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OMMUNICATION A LA COM
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MMUNICATION A LA COM
MMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES
MISSION DES FINANCES
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ENAT
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58-2°
2°
2°
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DE LA LOI ORGANIQUE
DE LA LOI ORGANIQUE
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DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE
RELATIVE AUX LOIS DE
RELATIVE AUX LOIS DE
RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES DU
FINANCES DU
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FINANCES DU
1
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AOUT
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AOUT
AOUT
2001
2001
2001
2001
Les aides de l’État
es aides de l’État
es aides de l’État
es aides de l’État
à la presse écrite
à la presse écrite
à la presse écrite
à la presse écrite
Juillet 2013
Sommaire
AVERTISSEMENT
...........................................................................
5
RÉSUMÉ
............................................................................................
7
PRINCIPALES ORIENTATIONS ET RECOMMANDATIONS . 9
INTRODUCTION
...........................................................................
13
CHAPITRE I - UN SECTEUR ÉCONOMIQUE
FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
..............................................
15
I
- Une politique mal définie et complexe
................................................
15
A - Un périmètre difficile à établir
............................................................
15
B - Une pluralité d’objectifs
......................................................................
19
C - Un ensemble d’aides indirectes anciennes
.........................................
21
D - Des aides directes très nombreuses
...................................................
32
II
- La forte et coûteuse dépendance du secteur aux aides de l’État
.........
38
A - Un secteur fortement soutenu
...........................................................
38
B - Les relations de l’AFP avec l’État
.........................................................
44
C - Une politique de plus en plus coûteuse pour l’État
............................
51
CHAPITRE II - UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS
PEU PROBANTS
............................................................................
57
I
- Une efficacité limitée par les défauts des modalités d’aide
.................
57
A - Des effets contradictoires : l’aide au transport postal et l’aide au
portage
.....................................................................................................
57
B - Des modalités de calcul des aides parfois inappropriées
...................
62
C - L’absence de neutralité des aides à la diffusion
.................................
68
D - L’insuffisante conditionnalité des aides
.............................................
72
E - Des aides insuffisamment ciblées
.......................................................
74
F - Une répartition inadaptée des crédits entre les types d’aides à la
presse
.......................................................................................................
81
4
COUR DES COMPTES
II
- Des résultats décevants au regard des attentes et des moyens engagés
.................................................................................................................
82
A - Les aides à la modernisation : des objectifs partiellement atteints ... 82
B - Le relatif échec d’une tentative de reconquête du lectorat : l’opération
« Mon Journal Offert »
.............................................................................
89
C - Les effets insuffisants des aides à la diffusion
....................................
91
D - Une crise de la presse aggravée
.........................................................
98
CHAPITRE III - DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU
REGARD DES ENJEUX
..............................................................
105
I
- La réforme inachevée de la gouvernance
...........................................
105
A - Une réforme tardive
.........................................................................
105
B - Des réalisations encore modestes à ce jour
.....................................
107
II
- Une redéfinition encore limitée de la stratégie d’intervention de l’État
...............................................................................................................
121
A - Les suites données par le ministère de la culture et de la
communication aux orientations suggérées par la Cour
.......................
122
B - Une première étape de réforme
.......................................................
123
CONCLUSION GÉNÉRALE
........................................................
135
ANNEXES
.....................................................................................
143
Avertissement
Par lettre du 21 novembre 2012, le président de la commission des
finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes d’effectuer une
enquête sur les aides à la presse, sur le fondement de l’article 58-2° de la
loi organique du 1
er
août 2001 relative aux lois de finances.
Par lettre du 14 janvier 2013 le Premier président de la Cour des
comptes a donné son accord. À la suite d’une réunion de travail tenue le
30 janvier 2013 avec M. Philippe Marini, président de la commission, et
M. Claude Belot, rapporteur spécial, une seconde lettre du 7 février 2013
du Premier président a précisé le périmètre et les objectifs de cette
enquête ainsi que la date de remise du rapport au plus tard le
31 août 2013. Ces trois lettres figurent en annexe au présent rapport.
Le président de la troisième chambre a notifié le contrôle le
20 février 2013 à la directrice générale des médias et des industries
culturelles (DGMIC), au directeur du budget (DB), au directeur général
du Trésor, au directeur général des finances publiques (DGFIP), à la
directrice de la législation fiscale (DLF), ainsi qu’au président de la
commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP).
L’instruction a abouti le 5 juin 2013 à l’envoi d’un relevé
d’observations provisoires, ou d'extraits, aux responsables précités ainsi
qu'au président directeur général de l’Agence France-Presse, à la
présidente de la société Presstalis et au président directeur général de La
Poste.
La contradiction écrite a été complétée par des auditions qui se
sont déroulées au cours de la seconde quinzaine du mois de juin 2013. La
liste des personnes auditionnées figure en annexe au présent rapport.
Le présent rapport, qui constitue la synthèse définitive de l'enquête
effectuée par la Cour, a été délibéré, le 11 juillet 2013, par la troisième
chambre, présidée par M. Lefas, président de chambre, et composée
de
MM. Gautier, Phéline, Barbé, Tournier, Frentz, Saudubray, conseillers
maîtres, et M. Marland, conseiller maître en service extraordinaire, ainsi
que, en tant que rapporteurs, MM. Duboscq et Montarnal, conseillers
référendaires, et, en tant que contre-rapporteur, M. Tournier, conseiller
maître.
Il a ensuite été examiné et approuvé le 26 juillet 2013 par le comité
du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de
6
COUR DES COMPTES
MM. Migaud, Premier président, Bayle, Bertrand, rapporteur général du
comité, Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman, Levy, Lefas, Briet, et
Mme Ratte, présidents de chambre, et M. Johanet, procureur général,
entendu en ses avis.
Résumé
La Cour a publié dans son rapport public annuel pour 2013 un
chapitre relatif au plan d'aide en faveur de la presse écrite qui a été mené
de 2009 à 2011. En vue d'élargir cette analyse et de faire le point sur les
mesures de réforme amorcées depuis lors par le Gouvernement, elle a
conduit à la demande de la commission des finances du Sénat la présente
enquête qui a abouti aux analyses suivantes.
La presse constitue un secteur économique qui est fortement soutenu
par l’État et qui donc en dépend largement.
Ce soutien ancien, qui s’est renforcé au cours de la dernière
décennie, aboutit à une politique complexe aux objectifs multiples qui
mobilisent des aides directes et indirectes. Cette accumulation d’aides
hétérogènes s’est accentuée depuis les états généraux de la presse écrite
de 2008, avec la mise en oeuvre d’un plan d’aide à la presse sur la période
2009-2011 qui a conduit à un doublement des dépenses budgétaires
(324 M€ en 2009 contre 165 M€ en 2008 en dépenses sur le programme
« Presse » hors abonnements de l’État à l’Agence France-Presse).
Les aides à la presse ont induit une dépendance pour les éditeurs de
presse mais également pour l’ensemble des acteurs chargés de la
distribution et de la diffusion des journaux. La fin du plan d’aide 2009-
2011 n’a pas entraîné un retour à la situation antérieure des dépenses de
l’État en faveur de la presse. Au regard des objectifs actuels de maîtrise
des finances publiques, ce constat appelle un réexamen approfondi de
l’efficacité et de l’efficience des multiples dispositifs de soutien.
Pour coûteuses qu’elles soient, les aides à la presse n’ont pas
démontré leur efficacité.
De nombreux facteurs contribuent à expliquer ces résultats
décevants par rapport aux objectifs poursuivis et aux moyens engagés.
Les soutiens simultanés au transport postal et au portage ont eu des effets
contradictoires. D’autres aides ont fait l’objet de chiffrages initiaux
défectueux et ont ainsi conduit à des effets d’aubaine. A ce titre, peuvent
être citées les aides aux quotidiens nationaux à faibles ressources
publicitaires et les aides à la modernisation sociale. Les aides à la
diffusion n’ont pas suffisamment incité les entreprises à opérer des choix
économiques rationnels qui auraient notamment permis de mutualiser
leurs réseaux. Par ailleurs, le ciblage des aides sur la presse d’information
8
COUR DES COMPTES
politique et générale reste encore insuffisant, en particulier en matière de
soutien au transport postal.
Enfin, certaines aides ont abouti à des résultats incertains. C’est le
cas des aides à la modernisation qui paraissent avoir insuffisamment
incité
les
entreprises
à
engager
leurs
nécessaires
mutations
technologiques dans un contexte général marqué par le développement de
la presse sur support numérique. En tout état de cause et comme en
témoigne la décroissance du tirage et de la diffusion, la crise de la presse
persiste et s’accroît, en dépit des moyens importants engagés par l’État.
Les initiatives récentes prises pour réformer la gouvernance des aides
à la presse restent insuffisantes au regard des enjeux.
Le décret du 13 avril 2012 est intervenu à l'issue du plan d’aide à
la presse 2009-2011. Il a renforcé le pilotage de l’État, accru la
transparence sur le montant des aides allouées et mis en place des
démarches de contractualisation avec les bénéficiaires. Ces démarches
restent cependant inabouties et des lacunes persistent dans le domaine du
contrôle et de l’évaluation des aides allouées.
Une nouvelle étape a été franchie au début de l’année 2013 dans le
cadre des propositions du groupe de réflexion sur la refondation des aides
à la presse et ses recommandations allaient dans le même sens que celles
formulées par la Cour dans le chapitre de son rapport public annuel pour
2013 relatif au bilan du plan d’aide à la presse écrite 2009-2011.
Ces préconisations et les quatre axes de réforme des aides à la
presse que la ministre de la culture et de la communication a présentés en
conseil des ministres le 10 juillet 2013 procèdent d’une volonté affirmée
de mieux ajuster les dispositifs existants. Elles visent notamment à
recentrer les aides à la modernisation sur les projets les plus innovants des
entreprises, à engager une remise en cohérence des aides à la diffusion et
à renforcer le ciblage de l’aide au transport postal. Il n’en demeure pas
moins opportun de conduire une réflexion de plus long terme sur les
fondements et l’économie générale de la politique publique, dans le but
de simplifier et de rendre plus efficaces les dispositifs d’aide, mais aussi
de garantir un niveau de dépenses compatible avec la trajectoire générale
des finances publiques.
Principales orientations et
recommandations
Au terme de son diagnostic qui met, à la fois, en lumière les
faiblesses du pilotage et de l’impact des aides à la presse, la Cour
préconise un ensemble de mesures qui pourraient être mises en oeuvre en
deux temps, à court terme et dans un délai de trois à cinq ans.
À court terme, la mise en oeuvre des recommandations suivantes
permettrait d’améliorer les dispositifs existants :
S'agissant des aides indirectes :
1.
estimer le coût de l’exonération de la contribution économique
territoriale (CET) en faveur des entreprises de presse, compte tenu
des incertitudes existantes et afin d’être en mesure de valoriser de
manière exhaustive les aides publiques au secteur de la presse écrite ;
2.
évaluer la pertinence des deux mesures fiscales relatives aux
investissements dans les entreprises de presse (le régime des
provisions de presse et la réduction d’impôt pour les sociétés qui
souscrivent au capital des sociétés de presse) et les supprimer si leur
efficacité
n’est
pas
démontrée
au
regard
de
l’objectif
de
développement
des investissements dans les entreprises de presse ;
3.
réexaminer les justifications du régime de l’abattement pour frais
professionnels des journalistes.
S'agissant des aides à la diffusion:
4.
privilégier à l’avenir en faveur du portage une aide au flux qui serait
limitée à la période nécessaire au décollage de cette activité ;
5.
encourager la transition du postage vers le portage par un
rééquilibrage des tarifs de ces deux modes de distribution, obtenu par
une baisse de l’aide au transport postal et la poursuite après 2015 de
la hausse des tarifs du transport postal ;
6.
mettre fin à la sous-budgétisation de la mesure d’exonération de
cotisations sociales dans le cadre du portage de la presse (actuelle
sous-action 1.4 du programme 180) en tenant compte du niveau des
dépenses réelles ;
10
COUR DES COMPTES
7.
réaliser une évaluation en vue de préparer la sortie des accords
tripartites relatifs au transport postal, sur :
le coût réel pour La Poste de la mission de service public
de transport de la presse et son financement par l’État, au
regard notamment des autres missions de service public
assurées par cette entreprise publique, et sur les marges de
productivité et économies attendues ;
l’écart subsistant à l’issue des augmentations annuelles
prévues par les accords tripartites de 2008 entre les tarifs
de service public applicables aux trois catégories de presse
(presse d’information politique et générale pour les titres
ayant de faibles ressources publicitaires ou de petites
annonces, autres titres d’information politique et générale
et titres non d’information politique et générale) et les
tarifs du service universel.
S'agissant de l'objectif de défense du pluralisme :
8.
mieux moduler le calcul de l’aide aux quotidiens nationaux
d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires
en fonction du pourcentage de recettes publicitaires et du nombre
d’exemplaires diffusés ;
9.
réaliser périodiquement, par exemple tous les trois ans, des études
permettant d’apprécier les niveaux de rentabilité respectifs des
différentes familles de presse, et en particulier de celles relevant de la
presse d’information politique et générale.
S'agissant de la gouvernance des aides :
10.
examiner l’utilité d’inclure des aides automatiques, octroyées au vu
de critères objectifs, telles que les aides au pluralisme et à la diffusion
dans le périmètre du fonds stratégique ;
11.
rendre public le montant annuel des aides accordées à chaque titre de
presse, en consolidant dans un même document l’ensemble des
financements alloués, qu’ils soient directs ou indirects, et en faisant
également apparaître le montant des aides par exemplaire ;
12.
approfondir la contractualisation avec les entreprises bénéficiant de
subventions, en élargissant leur périmètre à l’ensemble des aides
allouées et en renforçant l’expertise technique pour en déterminer le
contenu et en analyser l’exécution ;
13.
mettre en oeuvre des procédures effectives d’évaluation et de contrôle
et améliorer la cohérence du dispositif.
PRINCIPALES ORIENTATIONS ET RECOMMANDATIONS
11
S'agissant de l'Agence France-Presse :
14.
procéder, dans la perspective du prochain contrat d’objectifs et de
moyens et d’un avenant à la convention de 1958, à l’évaluation des
missions d’intérêt général, y compris au plan international, qui
doivent être compensées par une subvention pour charges de service
public, et au réexamen du nombre et de la nature des abonnements de
l’État à l’AFP sur la base d’une appréciation des besoins des services
bénéficiaires.
Dans une perspective de trois à cinq ans et dans la ligne des
décisions prises par le Gouvernement, la Cour formule les orientations
suivantes :
1. une rénovation approfondie des aides à la presse pourrait être
mise en oeuvre sur la base des deux principes suivants :
- simplifier les aides directes à la presse, le but étant de faciliter
leur pilotage mais également de concentrer leur impact dans deux
directions complémentaires : la presse d’information politique et générale
et la transition technologique de la filière ;
- supprimer toutes les aides fiscales dont la pertinence n’est pas
avérée ;
2. la mise en oeuvre de cette rénovation aboutirait à un schéma-
cible assorti d’une programmation budgétaire :
- s'agissant des aides indirectes, ce schéma comporterait le
maintien de la mesure d’exonération de contribution économique
territoriale (CET) et d'un taux du TVA préférentiel à 2,1 % pour la presse
sur support papier, ce taux étant également ouvert à la presse en ligne ;
- s’agissant des aides directes, ce schéma prévoirait un recentrage
de l'action du fonds stratégique pour le développement de la presse sur le
soutien aux projets de mutualisation des coûts et aux projets innovants
pour l'ensemble de la filière. Il prévoirait aussi la création d'un fonds de
soutien du pluralisme, exclusivement consacré à la presse d’information
politique et générale, le but étant de recentrer et de globaliser les aides en
faveur de cette famille de presse.
Introduction
Le secteur de la presse écrite regroupe environ 2 200 entreprises
qui emploient 80 000 salariés dont 25 000 journalistes, et qui éditent
environ 9 000 titres.
Ce secteur connaît une situation de crise qui se traduit par une
dégradation financière importante : son chiffre d’affaires global dépassait
les 10 Md€ en 2000 mais n'atteint plus aujourd'hui que 9 Md€. Cette
attrition financière s'explique par une diminution de la vente de journaux,
le nombre annuel d’exemplaires diffusés étant actuellement d'environ
cinq milliards alors qu'il s'élevait en moyenne à sept milliards au cours de
la décennie 1990, et des recettes publicitaires correspondantes. Ces
données préoccupantes reflètent les mutations qui affectent aujourd'hui le
domaine de l'information, confronté à une transition technologique
inédite
vers
le
multimédia
et
à
une
évolution
corollaire
des
comportements et des attentes des lecteurs.
Caractérisé par une faible capitalisation, le secteur de la presse
écrite fait généralement l’objet d’une analyse par famille de presse. Celle-
ci fait apparaître des enjeux très diversifiés, sinon hétérogènes, tant au
regard de la défense du pluralisme que de l’évolution des parts
respectives de marché :
- la presse nationale d’information politique et générale, avec une
subdivision entre les quotidiens et les autres publications (15 % du chiffre
d'affaires global du secteur en 2011) ;
- la presse locale et régionale d’information politique et générale,
avec la même subdivision (32 %) ;
- la presse d’information spécialisée grand public, qui comprend
l’essentiel des magazines (maison et décoration, sport, presse féminine et
masculine, science et technique, culture, etc.) (37 %) ;
- la presse d’information spécialisée technique et professionnelle
(9 %) ;
- la presse gratuite d’annonces (3 %) ;
- la presse gratuite d’information (4 %).
Le rapport est organisé en trois chapitres qui développent les
constats suivants :
1.
un secteur économique fortement aidé par l’État ;
14
COUR DES COMPTES
2.
une politique aux résultats peu probants ;
3.
la lente réforme des aides à la presse.
Chapitre I
Un secteur économique
fortement aidé par l’État
I
-
Une politique mal définie et complexe
La politique d’aide de l’État
1
à la presse écrite présente la
particularité de juxtaposer des aides indirectes, sous la forme de mesures
fiscales, et des aides directes, aux objectifs très variés. Elle repose sur un
ensemble complexe de dispositifs accumulés depuis plusieurs décennies.
Si les aides à la presse écrite sont fréquentes dans beaucoup de
pays, leur niveau est plus élevé en France que dans la plupart des pays de
taille comparable où le soutien à la presse se limite à des aides indirectes,
généralement un taux préférentiel de TVA.
A - Un périmètre difficile à établir
Alors qu’elle relevait auparavant des services du Premier ministre,
la politique d’aide à la presse est conduite depuis 2010 par le ministère de
la culture et de la communication. La direction générale des médias et des
industries culturelles (DGMIC) y gère l’essentiel des crédits budgétaires
qui lui sont consacrés.
1
La présente enquête de la Cour n’a pas examiné les éventuelles contributions
apportées par les collectivités territoriales au secteur de la presse écrite qui ne
faisaient pas partie de son champ.
16
COUR DES COMPTES
Les différents rapports qui se sont intéressés aux aides à la presse
écrite depuis une dizaine d’années se sont souvent heurtés à la difficulté
d’en définir le périmètre exact et, partant, d’en évaluer le coût. Les
documents budgétaires fournissent en effet des éléments utiles mais
insuffisants pour définir les contours de cette politique publique.
Un premier ensemble, aisément identifiable, est constitué par les
crédits du programme budgétaire 180 -
Presse
géré par le ministère de la
culture et de la communication. Dans la loi de finances initiale pour 2013,
ces crédits se sont élevés à 394,8 M€ en CP, répartis selon la présentation
budgétaire en trois catégories :
-
les aides à la diffusion : 308 M€ ;
-
les aides au pluralisme : 12 M€ ;
-
et les aides à la modernisation : 74,8 M€.
À ce premier ensemble, doivent être ajoutées :
-
les mesures prises en charge, intégralement ou en partie, sur d’autres
programmes budgétaires de l’État :
•
une partie de l’aide au transport postal qui, jusqu’en 2012
inclus, était financée pour un montant de 152,4 M€ en loi de
finances initiale pour 2012 sur le programme 134 -
Développement des entreprises et des services
géré par le
ministère chargé de l’industrie, l’autre partie relevant du
programme 180 -
Presse
. Recommandé par la Cour depuis
plusieurs années, le regroupement de l’ensemble de ces crédits
sur ce dernier programme a été opéré en loi de finances initiale
pour 2013, ce qui a contribué à améliorer la lisibilité
budgétaire ;
•
les crédits du plan
IMPRIME
en faveur de la modernisation
sociale du secteur de la presse, imputés sur le programme
103 -
Anticipation des mutations économiques et dévelop-
pement de l’emploi
géré par le ministère chargé du travail, soit
19,5 M€ ouverts en 2013.
-
les mesures fiscales portant sur des impôts d’État mentionnées pour
information dans les documents budgétaires du programme 180 -
Presse
, à savoir trois dispositifs parmi lesquels le taux « super
réduit » de TVA à 2,1 %, dont le coût global pour l’État s’élevait en
loi de finances pour 2013 à 270 M€ selon les documents budgétaires.
Cette évaluation présente toutefois des incertitudes liées au mode de
calcul retenu ;
-
les mesures fiscales portant sur des impôts locaux, soit deux mesures
portant sur l’ancienne taxe professionnelle devenue en 2010 la
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
17
contribution économique territoriale (CET), sachant qu’il n’existe
aucune évaluation récente du coût de la principale de ces deux
mesures, l’exonération de CET.
Au total, les aides publiques à la presse, précédemment
mentionnées et pour lesquelles une évaluation est donnée dans les
documents budgétaires, s’élèvent à 684,3 M€ en loi de finances initiale
pour 2013, ce qui représente de l’ordre de 7,5 % du chiffre d’affaires de
la presse écrite.
Enfin, selon l’acception plus ou moins large que l’on donne aux
aides à la presse écrite, deux autres formes d’aides peuvent également
être prises en compte :
-
la contribution de l’État à la mission de service public assurée par
l’Agence France-Presse (AFP), qui constitue actuellement une part
non encore isolée de l’enveloppe
relations financières avec l’Agence
France-Presse
retracée sur le programme 180 -
Presse
, action n° 1,
enveloppe figurant pour un montant de 119,6 M€ en loi de finances
initiale pour 2013 ;
-
la mesure fiscale d’abattement pour frais professionnels des
journalistes, assimilables à une aide de la presse, d’un coût de l’ordre
de 60 M€ (non retracée dans le fascicule d’évaluation des voies et
moyens) ;
-
un ensemble de mesures d’exonérations sociales (notamment,
abattement d’assiette sur les rémunérations des journalistes, taux
réduit de calcul de certaines cotisations sur la masse salariale des
journalistes), rarement prises en compte dans le chiffrage des aides à
la presse et dont le montant n’est pas évalué.
Le coût total de cette politique est donc élevé, même s’il est
difficile à déterminer précisément. Il dépend en effet du périmètre retenu,
plus ou moins large, des modalités d’évaluation de certains dispositifs,
principalement fiscaux.
18
COUR DES COMPTES
Les aides à la presse à l’étranger
Les comparaisons internationales réalisées au cours des dernières
années
2
font apparaître que tous les pays aident la presse, et plus largement
les médias.
Les données disponibles permettent d’identifier trois groupes de pays.
La Finlande, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont un modèle dual,
alliant un fort financement du service public audiovisuel avec de
considérables subventions indirectes pour la presse privée. La combinaison
d'une redevance élevée et de vastes exemptions de TVA pour une industrie de
la presse relativement importante explique que la valeur totale de l'aide
publique par habitant en Finlande dépasse de loin celle de n'importe quel
autre pays pris en compte dans les études. Ces trois pays ont les plus hauts
montants d'aide publique totale pour les médias, mesurés en euros par
habitant.
Caractérisés par les plus faibles taux de lecteurs de titres de presse
écrite en Europe, la France et l'Italie ont mis en place un modèle mixte
d'aides, combinant des niveaux faibles de financement pour les médias
audiovisuels de service public avec un mélange de formes directes et
indirectes de soutien aux médias du secteur privé (en France pour les
journaux, en Italie pour certains radiodiffuseurs locaux). Parmi les pays
étudiés, la France arrive au quatrième rang et l’Italie au cinquième pour ce
qui est du niveau total d'interventions, après la Finlande, l'Allemagne et le
Royaume-Uni. Concernant la France, ce classement serait certainement
différent si l’on prenait en compte la seule presse écrite, fortement aidée.
2
L’une porte principalement sur la santé du secteur et ses modes de distribution : « La
situation de la presse quotidienne dans quatre pays européens : Allemagne, Espagne,
Royaume-Uni et Suède » - inspection générale des finances (Mme Cécilia Berthaud et
M. Vincent Menuet) – Novembre 2008. L’autre est plus récente et porte plutôt sur les
politiques publiques : Public Support for the Media – A six country overview of
Direct and Indirect Subsidies / R.K. Nielsen with G. Linnebank – Reuters Institute for
the Study of Journalism, University of Oxford - August 2011; cette étude dépasse le
cadre des aides à la presse et s’intéresse plus généralement aux politiques d’aide aux
médias.
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
19
Enfin, les États-Unis constituent un cas à part, avec un modèle que
l’on pourrait qualifier de minimaliste, alliant de faibles niveaux de soutien
aux médias audiovisuels de service public et un faible niveau d'aides
indirectes à la presse privée.
Une analyse plus complète des aides à la presse à l’étranger, réalisée
par la DGMIC, est présentée en annexe n° 4.
B - Une pluralité d’objectifs
1 -
Le fondement traditionnel des aides à la presse : la
préservation du pluralisme
La politique d’aide à la presse trouve son fondement dans
l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un
des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler,
écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans
les cas déterminés par la loi. »
La jurisprudence du Conseil constitutionnel a reconnu à plusieurs
reprises le fondement constitutionnel de cette politique publique, et plus
particulièrement celui de l’objectif de préservation, et même de
développement, du pluralisme de la presse. En parallèle, la liberté
d’expression ou de communication, dans l’acception retenue par le
Conseil constitutionnel, recouvre non seulement la liberté des journalistes
ou de ceux qui possèdent ou contrôlent des publications, mais aussi celle
des lecteurs
.
C’est sur le fondement de ces principes qu’ont été conçues, dès la
Révolution française, les premières mesures d’aide à la presse. Le
dispositif actuel de soutien à la presse comprend des aides historiques -
l’aide au transport postal, le taux préférentiel de TVA et l’aide au
transport par la SNCF – qui existaient déjà, sous des formes sensiblement
différentes, au milieu du siècle dernier.
Ce même fondement explique l’apparition dans les années 1980
d’une autre forme de soutien : les
aides ciblées
. Elles concernent la presse
d’information politique et générale (IPG) considérée comme prioritaire au
regard de l’objectif de préservation du pluralisme. Deux aides destinées,
d’une part, aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires et,
d’autre part, aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux à faible
ressource de petites annonces, ont été respectivement créées en 1986 et en
1989. Elles ont constitué l'amorce du recentrage des aides sur la presse
d’information politique et générale. Cette politique s’est poursuivie avec
20
COUR DES COMPTES
la création en 1993 d’une aide exceptionnelle pour les quotidiens
d’information politique et générale puis, en 1997, avec l’instauration d’un
ciblage de l’aide au transport postal sur ces mêmes titres.
« Conforter les conditions du pluralisme et de la diversité de la
presse » reste l’un des objectifs stratégiques de la politique conduite par
le ministère de la culture et de la communication.
