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Allocution de Didier Migaud,
Premier président de la Cour des comptes
Audition par le CEC de l’Assemblée nationale
Les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air
Jeudi 21 janvier 2016 - 11h30
Monsieur le Président,
Mesdames, messieurs les députés,
Je suis heureux de venir une nouvelle fois devant vous afin de présenter l’enquête réalisée à
la demande du comité d’évaluation et de contrôle.
En application des dispositions de l’article L. 132-5 du code des juridictions financières, votre
comité a souhaité que la Cour lui remette un rapport sur le
bilan
et les
perspectives
des
politiques de lutte contre la pollution de l’air extérieur
menées par la France. Je veux
saluer l’implication forte de MM. les
députés Saddier et Roumegas
, rapporteurs désignés
par votre comité. Les rapporteurs de la Cour ont bénéficié de réunions de travail fructueuses
et ont pu entendre Monsieur Saddier, au titre de ses fonctions de maire de Bonneville, lors
de leur déplacement en Haute-Savoie.
Le rapport de la Cour porte principalement sur
trois points
:
-
d’une part, les
objectifs
assignés à la lutte contre la pollution de l’air ;
-
d’autre part, le
cadre juridique
dans lequel elle s’inscrit ;
-
enfin, les
moyens
budgétaires, fiscaux et humains qui y sont consacrés, et
les
résultats
mesurés sur le territoire métropolitain.
Il contient des
développements plus spécifiques sur trois sujets
que votre comité voulait
voir examiner : la
pollution
de l’air
d’origine industrielle
, la pollution
due à la production
énergétique
ainsi que l’action en faveur du
développement du véhicule électrique
.
Comme cela a été convenu avec les rapporteurs de votre comité, ce travail
ne traite
en
revanche
pas
de la pollution
de l’air intérieur
, que le CEC a souhaité examiner par lui-
même. Le sujet des
gaz à effet de serre
, qui a fait l’objet d’un rapport de la Cour fin 2013
dans le cadre de l’évaluation de la mise en oeuvre du «
paquet énergie-climat
», n’est abordé
ici que de manière incidente.
Pour répondre à la demande de l’Assemblée nationale, l’équipe de la Cour a adopté un
«
grand angle
», de l’échelon européen à l’échelon local.
Seul le prononcé fait foi
2
La Cour a comparé les politiques menées aux niveaux national et local par nos principaux
partenaires et voisins : les Pays-Bas, notamment à Amsterdam, Rotterdam et La Haye ;
l’Allemagne, avec les villes de Düsseldorf, Cologne et Bonn ; la Suisse (Berne, Zurich et
Genève) ; l’Italie (Milan et Turin) ; le Royaume-Uni, à Londres. L’annexe 3 du rapport montre
ainsi que des solutions efficaces ont d’ores et déjà été mises en oeuvre dans plusieurs
secteurs économiques, dans des pays proches de la France.
Elle a entendu près de 200 personnes, tant au niveau national qu’au niveau déconcentré et
décentralisé. Elle a analysé la mise en oeuvre des plans de protection de l’atmosphère (les
«
PPA
») au niveau local, notamment en Île-de-France, dans la vallée de l’Arve en Haute-
Savoie, dans les Bouches-du-Rhône, en Haute-Normandie et dans la région grenobloise.
Elle a examiné la gestion des pics de pollution de mars 2014 et de mars 2015.
La Cour a souhaité approcher au plus près le coût de cette politique et appréhender au
mieux la dimension financière des actions locales (collectivités territoriales, associations,
entreprises). Elle a, pour ce faire, réalisé une enquête auprès des collectivités territoriales et
des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air.
Pour vous présenter le travail de la Cour, je suis entouré d’Évelyne Ratte, présidente de la
septième chambre de la Cour, qui a présidé la formation interchambres chargée d’examiner
le rapport ; d’Henri Paul, président de chambre et rapporteur général du comité du rapport
public et des programmes ; de Christian Descheemaeker, président de chambre, contre-
rapporteur ; de Marie-Ange Mattei, conseillère maître, Julien Marchal, auditeur, et Virginie
Duhamel, rapporteure extérieure, qui ont travaillé sur cette enquête.
Le rapport de la Cour dresse deux constats principaux :
1. Premièrement, la politique publique de lutte contre la pollution atmosphérique a
permis une
réelle amélioration de la situation pour certains polluants
, même
si
des «
points noirs
» persistent localement
. Cette persistance est
problématique
.
