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OMMUNICATION A LA COM
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MMUNICATION A LA COM
MMUNICATION A LA COMMISSION DES FINANCES
MISSION DES FINANCES
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ENAT
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58-2°
2°
2°
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DE LA LOI ORGANIQUE
DE LA LOI ORGANIQUE
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DE LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE
RELATIVE AUX LOIS DE
RELATIVE AUX LOIS DE
RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES DU
FINANCES DU
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FINANCES DU
1
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AOUT
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AOUT
AOUT
2001
2001
2001
2001
Les aides de l’État
es aides de l’État
es aides de l’État
es aides de l’État
à la presse écrite
à la presse écrite
à la presse écrite
à la presse écrite
Juillet 2013
Sommaire
AVERTISSEMENT
...........................................................................
5
RÉSUMÉ
............................................................................................
7
PRINCIPALES ORIENTATIONS ET RECOMMANDATIONS . 9
INTRODUCTION
...........................................................................
13
CHAPITRE I - UN SECTEUR ÉCONOMIQUE
FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
..............................................
15
I
- Une politique mal définie et complexe
................................................
15
A - Un périmètre difficile à établir
............................................................
15
B - Une pluralité d’objectifs
......................................................................
19
C - Un ensemble d’aides indirectes anciennes
.........................................
21
D - Des aides directes très nombreuses
...................................................
32
II
- La forte et coûteuse dépendance du secteur aux aides de l’État
.........
38
A - Un secteur fortement soutenu
...........................................................
38
B - Les relations de l’AFP avec l’État
.........................................................
44
C - Une politique de plus en plus coûteuse pour l’État
............................
51
CHAPITRE II - UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS
PEU PROBANTS
............................................................................
57
I
- Une efficacité limitée par les défauts des modalités d’aide
.................
57
A - Des effets contradictoires : l’aide au transport postal et l’aide au
portage
.....................................................................................................
57
B - Des modalités de calcul des aides parfois inappropriées
...................
62
C - L’absence de neutralité des aides à la diffusion
.................................
68
D - L’insuffisante conditionnalité des aides
.............................................
72
E - Des aides insuffisamment ciblées
.......................................................
74
F - Une répartition inadaptée des crédits entre les types d’aides à la
presse
.......................................................................................................
81
4
COUR DES COMPTES
II
- Des résultats décevants au regard des attentes et des moyens engagés
.................................................................................................................
82
A - Les aides à la modernisation : des objectifs partiellement atteints ... 82
B - Le relatif échec d’une tentative de reconquête du lectorat : l’opération
« Mon Journal Offert »
.............................................................................
89
C - Les effets insuffisants des aides à la diffusion
....................................
91
D - Une crise de la presse aggravée
.........................................................
98
CHAPITRE III - DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU
REGARD DES ENJEUX
..............................................................
105
I
- La réforme inachevée de la gouvernance
...........................................
105
A - Une réforme tardive
.........................................................................
105
B - Des réalisations encore modestes à ce jour
.....................................
107
II
- Une redéfinition encore limitée de la stratégie d’intervention de l’État
...............................................................................................................
121
A - Les suites données par le ministère de la culture et de la
communication aux orientations suggérées par la Cour
.......................
122
B - Une première étape de réforme
.......................................................
123
CONCLUSION GÉNÉRALE
........................................................
135
ANNEXES
.....................................................................................
143
Avertissement
Par lettre du 21 novembre 2012, le président de la commission des
finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes d’effectuer une
enquête sur les aides à la presse, sur le fondement de l’article 58-2° de la
loi organique du 1
er
août 2001 relative aux lois de finances.
Par lettre du 14 janvier 2013 le Premier président de la Cour des
comptes a donné son accord. À la suite d’une réunion de travail tenue le
30 janvier 2013 avec M. Philippe Marini, président de la commission, et
M. Claude Belot, rapporteur spécial, une seconde lettre du 7 février 2013
du Premier président a précisé le périmètre et les objectifs de cette
enquête ainsi que la date de remise du rapport au plus tard le
31 août 2013. Ces trois lettres figurent en annexe au présent rapport.
Le président de la troisième chambre a notifié le contrôle le
20 février 2013 à la directrice générale des médias et des industries
culturelles (DGMIC), au directeur du budget (DB), au directeur général
du Trésor, au directeur général des finances publiques (DGFIP), à la
directrice de la législation fiscale (DLF), ainsi qu’au président de la
commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP).
L’instruction a abouti le 5 juin 2013 à l’envoi d’un relevé
d’observations provisoires, ou d'extraits, aux responsables précités ainsi
qu'au président directeur général de l’Agence France-Presse, à la
présidente de la société Presstalis et au président directeur général de La
Poste.
La contradiction écrite a été complétée par des auditions qui se
sont déroulées au cours de la seconde quinzaine du mois de juin 2013. La
liste des personnes auditionnées figure en annexe au présent rapport.
Le présent rapport, qui constitue la synthèse définitive de l'enquête
effectuée par la Cour, a été délibéré, le 11 juillet 2013, par la troisième
chambre, présidée par M. Lefas, président de chambre, et composée
de
MM. Gautier, Phéline, Barbé, Tournier, Frentz, Saudubray, conseillers
maîtres, et M. Marland, conseiller maître en service extraordinaire, ainsi
que, en tant que rapporteurs, MM. Duboscq et Montarnal, conseillers
référendaires, et, en tant que contre-rapporteur, M. Tournier, conseiller
maître.
Il a ensuite été examiné et approuvé le 26 juillet 2013 par le comité
du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de
6
COUR DES COMPTES
MM. Migaud, Premier président, Bayle, Bertrand, rapporteur général du
comité, Mme Froment-Meurice, MM. Durrleman, Levy, Lefas, Briet, et
Mme Ratte, présidents de chambre, et M. Johanet, procureur général,
entendu en ses avis.
Résumé
La Cour a publié dans son rapport public annuel pour 2013 un
chapitre relatif au plan d'aide en faveur de la presse écrite qui a été mené
de 2009 à 2011. En vue d'élargir cette analyse et de faire le point sur les
mesures de réforme amorcées depuis lors par le Gouvernement, elle a
conduit à la demande de la commission des finances du Sénat la présente
enquête qui a abouti aux analyses suivantes.
La presse constitue un secteur économique qui est fortement soutenu
par l’État et qui donc en dépend largement.
Ce soutien ancien, qui s’est renforcé au cours de la dernière
décennie, aboutit à une politique complexe aux objectifs multiples qui
mobilisent des aides directes et indirectes. Cette accumulation d’aides
hétérogènes s’est accentuée depuis les états généraux de la presse écrite
de 2008, avec la mise en oeuvre d’un plan d’aide à la presse sur la période
2009-2011 qui a conduit à un doublement des dépenses budgétaires
(324 M€ en 2009 contre 165 M€ en 2008 en dépenses sur le programme
« Presse » hors abonnements de l’État à l’Agence France-Presse).
Les aides à la presse ont induit une dépendance pour les éditeurs de
presse mais également pour l’ensemble des acteurs chargés de la
distribution et de la diffusion des journaux. La fin du plan d’aide 2009-
2011 n’a pas entraîné un retour à la situation antérieure des dépenses de
l’État en faveur de la presse. Au regard des objectifs actuels de maîtrise
des finances publiques, ce constat appelle un réexamen approfondi de
l’efficacité et de l’efficience des multiples dispositifs de soutien.
Pour coûteuses qu’elles soient, les aides à la presse n’ont pas
démontré leur efficacité.
De nombreux facteurs contribuent à expliquer ces résultats
décevants par rapport aux objectifs poursuivis et aux moyens engagés.
Les soutiens simultanés au transport postal et au portage ont eu des effets
contradictoires. D’autres aides ont fait l’objet de chiffrages initiaux
défectueux et ont ainsi conduit à des effets d’aubaine. A ce titre, peuvent
être citées les aides aux quotidiens nationaux à faibles ressources
publicitaires et les aides à la modernisation sociale. Les aides à la
diffusion n’ont pas suffisamment incité les entreprises à opérer des choix
économiques rationnels qui auraient notamment permis de mutualiser
leurs réseaux. Par ailleurs, le ciblage des aides sur la presse d’information
8
COUR DES COMPTES
politique et générale reste encore insuffisant, en particulier en matière de
soutien au transport postal.
Enfin, certaines aides ont abouti à des résultats incertains. C’est le
cas des aides à la modernisation qui paraissent avoir insuffisamment
incité
les
entreprises
à
engager
leurs
nécessaires
mutations
technologiques dans un contexte général marqué par le développement de
la presse sur support numérique. En tout état de cause et comme en
témoigne la décroissance du tirage et de la diffusion, la crise de la presse
persiste et s’accroît, en dépit des moyens importants engagés par l’État.
Les initiatives récentes prises pour réformer la gouvernance des aides
à la presse restent insuffisantes au regard des enjeux.
Le décret du 13 avril 2012 est intervenu à l'issue du plan d’aide à
la presse 2009-2011. Il a renforcé le pilotage de l’État, accru la
transparence sur le montant des aides allouées et mis en place des
démarches de contractualisation avec les bénéficiaires. Ces démarches
restent cependant inabouties et des lacunes persistent dans le domaine du
contrôle et de l’évaluation des aides allouées.
Une nouvelle étape a été franchie au début de l’année 2013 dans le
cadre des propositions du groupe de réflexion sur la refondation des aides
à la presse et ses recommandations allaient dans le même sens que celles
formulées par la Cour dans le chapitre de son rapport public annuel pour
2013 relatif au bilan du plan d’aide à la presse écrite 2009-2011.
Ces préconisations et les quatre axes de réforme des aides à la
presse que la ministre de la culture et de la communication a présentés en
conseil des ministres le 10 juillet 2013 procèdent d’une volonté affirmée
de mieux ajuster les dispositifs existants. Elles visent notamment à
recentrer les aides à la modernisation sur les projets les plus innovants des
entreprises, à engager une remise en cohérence des aides à la diffusion et
à renforcer le ciblage de l’aide au transport postal. Il n’en demeure pas
moins opportun de conduire une réflexion de plus long terme sur les
fondements et l’économie générale de la politique publique, dans le but
de simplifier et de rendre plus efficaces les dispositifs d’aide, mais aussi
de garantir un niveau de dépenses compatible avec la trajectoire générale
des finances publiques.
Principales orientations et
recommandations
Au terme de son diagnostic qui met, à la fois, en lumière les
faiblesses du pilotage et de l’impact des aides à la presse, la Cour
préconise un ensemble de mesures qui pourraient être mises en oeuvre en
deux temps, à court terme et dans un délai de trois à cinq ans.
À court terme, la mise en oeuvre des recommandations suivantes
permettrait d’améliorer les dispositifs existants :
S'agissant des aides indirectes :
1.
estimer le coût de l’exonération de la contribution économique
territoriale (CET) en faveur des entreprises de presse, compte tenu
des incertitudes existantes et afin d’être en mesure de valoriser de
manière exhaustive les aides publiques au secteur de la presse écrite ;
2.
évaluer la pertinence des deux mesures fiscales relatives aux
investissements dans les entreprises de presse (le régime des
provisions de presse et la réduction d’impôt pour les sociétés qui
souscrivent au capital des sociétés de presse) et les supprimer si leur
efficacité
n’est
pas
démontrée
au
regard
de
l’objectif
de
développement
des investissements dans les entreprises de presse ;
3.
réexaminer les justifications du régime de l’abattement pour frais
professionnels des journalistes.
S'agissant des aides à la diffusion:
4.
privilégier à l’avenir en faveur du portage une aide au flux qui serait
limitée à la période nécessaire au décollage de cette activité ;
5.
encourager la transition du postage vers le portage par un
rééquilibrage des tarifs de ces deux modes de distribution, obtenu par
une baisse de l’aide au transport postal et la poursuite après 2015 de
la hausse des tarifs du transport postal ;
6.
mettre fin à la sous-budgétisation de la mesure d’exonération de
cotisations sociales dans le cadre du portage de la presse (actuelle
sous-action 1.4 du programme 180) en tenant compte du niveau des
dépenses réelles ;
10
COUR DES COMPTES
7.
réaliser une évaluation en vue de préparer la sortie des accords
tripartites relatifs au transport postal, sur :
le coût réel pour La Poste de la mission de service public
de transport de la presse et son financement par l’État, au
regard notamment des autres missions de service public
assurées par cette entreprise publique, et sur les marges de
productivité et économies attendues ;
l’écart subsistant à l’issue des augmentations annuelles
prévues par les accords tripartites de 2008 entre les tarifs
de service public applicables aux trois catégories de presse
(presse d’information politique et générale pour les titres
ayant de faibles ressources publicitaires ou de petites
annonces, autres titres d’information politique et générale
et titres non d’information politique et générale) et les
tarifs du service universel.
S'agissant de l'objectif de défense du pluralisme :
8.
mieux moduler le calcul de l’aide aux quotidiens nationaux
d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires
en fonction du pourcentage de recettes publicitaires et du nombre
d’exemplaires diffusés ;
9.
réaliser périodiquement, par exemple tous les trois ans, des études
permettant d’apprécier les niveaux de rentabilité respectifs des
différentes familles de presse, et en particulier de celles relevant de la
presse d’information politique et générale.
S'agissant de la gouvernance des aides :
10.
examiner l’utilité d’inclure des aides automatiques, octroyées au vu
de critères objectifs, telles que les aides au pluralisme et à la diffusion
dans le périmètre du fonds stratégique ;
11.
rendre public le montant annuel des aides accordées à chaque titre de
presse, en consolidant dans un même document l’ensemble des
financements alloués, qu’ils soient directs ou indirects, et en faisant
également apparaître le montant des aides par exemplaire ;
12.
approfondir la contractualisation avec les entreprises bénéficiant de
subventions, en élargissant leur périmètre à l’ensemble des aides
allouées et en renforçant l’expertise technique pour en déterminer le
contenu et en analyser l’exécution ;
13.
mettre en oeuvre des procédures effectives d’évaluation et de contrôle
et améliorer la cohérence du dispositif.
PRINCIPALES ORIENTATIONS ET RECOMMANDATIONS
11
S'agissant de l'Agence France-Presse :
14.
procéder, dans la perspective du prochain contrat d’objectifs et de
moyens et d’un avenant à la convention de 1958, à l’évaluation des
missions d’intérêt général, y compris au plan international, qui
doivent être compensées par une subvention pour charges de service
public, et au réexamen du nombre et de la nature des abonnements de
l’État à l’AFP sur la base d’une appréciation des besoins des services
bénéficiaires.
Dans une perspective de trois à cinq ans et dans la ligne des
décisions prises par le Gouvernement, la Cour formule les orientations
suivantes :
1. une rénovation approfondie des aides à la presse pourrait être
mise en oeuvre sur la base des deux principes suivants :
- simplifier les aides directes à la presse, le but étant de faciliter
leur pilotage mais également de concentrer leur impact dans deux
directions complémentaires : la presse d’information politique et générale
et la transition technologique de la filière ;
- supprimer toutes les aides fiscales dont la pertinence n’est pas
avérée ;
2. la mise en oeuvre de cette rénovation aboutirait à un schéma-
cible assorti d’une programmation budgétaire :
- s'agissant des aides indirectes, ce schéma comporterait le
maintien de la mesure d’exonération de contribution économique
territoriale (CET) et d'un taux du TVA préférentiel à 2,1 % pour la presse
sur support papier, ce taux étant également ouvert à la presse en ligne ;
- s’agissant des aides directes, ce schéma prévoirait un recentrage
de l'action du fonds stratégique pour le développement de la presse sur le
soutien aux projets de mutualisation des coûts et aux projets innovants
pour l'ensemble de la filière. Il prévoirait aussi la création d'un fonds de
soutien du pluralisme, exclusivement consacré à la presse d’information
politique et générale, le but étant de recentrer et de globaliser les aides en
faveur de cette famille de presse.
Introduction
Le secteur de la presse écrite regroupe environ 2 200 entreprises
qui emploient 80 000 salariés dont 25 000 journalistes, et qui éditent
environ 9 000 titres.
Ce secteur connaît une situation de crise qui se traduit par une
dégradation financière importante : son chiffre d’affaires global dépassait
les 10 Md€ en 2000 mais n'atteint plus aujourd'hui que 9 Md€. Cette
attrition financière s'explique par une diminution de la vente de journaux,
le nombre annuel d’exemplaires diffusés étant actuellement d'environ
cinq milliards alors qu'il s'élevait en moyenne à sept milliards au cours de
la décennie 1990, et des recettes publicitaires correspondantes. Ces
données préoccupantes reflètent les mutations qui affectent aujourd'hui le
domaine de l'information, confronté à une transition technologique
inédite
vers
le
multimédia
et
à
une
évolution
corollaire
des
comportements et des attentes des lecteurs.
Caractérisé par une faible capitalisation, le secteur de la presse
écrite fait généralement l’objet d’une analyse par famille de presse. Celle-
ci fait apparaître des enjeux très diversifiés, sinon hétérogènes, tant au
regard de la défense du pluralisme que de l’évolution des parts
respectives de marché :
- la presse nationale d’information politique et générale, avec une
subdivision entre les quotidiens et les autres publications (15 % du chiffre
d'affaires global du secteur en 2011) ;
- la presse locale et régionale d’information politique et générale,
avec la même subdivision (32 %) ;
- la presse d’information spécialisée grand public, qui comprend
l’essentiel des magazines (maison et décoration, sport, presse féminine et
masculine, science et technique, culture, etc.) (37 %) ;
- la presse d’information spécialisée technique et professionnelle
(9 %) ;
- la presse gratuite d’annonces (3 %) ;
- la presse gratuite d’information (4 %).
Le rapport est organisé en trois chapitres qui développent les
constats suivants :
1.
un secteur économique fortement aidé par l’État ;
14
COUR DES COMPTES
2.
une politique aux résultats peu probants ;
3.
la lente réforme des aides à la presse.
Chapitre I
Un secteur économique
fortement aidé par l’État
I
-
Une politique mal définie et complexe
La politique d’aide de l’État
1
à la presse écrite présente la
particularité de juxtaposer des aides indirectes, sous la forme de mesures
fiscales, et des aides directes, aux objectifs très variés. Elle repose sur un
ensemble complexe de dispositifs accumulés depuis plusieurs décennies.
Si les aides à la presse écrite sont fréquentes dans beaucoup de
pays, leur niveau est plus élevé en France que dans la plupart des pays de
taille comparable où le soutien à la presse se limite à des aides indirectes,
généralement un taux préférentiel de TVA.
A - Un périmètre difficile à établir
Alors qu’elle relevait auparavant des services du Premier ministre,
la politique d’aide à la presse est conduite depuis 2010 par le ministère de
la culture et de la communication. La direction générale des médias et des
industries culturelles (DGMIC) y gère l’essentiel des crédits budgétaires
qui lui sont consacrés.
1
La présente enquête de la Cour n’a pas examiné les éventuelles contributions
apportées par les collectivités territoriales au secteur de la presse écrite qui ne
faisaient pas partie de son champ.
16
COUR DES COMPTES
Les différents rapports qui se sont intéressés aux aides à la presse
écrite depuis une dizaine d’années se sont souvent heurtés à la difficulté
d’en définir le périmètre exact et, partant, d’en évaluer le coût. Les
documents budgétaires fournissent en effet des éléments utiles mais
insuffisants pour définir les contours de cette politique publique.
Un premier ensemble, aisément identifiable, est constitué par les
crédits du programme budgétaire 180 -
Presse
géré par le ministère de la
culture et de la communication. Dans la loi de finances initiale pour 2013,
ces crédits se sont élevés à 394,8 M€ en CP, répartis selon la présentation
budgétaire en trois catégories :
-
les aides à la diffusion : 308 M€ ;
-
les aides au pluralisme : 12 M€ ;
-
et les aides à la modernisation : 74,8 M€.
À ce premier ensemble, doivent être ajoutées :
-
les mesures prises en charge, intégralement ou en partie, sur d’autres
programmes budgétaires de l’État :
•
une partie de l’aide au transport postal qui, jusqu’en 2012
inclus, était financée pour un montant de 152,4 M€ en loi de
finances initiale pour 2012 sur le programme 134 -
Développement des entreprises et des services
géré par le
ministère chargé de l’industrie, l’autre partie relevant du
programme 180 -
Presse
. Recommandé par la Cour depuis
plusieurs années, le regroupement de l’ensemble de ces crédits
sur ce dernier programme a été opéré en loi de finances initiale
pour 2013, ce qui a contribué à améliorer la lisibilité
budgétaire ;
•
les crédits du plan
IMPRIME
en faveur de la modernisation
sociale du secteur de la presse, imputés sur le programme
103 -
Anticipation des mutations économiques et dévelop-
pement de l’emploi
géré par le ministère chargé du travail, soit
19,5 M€ ouverts en 2013.
-
les mesures fiscales portant sur des impôts d’État mentionnées pour
information dans les documents budgétaires du programme 180 -
Presse
, à savoir trois dispositifs parmi lesquels le taux « super
réduit » de TVA à 2,1 %, dont le coût global pour l’État s’élevait en
loi de finances pour 2013 à 270 M€ selon les documents budgétaires.
Cette évaluation présente toutefois des incertitudes liées au mode de
calcul retenu ;
-
les mesures fiscales portant sur des impôts locaux, soit deux mesures
portant sur l’ancienne taxe professionnelle devenue en 2010 la
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
17
contribution économique territoriale (CET), sachant qu’il n’existe
aucune évaluation récente du coût de la principale de ces deux
mesures, l’exonération de CET.
Au total, les aides publiques à la presse, précédemment
mentionnées et pour lesquelles une évaluation est donnée dans les
documents budgétaires, s’élèvent à 684,3 M€ en loi de finances initiale
pour 2013, ce qui représente de l’ordre de 7,5 % du chiffre d’affaires de
la presse écrite.
Enfin, selon l’acception plus ou moins large que l’on donne aux
aides à la presse écrite, deux autres formes d’aides peuvent également
être prises en compte :
-
la contribution de l’État à la mission de service public assurée par
l’Agence France-Presse (AFP), qui constitue actuellement une part
non encore isolée de l’enveloppe
relations financières avec l’Agence
France-Presse
retracée sur le programme 180 -
Presse
, action n° 1,
enveloppe figurant pour un montant de 119,6 M€ en loi de finances
initiale pour 2013 ;
-
la mesure fiscale d’abattement pour frais professionnels des
journalistes, assimilables à une aide de la presse, d’un coût de l’ordre
de 60 M€ (non retracée dans le fascicule d’évaluation des voies et
moyens) ;
-
un ensemble de mesures d’exonérations sociales (notamment,
abattement d’assiette sur les rémunérations des journalistes, taux
réduit de calcul de certaines cotisations sur la masse salariale des
journalistes), rarement prises en compte dans le chiffrage des aides à
la presse et dont le montant n’est pas évalué.
Le coût total de cette politique est donc élevé, même s’il est
difficile à déterminer précisément. Il dépend en effet du périmètre retenu,
plus ou moins large, des modalités d’évaluation de certains dispositifs,
principalement fiscaux.
18
COUR DES COMPTES
Les aides à la presse à l’étranger
Les comparaisons internationales réalisées au cours des dernières
années
2
font apparaître que tous les pays aident la presse, et plus largement
les médias.
Les données disponibles permettent d’identifier trois groupes de pays.
La Finlande, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont un modèle dual,
alliant un fort financement du service public audiovisuel avec de
considérables subventions indirectes pour la presse privée. La combinaison
d'une redevance élevée et de vastes exemptions de TVA pour une industrie de
la presse relativement importante explique que la valeur totale de l'aide
publique par habitant en Finlande dépasse de loin celle de n'importe quel
autre pays pris en compte dans les études. Ces trois pays ont les plus hauts
montants d'aide publique totale pour les médias, mesurés en euros par
habitant.
Caractérisés par les plus faibles taux de lecteurs de titres de presse
écrite en Europe, la France et l'Italie ont mis en place un modèle mixte
d'aides, combinant des niveaux faibles de financement pour les médias
audiovisuels de service public avec un mélange de formes directes et
indirectes de soutien aux médias du secteur privé (en France pour les
journaux, en Italie pour certains radiodiffuseurs locaux). Parmi les pays
étudiés, la France arrive au quatrième rang et l’Italie au cinquième pour ce
qui est du niveau total d'interventions, après la Finlande, l'Allemagne et le
Royaume-Uni. Concernant la France, ce classement serait certainement
différent si l’on prenait en compte la seule presse écrite, fortement aidée.