2 -
La diversification des objectifs et des modes d’intervention
Les aides à la presse répondent à deux autres objectifs stratégiques
mentionnés dans les documents budgétaires annuels : soutenir le
développement économique de la presse écrite et favoriser sa
modernisation.
Ces objectifs prennent une importance nouvelle dans un contexte
de crise de la presse écrite qui se caractérise par la chute des ventes,
l’irruption des technologies numériques et par l’évolution des pratiques et
des attentes des lecteurs.
Ces changements ont conduit l’État, au tournant des années 2000, à
compléter ses modes d’intervention avec l’apparition et le développement
d’aides aux projets, qui répondent principalement à la volonté d’aider le
secteur à opérer sa mutation et à retrouver un équilibre économique. Ces
aides ont été gérées, dès l’origine, dans le cadre de fonds : le fonds d’aide
à la modernisation de la presse (FDM) créé en 1999, le fonds presse-
multimédia, puis le fonds d’aide au développement des services en ligne
des entreprises de presse (SPEL) créé en 2004, l’aide aux diffuseurs de
presse en 2004, l’aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne
en 2004, l’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à
l’étranger, également en 2004.
La diversification des objectifs et modalités d’intervention de
l’État a conduit à une accumulation de dispositifs de soutien, en
particulier au cours de la décennie 2000, les suppressions étant beaucoup
plus rares que les créations, et par une complexité croissante de cette
politique publique. Le plan exceptionnel de soutien mis en oeuvre de 2009
à 2011 n’a pas, bien au contraire, contribué à simplifier ce panorama.
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
21
C - Un ensemble d’aides indirectes anciennes
Si l’existence d’un taux préférentiel de TVA constitue, en France
comme à l’étranger, le socle de la politique d’aide à la presse, celle-ci est
complétée par diverses autres mesures fiscales, le plus souvent anciennes,
reconduites sans véritable examen de leur pertinence et dont le coût est
souvent mal identifié.
1 -
Une mesure générale : le taux « super réduit » de TVA
à 2,1 %
a)
Une aide historique, socle des aides à la presse en France comme
dans la plupart des pays comparables
Le taux préférentiel de TVA constitue une aide à la presse
ancienne, puisqu’une loi du 31 juillet 1920 exemptait alors de la taxe sur
le chiffre d’affaires (ancêtre de la TVA) les entreprises de journaux sous
certaines conditions. Ce régime a été maintenu avec la création de la TVA
en 1954 et même étendu aux ventes de publications périodiques et aux
agences de presse, ainsi qu’aux fournisseurs des entreprises de presse.
Alors que la loi du 29 décembre 1976 relative au régime fiscal de
la presse avait mis fin à ces exonérations et introduit un taux de TVA
différencié, de 2,1 % pour les quotidiens et publications assimilées et de
4 % pour les autres publications agréées, une loi du 27 décembre 1977 est
venue peu après étendre le bénéfice du taux de 2,1 % aux hebdomadaires
politiques nationaux et la loi de finances pour 1989 à l’ensemble des
publications agréées.
Depuis lors, le taux de 2,1 % s’applique aux ventes, commissions
et courtage concernant les publications de presse, au moins trimestrielles,
payantes et imprimées. Certaines publications gratuites (publications
politiques, syndicales, mutualistes, associatives, scolaires ou relatives aux
anciens combattants) bénéficient également de ce régime.
Ce taux, particulièrement favorable, est limité à quelques produits
et services comme les médicaments remboursables par la sécurité sociale.
Dans le secteur culturel, si la billetterie des 140 premières représentations
théâtrales d'oeuvres, dans certaines conditions, bénéficie aussi du taux à
2,1 %, le livre est soumis au taux de 5,5 % et le disque au taux de 19,6 %.
En revanche, la presse en ligne, apparue ces dernières années, ne
bénéficie pas de ce régime « historique » favorable et est donc assujettie
22
COUR DES COMPTES
au taux « normal » de 19,6 %
3
. Il en est de même des recettes de publicité
des titres de presse, qu’il s’agisse de la presse écrite traditionnelle ou de
la presse en ligne. Enfin, les agences de presse sont assujetties à un taux
différent, le taux réduit de 5,5 %.
L’existence de taux de TVA préférentiels n’est pas une
spécificité
française. Elle constitue au contraire la forme d’aide à la presse la plus
répandue à l’étranger. Elle est, dans la plupart des États membres de
l’Union européenne, l’un des instruments d’aide à la presse, voire le seul.
Une analyse comparative réalisée par la direction générale des médias et
des industries culturelles montre que, pour les quotidiens, le taux de TVA
varie de 0 % à 8 % dans la plupart des pays.
Le constat est très proche
pour les périodiques. On peut donc considérer que le taux préférentiel de
TVA, voire l’absence de taxation, constitue le socle de la plupart des
politiques d’aide à la presse, complété ou non, et à des degrés divers, par
d’autres aides indirectes ou directes.
b)
Une aide indirecte à la presse
La prise en compte du taux « super réduit » de TVA au titre des
aides à la presse est généralement contestée par les professionnels du
secteur, notamment les éditeurs de presse, bien que cette mesure soit
mentionnée chaque année dans les documents budgétaires relatifs au
programme 180 « Presse ». Ils estiment qu’il ne s’agit pas d’une aide à la
presse mais d’une aide aux lecteurs.
S’il est exact que les éditeurs de presse ne sont pas les bénéficiaires
directs de cette mesure, la TVA étant de fait répercutée sur les acheteurs
de la presse, cette mesure n’en demeure pas moins un levier majeur dont
dispose l’État pour contribuer au développement de la diffusion de la
presse en abaissant le coût final de la presse pour les lecteurs. Il n’est
donc pas illégitime de considérer cette mesure comme un soutien indirect
au secteur de la presse.
c)
Une mesure ouverte à un nombre élevé de titres
Le bénéfice du taux de TVA à 2,1 % est lié à l’octroi d’un
agrément par une commission administrative, la commission paritaire des
publications et agences de presse (CPPAP), qui constitue le point d’entrée
dans ce qui est communément appelé le « régime économique général de
la presse », défini dans des termes comparables par le code général des
impôts et par le code des postes et des communications électroniques. Ce
3
La question de l’alignement du taux de TVA applicable à la presse en ligne sur celui
applicable au reste de la presse est examinée dans le chapitre II.
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
23
régime ouvre droit à un certain nombre d’aides dont la principale, outre le
taux « super réduit » de TVA, est l’aide au transport postal.
Rôle de la commission paritaire des publications et des agences de
presse
La commission paritaire des publications et des agences de presse
(CPPAP) est régie par le décret n° 97-1065 modifié du 20 novembre 1997.
Dans le domaine des publications imprimées, elle est chargée, en qualité
d’organisme paritaire consultatif :
-
de donner un avis sur l’application aux journaux et écrits périodiques des
textes législatifs ou réglementaires prévoyant des allègements en faveur
de la presse en matière de taxes fiscales et de tarifs postaux ;
-
de faire des propositions pour l’inscription sur la liste des organismes
constituant des agences de presse ;
-
de la reconnaissance des services de presse en ligne depuis 2009.
Les conditions légales d’octroi de cet agrément sont assez peu
restrictives de sorte que de nombreux titres de presse l’obtiennent. En juin
2012, 8 799 publications
4
étaient enregistrées auprès de la commission
paritaire des publications et des agences de presse, dont 5 093
publications émanent de sociétés éditrices de presse. Le taux préférentiel
de TVA est donc une mesure de portée générale en faveur du secteur de
la presse.
d)
Un coût élevé, au montant affiché variable selon les modalités
d’évaluation
S’agissant du programme 180 -
Presse
comme des autres
programmes du budget général de l’État, les documents budgétaires
proposent une présentation assez sommaire du coût des mesures fiscales.
Elle se résume en un tableau, dans les projets annuels de performances
(PAP) et les rapports annuels de performances (RAP), indiquant le
nombre approximatif de bénéficiaires et le coût prévisionnel ou effectif
de la mesure pour l’État. Le PAP 2013 mentionne 1 800 entreprises
bénéficiaires en 2011.
Le coût de cette mesure fiscale est traditionnellement évalué par
l’État en comparant l'imposition des publications de presse au taux
de 2,1 % à un assujettissement au taux « réduit » de TVA (actuellement
à 5,5 %). On peut constater une stabilité du coût de la mesure entre 2001
et 2011 à un niveau compris entre 190 et 205 M€, qui en fait le dispositif
d’aide à la presse le plus coûteux après l’aide au transport postal.
4
Source : direction générale des médias et des industries culturelles.
24
COUR DES COMPTES
Les caractéristiques mêmes de ce mode d’évaluation expliquent
certaines variations récentes du coût estimé de la mesure dans les
documents budgétaires. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2012,
l’augmentation du taux « réduit » à 7 % s’était traduite par une
augmentation mécanique de de ce coût à 265 M€. La perspective de
ramener ce taux à 5 % conduira pour 2014 à une évaluation plus basse,
que la direction de la législation fiscale (DLF) estime à 160 M€.
Si les documents budgétaires ont fait le choix d’un rapprochement
avec le taux réduit de TVA, une autre présentation du coût annuel de cette
mesure aurait pu amener à mesurer le manque à gagner pour l’État par
rapport au taux « normal » à 19,6 % ; celui-ci serait alors beaucoup plus
élevé, de l’ordre d’1 Md€.
2 -
Une exonération de contribution économique territoriale au
coût indéterminé
a)
Une mesure ancienne reconduite en 2010
Cette mesure régie par l’article 1458 du code général des impôts,
prévoit l’exonération de contribution économique territoriale (CET) pour
toutes les publications de presse, les sociétés coopératives de messageries
de presse et les sociétés dont le capital est détenu majoritairement par des
sociétés coopératives de messageries de presse qui leur confient
l'exécution d'opérations de groupage et de distribution, les agences de
presse ainsi que, depuis le 1
er
janvier 1995, les correspondants locaux de
presse régionale ou départementale. Les services de presse en ligne
reconnus par la commission paritaire des publications et des agences de
presse sont également exonérés de CET.
Si la CET n’est en vigueur que depuis le 1
er
janvier 2010, cette
mesure
d’exonération
est
très
ancienne
puisqu’elle
s’appliquait
auparavant aux régimes de la taxe professionnelle et de la patente. Elle a
été reconduite, de même que les exonérations applicables à d’autres
secteurs professionnels, sans réexamen particulier de sa pertinence.
Cette mesure est complétée par une autre mesure portant sur la
CET : un abattement sur la base imposable à la « cotisation foncière des
entreprises » des diffuseurs de presse (art. 1469 A quater du code général
des impôts). Son coût annuel, inférieur à 1 M€, selon les estimations de la
direction générale des finances publiques (DGFiP), est donc marginal par
rapport à la mesure d’exonération.
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
25
b)
L’absence
de chiffrage de l’exonération de CET
Le ministère de la culture et de la communication ne possède
aucune information récente sur le coût de la mesure d’exonération, de
même que la DGFiP, qui expliquait en 2012, en
réponse à une demande
de la Cour, que : « les activités bénéficiant des dispositifs codifiés aux
articles 1458 et 1586 ter du CGI étant totalement exonérées de CET, la
DGFiP confirme qu’elle ne dispose d’aucune information sur les bases
qui auraient pu être imposées. »
A défaut d’une estimation récente, les tentatives d’approche du
coût de cette mesure à partir de données plus anciennes sont peu
concluantes. Celles qui ont été réalisées à partir de données de 2003
fournies par le ministère chargé des finances à la commission de réforme
de la taxe professionnelle (régime antérieur à celui de la CET) ne peuvent
conduire à un chiffrage fiable. Pour sa part, la mission sur l’efficacité des
aides à la presse (décembre 2009), de MM. Mettling et Lubek de
l’inspection générale des finances, expliquait qu’elle n’avait pu obtenir
d’informations précises sur l’exonération de taxe professionnelle ; elle se
bornait à se référer à une évaluation de 200 M€ précédemment publiée
dont la source n’a pu être retrouvée.
Il paraît donc nécessaire de disposer rapidement, à défaut d’une
estimation précise, d’un ordre de grandeur du coût de cette mesure
d’exonération et des modalités de sa prise en charge.
3 -
Un abattement fiscal aux justifications incertaines bénéficiant
aux journalistes et aux entreprises de presse
a)
Une mesure ancienne réformée en 1998 et reconduite depuis lors
L’abattement pour frais professionnels dont bénéficient les
journalistes est également une mesure ancienne qui trouve son origine
dans les années 1930. Ceux-ci faisaient partie d’une liste de 110
professions ayant des frais professionnels importants justifiant alors un
abattement supplémentaire de 30 % de leur impôt sur le revenu. Après
avoir été supprimé en 1996 pour toutes les professions concernées, des
négociations avec la profession de journaliste ont conduit en 1998 à
l’adoption d’un nouveau dispositif prévoyant un abattement non plus
proportionnel aux revenus mais d’un montant fixe (50 000 F, soit
7 650 €), qui n’a pas été revalorisé depuis lors.
La mesure actuelle est prévue par la loi de finances rectificative
pour 1998 (loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998) et précisée par une
instruction du 24 juin 1999. La rémunération des journalistes, rédacteurs,
26
COUR DES COMPTES
photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux
est considérée, à concurrence de 7 650 €, comme représentative d'une
allocation pour frais d'emploi utilisée conformément à son objet et, à ce
titre, exonérée de plein droit d'impôt sur le revenu. Cette somme peut
donc être déduite des revenus déclarés.
Contrairement à la déduction de droit commun des frais
professionnels réels à hauteur de 30 %, l’abattement s'applique de plein
droit, sans que les intéressés soient tenus de justifier de l'affectation
effective de leur rémunération au paiement de frais professionnels à due
concurrence. Elle n’est donc pas susceptible de faire l'objet d'un contrôle
de la part de l'administration fiscale. Elle se cumule avec la déduction
forfaitaire de droit commun de 10 % qui couvre les dépenses
professionnelles courantes des salariés.
Sur la base du salaire mensuel moyen brut des journalistes
5
de
3 775 € pour les journalistes en contrat à durée indéterminée (CDI) et de
2 280 € pour les pigistes, l’avantage fiscal selon les barèmes de l’impôt
pour 2013 peut être estimé à
6
:
-
1 850 € pour un journaliste en CDI célibataire sans enfant ;
-
1 000 € pour un journaliste en CDI célibataire avec deux enfants à
charge ;
-
1 250 € pour un journaliste pigiste célibataire sans enfant ;
-
130 € pour un journaliste pigiste célibataire avec deux enfants à
charge.
b)
Des justifications incertaines
Trois arguments sont traditionnellement avancés pour justifier la
mesure :
-
le faible niveau de remboursement des frais professionnels par les
entreprises de presse ;
-
la volonté de protéger les sources des journalistes, la confidentialité
de celles-ci ne leur permettant pas d’exercer aisément l’option pour le
régime de déduction des frais professionnels réels et justifiés ;
-
la faiblesse de la rémunération des journalistes compte tenu de leur
niveau d’études.
5
Source : Observatoire des métiers de la presse,
Observatoire des métiers de
l’audiovisuel et AFDAS « Les journalistes encartés en 2011 ».
6
Sur la base du salaire moyen brut multiplié par 12 mois avec application de la
déduction de droit commun de 10 %.
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
27
En ce qui concerne le premier argument, il n’a pu être conduit
d’analyse particulière auprès de la profession dans le cadre de la présente
enquête. Néanmoins, il est peu probable que les pratiques qui avaient
cours il y a encore quelques décennies en matière de remboursement des
frais professionnels par les entreprises de presse soient encore
d’application générale de nos jours.
Le deuxième argument, avancé par l’administration, suppose que
les frais imputables à l’activation des sources soient systématiquement
pris en charge par les journalistes et non par les entreprises de presse, et
qu’il en aille ainsi pour les quelque 37 000 journalistes, tous médias
confondus (25 000 pour la presse écrite), ce qui apparaît également peu
probable. En tout état de cause, le coût global de la mesure apparaît
disproportionné par rapport à cet objectif particulier.
S’agissant du troisième argument, même si les données portant sur
les journalistes titulaires de la carte professionnelle font apparaître une
rémunération moyenne et médiane assez variable selon leur statut, en
contrat à durée indéterminée (CDI), pigiste ou en contrat à durée
déterminée (CDD), ces rémunérations paraissent, toutefois, assez proches
des salaires moyens mensuels en 2010 de l’ensemble des salariés selon
les statistiques de l’INSEE et déclarations annuelles de données sociales
(DADS).
Tableau n° 1 : rémunération mensuelle des journalistes de la
presse écrite en 2011
CDI
Pigistes
CDD
Moyenne
Médiane
Moyenne
Médiane
Moyenne
Médiane
Rémunération
en €
3 775
3 348
2 179
1 853
2 446
2 200
Source : « Les journalistes encartés en 2011 »
Par ailleurs, les rémunérations de la profession
7
n’ont pas connu de
dégradation notable en euros constants sur la période 2000-2011 :
-
pour les journalistes en contrat à durée indéterminée (environ 74 %
des journalistes en 2011), la rémunération a progressé de 27,5 % en
euros courants et de 5,3 % en euros constants ;
7
À partir des données publiées dans « Les journalistes encartés en 2011 » - Étude
statistiques des données fournies par la commission de la carte d’identité des
journalistes professionnels – Observatoire des métiers de la presse, Observatoire des
métiers de l’audiovisuel et AFDAS.
28
COUR DES COMPTES
-
pour les journalistes pigistes (environ 16,5 % des journalistes en
2011), la rémunération a progressé de 21,3 % en euros courants et est
stable en euros constants.
Si la profession de journaliste ne semble donc pas, en moyenne,
défavorisée d’un point de vue salarial, la situation des journalistes pigistes
ou en contrat à durée déterminée, en particulier des jeunes journalistes,
pourrait conduire à nuancer sensiblement ce constat. On observe en outre
une forte dispersion des salaires, chez les journalistes (tous médias
confondus) en contrat à durée indéterminée mais aussi chez les pigistes,
comme le montrent les deux graphiques suivants.
Graphique n° 1 : répartition des journalistes en CDI selon le
salaire mensuel brut moyen en 2011 (en %)
Graphique n° 2 : répartition des journalistes pigistes selon les
revenus mensuels moyens en 2011 (en %)
Source : « Les journalistes encartés en 2011 »
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
29
D’une manière générale, le principe même d’une compensation par
l’État d’éventuelles lacunes en matière de remboursements de frais
professionnels ou d’un niveau jugé insuffisant de rémunération au sein
d’un secteur professionnel peut prêter à discussion. Des disparités
analogues sont susceptibles de se rencontrer dans beaucoup d’autres
secteurs professionnels.
Ne faisant pas l’objet d’une modulation en fonction du niveau de
rémunération, la mesure fiscale concernée apparaît aussi discutable du
point de vue de l’égalité des contribuables devant l’impôt.
Dans les faits, il s’agit aussi d’un soutien indirect au secteur de la
presse, et plus particulièrement aux éditeurs de presse, dès lors que la
mesure tend à réduire la pression sur les salaires dont ils sont susceptibles
de faire l’objet de la part de leurs employés.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances initiale pour
2013 au Sénat, le ministre délégué au budget confirmait cette analyse à
l’occasion de l’examen d’amendements tendant à réduire cet avantage
fiscal : « En apparence, [cette mesure] vise à avantager une profession.
En réalité, son objectif est d’aider les entreprises de presse, entreprises
industrielles
qui
rencontrent,
on
le
sait,
d’extraordinaires
difficultés […] ».
c)
Un coût estimé à 60 M€
Le coût de cette mesure n’est pas mentionné dans les documents
budgétaires annuels et ne fait pas l’objet d’une mention dans le fascicule
« Évaluation des voies et moyens, tome II dépenses fiscales » des projets
de lois de finances initiales, s’agissant d’une simple modalité de calcul de
l’impôt. Il n’est pas non plus mentionné comme une aide à la presse dans
le projet annuel de performances du programme 180 -
Presse
, étant
considéré par l’administration comme une mesure concernant les
journalistes en tant que contribuables et non comme une aide à la presse
destinée à soutenir les entreprises de presse. Dans le cas contraire, il
conviendrait de l’y faire figurer sur la base d’une estimation précise de la
dépense fiscale qui fait défaut aujourd’hui.
La direction de la législation fiscale (DLF), saisie en mars 2013 par
la direction générale des médias et des industries culturelles dans le cadre
de la réflexion sur la refondation des aides à la presse, indique qu’elle
« ne dispose pas directement de données spécifiques permettant d’isoler
le coût de ce régime fiscal. En effet, les contribuables concernés doivent
déclarer un revenu imposable diminué du montant forfaitaire autorisé. »
30
COUR DES COMPTES
Elle présente néanmoins, dans ce même courrier, un ordre de
grandeur du coût de cette mesure qu’elle estime à environ 60 M€ en
tenant compte du montant à soustraire au revenu (7 650 €) et du nombre
de journalistes (de l’ordre de 37 000 possesseurs de la carte de presse) et
des caractéristiques générales de la profession de journaliste
8
.
En tant que mesure d’aide à la presse
9
, il serait préférable de
recourir aux dispositifs d’aide à la presse existants plutôt qu’à un
abattement sur l’impôt sur le revenu. En tout état de cause, ces
interrogations plaident en faveur d’un réexamen des motifs qui sous-
tendent la pérennisation éventuelle de cette mesure fiscale.
4 -
Deux mesures fiscales en faveur de l’investissement dans les
entreprises de presse à l’efficacité non avérée
a)
Le problème récurrent de la sous-capitalisation des éditeurs de la
presse française
Par rapport à d’autres pays comparables, la presse quotidienne
française se caractérise par une absence de structuration capitalistique
autour de grands groupes investis dans le domaine des multimédias. Cette
situation peut s’expliquer par la crainte qu’ont eue les pouvoirs publics de
voir se développer des pratiques contraires au pluralisme, et qui les a
conduits à ajouter aux règles de droit commun un régime spécifique de
limitation de la concentration
10
. De fait, si la presse régionale concentre
8
La direction de la législation fiscale relève, sur la base des données de la
commission de la carte d'identité des journalistes professionnels (CCIJP) pour 2011
(« les journalistes encartés en 2011 »), que la proportion des journalistes pigistes et en
contrat à durée déterminée s’élève à environ 20 %, que la part des hauts salaires
(revenus bruts moyens supérieurs à 6 000 €) est d’environ 6 % et que celle des très
hauts salaires (revenus bruts moyens supérieurs à 10 000 €) d’environ 10 %. Elle fait
l’hypothèse qu’une moitié de la population des journalistes se voit appliquer un taux
marginal d’imposition de 14 % et l’autre de 30 %.
9
En ce cas, elle doit être rapprochée des mesures d’exonération sociale (abattement
sur l’assiette de la rémunération des journalistes dans la même limite que l’abattement
fiscal, taux réduit de calcul de certaines cotisations assises sur la masse salariale des
journalistes). Ces mesures sont mentionnées dans l’annexe au projet de loi de
financement de la sécurité sociale mais ne sont pas individualisées. Elles ne sont pas
compensées par l’État mais constituent clairement des aides aux entreprises de presse.
10
Le régime spécifique a été instauré par la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant
réforme du régime juridique de la presse et par la loi n° 86-1067 du 30 septembre
1986 relative à la liberté de la communication, chacune d’entre elles fixant des règles
restrictives. Il interdit ainsi aux personnes visées de posséder, de contrôler ou d’éditer
en location-gérance des quotidiens d’information politique et générale dont la
diffusion totale serait supérieure à 30 % de la diffusion en France de l’ensemble des
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
31
progressivement autour de quelques groupes, ceux-ci sont, à ce jour, loin
d’atteindre le seuil de 30 % fixé par la loi. Les titres de la presse
quotidienne nationale, pour leur part, n’appartiennent à aucun groupe de
presse ou multimédias majeur au plan européen ou international.
En termes économiques, la trop faible capitalisation des entreprises
de presse françaises limite leur capacité de financer en propre leurs
investissements. Cette situation affecte tout particulièrement la presse
quotidienne qui doit faire face à une très forte mutation technologique,
alors même que sa rentabilité est inférieure à celle de la presse magazine
ou à celle d’autres médias.
b)
Un nombre limité de bénéficiaires
Deux mesures fiscales rattachées au programme 180 -
Presse
dans
les documents budgétaires annuels ont pour objet de répondre à cette
faiblesse traditionnelle de la presse française :
-
le régime des provisions pour les entreprises de presse, qui a déjà
été prorogé à plusieurs reprises ;
-
une réduction d’impôt en faveur des entreprises soumises à l’impôt
sur les sociétés qui souscrivent au capital de sociétés de presse.
Ces deux mesures représentent des coûts budgétaires modestes,
inférieurs à 1 M€ chacune, liés au nombre limité de bénéficiaires : en
2011 (selon le PAP 2013), on ne dénombrait respectivement que 76 et 50
bénéficiaires.
c)
Une efficacité discutée
Au regard de leur coût budgétaire et du nombre réduit de
bénéficiaires, l’utilité de ces mesures pose question. La direction générale
des médias et des industries culturelles, interrogée par la Cour dans le
cadre de la préparation de la note d’analyse de l’exécution budgétaire
2012 relative à la mission
Médias, livre et industries culturelles
, estime
néanmoins qu’il s’agit de « dispositifs peu coûteux et qui jouent un rôle
incitatif à l’investissement » et conclut qu’il paraît « prématuré de se
prononcer sur le devenir de ces outils avant que le groupe de travail de
réforme des aides à la presse ne remette ses conclusions à la ministre ».
Au cours de la contradiction avec la Cour, la direction de la
législation fiscale a relevé que ce dispositif a déjà été jugé inutile (note
publications de cette nature. Il interdit aussi aux entreprises du secteur de se trouver
dans plus de deux des trois situations qu’il énumère, cette règle s'appliquant à la fois
au plan national et au plan local.
32
COUR DES COMPTES
zéro) par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches
sociales de juin 2011 et présente plusieurs défauts :
-
il est peu utilisé en raison de son ciblage sur un nombre limité
d’entreprises ;
-
il est peu incitatif ;
-
il engendre des effets d’aubaine.
Si le faible niveau des capitaux propres de la presse française, en
particulier de la presse quotidienne nationale, est un réel handicap, les
mesures fiscales spécifiques existantes ne paraissent pas en mesure de
contribuer efficacement à la résolution de ce problème récurrent. Dans le
cadre de la politique de réduction des niches fiscales, leur maintien
n’apparaît pas justifié.
D - Des aides directes très nombreuses
Les aides directes au secteur sont financées principalement sur les
crédits du programme 180 -
Presse
géré par le ministère de la culture et
de la communication, le dispositif étant complété par quelques aides
financées sur des programmes d’autres ministères. Ceci donne un
ensemble éclaté d’aides, que le plan de soutien mis en place de 2009 à
2011 n’a pas contribué à simplifier.
1 -
Un ensemble éclaté et complexe d’aides directes
Le panorama actuel des aides directes fait apparaître une volonté
de couvrir l’ensemble des préoccupations du secteur, ce qui se traduit,
selon les années, par un dispositif d’environ une quinzaine d’aides
classées en trois catégories dans les documents budgétaires.
a)
Les aides à la diffusion
Elles constituent de loin la principale catégorie d’aides directes au
regard de leur montant (308,4 M€ en loi de finances initiale pour 2013) et
ont pour cible les deux formes principales de vente de la presse : la vente
au numéro dans les points de vente et la vente par abonnement, cette
dernière s’effectuant soit par transport postal, soit par portage.
