
en septembre 2020, à hauteur de 40 %, soit 960 M
en montant nominal,
grâce aux crédits de 20
Md€ mis en place dans le cadre du plan d’urgence
pour renforcer les fonds propres d’entreprises à caractère stratégique. Il lui
restera à décider de la conversion ou non de ces titres d’ici à 2024.
Par
ailleurs, il s’est engagé à percevoir son dividende au titre de l’exercice
2021
en actions, comme cela était déjà prévu pour l’exercice
2020
365
.
364
En montant nominal.
365
Les actionnaires d’EDF ont renoncé au solde des dividendes de 2019 et au versement
d’un acompte 2020. L’objectif de distribution du résultat net courant entre 45 et 50
%
pour les années 2020 à 2022 est maintenu.
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
357
La forte hausse des prix de l’énergie observée depuis 2021 contribue
désormais, selon EDF, à éloigner les craintes relatives à la soutenabilité
financière de l’entreprise. Sa trajectoire financière reste néanmoins
dépendante des principaux dispositifs de régulation du secteur électrique,
qui conditionnent une partie importante des
revenus de la production
d’électricité par EDF.
À cet égard, le devenir de l’accès régulé à la production nucléaire
historique, aujourd’hui assuré par l’Arenh, est déterminant. O
r, rencontrant
régulièrement des difficultés d’application, l’Arenh est
contesté à la fois
par EDF pour son niveau de prix jugé trop bas et son recours laissé au libre
choix des fournisseurs alternatifs et par ces derniers, qui regrettent de ne
pouvoir acc
éder qu’à environ 25
% de la production nucléaire historique.
Ce dispositif arrivera à échéance le 31 décembre 2025. Des négociations
ont été engagées entre la Commission européenne et le Gouvernement
français pour définir une nouvelle régulation du nucléaire, qui prendrait
son relais. Or,
ces négociations n’ont toujours pas abouti, empêchant ainsi
de donner une perspective sur l’évolution de la régulation du nucléaire à
tous les acteurs du secteur et notamment à EDF.
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COUR DES COMPTES
358
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
L’intensité et la durée de la crise sanitaire ont mis à l’épreuve la
résilience du système électrique et de ses acteurs. Ces derniers
État,
opérateurs, entreprises
ont fait face, aussi bien dans la gestion de crise
du printemps 2020 que dans la mise en
œuvre par la suite d’une continuité
d’activité au long cours, permettant le maintien de la production et de
l’acheminement de l’électricité aux consommateurs.
La très bonne réactivité collective des acteurs à la survenue de la
crise ne doit toutefois pas empêcher de préparer au mieux la gestion des
éventuelles crises futures. Cela nécessite de prendre en considération les
retours d’expérience déjà engagés et d’intégrer leurs conclusions au
regard des spécificités de la crise de la covid 19, notamment sa durée.
Durant la crise, par différentes mesures, l’
État a voulu protéger les
consommateurs face à d’éventuelles difficultés de paiement de leurs
factures d’électricité. La contribution active des fournisseurs d’électricité
à ces mesures, décidée par le Gouvernement, mériterait toutefois une
évaluation financière afin de mieux anticiper à l’avenir l’impact d’un tel
élargissement de leurs obligations.
L’État actionnaire a
, par ailleurs, apporté un soutien financier
important à EDF, dont les comptes 2020 ont été dégradés par les
conséquences de la crise. L’amélioration notable de la situation financière
de l’entreprise grâce à la hausse des prix de marché depuis 2021 devrait
aussi compenser en partie les effets de la crise sanitaire. Toutefois, les
perspectives
de l’entreprise sur le plus long terme sont dépendantes de
l’évolution envisagée de la régulation du nucléaire.
La crise sanitaire a également rappelé les risques pesant
actuellement sur la disponibilité du parc nucléaire et les risques de marges
insuffis
antes pour assurer la sécurité d’approvisionnement. RTE maintient
d’ailleurs les deux prochains hivers sous vigilance.
À court terme,
développer les capacités d’effacements de consommation pourrait
contribuer à restaurer des marges.