2
L’une porte principalement sur la santé du secteur et ses modes de distribution : « La
situation de la presse quotidienne dans quatre pays européens : Allemagne, Espagne,
Royaume-Uni et Suède » - inspection générale des finances (Mme Cécilia Berthaud et
M. Vincent Menuet) – Novembre 2008. L’autre est plus récente et porte plutôt sur les
politiques publiques : Public Support for the Media – A six country overview of
Direct and Indirect Subsidies / R.K. Nielsen with G. Linnebank – Reuters Institute for
the Study of Journalism, University of Oxford - August 2011; cette étude dépasse le
cadre des aides à la presse et s’intéresse plus généralement aux politiques d’aide aux
médias.
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
19
Enfin, les États-Unis constituent un cas à part, avec un modèle que
l’on pourrait qualifier de minimaliste, alliant de faibles niveaux de soutien
aux médias audiovisuels de service public et un faible niveau d'aides
indirectes à la presse privée.
Une analyse plus complète des aides à la presse à l’étranger, réalisée
par la DGMIC, est présentée en annexe n° 4.
B - Une pluralité d’objectifs
1 -
Le fondement traditionnel des aides à la presse : la
préservation du pluralisme
La politique d’aide à la presse trouve son fondement dans
l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un
des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler,
écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans
les cas déterminés par la loi. »
La jurisprudence du Conseil constitutionnel a reconnu à plusieurs
reprises le fondement constitutionnel de cette politique publique, et plus
particulièrement celui de l’objectif de préservation, et même de
développement, du pluralisme de la presse. En parallèle, la liberté
d’expression ou de communication, dans l’acception retenue par le
Conseil constitutionnel, recouvre non seulement la liberté des journalistes
ou de ceux qui possèdent ou contrôlent des publications, mais aussi celle
des lecteurs
.
C’est sur le fondement de ces principes qu’ont été conçues, dès la
Révolution française, les premières mesures d’aide à la presse. Le
dispositif actuel de soutien à la presse comprend des aides historiques -
l’aide au transport postal, le taux préférentiel de TVA et l’aide au
transport par la SNCF – qui existaient déjà, sous des formes sensiblement
différentes, au milieu du siècle dernier.
Ce même fondement explique l’apparition dans les années 1980
d’une autre forme de soutien : les
aides ciblées
. Elles concernent la presse
d’information politique et générale (IPG) considérée comme prioritaire au
regard de l’objectif de préservation du pluralisme. Deux aides destinées,
d’une part, aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires et,
d’autre part, aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux à faible
ressource de petites annonces, ont été respectivement créées en 1986 et en
1989. Elles ont constitué l'amorce du recentrage des aides sur la presse
d’information politique et générale. Cette politique s’est poursuivie avec
20
COUR DES COMPTES
la création en 1993 d’une aide exceptionnelle pour les quotidiens
d’information politique et générale puis, en 1997, avec l’instauration d’un
ciblage de l’aide au transport postal sur ces mêmes titres.
« Conforter les conditions du pluralisme et de la diversité de la
presse » reste l’un des objectifs stratégiques de la politique conduite par
le ministère de la culture et de la communication.
2 -
La diversification des objectifs et des modes d’intervention
Les aides à la presse répondent à deux autres objectifs stratégiques
mentionnés dans les documents budgétaires annuels : soutenir le
développement économique de la presse écrite et favoriser sa
modernisation.
Ces objectifs prennent une importance nouvelle dans un contexte
de crise de la presse écrite qui se caractérise par la chute des ventes,
l’irruption des technologies numériques et par l’évolution des pratiques et
des attentes des lecteurs.
Ces changements ont conduit l’État, au tournant des années 2000, à
compléter ses modes d’intervention avec l’apparition et le développement
d’aides aux projets, qui répondent principalement à la volonté d’aider le
secteur à opérer sa mutation et à retrouver un équilibre économique. Ces
aides ont été gérées, dès l’origine, dans le cadre de fonds : le fonds d’aide
à la modernisation de la presse (FDM) créé en 1999, le fonds presse-
multimédia, puis le fonds d’aide au développement des services en ligne
des entreprises de presse (SPEL) créé en 2004, l’aide aux diffuseurs de
presse en 2004, l’aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne
en 2004, l’aide à la distribution et à la promotion de la presse française à
l’étranger, également en 2004.
La diversification des objectifs et modalités d’intervention de
l’État a conduit à une accumulation de dispositifs de soutien, en
particulier au cours de la décennie 2000, les suppressions étant beaucoup
plus rares que les créations, et par une complexité croissante de cette
politique publique. Le plan exceptionnel de soutien mis en oeuvre de 2009
à 2011 n’a pas, bien au contraire, contribué à simplifier ce panorama.
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
21
C - Un ensemble d’aides indirectes anciennes
Si l’existence d’un taux préférentiel de TVA constitue, en France
comme à l’étranger, le socle de la politique d’aide à la presse, celle-ci est
complétée par diverses autres mesures fiscales, le plus souvent anciennes,
reconduites sans véritable examen de leur pertinence et dont le coût est
souvent mal identifié.
1 -
Une mesure générale : le taux « super réduit » de TVA
à 2,1 %
a)
Une aide historique, socle des aides à la presse en France comme
dans la plupart des pays comparables
Le taux préférentiel de TVA constitue une aide à la presse
ancienne, puisqu’une loi du 31 juillet 1920 exemptait alors de la taxe sur
le chiffre d’affaires (ancêtre de la TVA) les entreprises de journaux sous
certaines conditions. Ce régime a été maintenu avec la création de la TVA
en 1954 et même étendu aux ventes de publications périodiques et aux
agences de presse, ainsi qu’aux fournisseurs des entreprises de presse.
Alors que la loi du 29 décembre 1976 relative au régime fiscal de
la presse avait mis fin à ces exonérations et introduit un taux de TVA
différencié, de 2,1 % pour les quotidiens et publications assimilées et de
4 % pour les autres publications agréées, une loi du 27 décembre 1977 est
venue peu après étendre le bénéfice du taux de 2,1 % aux hebdomadaires
politiques nationaux et la loi de finances pour 1989 à l’ensemble des
publications agréées.
Depuis lors, le taux de 2,1 % s’applique aux ventes, commissions
et courtage concernant les publications de presse, au moins trimestrielles,
payantes et imprimées. Certaines publications gratuites (publications
politiques, syndicales, mutualistes, associatives, scolaires ou relatives aux
anciens combattants) bénéficient également de ce régime.
Ce taux, particulièrement favorable, est limité à quelques produits
et services comme les médicaments remboursables par la sécurité sociale.
Dans le secteur culturel, si la billetterie des 140 premières représentations
théâtrales d'oeuvres, dans certaines conditions, bénéficie aussi du taux à
2,1 %, le livre est soumis au taux de 5,5 % et le disque au taux de 19,6 %.
En revanche, la presse en ligne, apparue ces dernières années, ne
bénéficie pas de ce régime « historique » favorable et est donc assujettie
22
COUR DES COMPTES
au taux « normal » de 19,6 %
3
. Il en est de même des recettes de publicité
des titres de presse, qu’il s’agisse de la presse écrite traditionnelle ou de
la presse en ligne. Enfin, les agences de presse sont assujetties à un taux
différent, le taux réduit de 5,5 %.
L’existence de taux de TVA préférentiels n’est pas une
spécificité
française. Elle constitue au contraire la forme d’aide à la presse la plus
répandue à l’étranger. Elle est, dans la plupart des États membres de
l’Union européenne, l’un des instruments d’aide à la presse, voire le seul.
Une analyse comparative réalisée par la direction générale des médias et
des industries culturelles montre que, pour les quotidiens, le taux de TVA
varie de 0 % à 8 % dans la plupart des pays.
Le constat est très proche
pour les périodiques. On peut donc considérer que le taux préférentiel de
TVA, voire l’absence de taxation, constitue le socle de la plupart des
politiques d’aide à la presse, complété ou non, et à des degrés divers, par
d’autres aides indirectes ou directes.
b)
Une aide indirecte à la presse
La prise en compte du taux « super réduit » de TVA au titre des
aides à la presse est généralement contestée par les professionnels du
secteur, notamment les éditeurs de presse, bien que cette mesure soit
mentionnée chaque année dans les documents budgétaires relatifs au
programme 180 « Presse ». Ils estiment qu’il ne s’agit pas d’une aide à la
presse mais d’une aide aux lecteurs.
S’il est exact que les éditeurs de presse ne sont pas les bénéficiaires
directs de cette mesure, la TVA étant de fait répercutée sur les acheteurs
de la presse, cette mesure n’en demeure pas moins un levier majeur dont
dispose l’État pour contribuer au développement de la diffusion de la
presse en abaissant le coût final de la presse pour les lecteurs. Il n’est
donc pas illégitime de considérer cette mesure comme un soutien indirect
au secteur de la presse.
c)
Une mesure ouverte à un nombre élevé de titres
Le bénéfice du taux de TVA à 2,1 % est lié à l’octroi d’un
agrément par une commission administrative, la commission paritaire des
publications et agences de presse (CPPAP), qui constitue le point d’entrée
dans ce qui est communément appelé le « régime économique général de
la presse », défini dans des termes comparables par le code général des
impôts et par le code des postes et des communications électroniques. Ce
3
La question de l’alignement du taux de TVA applicable à la presse en ligne sur celui
applicable au reste de la presse est examinée dans le chapitre II.
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
23
régime ouvre droit à un certain nombre d’aides dont la principale, outre le
taux « super réduit » de TVA, est l’aide au transport postal.
Rôle de la commission paritaire des publications et des agences de
presse
La commission paritaire des publications et des agences de presse
(CPPAP) est régie par le décret n° 97-1065 modifié du 20 novembre 1997.
Dans le domaine des publications imprimées, elle est chargée, en qualité
d’organisme paritaire consultatif :
-
de donner un avis sur l’application aux journaux et écrits périodiques des
textes législatifs ou réglementaires prévoyant des allègements en faveur
de la presse en matière de taxes fiscales et de tarifs postaux ;
-
de faire des propositions pour l’inscription sur la liste des organismes
constituant des agences de presse ;
-
de la reconnaissance des services de presse en ligne depuis 2009.
Les conditions légales d’octroi de cet agrément sont assez peu
restrictives de sorte que de nombreux titres de presse l’obtiennent. En juin
2012, 8 799 publications
4
étaient enregistrées auprès de la commission
paritaire des publications et des agences de presse, dont 5 093
publications émanent de sociétés éditrices de presse. Le taux préférentiel
de TVA est donc une mesure de portée générale en faveur du secteur de
la presse.
d)
Un coût élevé, au montant affiché variable selon les modalités
d’évaluation
S’agissant du programme 180 -
Presse
comme des autres
programmes du budget général de l’État, les documents budgétaires
proposent une présentation assez sommaire du coût des mesures fiscales.
Elle se résume en un tableau, dans les projets annuels de performances
(PAP) et les rapports annuels de performances (RAP), indiquant le
nombre approximatif de bénéficiaires et le coût prévisionnel ou effectif
de la mesure pour l’État. Le PAP 2013 mentionne 1 800 entreprises
bénéficiaires en 2011.
Le coût de cette mesure fiscale est traditionnellement évalué par
l’État en comparant l'imposition des publications de presse au taux
de 2,1 % à un assujettissement au taux « réduit » de TVA (actuellement
à 5,5 %). On peut constater une stabilité du coût de la mesure entre 2001
et 2011 à un niveau compris entre 190 et 205 M€, qui en fait le dispositif
d’aide à la presse le plus coûteux après l’aide au transport postal.
4
Source : direction générale des médias et des industries culturelles.
24
COUR DES COMPTES
Les caractéristiques mêmes de ce mode d’évaluation expliquent
certaines variations récentes du coût estimé de la mesure dans les
documents budgétaires. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2012,
l’augmentation du taux « réduit » à 7 % s’était traduite par une
augmentation mécanique de de ce coût à 265 M€. La perspective de
ramener ce taux à 5 % conduira pour 2014 à une évaluation plus basse,
que la direction de la législation fiscale (DLF) estime à 160 M€.
Si les documents budgétaires ont fait le choix d’un rapprochement
avec le taux réduit de TVA, une autre présentation du coût annuel de cette
mesure aurait pu amener à mesurer le manque à gagner pour l’État par
rapport au taux « normal » à 19,6 % ; celui-ci serait alors beaucoup plus
élevé, de l’ordre d’1 Md€.
2 -
Une exonération de contribution économique territoriale au
coût indéterminé
a)
Une mesure ancienne reconduite en 2010
Cette mesure régie par l’article 1458 du code général des impôts,
prévoit l’exonération de contribution économique territoriale (CET) pour
toutes les publications de presse, les sociétés coopératives de messageries
de presse et les sociétés dont le capital est détenu majoritairement par des
sociétés coopératives de messageries de presse qui leur confient
l'exécution d'opérations de groupage et de distribution, les agences de
presse ainsi que, depuis le 1
er
janvier 1995, les correspondants locaux de
presse régionale ou départementale. Les services de presse en ligne
reconnus par la commission paritaire des publications et des agences de
presse sont également exonérés de CET.
Si la CET n’est en vigueur que depuis le 1
er
janvier 2010, cette
mesure
d’exonération
est
très
ancienne
puisqu’elle
s’appliquait
auparavant aux régimes de la taxe professionnelle et de la patente. Elle a
été reconduite, de même que les exonérations applicables à d’autres
secteurs professionnels, sans réexamen particulier de sa pertinence.
Cette mesure est complétée par une autre mesure portant sur la
CET : un abattement sur la base imposable à la « cotisation foncière des
entreprises » des diffuseurs de presse (art. 1469 A quater du code général
des impôts). Son coût annuel, inférieur à 1 M€, selon les estimations de la
direction générale des finances publiques (DGFiP), est donc marginal par
rapport à la mesure d’exonération.
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
25
b)
L’absence
de chiffrage de l’exonération de CET
Le ministère de la culture et de la communication ne possède
aucune information récente sur le coût de la mesure d’exonération, de
même que la DGFiP, qui expliquait en 2012, en
réponse à une demande
de la Cour, que : « les activités bénéficiant des dispositifs codifiés aux
articles 1458 et 1586 ter du CGI étant totalement exonérées de CET, la
DGFiP confirme qu’elle ne dispose d’aucune information sur les bases
qui auraient pu être imposées. »
A défaut d’une estimation récente, les tentatives d’approche du
coût de cette mesure à partir de données plus anciennes sont peu
concluantes. Celles qui ont été réalisées à partir de données de 2003
fournies par le ministère chargé des finances à la commission de réforme
de la taxe professionnelle (régime antérieur à celui de la CET) ne peuvent
conduire à un chiffrage fiable. Pour sa part, la mission sur l’efficacité des
aides à la presse (décembre 2009), de MM. Mettling et Lubek de
l’inspection générale des finances, expliquait qu’elle n’avait pu obtenir
d’informations précises sur l’exonération de taxe professionnelle ; elle se
bornait à se référer à une évaluation de 200 M€ précédemment publiée
dont la source n’a pu être retrouvée.
Il paraît donc nécessaire de disposer rapidement, à défaut d’une
estimation précise, d’un ordre de grandeur du coût de cette mesure
d’exonération et des modalités de sa prise en charge.
3 -
Un abattement fiscal aux justifications incertaines bénéficiant
aux journalistes et aux entreprises de presse
a)
Une mesure ancienne réformée en 1998 et reconduite depuis lors
L’abattement pour frais professionnels dont bénéficient les
journalistes est également une mesure ancienne qui trouve son origine
dans les années 1930. Ceux-ci faisaient partie d’une liste de 110
professions ayant des frais professionnels importants justifiant alors un
abattement supplémentaire de 30 % de leur impôt sur le revenu. Après
avoir été supprimé en 1996 pour toutes les professions concernées, des
négociations avec la profession de journaliste ont conduit en 1998 à
l’adoption d’un nouveau dispositif prévoyant un abattement non plus
proportionnel aux revenus mais d’un montant fixe (50 000 F, soit
7 650 €), qui n’a pas été revalorisé depuis lors.
La mesure actuelle est prévue par la loi de finances rectificative
pour 1998 (loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998) et précisée par une
instruction du 24 juin 1999. La rémunération des journalistes, rédacteurs,
26
COUR DES COMPTES
photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux
est considérée, à concurrence de 7 650 €, comme représentative d'une
allocation pour frais d'emploi utilisée conformément à son objet et, à ce
titre, exonérée de plein droit d'impôt sur le revenu. Cette somme peut
donc être déduite des revenus déclarés.
Contrairement à la déduction de droit commun des frais
professionnels réels à hauteur de 30 %, l’abattement s'applique de plein
droit, sans que les intéressés soient tenus de justifier de l'affectation
effective de leur rémunération au paiement de frais professionnels à due
concurrence. Elle n’est donc pas susceptible de faire l'objet d'un contrôle
de la part de l'administration fiscale. Elle se cumule avec la déduction
forfaitaire de droit commun de 10 % qui couvre les dépenses
professionnelles courantes des salariés.
Sur la base du salaire mensuel moyen brut des journalistes
5
de
3 775 € pour les journalistes en contrat à durée indéterminée (CDI) et de
2 280 € pour les pigistes, l’avantage fiscal selon les barèmes de l’impôt
pour 2013 peut être estimé à
6
:
-
1 850 € pour un journaliste en CDI célibataire sans enfant ;
-
1 000 € pour un journaliste en CDI célibataire avec deux enfants à
charge ;
-
1 250 € pour un journaliste pigiste célibataire sans enfant ;
-
130 € pour un journaliste pigiste célibataire avec deux enfants à
charge.
b)
Des justifications incertaines
Trois arguments sont traditionnellement avancés pour justifier la
mesure :
-
le faible niveau de remboursement des frais professionnels par les
entreprises de presse ;
-
la volonté de protéger les sources des journalistes, la confidentialité
de celles-ci ne leur permettant pas d’exercer aisément l’option pour le
régime de déduction des frais professionnels réels et justifiés ;
-
la faiblesse de la rémunération des journalistes compte tenu de leur
niveau d’études.
5
Source : Observatoire des métiers de la presse,
Observatoire des métiers de
l’audiovisuel et AFDAS « Les journalistes encartés en 2011 ».
6
Sur la base du salaire moyen brut multiplié par 12 mois avec application de la
déduction de droit commun de 10 %.
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
27
En ce qui concerne le premier argument, il n’a pu être conduit
d’analyse particulière auprès de la profession dans le cadre de la présente
enquête. Néanmoins, il est peu probable que les pratiques qui avaient
cours il y a encore quelques décennies en matière de remboursement des
frais professionnels par les entreprises de presse soient encore
d’application générale de nos jours.
Le deuxième argument, avancé par l’administration, suppose que
les frais imputables à l’activation des sources soient systématiquement
pris en charge par les journalistes et non par les entreprises de presse, et
qu’il en aille ainsi pour les quelque 37 000 journalistes, tous médias
confondus (25 000 pour la presse écrite), ce qui apparaît également peu
probable. En tout état de cause, le coût global de la mesure apparaît
disproportionné par rapport à cet objectif particulier.
S’agissant du troisième argument, même si les données portant sur
les journalistes titulaires de la carte professionnelle font apparaître une
rémunération moyenne et médiane assez variable selon leur statut, en
contrat à durée indéterminée (CDI), pigiste ou en contrat à durée
déterminée (CDD), ces rémunérations paraissent, toutefois, assez proches
des salaires moyens mensuels en 2010 de l’ensemble des salariés selon
les statistiques de l’INSEE et déclarations annuelles de données sociales
(DADS).
Tableau n° 1 : rémunération mensuelle des journalistes de la
presse écrite en 2011
CDI
Pigistes
CDD
Moyenne
Médiane
Moyenne
Médiane
Moyenne
Médiane
Rémunération
en €
3 775
3 348
2 179
1 853
2 446
2 200
Source : « Les journalistes encartés en 2011 »
Par ailleurs, les rémunérations de la profession
7
n’ont pas connu de
dégradation notable en euros constants sur la période 2000-2011 :
-
pour les journalistes en contrat à durée indéterminée (environ 74 %
des journalistes en 2011), la rémunération a progressé de 27,5 % en
euros courants et de 5,3 % en euros constants ;
7
À partir des données publiées dans « Les journalistes encartés en 2011 » - Étude
statistiques des données fournies par la commission de la carte d’identité des
journalistes professionnels – Observatoire des métiers de la presse, Observatoire des
métiers de l’audiovisuel et AFDAS.
28
COUR DES COMPTES
-
pour les journalistes pigistes (environ 16,5 % des journalistes en
2011), la rémunération a progressé de 21,3 % en euros courants et est
stable en euros constants.
Si la profession de journaliste ne semble donc pas, en moyenne,
défavorisée d’un point de vue salarial, la situation des journalistes pigistes
ou en contrat à durée déterminée, en particulier des jeunes journalistes,
pourrait conduire à nuancer sensiblement ce constat. On observe en outre
une forte dispersion des salaires, chez les journalistes (tous médias
confondus) en contrat à durée indéterminée mais aussi chez les pigistes,
comme le montrent les deux graphiques suivants.
Graphique n° 1 : répartition des journalistes en CDI selon le
salaire mensuel brut moyen en 2011 (en %)
Graphique n° 2 : répartition des journalistes pigistes selon les
revenus mensuels moyens en 2011 (en %)
Source : « Les journalistes encartés en 2011 »
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
29
D’une manière générale, le principe même d’une compensation par
l’État d’éventuelles lacunes en matière de remboursements de frais
professionnels ou d’un niveau jugé insuffisant de rémunération au sein
d’un secteur professionnel peut prêter à discussion. Des disparités
analogues sont susceptibles de se rencontrer dans beaucoup d’autres
secteurs professionnels.
Ne faisant pas l’objet d’une modulation en fonction du niveau de
rémunération, la mesure fiscale concernée apparaît aussi discutable du
point de vue de l’égalité des contribuables devant l’impôt.
Dans les faits, il s’agit aussi d’un soutien indirect au secteur de la
presse, et plus particulièrement aux éditeurs de presse, dès lors que la
mesure tend à réduire la pression sur les salaires dont ils sont susceptibles
de faire l’objet de la part de leurs employés.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances initiale pour
2013 au Sénat, le ministre délégué au budget confirmait cette analyse à
l’occasion de l’examen d’amendements tendant à réduire cet avantage
fiscal : « En apparence, [cette mesure] vise à avantager une profession.
En réalité, son objectif est d’aider les entreprises de presse, entreprises
industrielles
qui
rencontrent,
on
le
sait,
d’extraordinaires
difficultés […] ».
c)
Un coût estimé à 60 M€
Le coût de cette mesure n’est pas mentionné dans les documents
budgétaires annuels et ne fait pas l’objet d’une mention dans le fascicule
« Évaluation des voies et moyens, tome II dépenses fiscales » des projets
de lois de finances initiales, s’agissant d’une simple modalité de calcul de
l’impôt. Il n’est pas non plus mentionné comme une aide à la presse dans
le projet annuel de performances du programme 180 -
Presse
, étant
considéré par l’administration comme une mesure concernant les
journalistes en tant que contribuables et non comme une aide à la presse
destinée à soutenir les entreprises de presse. Dans le cas contraire, il
conviendrait de l’y faire figurer sur la base d’une estimation précise de la
dépense fiscale qui fait défaut aujourd’hui.
La direction de la législation fiscale (DLF), saisie en mars 2013 par
la direction générale des médias et des industries culturelles dans le cadre
de la réflexion sur la refondation des aides à la presse, indique qu’elle
« ne dispose pas directement de données spécifiques permettant d’isoler
le coût de ce régime fiscal. En effet, les contribuables concernés doivent
déclarer un revenu imposable diminué du montant forfaitaire autorisé. »
30
COUR DES COMPTES
Elle présente néanmoins, dans ce même courrier, un ordre de
grandeur du coût de cette mesure qu’elle estime à environ 60 M€ en
tenant compte du montant à soustraire au revenu (7 650 €) et du nombre
de journalistes (de l’ordre de 37 000 possesseurs de la carte de presse) et
des caractéristiques générales de la profession de journaliste
8
.