En loi de finances initiale pour 2013, les aides à la diffusion
comportaient quatre mesures :
-
une aide au transport postal de la presse (sous-action 1.1 du
programme 180), versée par l’État à La Poste afin de lui permettre
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
33
d’accorder des tarifs préférentiels à la presse (249,4 M€ en loi de
finances initiale pour 2013) ;
La principale aide directe : l’aide au transport postal et l’accord
tripartite de 2008 entre l’État, La Poste et les entreprises de presse
Le transport et la distribution de la presse constituent l’une des
quatre missions de service public de La Poste définies par la loi, avec le
service universel du courrier et des colis, l’accessibilité bancaire et la
contribution à l’aménagement du territoire. L’aide au transport postal
consiste en un ensemble de tarifs préférentiels accordés par La Poste au
secteur de la presse, en contrepartie desquels l’opérateur reçoit une
compensation financière de l’État.
Depuis une trentaine d’années, le dispositif repose, dans ses
modalités concrètes, sur des accords tripartites entre l’État, La Poste et les
éditeurs de presse, qui ont pour principal objet de répartir la charge
financière afférente à ces tarifs préférentiels entre les trois parties
prenantes. Les accords de juillet 2008 conclus pour la période 2009-2015
ont représenté une nouvelle étape vers une gestion plus saine du dispositif
en prévoyant :
- une baisse globale de l’aide de l’État sur la période 2009-2015,
de 242 M€ en 2009 à 180 M€ en 2015, soit une diminution de 62 M€
(- 25 %) ;
- une augmentation des tarifs de service public tenant compte de la
spécificité de chaque famille de presse : une différenciation est ainsi faite
entre la presse d’information politique et générale, au sein de laquelle les
quotidiens à faibles ressources provenant de la publicité ou des petites
annonces bénéficient d’un tarif encore plus avantageux, et les autres titres
agréés, qui se voient appliquer une progression plus forte des
tarifs jusqu’en 2015 ;
- l’établissement d’une offre tarifaire « universelle », distincte des
tarifs de service public et destinée aux organes de presse qui ne peuvent
ou ne veulent pas bénéficier du régime des aides à la presse et des tarifs
de service public qu’il prévoit ;
- enfin, en contrepartie de la hausse progressive des tarifs de
service public imposés au secteur de la presse au cours de la période
2009-2015, et grâce aux nouveaux efforts de productivité de l’opérateur,
les accords prévoient la disparition du déficit d’exploitation au terme des
accords (2015), La Poste étant en tout état de cause réputée faire sien tout
éventuel déficit résiduel.
34
COUR DES COMPTES
La Poste est aussi tenue, en tant que prestataire du service
universel postal en France, de proposer une gamme de prestations
commerciales de transport de la presse (appelée Publissimo) à un tarif,
certes plus élevé que les tarifs préférentiels relevant de la mission de
service public de transport postal de la presse, mais néanmoins accessible,
proche de ses coûts, et validé par l’Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes.
-
une
aide à l’acheminement de la presse par voie ferrée
(sous-
action 1.2), versée par l’État à la SNCF afin de lui permettre, selon
un schéma assez proche de l’aide au transport postal, de réduire le
coût de cette forme de transport pour les titres de presse ; cette aide,
créée en 1948, représente des montants beaucoup plus faibles que la
précédente (4,5 M€ en loi de finances initiale pour 2013) ;
-
deux aides au portage de la presse :
o
une
aide au portage de la presse
(sous-action 1-3) créée en
1998, renforcée et profondément modifiée en 2009, qui est
versée aux titres de presse qui recourent à cette forme
d’acheminement ; cette aide qui représentait des montants
modestes avant 2009, de l’ordre de 8 M€, a vu son montant
fortement augmenter en 2009 à 70 M€, puis baisser assez
nettement à partir de 2012 (45 M€ en loi de finances initiale
pour 2012 et 37,6 M€ en loi de finances initiale pour 2013) ;
o
une exonération de charges patronales qui concerne les
professionnels chargés du portage : les vendeurs-colporteurs
et les porteurs de presse (sous-action 1-4) ; cette mesure est
estimée pour 2013 à 16,9 M€.
Deux autres mesures, qui sont classées comme des aides à la
modernisation dans les documents budgétaires, sont en réalité des aides à
la diffusion puisqu’elles concernent l’acheminement et la vente de la
presse au numéro :
-
l’aide à la distribution de la presse quotidienne
(sous-action 3-2),
créée en 2002, qui est versée aux quotidiens nationaux d’information
politique et générale, mais qui est, dans les faits, reversée par ces
derniers à la messagerie de presse Presstalis afin de contribuer à sa
restructuration ; cette aide représente 18,9 M€ en loi de finances
initiale pour 2013 ;
-
une
aide à la modernisation des diffuseurs de presse
(sous-
action 3-3), créée en 2004, versée aux points de vente porteurs de
projets visant à la modernisation de l’espace de vente (mobilier et
équipements liés à la présentation de la presse) et à leur
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
35
informatisation ; elle représente 4 M€ en loi de finances initiale pour
2013.
b)
Les aides au pluralisme
Les trois aides au pluralisme représentent des crédits assez
modestes, 12 M€ en loi de finances initiale pour 2013, et sont destinées
aux titres de la presse d’information politique et générale qui présentent
une fragilité particulière. Fait caractéristique de la politique d’aide à la
presse, marquée par une extension des dispositifs, la mesure initiale qui
s’adressait à la presse quotidienne nationale, a été rapidement complétée
par un deuxième en faveur de la presse quotidienne régionale et
départementale, puis un troisième en faveur de la presse hebdomadaire
régionale :
-
le
fonds d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et
générale à faibles ressources publicitaires
(sous-action 2-1) a été
créé en 1986. Doté de 9,2 M€ en loi de finances initiale pour 2013, il
a pour objet de soutenir, d’une part, les titres qui bénéficient
structurellement de recettes publicitaires faibles compte tenu de leur
positionnement éditorial, et d’autre part, les titres qui traversent de
façon conjoncturelle des difficultés financières. Le bénéfice de cette
aide ouvre droit aussi à des avantages tout aussi importants, en
particulier des tarifs très avantageux de transport postal ainsi qu’une
aide accrue au portage.
Les bénéficiaires de cette aide sont très peu nombreux : les quotidiens
La Croix, L’Humanité
et
France-Soir
, jusqu’à sa disparition, et,
depuis 2008,
Libération
et
Présent
. Plusieurs quotidiens à destination
des enfants et adolescents sont également aidés dans des proportions
moindres :
Mon Quotidien
,
Le Petit Quotidien
,
L’Actu
;
-
le
fonds d'aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux
d’information politique et générale à faibles ressources de petites
annonces
(sous-action 2-2), créé en 1989, concernait 18 publications
en 2012 pour un montant supérieur à 1,3 M€, soit une aide moyenne
de 87 733 €. Il est doté en loi de finances initiale pour 2013 de
1,4 M€ ;
-
le
fonds en faveur de la presse hebdomadaire d’information politique
et générale régionale
(sous-action 2-3), créé en 2004, représente un
coût de 1,4 M€ en 2013, comme le précédent fonds. Il concerne
chaque année un nombre élevé de publications, de l’ordre de 200,
pour un montant moyen attribué d’environ 6 700 €.
36
COUR DES COMPTES
c)
Les aides à la modernisation
L’objectif des aides à la modernisation qui ont été progressivement
mises en oeuvre depuis 2004, est d’accompagner les projets des
entreprises dans leur processus de modernisation technologique et sociale.
Ces aides poursuivent des objectifs complémentaires.
Les aides mises en oeuvre par le
fonds de modernisation de la
presse
(FDM) viennent financer des projets liés à la diminution des coûts
de fabrication des journaux, à la modernisation des rédactions et au
développement du lectorat, notamment en direction des jeunes.
Les aides mises en oeuvre par le
fonds d’aide au développement
des services de presse en ligne
(SPEL) portent sur le développement de la
presse sur support numérique, les financements publics comprenant à la
fois des contributions aux investissements et la prise en charge partielle
des dépenses de fonctionnement qui y sont liées.
Enfin, celles mises en oeuvre par le
fonds d’aide à la modernisation
sociale
, (sous-action n° 3-1) constituent des mesures d’accompagnement
en faveur des salariés concernés par la restructuration des imprimeries de
presse. Ce fonds est doté de 18,4 M€ en loi de finances initiale pour 2013.
Ce dispositif a été réorganisé en avril 2012 avec la création du
fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) qui a
fusionné les fonds FDM et SPEL. Ce nouveau fonds (sous-action n° 3-4)
est doté en loi de finances initiale pour 2013 de 33,9 M€.
Enfin, le dispositif d’aides directes à la modernisation est complété
par des crédits du programme 103 -
Anticipation des mutations
économiques et développement de l’emploi
géré par le ministère chargé
du travail. 19,5 M€ étaient ouverts en 2013 au titre du plan « IMPRIME »
en faveur de la modernisation sociale du secteur de la presse.
Un tableau récapitulatif des crédits d’aide à la presse ouverts et
consommés au titre des programmes 180 et 134 sur la période 2006-2013
est donné en annexe n°3.
Ce panorama des aides directes montre leur très grande diversité
due :
-
au degré d’ancienneté des dispositifs ;
-
à leur montant, très élevé pour le transport postal, moindre pour
toutes les autres aides ;
-
au nombre de bénéficiaires des aides qui explique pour l’essentiel
leur coût plus ou moins élevé : alors que l’aide au transport postal
bénéficie à près de 7 000 titres, l’aide au portage ne bénéficie qu’à la
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
37
presse d’information politique et générale (soit au plus de l’ordre de
400 titres) et l’aide à la distribution de la presse quotidienne à une
dizaine de titres ;
-
à la nature des bénéficiaires, soit les titres de presse, soit certains
opérateurs du système de la diffusion de la presse (La Poste, la
SNCF, les points de vente), soit indirectement un opérateur
(Presstalis) par l’intermédiaire d’une aide à des titres de presse.
La complexité de ce dispositif explique les deux défauts majeurs
de la politique d’aides à la presse : l’absence de cohérence globale et,
partant, la difficulté de son pilotage.
2 -
Le plan triennal 2009-2011, une occasion manquée pour
simplifier le dispositif
Les états généraux de la presse écrite organisés d’octobre 2008 à
janvier 2009 à l’initiative du Gouvernement ont formulé diverses
recommandations visant à aider le secteur à aborder les défis de l’avenir
et à surmonter la crise.
Sur la base de celles-ci, le Président de la République a annoncé la
mise en oeuvre d'un plan triennal d’aide à la presse pour la période 2009 à
2011 qui a conduit au doublement du montant global des aides directes du
programme 180 -
Presse
en faveur de la presse écrite et à l’adoption de
nouvelles mesures qui ont complété le dispositif existant. En raison des
moyens supplémentaires apportés, ces mesures se sont ajoutées aux
précédentes plus qu’elles ne les ont remplacées. Il en est résulté un
panorama encore plus complexe des aides directes à la presse.
S’agissant du soutien de la vente au numéro, l’aide à la
modernisation des diffuseurs a été renforcée et des aides exceptionnelles
d’urgence leur ont été accordées. S’agissant du portage de la presse, la
dotation du fonds d’aide au portage a été fortement augmentée (70 M€ à
compter de 2009, contre 8 M€ en 2008) et son périmètre étendu à tous les
journaux d’information politique et générale ainsi qu’aux journaux
sportifs généralistes. Une mesure d’exonération de cotisations sociales a
par ailleurs été instituée pour accompagner le développement du portage.
D’autres mesures ont concerné le développement de la presse sur
support numérique, avec notamment la reconnaissance d’un statut
d’éditeur en ligne et la mise en place du fonds d’aide au développement
des services de presse en ligne. Une augmentation des crédits accordés au
fonds de modernisation de la presse est également intervenue pour
financer l’opération « Mon journal offert » qui a consisté à proposer à
38
COUR DES COMPTES
tout jeune de 18 à 24 ans un abonnement hebdomadaire gratuit d’un an à
un journal quotidien de son choix.
II
-
La forte et coûteuse dépendance du secteur
aux aides de l’État
L’ancienneté et les montants élevés de la politique d’aide à la
presse ont eu pour effet d’en faire une contribution essentielle au
financement du secteur de la presse écrite, qu’il s’agisse des titres de
presse ou de certains de ses acteurs, notamment l’Agence France-Presse
(AFP) dont les relations avec l’ État sont engagées actuellement dans un
processus de clarification.
Cette situation de dépendance s’accroît dans la période de crise
aigüe que rencontre la presse écrite depuis cinq ans. Elle rend d’autant
plus difficile la réduction des crédits consacrés à cette politique par l’État
après l’effort exceptionnel consenti dans le cadre du plan d’aide 2009-
2011.
A - Un secteur fortement soutenu
La politique de soutien de l’État à la presse écrite est devenue une
composante essentielle du fonctionnement du secteur, qu’il s’agisse des
éditeurs de presse ou d’autres acteurs majeurs.
1 -
L’importance des aides pour les titres de la presse écrite
a)
Les aides rapportées au chiffre d’affaires de la presse
La mesure de la place prise par les aides de l’État dans les comptes
des titres de presse ou des éditeurs nécessite une analyse spécifique qui ne
pouvait être conduite dans le cadre de la présente enquête. En tout état de
cause, selon les hypothèses retenues sur le périmètre des aides à la presse,
celles-ci représentent entre 7,5 % et 11 % du chiffre d’affaires global des
éditeurs de presse.
b)
L’aide globale de l’État à chaque exemplaire diffusé
L’éclatement de la politique d’aide à la presse en un grand nombre
de dispositifs rend difficile la mesure du soutien global apporté par l’État
à chaque titre. Ce soutien se caractérise traditionnellement par une
absence de transparence à laquelle le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
39
relatif à la réforme des aides à la presse et au fonds stratégique pour le
développement de la presse tente de remédier, à ce stade, de manière
encore très partielle.
Dans la perspective de la signature de conventions pluriannuelles
avec les principaux titres de presse et de la publication annuelle du
montant des aides allouées à chacun d’entre eux, la direction générale des
médias et des industries culturelles a identifié les titres ayant bénéficié
d’un montant d’aide supérieur à 1,5 M€ en moyenne sur la période 2009-
2011. Les aides prises en compte sont l’ensemble des aides directes
susceptibles d’être rattachées à un titre de presse
11
. Bien qu’il s’agisse
d’aides de nature différente, certaines étant attribuées directement aux
éditeurs de presse, d’autres à des tiers comme La Poste ou la SNCF (mais
avec une identification sur une base objective
12
des dépenses imputables à
chaque titre), cette présentation permet de mieux appréhender la
contribution globale de l’État à chaque titre et de surmonter l’écueil
habituel d’une analyse parcellaire, aide par aide.
Le montant annuel de ces aides a été rapproché par la Cour des
chiffres de la diffusion annuelle totale en 2009, 2010 et 2011 publiés par
l’ODJ (Association pour le contrôle de la diffusion des medias) qui
proviennent de déclarations de diffusion sur l’honneur des titres de presse
ou de procès-verbaux de contrôle, afin de déterminer le montant de l’aide
par exemplaire diffusé.
Même s’il s’agit d’une simple approche
- les aides indirectes telles
que le taux « super réduit » de TVA n’étant pas prises en compte -, il
ressort du tableau ci-après que les quotidiens nationaux d’information
politique et générale (IPG) et la presse magazine IPG (
News
) sont les
catégories de titres les plus aidées.
Parmi ces titres, ceux qui sont éligibles aux aides au pluralisme,
notamment les titres à faibles ressources publicitaires, sont les principaux
bénéficiaires des aides à la presse : L’
Humanité
avec une aide
représentant 48 centimes d’euro par exemplaire diffusé et, à un degré
moindre,
La Croix
et
Libération
, avec respectivement 32 et 27 centimes
par exemplaire. Rapportées à l’exemplaire diffusé, les aides à la presse
quotidienne régionale sont, sauf exceptions, d’un niveau moindre, de
4 à 7 centimes selon les titres.
11
Les aides au pluralisme, l'aide au transport par la SNCF, l'aide au portage de la
presse, les aides du FDM, les aides du SPEL, l'aide à la distribution, l'aide à la presse
hebdomadaire et régionale, l'aide à la distribution et à la promotion de la presse
française à l'étranger et les aides du fonds stratégique pour le développement de la
presse.
12
Généralement le nombre d’exemplaires diffusé ou transporté.
40
COUR DES COMPTES
Enfin, les magazines de télévision apparaissent particulièrement
aidés : les principaux titres bénéficient d’une aide par exemplaire qui
varie entre 4 et 10 centimes.
Plus généralement, il ressort que les aides à la presse, hors mesures
fiscales, représentent des montants significatifs pour chaque exemplaire
diffusé.
Tableau n° 2 : estimation du montant des aides à la presse, hors aides
indirectes, par exemplaire diffusé (par montant décroissant)
Source : Cour des comptes
Titre de presse
Montant annuel de
subventions
(moyenne sur la
période 2009-2011) -
En €
Diffusion totale
France + Etranger
(moyenne annuelle
sur la période 2009-
2011)
Montant subvention
/ exemplaire diffusé
(moyenne sur la
période 2009-2011) -
En centimes
MONDE (LE)
18 465 277
97 809 817
19
FIGARO (LE)
17 217 154
101 343 030
17
OUEST FRANCE
15 784 440
258 956 732
6
CROIX (LA)
9 988 388
31 656 889
32
LIBERATION
9 908 617
36 533 590
27
TELERAMA
9 411 822
31 935 825
29
AUJOURD'HUI EN FRANCE
9 331 562
61 786 183
15
NOUVEL OBSERVATEUR (LE)
7 800 161
27 071 314
29
TELE 7 JOURS
7 279 547
76 126 212
10
HUMANITE (L')
6 761 434
14 219 917
48
SUD OUEST
6 260 812
106 720 006
6
EXPRESS (L')
6 232 242
27 395 244
23
NOUVELLE REPUBLIQUE DU CENTRE
5 645 242
61 530 368
9
VOIX DU NORD (LA)
5 445 430
95 019 897
6
PARIS MATCH
5 151 418
35 760 764
14
DEPECHE DU MIDI (LA)
5 014 820
68 764 053
7
ECHOS (LES)
4 513 559
30 785 702
15
POINT (LE)
4 501 245
22 151 130
20
DAUPHINE LIBERE
(LE)
4 464 330
90 178 748
5
TELE STAR
4 451 357
60 578 404
7
TELE LOISIRS
4 390 415
56 121 753
8
DERNIERES NOUVELLES D'ALSACE (LES)
4 035 733
60 618 655
7
PROGRES (LE)
3 868 585
81 019 183
5
PETIT QUOTIDIEN (LE)
3 800 067
ND
ND
PARISIEN (LE)
3 681 247
102 203 217
4
TELE Z
3 669 232
81 667 765
4
TÉLÉGRAMME
3 555 598
73 217 679
5
ELLE
3 413 233
21 290 708
16
TELECABLE SATELLITE HEBDO
3 390 880
32 635 825
10
MONTAGNE (LA)
3 216 097
67 572 258
5
MON QUOTIDIEN
3 139 538
ND
ND
EST REPUBLICAIN (L')
2 999 986
56 860 210
5
PELERIN
2 849 399
12 037 997
24
PROVENCE (LA)
2 783 573
50 424 722
6
FEMME ACTUELLE
2 749 581
49 857 491
6
NICE-MATIN
2 727 086
38 638 289
7
CHALLENGES - LE NEWS DE L'ÉCONOMIE
2 384 145
10 810 088
22
MIDI LIBRE
2 247 553
53 377 189
4
TELE POCHE
1 881 812
28 912 604
7
COURRIER DE L'OUEST
1 853 381
35 940 335
5
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
41
2 -
L’accroissement constant de l’aide aux acteurs en difficulté du
secteur de la distribution au numéro
Depuis une dizaine d’années, et plus encore depuis 2009, la
dégradation du système de distribution de la presse a conduit l’État à
accroître son aide, d’une part, à la principale messagerie de presse, la
société Presstalis, d’autre part, aux diffuseurs de presse (marchands de
journaux).
a)
L’État, partenaire déterminant des plans de restructuration
successifs de Presstalis
Alors qu’elle avait été instaurée en avril 2002 pour une durée
limitée à trois ans, l’aide à la distribution de la presse quotidienne
nationale a été pérennisée dès 2004.
S’il s’agit en principe d’une aide destinée aux seuls quotidiens
nationaux d’information politique et générale, de langue française,
paraissant au moins cinq fois par semaine et agréés par la
commission
paritaire des publications et des
agences de presse - neuf quotidiens en
ayant bénéficié en 2011 -, le bénéficiaire final de cette aide est en réalité
les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), devenues
Presstalis en 2009. Ceci tient d’abord au ciblage de cette aide sur la
presse quotidienne nationale qui n’est distribuée que par le réseau de cette
messagerie, mais aussi au fait que la subvention de l’État est reversée par
les titres bénéficiaires à Presstalis selon des modalités complexes.
Les documents budgétaires relatifs au programme 180 -
Presse
ne
cachent
pas
que
cette
aide
a,
depuis
l’origine,
pour
objectif
d’accompagner les plans successifs de modernisation mis en oeuvre par
Presstalis, en couvrant une partie des surcoûts spécifiques occasionnés
par le traitement des quotidiens nationaux d’information politique et
générale. Il s’agit donc d’une aide destinée autant à la presse quotidienne
nationale qui, sans elle, se verrait appliquer par Presstalis un coût de
prestation supérieur, qu’à cette messagerie de presse.
Alors que cette aide s’est située à un niveau assez stable au cours
de la période 2002 à 2009 (autour de 12 M€, avec une baisse ponctuelle à
8 M€ en 2006 et 2007), les graves difficultés rencontrées par Presstalis se
sont traduites par une très forte hausse des dépenses en 2010 qui ont
atteint 45 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement
13
.
13
Aux 12 M€ prévus en loi de finances initiale pour 2011, se sont ajoutés 13 M€ en
loi de finances rectificative et 20 M€ obtenus par des redéploiements de crédits au
sein du ministère validés par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010.
42
COUR DES COMPTES
Depuis lors, l’aide reste à un niveau élevé : 18 M€ en 2011 et 23,85 M€
en 2012, en exécution.
Dans le cadre des accords passés en octobre 2012 avec Presstalis et
les éditeurs de presse, l’État s’est engagé à mettre en place un prêt au titre
du fonds pour le développement économique et social (FDES) de 20 M€
sur la période 2012-2013 et à augmenter l’aide à la modernisation de la
distribution de la presse quotidienne nationale de 15 M€ sur cette même
période.
Depuis la création du dispositif en 2002 et jusqu’en 2012, l’État a
dépensé près de 160 M€ pour l’accompagnement des divers plans de
redressement de Presstalis, dont 86,9 M€ sur la seule période 2010-2012.
L’intervention de l’État, qui avait au départ pour objet de venir à
l’appui du système de solidarité entre éditeurs de presse (presse
quotidienne nationale et magazines) lorsque celui-ci devenait insuffisant,
s’est progressivement transformée en un accompagnement de plans de
restructuration et de modernisation du principal acteur du système de
distribution, puis en une aide d’urgence afin d’éviter sa cessation
d’activité et les répercussions de celle-ci sur le secteur de la presse.
Il est incontestable que Presstalis n’aurait pas survécu sans l’appui
de l’État à la décision du tribunal de commerce de Paris, fin 2011, de
confier un mandat amiable
ad hoc
à une administratrice judiciaire. Si son
avenir à l’horizon de 2015 est étroitement lié au soutien de l’État, cette
situation constitue de fait pour ce dernier une contrainte dont il lui sera
sans doute difficile de se désengager.
b)
Les aides exceptionnelles aux diffuseurs de presse
La situation des points de ventes de la presse, les diffuseurs de
presse, est à ce point difficile qu’elle a nécessité deux aides d’urgence de
l’État, l’une en 2009, l’autre en 2011. Bien que figurant dans les
documents budgétaires au titre des aides à la modernisation de la presse,
ces aides n’ont répondu à aucun objectif réel de modernisation et n’ont eu
d’autre but que d’apporter un soutien financier temporaire et d’enrayer le
phénomène de fermeture des points de vente.
Un premier dispositif exceptionnel en 2009
Le 23 janvier 2009, le Président de la République a annoncé le
versement d’une aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse spécialistes
et indépendants, dans l’attente d’une meilleure répartition de la valeur
dans la chaîne de distribution. Cet engagement s’est concrétisé par le
décret n° 2009-856 du 8 juillet 2009 qui a institué une aide exceptionnelle
au bénéfice des diffuseurs de presse spécialistes et indépendants. L'aide a
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
43
consisté en un versement unique de 4 000 €, montant qui correspond en
moyenne à une exonération de 30 % des cotisations sociales personnelles
des diffuseurs de presse.
Les crédits ouverts se sont élevés à 51,3 M€, au titre de la
couverture des subventions et de la rémunération forfaitaire du prestataire
chargé de la gestion de l'aide. Compte tenu de l’urgence, ils ont été
obtenus à partir de 27,6 M€ de dotation inscrits en loi de finances
rectificative pour 2009 et de 23,7 M€ dégagés par redéploiement de
crédits au sein du programme 180. Le coût définitif de cette mesure est de
49,80 M€ (en AE = CP) dont 49,37 M€ de subventions et 0,43 M€ au titre
de la rémunération du prestataire Deloitte, chargé de gérer le versement
de cette aide.
Bien que le nombre de bénéficiaires initialement prévu (14 450)
n’ait pas été atteint, cette mesure exceptionnelle a été accordée à
12 339 diffuseurs, soit 85,4 % du nombre prévu.
Un nouveau dispositif exceptionnel en 2011
Le ministre de la culture et de la communication a annoncé, lors de
ses voeux à la presse le 25 janvier 2011, la mise en oeuvre d'un « plan de
soutien conséquent aux diffuseurs de presse », afin de poursuivre les
efforts engagés dans le cadre des états généraux. Il s’agissait en réalité
d’aider les points de vente dont les résultats venaient d’être affectés en
décembre 2010 par une grève au sein de la Société Presse Paris
Services (SPPS), filiale de Presstalis. Le décret n° 2011-1086 du
8 septembre 2011 a ainsi institué une nouvelle aide exceptionnelle au
bénéfice des diffuseurs de presse spécialistes et indépendants.
Le coût de l’aide est moins élevé que celui du dispositif
exceptionnel précédent, parce que son périmètre d’application est plus
restreint et que le montant unitaire de l’aide est plus bas. Les crédits
ouverts grâce à des redéploiements au sein du programme 180 se sont
élevés à 12,8 M€, dont 0,25 M€ pour la rémunération forfaitaire du
prestataire chargé de la gestion de l'aide. Le nombre final de bénéficiaires,
estimé à 8 000, est en ligne avec les prévisions.
Au total, l’État a consacré de l’ordre de 63,4 M€ (montant non
définitif) à deux mesures exceptionnelles qui n’ont eu d’autre objet que
d’apporter un secours à un secteur professionnel en difficulté, soit
presque le double du montant consacré depuis 2005 à la mesure
structurelle de modernisation des points de vente (33,5 M€ sur sept ans).
44
COUR DES COMPTES
B - Les relations de l’AFP avec l’État
L'Agence
France Presse (AFP) est une agence mondiale
d’information généraliste, la seule dont le siège est européen, qui compte
environ 2 300 collaborateurs permanents et qui dispose de 200 points de
présence permanente couvrant 160 pays et organisés autour de sept
directions régionales. Ses rédactions travaillent dans six langues (français,
anglais, espagnol, allemand, arabe et portugais).