À moyen et long terme, ce sont les programmations pluriannuelles
de l’énergie (PPE) qui proposent les objectifs et moyens assurant la
sécurité d’approvisionnement en électricité. Il importe dès lors de
respecter le rythme de développement des capacités de production et
d’effacement qu’elle prévoit, car il détermine les marges dont dispose le
système électrique, alors que la crise sanitaire a eu pour effet d’accroître
les retards déjà observés en la matière.
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
359
Aussi, au regard des effets de la crise sanitaire observés depuis
2020, la Cour formule les recommandations suivantes :
1.
établir le bilan des conséquences financières pour les fournisseurs des
mesures d’urgence mises en œuvre par le Gouvernement en réponse à
la crise dans le secteur de
l’électricité (CRE, 2022)
;
2.
tenir compte, lors de la révision du plan national de continuité
électrique en cours, des retours d’expérience consécutifs à la crise de
la covid 19 et veiller à son articulation avec les plans des opérateurs
du secteur (DGEC, 2022) ;
3.
combler les retards pris dans le développement des capacités
nouvelles
d’effacement
et
de
production
prévues
par
la
programmation pluriannuelle de l’énergie afin d’améliorer la sécurité
d’approvisionnement (DGEC, 2022).
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Réponses
Réponse du Premier Ministre
.................................................................
363
Réponse du président-directeur général
de la société électricité de France (EDF)
................................................
366
Réponse du président de la commission
de régulation de l’énergie (CRE)
............................................................
369
Destinataires n’ayant pas d’observation
Monsieur le président du directoire de la société Réseau
de
transport d’électricité (RTE)
Monsieur le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN)
Monsieur le directeur général de la société Orano
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RÉPONSE DU PREMIER MINISTRE
J'ai
pris
connaissance
avec
intérêt
du
chapitre
« L'approvisionnement en électricité face à la crise sanitaire : une
réactivité dans l'urgence, des impacts à plus long terme » destiné à figurer
dans le rapport public annuel 2022 de la Cour des comptes.
En premier lieu, je partage le constat de la Cour concernant la
mobilisation efficace de l'ensemble des acteurs du système électrique et des
services de l'État, en particulier leur forte réactivité et leur capacité
d'adaptation face à une situation totalement inédite, qui pourraient
d'ailleurs mériter d'être encore davantage soulignées.
Je souscris bien sûr à la recommandation n° 2 de la Cour, qui invite
à prendre en compte, lors de la révision du plan national de continuité
électrique, les retours d'expérience de la crise tout en veillant à son
articulation avec les plans des opérateurs du secteur. Les travaux de
révision, actuellement en cours sous l'égide du ministère de la transition
écologique, devraient être finalisés dans le courant de l'année et tireront
tous les enseignements de la gestion de la crise COVID.
Je tiens ensuite à rappeler toute l'importance que le Gouvernement
accorde à la sécurité d'approvisionnement électrique.
À cet égard, il faut souligner que l'existence d'une situation de
vigilance sur les hivers 2020 à 2024, qui résulte notamment des contraintes
issues du programme de maintenance des centrales nucléaires d'EDF,
préexistait à la crise sanitaire et avait été clairement identifiée par le
gestionnaire du réseau de transport électrique (RTE).
Dans ce contexte, la crise sanitaire a significativement perturbé la
réalisation des activités de maintenance. Au cours de l'hiver 2020-2021, la
replanification des arrêts pour maintenance des réacteurs nucléaires a
permis de maintenir la disponibilité effective du parc nucléaire à un niveau
proche de celui observé les années précédentes, ce qui constitue une
réussite opérationnelle.
Toutefois, comme le rappelle la Cour, la disponibilité du parc
nucléaire sur les mois d'hiver est déterminante pour la sécurité
d'approvisionnement en électricité et la crise sanitaire a fragilisé plus
encore une situation déjà tendue sur les hivers à venir.
Dans ce contexte de vigilance particulière sur la sécurité
d'approvisionnement, le Gouvernement a maintenu, en vue du passage de
l'hiver 2021-2022, l'organisation mise en place durant la crise avec les
acteurs, en particulier EDF et RTE, permettant un suivi rapproché de la
disponibilité des moyens de production.
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COUR DES COMPTES
364
Il a également actionné tous les leviers permettant d'accroître les
marges de sécurité, par exemple en mobilisant davantage les effacements de
consommation, comme le recommande la Cour (recommandation n° 3).