En tant que mesure d’aide à la presse
9
, il serait préférable de
recourir aux dispositifs d’aide à la presse existants plutôt qu’à un
abattement sur l’impôt sur le revenu. En tout état de cause, ces
interrogations plaident en faveur d’un réexamen des motifs qui sous-
tendent la pérennisation éventuelle de cette mesure fiscale.
4 -
Deux mesures fiscales en faveur de l’investissement dans les
entreprises de presse à l’efficacité non avérée
a)
Le problème récurrent de la sous-capitalisation des éditeurs de la
presse française
Par rapport à d’autres pays comparables, la presse quotidienne
française se caractérise par une absence de structuration capitalistique
autour de grands groupes investis dans le domaine des multimédias. Cette
situation peut s’expliquer par la crainte qu’ont eue les pouvoirs publics de
voir se développer des pratiques contraires au pluralisme, et qui les a
conduits à ajouter aux règles de droit commun un régime spécifique de
limitation de la concentration
10
. De fait, si la presse régionale concentre
8
La direction de la législation fiscale relève, sur la base des données de la
commission de la carte d'identité des journalistes professionnels (CCIJP) pour 2011
(« les journalistes encartés en 2011 »), que la proportion des journalistes pigistes et en
contrat à durée déterminée s’élève à environ 20 %, que la part des hauts salaires
(revenus bruts moyens supérieurs à 6 000 €) est d’environ 6 % et que celle des très
hauts salaires (revenus bruts moyens supérieurs à 10 000 €) d’environ 10 %. Elle fait
l’hypothèse qu’une moitié de la population des journalistes se voit appliquer un taux
marginal d’imposition de 14 % et l’autre de 30 %.
9
En ce cas, elle doit être rapprochée des mesures d’exonération sociale (abattement
sur l’assiette de la rémunération des journalistes dans la même limite que l’abattement
fiscal, taux réduit de calcul de certaines cotisations assises sur la masse salariale des
journalistes). Ces mesures sont mentionnées dans l’annexe au projet de loi de
financement de la sécurité sociale mais ne sont pas individualisées. Elles ne sont pas
compensées par l’État mais constituent clairement des aides aux entreprises de presse.
10
Le régime spécifique a été instauré par la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant
réforme du régime juridique de la presse et par la loi n° 86-1067 du 30 septembre
1986 relative à la liberté de la communication, chacune d’entre elles fixant des règles
restrictives. Il interdit ainsi aux personnes visées de posséder, de contrôler ou d’éditer
en location-gérance des quotidiens d’information politique et générale dont la
diffusion totale serait supérieure à 30 % de la diffusion en France de l’ensemble des
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
31
progressivement autour de quelques groupes, ceux-ci sont, à ce jour, loin
d’atteindre le seuil de 30 % fixé par la loi. Les titres de la presse
quotidienne nationale, pour leur part, n’appartiennent à aucun groupe de
presse ou multimédias majeur au plan européen ou international.
En termes économiques, la trop faible capitalisation des entreprises
de presse françaises limite leur capacité de financer en propre leurs
investissements. Cette situation affecte tout particulièrement la presse
quotidienne qui doit faire face à une très forte mutation technologique,
alors même que sa rentabilité est inférieure à celle de la presse magazine
ou à celle d’autres médias.
b)
Un nombre limité de bénéficiaires
Deux mesures fiscales rattachées au programme 180 -
Presse
dans
les documents budgétaires annuels ont pour objet de répondre à cette
faiblesse traditionnelle de la presse française :
-
le régime des provisions pour les entreprises de presse, qui a déjà
été prorogé à plusieurs reprises ;
-
une réduction d’impôt en faveur des entreprises soumises à l’impôt
sur les sociétés qui souscrivent au capital de sociétés de presse.
Ces deux mesures représentent des coûts budgétaires modestes,
inférieurs à 1 M€ chacune, liés au nombre limité de bénéficiaires : en
2011 (selon le PAP 2013), on ne dénombrait respectivement que 76 et 50
bénéficiaires.
c)
Une efficacité discutée
Au regard de leur coût budgétaire et du nombre réduit de
bénéficiaires, l’utilité de ces mesures pose question. La direction générale
des médias et des industries culturelles, interrogée par la Cour dans le
cadre de la préparation de la note d’analyse de l’exécution budgétaire
2012 relative à la mission
Médias, livre et industries culturelles
, estime
néanmoins qu’il s’agit de « dispositifs peu coûteux et qui jouent un rôle
incitatif à l’investissement » et conclut qu’il paraît « prématuré de se
prononcer sur le devenir de ces outils avant que le groupe de travail de
réforme des aides à la presse ne remette ses conclusions à la ministre ».
Au cours de la contradiction avec la Cour, la direction de la
législation fiscale a relevé que ce dispositif a déjà été jugé inutile (note
publications de cette nature. Il interdit aussi aux entreprises du secteur de se trouver
dans plus de deux des trois situations qu’il énumère, cette règle s'appliquant à la fois
au plan national et au plan local.
32
COUR DES COMPTES
zéro) par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches
sociales de juin 2011 et présente plusieurs défauts :
-
il est peu utilisé en raison de son ciblage sur un nombre limité
d’entreprises ;
-
il est peu incitatif ;
-
il engendre des effets d’aubaine.
Si le faible niveau des capitaux propres de la presse française, en
particulier de la presse quotidienne nationale, est un réel handicap, les
mesures fiscales spécifiques existantes ne paraissent pas en mesure de
contribuer efficacement à la résolution de ce problème récurrent. Dans le
cadre de la politique de réduction des niches fiscales, leur maintien
n’apparaît pas justifié.
D - Des aides directes très nombreuses
Les aides directes au secteur sont financées principalement sur les
crédits du programme 180 -
Presse
géré par le ministère de la culture et
de la communication, le dispositif étant complété par quelques aides
financées sur des programmes d’autres ministères. Ceci donne un
ensemble éclaté d’aides, que le plan de soutien mis en place de 2009 à
2011 n’a pas contribué à simplifier.
1 -
Un ensemble éclaté et complexe d’aides directes
Le panorama actuel des aides directes fait apparaître une volonté
de couvrir l’ensemble des préoccupations du secteur, ce qui se traduit,
selon les années, par un dispositif d’environ une quinzaine d’aides
classées en trois catégories dans les documents budgétaires.
a)
Les aides à la diffusion
Elles constituent de loin la principale catégorie d’aides directes au
regard de leur montant (308,4 M€ en loi de finances initiale pour 2013) et
ont pour cible les deux formes principales de vente de la presse : la vente
au numéro dans les points de vente et la vente par abonnement, cette
dernière s’effectuant soit par transport postal, soit par portage.
En loi de finances initiale pour 2013, les aides à la diffusion
comportaient quatre mesures :
-
une aide au transport postal de la presse (sous-action 1.1 du
programme 180), versée par l’État à La Poste afin de lui permettre
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
33
d’accorder des tarifs préférentiels à la presse (249,4 M€ en loi de
finances initiale pour 2013) ;
La principale aide directe : l’aide au transport postal et l’accord
tripartite de 2008 entre l’État, La Poste et les entreprises de presse
Le transport et la distribution de la presse constituent l’une des
quatre missions de service public de La Poste définies par la loi, avec le
service universel du courrier et des colis, l’accessibilité bancaire et la
contribution à l’aménagement du territoire. L’aide au transport postal
consiste en un ensemble de tarifs préférentiels accordés par La Poste au
secteur de la presse, en contrepartie desquels l’opérateur reçoit une
compensation financière de l’État.
Depuis une trentaine d’années, le dispositif repose, dans ses
modalités concrètes, sur des accords tripartites entre l’État, La Poste et les
éditeurs de presse, qui ont pour principal objet de répartir la charge
financière afférente à ces tarifs préférentiels entre les trois parties
prenantes. Les accords de juillet 2008 conclus pour la période 2009-2015
ont représenté une nouvelle étape vers une gestion plus saine du dispositif
en prévoyant :
- une baisse globale de l’aide de l’État sur la période 2009-2015,
de 242 M€ en 2009 à 180 M€ en 2015, soit une diminution de 62 M€
(- 25 %) ;
- une augmentation des tarifs de service public tenant compte de la
spécificité de chaque famille de presse : une différenciation est ainsi faite
entre la presse d’information politique et générale, au sein de laquelle les
quotidiens à faibles ressources provenant de la publicité ou des petites
annonces bénéficient d’un tarif encore plus avantageux, et les autres titres
agréés, qui se voient appliquer une progression plus forte des
tarifs jusqu’en 2015 ;
- l’établissement d’une offre tarifaire « universelle », distincte des
tarifs de service public et destinée aux organes de presse qui ne peuvent
ou ne veulent pas bénéficier du régime des aides à la presse et des tarifs
de service public qu’il prévoit ;
- enfin, en contrepartie de la hausse progressive des tarifs de
service public imposés au secteur de la presse au cours de la période
2009-2015, et grâce aux nouveaux efforts de productivité de l’opérateur,
les accords prévoient la disparition du déficit d’exploitation au terme des
accords (2015), La Poste étant en tout état de cause réputée faire sien tout
éventuel déficit résiduel.
34
COUR DES COMPTES
La Poste est aussi tenue, en tant que prestataire du service
universel postal en France, de proposer une gamme de prestations
commerciales de transport de la presse (appelée Publissimo) à un tarif,
certes plus élevé que les tarifs préférentiels relevant de la mission de
service public de transport postal de la presse, mais néanmoins accessible,
proche de ses coûts, et validé par l’Autorité de régulation des
communications électroniques et des postes.
-
une
aide à l’acheminement de la presse par voie ferrée
(sous-
action 1.2), versée par l’État à la SNCF afin de lui permettre, selon
un schéma assez proche de l’aide au transport postal, de réduire le
coût de cette forme de transport pour les titres de presse ; cette aide,
créée en 1948, représente des montants beaucoup plus faibles que la
précédente (4,5 M€ en loi de finances initiale pour 2013) ;
-
deux aides au portage de la presse :
o
une
aide au portage de la presse
(sous-action 1-3) créée en
1998, renforcée et profondément modifiée en 2009, qui est
versée aux titres de presse qui recourent à cette forme
d’acheminement ; cette aide qui représentait des montants
modestes avant 2009, de l’ordre de 8 M€, a vu son montant
fortement augmenter en 2009 à 70 M€, puis baisser assez
nettement à partir de 2012 (45 M€ en loi de finances initiale
pour 2012 et 37,6 M€ en loi de finances initiale pour 2013) ;
o
une exonération de charges patronales qui concerne les
professionnels chargés du portage : les vendeurs-colporteurs
et les porteurs de presse (sous-action 1-4) ; cette mesure est
estimée pour 2013 à 16,9 M€.
Deux autres mesures, qui sont classées comme des aides à la
modernisation dans les documents budgétaires, sont en réalité des aides à
la diffusion puisqu’elles concernent l’acheminement et la vente de la
presse au numéro :
-
l’aide à la distribution de la presse quotidienne
(sous-action 3-2),
créée en 2002, qui est versée aux quotidiens nationaux d’information
politique et générale, mais qui est, dans les faits, reversée par ces
derniers à la messagerie de presse Presstalis afin de contribuer à sa
restructuration ; cette aide représente 18,9 M€ en loi de finances
initiale pour 2013 ;
-
une
aide à la modernisation des diffuseurs de presse
(sous-
action 3-3), créée en 2004, versée aux points de vente porteurs de
projets visant à la modernisation de l’espace de vente (mobilier et
équipements liés à la présentation de la presse) et à leur
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
35
informatisation ; elle représente 4 M€ en loi de finances initiale pour
2013.
b)
Les aides au pluralisme
Les trois aides au pluralisme représentent des crédits assez
modestes, 12 M€ en loi de finances initiale pour 2013, et sont destinées
aux titres de la presse d’information politique et générale qui présentent
une fragilité particulière. Fait caractéristique de la politique d’aide à la
presse, marquée par une extension des dispositifs, la mesure initiale qui
s’adressait à la presse quotidienne nationale, a été rapidement complétée
par un deuxième en faveur de la presse quotidienne régionale et
départementale, puis un troisième en faveur de la presse hebdomadaire
régionale :
-
le
fonds d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et
générale à faibles ressources publicitaires
(sous-action 2-1) a été
créé en 1986. Doté de 9,2 M€ en loi de finances initiale pour 2013, il
a pour objet de soutenir, d’une part, les titres qui bénéficient
structurellement de recettes publicitaires faibles compte tenu de leur
positionnement éditorial, et d’autre part, les titres qui traversent de
façon conjoncturelle des difficultés financières. Le bénéfice de cette
aide ouvre droit aussi à des avantages tout aussi importants, en
particulier des tarifs très avantageux de transport postal ainsi qu’une
aide accrue au portage.
Les bénéficiaires de cette aide sont très peu nombreux : les quotidiens
La Croix, L’Humanité
et
France-Soir
, jusqu’à sa disparition, et,
depuis 2008,
Libération
et
Présent
. Plusieurs quotidiens à destination
des enfants et adolescents sont également aidés dans des proportions
moindres :
Mon Quotidien
,
Le Petit Quotidien
,
L’Actu
;
-
le
fonds d'aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux
d’information politique et générale à faibles ressources de petites
annonces
(sous-action 2-2), créé en 1989, concernait 18 publications
en 2012 pour un montant supérieur à 1,3 M€, soit une aide moyenne
de 87 733 €. Il est doté en loi de finances initiale pour 2013 de
1,4 M€ ;
-
le
fonds en faveur de la presse hebdomadaire d’information politique
et générale régionale
(sous-action 2-3), créé en 2004, représente un
coût de 1,4 M€ en 2013, comme le précédent fonds. Il concerne
chaque année un nombre élevé de publications, de l’ordre de 200,
pour un montant moyen attribué d’environ 6 700 €.
36
COUR DES COMPTES
c)
Les aides à la modernisation
L’objectif des aides à la modernisation qui ont été progressivement
mises en oeuvre depuis 2004, est d’accompagner les projets des
entreprises dans leur processus de modernisation technologique et sociale.
Ces aides poursuivent des objectifs complémentaires.
Les aides mises en oeuvre par le
fonds de modernisation de la
presse
(FDM) viennent financer des projets liés à la diminution des coûts
de fabrication des journaux, à la modernisation des rédactions et au
développement du lectorat, notamment en direction des jeunes.
Les aides mises en oeuvre par le
fonds d’aide au développement
des services de presse en ligne
(SPEL) portent sur le développement de la
presse sur support numérique, les financements publics comprenant à la
fois des contributions aux investissements et la prise en charge partielle
des dépenses de fonctionnement qui y sont liées.
Enfin, celles mises en oeuvre par le
fonds d’aide à la modernisation
sociale
, (sous-action n° 3-1) constituent des mesures d’accompagnement
en faveur des salariés concernés par la restructuration des imprimeries de
presse. Ce fonds est doté de 18,4 M€ en loi de finances initiale pour 2013.
Ce dispositif a été réorganisé en avril 2012 avec la création du
fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) qui a
fusionné les fonds FDM et SPEL. Ce nouveau fonds (sous-action n° 3-4)
est doté en loi de finances initiale pour 2013 de 33,9 M€.
Enfin, le dispositif d’aides directes à la modernisation est complété
par des crédits du programme 103 -
Anticipation des mutations
économiques et développement de l’emploi
géré par le ministère chargé
du travail. 19,5 M€ étaient ouverts en 2013 au titre du plan « IMPRIME »
en faveur de la modernisation sociale du secteur de la presse.
Un tableau récapitulatif des crédits d’aide à la presse ouverts et
consommés au titre des programmes 180 et 134 sur la période 2006-2013
est donné en annexe n°3.
Ce panorama des aides directes montre leur très grande diversité
due :
-
au degré d’ancienneté des dispositifs ;
-
à leur montant, très élevé pour le transport postal, moindre pour
toutes les autres aides ;
-
au nombre de bénéficiaires des aides qui explique pour l’essentiel
leur coût plus ou moins élevé : alors que l’aide au transport postal
bénéficie à près de 7 000 titres, l’aide au portage ne bénéficie qu’à la
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
37
presse d’information politique et générale (soit au plus de l’ordre de
400 titres) et l’aide à la distribution de la presse quotidienne à une
dizaine de titres ;
-
à la nature des bénéficiaires, soit les titres de presse, soit certains
opérateurs du système de la diffusion de la presse (La Poste, la
SNCF, les points de vente), soit indirectement un opérateur
(Presstalis) par l’intermédiaire d’une aide à des titres de presse.
La complexité de ce dispositif explique les deux défauts majeurs
de la politique d’aides à la presse : l’absence de cohérence globale et,
partant, la difficulté de son pilotage.
2 -
Le plan triennal 2009-2011, une occasion manquée pour
simplifier le dispositif
Les états généraux de la presse écrite organisés d’octobre 2008 à
janvier 2009 à l’initiative du Gouvernement ont formulé diverses
recommandations visant à aider le secteur à aborder les défis de l’avenir
et à surmonter la crise.
Sur la base de celles-ci, le Président de la République a annoncé la
mise en oeuvre d'un plan triennal d’aide à la presse pour la période 2009 à
2011 qui a conduit au doublement du montant global des aides directes du
programme 180 -
Presse
en faveur de la presse écrite et à l’adoption de
nouvelles mesures qui ont complété le dispositif existant. En raison des
moyens supplémentaires apportés, ces mesures se sont ajoutées aux
précédentes plus qu’elles ne les ont remplacées. Il en est résulté un
panorama encore plus complexe des aides directes à la presse.
S’agissant du soutien de la vente au numéro, l’aide à la
modernisation des diffuseurs a été renforcée et des aides exceptionnelles
d’urgence leur ont été accordées. S’agissant du portage de la presse, la
dotation du fonds d’aide au portage a été fortement augmentée (70 M€ à
compter de 2009, contre 8 M€ en 2008) et son périmètre étendu à tous les
journaux d’information politique et générale ainsi qu’aux journaux
sportifs généralistes. Une mesure d’exonération de cotisations sociales a
par ailleurs été instituée pour accompagner le développement du portage.
D’autres mesures ont concerné le développement de la presse sur
support numérique, avec notamment la reconnaissance d’un statut
d’éditeur en ligne et la mise en place du fonds d’aide au développement
des services de presse en ligne. Une augmentation des crédits accordés au
fonds de modernisation de la presse est également intervenue pour
financer l’opération « Mon journal offert » qui a consisté à proposer à
38
COUR DES COMPTES
tout jeune de 18 à 24 ans un abonnement hebdomadaire gratuit d’un an à
un journal quotidien de son choix.
II
-
La forte et coûteuse dépendance du secteur
aux aides de l’État
L’ancienneté et les montants élevés de la politique d’aide à la
presse ont eu pour effet d’en faire une contribution essentielle au
financement du secteur de la presse écrite, qu’il s’agisse des titres de
presse ou de certains de ses acteurs, notamment l’Agence France-Presse
(AFP) dont les relations avec l’ État sont engagées actuellement dans un
processus de clarification.
Cette situation de dépendance s’accroît dans la période de crise
aigüe que rencontre la presse écrite depuis cinq ans. Elle rend d’autant
plus difficile la réduction des crédits consacrés à cette politique par l’État
après l’effort exceptionnel consenti dans le cadre du plan d’aide 2009-
2011.
A - Un secteur fortement soutenu
La politique de soutien de l’État à la presse écrite est devenue une
composante essentielle du fonctionnement du secteur, qu’il s’agisse des
éditeurs de presse ou d’autres acteurs majeurs.
1 -
L’importance des aides pour les titres de la presse écrite
a)
Les aides rapportées au chiffre d’affaires de la presse
La mesure de la place prise par les aides de l’État dans les comptes
des titres de presse ou des éditeurs nécessite une analyse spécifique qui ne
pouvait être conduite dans le cadre de la présente enquête. En tout état de
cause, selon les hypothèses retenues sur le périmètre des aides à la presse,
celles-ci représentent entre 7,5 % et 11 % du chiffre d’affaires global des
éditeurs de presse.
b)
L’aide globale de l’État à chaque exemplaire diffusé
L’éclatement de la politique d’aide à la presse en un grand nombre
de dispositifs rend difficile la mesure du soutien global apporté par l’État
à chaque titre. Ce soutien se caractérise traditionnellement par une
absence de transparence à laquelle le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
39
relatif à la réforme des aides à la presse et au fonds stratégique pour le
développement de la presse tente de remédier, à ce stade, de manière
encore très partielle.
Dans la perspective de la signature de conventions pluriannuelles
avec les principaux titres de presse et de la publication annuelle du
montant des aides allouées à chacun d’entre eux, la direction générale des
médias et des industries culturelles a identifié les titres ayant bénéficié
d’un montant d’aide supérieur à 1,5 M€ en moyenne sur la période 2009-
2011. Les aides prises en compte sont l’ensemble des aides directes
susceptibles d’être rattachées à un titre de presse
11
. Bien qu’il s’agisse
d’aides de nature différente, certaines étant attribuées directement aux
éditeurs de presse, d’autres à des tiers comme La Poste ou la SNCF (mais
avec une identification sur une base objective
12
des dépenses imputables à
chaque titre), cette présentation permet de mieux appréhender la
contribution globale de l’État à chaque titre et de surmonter l’écueil
habituel d’une analyse parcellaire, aide par aide.
Le montant annuel de ces aides a été rapproché par la Cour des
chiffres de la diffusion annuelle totale en 2009, 2010 et 2011 publiés par
l’ODJ (Association pour le contrôle de la diffusion des medias) qui
proviennent de déclarations de diffusion sur l’honneur des titres de presse
ou de procès-verbaux de contrôle, afin de déterminer le montant de l’aide
par exemplaire diffusé.
Même s’il s’agit d’une simple approche
- les aides indirectes telles
que le taux « super réduit » de TVA n’étant pas prises en compte -, il
ressort du tableau ci-après que les quotidiens nationaux d’information
politique et générale (IPG) et la presse magazine IPG (
News
) sont les
catégories de titres les plus aidées.
Parmi ces titres, ceux qui sont éligibles aux aides au pluralisme,
notamment les titres à faibles ressources publicitaires, sont les principaux
bénéficiaires des aides à la presse : L’
Humanité
avec une aide
représentant 48 centimes d’euro par exemplaire diffusé et, à un degré
moindre,
La Croix
et
Libération
, avec respectivement 32 et 27 centimes
par exemplaire. Rapportées à l’exemplaire diffusé, les aides à la presse
quotidienne régionale sont, sauf exceptions, d’un niveau moindre, de
4 à 7 centimes selon les titres.
11
Les aides au pluralisme, l'aide au transport par la SNCF, l'aide au portage de la
presse, les aides du FDM, les aides du SPEL, l'aide à la distribution, l'aide à la presse
hebdomadaire et régionale, l'aide à la distribution et à la promotion de la presse
française à l'étranger et les aides du fonds stratégique pour le développement de la
presse.
12
Généralement le nombre d’exemplaires diffusé ou transporté.
40
COUR DES COMPTES
Enfin, les magazines de télévision apparaissent particulièrement
aidés : les principaux titres bénéficient d’une aide par exemplaire qui
varie entre 4 et 10 centimes.
Plus généralement, il ressort que les aides à la presse, hors mesures
fiscales, représentent des montants significatifs pour chaque exemplaire
diffusé.