La politique de l’Etat vis-à-vis de l’AFP intègre des considérations
touchant au rayonnement de la France dans le monde qui dépassent le
cadre du présent rapport et le soutien de la presse écrite.
1 -
Un organisme
sui generis
L’AFP a été créée en 1944 sous la forme d’un établissement public
autonome. La loi du 10 janvier 1957 en a fait un organisme doté de la
personnalité civile dont le fonctionnement est assuré selon les règles
commerciales. Dans un avis rendu le 10 juin 2004, le Conseil d’État en a
précisé la nature juridique en indiquant que « l’Agence France-Presse
présente le caractère d’un organisme de droit privé
sui generis
». En effet,
bien qu’immatriculée au registre du commerce et des sociétés, l’AFP
déroge au droit commun des sociétés, notamment en raison de l’absence
de capital social et de contrôle du conseil d’administration par une
assemblée générale, ainsi que des dispositions spécifiques en cas de
cessation de paiement, puisqu’elle ne peut être dissoute que par la loi. Ce
statut
sui generis
n’est pas sans poser des problèmes, car cette entreprise
sans actionnaire et dégageant des ressources qui sont mobilisées par son
exploitation, rencontre des difficultés pour financer ses investissements.
Selon l’AFP, cet obstacle est d’autant plus dommageable que les
mutations en cours du secteur de l’information nécessitent des
développements dans les domaines de la vidéo, de l’innovation logicielle
et des systèmes d’information.
L’AFP présente aussi une organisation spécifique, marquée par la
présence de l’État dans ses instances. Elle est dotée d’un conseil supérieur
placé sous la présidence d’un conseiller d’État et composé de huit
membres : un magistrat de la Cour de cassation, deux représentants des
directeurs d’entreprise de publication de journaux quotidiens, un
journaliste professionnel, un représentant de la radiodiffusion télévision
française, un ambassadeur et un préfet ayant exercé des fonctions outre-
mer.
Son conseil d’administration comprend 15 membres, outre le
président-directeur général qui le préside : huit représentants des
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
45
directeurs d’entreprises françaises de publication de journaux quotidiens ;
deux représentants de la radiodiffusion télévision française ; deux salariés
de l’AFP et trois représentants des services publics d’usagers de l’AFP
qui représentent l’État (ministères chargés des finances, de la
communication et des affaires étrangères).
Cette composition du conseil d’administration a pour singularité
que les clients de l’AFP que sont la presse et les médias audiovisuels sont
en même temps ses administrateurs. Ils sont donc en mesure de peser sur
les décisions de l’Agence, dans des secteurs où celle-ci serait en
concurrence avec eux. Leur présence peut également rendre délicate les
renégociations de tarifs des abonnements de l’Agence.
De plus, la composition du conseil d’administration, où la presse
française occupe plus de la moitié des sièges, ne reflète plus réellement
les enjeux de l’AFP qui se situent désormais davantage à l’échelon
international qu’à l’échelon national. En effet, comme l’a indiqué le
président directeur général de l’AFP lors de son audition par la Cour, les
prestations rendues aux acteurs de la presse française constituent un axe
stratégique de développement de moins en moins décisif.
Pour contrôler la gestion financière de l’AFP, la loi de 1957 a créé
une commission financière qui est composée de deux membres de la Cour
des comptes désignés par son Premier président, dont l’un préside la
commission, et d’un expert désigné par le ministre chargé des finances.
Cette commission examine si l’état annuel de prévision des recettes et des
dépenses est présenté en équilibre, apure les comptes de l’AFP et est
chargée de la vérification générale permanente de la gestion financière de
l’agence. Elle dispose de tous pouvoirs d’investigation sur pièces et sur
place.
Les tentatives non abouties de réforme de l’AFP
Les tentatives pour faire évoluer le statut et l’organisation de l’AFP
n’ont pas abouti. Le ministre de la culture et de la communication a installé
en décembre 2009 un comité de réflexion sur l’avenir de l’AFP qui a rendu
son rapport en avril 2010. Ce rapport préconisait de créer, sous le contrôle de
l’AFP qui conserverait son statut
sui generis
, une société éditrice (AFP-SE)
qui assurerait les activités dans le secteur concurrentiel et gérerait les contrats
de prestation de services conclus avec les pouvoirs publics. Cette société
éditrice devait être dotée d’un capital. Enfin, le rapport suggérait qu’aux
côtés de l’AFP qui serait majoritaire, intervienne un actionnaire minoritaire
(avec une limitation de la participation fixée à 49 %) qui aurait pu être la
Caisse des dépôts et consignations.
46
COUR DES COMPTES
L'actuel président directeur général de l'AFP a proposé une
modification moins radicale du statut de l'Agence, estimant que l'absence
de consensus sur une transformation profonde du statut et sur la création
d'une société anonyme ne créait pas un climat favorable à un tel
changement. En revanche, il lui paraissait nécessaire de revoir la
gouvernance de l'AFP, notamment pour remplacer la commission
financière par un régime de commissaires aux comptes et pour réduire le
poids
des
éditeurs
de
presse
majoritaires
au
sein
du
conseil
d'administration. La proposition de loi relative à la gouvernance de l'AFP,
déposée au Sénat le 17 mai 2011 par M. Jacques Legendre, prévoyait une
telle réforme. Cette proposition de loi a toutefois rencontré une forte
hostilité de la part des syndicats de l'Agence et n'a finalement pas été
inscrite à l'ordre du jour du Sénat. Les syndicats avaient notamment
manifesté leur crainte que la suppression de la commission financière ne
prive l’Agence d’un outil de contrôle permanent des éventuels dérapages
des charges en cours d’exercice.
2 -
L’État, premier client français de l’AFP
L’AFP a vu le nombre de ses clients progresser au cours de la
période récente, avec 4 315 clients en 2012 contre 4 055 en 2011. Cette
expansion reflète une stratégie commerciale de plus en plus orientée vers
le secteur international, 32 % des recettes commerciales de l’Agence
provenant de l’étranger. Ce secteur est toutefois fortement concurrentiel,
que ce soit par rapport aux agences nord-américaines (Thomson-Reuters
et Associated Press) ou au regard de l’expansion rapide de l’agence
chinoise Chine Nouvelle présente sur tous les continents et dotée de près
de 6 000 journalistes.
S’agissant du marché français, on peut relever qu’au cours des
années 2009 et 2010, plusieurs titres de la presse française avaient décidé
de résilier leurs abonnements à l’Agence (notamment
La Provence, Nice
Matin, Paris Normandie)
, afin de réduire leurs coûts. Entre 2009 et 2012,
l’AFP a ainsi perdu 17,3 M€ en chiffre d’affaires cumulé auprès de la
presse quotidienne nationale et régionale. Elle a dû revoir ses conditions
tarifaires afin de les ajuster aux capacités contributives de ses clients.
Cette stratégie, que l’AFP analyse comme une forme d’aide à la presse, a
permis de convaincre les titres concernés, à l’exception de
Nice Matin
, de
reprendre leurs abonnements.
L’État reste néanmoins le premier client français de l’AFP. Depuis
fin 2000, la part des abonnements de l’État dans les recettes
commerciales de l’AFP est stable, de l’ordre de 40 %. Sur la base d'une
facturation trimestrielle, l'État verse à l'AFP les sommes correspondant
aux abonnements à partir des crédits du programme 180 -
Presse
de la
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
47
mission
Médias, livre et industries culturelles
. C’est donc à ce titre qu’il
convient de les analyser dans le cadre de la politique de soutien au secteur
de la presse écrite. Le montant annuel versé par l’État fait l'objet, dans ce
programme, d'une action qui était, jusqu’à 2012 inclus, dénommée
abonnements de l'État à l'AFP
et, en 2013,
relations financières avec
l’AFP
.
Comme le montre le tableau suivant, cette dotation a connu une
progression chaque année en raison de son indexation sur le taux
d’inflation mais également pour prendre en compte l’augmentation du
taux de TVA qui est passé de 5,5 % à 7 % entre 2011 et 2012.
Tableau n° 3 : dotations de l’État versées à l’Agence France –
Presse (en M€)
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013*
105,7
107,8
109,4
109,4
111,4
113,4
115,4
117,9
119,6
Source : DGMIC
* Crédits ouverts
Les prestations rendues par l’Agence à l’État ont été définies par
une convention conclue le 18 septembre 1958 et modifiée par avenants
successifs. La convention initiale prévoyait une liste de 383 abonnements
livrés par l'AFP, avec notamment 200 radios « morse » pour le ministère
de la défense et plus de 110 liaisons spécialisées pour le ministère des
affaires étrangères. Le dernier avenant, signé en 1996, a ramené à 350 le
nombre des abonnements. Le prix par abonnement était défini dans la
convention de 1958 comme égal au prix payé par un quotidien tirant
180 000 exemplaires pour le service général en langue française de
l’AFP. Le prix moyen par abonnement de l’État est actuellement de
330 466 €, soit environ un montant correspondant à un quotidien tirant à
150 000 exemplaires (contre 348 264 € pour un tirage à 180 000
exemplaires).
Les abonnements souscrits par les services de l’État, au nombre de
350 aujourd’hui, donnent accès à des dépêches généralistes en langue
française et dans les autres langues de diffusion de l’AFP. 76 ont été
souscrits par les pouvoirs publics constitutionnels, des administrations
centrales, notamment pour les besoins de la défense nationale et des
affaires étrangères, des établissements publics administratifs de l’État et
des
autorités
administratives
indépendantes.
Dans
les
services
déconcentrés, on compte 20 abonnements souscrits pour les préfectures.
Dans le réseau diplomatique (ambassades et consulats) on en compte 254,
dont 81 en Europe, 23 au Moyen-Orient, 65 en Afrique, 44 en Amérique,
41 en Asie et en Océanie.
48
COUR DES COMPTES
L’intérêt d’abonnements à l’AFP pour certains services n’apparaît
pas clairement pour l’accomplissement des missions qui leur sont
confiées : le centre de liaison de l’enseignement et des moyens de
l’information
(CLEMI),
service
associé
du
centre
national
de
documentation pédagogique (CNDP) chargé de l’éducation aux médias
dans l’ensemble du système éducatif ; la chancellerie des universités de
Paris dont les missions (gestion de la procédure d’admission post-bac,
dialogue de gestion avec les universités parisiennes, gestion du
patrimoine commun indivis des universités de Paris) ne nécessitent pas un
accès permanent à des dépêches d’agence ; le bureau informatique et
méthode du ministère de l’intérieur qui, par ailleurs, dispose de douze
autres abonnements dans ses services centraux ; l’Assistance publique-
Hôpitaux de Paris et la direction régionale de l’Assistance publique de
Marseille.
En dehors de la convention et des avenants signés avec l’État, il
existe d’autres conventions avec des institutions de l’État qui
correspondent à des prestations particulières que l’AFP leur facture
directement. Comme l’a indiqué l’AFP, ces prestations représentent
environ 1,5 M€ hors taxe pour les administrations incluses dans le budget
général de l’État. Enfin, les administrations font appel à d’autres agences
afin de disposer d’informations internationales complémentaires ou
relatives à des sujets techniques. On peut ainsi citer l’abonnement du
ministère des affaires étrangères aux dépêches internationales des agences
Thomson-Reuters et
Associated Press
, celui du ministère chargé de la
santé à l’Agence de presse médicale et à Hospimedia ou encore celui de
l’agence France Trésor aux services financiers proposés par l’agence
Thomson-Reuters.
La direction générale des médias et des industries culturelles
projette de revoir l’ensemble du dispositif et des contenus des
abonnements de l’État à l’AFP, sur la base d’un examen des besoins réels
des administrations et d’une renégociation avec l’AFP des tarifs des
abonnements.
Par ailleurs, l’AFP dispose d’un contrat d’objectifs et de
moyens (COM) conclu avec l’État pour la période 2009 à 2013.
L’objectif central de ce contrat est de permettre à l’AFP de conforter et de
moderniser son statut d’agence d’information à vocation mondiale dans
un contexte international marqué par de fortes mutations technologiques
et économiques.
À ce titre, l’AFP s’engage à accroître ses recettes commerciales et
à améliorer ses indicateurs de rentabilité économique. Les recettes
commerciales, hors revenus de la convention d’État, devraient augmenter
en moyenne de 4,7 % par an, passant de 168 M€ en 2009 à 203 M€ en
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
49
2013. Cette croissance porte notamment sur deux marchés stratégiques :
le secteur des multimédia et les zones géographiques à fort potentiel. En
outre, l’AFP a programmé une progression de sa marge d’exploitation : à
taux de change constants, cette dernière passerait de 17 à 27 M€, soit une
progression annuelle moyenne de près de 12 %. Même si l’Agence s’est
engagée dans une maîtrise de ses charges, ces prévisions paraissent
optimistes au regard des incertitudes qui risquent de peser sur son
équilibre financier au cours des prochaines années et, à court terme, sur sa
trésorerie.
Par ailleurs, le contrat d’objectifs et de moyens reconnaît la
nécessité pour l’AFP de procéder à une modernisation de son outil de
production technique. Ce projet, dénommé IRIS, permet d’élaborer des
produits multimédia à partir des différents postes de travail mono média
(textes, photographies, vidéos, infographies). Pour financer ce projet dont
le coût total a été estimé à 30 M€, le contrat d’objectifs et de moyens
prévoit que l’AFP dégagera sur ses ressources propres une capacité
d’autofinancement de 2 M€ par an, soit 10 M€ au total.
En contrepartie des engagements pris par l’AFP, l’État s’est
engagé à assurer un financement de l’Agence sur la période du contrat
d’objectifs et de moyens sous deux formes :
-
augmenter la dotation versée à l’AFP de 1,8 % par an, avec un
réexamen du volume des abonnements en cas de forte inflation ;
-
contribuer au financement du projet IRIS à hauteur de 20 M€, sur la
base de versements en trois tranches annuelles. En raison des risques
induits par la plainte auprès de la Commission européenne, cette
opération a finalement fait l’objet d’un prêt à durée déterminée par
tranches qui court jusqu’au 1
er
janvier 2034 et qui porte un taux
d’intérêt annuel de 5,28 %.
Au regard de l’arrivée à échéance de l’actuel contrat d’objectifs et
de moyens, l’année 2013 est marquée par la préparation d’un nouveau
contrat. Toutefois, la direction générale des médias et des industries
culturelles a indiqué que cette négociation ne commencera que lorsque la
Commission européenne se sera prononcée sur la plainte déposée à
l’encontre de l’AFP.
3 -
Le besoin de clarifier les relations entre l’État et l’AFP
Le 22 février 2010, l'agence de presse allemande
DPAPD
Nachrichten
a déposé une plainte auprès de la Commission européenne
alléguant que la France aurait accordé des aides d’État illégales à l'AFP.
En effet, le nombre et le montant des abonnements de l'État à l’AFP
50
COUR DES COMPTES
peuvent paraître élevés au regard de ce qui se pratique dans d'autres États
membres de l'Union européenne. Selon les données recueillies par la
Commission, le gouvernement fédéral allemand dépense environ 3,75 M€
par an pour les services de texte intégral des abonnements à l’agence
DPA ; le
Central Office of Information
du Royaume-Uni fait état d'une
dépense de 22,8 millions de livres sur 2009-2010 pour l'acquisition
centralisée de nouvelles. Ces éléments de comparaison ont conduit la
Commission à s'interroger sur le rapport entre les tarifs payés par les
autorités françaises pour leurs abonnements à l'AFP et le prix de marché
pour un service équivalent.
En novembre 2011, la direction générale de la concurrence a
indiqué que les sommes versées par l’État à l'AFP de 1945 à 1959 et au-
delà pourraient être qualifiées d’« aide existante » antérieure au Traité,
ceci exonérant l’État français de devoir demander à l'AFP le
remboursement des aides versées antérieurement à l'instruction du dossier
par la Commission. Toutefois, si les sommes versées par l'État dans le
cadre de ses abonnements sont qualifiées d'aide d'État, leur compatibilité
avec le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne nécessite la
mise en oeuvre de modifications dites « mesures utiles » destinées à
clarifier pour l'avenir les relations financières entre l’État et l'AFP, en
distinguant ce qui relève des abonnements proprement dits et ce qui
relève de la compensation par l’État du coût des missions d’intérêt
général de l'AFP imposées par le législateur.
En première réponse à cette plainte, la loi n° 2012-387 du
22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des
démarches administratives (dite « loi Warsmann ») a modifié l'article 13
du statut de l'AFP pour inclure parmi ses ressources une compensation
par l’État des missions d'intérêt général qui sont mentionnées dans son
statut
14
.
Pour répondre à la question de la Commission sur les « mesures
utiles », la France lui a transmis en février 2013 une proposition fondée
sur une méthode dite des « coûts évités » ou de « scénario contrefactuel »
qui vise à évaluer ce que seraient les coûts et les recettes de l’AFP si
celle-ci n’était pas investie par la loi de missions d’intérêt général. Par
différence, la compensation par l'État doit constituer la contrepartie des
coûts induits par la mise en oeuvre des missions d’intérêt général
14
Cet article est désormais rédigé dans les termes suivants : « Les ressources de
l'Agence France-Presse sont constituées par le produit de la vente des documents et
services d'information à ses clients, par la compensation financière par l'État des coûts
nets générés par l'accomplissement de ses missions d'intérêt général, telles que
définies aux articles 1
er
et 2 de la présente loi et par le revenu de ses biens
.
»
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
51
suivantes : assurer l'entretien d'un réseau mondial et couvrir l’actualité
nationale, ce qui suppose l'existence d'un réseau régional dense ; assurer
la vérification approfondie des faits ainsi que la continuité de la
transmission ; fournir une information internationale en français mais
également dans les autres langues de production de l’Agence. Selon la
direction générale des médias et des industries culturelles, l’État devra
compenser intégralement ou partiellement ces coûts, selon les modalités
qui seront prévues dans le nouveau contrat d’objectifs et de moyens.
Selon la direction générale des médias et des industries culturelles,
l’appréciation définitive de la Commission européenne pourrait intervenir
rapidement.
Au-delà des incertitudes qui pèsent sur l’issue de ce contentieux,
cette plainte aura eu le mérite de mettre en évidence les limites du modèle
économique actuel de l’Agence et le besoin d’une réflexion d’ensemble
sur ses missions et ses différents modes de financement. En effet, son
statut fortement dérogatoire, qui l’empêche de disposer d’un capital, est
de plus en plus inadapté à ses ambitions de développement qui sont
désormais moins nationales qu’internationales. À ce titre, le renforcement
de la capacité d’investissement de l’AFP pour affirmer sa vocation
d’agence mondiale plaide pour une révision en profondeur de ses
relations financières avec l’État. Ces dernières doivent désormais, au-delà
de l’achat d’abonnements qui sont la contrepartie d’un service rendu,
avoir pour objectif de compenser par une subvention pour charges de
service public les missions d’intérêt général qu’elle exerce, y compris au
plan international.
C - Une politique de plus en plus coûteuse pour l’État
1 -
Une augmentation massive des aides dans le cadre du plan
triennal 2009-2011
La mise en oeuvre du plan triennal 2009-2011 a nécessité des
ouvertures massives de crédits supplémentaires, essentiellement sur le
programme 180 -
Presse
.
Alors que 170,1 M€ avaient été ouverts en 2008, ce montant a été
porté à 329,6 M€ en 2009. Ce niveau élevé de dotations a été maintenu en
2010 et 2011 avec respectivement 318,1 M€ et 304,1 M€. Les dépenses
constatées ont doublé entre 2008 et 2009, en passant de 164,6 à
324,3 M€. Ce niveau élevé de dépenses a été ensuite maintenu, avec
329,1 M€ en 2010 et 298,1 M€ en 2011.
52
COUR DES COMPTES
Graphique n° 3 : évolution des crédits du programme 180 -
Presse
de 2008 à 2012 (en crédits de paiement et en M€, hors
abonnements auprès de l’AFP)
Source : Cour des comptes
Cette augmentation massive des crédits s’explique par le
doublement des aides directement versées aux éditeurs, principalement
celles gérées par le fonds d’aide aux services de presse en ligne (plus de
20 M€) ainsi que l’aide au portage de presse (+ 61,8 M€). Elle est
également imputable à la compensation par l’État auprès de La Poste du
gel en 2009 de la hausse des tarifs du transport postal (+ 25,4 M€ en
2009) et à l’aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse (+ 52,6 M€ en
autorisations d’engagement et + 32,2 M€ en crédits de paiement en 2009,
les paiements ayant été échelonnés sur plusieurs exercices).
En dehors des crédits du programme 180 -
Presse
, les autres aides
n’ont pas connu d’évolution significative, si ce n’est le financement du
plan social « IMPRIME » en faveur des imprimeries de la presse
quotidienne parisienne qui a été imputé sur les crédits du programme
103 -
Anticipation des mutations économiques et développement de
l’emploi
, géré par le ministère chargé du travail.
La part de l’aide au transport postal, financée sur le programme
134 -
Développement des entreprises et des services
, a été maintenue à un
niveau de 159 M€ de 2008 à 2011, puis ramenée à 152,4 M€ de crédits
ouverts et 152 M€ de crédits consommés en 2012.
170,100
329,600
318,100
304,100
272,800
164,600
324,300
329,100
298,1
267,00
2008
2009
2010
2011
2012
Crédits ouverts
Crédits consommés
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
53
2 -
La difficulté à revenir au niveau de 2008 : les limites d’une
politique consistant en un « rabotage » des crédits
L’investissement exceptionnel de l’État qu’a constitué le plan
d’aide à la presse 2009-2011 avait vocation à se limiter à trois années.
Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2012 au titre des
aides à la presse ont amorcé une diminution par rapport à ceux qui avaient
été ouverts en 2011, en passant de 304,1 M€ à 272,8 M€ en crédits de
paiement (hors abonnements à l’AFP). Toutefois, cette dotation est
demeurée supérieure de 56 % à celle antérieure aux états généraux de la
presse. Les dépenses constatées en 2012 sont donc encore largement
supérieures à celles de 2008 (267 M€, soit + 62 %).
Enfin, si le budget initial pour 2013, à périmètre constant
15
, prévoit
la poursuite de la diminution des aides directes à la presse, celles-ci
restent supérieures de 43 % à leur niveau de 2008.
En fait, plusieurs mesures du plan triennal ont continué de produire
leurs effets et la plupart d’entre elles ont été reconduites, sinon
pérennisées. Le fonds d’aide au portage et l'exonération partielle des
charges sociales patronales appliquées aux porteurs de presse ont été
reconduits en 2012. L'aide aux services de presse en ligne a été
poursuivie dans le cadre du nouveau fonds stratégique de développement
de la presse qui a été créé par le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012.
Enfin, les accords tripartites de 2008 concernant l’aide au transport postal
ainsi que le moratoire sur les augmentations tarifaires postales constituent
une contrainte budgétaire forte – près de 250 M€ ont été prévus pour
2013 – jusqu’à l’échéance des accords à la fin de 2015.
Par ailleurs, alors que certains dispositifs jugés importants tels que
les aides au pluralisme ont vu leurs crédits stabilisés, d’autres qui
figuraient pourtant parmi les axes prioritaires du plan triennal ont connu
des diminutions importantes : en 2013, la dotation du fonds d’aide au
portage a été réduite de 7,4 M€ (-16,5 %) et celle du fonds stratégique
pour le développement de la presse de 4,8 M€ (-12,5 %).
La programmation triennale pour la période 2013 à 2015 prévoit
une diminution de l’ordre de 12 % des crédits de paiement du programme
180.
15
Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2013 sur le programme 180 (hors
AFP) s’élèvent à 394,8 M€ mais incluent désormais la part de l’aide au transport
postal jusqu’alors financée sur le programme 134, soit 152,4 M€ ouverts en loi de
finances initiale pour 2012. Sans cet effet de périmètre, ils se seraient élevés à
242,4 M€, soit une baisse de 11 % par rapport à 2012.
54
COUR DES COMPTES
Si cette trajectoire budgétaire démontre la volonté des Pouvoirs
publics de tenir compte des contraintes pesant sur les finances publiques,
la méthode retenue présente des limites puisqu’elle ne s’est pas
accompagnée d’une réforme des dispositifs qui aurait permis de dégager
des marges de manoeuvre plus significatives. Elle ne vise pas, en tout état
de cause, à revenir au niveau de dépenses du programme 180 antérieur au
plan triennal 2009-2011.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La presse est un secteur économique fortement soutenu par l’État
et qui en dépend donc largement. Ce soutien s’est accru au cours de la
dernière décennie. Il aboutit à une politique complexe qui poursuit des
objectifs multiples dans le cadre d’aides indirectes et directes.
L’accumulation d’aides de toute nature s’est accentuée avec la
mise en oeuvre d’un plan d’aide à la presse pendant la période 2009-2011
qui a conduit à un doublement des dépenses au titre du programme
budgétaire « Presse » (hors abonnements de l’État à l’Agence France-
Presse).
Les aides à la presse ont induit une dépendance pour les éditeurs
de presse mais également pour l’ensemble des acteurs chargés de la
distribution et de la diffusion des journaux. La fin du plan triennal d’aide
n’a pas entraîné un retour à la situation antérieure du niveau des
dépenses de l’État en faveur de la presse.
La situation actuelle appelle une simplification des dispositifs de
soutien à la presse mais également une réduction plus marquée des
dépenses correspondantes, sauf à considérer que d’autres secteurs du
ministère de la culture et de la communication doivent contribuer en lieu
et place du programme « presse » à l’effort de réduction de la dépense
publique.
Au-delà de cette orientation à moyen terme, la Cour formule les
recommandations suivantes :
1.
estimer le coût de l’exonération de la contribution économique
territoriale (CET) en faveur des entreprises de presse, compte
tenu des incertitudes existantes et afin d’être en mesure de
valoriser de manière exhaustive les aides publiques au secteur de
la presse écrite ;
2.
évaluer la pertinence des deux mesures fiscales relatives aux
investissements dans les entreprises de presse (le régime des
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
55
provisions de presse et la réduction d’impôt pour les sociétés qui
souscrivent au capital des sociétés de presse) et les supprimer si
leur efficacité n’est pas démontrée au regard de l’objectif de
développement
des investissements dans les entreprises de
presse ;
3.
réexaminer les justifications du régime de l’abattement pour
frais professionnels des journalistes ;
4.
procéder, dans la perspective du prochain contrat d’objectifs et
de moyens et d’un avenant à la convention de 1958, à
l’évaluation des missions d’intérêt général, y compris au plan
international, qui doivent être compensées par une subvention
pour charges de service public, et au réexamen du nombre et de
la nature des abonnements de l’État à l’AFP sur la base d’une
appréciation des besoins des services bénéficiaires.
Chapitre II
Une politique aux résultats
peu probants
I
-
Une efficacité limitée par les défauts des
modalités d’aide
L’analyse de la mise en oeuvre des aides à la presse au cours des
dernières années, en particulier du plan triennal de soutien 2009-2011, et
des quelques évaluations de leur efficacité réalisées en 2012 et 2013
conduit à identifier un certain nombre de facteurs expliquant l’efficacité
limitée de la plupart des aides à la presse.
A - Des effets contradictoires : l’aide au transport postal
et l’aide au portage
La complexité et la volonté d’exhaustivité de la politique d’aide à
la presse conduisent parfois l’État à poursuivre des objectifs qui se
révèlent contradictoires dans le cadre d’une politique globale de soutien.