Ainsi, début 2021, le Gouvernement a fait évoluer le dispositif de soutien aux
effacements, ce qui a permis de porter à 2,4 GW le volume d'offres déposées
pour 2022, soit une augmentation de 75 % par rapport à 2021, qui affichait
déjà des résultats en nette progression par rapport aux années précédentes.
S'agissant des capacités de production, la crise sanitaire a conduit à
un retard dans le développement de nouveaux projets énergétiques
(photovoltaïques, éoliens terrestres ou en mer), mais également au décalage
de certaines périodes d'appels d'offres prévus en 2020. Pour combler le
retard, les volumes des prochains appels d'offres pourront être modulés,
comme le permet le nouveau cadre de soutien pour les EnR électriques pour
la période 2021-2026 approuvé par la Commission européenne en juillet
dernier, et ce de manière progressive afin de s'adapter aux capacités réelles
de développement des projets des différentes filières.
En outre, pour accélérer le développement de ces projets,
indispensables à la transition énergétique, tout en prenant en compte les
enjeux d'acceptabilité, le Gouvernement a pris récemment un ensemble de
mesures en faveur d'un développement maîtrisé et responsable des énergies
renouvelables
366
.
D'ores et déjà, les mesures prises par le Gouvernement
depuis le début du quinquennat commencent à produire leurs effets : à titre
d'exemple, alors que la moyenne de raccordement des projets photovoltaïques
au cours des cinq dernières années était de l'ordre d'1 GW par an, plus de 2
GW ont été raccordés sur les neuf premiers mois de l'année 2021.
En ce qui concerne l'impact économique de la crise pour le système
électrique, il faut distinguer deux périodes très différentes : une première
période caractérisée par un fort ralentissement de la demande, au début de
la crise sanitaire, des prix de marché très faibles, et des consommateurs
potentiellement en difficulté du fait de la contraction de l'activité
économique
; suivie par une période de redémarrage de l'économie, couplée
à une faible disponibilité des moyens de production, et caractérisée par une
forte hausse des prix de l'énergie, bien au-delà des niveaux habituels.
Dans ce contexte, le Gouvernement s'est attaché à accompagner les
consommateurs, d'abord en prenant des mesures d'urgence pour protéger
l'emploi et le pouvoir d'achat des Français, qui ont concerné tant les
particuliers
(report
de
la
trêve
hivernale
notamment)
que
les
professionnels les plus en difficulté (dispositif de reports de paiement des
factures, limitation des possibilités de suspension d'alimentation ou de
366
, …
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
365
réduction de puissance). Je salue à cet égard la mobilisation des
fournisseurs pour mettre en œuvre ces mesures.
Puis, face à l'augmentation exceptionnelle des prix de l'énergie
depuis fin 2021, le Gouvernement a pris plusieurs mesures visant à amortir
la hausse pour les consommateurs : chèque énergie exceptionnel de
100 euros pour 5,8 millions de foyers, « bouclier tarifaire » avec un gel
des tarifs réglementés du gaz à leur niveau d'octobre 2021 et une limitation
de la hausse des tarifs réglementés de vente de l'électricité à 4
% en février
2022. L'« indemnité inflation » complète ces dispositions.
Comme le souligne la Cour, le groupe EDF a été indéniablement
affecté par la crise sanitaire, les difficultés opérationnelles induites par
cette crise ayant eu un impact négatif sur I'EBITDA du groupe à hauteur
de 115 milliards d'euros sur l'exercice 2020 et fragilisé la notation de son
crédit. Néanmoins, les mesures mises en place par EDF, comme la
réduction des charges opérationnelles et le déploiement d'un programme
de cessions, conjuguées au soutien apporté par l'État à la stratégie du
groupe (notamment à travers la souscription à une émission d'obligations
vertes à hauteur de un milliard d'euros en 2020 et le prolongement de son
engagement à percevoir son dividende en titres) ont permis de limiter les
effets de la crise sanitaire sur la trajectoire financière du groupe et de
contribuer au renforcement de cette dernière. À ce titre, la Cour pourrait
rappeler utilement les résultats financiers d'EDF au premier semestre
2021, ces derniers apparaissant en forte amélioration par rapport au
réalisé de l'année 2020 et aux attentes des analystes financiers.