Tableau n° 2 : estimation du montant des aides à la presse, hors aides
indirectes, par exemplaire diffusé (par montant décroissant)
Source : Cour des comptes
Titre de presse
Montant annuel de
subventions
(moyenne sur la
période 2009-2011) -
En €
Diffusion totale
France + Etranger
(moyenne annuelle
sur la période 2009-
2011)
Montant subvention
/ exemplaire diffusé
(moyenne sur la
période 2009-2011) -
En centimes
MONDE (LE)
18 465 277
97 809 817
19
FIGARO (LE)
17 217 154
101 343 030
17
OUEST FRANCE
15 784 440
258 956 732
6
CROIX (LA)
9 988 388
31 656 889
32
LIBERATION
9 908 617
36 533 590
27
TELERAMA
9 411 822
31 935 825
29
AUJOURD'HUI EN FRANCE
9 331 562
61 786 183
15
NOUVEL OBSERVATEUR (LE)
7 800 161
27 071 314
29
TELE 7 JOURS
7 279 547
76 126 212
10
HUMANITE (L')
6 761 434
14 219 917
48
SUD OUEST
6 260 812
106 720 006
6
EXPRESS (L')
6 232 242
27 395 244
23
NOUVELLE REPUBLIQUE DU CENTRE
5 645 242
61 530 368
9
VOIX DU NORD (LA)
5 445 430
95 019 897
6
PARIS MATCH
5 151 418
35 760 764
14
DEPECHE DU MIDI (LA)
5 014 820
68 764 053
7
ECHOS (LES)
4 513 559
30 785 702
15
POINT (LE)
4 501 245
22 151 130
20
DAUPHINE LIBERE
(LE)
4 464 330
90 178 748
5
TELE STAR
4 451 357
60 578 404
7
TELE LOISIRS
4 390 415
56 121 753
8
DERNIERES NOUVELLES D'ALSACE (LES)
4 035 733
60 618 655
7
PROGRES (LE)
3 868 585
81 019 183
5
PETIT QUOTIDIEN (LE)
3 800 067
ND
ND
PARISIEN (LE)
3 681 247
102 203 217
4
TELE Z
3 669 232
81 667 765
4
TÉLÉGRAMME
3 555 598
73 217 679
5
ELLE
3 413 233
21 290 708
16
TELECABLE SATELLITE HEBDO
3 390 880
32 635 825
10
MONTAGNE (LA)
3 216 097
67 572 258
5
MON QUOTIDIEN
3 139 538
ND
ND
EST REPUBLICAIN (L')
2 999 986
56 860 210
5
PELERIN
2 849 399
12 037 997
24
PROVENCE (LA)
2 783 573
50 424 722
6
FEMME ACTUELLE
2 749 581
49 857 491
6
NICE-MATIN
2 727 086
38 638 289
7
CHALLENGES - LE NEWS DE L'ÉCONOMIE
2 384 145
10 810 088
22
MIDI LIBRE
2 247 553
53 377 189
4
TELE POCHE
1 881 812
28 912 604
7
COURRIER DE L'OUEST
1 853 381
35 940 335
5
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
41
2 -
L’accroissement constant de l’aide aux acteurs en difficulté du
secteur de la distribution au numéro
Depuis une dizaine d’années, et plus encore depuis 2009, la
dégradation du système de distribution de la presse a conduit l’État à
accroître son aide, d’une part, à la principale messagerie de presse, la
société Presstalis, d’autre part, aux diffuseurs de presse (marchands de
journaux).
a)
L’État, partenaire déterminant des plans de restructuration
successifs de Presstalis
Alors qu’elle avait été instaurée en avril 2002 pour une durée
limitée à trois ans, l’aide à la distribution de la presse quotidienne
nationale a été pérennisée dès 2004.
S’il s’agit en principe d’une aide destinée aux seuls quotidiens
nationaux d’information politique et générale, de langue française,
paraissant au moins cinq fois par semaine et agréés par la
commission
paritaire des publications et des
agences de presse - neuf quotidiens en
ayant bénéficié en 2011 -, le bénéficiaire final de cette aide est en réalité
les Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), devenues
Presstalis en 2009. Ceci tient d’abord au ciblage de cette aide sur la
presse quotidienne nationale qui n’est distribuée que par le réseau de cette
messagerie, mais aussi au fait que la subvention de l’État est reversée par
les titres bénéficiaires à Presstalis selon des modalités complexes.
Les documents budgétaires relatifs au programme 180 -
Presse
ne
cachent
pas
que
cette
aide
a,
depuis
l’origine,
pour
objectif
d’accompagner les plans successifs de modernisation mis en oeuvre par
Presstalis, en couvrant une partie des surcoûts spécifiques occasionnés
par le traitement des quotidiens nationaux d’information politique et
générale. Il s’agit donc d’une aide destinée autant à la presse quotidienne
nationale qui, sans elle, se verrait appliquer par Presstalis un coût de
prestation supérieur, qu’à cette messagerie de presse.
Alors que cette aide s’est située à un niveau assez stable au cours
de la période 2002 à 2009 (autour de 12 M€, avec une baisse ponctuelle à
8 M€ en 2006 et 2007), les graves difficultés rencontrées par Presstalis se
sont traduites par une très forte hausse des dépenses en 2010 qui ont
atteint 45 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement
13
.
13
Aux 12 M€ prévus en loi de finances initiale pour 2011, se sont ajoutés 13 M€ en
loi de finances rectificative et 20 M€ obtenus par des redéploiements de crédits au
sein du ministère validés par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010.
42
COUR DES COMPTES
Depuis lors, l’aide reste à un niveau élevé : 18 M€ en 2011 et 23,85 M€
en 2012, en exécution.
Dans le cadre des accords passés en octobre 2012 avec Presstalis et
les éditeurs de presse, l’État s’est engagé à mettre en place un prêt au titre
du fonds pour le développement économique et social (FDES) de 20 M€
sur la période 2012-2013 et à augmenter l’aide à la modernisation de la
distribution de la presse quotidienne nationale de 15 M€ sur cette même
période.
Depuis la création du dispositif en 2002 et jusqu’en 2012, l’État a
dépensé près de 160 M€ pour l’accompagnement des divers plans de
redressement de Presstalis, dont 86,9 M€ sur la seule période 2010-2012.
L’intervention de l’État, qui avait au départ pour objet de venir à
l’appui du système de solidarité entre éditeurs de presse (presse
quotidienne nationale et magazines) lorsque celui-ci devenait insuffisant,
s’est progressivement transformée en un accompagnement de plans de
restructuration et de modernisation du principal acteur du système de
distribution, puis en une aide d’urgence afin d’éviter sa cessation
d’activité et les répercussions de celle-ci sur le secteur de la presse.
Il est incontestable que Presstalis n’aurait pas survécu sans l’appui
de l’État à la décision du tribunal de commerce de Paris, fin 2011, de
confier un mandat amiable
ad hoc
à une administratrice judiciaire. Si son
avenir à l’horizon de 2015 est étroitement lié au soutien de l’État, cette
situation constitue de fait pour ce dernier une contrainte dont il lui sera
sans doute difficile de se désengager.
b)
Les aides exceptionnelles aux diffuseurs de presse
La situation des points de ventes de la presse, les diffuseurs de
presse, est à ce point difficile qu’elle a nécessité deux aides d’urgence de
l’État, l’une en 2009, l’autre en 2011. Bien que figurant dans les
documents budgétaires au titre des aides à la modernisation de la presse,
ces aides n’ont répondu à aucun objectif réel de modernisation et n’ont eu
d’autre but que d’apporter un soutien financier temporaire et d’enrayer le
phénomène de fermeture des points de vente.
Un premier dispositif exceptionnel en 2009
Le 23 janvier 2009, le Président de la République a annoncé le
versement d’une aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse spécialistes
et indépendants, dans l’attente d’une meilleure répartition de la valeur
dans la chaîne de distribution. Cet engagement s’est concrétisé par le
décret n° 2009-856 du 8 juillet 2009 qui a institué une aide exceptionnelle
au bénéfice des diffuseurs de presse spécialistes et indépendants. L'aide a
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
43
consisté en un versement unique de 4 000 €, montant qui correspond en
moyenne à une exonération de 30 % des cotisations sociales personnelles
des diffuseurs de presse.
Les crédits ouverts se sont élevés à 51,3 M€, au titre de la
couverture des subventions et de la rémunération forfaitaire du prestataire
chargé de la gestion de l'aide. Compte tenu de l’urgence, ils ont été
obtenus à partir de 27,6 M€ de dotation inscrits en loi de finances
rectificative pour 2009 et de 23,7 M€ dégagés par redéploiement de
crédits au sein du programme 180. Le coût définitif de cette mesure est de
49,80 M€ (en AE = CP) dont 49,37 M€ de subventions et 0,43 M€ au titre
de la rémunération du prestataire Deloitte, chargé de gérer le versement
de cette aide.
Bien que le nombre de bénéficiaires initialement prévu (14 450)
n’ait pas été atteint, cette mesure exceptionnelle a été accordée à
12 339 diffuseurs, soit 85,4 % du nombre prévu.
Un nouveau dispositif exceptionnel en 2011
Le ministre de la culture et de la communication a annoncé, lors de
ses voeux à la presse le 25 janvier 2011, la mise en oeuvre d'un « plan de
soutien conséquent aux diffuseurs de presse », afin de poursuivre les
efforts engagés dans le cadre des états généraux. Il s’agissait en réalité
d’aider les points de vente dont les résultats venaient d’être affectés en
décembre 2010 par une grève au sein de la Société Presse Paris
Services (SPPS), filiale de Presstalis. Le décret n° 2011-1086 du
8 septembre 2011 a ainsi institué une nouvelle aide exceptionnelle au
bénéfice des diffuseurs de presse spécialistes et indépendants.
Le coût de l’aide est moins élevé que celui du dispositif
exceptionnel précédent, parce que son périmètre d’application est plus
restreint et que le montant unitaire de l’aide est plus bas. Les crédits
ouverts grâce à des redéploiements au sein du programme 180 se sont
élevés à 12,8 M€, dont 0,25 M€ pour la rémunération forfaitaire du
prestataire chargé de la gestion de l'aide. Le nombre final de bénéficiaires,
estimé à 8 000, est en ligne avec les prévisions.
Au total, l’État a consacré de l’ordre de 63,4 M€ (montant non
définitif) à deux mesures exceptionnelles qui n’ont eu d’autre objet que
d’apporter un secours à un secteur professionnel en difficulté, soit
presque le double du montant consacré depuis 2005 à la mesure
structurelle de modernisation des points de vente (33,5 M€ sur sept ans).
44
COUR DES COMPTES
B - Les relations de l’AFP avec l’État
L'Agence
France Presse (AFP) est une agence mondiale
d’information généraliste, la seule dont le siège est européen, qui compte
environ 2 300 collaborateurs permanents et qui dispose de 200 points de
présence permanente couvrant 160 pays et organisés autour de sept
directions régionales. Ses rédactions travaillent dans six langues (français,
anglais, espagnol, allemand, arabe et portugais).
La politique de l’Etat vis-à-vis de l’AFP intègre des considérations
touchant au rayonnement de la France dans le monde qui dépassent le
cadre du présent rapport et le soutien de la presse écrite.
1 -
Un organisme
sui generis
L’AFP a été créée en 1944 sous la forme d’un établissement public
autonome. La loi du 10 janvier 1957 en a fait un organisme doté de la
personnalité civile dont le fonctionnement est assuré selon les règles
commerciales. Dans un avis rendu le 10 juin 2004, le Conseil d’État en a
précisé la nature juridique en indiquant que « l’Agence France-Presse
présente le caractère d’un organisme de droit privé
sui generis
». En effet,
bien qu’immatriculée au registre du commerce et des sociétés, l’AFP
déroge au droit commun des sociétés, notamment en raison de l’absence
de capital social et de contrôle du conseil d’administration par une
assemblée générale, ainsi que des dispositions spécifiques en cas de
cessation de paiement, puisqu’elle ne peut être dissoute que par la loi. Ce
statut
sui generis
n’est pas sans poser des problèmes, car cette entreprise
sans actionnaire et dégageant des ressources qui sont mobilisées par son
exploitation, rencontre des difficultés pour financer ses investissements.
Selon l’AFP, cet obstacle est d’autant plus dommageable que les
mutations en cours du secteur de l’information nécessitent des
développements dans les domaines de la vidéo, de l’innovation logicielle
et des systèmes d’information.
L’AFP présente aussi une organisation spécifique, marquée par la
présence de l’État dans ses instances. Elle est dotée d’un conseil supérieur
placé sous la présidence d’un conseiller d’État et composé de huit
membres : un magistrat de la Cour de cassation, deux représentants des
directeurs d’entreprise de publication de journaux quotidiens, un
journaliste professionnel, un représentant de la radiodiffusion télévision
française, un ambassadeur et un préfet ayant exercé des fonctions outre-
mer.
Son conseil d’administration comprend 15 membres, outre le
président-directeur général qui le préside : huit représentants des
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
45
directeurs d’entreprises françaises de publication de journaux quotidiens ;
deux représentants de la radiodiffusion télévision française ; deux salariés
de l’AFP et trois représentants des services publics d’usagers de l’AFP
qui représentent l’État (ministères chargés des finances, de la
communication et des affaires étrangères).
Cette composition du conseil d’administration a pour singularité
que les clients de l’AFP que sont la presse et les médias audiovisuels sont
en même temps ses administrateurs. Ils sont donc en mesure de peser sur
les décisions de l’Agence, dans des secteurs où celle-ci serait en
concurrence avec eux. Leur présence peut également rendre délicate les
renégociations de tarifs des abonnements de l’Agence.
De plus, la composition du conseil d’administration, où la presse
française occupe plus de la moitié des sièges, ne reflète plus réellement
les enjeux de l’AFP qui se situent désormais davantage à l’échelon
international qu’à l’échelon national. En effet, comme l’a indiqué le
président directeur général de l’AFP lors de son audition par la Cour, les
prestations rendues aux acteurs de la presse française constituent un axe
stratégique de développement de moins en moins décisif.
Pour contrôler la gestion financière de l’AFP, la loi de 1957 a créé
une commission financière qui est composée de deux membres de la Cour
des comptes désignés par son Premier président, dont l’un préside la
commission, et d’un expert désigné par le ministre chargé des finances.
Cette commission examine si l’état annuel de prévision des recettes et des
dépenses est présenté en équilibre, apure les comptes de l’AFP et est
chargée de la vérification générale permanente de la gestion financière de
l’agence. Elle dispose de tous pouvoirs d’investigation sur pièces et sur
place.
Les tentatives non abouties de réforme de l’AFP
Les tentatives pour faire évoluer le statut et l’organisation de l’AFP
n’ont pas abouti. Le ministre de la culture et de la communication a installé
en décembre 2009 un comité de réflexion sur l’avenir de l’AFP qui a rendu
son rapport en avril 2010. Ce rapport préconisait de créer, sous le contrôle de
l’AFP qui conserverait son statut
sui generis
, une société éditrice (AFP-SE)
qui assurerait les activités dans le secteur concurrentiel et gérerait les contrats
de prestation de services conclus avec les pouvoirs publics. Cette société
éditrice devait être dotée d’un capital. Enfin, le rapport suggérait qu’aux
côtés de l’AFP qui serait majoritaire, intervienne un actionnaire minoritaire
(avec une limitation de la participation fixée à 49 %) qui aurait pu être la
Caisse des dépôts et consignations.
46
COUR DES COMPTES
L'actuel président directeur général de l'AFP a proposé une
modification moins radicale du statut de l'Agence, estimant que l'absence
de consensus sur une transformation profonde du statut et sur la création
d'une société anonyme ne créait pas un climat favorable à un tel
changement. En revanche, il lui paraissait nécessaire de revoir la
gouvernance de l'AFP, notamment pour remplacer la commission
financière par un régime de commissaires aux comptes et pour réduire le
poids
des
éditeurs
de
presse
majoritaires
au
sein
du
conseil
d'administration. La proposition de loi relative à la gouvernance de l'AFP,
déposée au Sénat le 17 mai 2011 par M. Jacques Legendre, prévoyait une
telle réforme. Cette proposition de loi a toutefois rencontré une forte
hostilité de la part des syndicats de l'Agence et n'a finalement pas été
inscrite à l'ordre du jour du Sénat. Les syndicats avaient notamment
manifesté leur crainte que la suppression de la commission financière ne
prive l’Agence d’un outil de contrôle permanent des éventuels dérapages
des charges en cours d’exercice.
2 -
L’État, premier client français de l’AFP
L’AFP a vu le nombre de ses clients progresser au cours de la
période récente, avec 4 315 clients en 2012 contre 4 055 en 2011. Cette
expansion reflète une stratégie commerciale de plus en plus orientée vers
le secteur international, 32 % des recettes commerciales de l’Agence
provenant de l’étranger. Ce secteur est toutefois fortement concurrentiel,
que ce soit par rapport aux agences nord-américaines (Thomson-Reuters
et Associated Press) ou au regard de l’expansion rapide de l’agence
chinoise Chine Nouvelle présente sur tous les continents et dotée de près
de 6 000 journalistes.
S’agissant du marché français, on peut relever qu’au cours des
années 2009 et 2010, plusieurs titres de la presse française avaient décidé
de résilier leurs abonnements à l’Agence (notamment
La Provence, Nice
Matin, Paris Normandie)
, afin de réduire leurs coûts. Entre 2009 et 2012,
l’AFP a ainsi perdu 17,3 M€ en chiffre d’affaires cumulé auprès de la
presse quotidienne nationale et régionale. Elle a dû revoir ses conditions
tarifaires afin de les ajuster aux capacités contributives de ses clients.
Cette stratégie, que l’AFP analyse comme une forme d’aide à la presse, a
permis de convaincre les titres concernés, à l’exception de
Nice Matin
, de
reprendre leurs abonnements.
L’État reste néanmoins le premier client français de l’AFP. Depuis
fin 2000, la part des abonnements de l’État dans les recettes
commerciales de l’AFP est stable, de l’ordre de 40 %. Sur la base d'une
facturation trimestrielle, l'État verse à l'AFP les sommes correspondant
aux abonnements à partir des crédits du programme 180 -
Presse
de la
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
47
mission
Médias, livre et industries culturelles
. C’est donc à ce titre qu’il
convient de les analyser dans le cadre de la politique de soutien au secteur
de la presse écrite. Le montant annuel versé par l’État fait l'objet, dans ce
programme, d'une action qui était, jusqu’à 2012 inclus, dénommée
abonnements de l'État à l'AFP
et, en 2013,
relations financières avec
l’AFP
.
Comme le montre le tableau suivant, cette dotation a connu une
progression chaque année en raison de son indexation sur le taux
d’inflation mais également pour prendre en compte l’augmentation du
taux de TVA qui est passé de 5,5 % à 7 % entre 2011 et 2012.
Tableau n° 3 : dotations de l’État versées à l’Agence France –
Presse (en M€)
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013*
105,7
107,8
109,4
109,4
111,4
113,4
115,4
117,9
119,6
Source : DGMIC
* Crédits ouverts
Les prestations rendues par l’Agence à l’État ont été définies par
une convention conclue le 18 septembre 1958 et modifiée par avenants
successifs. La convention initiale prévoyait une liste de 383 abonnements
livrés par l'AFP, avec notamment 200 radios « morse » pour le ministère
de la défense et plus de 110 liaisons spécialisées pour le ministère des
affaires étrangères. Le dernier avenant, signé en 1996, a ramené à 350 le
nombre des abonnements. Le prix par abonnement était défini dans la
convention de 1958 comme égal au prix payé par un quotidien tirant
180 000 exemplaires pour le service général en langue française de
l’AFP. Le prix moyen par abonnement de l’État est actuellement de
330 466 €, soit environ un montant correspondant à un quotidien tirant à
150 000 exemplaires (contre 348 264 € pour un tirage à 180 000
exemplaires).
Les abonnements souscrits par les services de l’État, au nombre de
350 aujourd’hui, donnent accès à des dépêches généralistes en langue
française et dans les autres langues de diffusion de l’AFP. 76 ont été
souscrits par les pouvoirs publics constitutionnels, des administrations
centrales, notamment pour les besoins de la défense nationale et des
affaires étrangères, des établissements publics administratifs de l’État et
des
autorités
administratives
indépendantes.
Dans
les
services
déconcentrés, on compte 20 abonnements souscrits pour les préfectures.
Dans le réseau diplomatique (ambassades et consulats) on en compte 254,
dont 81 en Europe, 23 au Moyen-Orient, 65 en Afrique, 44 en Amérique,
41 en Asie et en Océanie.
48
COUR DES COMPTES
L’intérêt d’abonnements à l’AFP pour certains services n’apparaît
pas clairement pour l’accomplissement des missions qui leur sont
confiées : le centre de liaison de l’enseignement et des moyens de
l’information
(CLEMI),
service
associé
du
centre
national
de
documentation pédagogique (CNDP) chargé de l’éducation aux médias
dans l’ensemble du système éducatif ; la chancellerie des universités de
Paris dont les missions (gestion de la procédure d’admission post-bac,
dialogue de gestion avec les universités parisiennes, gestion du
patrimoine commun indivis des universités de Paris) ne nécessitent pas un
accès permanent à des dépêches d’agence ; le bureau informatique et
méthode du ministère de l’intérieur qui, par ailleurs, dispose de douze
autres abonnements dans ses services centraux ; l’Assistance publique-
Hôpitaux de Paris et la direction régionale de l’Assistance publique de
Marseille.
En dehors de la convention et des avenants signés avec l’État, il
existe d’autres conventions avec des institutions de l’État qui
correspondent à des prestations particulières que l’AFP leur facture
directement. Comme l’a indiqué l’AFP, ces prestations représentent
environ 1,5 M€ hors taxe pour les administrations incluses dans le budget
général de l’État. Enfin, les administrations font appel à d’autres agences
afin de disposer d’informations internationales complémentaires ou
relatives à des sujets techniques. On peut ainsi citer l’abonnement du
ministère des affaires étrangères aux dépêches internationales des agences
Thomson-Reuters et
Associated Press
, celui du ministère chargé de la
santé à l’Agence de presse médicale et à Hospimedia ou encore celui de
l’agence France Trésor aux services financiers proposés par l’agence
Thomson-Reuters.
La direction générale des médias et des industries culturelles
projette de revoir l’ensemble du dispositif et des contenus des
abonnements de l’État à l’AFP, sur la base d’un examen des besoins réels
des administrations et d’une renégociation avec l’AFP des tarifs des
abonnements.
Par ailleurs, l’AFP dispose d’un contrat d’objectifs et de
moyens (COM) conclu avec l’État pour la période 2009 à 2013.
L’objectif central de ce contrat est de permettre à l’AFP de conforter et de
moderniser son statut d’agence d’information à vocation mondiale dans
un contexte international marqué par de fortes mutations technologiques
et économiques.
À ce titre, l’AFP s’engage à accroître ses recettes commerciales et
à améliorer ses indicateurs de rentabilité économique. Les recettes
commerciales, hors revenus de la convention d’État, devraient augmenter
en moyenne de 4,7 % par an, passant de 168 M€ en 2009 à 203 M€ en
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
49
2013. Cette croissance porte notamment sur deux marchés stratégiques :
le secteur des multimédia et les zones géographiques à fort potentiel. En
outre, l’AFP a programmé une progression de sa marge d’exploitation : à
taux de change constants, cette dernière passerait de 17 à 27 M€, soit une
progression annuelle moyenne de près de 12 %. Même si l’Agence s’est
engagée dans une maîtrise de ses charges, ces prévisions paraissent
optimistes au regard des incertitudes qui risquent de peser sur son
équilibre financier au cours des prochaines années et, à court terme, sur sa
trésorerie.
Par ailleurs, le contrat d’objectifs et de moyens reconnaît la
nécessité pour l’AFP de procéder à une modernisation de son outil de
production technique. Ce projet, dénommé IRIS, permet d’élaborer des
produits multimédia à partir des différents postes de travail mono média
(textes, photographies, vidéos, infographies). Pour financer ce projet dont
le coût total a été estimé à 30 M€, le contrat d’objectifs et de moyens
prévoit que l’AFP dégagera sur ses ressources propres une capacité
d’autofinancement de 2 M€ par an, soit 10 M€ au total.
En contrepartie des engagements pris par l’AFP, l’État s’est
engagé à assurer un financement de l’Agence sur la période du contrat
d’objectifs et de moyens sous deux formes :
-
augmenter la dotation versée à l’AFP de 1,8 % par an, avec un
réexamen du volume des abonnements en cas de forte inflation ;
-
contribuer au financement du projet IRIS à hauteur de 20 M€, sur la
base de versements en trois tranches annuelles. En raison des risques
induits par la plainte auprès de la Commission européenne, cette
opération a finalement fait l’objet d’un prêt à durée déterminée par
tranches qui court jusqu’au 1
er
janvier 2034 et qui porte un taux
d’intérêt annuel de 5,28 %.
Au regard de l’arrivée à échéance de l’actuel contrat d’objectifs et
de moyens, l’année 2013 est marquée par la préparation d’un nouveau
contrat. Toutefois, la direction générale des médias et des industries
culturelles a indiqué que cette négociation ne commencera que lorsque la
Commission européenne se sera prononcée sur la plainte déposée à
l’encontre de l’AFP.
3 -
Le besoin de clarifier les relations entre l’État et l’AFP
Le 22 février 2010, l'agence de presse allemande
DPAPD
Nachrichten
a déposé une plainte auprès de la Commission européenne
alléguant que la France aurait accordé des aides d’État illégales à l'AFP.