Les orientations prises depuis 2009 pour soutenir l’acheminement de la
presse par abonnement en constituent la principale illustration.
58
COUR DES COMPTES
1 -
Une volonté affichée de développer le portage depuis 2009
Tandis que la vente au numéro chez les diffuseurs de presse
(marchands de journaux) est en déclin depuis plusieurs années, en
particulier depuis 2008, la vente par abonnement connaît une moindre
diminution. Elle a, en outre, l’avantage, pour les éditeurs, d’impliquer
l’encaissement par avance des recettes et de limiter les invendus liés à la
vente au numéro (de l’ordre de 40 % des exemplaires imprimés).
L’acheminement des journaux vendus par abonnement peut
s’effectuer par voie postale, via le réseau de La Poste, ou par portage à
domicile, par des réseaux de portage.
a)
Le retard traditionnel du portage en France
Le portage constitue pour les éditeurs de presse, en particulier ceux
de la presse quotidienne, la solution la plus efficace. Il offre en effet des
délais de livraison plus rapides et, partant, une qualité du service rendu au
lecteur abonné supérieure à celle de l’acheminement traditionnel par voie
postale. Les éditeurs de la presse quotidienne constatent ainsi un taux de
fidélisation des lecteurs supérieur d’environ 10 % dans le cas
d’abonnements portés.
L’intérêt du portage est sans doute plus réduit pour la presse
magazine hebdomadaire et surtout pour la presse mensuelle pour laquelle
la rapidité d’acheminement n’est pas un facteur prépondérant. Le portage
est également moins adapté que le transport postal dans les zones à faible
concentration de population, en raison du maillage territorial réalisé par
La Poste pour l’acheminement du courrier.
En dépit des avantages du portage, le transport par voie postale
occupe en France une place prépondérante contrairement à la plupart des
autres pays. Selon La Poste, la France et la Suisse seraient les deux seuls
pays européens dans lesquels la distribution des quotidiens par voie
postale conserve une place significative. En France, elle représente de
l’ordre de 30 % de la diffusion globale, derrière les messageries de presse
mais avant toutes les autres formes de distribution, et 42 % de la presse
quotidienne nationale en 2011. Les postes britanniques et finlandaises
n’assurent aucune distribution de quotidiens et la part du postage est
inférieure à 5 % en Belgique, en Allemagne, en Suède et aux Pays-Bas.
Si les entreprises de la presse quotidienne régionale sont parvenues
à développer des réseaux propres de portage adaptés à leur zone de
diffusion, ce mode d’acheminement reste très limité pour la presse
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
59
quotidienne nationale alors qu’il aurait pu constituer un atout dans la
période actuelle de crise de la presse écrite.
Cette situation a une cause principale : l’importance historique de
l’aide au transport postal et l’existence de tarifs de service public
préférentiels qui n’ont pas permis le développement d’une économie
rentable autour de l’activité de portage.
b)
Le portage, une priorité du plan triennal 2009-2011
En conclusion des états généraux de la presse écrite, le Président
de la République a annoncé un plan massif de développement du portage
qui s’est traduit tant par une augmentation globale des crédits que par
l’évolution des formes d’aides. Ce plan a été mis en place rapidement
après les états généraux, en avril et mai 2009, qu’il s’agisse de la
publication des deux textes régissant les mesures nouvelles ou de la
majoration des enveloppes budgétaires en loi de finances rectificative.
Les conditions d’attribution et de fonctionnement de l’aide au
portage ont été modifiées afin de la rendre plus incitative et de permettre
un développement à long terme du portage de la presse.
Conformément aux conclusions des états généraux, le fonds d’aide
au portage, doté de 8 M€ en 2008, a bénéficié en 2009 d’une très forte
augmentation, avec une dotation de 70 M€. Les dépenses se sont élevées
à 65,05 M€ en 2009, 67,24 M€ en 2010 et 66,69 M€ en 2011.
En complément du fonds d’aide au portage et avec l’objectif
affiché de développer un réseau structuré de portage, la loi de finances
rectificative du 20 avril 2009 a instauré un dispositif destiné aux éditeurs
de presse qui recourent à des vendeurs-colporteurs et à des porteurs de
presse
16
. Celui-ci a pris la forme d’une exonération plafonnée des
cotisations patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales sur
les rémunérations versées aux vendeurs-colporteurs de presse et aux
porteurs de presse affiliés au régime général de la sécurité sociale, qu’il
s’agisse du portage de quotidiens et hebdomadaires nationaux, régionaux
et départementaux d’information politique et générale gratuits ou payants.
16
Les vendeurs-colporteurs sont les personnes qui effectuent, sur la voie publique ou
par portage à domicile, la vente de publications quotidiennes et assimilées, alors que
les porteurs de presse assurent la seule distribution de ces publications et non pas leur
vente. Les vendeurs-colporteurs ont un statut hybride. Ils sont considérés comme
travailleurs indépendants au regard du droit fiscal et du droit du travail, mais relèvent
de plein droit depuis 1991 du régime de sécurité sociale des salariés. Ils peuvent
exercer leur activité en leur nom propre ou pour le compte d’un éditeur, d’un
dépositaire ou d’un diffuseur. Les porteurs de presse sont, en revanche, salariés des
entreprises de presse.
60
COUR DES COMPTES
Les montants remboursés par l’État à l’agence centrale des organismes de
Sécurité sociale (ACOSS) ont représenté 3,8 M€ en 2009, année de
lancement de la mesure, puis 18,1 M€ en 2010, 17,4 M€ en 2011 et
19,1 M€ en 2012.
Un mauvais calibrage récurrent des crédits relatifs à la mesure
d’exonération de cotisations
Le calibrage des crédits nécessaires au financement de la mesure
d’exonération de cotisations apparaît difficile à réaliser, comme le montre le
tableau suivant. Son coût annuel est systématiquement supérieur aux
dotations ouvertes en loi de finances initiale et oblige à ouvrir des crédits
complémentaires en gestion ou à procéder à des reports de charges sur les
exercices suivants.
Tableau n° 4 : bilan financier de la mesure d’exonération de cotisations
depuis 2009 (en M€)
Source :
direction générale des médias et des industries culturelles
Si des erreurs de prévision pouvaient s’expliquer au cours des
premières années, elles ne sont plus justifiées dès lors que le dispositif est
arrivé à maturité. Il importe donc, dans un souci de sincérité budgétaire, de
retenir dans le projet de loi de finances initiale une dotation plus conforme
aux dépenses effectives prévisibles.
2 -
Le maintien d’un niveau élevé d’aide au transport postal : une
situation aggravée par le moratoire de 2009
Alors même que l’État affichait son objectif de développer le
portage au détriment du postage, il maintenait l’aide à ce dernier à un
niveau élevé. En dépit de la baisse progressive prévue dans le cadre des
accords tripartites de 2008, de 242 M€ en 2009 à 200 M€ en 2014 et à
180 M€ en 2015, l’aide au transport postal est restée, avec le taux « super
réduit » de TVA à 2,1 %, la principale aide à la presse et a continué à
représenter des sommes très supérieures à celles consacrées au portage.
En outre, prenant acte de l’aggravation soudaine du contexte
économique, le Président de la République a décidé le 23 janvier 2009,
lors de la clôture des états généraux de la presse écrite, que
«
la mise en
2009
2010
2011
2012
2013
12,00
14,00
15,50
16,90
8,00
17,41
14,00
14,57
19,70
8,00
17,00
16,09
14,57
3,80
18,10
17,40
19,10
8,00
17,00
16,09
14,57
4,20
-1,10
-1,31
-4,53
En CP
Crédits ouverts en LFI
Total crédits ouverts en gestion
Crédits consommés
Liquidation des cotisations exonérées au titre de l'année
Montant versé à l'ACOSS
Montant dû
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
61
oeuvre de l’accord presse – La Poste [serait] reportée d’un an, le manque à
gagner pour La Poste étant intégralement compensé par l’État
»
. Ce
report d’un an s’est traduit par une stabilisation des tarifs préférentiels au
niveau de 2008, alors qu’ils devaient augmenter dès 2009. Depuis 2010 et
jusqu’à l’échéance des accords, les tarifs appliqués sont donc calculés
conformément aux termes de l'accord tripartite du 23 juillet 2008, en
appliquant le report d'un an de la hausse des tarifs.
Les états généraux de la presse, qui ont proposé au Gouvernement
l’adoption du moratoire, ont estimé le coût budgétaire de cette mesure à
10 M€. Or celui-ci a été beaucoup plus élevé : proche de 25 M€ (23,7 M€
en 2009 et 24,5 M€ en 2010), il s’est encore situé à un niveau supérieur
en 2011 (27,4 M€) et 2012 (29,2 M€). L’augmentation des tarifs
préférentiels prévue par les accords de 2008 étant continue sur la période
2009-2015, la compensation du décalage d’un an entraîne une dépense
budgétaire importante jusqu’en 2015, évaluée, pour 2013, à 32 M€ dans
la loi de finances initiale.
L’accroissement concomitant du soutien au portage et au transport
postal ne pouvait conduire à une substitution progressive du premier
mode de transport au second.
3 -
Une contradiction persistante
L’État se trouve en 2013 face aux mêmes contradictions qu’en
2009. Si la mise en oeuvre des accords de 2008 se traduit par une
poursuite de la baisse de l’aide au transport postal (- 15 M€ en 2013), les
effets de cette évolution favorable sont compensés, d’une part, par la
hausse du coût du moratoire (+ 2,8 M€ en 2013) et, d’autre part, par la
baisse parallèle de l’aide au portage (- 7,4 M€ en 2013).
La poursuite au-delà de 2015, terme des accords tripartites, d’une
politique onéreuse d’aides simultanées et d’un montant élevé au portage
et au transport postal n’est justifiée ni au regard d’un objectif de réduction
des déficits publics, ces deux aides représentant l’essentiel des aides
directes, ni de l’efficacité du soutien de l’État.
L’ensemble des acteurs du secteur de la presse, éditeurs comme
opérateurs du transport, considère aujourd’hui que le portage constitue la
solution d’avenir pour l’acheminement de la presse aux abonnés, même si
le transport postal peut jouer un rôle complémentaire dans les zones à
plus faible densité et éventuellement pour certaines familles de presse.
Dans une perspective de moyen terme (trois à cinq ans), l’État
devrait donc s’attacher à aider le secteur de la presse et les opérateurs de
transport à réaliser la transition du postage vers le portage. Ceci implique
62
COUR DES COMPTES
en tout état de cause un rééquilibrage des tarifs de ces deux modes de
diffusion, qui ne pourra être obtenu que par la poursuite, au-delà de 2015,
de la baisse de l’aide au transport postal et de la hausse concomitante des
tarifs du transport postal de la presse.
B - Des modalités de calcul des aides parfois
inappropriées
L’efficacité de plusieurs aides a été réduite par des défauts de
calibrage. Si certains ont pu être corrigés rapidement par l’administration,
d’autres demeurent.
1 -
Un effet d’aubaine lié aux défauts de conception de l’aide au
portage
Des défauts de conception et de calibrage de l’aide au portage,
relevées par le rapport de MM. Mettling et Lubek précédemment cité
ainsi que par la Cour dans ses notes d’analyse de l’exécution budgétaire,
ont fortement réduit l’efficacité de l’aide au portage, en 2009 et, dans une
moindre mesure, depuis lors.
Trois défauts du dispositif ont ainsi été mis en évidence.
Le premier est le mauvais calibrage des deux composantes de
l’aide au portage, l’aide aux stocks, fondée sur le nombre total
d’exemplaires portés les années précédentes, et l’aide aux flux, calculée
sur la progression annuelle des exemplaires portés. En 2009, l’aide aux
stocks a ainsi représenté 90 % de l’aide au portage (58,6 M€) contre
seulement 10 % (6,4 M€) pour l’aide aux flux.
Cette prépondérance de l’aide aux stocks a créé un effet d’aubaine
au profit des quotidiens qui recouraient déjà de manière significative au
portage, à savoir la presse quotidienne régionale ou départementale, alors
que l’objectif principal poursuivi par l’État était de développer le portage
des quotidiens nationaux, très en retard dans ce domaine. En 2009, la
presse quotidienne régionale ou départementale a ainsi bénéficié de
81,9 % de l’aide accordée par l’État, contre seulement 17,8 % pour la
presse quotidienne nationale.
Si le dispositif a, par la suite, été réaménagé, le rééquilibrage n’a
été que partiel. En 2010, la part de l’aide aux flux est passée à 23 %
(15,6 M€), l’aide aux stocks restant prépondérante à 77 % (51,6 M€).
Cette même année, la presse quotidienne régionale ou départementale a
continué à bénéficier de l’essentiel de l’aide (78,8 %), la place de la
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
63
presse quotidienne nationale progressant un peu, de 17,8 % en 2009 à
20 % en 2010.
Le deuxième défaut est le calcul de l’aide aux flux sur la base de
données de 2008, antérieures à l’adoption du dispositif, ce qui a réduit à
néant son effet incitatif.
Enfin, le troisième défaut de la mesure est que l’aide globale,
quoique plafonnée à 30 centimes, a, pour certains titres, été supérieure au
coût réel du portage supporté par les éditeurs de presse.
Si des corrections ont progressivement été apportées par la
direction générale des médias et des industries culturelles, la question du
calibrage de l’aide au portage, en particulier du poids respectif des aides
aux stocks et aux flux, reste une préoccupation majeure dans la
perspective d’une réforme des aides à la presse. Au-delà des aspects
techniques, elle reflète les divergences d’intérêts actuelles entre la presse
quotidienne régionale, qui a beaucoup développé le portage et prône le
maintien d’une part élevée d’aide aux stocks, et la presse quotidienne
nationale, qui souhaite voir l’aide aux flux privilégiée.
La contrainte pesant sur les finances publiques et la nécessité
d’améliorer l’efficacité de la politique d’aide à la presse incitent
néanmoins à préférer désormais une aide au flux qui serait limitée à la
période nécessaire au décollage du portage, durée que l’État pourrait fixer
à trois ou quatre ans maximum afin de lui conserver un effet incitatif.
Cette conception n’est autre que celle qui avait été définie à l’occasion
des états généraux et du lancement du plan triennal (l’augmentation de
l’aide au portage étant massive et limitée à trois ans) mais qui n’a pas été
retenue.
L’État pourrait également décider du maintien d’une aide au flux
ou, du moins, fixer son niveau, en fonction des progrès observés dans la
structuration d’un réseau national de portage et dans la mutualisation des
réseaux nationaux et régionaux qui, toutes deux, constituent des enjeux
industriels conditionnant la progression du portage de la presse
quotidienne nationale.
64
COUR DES COMPTES
2 -
Les défauts du calcul de l’aide aux quotidiens nationaux à
faibles ressources publicitaires
a)
Un mode d’attribution incohérent
L’attribution de cette aide, qui constitue la principale « aide au
pluralisme », repose d’abord sur la réunion d’un certain nombre de
conditions qui n’appellent pas d’observation particulière
17
.
La détermination du montant des aides versées aux quotidiens
remplissant ces conditions a, en revanche, conduit, notamment en 2011 et
en 2012, à donner aux trois grands quotidiens concernés une aide à peu
près équivalente (environ 3 M€), indépendamment de leur niveau de
diffusion et du pourcentage de recettes publicitaires par rapport à leurs
recettes totales. En effet, si les chiffres de la diffusion payante de chaque
quotidien sont théoriquement pris en considération, ils n’ont, de fait,
qu’une incidence très marginale sur le calcul du montant de l’aide.
Le tableau ci-après, établi à partir de données de 2011, permet de
dégager plusieurs constats :
-
l’aide représente un pourcentage important des recettes générales
des quotidiens concernés : de 8,9 % pour
La Croix
à 26,8 % pour
Présent
;
-
le montant de l’aide est déconnecté du niveau de diffusion : il
représente respectivement 31,2 et 22,2 centimes par exemplaire
payant diffusé pour
Présent
et
L’Humanité
, contre 10,4 centimes
pour
La Croix
et 8,3 centimes pour
Libération
;
-
le montant de l’aide est également indépendant du niveau de
recettes
publicitaires
puisqu’il
est
presque
identique
pour
Libération
dont les recettes publicitaires représentent 22,5 % de ses
ressources et sont proches du plafond fixé pour l’attribution de
l’aide (25 %), et pour
L’Humanité
qui ne collecte que 11,3 % de
recettes publicitaires et plus encore pour
La Croix
qui n’a que
7,3 % de recettes publicitaires.
17
Tirage moyen inférieur à 250 000 exemplaires et diffusion moyenne payante
inférieure à 150 000 exemplaires, prix de vente compris dans une fourchette, recettes
de publicité inférieures à 25 % du total des recettes.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
65
Tableau n° 5 : données relatives aux bénéficiaires de l’aide
QFRP - Exercice 2011
Montant de
l'aide en
2011(en €)
% recettes
publicitaires
Diffusion
annuelle
payante
Aide par
exemplaire
payant (en
centimes)
L'Humanité
3 057 906
11,3 %
13 794 638
22,2
La Croix
2 943 997
7,3 %
28 181 055
10,4
Libération
2 890 625
22,5 %
34 921 705
8,3
Présent
260 183
0,0 %
834 644
31,2
Source : Cour des comptes (à partir de données transmises par la direction
générale des médias et des industries culturelles)
Ayant pour objectif principal
18
de soutenir des titres qui ont des
ressources publicitaires limitées, soit de manière volontaire dans un souci
de préservation de leur indépendance, soit de façon subie, cette aide
devrait être pondérée en fonction du pourcentage plus ou moins élevé de
ressources publicitaires (entre 0 et 25 %). En outre, le niveau de la
diffusion payante de ces titres pourrait être mieux pris en compte afin
d’éviter que le niveau de l’aide publique ne soit déconnecté de la réalité
économique des titres et de leur succès auprès des lecteurs.
Une réforme complète de ce mécanisme paraît s’imposer.
b)
Des effets de seuil récemment corrigés
Les aides au pluralisme ont pu provoquer des effets de seuil
conduisant des titres à limiter leurs ressources provenant de la publicité
pour ne pas sortir du cadre d’une aide au pluralisme.
Ce problème a fait l’objet de propositions de l’instance de
concertation réunie par le ministère en 2011 visant à mettre en place un
mécanisme de lissage et à créer une
troisième section au sein du fonds
d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à
faibles ressources publicitaires afin qu’un titre concerné par le
dépassement du seuil perçoive pendant trois ans une aide dégressive dont
le montant serait fondé sur la dotation annuelle de la troisième section. Ce
mécanisme de lissage a été repris et institué par le décret du
13 avril 2012, ce qui a permis de corriger les effets de seuil.
18
L’aide a également pour objet d’aider les titres qui traversent de manière
conjoncturelle des difficultés financières, mais en tout état de cause dans des
proportions qui doivent pouvoir être justifiées.
66
COUR DES COMPTES
3 -
Les difficultés de calibrage des aides à la modernisation
sociale
Les aides à la modernisation sociale constituent un autre exemple
de mauvais calibrage des dispositifs de soutien à la presse.
L’article 135 de la loi de finances rectificative pour 2004 a institué
une aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne
d’information politique et générale. Cette aide vise à prendre en charge,
pour la partie incombant à l'État, les allocations versées aux salariés de la
presse quotidienne nationale. Ce dispositif permet l’attribution d’une
allocation spéciale aux travailleurs âgés qui ont fait l’objet d’un
licenciement pour motif économique.
Une convention-cadre a été signée en septembre 2005 pour
préciser les conditions d’âge des personnels éligibles, formaliser
l’engagement de non-embauche des entreprises et déterminer la clé de
répartition du dispositif entre l’État et la branche : l’État prend à sa charge
le financement de 46,4 % des dépenses liées à la mise en oeuvre du
dispositif, le reste étant à la charge de la profession. Le coût maximum du
plan pour l'État a été fixé à 75,4 M€, sous réserve de l’inscription
annuelle des crédits en loi de finances.
Un dispositif identique a été mis en place en 2006 au bénéfice de la
presse quotidienne régionale et de la presse quotidienne départementale,
avec la signature de conventions-cadres en août 2006. Comme pour la
presse nationale, l’État prend en charge 46,4 % du coût total du plan, dans
la limite d’une enveloppe globale de 116 M€.
Le tableau suivant indique les dépenses induites par ces deux
dispositifs.
Tableau n° 6 : dépenses de l’État au titre des aides à la
modernisation sociale (en M€)
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013 *
9,4
12,3
14,1
24,9
29,9
28,1
23,4
18,4
Source : direction générale des médias et des industries culturelles
* Crédits ouverts
S’agissant de la presse quotidienne nationale, le nombre maximum
de personnes à prendre en charge sur toute la durée du plan a été fixé à
586 (soit 497 ouvriers et 89 cadres techniques). Au 31 décembre 2011,
25 conventions d’entreprises avaient été signées pour un effectif
théorique
de
513
personnes.
En
réalité,
on
ne
recensait
que
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
67
436 bénéficiaires à cette date. Du fait des départs à la retraite, cet effectif
a encore diminué, avec 231 bénéficiaires en 2013.
S’agissant de la presse quotidienne en région, 39 conventions
d’entreprises avaient été signées au 31 décembre 2011 pour un effectif
théorique
de
1 577 personnes.
En
réalité,
on
ne
recensait
que
1 334 bénéficiaires à cette date. Du fait des départs à la retraite, cet
effectif a encore diminué, avec 607 bénéficiaires en 2013.
Si, en raison de la moindre entrée des potentiels bénéficiaires dans
le dispositif, le chiffrage initial du plan a été révisé à la baisse, les coûts
induits par les mesures d’aides à la modernisation sociale restent très
élevés. Selon les données de la direction générale des médias et des
industries culturelles, le coût moyen par bénéficiaire est estimé, pour la
presse quotidienne nationale, à 297 000 € pour une durée de 65 mois et,
pour la presse quotidienne régionale et départementale, à 170 000 € pour
une durée de 48 mois. Ces montants totalisent la part « Entreprise » et la
part « État ». Si l’on raisonne sur la seule part « État », les coûts moyens
par bénéficiaire sont respectivement estimés à 154 000 € et à 88 400 €.
De plus, ces coûts ne prennent pas en compte les dépenses liées à
la mise en oeuvre du plan « IMPRIME ». En effet, à l'issue des états
généraux de la presse écrite, les éditeurs ont demandé la mise en place de
nouvelles mesures de réduction d'effectifs dans les entreprises de la
presse parisienne afin de contribuer à la réduction du coût de fabrication
des journaux. Les négociations, entamées en février 2009, ont abouti à un
accord qui a été négocié avec le directeur de cabinet du ministre chargé
de l’emploi et a été signé en octobre 2009 par les syndicats. Cet accord
comporte, outre des mesures concernant l'organisation quotidienne du
travail dans les centres d'impression, un volet dit « IMPRIME » qui est un
dispositif d’une durée de trois ans prenant la forme d'un congé de
conversion à l'issue d'un licenciement, pendant lequel la rémunération est
de 85 % du salaire annuel précédent la première année, 80 % la deuxième
année et 75 % la troisième année.
Le coût global de ce plan a été initialement estimé à un peu plus de
140 M€. La participation de l'État, calculée sur environ la moitié du
montant total (75 M€), a porté sur l’accompagnement de 350 mobilités
pour des salariés imprimeurs de la presse quotidienne nationale touchés
par un licenciement. En fin d’année 2012, 253 salariés étaient entrés dans
le dispositif et 15,8 M€ ont été consommés au titre de la participation de
l’État, soit un coût unitaire d’environ 62 000 €. La date limite d’entrée
dans le dispositif ayant été fixée au 31 octobre 2012, l’objectif de 350
bénéficiaires n’a pas été atteint et l’enveloppe de 75 M€ à la charge de
l’État ne devrait être finalement que partiellement consommée, à hauteur
de 47 M€ compte tenu des prévisions pour 2013.
68
COUR DES COMPTES
C - L’absence de neutralité des aides à la diffusion
1 -
Des décisions des entreprises de presse liées au montant des
aides publiques plus qu’à des choix économiques rationnels
Le ministère de la culture et de la communication considère que
son action en faveur du secteur de la presse doit se traduire par une
certaine neutralité et que, s’agissant en particulier de la concomitance des
aides au portage et au transport postal, aucun motif d’intérêt général ne
justifierait que l’État fausse la concurrence en favorisant un mode de
distribution plutôt qu’un autre.
Or ce principe de neutralité vis-à-vis des modes de diffusion est
très inégalement appliqué.
D’une part, la multiplication des crédits d’aide au portage durant la
période 2009-2011 témoigne, au contraire, d’une volonté d’inciter les
éditeurs de presse à faire évoluer leur stratégie de diffusion, même si pour
les raisons précédemment indiquées, cette politique n’a pas eu la
cohérence souhaitée.
D’autre part, le choix d’une certaine neutralité supposerait que les
titres relevant d’une même famille de presse bénéficient d’aides à la
diffusion dans des proportions équivalentes. Or en l’absence de cohérence
et de vision consolidée des aides à la diffusion accordées à chaque titre,
l’État n’a pas, jusqu’à il y a peu, été en mesure de s’en assurer. Il n’a ainsi
pas pu apprécier si un titre comme le quotidien
Le Monde
, principal
bénéficiaire de l’aide au transport SNCF, reçoit, pour chaque exemplaire
diffusé, une aide plus ou moins importante qu’un quotidien tel que
La
Croix
, qui achemine l’essentiel de ses exemplaires par voie postale, ou
que d’autres quotidiens nationaux qui accordent une plus grande place au
portage.
En outre, le caractère éclaté des aides à la diffusion, instaurées à
des périodes différentes, avec des régimes et des bénéficiaires très divers,
rend fort peu probable l’atteinte d’un objectif de neutralité vis-à-vis des
choix faits par les entreprises de presse dans le mode de diffusion de leurs
titres.
Sur la base des données dont dispose désormais la direction
générale des médias et des industries culturelles et sous réserve des
nuances qu’impose l’addition d’aides de nature différente
19
, la situation
19
Sont prises en compte dans le tableau suivant : l’aide au transport postal, l’aide au
portage hors exonération de charges, l’aide au transport par la SNCF et l’aide à la
distribution de la presse quotidienne nationale (PQN).
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
69
des aides à la diffusion peut être établie comme suit pour les quotidiens
nationaux, en moyenne annuelle sur la période 2009-2011.
Tableau n° 7 : montant annuel cumulé des aides à la diffusion
par titre de la presse quotidienne nationale - Moyenne sur la période
2009 à 2011
Source : Cour des comptes (à partir de données transmises par la direction
générale des médias et des industries culturelles)
Il ressort de ce tableau que le montant d’aide à la distribution par
exemplaire diffusé va de 13,64 centimes d’euro pour
Les Echos
à
20,02 centimes pour
La Croix
, qui privilégie la diffusion par transport
postal. On ne peut donc conclure à une stricte neutralité de l’État face aux
choix de diffusion des éditeurs de presse.
2 -
La persistance d’un déficit de l’activité de transport de la
presse dans les comptes de La Poste
L’existence de tarifs administrés se traduit aussi par des déficits
récurrents dans les comptes du principal opérateur
20
, La Poste, comme le
montre le tableau ci-après.