2. Deuxièmement, la politique de lutte contre la pollution de l’air pâtit de
nombreuses
limites
:
incohérences
avec
d’autres
politiques
publiques,
complexité de la gouvernance, gestion imparfaite des crises, inégale contribution
de secteurs émetteurs à la baisse des émissions.
*
J’en viens au premier message de la Cour. La politique publique de lutte contre la pollution
atmosphérique est une
politique ancienne
, qui a mis du temps à se structurer en France. Si
elle a permis une
réelle amélioration
de la situation pour certains polluants, des
«
points
noirs
»
persistent localement, contre lesquels il convient d’agir.
Les pics de pollution récents, l’affaire «
Volkswagen
» et les soupçons qui pèsent sur
Renault montrent la
grande actualité du sujet
, ainsi que la
forte sensibilité de l’opinion
publique
à cette question. Cela ne doit pas faire oublier que
la politique de lutte contre la
pollution de l’air est déjà ancienne
. La pollution de l’air fait l’objet d’une attention depuis
les années 1960, c’est-à-dire bien avant que la question du changement climatique ne soit
mise au premier plan, au cours des années 1990.
Seul le prononcé fait foi
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L’action des pouvoirs publics en France a néanmoins tardé à se structurer
. La plupart
des mesures mises en oeuvre depuis une vingtaine d’années l’ont été sous la pression de
l’Union européenne. Cette faible appropriation est paradoxale, puisque les exemples
internationaux montrent que respirer un air sain, droit inscrit dans le code de l’environnement
français, est un objectif atteignable.
Les actions menées en France montrent que l’action publique en la matière peut être
efficace. Je pense notamment aux émissions du secteur industriel et de la production
d’énergie, qui ont fortement baissé au cours des vingt dernières années.
Le rapport comporte un bilan synthétique de la qualité de l’air en France métropolitaine,
analysée par rapport au respect des normes fixées par la loi.
Seul le prononcé fait foi
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Sur le fondement de ce bilan,
la Cour constate une réelle amélioration de la situation
depuis vingt ans pour certains polluants
. Les émissions de polluants, c’est-à-dire leurs
rejets dans l’air, diminuent globalement depuis 1990. Cette amélioration concerne davantage
le secteur de l’industrie, avec de très fortes baisses des rejets, que celui de l’agriculture,
avec une tendance à la stagnation des émissions. La baisse des émissions des transports
ou du secteur résidentiel-tertiaire est intermédiaire, mais ralentit depuis quelques années.
Toutefois,
des points noirs locaux persistent
, où les concentrations, c’est-à-dire de la
teneur dans l’air des polluants, restent élevées. Les zones où l’amélioration se poursuit sont
à distinguer de celles où les teneurs restent supérieures aux normes en vigueur.
Seul le prononcé fait foi
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Les enjeux sont en effet très spatialisés
et la relation entre émissions et concentrations
dépend de nombreux facteurs locaux comme la topographie, le climat, la densité de l’habitat
ou du trafic.
Les études mettent ainsi en évidence
quatre types de «
points noirs
»
persistant sur le
territoire métropolitain :
1.
certaines zones très urbanisées ou densément peuplées ;
2.
celles à proximité d’axes de transports denses ;
3.
certaines zones industrielles dites « multi-émettrices » ;
4. et,
enfin,
des
zones
aux
conditions
géographiques
et topographiques
particulières, comme les vallées.
Seul le prononcé fait foi
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Au sein de ces «
points noirs
»,
les concentrations de polluants dépassent les seuils
réglementaires fixés au niveau européen de manière récurrente
[
diapo 5
]. Depuis 2010,
25 zones connaissent des dépassements pour le dioxyde d’azote, et 19 sont aujourd’hui
concernées par une mise en demeure de la Commission européenne. Depuis 2005, une
quinzaine de zones ne respectent pas les valeurs limites pour les particules fines, dix font
également l’objet d’une procédure contentieuse au niveau européen.
Au regard de l’impact sanitaire, mais également économique, de l’exposition à la pollution
atmosphérique,
la persistance de ces «
points noirs
» n’est pas satisfaisante
.
Les travaux menés depuis une vingtaine d’années ont permis d’établir de manière
certaine la nocivité de la pollution de l’air et les coûts élevés qu’elle entraîne pour la
collectivité
. Les experts s’accordent sur le fait qu’il n’y a pas de seuil en dessous duquel la
santé serait épargnée. En somme, c’est bien l’exposition quotidienne et prolongée à la
pollution, davantage que celle qui découlerait de pics ponctuels, qui est à l’origine du
développement de maladies cardio-vasculaires ou respiratoires.