En effet, le nombre et le montant des abonnements de l'État à l’AFP
50
COUR DES COMPTES
peuvent paraître élevés au regard de ce qui se pratique dans d'autres États
membres de l'Union européenne. Selon les données recueillies par la
Commission, le gouvernement fédéral allemand dépense environ 3,75 M€
par an pour les services de texte intégral des abonnements à l’agence
DPA ; le
Central Office of Information
du Royaume-Uni fait état d'une
dépense de 22,8 millions de livres sur 2009-2010 pour l'acquisition
centralisée de nouvelles. Ces éléments de comparaison ont conduit la
Commission à s'interroger sur le rapport entre les tarifs payés par les
autorités françaises pour leurs abonnements à l'AFP et le prix de marché
pour un service équivalent.
En novembre 2011, la direction générale de la concurrence a
indiqué que les sommes versées par l’État à l'AFP de 1945 à 1959 et au-
delà pourraient être qualifiées d’« aide existante » antérieure au Traité,
ceci exonérant l’État français de devoir demander à l'AFP le
remboursement des aides versées antérieurement à l'instruction du dossier
par la Commission. Toutefois, si les sommes versées par l'État dans le
cadre de ses abonnements sont qualifiées d'aide d'État, leur compatibilité
avec le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne nécessite la
mise en oeuvre de modifications dites « mesures utiles » destinées à
clarifier pour l'avenir les relations financières entre l’État et l'AFP, en
distinguant ce qui relève des abonnements proprement dits et ce qui
relève de la compensation par l’État du coût des missions d’intérêt
général de l'AFP imposées par le législateur.
En première réponse à cette plainte, la loi n° 2012-387 du
22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des
démarches administratives (dite « loi Warsmann ») a modifié l'article 13
du statut de l'AFP pour inclure parmi ses ressources une compensation
par l’État des missions d'intérêt général qui sont mentionnées dans son
statut
14
.
Pour répondre à la question de la Commission sur les « mesures
utiles », la France lui a transmis en février 2013 une proposition fondée
sur une méthode dite des « coûts évités » ou de « scénario contrefactuel »
qui vise à évaluer ce que seraient les coûts et les recettes de l’AFP si
celle-ci n’était pas investie par la loi de missions d’intérêt général. Par
différence, la compensation par l'État doit constituer la contrepartie des
coûts induits par la mise en oeuvre des missions d’intérêt général
14
Cet article est désormais rédigé dans les termes suivants : « Les ressources de
l'Agence France-Presse sont constituées par le produit de la vente des documents et
services d'information à ses clients, par la compensation financière par l'État des coûts
nets générés par l'accomplissement de ses missions d'intérêt général, telles que
définies aux articles 1
er
et 2 de la présente loi et par le revenu de ses biens
.
»
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
51
suivantes : assurer l'entretien d'un réseau mondial et couvrir l’actualité
nationale, ce qui suppose l'existence d'un réseau régional dense ; assurer
la vérification approfondie des faits ainsi que la continuité de la
transmission ; fournir une information internationale en français mais
également dans les autres langues de production de l’Agence. Selon la
direction générale des médias et des industries culturelles, l’État devra
compenser intégralement ou partiellement ces coûts, selon les modalités
qui seront prévues dans le nouveau contrat d’objectifs et de moyens.
Selon la direction générale des médias et des industries culturelles,
l’appréciation définitive de la Commission européenne pourrait intervenir
rapidement.
Au-delà des incertitudes qui pèsent sur l’issue de ce contentieux,
cette plainte aura eu le mérite de mettre en évidence les limites du modèle
économique actuel de l’Agence et le besoin d’une réflexion d’ensemble
sur ses missions et ses différents modes de financement. En effet, son
statut fortement dérogatoire, qui l’empêche de disposer d’un capital, est
de plus en plus inadapté à ses ambitions de développement qui sont
désormais moins nationales qu’internationales. À ce titre, le renforcement
de la capacité d’investissement de l’AFP pour affirmer sa vocation
d’agence mondiale plaide pour une révision en profondeur de ses
relations financières avec l’État. Ces dernières doivent désormais, au-delà
de l’achat d’abonnements qui sont la contrepartie d’un service rendu,
avoir pour objectif de compenser par une subvention pour charges de
service public les missions d’intérêt général qu’elle exerce, y compris au
plan international.
C - Une politique de plus en plus coûteuse pour l’État
1 -
Une augmentation massive des aides dans le cadre du plan
triennal 2009-2011
La mise en oeuvre du plan triennal 2009-2011 a nécessité des
ouvertures massives de crédits supplémentaires, essentiellement sur le
programme 180 -
Presse
.
Alors que 170,1 M€ avaient été ouverts en 2008, ce montant a été
porté à 329,6 M€ en 2009. Ce niveau élevé de dotations a été maintenu en
2010 et 2011 avec respectivement 318,1 M€ et 304,1 M€. Les dépenses
constatées ont doublé entre 2008 et 2009, en passant de 164,6 à
324,3 M€. Ce niveau élevé de dépenses a été ensuite maintenu, avec
329,1 M€ en 2010 et 298,1 M€ en 2011.
52
COUR DES COMPTES
Graphique n° 3 : évolution des crédits du programme 180 -
Presse
de 2008 à 2012 (en crédits de paiement et en M€, hors
abonnements auprès de l’AFP)
Source : Cour des comptes
Cette augmentation massive des crédits s’explique par le
doublement des aides directement versées aux éditeurs, principalement
celles gérées par le fonds d’aide aux services de presse en ligne (plus de
20 M€) ainsi que l’aide au portage de presse (+ 61,8 M€). Elle est
également imputable à la compensation par l’État auprès de La Poste du
gel en 2009 de la hausse des tarifs du transport postal (+ 25,4 M€ en
2009) et à l’aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse (+ 52,6 M€ en
autorisations d’engagement et + 32,2 M€ en crédits de paiement en 2009,
les paiements ayant été échelonnés sur plusieurs exercices).
En dehors des crédits du programme 180 -
Presse
, les autres aides
n’ont pas connu d’évolution significative, si ce n’est le financement du
plan social « IMPRIME » en faveur des imprimeries de la presse
quotidienne parisienne qui a été imputé sur les crédits du programme
103 -
Anticipation des mutations économiques et développement de
l’emploi
, géré par le ministère chargé du travail.
La part de l’aide au transport postal, financée sur le programme
134 -
Développement des entreprises et des services
, a été maintenue à un
niveau de 159 M€ de 2008 à 2011, puis ramenée à 152,4 M€ de crédits
ouverts et 152 M€ de crédits consommés en 2012.
170,100
329,600
318,100
304,100
272,800
164,600
324,300
329,100
298,1
267,00
2008
2009
2010
2011
2012
Crédits ouverts
Crédits consommés
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
53
2 -
La difficulté à revenir au niveau de 2008 : les limites d’une
politique consistant en un « rabotage » des crédits
L’investissement exceptionnel de l’État qu’a constitué le plan
d’aide à la presse 2009-2011 avait vocation à se limiter à trois années.
Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2012 au titre des
aides à la presse ont amorcé une diminution par rapport à ceux qui avaient
été ouverts en 2011, en passant de 304,1 M€ à 272,8 M€ en crédits de
paiement (hors abonnements à l’AFP). Toutefois, cette dotation est
demeurée supérieure de 56 % à celle antérieure aux états généraux de la
presse. Les dépenses constatées en 2012 sont donc encore largement
supérieures à celles de 2008 (267 M€, soit + 62 %).
Enfin, si le budget initial pour 2013, à périmètre constant
15
, prévoit
la poursuite de la diminution des aides directes à la presse, celles-ci
restent supérieures de 43 % à leur niveau de 2008.
En fait, plusieurs mesures du plan triennal ont continué de produire
leurs effets et la plupart d’entre elles ont été reconduites, sinon
pérennisées. Le fonds d’aide au portage et l'exonération partielle des
charges sociales patronales appliquées aux porteurs de presse ont été
reconduits en 2012. L'aide aux services de presse en ligne a été
poursuivie dans le cadre du nouveau fonds stratégique de développement
de la presse qui a été créé par le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012.
Enfin, les accords tripartites de 2008 concernant l’aide au transport postal
ainsi que le moratoire sur les augmentations tarifaires postales constituent
une contrainte budgétaire forte – près de 250 M€ ont été prévus pour
2013 – jusqu’à l’échéance des accords à la fin de 2015.
Par ailleurs, alors que certains dispositifs jugés importants tels que
les aides au pluralisme ont vu leurs crédits stabilisés, d’autres qui
figuraient pourtant parmi les axes prioritaires du plan triennal ont connu
des diminutions importantes : en 2013, la dotation du fonds d’aide au
portage a été réduite de 7,4 M€ (-16,5 %) et celle du fonds stratégique
pour le développement de la presse de 4,8 M€ (-12,5 %).
La programmation triennale pour la période 2013 à 2015 prévoit
une diminution de l’ordre de 12 % des crédits de paiement du programme
180.
15
Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2013 sur le programme 180 (hors
AFP) s’élèvent à 394,8 M€ mais incluent désormais la part de l’aide au transport
postal jusqu’alors financée sur le programme 134, soit 152,4 M€ ouverts en loi de
finances initiale pour 2012. Sans cet effet de périmètre, ils se seraient élevés à
242,4 M€, soit une baisse de 11 % par rapport à 2012.
54
COUR DES COMPTES
Si cette trajectoire budgétaire démontre la volonté des Pouvoirs
publics de tenir compte des contraintes pesant sur les finances publiques,
la méthode retenue présente des limites puisqu’elle ne s’est pas
accompagnée d’une réforme des dispositifs qui aurait permis de dégager
des marges de manoeuvre plus significatives. Elle ne vise pas, en tout état
de cause, à revenir au niveau de dépenses du programme 180 antérieur au
plan triennal 2009-2011.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
La presse est un secteur économique fortement soutenu par l’État
et qui en dépend donc largement. Ce soutien s’est accru au cours de la
dernière décennie. Il aboutit à une politique complexe qui poursuit des
objectifs multiples dans le cadre d’aides indirectes et directes.
L’accumulation d’aides de toute nature s’est accentuée avec la
mise en oeuvre d’un plan d’aide à la presse pendant la période 2009-2011
qui a conduit à un doublement des dépenses au titre du programme
budgétaire « Presse » (hors abonnements de l’État à l’Agence France-
Presse).
Les aides à la presse ont induit une dépendance pour les éditeurs
de presse mais également pour l’ensemble des acteurs chargés de la
distribution et de la diffusion des journaux. La fin du plan triennal d’aide
n’a pas entraîné un retour à la situation antérieure du niveau des
dépenses de l’État en faveur de la presse.
La situation actuelle appelle une simplification des dispositifs de
soutien à la presse mais également une réduction plus marquée des
dépenses correspondantes, sauf à considérer que d’autres secteurs du
ministère de la culture et de la communication doivent contribuer en lieu
et place du programme « presse » à l’effort de réduction de la dépense
publique.
Au-delà de cette orientation à moyen terme, la Cour formule les
recommandations suivantes :
1.
estimer le coût de l’exonération de la contribution économique
territoriale (CET) en faveur des entreprises de presse, compte
tenu des incertitudes existantes et afin d’être en mesure de
valoriser de manière exhaustive les aides publiques au secteur de
la presse écrite ;
2.
évaluer la pertinence des deux mesures fiscales relatives aux
investissements dans les entreprises de presse (le régime des
UN SECTEUR ECONOMIQUE FORTEMENT AIDÉ PAR L’ÉTAT
55
provisions de presse et la réduction d’impôt pour les sociétés qui
souscrivent au capital des sociétés de presse) et les supprimer si
leur efficacité n’est pas démontrée au regard de l’objectif de
développement
des investissements dans les entreprises de
presse ;
3.
réexaminer les justifications du régime de l’abattement pour
frais professionnels des journalistes ;
4.
procéder, dans la perspective du prochain contrat d’objectifs et
de moyens et d’un avenant à la convention de 1958, à
l’évaluation des missions d’intérêt général, y compris au plan
international, qui doivent être compensées par une subvention
pour charges de service public, et au réexamen du nombre et de
la nature des abonnements de l’État à l’AFP sur la base d’une
appréciation des besoins des services bénéficiaires.
Chapitre II
Une politique aux résultats
peu probants
I
-
Une efficacité limitée par les défauts des
modalités d’aide
L’analyse de la mise en oeuvre des aides à la presse au cours des
dernières années, en particulier du plan triennal de soutien 2009-2011, et
des quelques évaluations de leur efficacité réalisées en 2012 et 2013
conduit à identifier un certain nombre de facteurs expliquant l’efficacité
limitée de la plupart des aides à la presse.
A - Des effets contradictoires : l’aide au transport postal
et l’aide au portage
La complexité et la volonté d’exhaustivité de la politique d’aide à
la presse conduisent parfois l’État à poursuivre des objectifs qui se
révèlent contradictoires dans le cadre d’une politique globale de soutien.
Les orientations prises depuis 2009 pour soutenir l’acheminement de la
presse par abonnement en constituent la principale illustration.
58
COUR DES COMPTES
1 -
Une volonté affichée de développer le portage depuis 2009
Tandis que la vente au numéro chez les diffuseurs de presse
(marchands de journaux) est en déclin depuis plusieurs années, en
particulier depuis 2008, la vente par abonnement connaît une moindre
diminution. Elle a, en outre, l’avantage, pour les éditeurs, d’impliquer
l’encaissement par avance des recettes et de limiter les invendus liés à la
vente au numéro (de l’ordre de 40 % des exemplaires imprimés).
L’acheminement des journaux vendus par abonnement peut
s’effectuer par voie postale, via le réseau de La Poste, ou par portage à
domicile, par des réseaux de portage.
a)
Le retard traditionnel du portage en France
Le portage constitue pour les éditeurs de presse, en particulier ceux
de la presse quotidienne, la solution la plus efficace. Il offre en effet des
délais de livraison plus rapides et, partant, une qualité du service rendu au
lecteur abonné supérieure à celle de l’acheminement traditionnel par voie
postale. Les éditeurs de la presse quotidienne constatent ainsi un taux de
fidélisation des lecteurs supérieur d’environ 10 % dans le cas
d’abonnements portés.
L’intérêt du portage est sans doute plus réduit pour la presse
magazine hebdomadaire et surtout pour la presse mensuelle pour laquelle
la rapidité d’acheminement n’est pas un facteur prépondérant. Le portage
est également moins adapté que le transport postal dans les zones à faible
concentration de population, en raison du maillage territorial réalisé par
La Poste pour l’acheminement du courrier.
En dépit des avantages du portage, le transport par voie postale
occupe en France une place prépondérante contrairement à la plupart des
autres pays. Selon La Poste, la France et la Suisse seraient les deux seuls
pays européens dans lesquels la distribution des quotidiens par voie
postale conserve une place significative. En France, elle représente de
l’ordre de 30 % de la diffusion globale, derrière les messageries de presse
mais avant toutes les autres formes de distribution, et 42 % de la presse
quotidienne nationale en 2011. Les postes britanniques et finlandaises
n’assurent aucune distribution de quotidiens et la part du postage est
inférieure à 5 % en Belgique, en Allemagne, en Suède et aux Pays-Bas.
Si les entreprises de la presse quotidienne régionale sont parvenues
à développer des réseaux propres de portage adaptés à leur zone de
diffusion, ce mode d’acheminement reste très limité pour la presse
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
59
quotidienne nationale alors qu’il aurait pu constituer un atout dans la
période actuelle de crise de la presse écrite.
Cette situation a une cause principale : l’importance historique de
l’aide au transport postal et l’existence de tarifs de service public
préférentiels qui n’ont pas permis le développement d’une économie
rentable autour de l’activité de portage.
b)
Le portage, une priorité du plan triennal 2009-2011
En conclusion des états généraux de la presse écrite, le Président
de la République a annoncé un plan massif de développement du portage
qui s’est traduit tant par une augmentation globale des crédits que par
l’évolution des formes d’aides. Ce plan a été mis en place rapidement
après les états généraux, en avril et mai 2009, qu’il s’agisse de la
publication des deux textes régissant les mesures nouvelles ou de la
majoration des enveloppes budgétaires en loi de finances rectificative.
Les conditions d’attribution et de fonctionnement de l’aide au
portage ont été modifiées afin de la rendre plus incitative et de permettre
un développement à long terme du portage de la presse.
Conformément aux conclusions des états généraux, le fonds d’aide
au portage, doté de 8 M€ en 2008, a bénéficié en 2009 d’une très forte
augmentation, avec une dotation de 70 M€. Les dépenses se sont élevées
à 65,05 M€ en 2009, 67,24 M€ en 2010 et 66,69 M€ en 2011.
En complément du fonds d’aide au portage et avec l’objectif
affiché de développer un réseau structuré de portage, la loi de finances
rectificative du 20 avril 2009 a instauré un dispositif destiné aux éditeurs
de presse qui recourent à des vendeurs-colporteurs et à des porteurs de
presse
16
. Celui-ci a pris la forme d’une exonération plafonnée des
cotisations patronales d’assurances sociales et d’allocations familiales sur
les rémunérations versées aux vendeurs-colporteurs de presse et aux
porteurs de presse affiliés au régime général de la sécurité sociale, qu’il
s’agisse du portage de quotidiens et hebdomadaires nationaux, régionaux
et départementaux d’information politique et générale gratuits ou payants.
16
Les vendeurs-colporteurs sont les personnes qui effectuent, sur la voie publique ou
par portage à domicile, la vente de publications quotidiennes et assimilées, alors que
les porteurs de presse assurent la seule distribution de ces publications et non pas leur
vente. Les vendeurs-colporteurs ont un statut hybride. Ils sont considérés comme
travailleurs indépendants au regard du droit fiscal et du droit du travail, mais relèvent
de plein droit depuis 1991 du régime de sécurité sociale des salariés. Ils peuvent
exercer leur activité en leur nom propre ou pour le compte d’un éditeur, d’un
dépositaire ou d’un diffuseur. Les porteurs de presse sont, en revanche, salariés des
entreprises de presse.
60
COUR DES COMPTES
Les montants remboursés par l’État à l’agence centrale des organismes de
Sécurité sociale (ACOSS) ont représenté 3,8 M€ en 2009, année de
lancement de la mesure, puis 18,1 M€ en 2010, 17,4 M€ en 2011 et
19,1 M€ en 2012.
Un mauvais calibrage récurrent des crédits relatifs à la mesure
d’exonération de cotisations
Le calibrage des crédits nécessaires au financement de la mesure
d’exonération de cotisations apparaît difficile à réaliser, comme le montre le
tableau suivant. Son coût annuel est systématiquement supérieur aux
dotations ouvertes en loi de finances initiale et oblige à ouvrir des crédits
complémentaires en gestion ou à procéder à des reports de charges sur les
exercices suivants.
Tableau n° 4 : bilan financier de la mesure d’exonération de cotisations
depuis 2009 (en M€)
Source :
direction générale des médias et des industries culturelles
Si des erreurs de prévision pouvaient s’expliquer au cours des
premières années, elles ne sont plus justifiées dès lors que le dispositif est
arrivé à maturité. Il importe donc, dans un souci de sincérité budgétaire, de
retenir dans le projet de loi de finances initiale une dotation plus conforme
aux dépenses effectives prévisibles.
2 -
Le maintien d’un niveau élevé d’aide au transport postal : une
situation aggravée par le moratoire de 2009
Alors même que l’État affichait son objectif de développer le
portage au détriment du postage, il maintenait l’aide à ce dernier à un
niveau élevé. En dépit de la baisse progressive prévue dans le cadre des
accords tripartites de 2008, de 242 M€ en 2009 à 200 M€ en 2014 et à
180 M€ en 2015, l’aide au transport postal est restée, avec le taux « super
réduit » de TVA à 2,1 %, la principale aide à la presse et a continué à
représenter des sommes très supérieures à celles consacrées au portage.
En outre, prenant acte de l’aggravation soudaine du contexte
économique, le Président de la République a décidé le 23 janvier 2009,
lors de la clôture des états généraux de la presse écrite, que
«
la mise en
2009
2010
2011
2012
2013
12,00
14,00
15,50
16,90
8,00
17,41
14,00
14,57
19,70
8,00
17,00
16,09
14,57
3,80
18,10
17,40
19,10
8,00
17,00
16,09
14,57
4,20
-1,10
-1,31
-4,53
En CP
Crédits ouverts en LFI
Total crédits ouverts en gestion
Crédits consommés
Liquidation des cotisations exonérées au titre de l'année
Montant versé à l'ACOSS
Montant dû
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
61
oeuvre de l’accord presse – La Poste [serait] reportée d’un an, le manque à
gagner pour La Poste étant intégralement compensé par l’État
»
. Ce
report d’un an s’est traduit par une stabilisation des tarifs préférentiels au
niveau de 2008, alors qu’ils devaient augmenter dès 2009. Depuis 2010 et
jusqu’à l’échéance des accords, les tarifs appliqués sont donc calculés
conformément aux termes de l'accord tripartite du 23 juillet 2008, en
appliquant le report d'un an de la hausse des tarifs.
Les états généraux de la presse, qui ont proposé au Gouvernement
l’adoption du moratoire, ont estimé le coût budgétaire de cette mesure à
10 M€. Or celui-ci a été beaucoup plus élevé : proche de 25 M€ (23,7 M€
en 2009 et 24,5 M€ en 2010), il s’est encore situé à un niveau supérieur
en 2011 (27,4 M€) et 2012 (29,2 M€). L’augmentation des tarifs
préférentiels prévue par les accords de 2008 étant continue sur la période
2009-2015, la compensation du décalage d’un an entraîne une dépense
budgétaire importante jusqu’en 2015, évaluée, pour 2013, à 32 M€ dans
la loi de finances initiale.
L’accroissement concomitant du soutien au portage et au transport
postal ne pouvait conduire à une substitution progressive du premier
mode de transport au second.
3 -
Une contradiction persistante
L’État se trouve en 2013 face aux mêmes contradictions qu’en
2009. Si la mise en oeuvre des accords de 2008 se traduit par une
poursuite de la baisse de l’aide au transport postal (- 15 M€ en 2013), les
effets de cette évolution favorable sont compensés, d’une part, par la
hausse du coût du moratoire (+ 2,8 M€ en 2013) et, d’autre part, par la
baisse parallèle de l’aide au portage (- 7,4 M€ en 2013).
La poursuite au-delà de 2015, terme des accords tripartites, d’une
politique onéreuse d’aides simultanées et d’un montant élevé au portage
et au transport postal n’est justifiée ni au regard d’un objectif de réduction
des déficits publics, ces deux aides représentant l’essentiel des aides
directes, ni de l’efficacité du soutien de l’État.
L’ensemble des acteurs du secteur de la presse, éditeurs comme
opérateurs du transport, considère aujourd’hui que le portage constitue la
solution d’avenir pour l’acheminement de la presse aux abonnés, même si
le transport postal peut jouer un rôle complémentaire dans les zones à
plus faible densité et éventuellement pour certaines familles de presse.
Dans une perspective de moyen terme (trois à cinq ans), l’État
devrait donc s’attacher à aider le secteur de la presse et les opérateurs de
transport à réaliser la transition du postage vers le portage. Ceci implique
62
COUR DES COMPTES
en tout état de cause un rééquilibrage des tarifs de ces deux modes de
diffusion, qui ne pourra être obtenu que par la poursuite, au-delà de 2015,
de la baisse de l’aide au transport postal et de la hausse concomitante des
tarifs du transport postal de la presse.
B - Des modalités de calcul des aides parfois
inappropriées
L’efficacité de plusieurs aides a été réduite par des défauts de
calibrage. Si certains ont pu être corrigés rapidement par l’administration,
d’autres demeurent.
1 -
Un effet d’aubaine lié aux défauts de conception de l’aide au
portage
Des défauts de conception et de calibrage de l’aide au portage,
relevées par le rapport de MM. Mettling et Lubek précédemment cité
ainsi que par la Cour dans ses notes d’analyse de l’exécution budgétaire,
ont fortement réduit l’efficacité de l’aide au portage, en 2009 et, dans une
moindre mesure, depuis lors.
Trois défauts du dispositif ont ainsi été mis en évidence.
Le premier est le mauvais calibrage des deux composantes de
l’aide au portage, l’aide aux stocks, fondée sur le nombre total
d’exemplaires portés les années précédentes, et l’aide aux flux, calculée
sur la progression annuelle des exemplaires portés. En 2009, l’aide aux
stocks a ainsi représenté 90 % de l’aide au portage (58,6 M€) contre
seulement 10 % (6,4 M€) pour l’aide aux flux.