La Cour souligne que la trajectoire financière du groupe EDF reste
actuellement très fortement contrainte par l'existence du dispositif de
l'Accès Régulé à l'Électricité Nucléaire Historique, qui prendra fin au
31 décembre 2025. Le Gouvernement travaille à mettre en place une
nouvelle régulation du parc nucléaire existant, qui permettra de maintenir
un haut niveau de protection des consommateurs, particulièrement utile en
cas d'envolée des prix de gros comme aujourd'hui, tout en contribuant à
sécuriser la trajectoire financière du groupe EDF à moyen terme. Les
travaux menés ont déjà permis d'aboutir à une méthodologie, partagée
avec les services de la Commission européenne, d'établissement du coût du
nucléaire à prendre en compte pour cette nouvelle régulation. Ces travaux
se poursuivent. Une telle réforme, couplée à la poursuite active des efforts
engagés pour permettre à la filière nucléaire française, dont EDF est le
chef de file, de retrouver le plus haut niveau de rigueur, de qualité et
d'excellence, augmenterait les capacités de résilience du groupe EDF.
Telles sont les observations que je tenais porter à votre connaissance.
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COUR DES COMPTES
366
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE LA SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ DE FRANCE (EDF)
La Cour des comptes a analysé les impacts de la crise de la covid 19
en France sur l'approvisionnement en électricité. Au terme de son enquête,
elle salue « la réactivité des acteurs du système électrique » ; elle souligne
également les points qui requièrent notre vigilance.
Pour ce qui concerne le Groupe EDF, je puis confirmer la
mobilisation sans faille de ses salariés, tout particulièrement dans ses
unités opérationnelles, afin d'assurer la continuité de la production et de
la fourniture d'électricité. La disponibilité ininterrompue de l'électricité
était effectivement cruciale dans cette période : pour les ménages auprès
desquels les services commerciaux sont restés présents, pour les
entreprises qui ont dû réorganiser à distance le travail de leurs salariés et,
bien évidemment, pour les hôpitaux et tous les établissements de soins qui
ont été les acteurs de première ligne dans la prise en charge des personnes
contaminées par le virus et, plus largement, dans la mise en œuvre des
mesures sanitaires pour lutter contre la pandémie.
Le système électrique a été mis à l'épreuve, mais en définitive il aura
tenu. À aucun moment, EDF n'a été confrontée à une perte de disponibilité
de ses moyens de production d'une ampleur telle que RTE eut été contraint
de recourir à des mesures exceptionnelles, comme par exemple la
réduction de la tension sur le réseau ou le délestage des consommateurs.
Ce résultat ne saurait s'expliquer uniquement par une diminution de la
consommation due à la fortune d'un hiver 2020-2021 plutôt clément. La
continuité du service, qui fut le fil rouge de l'entreprise durant toute la crise
sanitaire, a été possible parce que l'entreprise disposait de moyens
robustes et parce qu'elle était techniquement préparée à une gestion de
crise à tous les niveaux de son organisation. En témoigne le fait qu'elle
s'exerçait depuis septembre 2019 à un exercice de crise à dimension
internationale qui aurait dû se dérouler en juin 2020.
En dépit de ce constat positif, à la suite de RTE, la Cour s'est
inquiétée à juste titre d'une possible rupture de l'équilibre offre-demande,
liée une moindre capacité du système électrique à mobiliser des moyens de
production opérationnels en période de pointe. La fermeture pour diverses
raisons de certains moyens de production au cours des dix dernières
années, conjuguée à un développement plus lent que prévu de l'éolien et du
solaire, s'est traduite par une contraction des marges d'approvisionnement
destinées à faire face aux pointes de consommation ou à l'arrêt inopiné de
moyens de production existants. Cette situation s'explique essentiellement
par la contraction, continue au cours de ces dernières années, des marges
d'approvisionnement par rapport à la consommation.
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
367
Le Groupe EDF est bien évidemment attentif à cette évolution. C'est
la raison pour laquelle il a engagé, avec l'appui de son Conseil
d'administration, un ambitieux programme d'investissements dans le
domaine des énergies renouvelables (parcs éoliens terrestres et en mer,
parcs solaires), dans la maintenance de son parc nucléaire en exploitation
afin de maintenir son haut niveau de sûreté et de performance (Grand
Carénage) et, si le Gouvernement en décide, dans le développement de
nouvelles centrales nucléaires. Nous savons, par expérience, que le temps
de l'industrie est exigeant et que s'agissant d'infrastructures, il faut
compter avec la complexité de leur ingénierie, avec les limites physiques à
leur réalisation, avec leur acceptation sociétale et avec le rôle majeur des
autorités administratives indépendantes qui en assurent la régulation.