Selon les données de comptabilité analytique que tient La Poste
pour des raisons notamment réglementaires, le déficit de l’activité aurait
diminué de près de 100 M€ de 2008 à 2012, notamment en raison de ses
efforts de productivité et de la hausse progressive des tarifs prévue par les
accords tripartites de 2008. Il reste néanmoins que le déficit constaté en
2012 (281 M€) représente encore près de 30 % des coûts imputés à cette
activité en comptabilité analytique. Même s’il continue à se réduire d’ici
2015, cette activité ne trouvera certainement pas son équilibre à cette
échéance.
20
Il convient de souligner que cette comptabilité est régulièrement contestée par les
éditeurs de presse. Compte tenu des délais impartis pour réaliser la présente enquête,
celle-ci n’a pas fait l’objet d’un examen spécifique.
Titre de presse
Moyant annuel
moyen aide à la
distribution de la
PQN - 2009-2011
(en €)
Moyant annuel
moyen aide au
portage
- 2009-
2011 (en €)
Moyant annuel
moyen aide au
transport postal -
2009-2011 (en €)
Moyant annuel
moyen aide au
transport SNCF
- 2009-2011 (en
€)
Total Aides
moyenne 2009-
2011 (en €)
Total / Nb ex
diffusés (en
centimes)
CROIX (LA)
212 262 €
700 836
5 423 210
-
6 336 309
20,02
HUMANITE (L')
368 279 €
335 178
1 815 159
-
2 518 615
17,71
MONDE (LE)
4 958 357 €
2 111 719
5 696 638
3 989 937
16 756 651
17,13
LIBERATION
2 648 016 €
2 806 216
680 688
-
6 134 920
16,79
FIGARO (LE)
5 077 977 €
3 680 889
7 949 977
-
16 708 843
16,49
AUJOURD'HUI EN FRANCE
9 061 136 €
23 357
247 069
-
9 331 562
15,10
ECHOS (LES)
923 130 €
728 762
2 547 283
-
4 199 175
13,64
70
COUR DES COMPTES
Tableau n° 8 : l’activité de service public du transport de la
presse dans les comptes de La Poste
21
Source : Cour des comptes (à partir de données transmises par La Poste)
3 -
Une remise en cohérence souhaitable
D’une manière générale, l’existence d’aides au portage, au
transport postal, au transport par la SNCF ou d’aides au système de
distribution au numéro, sans conception d’ensemble, ni cohérence
globale, a conduit avec le temps à rendre certains modes de diffusion
moins chers que d’autres, sans réelle justification, ni considération tenant
à la qualité du service rendu. Elle a induit, auprès des éditeurs de presse,
des décisions contraires à ce qu’aurait été un choix économiquement
rationnel. Elle s’est également traduite par des effets d’aubaine en matière
de portage. Enfin, la mission de service public du transport de la presse
alimente un déficit récurrent dans les comptes de La Poste, qui tend certes
à diminuer mais ne devrait pas disparaître dans les prochaines années.
Dans ces conditions, l’État doit-il encore, délibérément comme en
2009 en augmentant l’aide au portage, ou involontairement du fait des
effets négatifs imprévus de ses mesures de soutien, influer sur les choix
des entrepreneurs de presse, ou doit-il s’en tenir à une position de plus
grande neutralité ?
À brève échéance, dès lors que les acteurs économiques (éditeurs
de presse, opérateurs du portage et La Poste) ont intégré dans leurs choix
stratégiques les aides actuelles de l’État, une remise en cause radicale ne
paraît pas envisageable.
21
Les coûts pris en compte dans ce tableau sont les « coûts attribuables » tels que
figurant dans les documents transmis par La Poste. L’analyse en « coûts complets »
donne un déficit assez proche, quoique supérieur.
En M€
2008
2009
2010
2011
2012
Coûts imputables à l’activité de
transport de la presse
1078
1027
1002
952
946
Chiffre d’affaires provenant des
éditeurs de presse
473
401
395
402
404
Compensation par l’État des effets
du moratoire de 2009
0
24
25
27
29
Aide de l’État au transport postal
232
230
242
241
232
Déficit de l’activité de transport de
la presse
373
372
340
282
281
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
71
À une échéance plus lointaine (trois à cinq ans) et au regard des
situations peu rationnelles et des déséquilibres observés, une politique
plus neutre pourrait se substituer à l’actuelle politique de soutien
spécifique à chaque mode de diffusion et de tarifs administrés. Elle
pourrait prendre la forme d’une aide unique et globale, ne portant pas sur
un mode de diffusion particulier mais laissant les entreprises de presse
libres de choisir ceux leur paraissant les plus adaptés à leurs besoins, et
susceptible d’être ciblée sur les familles de presse, notamment la presse
IPG. Cette perspective nécessiterait au préalable l’émergence d’un réseau
structuré de portage et l’achèvement de la restructuration du système de
vente au numéro afin que l’offre en matière de modes de diffusion et de
distribution soit large et que les tarifs de la distribution par portage ou par
les messageries de presse baissent de manière significative.
On pourrait également s’interroger sur la nécessité, à terme, de
maintenir le service public du transport postal en tant que tel ou dans sa
forme actuelle, dès lors que la majeure partie du transport par
abonnement se serait orientée vers le portage
22
. En tout état de cause, la
prestation appelée « publissimo », assurée par La Poste au titre du service
universel, demeurerait et ses tarifs constitueraient une garantie minimale
pour les éditeurs de presse.
La principale difficulté dans cette hypothèse serait l’écart existant,
du fait de l’aide de l’État, entre les tarifs préférentiels actuels liés à la
mission de service public et le tarif qui serait appliqué sans aide de l’État
(notamment le tarif du « service universel »).
S’agissant de la presse qui n’est pas considérée comme
d’information politique et générale, l’écart actuel serait en 2013, selon La
Poste, de 43 %. Il aurait vocation à se réduire jusqu’en 2015 à environ
30 % du fait de la hausse des tarifs prévue dans les accords tripartites de
2008, et pourrait être résorbé les années suivantes par un effort de
l’ensemble des parties prenantes.
S’agissant de la presse d’information politique et générale, l’écart à
combler serait beaucoup plus important mais pourrait être surmonté en
grande partie au moyen d’une aide globale à cette famille de presse lui
permettant de réduire ses coûts de diffusion, quels que soient les modes
d’acheminement choisis (postage, portage ou vente au numéro).
Une autre difficulté serait la capacité de La Poste à s’adapter à ce
nouveau contexte. À cet égard, il peut être relevé qu’une activité de
22
L’activité de transport postal visant à assurer l’acheminement de la presse dans des
zones peu denses, non couvertes par le portage, pourrait, le cas échéant, relever d’une
des missions de service public de La Poste : la contribution à l’aménagement du
territoire.
72
COUR DES COMPTES
postage de la presse subsisterait en tout état de cause et que La Poste s’est
déjà positionnée, avec sa filiale Neopress, parmi les principaux opérateurs
nationaux du portage et paraît prête à développer cette activité en nouant
des accords industriels.
D - L’insuffisante conditionnalité des aides
Le plan d’aide à la presse 2009-2011 s’est traduit par un effort
budgétaire, élevé en faveur du secteur mais, faute de formalisation, les
contreparties offertes par le secteur de la presse ont été insuffisantes.
1 -
L’aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse : une
progression limitée de leur rémunération
La première aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse avait été
accordée en 2009
« dans l’attente d’une meilleure répartition de la valeur
dans la chaîne de distribution »
. L’objectif était de leur accorder une aide
d’urgence en attendant que les réformes du système de diffusion de la
presse au numéro permettent de dégager des marges nouvelles qui
seraient réaffectées en bout de chaîne aux diffuseurs de presse.
Cet objectif n’a pas été assorti de dispositions concrètes négociées
avec le secteur. Il ressort en 2013 qu’aucune évolution significative n’est
intervenue, étant observé que les trois niveaux de distribution de la presse
au numéro (messageries de presse, dépôts territoriaux et points de vente)
connaissent une crise aigüe qui n’a pas facilité les évolutions.
Le président du conseil supérieur des messageries de presse
observait à cet égard, dans son rapport à l’assemblée du conseil du
28 mars 2013, le retard pris : « Les éditeurs, inquiets de la situation
d’extrême fragilité des diffuseurs de presse, conscients de la priorité que
constitue la consolidation du réseau de vente, ont été accaparés depuis
longtemps, par la situation très dégradée des niveaux 1 et 2 de la
distribution. […] De ce fait, les diffuseurs de presse du niveau 3 ont vu
les réformes indispensables les concernant retardées […]
»
2 -
L’aide au portage : un développement insuffisant de la
mutualisation
De même, s’agissant du développement du portage, les états
généraux de la presse écrite avaient mis en évidence la nécessité de
renforcer la mutualisation des réseaux de portage. Ceci revenait, compte
tenu des structures existantes, à inciter la presse quotidienne régionale qui
a développé des réseaux de portage de ses titres, à assurer, plus
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
73
qu’auparavant et dans le cadre d’une relation commerciale normale, le
portage de titres de la presse quotidienne nationale. L’objectif était donc
le développement d’un « portage multi-titres », chaque porteur se
chargeant d’acheminer plusieurs titres, notamment ceux de la presse
quotidienne nationale et de la presse quotidienne régionale.
En dépit de quelques difficultés de mise en oeuvre, nullement
insurmontables, tenant aux horaires décalés d’arrivée de ces deux formes
de presse, cette solution est porteuse d’économies tant pour la presse
quotidienne nationale, qui bénéficierait ainsi d’un réseau déjà existant,
que pour la presse quotidienne régionale, qui pourrait mieux rentabiliser
son réseau. Là encore, cet objectif est resté implicite et n’a pas donné lieu
à des engagements concrets de la part du secteur à l’occasion du
renforcement de l’aide au portage en 2009.
Compte tenu des résultats limités observés dans ce domaine, la
mission conduite en 2009 par M. Aldo Cardoso
23
, à la demande du
gouvernement, recommandait de moduler l’aide au portage en vue de
favoriser le portage multi-titres (par exemple un titre national et un titre
régional) et d’inciter la presse quotidienne régionale à mettre à
disposition son propre réseau de portage dans des conditions financières
raisonnables. La mission conduite peu après par MM. Mettling et Lubek
de l’inspection générale des finances proposait pour sa part d’instituer
une autorité de régulation chargée de vérifier que les tarifs pratiqués par
la presse quotidienne régionale n’étaient pas prohibitifs par rapport aux
coûts. Si l’idée d’une bonification été évoquée par la suite, la solution
retenue en 2011 s’est limitée à l’admission au bénéfice des aides du fonds
stratégique des projets qui auraient pour objet de contribuer à la
mutualisation des réseaux de portage.
La question de la mutualisation, et plus particulièrement du portage
multi-titres, reste en 2013 une préoccupation pour les services de l’État.
Le rapport sur la refondation des aides à la presse remis début mai 2013 à
la ministre de la culture et de la communication reprend l’idée d’un
dispositif plus incitatif qui reposerait sur une bonification particulière et
met, d’une manière plus générale, en exergue la nécessité de promouvoir
dans tous les domaines, de l’impression d’un titre à sa distribution, toutes
les initiatives tendant à une mutualisation des moyens. Cette démarche
favorable reste à concrétiser.
23
Cf. rapport « La gouvernance des aides publiques à la presse » - septembre 2010.
74
COUR DES COMPTES
E - Des aides insuffisamment ciblées
Le ciblage des aides est une question récurrente de la politique
d’aide à la presse. Il présente l’intérêt de concentrer les ressources
financières sur un nombre limité de bénéficiaires considérés comme
prioritaires et de maximiser, de ce fait, leur efficacité. Si le ciblage des
aides directes a progressé et est aujourd’hui la règle, tel n’est pas le cas
des deux aides les plus coûteuses pour l’État – le taux « super réduit » de
TVA à 2,1 % et l’aide au transport postal.
1 -
Le principe du ciblage des aides sur la presse d’information
politique
a)
Une politique validée par le Conseil constitutionnel et le Conseil
d’État
Le Conseil d’État a reconnu en 1999 la validité de la distinction
opérée par les pouvoirs publics entre différentes catégories de presse à
l’occasion
d’un
recours
contre
un
décret
portant
d’une
part,
réaménagement des tarifs applicables aux journaux et écrits périodiques
dans le régime intérieur et, d’autre part, confirmation des tarifs
applicables aux journaux et écrits périodiques en régime international.
En 2001, le Conseil constitutionnel a confirmé cette lecture dans
une décision rendue sur la loi de finances pour 2002 qui prévoyait
notamment une aide à la distribution de la presse quotidienne
d’information politique et générale en soutien au plan de réforme des
Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP), aujourd’hui la
société Presstalis.
b)
Le ciblage sur la presse d’information politique et générale (IPG)
La création de la Commission paritaire des publications et agences
de presse (CPPAP) a été jugée nécessaire quand a été introduit en 1997 le
principe d’un ciblage d’une partie de l’aide au transport postal sous la
forme de tarifs préférentiels en faveur des publications d’information
politique et générale
24
.
Les titres reconnus comme relevant de la presse IPG sont assez peu
nombreux. En juin 2012, 398 titres quotidiens ou périodiques relèvent de
24
L’agrément délivré par la commission paritaire des publications et des agences de
presse
(
CPPAP) ouvre également droit, au titre de ce qu’il est convenu d’appeler le
régime économique général de la presse, au taux « super réduit » de TVA de 2,1 %
prévu à l’article 298 septies du code général des impôts.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
75
cette catégorie (392 publications de sociétés éditrices de presse et
6 publications d’associations). Ils ne représentent donc que 4,5 % des
titres relevant du « régime économique général de la presse ».
Les critères de reconnaissance de la presse d’information politique et
générale
Pour obtenir l’agrément de la commission paritaire des publications et
des agences de presse (CPPAP), les publications doivent remplir un certain
nombre de critères :
- avoir une périodicité au maximum hebdomadaire ;
- présenter un caractère d’information politique et générale, ce qui
implique qu’elles réunissent les trois conditions suivantes :
- apporter de façon permanente sur l’actualité politique et générale,
locale, nationale ou internationale, des informations et des commentaires
tendant à éclairer le jugement des citoyens ;
- consacrer la majorité de leur surface rédactionnelle à cet objet ;
- présenter un intérêt dépassant d’une façon manifeste les
préoccupations d’une catégorie de lecteurs.
La commission procède à un examen approfondi du contenu des titres
afin de s’assurer du respect de ces critères.
Si la doctrine et la jurisprudence de la commission sont désormais
bien établies, le contenu de certains nouveaux titres de presse conduit
régulièrement, à l’occasion de demandes d’agrément, à réexaminer les
frontières de la notion d’information politique et générale.
Le cas s’est présenté notamment en 2011 avec certains suppléments
édités par des titres de la presse quotidienne nationale qui pouvaient être
assimilés à des titres de la presse magazine (par exemple la presse féminine)
et entrer en concurrence déloyale avec ceux-ci dès lors qu’ils bénéficiaient
des divers avantages liés à la presse d’information politique et générale. Si
les demandes d’agrément au titre de la presse d’information politique et
générale sont généralement justifiées et accueillies favorablement par la
commission, celle-ci a refusé cet agrément en 2011 à huit titres, soit 7 % des
demandes formulées.
c)
Les progrès récents mais encore insuffisants dans la mesure du
ciblage des aides à la presse
L’amélioration du ciblage et de l’efficacité des dispositifs d’aide
constitue l’objectif n° 4 du programme budgétaire 180 -
Presse
. Elle a
conduit à la mise au point d’un indicateur de performance « part de l’aide
publique globale accordée à la presse quotidienne d’information politique
et générale » dans les documents budgétaires.
76
COUR DES COMPTES
Cet indicateur fait apparaître que les aides directes du programme
180 bénéficient à près de 95 % à la presse quotidienne d’information
politique et générale, alors que les aides indirectes (taux de TVA à 2,1 %)
sont assez peu ciblées sur cette même presse (37 à 39 % selon les années).
S’il convient de souligner le progrès marqué par la présence de cet
indicateur
dans
les
documents
budgétaires,
celui-ci
souffre
d’insuffisances dues notamment au périmètre des aides prises en compte :
-
le projet annuel de performances pour 2009 soulignait que, dans un
premier temps, l’indicateur relatif aux aides indirectes retraçait les
données concernant le taux « super-réduit » de TVA mais serait
progressivement étendu à l’ensemble des aides indirectes ; cette
évolution n’a pas eu lieu à ce jour ;
-
l’aide au transport postal n’a jamais été prise en compte dans
l’indicateur de performance 4.2 et présentait de surcroît jusqu’en
2012
l’inconvénient
d’être
financée
sur
deux
programmes
budgétaires
25
.
Le projet annuel de performances pour 2013 répond en partie aux
observations de la Cour en mentionnant la liste des aides directes prises
en compte dans l’indicateur de performance, mais l’exclusion de l’aide au
transport postal réduit l’intérêt de cet indicateur.
2 -
Certaines aides directes effectivement ciblées
Les aides directes qui sont ciblées ne représentent qu’une faible
partie des soutiens au secteur de la presse.
En raison de la politique développée en ce sens depuis les années
1980, de nombreuses aides directes à la presse comportent un ciblage en
plus des trois « aides au pluralisme » qui ne représentent en loi de
finances initiale pour 2013 que 12 M€. Le ciblage porte généralement sur
la presse d’information politique et générale ou, au sein de cette dernière,
sur les publications à faibles ressources provenant de la publicité ou des
petites annonces, mais des variantes dans le ciblage peuvent être
constatées.
Quelques mesures en ce sens sont intervenues depuis les états
généraux de la presse écrite de 2008. Elles ont notamment concerné l’aide
au portage pour laquelle un taux aménagé d’aide aux stocks est désormais
appliqué à la presse quotidienne à faibles ressources publicitaires ou en
25
Le financement de cette aide sur deux programmes distincts (programmes
budgétaire 180 et 134) jusqu’en 2012 inclus pouvait en effet ajouter à la confusion,
s’agissant d’un indicateur de performance du programme 180.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
77
petites annonces. Le tableau suivant récapitule les mesures selon la nature
du ciblage telle qu’observée en 2011 et 2012.
Tableau n° 9 : le ciblage des aides à la presse en 2011 et 2012
Intitulé de l’aide
Nature du ciblage
Montant en
2011
(crédits
consommés
en CP et en
M€)
Montant en
2012
(crédits
consommés
en CP et en
M€)
Sous-action
n° 1-2
Réduction du tarif SNCF pour le
transport de la presse
- Ciblage sur la presse IPG
5,50
5,00
Sous-action
n° 1-4
Aide au portage de la presse
(hors mesure d’exonération de
charges pour les porteurs)
- Ciblage sur la presse IPG
et
les
publications
d’information
« qui
apportent régulièrement des
informations
et
des
commentaires sur l’actualité
de
l’ensemble
des
disciplines sportives » ;
- Taux aménagé d’aide aux
stocks pour les titres QFRP
et QFRPA
66,69
44,54
Sous-action
n° 3-1
Aide
la modernisation sociale de
la presse quotidienne IPG
-
Ciblage
sur
la
presse
quotidienne IPG
28,15
28,15
Sous-action
n° 3-2
Aide la modernisation de la
presse quotidienne nationale
-
Ciblage
sur
la
presse
quotidienne nationale IPG
18,00
23,85
Sous-action
n° 3-5
Aide la modernisation de la
presse quotidienne et assimilée
IPG devenu Fonds stratégique
-
Ciblage
sur
la
presse
quotidienne nationale IPG
17,66
23,63
Source : Cour des comptes
3 -
Un ciblage insuffisant des aides relevant du « régime
économique de la presse »
Si l’État a fait le choix de développer des mesures ciblées, il a en
revanche maintenu le « régime économique général de la presse » qui
bénéficie à la plupart des titres de presse dès lors qu’ils sont enregistrés
auprès de la commission paritaire des publications et des agences de
presse. Or ce régime concerne les deux principales aides à la presse par
leur montant : le taux « super réduit » de TVA à 2,1 % dont le coût pour
78
COUR DES COMPTES
l’État est estimé à 270 M€ en loi de finances initiale pour 2013 et l’aide
au transport postal qui présente un coût budgétaire de 249,4 M€.
Le taux « super réduit » de TVA à 2,1 % ne fait l’objet d’aucun
ciblage puisqu’il est appliqué à tous les titres de presse agréés par la
commission. L’application d’un taux « normal » de 19,6 % pour les
services de presse en ligne n’est pas due à une volonté de l’État d’exclure
cette catégorie, mais à la difficulté rencontrée jusqu’alors, au regard des
textes et de la jurisprudence communautaire, d’appliquer à cette forme
nouvelle de presse le taux historique de 2,1 %.
L’aide au transport postal fait, pour sa part, l’objet d’un ciblage
partiel sous la forme de tarifs plus ou moins préférentiels pour la presse
d’information politique et générale et la presse non d’information
politique et générale. Les accords tripartites de juillet 2008 ont renforcé
ce ciblage puisqu’ils prévoient, sur la période 2009-2015, une
augmentation progressive différenciée des tarifs de 11 % pour les
quotidiens d’information politique et générale à faibles ressources
provenant de la publicité ou des petites annonces, de 23 % pour les autres
titres de la presse d’information politique et générale et de 34 % pour la
presse non IPG.
Des débats récurrents ont porté au cours des dernières années sur la
réduction de ce périmètre d’application de ces deux catégories d’aides.
Les principales propositions de réforme ont porté :
-
sur le taux de TVA : le taux de 2,1 % serait réservé à des titres ciblés,
les autres titres étant soumis au taux réduit (actuellement 5,5 %) ; il
est rappelé à cet égard que des taux de TVA différenciés ont déjà
existé entre 1977 et 1989 ;
-
sur l’aide postale, qui ne bénéficierait plus qu’aux titres ciblés.
La nature et le degré de ciblage diffèrent selon les propositions,
certaines retenant un ciblage sur la presse d’information politique et
générale, d’autres un ciblage moins restrictif.
En dépit des débats organisés lors des états généraux de la presse
écrite, qui ont du reste fait ressortir des divergences d’appréciation, et des
diverses propositions formulées au cours des dernières années
27
, le degré
de ciblage n’a pas fait l’objet de décisions concrètes dans le cadre du plan
d’aide 2009-2011.
27
En particulier, la proposition du député Michel Françaix tendant à différencier les
taux de TVA appliqués, d’une part, à la presse IPG, d’autre part, à la presse dite
récréative.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
79
Dans un contexte budgétaire contraint, le soutien de l’État à des
familles de presse économiquement rentables et présentant peu ou pas
d’enjeux en termes de pluralisme paraît de moins en moins se justifier,
a
fortiori
pour les deux mesures les plus coûteuses. Dès lors, si
l’accroissement simultané du ciblage sur le taux de TVA et sur l’aide au
transport postal paraît difficile, même dans une perspective de moyen
terme, compte tenu de la crise actuelle de la presse, il pourrait être
envisagé sur l’un ou l’autre de ces dispositifs.
Dans cette hypothèse, deux critères cumulatifs pourraient être pris
en considération pour renforcer le ciblage :
-
les enjeux en termes de maintien du pluralisme,
-
la rentabilité économique de chaque famille de presse.
Au regard du premier critère, le ciblage sur la presse d’information
politique et générale (IPG) paraît s’imposer. En effet, si l’on peut juger
utile et souhaitable l’existence de plusieurs titres pour traiter d’un sport,
d’une activité de loisirs ou de recettes culinaires, les enjeux ne semblent
pas relever de l’expression des pensées et des opinions au sens de l’article
11 de la Constitution, qui seul justifie l’intervention de l’État.
La presse d’information politique et générale doit d’autant plus
être préservée que le nombre de titres de la presse est réduit. Selon le
dénombrement réalisé par le ministère de la culture et de la
communication en 2011, il n’existe que 9 quotidiens nationaux
d’information politique et générale et 67 quotidiens régionaux ou locaux,
soit en moyenne trois par région.
A contrario
, le tableau suivant montre la
variété de la presse magazine (hors presse d’information politique et
générale) qui constitue une particularité de la presse française.
80
COUR DES COMPTES
Tableau n° 10 : le nombre de titres de la presse magazine (hors
presse d’information politique et générale) en 2011
Source : Cour des comptes (à partir des chiffres définitifs
de l’année 2011
pour la presse écrite – ministère de la culture et de la communication)
S’agissant du second critère, si l’absence d’étude récente sur les
coûts et la rentabilité des différentes familles de presse ne permet pas de
disposer de données précises et incontestables, il reste que les coûts de
fabrication et de distribution varient assez fortement selon les familles de
presse et qu’en dépit d’une baisse générale de la rentabilité économique
du secteur depuis cinq ans, la presse magazine demeure rentable, alors
que les résultats de la presse quotidienne nationale sont proches de
l’équilibre, voire déficitaires. De même, au sein de la presse
d’information politique et générale, les coûts de fabrication et de
diffusion d’un quotidien national et d’un quotidien régional peuvent
différer de manière significative.
Sauf à courir le risque de créer un effet d’aubaine, le soutien aux
familles de presse économiquement viables ne se justifie pas. Pour les
autres familles de presse, le soutien devrait être modulé en fonction de
leur niveau de rentabilité respectif.
Afin d’éclairer et d’étayer ses décisions, le ministère de la culture
et de la communication devrait disposer périodiquement, par exemple
tous les trois ans, d’études indépendantes permettant d’apprécier les
niveaux de rentabilité respectifs des différentes familles de presse, et en
Presse magazine (non IPG)
Nombre de titres
JOURNAUX D'ANNONCES
32
PRESSE CULTURELLE
121
MAISON & DECORATION
111
ECONOMIE
22
PRESSE FEMININE
205
PRESSE DES JEUNES
265
LOISIRS
942
PRESSE MASCULINE
21
SPORT
208
SCIENCE & TECHNIQUE
32
T.V / SPECTACLE
21
SENSATION / EVASION
85
FAMILLE / SOCIETE
93
TOTAL
2 158
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
81
particulier de celles relevant de la presse d’information politique et
générale.
F - Une répartition inadaptée des crédits entre les
types d’aides à la presse
La répartition des crédits entre les différentes formes d’aide
apparaît inadaptée aux enjeux du secteur.
S’il est difficile de porter une appréciation sur la répartition des
moyens de l’État entre aides directes et indirectes compte tenu des
incertitudes sur le coût précis de ces dernières, à tout le moins, la
répartition des crédits du programme 180 entre les différentes formes
d’aides ne paraît pas optimale.
Au regard de la loi de finances initiale pour 2013 et en ajoutant les
crédits du plan « IMPRIME » imputés sur le programme 103 -
Anticipation des mutations économiques et développement de l’emploi
géré par le ministère chargé du travail, la répartition des aides au sein de
ces trois catégories d’aides qui structurent la présentation du programme
180 -
Presse
est actuellement la suivante
:
-
les aides à la diffusion représentent 74 % du total, soit 308,4 M€,
dont une majeure partie revient à l’aide au transport postal (60 %) ;
-
les aides au pluralisme représentent 3 % du total, soit 12 M€ ;
-
les aides à la modernisation représentent 23 % du total, soit 95,6 M€.
Cette répartition montre l’importance financière des aides à la
diffusion qui constituent les trois quarts du montant des aides
directes. Elle paraît d’autant plus déséquilibrée que près de 60 % des
aides directes sont alloués au transport postal qui n’apparaît pas comme le
mode de diffusion le plus porteur d’avenir.
Pour autant, l’accroissement de la part des aides au pluralisme
pourrait présenter l’inconvénient majeur d’accorder aux titres concernés
des moyens surdimensionnés au regard de leur chiffre d’affaires et de leur
diffusion. Il conduirait à les soutenir au-delà de toute logique économique
et à l’encontre des attentes des lecteurs.