Cette prépondérance de l’aide aux stocks a créé un effet d’aubaine
au profit des quotidiens qui recouraient déjà de manière significative au
portage, à savoir la presse quotidienne régionale ou départementale, alors
que l’objectif principal poursuivi par l’État était de développer le portage
des quotidiens nationaux, très en retard dans ce domaine. En 2009, la
presse quotidienne régionale ou départementale a ainsi bénéficié de
81,9 % de l’aide accordée par l’État, contre seulement 17,8 % pour la
presse quotidienne nationale.
Si le dispositif a, par la suite, été réaménagé, le rééquilibrage n’a
été que partiel. En 2010, la part de l’aide aux flux est passée à 23 %
(15,6 M€), l’aide aux stocks restant prépondérante à 77 % (51,6 M€).
Cette même année, la presse quotidienne régionale ou départementale a
continué à bénéficier de l’essentiel de l’aide (78,8 %), la place de la
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
63
presse quotidienne nationale progressant un peu, de 17,8 % en 2009 à
20 % en 2010.
Le deuxième défaut est le calcul de l’aide aux flux sur la base de
données de 2008, antérieures à l’adoption du dispositif, ce qui a réduit à
néant son effet incitatif.
Enfin, le troisième défaut de la mesure est que l’aide globale,
quoique plafonnée à 30 centimes, a, pour certains titres, été supérieure au
coût réel du portage supporté par les éditeurs de presse.
Si des corrections ont progressivement été apportées par la
direction générale des médias et des industries culturelles, la question du
calibrage de l’aide au portage, en particulier du poids respectif des aides
aux stocks et aux flux, reste une préoccupation majeure dans la
perspective d’une réforme des aides à la presse. Au-delà des aspects
techniques, elle reflète les divergences d’intérêts actuelles entre la presse
quotidienne régionale, qui a beaucoup développé le portage et prône le
maintien d’une part élevée d’aide aux stocks, et la presse quotidienne
nationale, qui souhaite voir l’aide aux flux privilégiée.
La contrainte pesant sur les finances publiques et la nécessité
d’améliorer l’efficacité de la politique d’aide à la presse incitent
néanmoins à préférer désormais une aide au flux qui serait limitée à la
période nécessaire au décollage du portage, durée que l’État pourrait fixer
à trois ou quatre ans maximum afin de lui conserver un effet incitatif.
Cette conception n’est autre que celle qui avait été définie à l’occasion
des états généraux et du lancement du plan triennal (l’augmentation de
l’aide au portage étant massive et limitée à trois ans) mais qui n’a pas été
retenue.
L’État pourrait également décider du maintien d’une aide au flux
ou, du moins, fixer son niveau, en fonction des progrès observés dans la
structuration d’un réseau national de portage et dans la mutualisation des
réseaux nationaux et régionaux qui, toutes deux, constituent des enjeux
industriels conditionnant la progression du portage de la presse
quotidienne nationale.
64
COUR DES COMPTES
2 -
Les défauts du calcul de l’aide aux quotidiens nationaux à
faibles ressources publicitaires
a)
Un mode d’attribution incohérent
L’attribution de cette aide, qui constitue la principale « aide au
pluralisme », repose d’abord sur la réunion d’un certain nombre de
conditions qui n’appellent pas d’observation particulière
17
.
La détermination du montant des aides versées aux quotidiens
remplissant ces conditions a, en revanche, conduit, notamment en 2011 et
en 2012, à donner aux trois grands quotidiens concernés une aide à peu
près équivalente (environ 3 M€), indépendamment de leur niveau de
diffusion et du pourcentage de recettes publicitaires par rapport à leurs
recettes totales. En effet, si les chiffres de la diffusion payante de chaque
quotidien sont théoriquement pris en considération, ils n’ont, de fait,
qu’une incidence très marginale sur le calcul du montant de l’aide.
Le tableau ci-après, établi à partir de données de 2011, permet de
dégager plusieurs constats :
-
l’aide représente un pourcentage important des recettes générales
des quotidiens concernés : de 8,9 % pour
La Croix
à 26,8 % pour
Présent
;
-
le montant de l’aide est déconnecté du niveau de diffusion : il
représente respectivement 31,2 et 22,2 centimes par exemplaire
payant diffusé pour
Présent
et
L’Humanité
, contre 10,4 centimes
pour
La Croix
et 8,3 centimes pour
Libération
;
-
le montant de l’aide est également indépendant du niveau de
recettes
publicitaires
puisqu’il
est
presque
identique
pour
Libération
dont les recettes publicitaires représentent 22,5 % de ses
ressources et sont proches du plafond fixé pour l’attribution de
l’aide (25 %), et pour
L’Humanité
qui ne collecte que 11,3 % de
recettes publicitaires et plus encore pour
La Croix
qui n’a que
7,3 % de recettes publicitaires.
17
Tirage moyen inférieur à 250 000 exemplaires et diffusion moyenne payante
inférieure à 150 000 exemplaires, prix de vente compris dans une fourchette, recettes
de publicité inférieures à 25 % du total des recettes.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
65
Tableau n° 5 : données relatives aux bénéficiaires de l’aide
QFRP - Exercice 2011
Montant de
l'aide en
2011(en €)
% recettes
publicitaires
Diffusion
annuelle
payante
Aide par
exemplaire
payant (en
centimes)
L'Humanité
3 057 906
11,3 %
13 794 638
22,2
La Croix
2 943 997
7,3 %
28 181 055
10,4
Libération
2 890 625
22,5 %
34 921 705
8,3
Présent
260 183
0,0 %
834 644
31,2
Source : Cour des comptes (à partir de données transmises par la direction
générale des médias et des industries culturelles)
Ayant pour objectif principal
18
de soutenir des titres qui ont des
ressources publicitaires limitées, soit de manière volontaire dans un souci
de préservation de leur indépendance, soit de façon subie, cette aide
devrait être pondérée en fonction du pourcentage plus ou moins élevé de
ressources publicitaires (entre 0 et 25 %). En outre, le niveau de la
diffusion payante de ces titres pourrait être mieux pris en compte afin
d’éviter que le niveau de l’aide publique ne soit déconnecté de la réalité
économique des titres et de leur succès auprès des lecteurs.
Une réforme complète de ce mécanisme paraît s’imposer.
b)
Des effets de seuil récemment corrigés
Les aides au pluralisme ont pu provoquer des effets de seuil
conduisant des titres à limiter leurs ressources provenant de la publicité
pour ne pas sortir du cadre d’une aide au pluralisme.
Ce problème a fait l’objet de propositions de l’instance de
concertation réunie par le ministère en 2011 visant à mettre en place un
mécanisme de lissage et à créer une
troisième section au sein du fonds
d’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à
faibles ressources publicitaires afin qu’un titre concerné par le
dépassement du seuil perçoive pendant trois ans une aide dégressive dont
le montant serait fondé sur la dotation annuelle de la troisième section. Ce
mécanisme de lissage a été repris et institué par le décret du
13 avril 2012, ce qui a permis de corriger les effets de seuil.
18
L’aide a également pour objet d’aider les titres qui traversent de manière
conjoncturelle des difficultés financières, mais en tout état de cause dans des
proportions qui doivent pouvoir être justifiées.
66
COUR DES COMPTES
3 -
Les difficultés de calibrage des aides à la modernisation
sociale
Les aides à la modernisation sociale constituent un autre exemple
de mauvais calibrage des dispositifs de soutien à la presse.
L’article 135 de la loi de finances rectificative pour 2004 a institué
une aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne
d’information politique et générale. Cette aide vise à prendre en charge,
pour la partie incombant à l'État, les allocations versées aux salariés de la
presse quotidienne nationale. Ce dispositif permet l’attribution d’une
allocation spéciale aux travailleurs âgés qui ont fait l’objet d’un
licenciement pour motif économique.
Une convention-cadre a été signée en septembre 2005 pour
préciser les conditions d’âge des personnels éligibles, formaliser
l’engagement de non-embauche des entreprises et déterminer la clé de
répartition du dispositif entre l’État et la branche : l’État prend à sa charge
le financement de 46,4 % des dépenses liées à la mise en oeuvre du
dispositif, le reste étant à la charge de la profession. Le coût maximum du
plan pour l'État a été fixé à 75,4 M€, sous réserve de l’inscription
annuelle des crédits en loi de finances.
Un dispositif identique a été mis en place en 2006 au bénéfice de la
presse quotidienne régionale et de la presse quotidienne départementale,
avec la signature de conventions-cadres en août 2006. Comme pour la
presse nationale, l’État prend en charge 46,4 % du coût total du plan, dans
la limite d’une enveloppe globale de 116 M€.
Le tableau suivant indique les dépenses induites par ces deux
dispositifs.
Tableau n° 6 : dépenses de l’État au titre des aides à la
modernisation sociale (en M€)
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013 *
9,4
12,3
14,1
24,9
29,9
28,1
23,4
18,4
Source : direction générale des médias et des industries culturelles
* Crédits ouverts
S’agissant de la presse quotidienne nationale, le nombre maximum
de personnes à prendre en charge sur toute la durée du plan a été fixé à
586 (soit 497 ouvriers et 89 cadres techniques). Au 31 décembre 2011,
25 conventions d’entreprises avaient été signées pour un effectif
théorique
de
513
personnes.
En
réalité,
on
ne
recensait
que
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
67
436 bénéficiaires à cette date. Du fait des départs à la retraite, cet effectif
a encore diminué, avec 231 bénéficiaires en 2013.
S’agissant de la presse quotidienne en région, 39 conventions
d’entreprises avaient été signées au 31 décembre 2011 pour un effectif
théorique
de
1 577 personnes.
En
réalité,
on
ne
recensait
que
1 334 bénéficiaires à cette date. Du fait des départs à la retraite, cet
effectif a encore diminué, avec 607 bénéficiaires en 2013.
Si, en raison de la moindre entrée des potentiels bénéficiaires dans
le dispositif, le chiffrage initial du plan a été révisé à la baisse, les coûts
induits par les mesures d’aides à la modernisation sociale restent très
élevés. Selon les données de la direction générale des médias et des
industries culturelles, le coût moyen par bénéficiaire est estimé, pour la
presse quotidienne nationale, à 297 000 € pour une durée de 65 mois et,
pour la presse quotidienne régionale et départementale, à 170 000 € pour
une durée de 48 mois. Ces montants totalisent la part « Entreprise » et la
part « État ». Si l’on raisonne sur la seule part « État », les coûts moyens
par bénéficiaire sont respectivement estimés à 154 000 € et à 88 400 €.
De plus, ces coûts ne prennent pas en compte les dépenses liées à
la mise en oeuvre du plan « IMPRIME ». En effet, à l'issue des états
généraux de la presse écrite, les éditeurs ont demandé la mise en place de
nouvelles mesures de réduction d'effectifs dans les entreprises de la
presse parisienne afin de contribuer à la réduction du coût de fabrication
des journaux. Les négociations, entamées en février 2009, ont abouti à un
accord qui a été négocié avec le directeur de cabinet du ministre chargé
de l’emploi et a été signé en octobre 2009 par les syndicats. Cet accord
comporte, outre des mesures concernant l'organisation quotidienne du
travail dans les centres d'impression, un volet dit « IMPRIME » qui est un
dispositif d’une durée de trois ans prenant la forme d'un congé de
conversion à l'issue d'un licenciement, pendant lequel la rémunération est
de 85 % du salaire annuel précédent la première année, 80 % la deuxième
année et 75 % la troisième année.
Le coût global de ce plan a été initialement estimé à un peu plus de
140 M€. La participation de l'État, calculée sur environ la moitié du
montant total (75 M€), a porté sur l’accompagnement de 350 mobilités
pour des salariés imprimeurs de la presse quotidienne nationale touchés
par un licenciement. En fin d’année 2012, 253 salariés étaient entrés dans
le dispositif et 15,8 M€ ont été consommés au titre de la participation de
l’État, soit un coût unitaire d’environ 62 000 €. La date limite d’entrée
dans le dispositif ayant été fixée au 31 octobre 2012, l’objectif de 350
bénéficiaires n’a pas été atteint et l’enveloppe de 75 M€ à la charge de
l’État ne devrait être finalement que partiellement consommée, à hauteur
de 47 M€ compte tenu des prévisions pour 2013.
68
COUR DES COMPTES
C - L’absence de neutralité des aides à la diffusion
1 -
Des décisions des entreprises de presse liées au montant des
aides publiques plus qu’à des choix économiques rationnels
Le ministère de la culture et de la communication considère que
son action en faveur du secteur de la presse doit se traduire par une
certaine neutralité et que, s’agissant en particulier de la concomitance des
aides au portage et au transport postal, aucun motif d’intérêt général ne
justifierait que l’État fausse la concurrence en favorisant un mode de
distribution plutôt qu’un autre.
Or ce principe de neutralité vis-à-vis des modes de diffusion est
très inégalement appliqué.
D’une part, la multiplication des crédits d’aide au portage durant la
période 2009-2011 témoigne, au contraire, d’une volonté d’inciter les
éditeurs de presse à faire évoluer leur stratégie de diffusion, même si pour
les raisons précédemment indiquées, cette politique n’a pas eu la
cohérence souhaitée.
D’autre part, le choix d’une certaine neutralité supposerait que les
titres relevant d’une même famille de presse bénéficient d’aides à la
diffusion dans des proportions équivalentes. Or en l’absence de cohérence
et de vision consolidée des aides à la diffusion accordées à chaque titre,
l’État n’a pas, jusqu’à il y a peu, été en mesure de s’en assurer. Il n’a ainsi
pas pu apprécier si un titre comme le quotidien
Le Monde
, principal
bénéficiaire de l’aide au transport SNCF, reçoit, pour chaque exemplaire
diffusé, une aide plus ou moins importante qu’un quotidien tel que
La
Croix
, qui achemine l’essentiel de ses exemplaires par voie postale, ou
que d’autres quotidiens nationaux qui accordent une plus grande place au
portage.
En outre, le caractère éclaté des aides à la diffusion, instaurées à
des périodes différentes, avec des régimes et des bénéficiaires très divers,
rend fort peu probable l’atteinte d’un objectif de neutralité vis-à-vis des
choix faits par les entreprises de presse dans le mode de diffusion de leurs
titres.
Sur la base des données dont dispose désormais la direction
générale des médias et des industries culturelles et sous réserve des
nuances qu’impose l’addition d’aides de nature différente
19
, la situation
19
Sont prises en compte dans le tableau suivant : l’aide au transport postal, l’aide au
portage hors exonération de charges, l’aide au transport par la SNCF et l’aide à la
distribution de la presse quotidienne nationale (PQN).
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
69
des aides à la diffusion peut être établie comme suit pour les quotidiens
nationaux, en moyenne annuelle sur la période 2009-2011.
Tableau n° 7 : montant annuel cumulé des aides à la diffusion
par titre de la presse quotidienne nationale - Moyenne sur la période
2009 à 2011
Source : Cour des comptes (à partir de données transmises par la direction
générale des médias et des industries culturelles)
Il ressort de ce tableau que le montant d’aide à la distribution par
exemplaire diffusé va de 13,64 centimes d’euro pour
Les Echos
à
20,02 centimes pour
La Croix
, qui privilégie la diffusion par transport
postal. On ne peut donc conclure à une stricte neutralité de l’État face aux
choix de diffusion des éditeurs de presse.
2 -
La persistance d’un déficit de l’activité de transport de la
presse dans les comptes de La Poste
L’existence de tarifs administrés se traduit aussi par des déficits
récurrents dans les comptes du principal opérateur
20
, La Poste, comme le
montre le tableau ci-après.
Selon les données de comptabilité analytique que tient La Poste
pour des raisons notamment réglementaires, le déficit de l’activité aurait
diminué de près de 100 M€ de 2008 à 2012, notamment en raison de ses
efforts de productivité et de la hausse progressive des tarifs prévue par les
accords tripartites de 2008. Il reste néanmoins que le déficit constaté en
2012 (281 M€) représente encore près de 30 % des coûts imputés à cette
activité en comptabilité analytique. Même s’il continue à se réduire d’ici
2015, cette activité ne trouvera certainement pas son équilibre à cette
échéance.
20
Il convient de souligner que cette comptabilité est régulièrement contestée par les
éditeurs de presse. Compte tenu des délais impartis pour réaliser la présente enquête,
celle-ci n’a pas fait l’objet d’un examen spécifique.
Titre de presse
Moyant annuel
moyen aide à la
distribution de la
PQN - 2009-2011
(en €)
Moyant annuel
moyen aide au
portage
- 2009-
2011 (en €)
Moyant annuel
moyen aide au
transport postal -
2009-2011 (en €)
Moyant annuel
moyen aide au
transport SNCF
- 2009-2011 (en
€)
Total Aides
moyenne 2009-
2011 (en €)
Total / Nb ex
diffusés (en
centimes)
CROIX (LA)
212 262 €
700 836
5 423 210
-
6 336 309
20,02
HUMANITE (L')
368 279 €
335 178
1 815 159
-
2 518 615
17,71
MONDE (LE)
4 958 357 €
2 111 719
5 696 638
3 989 937
16 756 651
17,13
LIBERATION
2 648 016 €
2 806 216
680 688
-
6 134 920
16,79
FIGARO (LE)
5 077 977 €
3 680 889
7 949 977
-
16 708 843
16,49
AUJOURD'HUI EN FRANCE
9 061 136 €
23 357
247 069
-
9 331 562
15,10
ECHOS (LES)
923 130 €
728 762
2 547 283
-
4 199 175
13,64
70
COUR DES COMPTES
Tableau n° 8 : l’activité de service public du transport de la
presse dans les comptes de La Poste
21
Source : Cour des comptes (à partir de données transmises par La Poste)
3 -
Une remise en cohérence souhaitable
D’une manière générale, l’existence d’aides au portage, au
transport postal, au transport par la SNCF ou d’aides au système de
distribution au numéro, sans conception d’ensemble, ni cohérence
globale, a conduit avec le temps à rendre certains modes de diffusion
moins chers que d’autres, sans réelle justification, ni considération tenant
à la qualité du service rendu. Elle a induit, auprès des éditeurs de presse,
des décisions contraires à ce qu’aurait été un choix économiquement
rationnel. Elle s’est également traduite par des effets d’aubaine en matière
de portage. Enfin, la mission de service public du transport de la presse
alimente un déficit récurrent dans les comptes de La Poste, qui tend certes
à diminuer mais ne devrait pas disparaître dans les prochaines années.
Dans ces conditions, l’État doit-il encore, délibérément comme en
2009 en augmentant l’aide au portage, ou involontairement du fait des
effets négatifs imprévus de ses mesures de soutien, influer sur les choix
des entrepreneurs de presse, ou doit-il s’en tenir à une position de plus
grande neutralité ?
À brève échéance, dès lors que les acteurs économiques (éditeurs
de presse, opérateurs du portage et La Poste) ont intégré dans leurs choix
stratégiques les aides actuelles de l’État, une remise en cause radicale ne
paraît pas envisageable.
21
Les coûts pris en compte dans ce tableau sont les « coûts attribuables » tels que
figurant dans les documents transmis par La Poste. L’analyse en « coûts complets »
donne un déficit assez proche, quoique supérieur.
En M€
2008
2009
2010
2011
2012
Coûts imputables à l’activité de
transport de la presse
1078
1027
1002
952
946
Chiffre d’affaires provenant des
éditeurs de presse
473
401
395
402
404
Compensation par l’État des effets
du moratoire de 2009
0
24
25
27
29
Aide de l’État au transport postal
232
230
242
241
232
Déficit de l’activité de transport de
la presse
373
372
340
282
281
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
71
À une échéance plus lointaine (trois à cinq ans) et au regard des
situations peu rationnelles et des déséquilibres observés, une politique
plus neutre pourrait se substituer à l’actuelle politique de soutien
spécifique à chaque mode de diffusion et de tarifs administrés. Elle
pourrait prendre la forme d’une aide unique et globale, ne portant pas sur
un mode de diffusion particulier mais laissant les entreprises de presse
libres de choisir ceux leur paraissant les plus adaptés à leurs besoins, et
susceptible d’être ciblée sur les familles de presse, notamment la presse
IPG. Cette perspective nécessiterait au préalable l’émergence d’un réseau
structuré de portage et l’achèvement de la restructuration du système de
vente au numéro afin que l’offre en matière de modes de diffusion et de
distribution soit large et que les tarifs de la distribution par portage ou par
les messageries de presse baissent de manière significative.
On pourrait également s’interroger sur la nécessité, à terme, de
maintenir le service public du transport postal en tant que tel ou dans sa
forme actuelle, dès lors que la majeure partie du transport par
abonnement se serait orientée vers le portage
22
. En tout état de cause, la
prestation appelée « publissimo », assurée par La Poste au titre du service
universel, demeurerait et ses tarifs constitueraient une garantie minimale
pour les éditeurs de presse.
La principale difficulté dans cette hypothèse serait l’écart existant,
du fait de l’aide de l’État, entre les tarifs préférentiels actuels liés à la
mission de service public et le tarif qui serait appliqué sans aide de l’État
(notamment le tarif du « service universel »).
S’agissant de la presse qui n’est pas considérée comme
d’information politique et générale, l’écart actuel serait en 2013, selon La
Poste, de 43 %. Il aurait vocation à se réduire jusqu’en 2015 à environ
30 % du fait de la hausse des tarifs prévue dans les accords tripartites de
2008, et pourrait être résorbé les années suivantes par un effort de
l’ensemble des parties prenantes.
S’agissant de la presse d’information politique et générale, l’écart à
combler serait beaucoup plus important mais pourrait être surmonté en
grande partie au moyen d’une aide globale à cette famille de presse lui
permettant de réduire ses coûts de diffusion, quels que soient les modes
d’acheminement choisis (postage, portage ou vente au numéro).
Une autre difficulté serait la capacité de La Poste à s’adapter à ce
nouveau contexte. À cet égard, il peut être relevé qu’une activité de
22
L’activité de transport postal visant à assurer l’acheminement de la presse dans des
zones peu denses, non couvertes par le portage, pourrait, le cas échéant, relever d’une
des missions de service public de La Poste : la contribution à l’aménagement du
territoire.
72
COUR DES COMPTES
postage de la presse subsisterait en tout état de cause et que La Poste s’est
déjà positionnée, avec sa filiale Neopress, parmi les principaux opérateurs
nationaux du portage et paraît prête à développer cette activité en nouant
des accords industriels.
D - L’insuffisante conditionnalité des aides
Le plan d’aide à la presse 2009-2011 s’est traduit par un effort
budgétaire, élevé en faveur du secteur mais, faute de formalisation, les
contreparties offertes par le secteur de la presse ont été insuffisantes.
1 -
L’aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse : une
progression limitée de leur rémunération
La première aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse avait été
accordée en 2009
« dans l’attente d’une meilleure répartition de la valeur
dans la chaîne de distribution »
. L’objectif était de leur accorder une aide
d’urgence en attendant que les réformes du système de diffusion de la
presse au numéro permettent de dégager des marges nouvelles qui
seraient réaffectées en bout de chaîne aux diffuseurs de presse.
Cet objectif n’a pas été assorti de dispositions concrètes négociées
avec le secteur. Il ressort en 2013 qu’aucune évolution significative n’est
intervenue, étant observé que les trois niveaux de distribution de la presse
au numéro (messageries de presse, dépôts territoriaux et points de vente)
connaissent une crise aigüe qui n’a pas facilité les évolutions.
Le président du conseil supérieur des messageries de presse
observait à cet égard, dans son rapport à l’assemblée du conseil du
28 mars 2013, le retard pris : « Les éditeurs, inquiets de la situation
d’extrême fragilité des diffuseurs de presse, conscients de la priorité que
constitue la consolidation du réseau de vente, ont été accaparés depuis
longtemps, par la situation très dégradée des niveaux 1 et 2 de la
distribution. […] De ce fait, les diffuseurs de presse du niveau 3 ont vu
les réformes indispensables les concernant retardées […]
»
2 -
L’aide au portage : un développement insuffisant de la
mutualisation
De même, s’agissant du développement du portage, les états
généraux de la presse écrite avaient mis en évidence la nécessité de
renforcer la mutualisation des réseaux de portage. Ceci revenait, compte
tenu des structures existantes, à inciter la presse quotidienne régionale qui
a développé des réseaux de portage de ses titres, à assurer, plus
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
73
qu’auparavant et dans le cadre d’une relation commerciale normale, le
portage de titres de la presse quotidienne nationale. L’objectif était donc
le développement d’un « portage multi-titres », chaque porteur se
chargeant d’acheminer plusieurs titres, notamment ceux de la presse
quotidienne nationale et de la presse quotidienne régionale.