Au demeurant, dans le contexte d'un réseau électrique de plus en
plus connecté sur l'espace européen, il est important de noter que la
sécurité d'approvisionnement n'est pas un sujet propre à la France et à son
parc nucléaire. À titre d'exemple, la dépendance énergétique au gaz
importé et l'ampleur des déclassements à opérer concernant les moyens de
production thermiques constituent pour les pays voisins des défis majeurs,
dont il ne faut sous-estimer ni le temps de leur résolution, ni leur coût.
Félicitons-nous que la France n'ait pas eu à connaître une défaillance
majeure de son système électrique, voire une situation proche du
black-out
total, comme l'ont connue par exemple le Texas en février 2021 et à
plusieurs reprises l'État de Victoria en Australie en 2016 et 2017.
S'agissant des impacts sur les hivers 2020 à 2024 des opérations de
maintenance exceptionnelle du parc nucléaire existant, la survenance d'une
situation hors norme, comme l'a été la crise sanitaire, a démontré l'aptitude
d'EDF à en redéployer sa programmation alors même qu'un exercice de
cette nature relève d'une grande complexité au plan industriel au vu du
nombre de paramètres techniques à prendre en compte et de la multiplicité
des intervenants. L'optimisation du planning des arrêts de tranches
nucléaires a permis de restaurer une disponibilité satisfaisante durant
l'hiver 2020-2021 et, par là-même, de contribuer à assurer la sécurité
d'approvisionnement national dans le respect des conditions de sûreté
nucléaire. Pour ce qui est de Fessenheim, le report de l'arrêt définitif du
réacteur N°2 prévu en juin 2020 n'était plus à la main d'EDF lorsque la
question a été soulevée. Il aurait en effet comporté des problèmes techniques,
de reconstitution des équipes d'exploitation et d'autorisation au plan de la
sécurité nucléaire qui n'étaient pas surmontables, quels que soient les
souhaits qu'aurait pu avoir EDF de prolonger la durée de vie de ce réacteur.
Comme j'ai eu l'occasion de le dire en audition devant la
2
ème
chambre de la Cour, l'entreprise EDF est étrangère à toute forme de
pensée qui voudrait antagoniser le nucléaire et les énergies renouvelables.
À l'heure où l'urgence climatique se fait de plus en plus pressante et où
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COUR DES COMPTES
368
l'électricité s'affirme comme l'énergie d'avenir, toutes les technologies sont
nécessaires pour assurer une production durable d'électricité et répondre
aux
objectifs
de
décarbonation
de
nos
sociétés ;
la
sécurité
d'approvisionnement du système électrique passe par cette complémentarité
des moyens de production décarbonés que sont le nucléaire et les énergies
renouvelables. EDF n'est pas seule à s'exprimer en ce sens. C'est aussi
l'opinion formulée par l'Agence Internationale de l'Énergie et par un grand
nombre d'experts et de scientifiques. Les arbitrages de demain ne seront pas
entre les énergies renouvelables et le nucléaire. Les enjeux portent
désormais sur le rythme de décarbonation des mix énergétiques et sur la
capacité des pays européens à se passer des énergies fossiles, tout en
assurant leur sécurité d'approvisionnement énergétique grâce à une
électricité décarbonée. De ce point de vue, comparée à nos voisins, la
France, structurellement exportatrice d'une électricité très largement
décarbonée, a des atouts importants à faire valoir.
À cet égard, je rappelle que le Groupe EDF, à travers son parc
hydroélectrique et sa filiale EDF Renouvelables, est un acteur majeur des
énergies renouvelables et qu'il y joue un rôle essentiel dans notre pays,
tout particulièrement au travers de grands projets industriels de parcs
éoliens en mer ainsi
que dans la mise en œuvre d'un plan solaire ambitieux.
Le Groupe EDF considère que des projets hydroélectriques additionnels
pourraient aussi jouer un rôle bien utile dans les prochaines années si les
cadres institutionnels et réglementaires français et européen le permettent.