En revanche, la part des aides à la modernisation, en particulier
celle attribuée au fonds stratégique (33,5 M€ en loi de finances initiale
pour 2013, soit 8 % des aides directes), apparaît relativement modeste,
alors que la modernisation des modes de production, de diffusion et de
distribution constitue des enjeux majeurs pour la presse écrite. S’il
convient là encore de veiller à ce que les moyens consacrés aux aides à la
modernisation ne soient pas disproportionnés par rapport au nombre de
82
COUR DES COMPTES
projets de qualité déposés et ne conduisent pas à des taux d’intervention
de l’État trop élevés, un rééquilibrage des aides en faveur de la
modernisation semble souhaitable.
II
-
Des résultats décevants au regard des attentes
et des moyens engagés
L’efficacité de la politique d’aide à la presse doit d’abord être
appréciée au regard des objectifs particuliers assignés à chaque dispositif,
qui se traduisent de manière différente pour des aides automatiques, telles
que les aides à la diffusion, et pour des aides sur projets, comme les aides
à la modernisation. Elle peut aussi être examinée à partir de l’analyse des
évolutions globales du secteur intervenues au cours des dernières années.
Si la politique de l’État ne peut à elle seule résoudre l’ensemble
des difficultés auxquelles celui-ci est confronté, les moyens budgétaires
déployés depuis 2009 ont été suffisamment conséquents pour constituer
des leviers efficaces à l’appui de sa mutation. Or les résultats observés à
ce jour paraissent très en deçà.
A - Les aides à la modernisation : des objectifs
partiellement atteints
Conçues pour répondre aux enjeux technologiques du secteur de la
presse, les aides à la modernisation étaient, jusqu’à la création du fonds
stratégique pour le développement de la presse par le décret du
13 avril 2012, gérées par le fonds d’aide à la modernisation de la presse et
par le fonds d’aide au développement des services de presse en ligne. En
réalité, ces deux dispositifs n’ont pas réellement atteint leurs objectifs.
1 -
Les enjeux de la modernisation de la presse
Le secteur de la presse écrite est aujourd’hui confronté à une
profonde mutation technologique qui remet en cause un modèle
économique traditionnel fondé sur la production de journaux sur support
papier. Sans qu’il soit encore question d’une disparition totale de ce
dernier, le développement du numérique constitue désormais un enjeu
central pour la diffusion de l’information.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
83
a)
Une période de transition technologique
Dans un contexte de baisse globale du lectorat, la presse sur
support papier doit adapter sa production d’imprimés en termes
quantitatifs. Les attentes des lecteurs ont également évolué dans le sens
d’une exigence accrue de qualité d’impression et les imprimeries ont dû
progressivement délaisser les tirages
offset
en noir et blanc et se doter de
machines permettant une production en quadrichromie. Au-delà du
renouvellement des outils de production, une rationalisation de
l’implantation des lieux de production s’impose. Outre la suppression ou
le regroupement de sites préexistants, une solution est de créer des pôles
régionaux d’impression permettant d’augmenter la productivité, de
réduire les coûts logistiques liés à la diffusion des exemplaires, mais
également de mutualiser les capacités d’impression entre les différents
titres de presse.
Un autre enjeu central pour l’avenir de la presse réside dans la
transition vers la production et la diffusion de l’information sur support
numérique. Cette mutation est en cours, avec le développement du
bimédia (papier et numérique) et l’émergence des
pure players
qui ne
recourent pas au support papier. Elle aboutit également à une
convergence des médias, les lignes de partage entre textes, photographies
et vidéos tendant à s’estomper en faveur du concept global de
news
factory
que l’on peut traduire par l’expression « usine à nouvelles ».
La question se pose toutefois de l’investissement que nécessite
cette transition technologique, mais également de sa rentabilité pour les
entreprises. En effet, en France comme à l’étranger, tant pour les
publications bimédia que pour les
pure players
, il n’existe pas
aujourd’hui de modèle économique unique et stabilisé garantissant à la
fois la pérennité, la qualité et la rentabilité de la presse en ligne. Les
éditeurs tâtonnent notamment pour définir la part de gratuité et de
services payants, le bon équilibre entre abonnements, ventes à l’unité et
ressources publicitaires. Les éditeurs éprouvent également des difficultés
à monétiser leur contenu sur l’Internet, les systèmes actuels de paiement
en ligne n’étant pas adaptés. Enfin, les technologies continuent d’évoluer
très vite, de même que l’équipement, les usages et les attentes des
lecteurs.
La consolidation médiatique et capitalistique de la presse en ligne
n’en est donc qu’à ses balbutiements et ce secteur doit également se
positionner vis-à-vis des agrégateurs d’informations et des réseaux
sociaux qui occupent désormais un rôle croissant dans la diffusion de
l’information. Aussi, selon la direction générale des médias et des
84
COUR DES COMPTES
industries culturelles, rares sont ceux qui se risquent à prédire ce à quoi
ressemblera la presse en ligne dans les cinq ans à venir.
b)
L’obstacle du taux de TVA applicable à la presse en ligne
Un obstacle au développement de la presse en ligne réside dans le
taux de TVA qui lui est appliqué. En effet, si le droit de l'Union
européenne permet aux États membres de mener une politique de taux de
TVA favorable aux biens et services culturels, ce taux n’est pas
applicable aux services fournis par voie électronique
28
. Aussi les
entreprises de publications en ligne paient-elles une TVA plus élevée que
leurs concurrents de la presse papier dans presque tous les États membres
de l'Union européenne (entre 15 % et 25 % selon les pays). L’écart entre
les taxes payées par les médias en ligne et les médias sur papier peut être
très notable, comme au Danemark où les journaux traditionnels
bénéficient d'une TVA à 0 % alors que les versions électroniques sont
assujetties à un taux de 25 %. Seules la Bulgarie, la Finlande, la Pologne
et la Slovaquie appliquent les mêmes taux pour les deux types de support,
cette situation s’expliquant par une augmentation du taux pour les
publications papier. De l’avis des professionnels, cette disparité des taux
de TVA constitue un frein au développement des médias en ligne au sein
de l’Union, dans un environnement de plus en plus concurrentiel au plan
mondial.
S’agissant de la presse en ligne en France, la loi de finances
rectificative du 30 décembre 2009 a prévu que le taux réduit s’applique
aux offres composites selon des modalités fixées par voie réglementaire.
Le décret n° 2011-115 du 27 janvier 2011 pris pour son application
prévoit que les taux réduits de TVA s’appliquent à hauteur de la part du
prix hors taxe de l’offre composite représentative de la livraison de la
publication imprimée, la détermination de cette part pouvant être réalisée
selon toute méthode traduisant la réalité économique des opérations.
Cette méthode est celle prévue par le code général des impôts, lequel est
aligné sur le droit communautaire. Ce dispositif fait que, par construction,
28
En application de l’article 98 de la directive 2006/112/CE relative au système
commun de TVA, l’annexe III recensant les biens et services éligibles à un taux réduit
de TVA permet aux États membres de soumettre à ce taux : les livres (livraison et
location) et produits assimilés tels que les journaux et périodiques ; la réception de
services de radiodiffusion et de télévision ; les prestations de services fournies par les
écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d'auteur qui leur sont dus. Le
paragraphe 2 de l’article 98 de cette même directive précise toutefois que : « les taux
réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique visés à
l’article 56, paragraphe 1, point k ». L’annexe II de cette directive dispose que sont
notamment considérés comme tels « la fourniture de textes, de musique ou de films ».
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
85
les services de presse en ligne, qui sont offerts distinctement ou en-dehors
de la livraison des publications imprimées (les
pure players
), ne
bénéficient pas d’un taux réduit.
Depuis 2006, le gouvernement a souhaité remédier à cette situation
et obtenir une modification du droit communautaire. En décembre 2010,
le Président de la République avait demandé à M. Jacques Toubon de
mener des concertations au niveau européen sur la fiscalité des biens et
services culturels fournis par voie électronique. Cette mission a été
confirmée par l’actuel Président de la République en août 2012. Dans ce
cadre, la position française continue d'être relayée auprès de la
Commission européenne et des partenaires de la France au sein de
l'Union, tant en bilatéral qu'à l'occasion de débats dans les enceintes de
l'Union.
Si ces démarches n’ont pas encore abouti à des décisions, elles ont
amené les institutions européennes et les États membres à affirmer ou
réaffirmer leurs positions.
Le Parlement européen s'est prononcé en faveur de l’adoption d’un
taux réduit de TVA, similaire à celui qui s’applique aux mêmes oeuvres
sur support physique
29
.
De même, à plusieurs reprises
30
, la Commission européenne a
estimé que la révision de la structure actuelle des taux de TVA devrait
répondre au principe selon lequel des biens et services similaires
devraient être soumis au même taux de TVA. Elle a également lancé en
octobre 2012 une consultation publique sur les taux de TVA. La France a
répondu à cette consultation fin décembre 2012 en invitant la
Commission à avancer les propositions susceptibles de conduire à un
réexamen de la législation existante sur les taux réduits de TVA.
Le Luxembourg, la Suède, les Pays-Bas et l'Italie soutiennent dans
son principe la position française. Un autre groupe d’États membres
pourrait être favorable à terme ou à tout le moins pourrait ne pas
s'opposer à la révision de la directive TVA : Malte, la République
tchèque, la Lituanie, la Pologne et l'Espagne. En revanche, l'Allemagne,
le Royaume-Uni, le Danemark, l'Autriche, le Portugal et la Finlande
29
Résolution du Parlement européen sur la modernisation de la législation sur la TVA
dans le but de stimuler le marché unique du numérique de Mme Marielle Gallo et
M.
Jean-Paul Gauzes (n° B7-0648/2011) ; résolution du Parlement européen sur
l’achèvement du marché unique numérique (n° 2012/2030 (INI)).
30
Communication sur l’avenir de la TVA du 6 décembre 2011 ; communication sur le
commerce électronique du 11 janvier 2012 ; communication du 26 septembre 2012
« Promouvoir les secteurs de la culture et de la création pour favoriser la croissance
et, l’emploi dans l’Union européenne ».
86
COUR DES COMPTES
semblent à ce stade rester opposés à cette démarche. Or une future
révision des structures des taux de TVA devra s’effectuer à l’unanimité
des États membres au Conseil, le cas échéant dans le cadre d’un paquet
qui peut faciliter les compromis entre États membres.
La direction générale des médias et des industries culturelles
(DGMIC) évalue à 5 M€ le manque à gagner pour l’État que
représenterait, la première année, un passage de la presse en ligne au taux
super réduit de TVA à 2,1 %. Cette estimation se fonde sur une étude qui
a été réalisée par le cabinet Kurt Salmon en février 2012 pour le compte
de syndicats d’éditeurs. Cette étude souligne que le manque à gagner
serait compensé par le développement de la filière de la presse en ligne,
ce qui induirait corrélativement une hausse de la TVA perçue. Si l’intérêt
économique d’un alignement du taux de TVA applicable à la presse en
ligne sur celui de la presse papier est confirmé, il n’en reste pas moins
que la mise en oeuvre de cette mesure rencontre pour l’heure des obstacles
juridiques liés au droit communautaire.
Enfin, au-delà de la question de la TVA applicable à la presse en
ligne, la question reste posée de la définition du régime fiscal des
productions sur support numérique, la ministre de la culture et de la
communication souhaitant la mise en place d’une taxe sur les objets
connectés qui concernerait directement le développement de la presse en
ligne.
2 -
Le fonds de modernisation de la presse
Institué en 1999, le fonds de modernisation de la presse (FDM)
devait soutenir des projets d’entreprises de presse relevant de l’un des
trois objectifs suivants :
-
améliorer la productivité des entreprises ;
-
moderniser les rédactions ;
-
renforcer la diffusion en direction des nouveaux publics et, en
particulier, des jeunes lecteurs.
L’instruction des demandes d’aides était assurée par la direction
générale des médias et des industries culturelles, mais les décisions
d’attribution des subventions étaient prises après avis d’un comité
d’orientation
composé
de
représentants
de
la
presse
et
des
administrations.
Entre 2006 et 2011, le fonds de modernisation de la presse a
attribué des aides pour un montant global de 135 M€, dont 78 M€ au
cours du plan triennal 2009-2011. L’examen des aides attribuées fait
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
87
apparaître que le fonds n’est pas véritablement parvenu à inciter les
entreprises à préparer leur avenir.
Certes, l’action du fonds de modernisation de la presse a permis de
moderniser le secteur de la presse caractérisé jusqu’alors par un appareil
productif vieillissant et qui devait notamment passer de l’impression
offset
à la quadrichromie. Par ailleurs, certains dossiers présentés
notamment par la presse quotidienne nationale ont concerné des projets
« bimédia » visant à développer des services de presse en ligne
parallèlement à la production papier. On peut également relever qu’en
2011 une subvention de 3,5 M€ a été accordée pour la création en Corse
d’un centre d’impression numérique pour l’ensemble des quotidiens
nationaux, ce qui témoigne d’un effort de mutualisation des capacités de
production et de rationalisation des coûts de diffusion. Une opération
similaire a également été mise en oeuvre à La Réunion. Toutefois, les
soutiens publics se sont majoritairement orientés vers la modernisation
des activités traditionnelles d'impression, les investissements relatifs à la
chaîne de fabrication ayant mobilisé 58 % du montant global des aides.
De plus, le fonds de modernisation de la presse a fini par se
transformer en un système de « guichet » marqué par une forte cogestion
entre les représentants de l’État et les bénéficiaires des aides
.
Le dispositif
a également souffert de procédures limitées de contrôle, la commission de
contrôle du fonds n’ayant pas pu aller au-delà d’un examen en régularité
des projets, faute d’accès aux données financières des entreprises de
presse. En définitive, on peut s’interroger sur l’impact du fonds de
modernisation de la presse sur les entreprises de presse, les aides allouées
n’ayant pas suffisamment contribué à inciter ces dernières à préparer leur
nécessaire mutation technologique.
3 -
Le fonds d’aide au développement des services de presse en
ligne
Le fonds d’aide au développement des services de presse en ligne
(SPEL) a été institué en novembre 2009 et s’est substitué au fonds d’aide
au développement des services en ligne des entreprises de presse, créé en
novembre 2004. Ce fonds était doté d’un comité d’orientation
comprenant à parts égales des représentants de l’administration et des
représentants de services de presse en ligne. Le ministre de la culture et
de la communication décidait, sur l’avis du comité, du montant des aides.
L’octroi de ces dernières était subordonné à la conclusion entre l’État et
le bénéficiaire d’une convention fixant notamment leurs conditions
d’attribution.
88
COUR DES COMPTES
Le champ d’intervention du fonds d’aide au développement des
services de presse en ligne était très large, ce qui a contribué à amoindrir
son efficacité au service du développement de la presse en ligne. En effet,
les
aides
du
fonds
pouvaient
certes
concerner
des
dépenses
d'investissement (matériels informatiques et outils de numérisation), mais
aussi des dépenses d'exploitation telles que des dépenses de formation
professionnelle ou les rémunérations des journalistes concernés par les
projets.
Entre 2006 et 2011, 10,9 M€ ont été versés par le fonds, dont
9,8 M€ pendant le plan d’aide 2009-2011. L’examen des listes de
bénéficiaires montre qu’ont été financés des projets de qualité inégale,
parfois éloignés des préoccupations initiales de la politique de soutien de
l’État aux titres de la presse les plus fragilisés ou orientés vers
l’information
politique
et
générale.
Comme
pour
le
fonds
de
modernisation de la presse, une approche morcelée de l’attribution des
aides a prévalu, ce qui a transformé les interventions du fonds d’aide au
développement des services de presse en ligne en une sorte de « guichet »
ouvert à un ensemble indistinct d’acteurs.
S’agissant du soutien apporté à la presse d’information politique et
générale, le nombre de dossiers portés par les services de presse en ligne
a proportionnellement diminué au fil des ans : ils représentaient 60 % des
dossiers de demande en 2009, contre 57 % en 2010 et 36 % en 2011. Si
l’on raisonne en terme de montants des aides attribuées, on constate
également un reflux mais dans des proportions moins marquées. Ainsi,
les aides à la presse d’information politique et générale ont-elles
représenté 83 % du montant global des soutiens du fonds d’aide au
développement des services de presse en ligne en 2009, 78 % en 2010 et
60 % en 2011.
À l’inverse, de nombreuses aides ont été consenties à des services
en ligne relevant de la presse spécialisée, notamment dans les domaines
du sport et du tourisme, comme le montre l’encadré suivant.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
89
Exemples d’aides aux services de presse en ligne
En 2011, le fonds SPEL a contribué au financement du site du
magazine Surf Session consacré à la pratique de ce sport (68 464 € de
subvention), le site moto-net.com qui, comme son nom l’indique, concerne la
pratique de la moto (18 018 € de subvention), ou bien le site hoteletlodge.fr
consacré aux voyages et hôtels de luxe (53 573 € de subvention).
Des magazines de grands groupes qui,
a priori
, ne connaissent pas de
difficultés particulières figurent également parmi les bénéficiaires, tels, en
2009, les sites lejdd.fr (138 703 € de subvention) et parismatch.com
(57 390 € de subvention) du groupe Hachette Filipacchi Associés.
Des aides concernent des sites dont la cible en termes de public est
très étroite, tels le site pharedere.com qui informe sur les actualités locales de
l’île de Ré (33 167 € de subvention), ou le site frequence-sud.fr (14 020 € de
subvention), consacré à un guide des festivals des régions méridionales
.
Enfin le fonds SPEL a soutenu en 2009 le site lemondedusurgele.fr (7 070 €
de subvention).
Source : Cour des comptes à partir des listes des bénéficiaires du
fonds des services de presse en ligne
B - Le relatif échec d’une tentative de reconquête du
lectorat : l’opération « Mon Journal Offert »
A l’issue des états généraux de la presse écrite, le 23 janvier 2009,
le Président de la République a annoncé qu’il souhaitait permettre à tout
jeune de 18 à 24 ans de bénéficier d’un abonnement gratuit à un
quotidien, le journal étant payé par l'éditeur, le transport par l'État. Cette
orientation s’est concrétisée par une augmentation de 15 M€ sur trois ans
des crédits accordés au fonds de modernisation de la presse afin de
financer le projet Mon Journal Offert.
Ce projet a consisté à abonner 200 000 jeunes à un quotidien de
leur choix, un jour par semaine et pendant un an. L’offre de titres a porté
sur 61 quotidiens, soit la quasi-totalité des titres de la presse quotidienne
nationale, régionale et départementale. La société A2Presse, spécialisée
dans la gestion des abonnements, a été chargée de la collecte et de la
redistribution des abonnements vers les différents titres
.
Pour la saison 2009-2010, le nombre prévu de bénéficiaires a été
dépassé, avec 213 000 abonnements. Une étude avait alors montré que
85 % des jeunes interrogés étaient satisfaits de l'opération. Les trois-
quarts des abonnements concernaient la presse quotidienne régionale,
mais la presse quotidienne nationale avait réalisé une performance
90
COUR DES COMPTES
supérieure à son poids relatif dans la gamme des titres proposés. Pour la
saison
2010-2011,
220 000
abonnements
ont
été
distribués.
L’
International Herald Tribune, Le Monde
et
Le Figaro
ont fait l’objet
d’une forte demande
.
Dans la presse régionale, ce sont les titres du
groupe Voix du Nord qui ont enregistré les meilleures performances, ainsi
que
Ouest-France
,
Le Midi Libre
,
Le Dauphiné Libéré
. Certains titres
locaux ont été fortement demandés, notamment
Le
Petit Bleu de
l’Agenais
ou
Le
Progrès de Fécamp
.
En 2011, une enquête, intitulée
Bilan d'expérience Mon Journal
Offert et perspectives de développement
et réalisée par le cabinet
Auxipresse, a montré que l’abonnement avait eu un impact positif sur la
fréquence de lecture du quotidien auquel les jeunes s’étaient abonnés :
cette fréquence était passée de 23 % à 35 % pour la lecture plus d’une fois
par semaine, et de 17 % à 58 % pour la lecture une fois par semaine.
Parmi les jeunes ayant déclaré vouloir poursuivre leur pratique de lecture
au-delà de l’opération Mon Journal Offert, 27 % ont indiqué vouloir
s’abonner et 32 % vouloir l’acheter en kiosque. Parmi les jeunes ayant
déclaré ne pas vouloir poursuivre leur abonnement, 70 % ont signalé que
le coût d’un abonnement constituait pour eux un élément dissuasif.
Toutes ces données sont cependant fragiles. En effet, les études
précitées sur la fidélisation des jeunes lecteurs n’ont porté que sur la
satisfaction à court terme des bénéficiaires de l’opération Mon Journal
Offert. L’effet dans le temps n’a pas été démontré, comme l’a fait
apparaître le bilan de l’opération Mon Journal Offert qui a été publié en
juillet 2012 par l’inspection générale des affaires culturelles. Ce rapport
souligne que cette opération a abouti à un taux d'abonnement payant de la
part des jeunes bénéficiaires qui se situe seulement entre 5 % et 8 %, alors
que les statistiques du ministère de la culture et de la communication
montrent que le taux de lecture de la presse spontané est de 9 %. Ainsi, de
façon paradoxale, les jeunes qui n’ont pas bénéficié de l’opération Mon
Journal Offert paraissent plus nombreux à lire la presse papier.
À ce titre, le rapport conclut dans les termes suivants : « Une
approche pessimiste conduit à penser que les actions aidées sont sans
effet notable. Une approche optimiste expose que le phénomène de
désaffection serait plus accentué sans les actions aidées sur les fonds
publics » et « au total, il est douteux que toutes les initiatives prises ces
dernières années aient été positives, c'est-à-dire aient véritablement accru
le taux de lecture chez les jeunes de la presse ». Au regard de ces constats
plus que mitigés, l’opération Mon Journal Offert a été abandonnée et les
actions en direction des jeunes réorientées au sein du nouveau fonds
stratégique pour le développement, dont une section est consacrée au
développement du lectorat.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
91
C - Les effets insuffisants des aides à la diffusion
1 -
L’aggravation des difficultés du système de vente au numéro
a)
Un système de distribution au numéro issu de l'après-guerre et
tardivement réformé
La distribution de la presse au numéro repose sur les dispositions
de la loi du 2 avril 1947, dite « loi Bichet », qui garantit le pluralisme de
la presse. Si la loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation
du système de distribution de la presse a récemment adapté le système
existant, celui-ci reste en vigueur dans ses principes fondamentaux (voir
annexe n°5).
Le système français de distribution de la presse vendue au numéro
Sauf exceptions, les quotidiens nationaux et les magazines ont intégré
trois coopératives qu’ils ont créées : la coopérative des quotidiens et la
coopérative des magazines, qui détiennent toutes deux la société de
messagerie Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP) qui sont
à la fois une coopérative d’éditeurs de presse et une messagerie. Outre les
messageries de presse qui constituent le niveau 1 du dispositif de distribution
de la presse, le niveau 2, intermédiaire, est constitué de dépôts qui jouent un
rôle de grossistes au plan local, et le niveau 3, des diffuseurs (détaillants,
marchands de journaux).
Ce système constitue un modèle très particulier que l’on ne trouve
qu’en France. Tout en étant très encadré par la loi et le secteur lui-même (en
particulier le conseil supérieur des messageries de presse), en défendant un
principe de solidarité entre familles de presse et entre messageries et en
comportant des situations de monopole (les dépôts du niveau 2 ont
l’exclusivité de la distribution dans la zone qui leur est attribuée), il autorise
une concurrence entre les messageries.
Les éditeurs de la presse régionale et locale ont, au contraire, choisi
d’assurer eux-mêmes la distribution de leurs titres. Ils ne passent donc pas
par les deux premiers niveaux précédemment mentionnés et ont mis en place
un réseau de vente spécifique comprenant un réseau de dépositaires exclusifs
ainsi qu’un réseau de points de vente complémentaires à ceux utilisés par la
presse nationale et les magazines comprenant environ 20 000 points de vente.
La productivité insuffisante du système de distribution au numéro
de la presse quotidienne nationale et magazine, issu de la « loi Bichet » de
1947, apparaît manifeste depuis les années 2000 dans un contexte général
de baisse des ventes.
92
COUR DES COMPTES
Au niveau 1, celui des messageries de presse, le système issu de la
« loi Bichet » a longtemps fonctionné selon un schéma simple dans lequel
les Nouvelles Messageries de la Presse parisienne (NMPP), devenues
Presstalis en 2009, assuraient de fait un quasi-monopole de la diffusion
des quotidiens nationaux et des magazines. Le développement au plan
national des Messageries lyonnaises de presse (MLP), qui présentent des
coûts considérés comme moins élevés, a contribué à exacerber la
concurrence et à déséquilibrer ce schéma :
-
en raison des difficultés financières de Presstalis, plusieurs éditeurs
de magazines ont pris l’initiative, notamment en 2010 et 2011, de
quitter la coopérative des magazines et sa messagerie pour rejoindre
les MLP ;
-
le principe de mutualisation des coûts entre la presse quotidienne
nationale et la presse magazine, qui pouvait aisément être mis en
oeuvre dès lors qu’une seule messagerie assurait la totalité de la
distribution, ne peut plus fonctionner dès lors que l’autre messagerie,
les MLP, assure une partie de la distribution des magazines mais ne
distribue pas les quotidiens nationaux
31
.
Les difficultés de Presstalis sont liées d’abord aux contraintes
logistiques et d’urgence inhérentes à la distribution de la presse
quotidienne (travail de nuit, travail du dimanche et des jours fériés,
transports additionnels, gestion d’un « pic de traitement » à certaines
heures et schéma logistique particulier pour les quotidiens). Elles
résultent aussi de coûts de structure élevés, afférents notamment aux
conditions d’emploi et de rémunération propres à la presse parisienne,
ainsi qu’à une rationalisation et à une modernisation insuffisantes de son
réseau. Un rapport du cabinet Mazars du 20 juillet 2012, commandé par
le conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), a ainsi tenté
déterminer, dans l’activité de distribution de la presse quotidienne
nationale, les surcoûts imputables aux contraintes logistiques spécifiques
à la distribution de la presse quotidienne. Ce travail a servi de base à une
décision du CSMP de mutualiser ce coût entre les deux messageries, ce
qui a permis une amélioration des comptes de Presstalis mais reste à ce
jour contesté par les MLP. Il revient par ailleurs à Presstalis de réduire ses
coûts de structure dans le cadre de son plan de restructuration.
Le niveau 2, celui des dépôts, a fait l’objet, au cours des années
1990 et 2000, d’un resserrement très important – le nombre de dépôts
étant passé de 2 840 en 1987 à moins de 700 en 1995 et à 147 fin 2011.
31
Actuellement, Presstalis assure la diffusion de tous les quotidiens nationaux et
d’une majorité de titres de la presse magazine (environ les deux tiers), les Messageries
lyonnaises de presse distribuant environ le tiers des magazines.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
93
En 2013, il est constitué de 136 dépôts. Même si l’essentiel de l’effort de
productivité à ce niveau a été réalisé, des efforts complémentaires restent
à accomplir à court terme. Le schéma-directeur approuvé par le conseil
supérieur des messageries de presse le 26 juillet 2012 prévoit ainsi la
poursuite de cette évolution pour parvenir à 99 dépôts à la fin de 2014.