En dépit de quelques difficultés de mise en oeuvre, nullement
insurmontables, tenant aux horaires décalés d’arrivée de ces deux formes
de presse, cette solution est porteuse d’économies tant pour la presse
quotidienne nationale, qui bénéficierait ainsi d’un réseau déjà existant,
que pour la presse quotidienne régionale, qui pourrait mieux rentabiliser
son réseau. Là encore, cet objectif est resté implicite et n’a pas donné lieu
à des engagements concrets de la part du secteur à l’occasion du
renforcement de l’aide au portage en 2009.
Compte tenu des résultats limités observés dans ce domaine, la
mission conduite en 2009 par M. Aldo Cardoso
23
, à la demande du
gouvernement, recommandait de moduler l’aide au portage en vue de
favoriser le portage multi-titres (par exemple un titre national et un titre
régional) et d’inciter la presse quotidienne régionale à mettre à
disposition son propre réseau de portage dans des conditions financières
raisonnables. La mission conduite peu après par MM. Mettling et Lubek
de l’inspection générale des finances proposait pour sa part d’instituer
une autorité de régulation chargée de vérifier que les tarifs pratiqués par
la presse quotidienne régionale n’étaient pas prohibitifs par rapport aux
coûts. Si l’idée d’une bonification été évoquée par la suite, la solution
retenue en 2011 s’est limitée à l’admission au bénéfice des aides du fonds
stratégique des projets qui auraient pour objet de contribuer à la
mutualisation des réseaux de portage.
La question de la mutualisation, et plus particulièrement du portage
multi-titres, reste en 2013 une préoccupation pour les services de l’État.
Le rapport sur la refondation des aides à la presse remis début mai 2013 à
la ministre de la culture et de la communication reprend l’idée d’un
dispositif plus incitatif qui reposerait sur une bonification particulière et
met, d’une manière plus générale, en exergue la nécessité de promouvoir
dans tous les domaines, de l’impression d’un titre à sa distribution, toutes
les initiatives tendant à une mutualisation des moyens. Cette démarche
favorable reste à concrétiser.
23
Cf. rapport « La gouvernance des aides publiques à la presse » - septembre 2010.
74
COUR DES COMPTES
E - Des aides insuffisamment ciblées
Le ciblage des aides est une question récurrente de la politique
d’aide à la presse. Il présente l’intérêt de concentrer les ressources
financières sur un nombre limité de bénéficiaires considérés comme
prioritaires et de maximiser, de ce fait, leur efficacité. Si le ciblage des
aides directes a progressé et est aujourd’hui la règle, tel n’est pas le cas
des deux aides les plus coûteuses pour l’État – le taux « super réduit » de
TVA à 2,1 % et l’aide au transport postal.
1 -
Le principe du ciblage des aides sur la presse d’information
politique
a)
Une politique validée par le Conseil constitutionnel et le Conseil
d’État
Le Conseil d’État a reconnu en 1999 la validité de la distinction
opérée par les pouvoirs publics entre différentes catégories de presse à
l’occasion
d’un
recours
contre
un
décret
portant
d’une
part,
réaménagement des tarifs applicables aux journaux et écrits périodiques
dans le régime intérieur et, d’autre part, confirmation des tarifs
applicables aux journaux et écrits périodiques en régime international.
En 2001, le Conseil constitutionnel a confirmé cette lecture dans
une décision rendue sur la loi de finances pour 2002 qui prévoyait
notamment une aide à la distribution de la presse quotidienne
d’information politique et générale en soutien au plan de réforme des
Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP), aujourd’hui la
société Presstalis.
b)
Le ciblage sur la presse d’information politique et générale (IPG)
La création de la Commission paritaire des publications et agences
de presse (CPPAP) a été jugée nécessaire quand a été introduit en 1997 le
principe d’un ciblage d’une partie de l’aide au transport postal sous la
forme de tarifs préférentiels en faveur des publications d’information
politique et générale
24
.
Les titres reconnus comme relevant de la presse IPG sont assez peu
nombreux. En juin 2012, 398 titres quotidiens ou périodiques relèvent de
24
L’agrément délivré par la commission paritaire des publications et des agences de
presse
(
CPPAP) ouvre également droit, au titre de ce qu’il est convenu d’appeler le
régime économique général de la presse, au taux « super réduit » de TVA de 2,1 %
prévu à l’article 298 septies du code général des impôts.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
75
cette catégorie (392 publications de sociétés éditrices de presse et
6 publications d’associations). Ils ne représentent donc que 4,5 % des
titres relevant du « régime économique général de la presse ».
Les critères de reconnaissance de la presse d’information politique et
générale
Pour obtenir l’agrément de la commission paritaire des publications et
des agences de presse (CPPAP), les publications doivent remplir un certain
nombre de critères :
- avoir une périodicité au maximum hebdomadaire ;
- présenter un caractère d’information politique et générale, ce qui
implique qu’elles réunissent les trois conditions suivantes :
- apporter de façon permanente sur l’actualité politique et générale,
locale, nationale ou internationale, des informations et des commentaires
tendant à éclairer le jugement des citoyens ;
- consacrer la majorité de leur surface rédactionnelle à cet objet ;
- présenter un intérêt dépassant d’une façon manifeste les
préoccupations d’une catégorie de lecteurs.
La commission procède à un examen approfondi du contenu des titres
afin de s’assurer du respect de ces critères.
Si la doctrine et la jurisprudence de la commission sont désormais
bien établies, le contenu de certains nouveaux titres de presse conduit
régulièrement, à l’occasion de demandes d’agrément, à réexaminer les
frontières de la notion d’information politique et générale.
Le cas s’est présenté notamment en 2011 avec certains suppléments
édités par des titres de la presse quotidienne nationale qui pouvaient être
assimilés à des titres de la presse magazine (par exemple la presse féminine)
et entrer en concurrence déloyale avec ceux-ci dès lors qu’ils bénéficiaient
des divers avantages liés à la presse d’information politique et générale. Si
les demandes d’agrément au titre de la presse d’information politique et
générale sont généralement justifiées et accueillies favorablement par la
commission, celle-ci a refusé cet agrément en 2011 à huit titres, soit 7 % des
demandes formulées.
c)
Les progrès récents mais encore insuffisants dans la mesure du
ciblage des aides à la presse
L’amélioration du ciblage et de l’efficacité des dispositifs d’aide
constitue l’objectif n° 4 du programme budgétaire 180 -
Presse
. Elle a
conduit à la mise au point d’un indicateur de performance « part de l’aide
publique globale accordée à la presse quotidienne d’information politique
et générale » dans les documents budgétaires.
76
COUR DES COMPTES
Cet indicateur fait apparaître que les aides directes du programme
180 bénéficient à près de 95 % à la presse quotidienne d’information
politique et générale, alors que les aides indirectes (taux de TVA à 2,1 %)
sont assez peu ciblées sur cette même presse (37 à 39 % selon les années).
S’il convient de souligner le progrès marqué par la présence de cet
indicateur
dans
les
documents
budgétaires,
celui-ci
souffre
d’insuffisances dues notamment au périmètre des aides prises en compte :
-
le projet annuel de performances pour 2009 soulignait que, dans un
premier temps, l’indicateur relatif aux aides indirectes retraçait les
données concernant le taux « super-réduit » de TVA mais serait
progressivement étendu à l’ensemble des aides indirectes ; cette
évolution n’a pas eu lieu à ce jour ;
-
l’aide au transport postal n’a jamais été prise en compte dans
l’indicateur de performance 4.2 et présentait de surcroît jusqu’en
2012
l’inconvénient
d’être
financée
sur
deux
programmes
budgétaires
25
.
Le projet annuel de performances pour 2013 répond en partie aux
observations de la Cour en mentionnant la liste des aides directes prises
en compte dans l’indicateur de performance, mais l’exclusion de l’aide au
transport postal réduit l’intérêt de cet indicateur.
2 -
Certaines aides directes effectivement ciblées
Les aides directes qui sont ciblées ne représentent qu’une faible
partie des soutiens au secteur de la presse.
En raison de la politique développée en ce sens depuis les années
1980, de nombreuses aides directes à la presse comportent un ciblage en
plus des trois « aides au pluralisme » qui ne représentent en loi de
finances initiale pour 2013 que 12 M€. Le ciblage porte généralement sur
la presse d’information politique et générale ou, au sein de cette dernière,
sur les publications à faibles ressources provenant de la publicité ou des
petites annonces, mais des variantes dans le ciblage peuvent être
constatées.
Quelques mesures en ce sens sont intervenues depuis les états
généraux de la presse écrite de 2008. Elles ont notamment concerné l’aide
au portage pour laquelle un taux aménagé d’aide aux stocks est désormais
appliqué à la presse quotidienne à faibles ressources publicitaires ou en
25
Le financement de cette aide sur deux programmes distincts (programmes
budgétaire 180 et 134) jusqu’en 2012 inclus pouvait en effet ajouter à la confusion,
s’agissant d’un indicateur de performance du programme 180.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
77
petites annonces. Le tableau suivant récapitule les mesures selon la nature
du ciblage telle qu’observée en 2011 et 2012.
Tableau n° 9 : le ciblage des aides à la presse en 2011 et 2012
Intitulé de l’aide
Nature du ciblage
Montant en
2011
(crédits
consommés
en CP et en
M€)
Montant en
2012
(crédits
consommés
en CP et en
M€)
Sous-action
n° 1-2
Réduction du tarif SNCF pour le
transport de la presse
- Ciblage sur la presse IPG
5,50
5,00
Sous-action
n° 1-4
Aide au portage de la presse
(hors mesure d’exonération de
charges pour les porteurs)
- Ciblage sur la presse IPG
et
les
publications
d’information
« qui
apportent régulièrement des
informations
et
des
commentaires sur l’actualité
de
l’ensemble
des
disciplines sportives » ;
- Taux aménagé d’aide aux
stocks pour les titres QFRP
et QFRPA
66,69
44,54
Sous-action
n° 3-1
Aide
la modernisation sociale de
la presse quotidienne IPG
-
Ciblage
sur
la
presse
quotidienne IPG
28,15
28,15
Sous-action
n° 3-2
Aide la modernisation de la
presse quotidienne nationale
-
Ciblage
sur
la
presse
quotidienne nationale IPG
18,00
23,85
Sous-action
n° 3-5
Aide la modernisation de la
presse quotidienne et assimilée
IPG devenu Fonds stratégique
-
Ciblage
sur
la
presse
quotidienne nationale IPG
17,66
23,63
Source : Cour des comptes
3 -
Un ciblage insuffisant des aides relevant du « régime
économique de la presse »
Si l’État a fait le choix de développer des mesures ciblées, il a en
revanche maintenu le « régime économique général de la presse » qui
bénéficie à la plupart des titres de presse dès lors qu’ils sont enregistrés
auprès de la commission paritaire des publications et des agences de
presse. Or ce régime concerne les deux principales aides à la presse par
leur montant : le taux « super réduit » de TVA à 2,1 % dont le coût pour
78
COUR DES COMPTES
l’État est estimé à 270 M€ en loi de finances initiale pour 2013 et l’aide
au transport postal qui présente un coût budgétaire de 249,4 M€.
Le taux « super réduit » de TVA à 2,1 % ne fait l’objet d’aucun
ciblage puisqu’il est appliqué à tous les titres de presse agréés par la
commission. L’application d’un taux « normal » de 19,6 % pour les
services de presse en ligne n’est pas due à une volonté de l’État d’exclure
cette catégorie, mais à la difficulté rencontrée jusqu’alors, au regard des
textes et de la jurisprudence communautaire, d’appliquer à cette forme
nouvelle de presse le taux historique de 2,1 %.
L’aide au transport postal fait, pour sa part, l’objet d’un ciblage
partiel sous la forme de tarifs plus ou moins préférentiels pour la presse
d’information politique et générale et la presse non d’information
politique et générale. Les accords tripartites de juillet 2008 ont renforcé
ce ciblage puisqu’ils prévoient, sur la période 2009-2015, une
augmentation progressive différenciée des tarifs de 11 % pour les
quotidiens d’information politique et générale à faibles ressources
provenant de la publicité ou des petites annonces, de 23 % pour les autres
titres de la presse d’information politique et générale et de 34 % pour la
presse non IPG.
Des débats récurrents ont porté au cours des dernières années sur la
réduction de ce périmètre d’application de ces deux catégories d’aides.
Les principales propositions de réforme ont porté :
-
sur le taux de TVA : le taux de 2,1 % serait réservé à des titres ciblés,
les autres titres étant soumis au taux réduit (actuellement 5,5 %) ; il
est rappelé à cet égard que des taux de TVA différenciés ont déjà
existé entre 1977 et 1989 ;
-
sur l’aide postale, qui ne bénéficierait plus qu’aux titres ciblés.
La nature et le degré de ciblage diffèrent selon les propositions,
certaines retenant un ciblage sur la presse d’information politique et
générale, d’autres un ciblage moins restrictif.
En dépit des débats organisés lors des états généraux de la presse
écrite, qui ont du reste fait ressortir des divergences d’appréciation, et des
diverses propositions formulées au cours des dernières années
27
, le degré
de ciblage n’a pas fait l’objet de décisions concrètes dans le cadre du plan
d’aide 2009-2011.
27
En particulier, la proposition du député Michel Françaix tendant à différencier les
taux de TVA appliqués, d’une part, à la presse IPG, d’autre part, à la presse dite
récréative.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
79
Dans un contexte budgétaire contraint, le soutien de l’État à des
familles de presse économiquement rentables et présentant peu ou pas
d’enjeux en termes de pluralisme paraît de moins en moins se justifier,
a
fortiori
pour les deux mesures les plus coûteuses. Dès lors, si
l’accroissement simultané du ciblage sur le taux de TVA et sur l’aide au
transport postal paraît difficile, même dans une perspective de moyen
terme, compte tenu de la crise actuelle de la presse, il pourrait être
envisagé sur l’un ou l’autre de ces dispositifs.
Dans cette hypothèse, deux critères cumulatifs pourraient être pris
en considération pour renforcer le ciblage :
-
les enjeux en termes de maintien du pluralisme,
-
la rentabilité économique de chaque famille de presse.
Au regard du premier critère, le ciblage sur la presse d’information
politique et générale (IPG) paraît s’imposer. En effet, si l’on peut juger
utile et souhaitable l’existence de plusieurs titres pour traiter d’un sport,
d’une activité de loisirs ou de recettes culinaires, les enjeux ne semblent
pas relever de l’expression des pensées et des opinions au sens de l’article
11 de la Constitution, qui seul justifie l’intervention de l’État.
La presse d’information politique et générale doit d’autant plus
être préservée que le nombre de titres de la presse est réduit. Selon le
dénombrement réalisé par le ministère de la culture et de la
communication en 2011, il n’existe que 9 quotidiens nationaux
d’information politique et générale et 67 quotidiens régionaux ou locaux,
soit en moyenne trois par région.
A contrario
, le tableau suivant montre la
variété de la presse magazine (hors presse d’information politique et
générale) qui constitue une particularité de la presse française.
80
COUR DES COMPTES
Tableau n° 10 : le nombre de titres de la presse magazine (hors
presse d’information politique et générale) en 2011
Source : Cour des comptes (à partir des chiffres définitifs
de l’année 2011
pour la presse écrite – ministère de la culture et de la communication)
S’agissant du second critère, si l’absence d’étude récente sur les
coûts et la rentabilité des différentes familles de presse ne permet pas de
disposer de données précises et incontestables, il reste que les coûts de
fabrication et de distribution varient assez fortement selon les familles de
presse et qu’en dépit d’une baisse générale de la rentabilité économique
du secteur depuis cinq ans, la presse magazine demeure rentable, alors
que les résultats de la presse quotidienne nationale sont proches de
l’équilibre, voire déficitaires. De même, au sein de la presse
d’information politique et générale, les coûts de fabrication et de
diffusion d’un quotidien national et d’un quotidien régional peuvent
différer de manière significative.
Sauf à courir le risque de créer un effet d’aubaine, le soutien aux
familles de presse économiquement viables ne se justifie pas. Pour les
autres familles de presse, le soutien devrait être modulé en fonction de
leur niveau de rentabilité respectif.
Afin d’éclairer et d’étayer ses décisions, le ministère de la culture
et de la communication devrait disposer périodiquement, par exemple
tous les trois ans, d’études indépendantes permettant d’apprécier les
niveaux de rentabilité respectifs des différentes familles de presse, et en
Presse magazine (non IPG)
Nombre de titres
JOURNAUX D'ANNONCES
32
PRESSE CULTURELLE
121
MAISON & DECORATION
111
ECONOMIE
22
PRESSE FEMININE
205
PRESSE DES JEUNES
265
LOISIRS
942
PRESSE MASCULINE
21
SPORT
208
SCIENCE & TECHNIQUE
32
T.V / SPECTACLE
21
SENSATION / EVASION
85
FAMILLE / SOCIETE
93
TOTAL
2 158
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
81
particulier de celles relevant de la presse d’information politique et
générale.
F - Une répartition inadaptée des crédits entre les
types d’aides à la presse
La répartition des crédits entre les différentes formes d’aide
apparaît inadaptée aux enjeux du secteur.
S’il est difficile de porter une appréciation sur la répartition des
moyens de l’État entre aides directes et indirectes compte tenu des
incertitudes sur le coût précis de ces dernières, à tout le moins, la
répartition des crédits du programme 180 entre les différentes formes
d’aides ne paraît pas optimale.
Au regard de la loi de finances initiale pour 2013 et en ajoutant les
crédits du plan « IMPRIME » imputés sur le programme 103 -
Anticipation des mutations économiques et développement de l’emploi
géré par le ministère chargé du travail, la répartition des aides au sein de
ces trois catégories d’aides qui structurent la présentation du programme
180 -
Presse
est actuellement la suivante
:
-
les aides à la diffusion représentent 74 % du total, soit 308,4 M€,
dont une majeure partie revient à l’aide au transport postal (60 %) ;
-
les aides au pluralisme représentent 3 % du total, soit 12 M€ ;
-
les aides à la modernisation représentent 23 % du total, soit 95,6 M€.
Cette répartition montre l’importance financière des aides à la
diffusion qui constituent les trois quarts du montant des aides
directes. Elle paraît d’autant plus déséquilibrée que près de 60 % des
aides directes sont alloués au transport postal qui n’apparaît pas comme le
mode de diffusion le plus porteur d’avenir.
Pour autant, l’accroissement de la part des aides au pluralisme
pourrait présenter l’inconvénient majeur d’accorder aux titres concernés
des moyens surdimensionnés au regard de leur chiffre d’affaires et de leur
diffusion. Il conduirait à les soutenir au-delà de toute logique économique
et à l’encontre des attentes des lecteurs.
En revanche, la part des aides à la modernisation, en particulier
celle attribuée au fonds stratégique (33,5 M€ en loi de finances initiale
pour 2013, soit 8 % des aides directes), apparaît relativement modeste,
alors que la modernisation des modes de production, de diffusion et de
distribution constitue des enjeux majeurs pour la presse écrite. S’il
convient là encore de veiller à ce que les moyens consacrés aux aides à la
modernisation ne soient pas disproportionnés par rapport au nombre de
82
COUR DES COMPTES
projets de qualité déposés et ne conduisent pas à des taux d’intervention
de l’État trop élevés, un rééquilibrage des aides en faveur de la
modernisation semble souhaitable.
II
-
Des résultats décevants au regard des attentes
et des moyens engagés
L’efficacité de la politique d’aide à la presse doit d’abord être
appréciée au regard des objectifs particuliers assignés à chaque dispositif,
qui se traduisent de manière différente pour des aides automatiques, telles
que les aides à la diffusion, et pour des aides sur projets, comme les aides
à la modernisation. Elle peut aussi être examinée à partir de l’analyse des
évolutions globales du secteur intervenues au cours des dernières années.
Si la politique de l’État ne peut à elle seule résoudre l’ensemble
des difficultés auxquelles celui-ci est confronté, les moyens budgétaires
déployés depuis 2009 ont été suffisamment conséquents pour constituer
des leviers efficaces à l’appui de sa mutation. Or les résultats observés à
ce jour paraissent très en deçà.
A - Les aides à la modernisation : des objectifs
partiellement atteints
Conçues pour répondre aux enjeux technologiques du secteur de la
presse, les aides à la modernisation étaient, jusqu’à la création du fonds
stratégique pour le développement de la presse par le décret du
13 avril 2012, gérées par le fonds d’aide à la modernisation de la presse et
par le fonds d’aide au développement des services de presse en ligne. En
réalité, ces deux dispositifs n’ont pas réellement atteint leurs objectifs.
1 -
Les enjeux de la modernisation de la presse
Le secteur de la presse écrite est aujourd’hui confronté à une
profonde mutation technologique qui remet en cause un modèle
économique traditionnel fondé sur la production de journaux sur support
papier. Sans qu’il soit encore question d’une disparition totale de ce
dernier, le développement du numérique constitue désormais un enjeu
central pour la diffusion de l’information.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
83
a)
Une période de transition technologique
Dans un contexte de baisse globale du lectorat, la presse sur
support papier doit adapter sa production d’imprimés en termes
quantitatifs. Les attentes des lecteurs ont également évolué dans le sens
d’une exigence accrue de qualité d’impression et les imprimeries ont dû
progressivement délaisser les tirages
offset
en noir et blanc et se doter de
machines permettant une production en quadrichromie. Au-delà du
renouvellement des outils de production, une rationalisation de
l’implantation des lieux de production s’impose. Outre la suppression ou
le regroupement de sites préexistants, une solution est de créer des pôles
régionaux d’impression permettant d’augmenter la productivité, de
réduire les coûts logistiques liés à la diffusion des exemplaires, mais
également de mutualiser les capacités d’impression entre les différents
titres de presse.
Un autre enjeu central pour l’avenir de la presse réside dans la
transition vers la production et la diffusion de l’information sur support
numérique. Cette mutation est en cours, avec le développement du
bimédia (papier et numérique) et l’émergence des
pure players
qui ne
recourent pas au support papier. Elle aboutit également à une
convergence des médias, les lignes de partage entre textes, photographies
et vidéos tendant à s’estomper en faveur du concept global de
news
factory
que l’on peut traduire par l’expression « usine à nouvelles ».
La question se pose toutefois de l’investissement que nécessite
cette transition technologique, mais également de sa rentabilité pour les
entreprises. En effet, en France comme à l’étranger, tant pour les
publications bimédia que pour les
pure players
, il n’existe pas
aujourd’hui de modèle économique unique et stabilisé garantissant à la
fois la pérennité, la qualité et la rentabilité de la presse en ligne. Les
éditeurs tâtonnent notamment pour définir la part de gratuité et de
services payants, le bon équilibre entre abonnements, ventes à l’unité et
ressources publicitaires. Les éditeurs éprouvent également des difficultés
à monétiser leur contenu sur l’Internet, les systèmes actuels de paiement
en ligne n’étant pas adaptés. Enfin, les technologies continuent d’évoluer
très vite, de même que l’équipement, les usages et les attentes des
lecteurs.
La consolidation médiatique et capitalistique de la presse en ligne
n’en est donc qu’à ses balbutiements et ce secteur doit également se
positionner vis-à-vis des agrégateurs d’informations et des réseaux
sociaux qui occupent désormais un rôle croissant dans la diffusion de
l’information. Aussi, selon la direction générale des médias et des
84
COUR DES COMPTES
industries culturelles, rares sont ceux qui se risquent à prédire ce à quoi
ressemblera la presse en ligne dans les cinq ans à venir.
b)
L’obstacle du taux de TVA applicable à la presse en ligne
Un obstacle au développement de la presse en ligne réside dans le
taux de TVA qui lui est appliqué. En effet, si le droit de l'Union
européenne permet aux États membres de mener une politique de taux de
TVA favorable aux biens et services culturels, ce taux n’est pas
applicable aux services fournis par voie électronique
28
. Aussi les
entreprises de publications en ligne paient-elles une TVA plus élevée que
leurs concurrents de la presse papier dans presque tous les États membres
de l'Union européenne (entre 15 % et 25 % selon les pays). L’écart entre
les taxes payées par les médias en ligne et les médias sur papier peut être
très notable, comme au Danemark où les journaux traditionnels
bénéficient d'une TVA à 0 % alors que les versions électroniques sont
assujetties à un taux de 25 %. Seules la Bulgarie, la Finlande, la Pologne
et la Slovaquie appliquent les mêmes taux pour les deux types de support,
cette situation s’expliquant par une augmentation du taux pour les
publications papier. De l’avis des professionnels, cette disparité des taux
de TVA constitue un frein au développement des médias en ligne au sein
de l’Union, dans un environnement de plus en plus concurrentiel au plan
mondial.