Il est vrai que la crise sanitaire a affecté la situation financière
d'EDF. Pour autant, les impacts sont restés dans des ordres de grandeur
qui n'ont pas modifié l'appréciation des analystes financiers et des agences
de notation. EDF a, par ailleurs, été l'un des rares groupes à informer le
marché sur ses modalités de calcul des impacts de la crise sur
l'exercice 2020. Malgré l'impact de la crise sanitaire, EDF a délivré
en 2020 un résulta
t net courant positif d'un montant de 1,9 Milliard €, en
progression notable par rapport au 1
er
semestre 2021.
De même, les fournisseurs alternatifs n'ont pas été épargnés par la
crise, tout particulièrement ceux qui n'avaient pas mis en œuvre une
gestion actif-passif de leur activité. Alors qu'ils s'étaient mobilisés avant la
crise sanitaire pour obtenir un accès plus large au dispositif de l'ARENH,
la plupart d'entre eux ont souhaité que leur approvisionnement au titre de
ce guichet soit suspendu non pas seulement à hauteur de la baisse de la
consommation de leurs clients, mais pour la totalité des volumes qu'ils
avaient souscrits. Cette question, qui comporte un volet contentieux,
renvoie à celle de la refonte des mécanismes d'accès à l'ARENH et à son
pr
ix, qu'EDF appelle de ses vœux.
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L’APPROVISIONNEMENT
EN ÉLECTRICITÉ
369
En interne, la gestion de la crise s'est déroulée dans une grande
qualité de dialogue social ; elle a permis de tirer des enseignements pour
moderniser les modes de travail et de management de l'entreprise.
L'inventaire de la période ne serait pas exhaustif, si je ne
mentionnais pas les mesures d'accompagnement qu'EDF a mis en œuvre
durant la crise à destination de ses clients, de ses fournisseurs et de ses
prestataires : suspension de toute réduction ou interruption de fourniture
d'électricité et de gaz ainsi que des pénalités de retard pour les
particuliers ; report du paiement des factures, puis échelonnement des
paiements sur une durée de 6 mois pour les professionnels éligibles au
Fonds de Solidarité ; en sens contraire, accélération des paiements aux
fournisseurs TPE et PME par rapport au délai contractuel de 60 jours.
Enfin, comme la Cour le mentionne dans son rapport, les Français
n'auront pas eu à souffrir en 2020 et 2021 d'un alourdissement significatif
de leurs factures d'électricité, ni d'un abaissement de la qualité des services
d'EDF. C'est une fierté pour l'entreprise qu'en dépit de la crise sanitaire et
de la montée des prix de l'électricité sur les marchés de gros le
consommateur français continue à bénéficier d'un coût de l'électricité qui
reste l'un des plus bas en Europe.
-
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE LA COMMISSION
DE RÉGULATION DE L’É
NERGIE (CRE)
De manière générale, je partage les analyses et recommandations
que vous formulez dans ce chapitre et vous remercie de la prise en compte
de nos remarques formulées cet automne sur le rapport provisoire.
Votre analyse des conséquences de la crise sur les infrastructures
de réseaux rejoint notamment les constats formulés par la CRE, dans sa
délibération de mars 2021, suite
à un bilan réalisé auprès de l’ensemble
des gestionnaires d’infrastructures électriques et gaziers.
La CRE y soulignait notamment la capacité des opérateurs à
adapter et transformer leurs activités face à la crise et constatait que la
sécurité et la qualit
é d’alimentation avaient toujours été assurées. Ces
adaptations ont notamment permis aux opérateurs de reprendre leur
activité de manière rapide et organisée, maîtrisant ainsi au maximum les
conséquences de la crise sur leurs missions de transport, distribution ou
stockage d'électricité ou de gaz, mais aussi de continuer d’assurer le
développement et l’entretien nécessaires des réseaux.
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COUR DES COMPTES
370
La CRE constatait également que le cadre tarifaire avait su protéger
les opérateurs des conséquences financières de la crise. En parallèle de
cette protection des opérateurs, la CRE a également accompagné durant
toute la crise sanitaire, les mesures mises en place pour protéger au mieux
les consommateurs et continue à le faire dans le cadre de la crise sans
précédent que connait actuellement notre système énergétique.
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