Enfin, le niveau 3, celui des diffuseurs de presse, souffre de
handicaps qui ont été rappelés lors des états généraux de la presse écrite :
-
la rémunération des marchands de journaux est une des plus faibles
d’Europe. Leur commission est comprise entre 15 et 18 % du prix de
vente, contre 18 à 20 % en Allemagne, 21 à 26 % au Royaume-Uni et
20 à 25 % en Espagne ; les états généraux ont considéré qu’il était
nécessaire d’accroître la rémunération du niveau 3 de trois à cinq
points, évolution qui n’est pas encore intervenue ;
-
le nombre de points de vente est assez faible, 30 000 marchands de
journaux (auxquels s'ajoutent toutefois les quelque 20 000 points de
vente supplétifs de la presse quotidienne régionale), soit en moyenne
2 000 habitants par point de vente, contre un peu plus de 1 000 au
Royaume-Uni, et 700 en Allemagne.
Le système issu de la loi Bichet a été conçu avant tout en faveur
des éditeurs de presse, qui contrôlent les messageries ainsi que la chaîne
de distribution. L’insuffisante rentabilité et les retards dans la
modernisation du niveau 1 et, à un degré moindre, du niveau 2, ont
empêché jusqu’à présent une rémunération plus favorable des acteurs du
niveau 3.
b)
La situation de Presstalis ne s’est toujours pas améliorée
Un plan de redressement pour la période 2012-2015 a été conclu
en octobre 2012 par Presstalis, les coopératives d’éditeurs de presse,
actionnaires de la société, et l’État. Il vise un retour à l'équilibre financier
de l’entreprise en 2015 dans un contexte de baisse structurelle du marché.
Il repose notamment sur une rationalisation des plates-formes logistiques
et des dépôts et devrait se traduire par des diminutions importantes
d’effectifs (950 départs envisagés sur un effectif de 2 150 à la fin 2012).
Dans ce cadre, l’État s’est engagé à augmenter l’aide à la
modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale de
15 M€ sur la période 2012-2013 et à mettre en place un prêt au titre du
fonds pour le développement économique et social (FDES) de 20 M€ sur
la même période. Le financement repose également sur des efforts
financiers consentis par les éditeurs de presse et sur un renforcement du
mécanisme de solidarité financière entre la presse quotidienne et la presse
94
COUR DES COMPTES
« magazine » (mécanisme de péréquation portant sur les surcoûts
inhérents à la distribution des quotidiens).
À la suite de la signature des accords d’octobre 2012, le président
du tribunal de commerce de Paris a constaté, par ordonnance du
31 décembre 2012, qu’il n’y avait pas lieu de prolonger le mandat
amiable
ad hoc
, les conditions de poursuite de l’exploitation de
l’entreprise étant réunies. La situation de Presstalis, en particulier sa
capacité à mettre en oeuvre les mesures sociales induites par les accords
d’octobre 2012, n’en suscite pas moins toujours des inquiétudes, comme
en témoignent les difficultés auxquelles cette société continue de se
heurter et qu’amplifie la persistance de mouvements sociaux affectant son
activité.
c)
L’aggravation de la situation des diffuseurs de presse
Les données globales relatives aux points de vente montrent que
les créations de points de vente ont été supérieures aux suppressions, mais
ce solde positif, élevé en 2007 et 2008, a fortement diminué depuis trois
ans. En outre, une analyse plus détaillée fait ressortir un changement de
nature des points de vente, avec un accroissement du nombre de points de
vente complémentaires, qui diffusent un nombre restreint de titres, au
détriment des points de vente spécialisés que l’État, comme le secteur de
la presse, cherche à préserver, voire à développer.
Graphique n° 4 : l’évolution du nombre total et des créations
nettes de points de vente de 2004 à 2012
Source : conseil supérieur des messageries de
presse (données Presstalis)
Source : conseil supérieur des messageries de
presse
S’agissant du pourcentage de rémunération des points de vente, le
secteur de la presse n’est pas parvenu à l’augmenter de manière notable
dans la mesure où les marges des deux premiers niveaux du système de
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
95
vente au numéro, et plus particulièrement de celles de Presstalis, ne se
sont pas redressées suffisamment. Il paraît improbable que des progrès
significatifs interviennent avant la fin du plan de restructuration de
Presstalis en 2015. En outre, les réflexions engagées par le conseil
supérieur des messageries de presse sur un allègement des contraintes
pesant sur les points de vente, notamment une limitation des quantités de
titres adressées par les éditeurs de presse, n’ont donné lieu que très
récemment à une première série de décisions.
2 -
Une progression limitée du portage dans les ventes par
abonnement
a)
Des objectifs quantitatifs incertains
Hormis la cible de l’indicateur 2.2 du programme 180, les objectifs
quantitatifs associés à la forte progression des crédits à la suite des états
généraux ont été, pour le moins, imprécis et incertains :
-
le « Livre vert » des états généraux a envisagé le doublement du
portage en sept ans, de 800 millions d’exemplaires à 1 600 millions
d’exemplaires ;
-
le rapport d’étape du 17 juin 2009, qui a suivi la mise en oeuvre des
décisions issues des états généraux, a retenu, pour les familles de
presse concernées par le fonds d’aide au portage, «
l’objectif de
porter entre 200 et 300 millions supplémentaires d’ici trois ans, soit
une augmentation de 33 %
»
.
Ces objectifs ambitieux au regard des progrès enregistrés à ce jour
n’ont jamais été repris par le ministère dans les différents documents
présentant sa politique, ni dans les documents budgétaires annuels.
b)
Des résultats modestes
S’agissant du nombre d’exemplaires portés, le tableau suivant
32
montre que sa progression annuelle est de l’ordre de 3 %, très en-deçà des
ambitions rappelées ci-dessus.
32
Pour 2011 : prévisions du projet annuel de performances 2012. Le projet annuel de
performances 2013 ne donne plus d’indication sur le nombre annuel d’exemplaires
portés. Les chiffres estimés ou réalisés pour 2012 et 2013 ne sont donc plus
disponibles.
96
COUR DES COMPTES
Graphique n° 5 : le nombre annuel d’exemplaires portés en
millions
2007
2008
2009
2010
2011
Nombre d'exemplaires
931
960
989
1025
1048
% de progression
3,0%
2,9%
3,5%
2,2%
Source : Cour des comptes (d’après les projets annuels de performances et le
rapport annuel de performance de la mission Médias, livre et industries
culturelles)
S’agissant de la place du portage par rapport à celle du postage,
un indicateur de performance du programme 180 et de la mission
Médias,
livre et industries culturelles
a été créé par la loi de finances initiale pour
2010. L’indicateur n° 2.2 mesure la part de la distribution par portage
dans l’ensemble de la presse distribuée sous forme d’abonnement
(portage et voie postale) pour la presse d’information politique et
générale
33
.
Ce ratio a certes progressé depuis les états généraux puisqu’il est
passé de 64 % en 2009 à 68,8 % en 2012 (chiffre provisoire figurant dans
le projet annuel de performances 2013). Cependant l’impact de la très
forte progression des aides au portage depuis 2009 est d’autant plus
incertain que, selon ce même indicateur, la place du portage progressait
déjà avant le plan triennal, passant de 60,1 % en 2007 à 61,1 % en 2008.
La tendance de long terme s’est donc poursuivie avec une certaine
accélération. La cible pour 2013, qui avait été fixée dans le projet annuel
de performances 2012 à 71,8 %, a d’ores et déjà été revue à la baisse dans
le projet annuel de performances 2013 à 70,1 %.
Si l’on se réfère aux données récentes de l’Association pour le
contrôle de la diffusion des médias (OJD) portant sur les familles de
presse d’information politique et générale, le constat est similaire. Pour
l’ensemble de la presse quotidienne, la diffusion annuelle de titres
payants par portage, qui était de 762,9 millions d’exemplaires en 2008, a
atteint 804,8 millions en 2012, soit une augmentation sur la période de
5,5 %.
En 2008, le portage représentait 34,8 % des exemplaires diffusés
contre 50,8 % vendus au numéro et 14,4 % vendus par abonnement. En
2012, le portage représentait 41,4 %, les ventes au numéro 45,5 %, les
ventes par abonnement 12,1 %, et la diffusion numérique 1 %, ce qui
témoigne d’une certaine progression de ce mode de diffusion. S’agissant
33
L’importance de la distribution par portage de la presse quotidienne régionale
explique que, pour l’ensemble de la presse d’information politique et générale, la part
du portage soit supérieure à celle du postage.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
97
de la presse quotidienne nationale (hors journaux du dimanche), cible
prioritaire en termes de développement du portage, celui-ci représentait
seulement 8,7 % de la diffusion en 2008, 11,4 % en 2010 et 12,5 % en
2012. Le portage de la presse quotidienne régionale et départementale,
qui représentait 44,7 % de la diffusion en 2008, a lui aussi légèrement
progressé en atteignant une proportion de 47,6 % en 2010 et de 50,8 % en
2012.
L’ensemble de ces données montre donc une progression limitée
de la place du portage par rapport aux autres modes de diffusion mais ne
rend pas compte, à due concurrence, de la progression très forte des
crédits alloués au fonds d’aide au portage de 2009 à 2011 (+ 775 %).
c)
Les conclusions de la récente étude d’impact du renforcement des
aides au portage pendant la période 2009-2011
L’étude rendue par le cabinet Arthur D. Little en mars 2013, à la
demande du ministère de la culture et de la communication, apporte les
éléments d’appréciation attendus sur l’efficacité de l’aide au portage.
Elle
conclut
d’une
manière
générale
que
cette
aide
a
principalement permis de renforcer marginalement plusieurs tendances
existantes, à savoir :
-
le développement des volumes portés ;
-
le développement du nombre de communes desservies, de 13 300
en 2008 à 15 900 en 2012 ;
-
le portage multi-titres par la presse quotidienne régionale.
L’étude observe néanmoins, comme le montre le graphique
suivant, que le développement du portage s’est fait au détriment du
postage et n’a donc pas permis de développer globalement l’abonnement.
98
COUR DES COMPTES
Graphique n° 6 : évolution des volumes postés et portés de
la presse quotidienne nationale (PQN) et de la presse quotidienne
régionale (PQR)
Source : étude d’impact de l’aide au portage sur les éditeurs de presse
quotidienne et les entreprises de portage – Arthur D. Little – Mars 2009
L’étude recommande plus particulièrement de mieux conditionner
les aides au portage à des objectifs opérationnels concrets qui seraient par
exemple de développer l’abonnement, d’augmenter les zones de
diffusion, de développer le portage multi-titres et de faciliter l’exercice
des activités de portage. Elle formule également des propositions de
modification de l’aide aux stocks et de l’aide aux flux.
D -
Une crise de la presse aggravée
La cessation de la publication de France Soir en décembre 2011 et
de la publication papier de La Tribune en janvier 2012, ou encore les
graves difficultés rencontrées par la société Presstalis, constituent des
signes visibles et récents de la crise à laquelle est confrontée la presse
écrite, et ce, malgré le soutien massif de l’État qui a pu contribuer à en
atténuer les conséquences.
Si cette crise peut être observée sur longue période dans les
principales séries statistiques du ministère
34
, il est incontestable qu’elle
34
Les données les plus récentes publiées par le ministère portent sur 2010 pour le
tirage et la diffusion et 2011 pour le chiffre d’affaires ; des statistiques plus récentes
devraient être publiées avant la fin du 1
er
semestre 2013.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
99
s’est fortement accrue à partir de 2008, sans qu’aucun signe de
redressement n’apparaisse depuis lors.
1 -
La chute du tirage et de la diffusion
La dégradation de la situation de la
presse écrite payante
remonte
au début des années 2000 comme le montre le graphique ci-après.
Graphique n° 7 : évolution 1990-2010 du tirage et de la
diffusion annuels
Ensemble de la presse et presse payante (en milliers d’exemplaires)
Source : Cour des comptes (d'après les chiffres définitifs de l’année 2010
pour la presse écrite - direction générale des médias et des industries
culturelles)
De 1990 à 2000, le tirage et la diffusion de la presse payante voient
leur niveau se maintenir autour de 6,5 milliards d'exemplaires imprimés
par an et de 5,25 milliards d'exemplaires diffusés (les exemplaires
diffusés représentent de l'ordre de 80 % du tirage). Depuis 2000,
s’agissant du tirage, et depuis 2001, s’agissant de la diffusion, la situation
se dégrade de manière continue : le nombre d’exemplaires imprimés a
chuté en 2010 à 5,32 milliards, soit une baisse de 17,5 % depuis 2000, et
le nombre d’exemplaires diffusés à 4,34 milliards (16,6 %). La baisse est
très marquée de 2008 à 2010 : - 368 000 000 exemplaires imprimés et
- 181 000 000 exemplaires diffusés.
Ce déclin de la presse payante a été pour l’essentiel compensé par
le développement de la presse gratuite d’information qui est apparue en
2002 avec trois titres. Ce nombre a augmenté régulièrement jusqu'à treize
en 2010 et la place de ce type de presse s'est accrue très rapidement
puisqu'elle représente environ un quart des exemplaires de la presse
d’information politique et générale depuis 2007. L'apport de la presse
gratuite d’information s'est traduit par une augmentation globale du
100
COUR DES COMPTES
nombre d'exemplaires diffusés jusqu'en 2007. Depuis lors, la presse
gratuite connaît à son tour une légère diminution de sa diffusion. Elle
représentait 638 667 000 exemplaires diffusés en 2010.
Les chiffres de la diffusion de la presse en 2012, rendus publics par
l’Association pour le contrôle de la diffusion des médias en mars 2013,
montrent une poursuite de la tendance des années précédentes, avec une
baisse de 3,8 % de la diffusion de la presse payante par rapport à 2011.
S’agissant de la presse gratuite d’information, ils montrent une poursuite
de la baisse de la diffusion : - 3,4 % par rapport à 2011.
2 -
La baisse du chiffre d’affaires liée à la chute des recettes de
ventes et à l’effondrement des recettes de publicité
Pendant la période 1990-2009, le chiffre d’affaires de la
presse
éditeurs
,
qui
inclut
la
presse
gratuite,
a
connu
trois
phases
distinctes, comme le montre le graphique suivant :
-
une forte progression jusqu’en 2000 en euros courants, de 6,25 Md€
annuels à 10,64 Md€ ;
-
une stabilisation de 2001 à 2007 à un niveau compris entre 10 et
11 Md€ ;
-
une chute forte à partir de 2008, le chiffre d’affaires passant de
10,86 Md€ en 2007 à 10,45 Md€ en 2008, 9,64 Md€ en 2009,
9,33 Md€ en 2010 et 9,15 Md€ en 2011.
L’évolution est similaire s’agissant plus particulièrement de la
presse payante.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
101
Graphique n° 8 : évolution 1990-2011 du chiffre d’affaires -
Presse éditeurs et presse payante (en milliers d’euros)
Source : Cour des comptes (d'après les données de la direction générale des
médias et des industries culturelles portant sur les exercices 1985-2009 et les
chiffres clés de l’année 2011)
En euros constants, la dégradation du chiffre d’affaires de la presse
éditeurs au cours de la dernière décennie apparaît plus forte encore. Pour
une base 100 en 2000, celui-ci se situe en 2011 à un niveau proche de 70.
Les deux principales ressources de la presse - les recettes de vente
et les recettes de publicité (publicité commerciale et petites annonces) -
ont connu des évolutions contrastées :
-
l’évolution des recettes provenant des ventes est assez comparable à
celle du chiffre d’affaires global de la presse ;
-
en revanche, les recettes de publicité connaissent une évolution plus
heurtée, avec trois phases de baisse intervenues en 1991, en 2001 et
en 2008. Le mouvement de baisse est particulièrement vif puisque les
recettes sont passées de 4,83 Md€ en 2007 à 4,56 Md€ et à 3,88 Md€
en 2009. L’amplitude du mouvement de baisse semble s’atténuer en
2010 (3,66 Md€) et 2011 (3,58 Md€).
Les chiffres les plus récents publiés par le ministère, qui portent
sur l’année 2011, confirment ces tendances : les recettes de vente
diminuent par rapport à 2010 de 1,81 % pour l’ensemble de la presse
éditeurs ; les recettes de publicité diminuent quant à elles de 2,16 %. En
euros constants, la baisse est encore plus importante. Pour une base 100
en 2000, les recettes de vente se situent à un niveau inférieur à 80 en
2010, alors que les recettes de publicité se situent à un niveau proche de
60.
102
COUR DES COMPTES
Les éditeurs de presse considèrent la baisse des recettes
publicitaires comme irréversible dans la mesure où ce marché est
désormais partagé avec les nouveaux médias, en particulier ceux qui sont
liés à Internet.
3 -
Une évolution contrastée de la situation des différentes
familles de presse
a)
Les difficultés particulières de la presse d’information politique et
générale
Les phénomènes observés pour l’ensemble de la presse éditeurs ou
de la presse payante sont accentués pour la presse nationale d’information
politique et générale (IPG). La part relative de celle-ci dans le chiffre
d’affaires global de la presse éditeur a fortement diminué entre 1990 et
2010, passant de 19,3 % à 14,1 % (elle remontait toutefois à 14,6 % en
2011).
En euros courants, le chiffre d’affaires de la presse nationale IPG a
fortement diminué depuis 2000, passant de 1,78 Md€ à 1,31 Md€, soit un
niveau également inférieur à celui de 1990 (1,48 Md€). On note
néanmoins une certaine stabilisation, voire une légère progression en
2011 (1,34 Md€). En euros constants, la baisse est encore plus marquée
puisqu’il chute d’un indice base 100 en 2000 à un indice de 61 en 2010 et
61,6 en 2011 ; il se situait à un indice 108,2 en 1990.
Pour sa part, le chiffre d’affaires de la presse régionale et locale
d’information politique et générale n’a pas connu, en euros courants, la
même dégradation que celle de la presse nationale IPG. Après une
progression au cours des années 1990 de 2,31 Md€ à 2,96 Md€, il s’est
ensuite stabilisé à un niveau proche de 3 Md€ : 2,96 Md€ en 2010 et
2,95 Md€ en 2011. Il baisse cependant en euros constants puisqu’il passe
d’un indice base 100 en 2000 à un indice de 81,6 en 2011.
Les chiffres de la diffusion de la presse en 2012 de l’OJD font état
d’une baisse de 3,6 % de la presse quotidienne en 2012 par rapport à
2011. Malgré une année riche en évènements nationaux et internationaux
d’importance qui auraient pu soutenir la diffusion, elle est plus forte pour
la presse quotidienne nationale payante (- 7,8 %). La presse quotidienne
gratuite d’information (-3,4 %) et la presse quotidienne régionale et
départementale (- 2,3 %) résistent mieux dans une tendance qui reste
néanmoins baissière.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
103
b)
Le reste de la presse aussi en difficulté
La presse magazine connaît aussi des difficultés en 2012 selon les
données de l’OJD avec une baisse globale de 4,4 % de la diffusion mais
des différences importantes selon les familles concernées : - 2,5 % pour
les «
news
»
36
, - 3 % pour la presse pour adolescents, - 3,4 % pour la
presse féminine et pour la presse de télévision, pour les familles qui
résistent le mieux, et - 33,5 % pour la presse informatique.
D’une manière générale, les données relatives à la diffusion et au
chiffre d’affaires précédemment rappelées concordent sur le constat d’une
aggravation de la crise du secteur, particulièrement marquée depuis 2008
et qui affecte l’ensemble des familles de presse, même si la presse
quotidienne nationale d’information politique et générale apparaît comme
la plus touchée. Aucune amélioration n’a été observée en 2012.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
En définitive, les aides à la presse se sont révélées peu efficaces.
Ces résultats décevants s’expliquent par de nombreux facteurs : effets
contradictoires, chiffrages initiaux défectueux, logique de « guichet »,
ciblage insuffisant.
Outre ces défauts de conception, la plupart des aides présentent
des résultats très en deçà des attentes et des moyens engagés. Les aides à
la modernisation ne paraissent pas avoir suffisamment incité les
entreprises à engager leurs nécessaires mutations technologiques. En
tout état de cause et comme en témoigne la décroissance du tirage et de
la diffusion, la crise de la presse persiste et s’accroît, en dépit des moyens
engagés par l’État.
Au regard de ces analyses, il paraît judicieux de renforcer encore
le ciblage des aides à la presse écrite sur les titres présentant le plus
d’enjeux en termes de défense du pluralisme, et d’accentuer le soutien
aux projets les plus stratégiques et les plus innovants, cette démarche
étant d’ores et déjà amorcée par les Pouvoirs publics.
Pour
accompagner
cette
évolution,
la
Cour
formule
les
recommandations suivantes :
5.
privilégier à l’avenir en faveur du portage une aide au flux qui
serait limitée à la période nécessaire au décollage de cette
activité ;
36
Hebdomadaires consacrés à l’actualité politique, économique, sociale ou culturelle.
104
COUR DES COMPTES
6.
encourager la transition du postage vers le portage par un
rééquilibrage des tarifs de ces deux modes de distribution,
obtenu par une baisse de l’aide au transport postal et la
poursuite après 2015 de la hausse des tarifs du transport postal ;
7.
mieux moduler le calcul de l’aide aux quotidiens nationaux
d’information
politique
et
générale
à
faibles
ressources
publicitaires en fonction du pourcentage de recettes publicitaires
et du nombre d’exemplaires diffusés ;
8.
mettre fin à la sous-budgétisation de la mesure d’exonération de
cotisations sociales dans le cadre du portage de la presse
(actuelle sous-action 1.4 du programme 180) en tenant compte
du niveau des dépenses réelles ;
9.
réaliser périodiquement, par exemple tous les trois ans, des
études permettant d’apprécier les niveaux de rentabilité
respectifs des différentes familles de presse, et en particulier de
celles relevant de la presse d’information politique et générale.
Chapitre III
Des ajustements insuffisants au regard
des enjeux
I
-
La réforme inachevée de la gouvernance
A - Une réforme tardive
La gouvernance des aides à la presse a constitué l’un des huit
chantiers identifiés par les états généraux de la presse de 2008 sous
l’intitulé
Repenser la gouvernance des aides publiques autour d’une
réflexion prospective
. Cette question a été abordée par plusieurs rapports
concomitants au plan d’aide à la presse de 2009 à 2011. Malgré ces
réflexions nourries, la question a fait l’objet de décisions tardives et, en
tout état de cause, postérieures au lancement du plan triennal d’aide.
Il a fallu attendre 2012 pour que de premières réponses y soient
apportées avec le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme
des aides à la presse et au fonds stratégique pour le développement de la
presse. La mise en oeuvre de ce texte n’a pas toutefois épuisé la question
de la gouvernance des aides à la presse puisqu’un groupe de réflexion a
été mis en place en janvier 2013 afin de refonder cette politique publique.
106
COUR DES COMPTES
1 -
L’absence de réforme à la suite des états généraux
Une mission de réflexion destinée à repenser la gouvernance des
aides publiques à la presse a été confiée à M. Aldo Cardoso en juin 2009.
Au vu des premiers constats de la mission, il est apparu nécessaire
d’établir au préalable un diagnostic de l’impact socio-économique des
aides à la presse. Ce travail a été confié en septembre 2009 à l’inspection
générale des finances.
Le rapport de l’inspection, déposé en décembre 2009 par
MM. Bruno Mettling et David Lubek, met en lumière une répartition très
hétérogène des aides entre les différents titres de presse. Il montre que
certaines aides sont concurrentes (aides au portage et au transport postal),
induisent des effets contre-productifs (soutien aux imprimeries dans un
contexte de baisse de la diffusion sur support papier) ou souffrent d’une
absence de ciblage (guichet des aides à la presse en ligne).
S’appuyant sur ce diagnostic, le rapport de la mission Cardoso,
intitulé
La gouvernance des aides publiques à la presse
, a été déposé en
septembre 2010. Il souligne que la stratification des dispositifs et la
diversité des bénéficiaires empêchent une réelle gouvernance des fonds
publics. Il relève l’insuffisante expertise des services administratifs pour
apprécier les stratégies d’investissement des entreprises, mais aussi la
faiblesse des indicateurs associés aux financements, ce qui ne permet pas
une véritable évaluation de l’efficacité des aides publiques. Le rapport se
prononce en faveur d’un pilotage plus global des aides à la presse avec la
création d’un fonds stratégique de la presse destiné à coordonner les
différentes aides à la modernisation.
En janvier 2011, soit cinq mois après la publication du rapport
Cardoso, le ministre de la culture et de la communication a installé une
instance de concertation professionnelle chargée de définir les modalités
de réforme de la gouvernance des aides publiques à la presse. Cette
instance a réuni les représentants des différentes familles de presse écrite
et numérique bénéficiaires des aides, ainsi que des personnalités
qualifiées.
Les conclusions de cette concertation, remises en juillet 2011,
s’articulent autour de trois grands axes : une gouvernance rénovée, des
instruments plus efficaces et un partenariat renouvelé. Dans ce cadre, les
mesures suivantes ont été proposées : création d’une conférence des
éditeurs de presse, mise en oeuvre d’une évaluation régulière des
différents systèmes d’aide, renforcement des moyens de contrôle,
publication annuelle des montants des aides attribuées, création d’un
fonds stratégique fusionnant le fonds d’aide à la modernisation et le fonds
d’aide au développement des services de presse en ligne, mise en place
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
107
d’un conventionnement triennal pour les titres de presse bénéficiant des
aides de l’État les plus importantes.
2 -
Le décret du 13 avril 2012 : une première étape vers une
réforme de la gouvernance
Ces propositions ont débouché sur la parution du décret
n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et
au fonds stratégique pour le développement de la presse. Ce texte reprend
les préconisations de la concertation de 2011 et prévoit notamment la
création de la conférence nationale des éditeurs de presse, celle du fonds
stratégique pour le développement de la presse ainsi que la mise en place
d’une contractualisation entre l’État et les entreprises les plus soutenues.
En définitive, le processus qui, depuis les états généraux de 2008,
n’a abouti que quatre ans après, avec le décret du 13 avril 2012, conduit à
s’interroger sur la logique qui a prévalu pour engager un plan d’aide à la
presse d’un coût budgétaire élevé, avant d’avoir décidé des mesures
d’amélioration de la gouvernance. Il aurait probablement été plus
rationnel, du point de vue de l’économie des deniers publics, de s’assurer
d’abord de la pertinence et de la cohérence des différentes aides à la
presse avant de décider une aussi forte augmentation des dépenses
publiques. S’il était urgent de répondre à une situation de crise, il reste
que le plan de soutien a été mis en oeuvre sans en corriger les défaillances
qui pourtant avaient été mises en lumière, dès 2009, par le rapport de
l’inspection générale des finances.
En outre, si les mesures retenues dans le cadre du décret du
13 avril 2012 constituent un progrès très notable dans l’amélioration de la
gouvernance des aides à la presse, leur mise en oeuvre, plus d’un an après,
n’est que très partielle.
B - Des réalisations encore modestes à ce jour
1 -
Les instances : le chemin étroit entre la cogestion et le
renforcement du pilotage par l’État
La réforme de la gouvernance des aides à la presse de 2012 s’est
tout d’abord attachée à revoir le cadre institutionnel chargé de la
régulation des aides à la presse : création d’une instance annuelle de
concertation entre l’État et le secteur de la presse, réforme du conseil
supérieur des messageries de presse (CSMP). Si cette réorganisation est
trop récente pour être parfaitement appréciée, elle ne remet pas
fondamentalement en cause le principe d’une cogestion entre l’État et le