Les dépenses correspondant à la prise en charge par le système de soins des
pathologies liées à cette pollution sont élevées
: 1 Md€ au moins. Cette pollution serait à
l’origine de 17 000 à 42 000 décès prématurés par an en France et représenterait un coût
socio-économique de 20 à 30 Md€. Ce coût est un montant minimum, puisqu’il ne concerne
que l’impact des particules fines et de l’ozone.
Seul le prononcé fait foi
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Cette situation fait par ailleurs peser un risque contentieux sur la France
, lié au non-
respect des valeurs limites fixées par la réglementation européenne. Les procédures
engagées par la Commission européenne ces dernières années ont d’ailleurs prospéré au
cours de l’année 2015. Pour le seul contentieux «
particules
» (dix zones concernées), le
montant de l’amende infligée à la France en cas de condamnation par la Cour de justice de
l’Union européenne pourrait s’élever à 100 M€ la première année, puis à 90 M€ par an. Deux
autres procédures sont actuellement ouvertes, qui concernent respectivement le
dépassement de concentrations maximales pour le dioxyde d’azote (19 zones) et le
dépassement du plafond d’émission d’oxydes d’azote.
*
Au-delà de ce constat factuel qui, sans être ni catastrophique ni alarmiste, n’est certainement
pas satisfaisant, la Cour dresse, dans son rapport un second constat.
La politique de lutte
contre la pollution de l’air pâtit de nombreuses limites
, qu’il s’agisse d’incohérences
avec d’autres politiques publiques, de la complexité de la gouvernance, de la gestion
imparfaite des crises, ou de l’inégale contribution de secteurs émetteurs à la baisse des
émissions.
La Cour a relevé des
incohérences entre l’objectif de lutte contre la pollution de l’air et
les objectifs d’autres politiques publiques
nationales.
Seul le prononcé fait foi
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La
confusion
est notamment
trop souvent entretenue avec la politique de lutte contre le
changement climatique
. Ces deux politiques reposent parfois sur des instruments
communs mais ne sont pas toujours compatibles ou pas toujours correctement articulés. Les
gaz à effet de serre – dont le CO
2
– ne constituent qu’une partie des polluants nocifs de
l’atmosphère. Les mesures prises pour leur réduction, naturellement souhaitables,
produisent parfois un effet négatif sur la qualité de l’air. Le rapport met ainsi en évidence les
effets ambivalents du chauffage au bois : instrument efficace dans la lutte contre les
émissions de CO
2
, il contribue localement de manière importante à la surémission de
particules fines.
En ce qui concerne les transports automobiles,
la Cour examine aussi le soutien au diésel
par rapport à l’essence
. Dans un objectif de réduction des émissions de CO2, un taux
réduit de TICPE devait contribuer à la promotion du gazole. Cette vocation initiale apparaît
aujourd’hui en contradiction avec l’objectif d’amélioration de la qualité de l’air : la combustion
de ce carburant s’accompagne en effet d’importantes émissions de dioxyde d’azote et de
particules fines, polluants aujourd’hui jugés nocifs. La Cour recommande donc de veiller à la
cohérence des politiques énergétique et de lutte contre la pollution de l’air. Cette adéquation
passe par la poursuite du mouvement de rééquilibrage entre la fiscalité de l’essence et celle
du gazole. La taxation du gazole et de l’essence pourrait dépendre de l’impact de leurs
émissions respectives – polluants atmosphériques et gaz à effet de serre.
Seul le prononcé fait foi
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Le cas du véhicule électrique soulève les mêmes observations.
Sur le lieu d’utilisation
de son utilisation, l’impact est positif sur la qualité de l’air. Toutefois, des interrogations
demeurent sur son impact global, c’est-à-dire en prenant en compte sa construction,
notamment celle de la batterie, ou la production d’énergie avec laquelle il fonctionne.
La loi de transition énergétique pour la croissance verte, promulguée en août 2015
prévoit une plus grande cohérence des politiques énergétique et de lutte contre la
pollution de l’air
. Ainsi, l’objectif de réduction de l’exposition des citoyens à la pollution de
l’air est intégré dans les objectifs de la politique énergétique. Ces dispositions de principe
restent toutefois à traduire dans les faits.
Le rapport s’attache ensuite à l’examen de la gouvernance de la politique de lutte contre la
pollution de l’air. Elle présente encore des lacunes. Le vote en 1996 de la loi sur l’air et
l’utilisation rationnelle de l’énergie – dite loi «
Laure
», n’a en effet pas empêché des
difficultés persistantes. Ces difficultés concernent notamment le pilotage des outils, la
répartition des compétences entre responsables publics et enfin, la gestion des pics de
pollution.
Au niveau national, la Cour a constaté une
dispersion des responsabilités
, malgré le
rôle de «
chef de file
» de la direction générale de l’énergie et du climat du ministère de
l’écologie. Le nombre important de départements ministériels concernés par la question de la
qualité de l’air – écologie mais également santé, industrie, agriculture ou logement – n’est
Seul le prononcé fait foi
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pas un obstacle en soit. Mais, en l’état,
l’absence de cadre d’action clair et défini de
manière interministérielle nuit à l’atteinte des objectifs
.
Par ailleurs,
cette politique publique aurait dû davantage être inscrite dans le long
terme
. Elles ont rapidement adopté plusieurs plans successifs, selon un calendrier qui est
apparu heurté. La Cour évoque en particulier le «
plan particules
» et le «
plan d’urgence
pour la qualité de l’air
». Cette démarche a été dommageable à l’efficacité de cette politique.
En effet, l’élaboration de ces plans a surtout été motivée par la nécessité de répondre
rapidement à une situation de crise. L’efficacité de ces plans et de leurs mesures n’a pas été
évaluée
ex post
, ce que la Cour recommande de faire à l’avenir.
Sur le plan budgétaire, les dépenses relatives aux politiques de lutte contre la
pollution de l’air sont difficiles à retracer
. Ceci s’explique par la diversité des instruments
financiers disponibles : fiscalité, crédits budgétaires, moyens des opérateurs. Cela s’explique
aussi par la difficulté à connaître, au sein des crédits budgétaires, ceux consacrés à ces
politiques. Les crédits affectés à la surveillance mais aussi à la recherche en matière de
qualité de l’air pourraient être recensés de manière plus systématique.
L’information du
Parlement pourrait être améliorée
en complétant le jaune «
Protection de la nature et de
l’environnement
» avec des indicateurs de la qualité de l’air.
L’articulation et la répartition des compétences entre le niveau national et les
responsables locaux sont également perfectibles
. Les plans de protection de
l’atmosphère, ou PPA, sont partout reconnus comme des instruments utiles. Les
responsables locaux se les sont généralement bien appropriés. Ces plans ont parfois permis
la mise en place d’actions innovantes, comme dans la vallée de l’Arve avec le «
Fonds air-
bois
».
Néanmoins,
le principe de subsidiarité est encore trop souvent remis en cause
, les
préfets ou collectivités territoriales ne disposant pas toujours des marges de manoeuvre qui
leur sont nécessaires. Les autorités préfectorales sont chargées de la mise en oeuvre des
mesures réglementaires prévues dans les PPA. Elles ne maîtrisent pourtant pas toujours
leur application en raison d’interventions du niveau national. La difficile articulation entre
échelons national et local s’est par exemple manifestée au sujet de l’interdiction des feux de
cheminée «
ouverts
» en Île-de-France, et des interdictions ou limitations ciblées de la
circulation
1
. L’évolution rapide des dispositifs réglementaires ou financiers au niveau national
complique aussi leur prise en considération dans les PPA.
La Cour formule plusieurs recommandations qui devraient permettre de remédier à ces
difficultés d’articulation entre niveaux national et local. Ainsi, les calendriers des plans
nationaux et des plans locaux de lutte contre la pollution de l’air pourraient gagner en
cohérence, afin que le cadre de l’action locale soit mieux défini et soit plus prévisible.
La gestion des situations de crise, aussi qualifiées de «
pics de pollution
» ne paraît
pas toujours appropriée
. Ces pics focalisent souvent l’attention des pouvoirs publics et de
l’opinion, ce qui peut paraître paradoxal pour plusieurs raisons. D’une part, les experts n’ont
pas relevé d’effets sanitaires particulièrement aggravés lors de ces pics : la nocivité de la
pollution atmosphérique semble plutôt provenir d’une exposition prolongée à un air pollué.
D’autre part, les mesures pouvant être mises en oeuvre lors de ces pics apparaissent
1
L’arrêté interdépartemental signé à l’issue d’une large concertation entre autorités nationales et locales
a connu une mise en oeuvre limitée à 20 jours par an, quel que soit le nombre de jours de dépassements des
seuils réglementaires constatés, et ne concerne pas tous les véhicules émetteurs.
Seul le prononcé fait foi
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inadaptées. Elles touchent surtout les secteurs sur lesquels il est le plus facile d’agir, en
particulier l’industrie, tandis que d’autres émetteurs importants de polluants en sont
majoritairement exclus, comme l’agriculture.
La circulation alternée est emblématique des problématiques rencontrées
: cette
mesure sensible est particulièrement lourde à mettre en oeuvre ; son impact sur la pollution
s’avère faible. Des restrictions ciblées, limitant la circulation aux véhicules les plus polluants,
pourrait opportunément remplacer les restrictions de circulations «
à l’aveugle
», c’est-à-dire
selon la plaque d’immatriculation. L’identification des véhicules a été repoussée à plusieurs
reprises. Elle permettrait néanmoins de réguler la circulation ponctuellement, en cas de pics,
ou de manière pérenne, dans les centres-villes très pollués. La mise en oeuvre rapide de
cette mesure contenue dans la loi de transition énergétique est souhaitable.
Avant de conclure, je veux revenir sur le caractère encore très inégal de la
contribution des
secteurs émetteurs à la baisse de la pollution de l’air
.
Les mesures mises en place depuis plusieurs années dans le secteur de l’industrie
ont été efficaces
. Elles sont pour la plupart réglementaires. Elles ont contribué à une baisse
très importante des rejets, qui ne peut être exclusivement imputée au phénomène de
désindustrialisation.
Des progrès sont également sensibles dans le secteur des
transports
, du fait principalement de l’évolution des techniques ou des limitations de vitesse
à proximité des zones les plus polluées.
Seul le prononcé fait foi
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Toutefois,
des mesures qui auraient eu des effets importants sur la pollution ont été
suspendues
.
Ce choix a été préjudiciable à l’amélioration de la qualité de l’air
. Le
rapport cite notamment la suspension de l’écotaxe poids-lourds ou de l’identification des
véhicules les plus polluants, indispensable à la création de zones de restrictions de
circulation. Je ne reviendrai pas sur la problématique du différentiel de taxation entre
l’essence et le gazole, que j’ai déjà évoquée.
Le secteur résidentiel-tertiaire et le secteur agricole restent, en revanche, peu
concernés par les mesures de réduction des émissions
. Ils représentent pourtant une
part croissante des rejets de certaines substances polluantes. La Cour recommande à ce
titre deux choses : d’une part, la mise en oeuvre de mesures qui permettront au secteur
agricole de contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction des émissions ; d’autre part, la
surveillance obligatoire de la présence dans l’air des pesticides les plus nocifs.
Plus largement, la Cour regrette l’
application insuffisante du principe pollueur-payeur en
matière de pollution de l’air
. À ce jour, celui-ci s’applique pleinement à l’industrie à travers
la taxe générale sur les activités polluante «
air
», mais uniquement de manière partielle au
secteur des transports. L’industrie est, à travers la TGAP-air, la seule qui finance la
surveillance de la qualité de l’air.
*
En conclusion, ce que le travail de la Cour montre, en analysant les politiques menées
depuis vingt ans, c’est qu’il est possible d’agir contre la pollution de l’air. La France dispose
d’un outil efficace de surveillance de la qualité de l’air. Les émissions de nombreux polluants
ont diminué du fait de l’application de normes et de techniques de production plus
respectueuses de l’environnement. Les exemples étudiés dans d’autres pays développés
montrent que l’action publique peut influer positivement sur la qualité de l’air, et donc sur
l’état de santé des habitants.
La Cour nuance cependant ce bilan positif à deux égards. D’une part, une partie des coûts
économiques liés à la pollution peut être diminuée, à condition de donner aux autorités
locales la responsabilité de mettre en oeuvre les mesures les mieux adaptées, dans un cadre
stable fixé au niveau national. D’autre part, les résultats de la politique de lutte contre la
pollution de l’air extérieur sont longs à obtenir. L’échéance de la future directive européenne
sur la réduction des plafonds nationaux d’émissions de polluants est fixée à 2030.
Il appartient donc dès aujourd’hui aux représentants du suffrage universel, quelques mois
après le vote de la loi de transition énergétique, de définir et d’engager les actions concrètes
de long terme permettant de respecter les objectifs définis.
Je vous remercie de votre attention. Nous nous tenons à votre disposition, avec les
magistrats qui m’entourent, pour répondre à vos questions.