S’agissant de la presse en ligne en France, la loi de finances
rectificative du 30 décembre 2009 a prévu que le taux réduit s’applique
aux offres composites selon des modalités fixées par voie réglementaire.
Le décret n° 2011-115 du 27 janvier 2011 pris pour son application
prévoit que les taux réduits de TVA s’appliquent à hauteur de la part du
prix hors taxe de l’offre composite représentative de la livraison de la
publication imprimée, la détermination de cette part pouvant être réalisée
selon toute méthode traduisant la réalité économique des opérations.
Cette méthode est celle prévue par le code général des impôts, lequel est
aligné sur le droit communautaire. Ce dispositif fait que, par construction,
28
En application de l’article 98 de la directive 2006/112/CE relative au système
commun de TVA, l’annexe III recensant les biens et services éligibles à un taux réduit
de TVA permet aux États membres de soumettre à ce taux : les livres (livraison et
location) et produits assimilés tels que les journaux et périodiques ; la réception de
services de radiodiffusion et de télévision ; les prestations de services fournies par les
écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d'auteur qui leur sont dus. Le
paragraphe 2 de l’article 98 de cette même directive précise toutefois que : « les taux
réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique visés à
l’article 56, paragraphe 1, point k ». L’annexe II de cette directive dispose que sont
notamment considérés comme tels « la fourniture de textes, de musique ou de films ».
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
85
les services de presse en ligne, qui sont offerts distinctement ou en-dehors
de la livraison des publications imprimées (les
pure players
), ne
bénéficient pas d’un taux réduit.
Depuis 2006, le gouvernement a souhaité remédier à cette situation
et obtenir une modification du droit communautaire. En décembre 2010,
le Président de la République avait demandé à M. Jacques Toubon de
mener des concertations au niveau européen sur la fiscalité des biens et
services culturels fournis par voie électronique. Cette mission a été
confirmée par l’actuel Président de la République en août 2012. Dans ce
cadre, la position française continue d'être relayée auprès de la
Commission européenne et des partenaires de la France au sein de
l'Union, tant en bilatéral qu'à l'occasion de débats dans les enceintes de
l'Union.
Si ces démarches n’ont pas encore abouti à des décisions, elles ont
amené les institutions européennes et les États membres à affirmer ou
réaffirmer leurs positions.
Le Parlement européen s'est prononcé en faveur de l’adoption d’un
taux réduit de TVA, similaire à celui qui s’applique aux mêmes oeuvres
sur support physique
29
.
De même, à plusieurs reprises
30
, la Commission européenne a
estimé que la révision de la structure actuelle des taux de TVA devrait
répondre au principe selon lequel des biens et services similaires
devraient être soumis au même taux de TVA. Elle a également lancé en
octobre 2012 une consultation publique sur les taux de TVA. La France a
répondu à cette consultation fin décembre 2012 en invitant la
Commission à avancer les propositions susceptibles de conduire à un
réexamen de la législation existante sur les taux réduits de TVA.
Le Luxembourg, la Suède, les Pays-Bas et l'Italie soutiennent dans
son principe la position française. Un autre groupe d’États membres
pourrait être favorable à terme ou à tout le moins pourrait ne pas
s'opposer à la révision de la directive TVA : Malte, la République
tchèque, la Lituanie, la Pologne et l'Espagne. En revanche, l'Allemagne,
le Royaume-Uni, le Danemark, l'Autriche, le Portugal et la Finlande
29
Résolution du Parlement européen sur la modernisation de la législation sur la TVA
dans le but de stimuler le marché unique du numérique de Mme Marielle Gallo et
M.
Jean-Paul Gauzes (n° B7-0648/2011) ; résolution du Parlement européen sur
l’achèvement du marché unique numérique (n° 2012/2030 (INI)).
30
Communication sur l’avenir de la TVA du 6 décembre 2011 ; communication sur le
commerce électronique du 11 janvier 2012 ; communication du 26 septembre 2012
« Promouvoir les secteurs de la culture et de la création pour favoriser la croissance
et, l’emploi dans l’Union européenne ».
86
COUR DES COMPTES
semblent à ce stade rester opposés à cette démarche. Or une future
révision des structures des taux de TVA devra s’effectuer à l’unanimité
des États membres au Conseil, le cas échéant dans le cadre d’un paquet
qui peut faciliter les compromis entre États membres.
La direction générale des médias et des industries culturelles
(DGMIC) évalue à 5 M€ le manque à gagner pour l’État que
représenterait, la première année, un passage de la presse en ligne au taux
super réduit de TVA à 2,1 %. Cette estimation se fonde sur une étude qui
a été réalisée par le cabinet Kurt Salmon en février 2012 pour le compte
de syndicats d’éditeurs. Cette étude souligne que le manque à gagner
serait compensé par le développement de la filière de la presse en ligne,
ce qui induirait corrélativement une hausse de la TVA perçue. Si l’intérêt
économique d’un alignement du taux de TVA applicable à la presse en
ligne sur celui de la presse papier est confirmé, il n’en reste pas moins
que la mise en oeuvre de cette mesure rencontre pour l’heure des obstacles
juridiques liés au droit communautaire.
Enfin, au-delà de la question de la TVA applicable à la presse en
ligne, la question reste posée de la définition du régime fiscal des
productions sur support numérique, la ministre de la culture et de la
communication souhaitant la mise en place d’une taxe sur les objets
connectés qui concernerait directement le développement de la presse en
ligne.
2 -
Le fonds de modernisation de la presse
Institué en 1999, le fonds de modernisation de la presse (FDM)
devait soutenir des projets d’entreprises de presse relevant de l’un des
trois objectifs suivants :
-
améliorer la productivité des entreprises ;
-
moderniser les rédactions ;
-
renforcer la diffusion en direction des nouveaux publics et, en
particulier, des jeunes lecteurs.
L’instruction des demandes d’aides était assurée par la direction
générale des médias et des industries culturelles, mais les décisions
d’attribution des subventions étaient prises après avis d’un comité
d’orientation
composé
de
représentants
de
la
presse
et
des
administrations.
Entre 2006 et 2011, le fonds de modernisation de la presse a
attribué des aides pour un montant global de 135 M€, dont 78 M€ au
cours du plan triennal 2009-2011. L’examen des aides attribuées fait
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
87
apparaître que le fonds n’est pas véritablement parvenu à inciter les
entreprises à préparer leur avenir.
Certes, l’action du fonds de modernisation de la presse a permis de
moderniser le secteur de la presse caractérisé jusqu’alors par un appareil
productif vieillissant et qui devait notamment passer de l’impression
offset
à la quadrichromie. Par ailleurs, certains dossiers présentés
notamment par la presse quotidienne nationale ont concerné des projets
« bimédia » visant à développer des services de presse en ligne
parallèlement à la production papier. On peut également relever qu’en
2011 une subvention de 3,5 M€ a été accordée pour la création en Corse
d’un centre d’impression numérique pour l’ensemble des quotidiens
nationaux, ce qui témoigne d’un effort de mutualisation des capacités de
production et de rationalisation des coûts de diffusion. Une opération
similaire a également été mise en oeuvre à La Réunion. Toutefois, les
soutiens publics se sont majoritairement orientés vers la modernisation
des activités traditionnelles d'impression, les investissements relatifs à la
chaîne de fabrication ayant mobilisé 58 % du montant global des aides.
De plus, le fonds de modernisation de la presse a fini par se
transformer en un système de « guichet » marqué par une forte cogestion
entre les représentants de l’État et les bénéficiaires des aides
.
Le dispositif
a également souffert de procédures limitées de contrôle, la commission de
contrôle du fonds n’ayant pas pu aller au-delà d’un examen en régularité
des projets, faute d’accès aux données financières des entreprises de
presse. En définitive, on peut s’interroger sur l’impact du fonds de
modernisation de la presse sur les entreprises de presse, les aides allouées
n’ayant pas suffisamment contribué à inciter ces dernières à préparer leur
nécessaire mutation technologique.
3 -
Le fonds d’aide au développement des services de presse en
ligne
Le fonds d’aide au développement des services de presse en ligne
(SPEL) a été institué en novembre 2009 et s’est substitué au fonds d’aide
au développement des services en ligne des entreprises de presse, créé en
novembre 2004. Ce fonds était doté d’un comité d’orientation
comprenant à parts égales des représentants de l’administration et des
représentants de services de presse en ligne. Le ministre de la culture et
de la communication décidait, sur l’avis du comité, du montant des aides.
L’octroi de ces dernières était subordonné à la conclusion entre l’État et
le bénéficiaire d’une convention fixant notamment leurs conditions
d’attribution.
88
COUR DES COMPTES
Le champ d’intervention du fonds d’aide au développement des
services de presse en ligne était très large, ce qui a contribué à amoindrir
son efficacité au service du développement de la presse en ligne. En effet,
les
aides
du
fonds
pouvaient
certes
concerner
des
dépenses
d'investissement (matériels informatiques et outils de numérisation), mais
aussi des dépenses d'exploitation telles que des dépenses de formation
professionnelle ou les rémunérations des journalistes concernés par les
projets.
Entre 2006 et 2011, 10,9 M€ ont été versés par le fonds, dont
9,8 M€ pendant le plan d’aide 2009-2011. L’examen des listes de
bénéficiaires montre qu’ont été financés des projets de qualité inégale,
parfois éloignés des préoccupations initiales de la politique de soutien de
l’État aux titres de la presse les plus fragilisés ou orientés vers
l’information
politique
et
générale.
Comme
pour
le
fonds
de
modernisation de la presse, une approche morcelée de l’attribution des
aides a prévalu, ce qui a transformé les interventions du fonds d’aide au
développement des services de presse en ligne en une sorte de « guichet »
ouvert à un ensemble indistinct d’acteurs.
S’agissant du soutien apporté à la presse d’information politique et
générale, le nombre de dossiers portés par les services de presse en ligne
a proportionnellement diminué au fil des ans : ils représentaient 60 % des
dossiers de demande en 2009, contre 57 % en 2010 et 36 % en 2011. Si
l’on raisonne en terme de montants des aides attribuées, on constate
également un reflux mais dans des proportions moins marquées. Ainsi,
les aides à la presse d’information politique et générale ont-elles
représenté 83 % du montant global des soutiens du fonds d’aide au
développement des services de presse en ligne en 2009, 78 % en 2010 et
60 % en 2011.
À l’inverse, de nombreuses aides ont été consenties à des services
en ligne relevant de la presse spécialisée, notamment dans les domaines
du sport et du tourisme, comme le montre l’encadré suivant.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
89
Exemples d’aides aux services de presse en ligne
En 2011, le fonds SPEL a contribué au financement du site du
magazine Surf Session consacré à la pratique de ce sport (68 464 € de
subvention), le site moto-net.com qui, comme son nom l’indique, concerne la
pratique de la moto (18 018 € de subvention), ou bien le site hoteletlodge.fr
consacré aux voyages et hôtels de luxe (53 573 € de subvention).
Des magazines de grands groupes qui,
a priori
, ne connaissent pas de
difficultés particulières figurent également parmi les bénéficiaires, tels, en
2009, les sites lejdd.fr (138 703 € de subvention) et parismatch.com
(57 390 € de subvention) du groupe Hachette Filipacchi Associés.
Des aides concernent des sites dont la cible en termes de public est
très étroite, tels le site pharedere.com qui informe sur les actualités locales de
l’île de Ré (33 167 € de subvention), ou le site frequence-sud.fr (14 020 € de
subvention), consacré à un guide des festivals des régions méridionales
.
Enfin le fonds SPEL a soutenu en 2009 le site lemondedusurgele.fr (7 070 €
de subvention).
Source : Cour des comptes à partir des listes des bénéficiaires du
fonds des services de presse en ligne
B - Le relatif échec d’une tentative de reconquête du
lectorat : l’opération « Mon Journal Offert »
A l’issue des états généraux de la presse écrite, le 23 janvier 2009,
le Président de la République a annoncé qu’il souhaitait permettre à tout
jeune de 18 à 24 ans de bénéficier d’un abonnement gratuit à un
quotidien, le journal étant payé par l'éditeur, le transport par l'État. Cette
orientation s’est concrétisée par une augmentation de 15 M€ sur trois ans
des crédits accordés au fonds de modernisation de la presse afin de
financer le projet Mon Journal Offert.
Ce projet a consisté à abonner 200 000 jeunes à un quotidien de
leur choix, un jour par semaine et pendant un an. L’offre de titres a porté
sur 61 quotidiens, soit la quasi-totalité des titres de la presse quotidienne
nationale, régionale et départementale. La société A2Presse, spécialisée
dans la gestion des abonnements, a été chargée de la collecte et de la
redistribution des abonnements vers les différents titres
.
Pour la saison 2009-2010, le nombre prévu de bénéficiaires a été
dépassé, avec 213 000 abonnements. Une étude avait alors montré que
85 % des jeunes interrogés étaient satisfaits de l'opération. Les trois-
quarts des abonnements concernaient la presse quotidienne régionale,
mais la presse quotidienne nationale avait réalisé une performance
90
COUR DES COMPTES
supérieure à son poids relatif dans la gamme des titres proposés. Pour la
saison
2010-2011,
220 000
abonnements
ont
été
distribués.
L’
International Herald Tribune, Le Monde
et
Le Figaro
ont fait l’objet
d’une forte demande
.
Dans la presse régionale, ce sont les titres du
groupe Voix du Nord qui ont enregistré les meilleures performances, ainsi
que
Ouest-France
,
Le Midi Libre
,
Le Dauphiné Libéré
. Certains titres
locaux ont été fortement demandés, notamment
Le
Petit Bleu de
l’Agenais
ou
Le
Progrès de Fécamp
.
En 2011, une enquête, intitulée
Bilan d'expérience Mon Journal
Offert et perspectives de développement
et réalisée par le cabinet
Auxipresse, a montré que l’abonnement avait eu un impact positif sur la
fréquence de lecture du quotidien auquel les jeunes s’étaient abonnés :
cette fréquence était passée de 23 % à 35 % pour la lecture plus d’une fois
par semaine, et de 17 % à 58 % pour la lecture une fois par semaine.
Parmi les jeunes ayant déclaré vouloir poursuivre leur pratique de lecture
au-delà de l’opération Mon Journal Offert, 27 % ont indiqué vouloir
s’abonner et 32 % vouloir l’acheter en kiosque. Parmi les jeunes ayant
déclaré ne pas vouloir poursuivre leur abonnement, 70 % ont signalé que
le coût d’un abonnement constituait pour eux un élément dissuasif.
Toutes ces données sont cependant fragiles. En effet, les études
précitées sur la fidélisation des jeunes lecteurs n’ont porté que sur la
satisfaction à court terme des bénéficiaires de l’opération Mon Journal
Offert. L’effet dans le temps n’a pas été démontré, comme l’a fait
apparaître le bilan de l’opération Mon Journal Offert qui a été publié en
juillet 2012 par l’inspection générale des affaires culturelles. Ce rapport
souligne que cette opération a abouti à un taux d'abonnement payant de la
part des jeunes bénéficiaires qui se situe seulement entre 5 % et 8 %, alors
que les statistiques du ministère de la culture et de la communication
montrent que le taux de lecture de la presse spontané est de 9 %. Ainsi, de
façon paradoxale, les jeunes qui n’ont pas bénéficié de l’opération Mon
Journal Offert paraissent plus nombreux à lire la presse papier.
À ce titre, le rapport conclut dans les termes suivants : « Une
approche pessimiste conduit à penser que les actions aidées sont sans
effet notable. Une approche optimiste expose que le phénomène de
désaffection serait plus accentué sans les actions aidées sur les fonds
publics » et « au total, il est douteux que toutes les initiatives prises ces
dernières années aient été positives, c'est-à-dire aient véritablement accru
le taux de lecture chez les jeunes de la presse ». Au regard de ces constats
plus que mitigés, l’opération Mon Journal Offert a été abandonnée et les
actions en direction des jeunes réorientées au sein du nouveau fonds
stratégique pour le développement, dont une section est consacrée au
développement du lectorat.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
91
C - Les effets insuffisants des aides à la diffusion
1 -
L’aggravation des difficultés du système de vente au numéro
a)
Un système de distribution au numéro issu de l'après-guerre et
tardivement réformé
La distribution de la presse au numéro repose sur les dispositions
de la loi du 2 avril 1947, dite « loi Bichet », qui garantit le pluralisme de
la presse. Si la loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation
du système de distribution de la presse a récemment adapté le système
existant, celui-ci reste en vigueur dans ses principes fondamentaux (voir
annexe n°5).
Le système français de distribution de la presse vendue au numéro
Sauf exceptions, les quotidiens nationaux et les magazines ont intégré
trois coopératives qu’ils ont créées : la coopérative des quotidiens et la
coopérative des magazines, qui détiennent toutes deux la société de
messagerie Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP) qui sont
à la fois une coopérative d’éditeurs de presse et une messagerie. Outre les
messageries de presse qui constituent le niveau 1 du dispositif de distribution
de la presse, le niveau 2, intermédiaire, est constitué de dépôts qui jouent un
rôle de grossistes au plan local, et le niveau 3, des diffuseurs (détaillants,
marchands de journaux).
Ce système constitue un modèle très particulier que l’on ne trouve
qu’en France. Tout en étant très encadré par la loi et le secteur lui-même (en
particulier le conseil supérieur des messageries de presse), en défendant un
principe de solidarité entre familles de presse et entre messageries et en
comportant des situations de monopole (les dépôts du niveau 2 ont
l’exclusivité de la distribution dans la zone qui leur est attribuée), il autorise
une concurrence entre les messageries.
Les éditeurs de la presse régionale et locale ont, au contraire, choisi
d’assurer eux-mêmes la distribution de leurs titres. Ils ne passent donc pas
par les deux premiers niveaux précédemment mentionnés et ont mis en place
un réseau de vente spécifique comprenant un réseau de dépositaires exclusifs
ainsi qu’un réseau de points de vente complémentaires à ceux utilisés par la
presse nationale et les magazines comprenant environ 20 000 points de vente.
La productivité insuffisante du système de distribution au numéro
de la presse quotidienne nationale et magazine, issu de la « loi Bichet » de
1947, apparaît manifeste depuis les années 2000 dans un contexte général
de baisse des ventes.
92
COUR DES COMPTES
Au niveau 1, celui des messageries de presse, le système issu de la
« loi Bichet » a longtemps fonctionné selon un schéma simple dans lequel
les Nouvelles Messageries de la Presse parisienne (NMPP), devenues
Presstalis en 2009, assuraient de fait un quasi-monopole de la diffusion
des quotidiens nationaux et des magazines. Le développement au plan
national des Messageries lyonnaises de presse (MLP), qui présentent des
coûts considérés comme moins élevés, a contribué à exacerber la
concurrence et à déséquilibrer ce schéma :
-
en raison des difficultés financières de Presstalis, plusieurs éditeurs
de magazines ont pris l’initiative, notamment en 2010 et 2011, de
quitter la coopérative des magazines et sa messagerie pour rejoindre
les MLP ;
-
le principe de mutualisation des coûts entre la presse quotidienne
nationale et la presse magazine, qui pouvait aisément être mis en
oeuvre dès lors qu’une seule messagerie assurait la totalité de la
distribution, ne peut plus fonctionner dès lors que l’autre messagerie,
les MLP, assure une partie de la distribution des magazines mais ne
distribue pas les quotidiens nationaux
31
.
Les difficultés de Presstalis sont liées d’abord aux contraintes
logistiques et d’urgence inhérentes à la distribution de la presse
quotidienne (travail de nuit, travail du dimanche et des jours fériés,
transports additionnels, gestion d’un « pic de traitement » à certaines
heures et schéma logistique particulier pour les quotidiens). Elles
résultent aussi de coûts de structure élevés, afférents notamment aux
conditions d’emploi et de rémunération propres à la presse parisienne,
ainsi qu’à une rationalisation et à une modernisation insuffisantes de son
réseau. Un rapport du cabinet Mazars du 20 juillet 2012, commandé par
le conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), a ainsi tenté
déterminer, dans l’activité de distribution de la presse quotidienne
nationale, les surcoûts imputables aux contraintes logistiques spécifiques
à la distribution de la presse quotidienne. Ce travail a servi de base à une
décision du CSMP de mutualiser ce coût entre les deux messageries, ce
qui a permis une amélioration des comptes de Presstalis mais reste à ce
jour contesté par les MLP. Il revient par ailleurs à Presstalis de réduire ses
coûts de structure dans le cadre de son plan de restructuration.
Le niveau 2, celui des dépôts, a fait l’objet, au cours des années
1990 et 2000, d’un resserrement très important – le nombre de dépôts
étant passé de 2 840 en 1987 à moins de 700 en 1995 et à 147 fin 2011.
31
Actuellement, Presstalis assure la diffusion de tous les quotidiens nationaux et
d’une majorité de titres de la presse magazine (environ les deux tiers), les Messageries
lyonnaises de presse distribuant environ le tiers des magazines.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
93
En 2013, il est constitué de 136 dépôts. Même si l’essentiel de l’effort de
productivité à ce niveau a été réalisé, des efforts complémentaires restent
à accomplir à court terme. Le schéma-directeur approuvé par le conseil
supérieur des messageries de presse le 26 juillet 2012 prévoit ainsi la
poursuite de cette évolution pour parvenir à 99 dépôts à la fin de 2014.
Enfin, le niveau 3, celui des diffuseurs de presse, souffre de
handicaps qui ont été rappelés lors des états généraux de la presse écrite :
-
la rémunération des marchands de journaux est une des plus faibles
d’Europe. Leur commission est comprise entre 15 et 18 % du prix de
vente, contre 18 à 20 % en Allemagne, 21 à 26 % au Royaume-Uni et
20 à 25 % en Espagne ; les états généraux ont considéré qu’il était
nécessaire d’accroître la rémunération du niveau 3 de trois à cinq
points, évolution qui n’est pas encore intervenue ;
-
le nombre de points de vente est assez faible, 30 000 marchands de
journaux (auxquels s'ajoutent toutefois les quelque 20 000 points de
vente supplétifs de la presse quotidienne régionale), soit en moyenne
2 000 habitants par point de vente, contre un peu plus de 1 000 au
Royaume-Uni, et 700 en Allemagne.
Le système issu de la loi Bichet a été conçu avant tout en faveur
des éditeurs de presse, qui contrôlent les messageries ainsi que la chaîne
de distribution. L’insuffisante rentabilité et les retards dans la
modernisation du niveau 1 et, à un degré moindre, du niveau 2, ont
empêché jusqu’à présent une rémunération plus favorable des acteurs du
niveau 3.
b)
La situation de Presstalis ne s’est toujours pas améliorée
Un plan de redressement pour la période 2012-2015 a été conclu
en octobre 2012 par Presstalis, les coopératives d’éditeurs de presse,
actionnaires de la société, et l’État. Il vise un retour à l'équilibre financier
de l’entreprise en 2015 dans un contexte de baisse structurelle du marché.
Il repose notamment sur une rationalisation des plates-formes logistiques
et des dépôts et devrait se traduire par des diminutions importantes
d’effectifs (950 départs envisagés sur un effectif de 2 150 à la fin 2012).
Dans ce cadre, l’État s’est engagé à augmenter l’aide à la
modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale de
15 M€ sur la période 2012-2013 et à mettre en place un prêt au titre du
fonds pour le développement économique et social (FDES) de 20 M€ sur
la même période. Le financement repose également sur des efforts
financiers consentis par les éditeurs de presse et sur un renforcement du
mécanisme de solidarité financière entre la presse quotidienne et la presse
94
COUR DES COMPTES
« magazine » (mécanisme de péréquation portant sur les surcoûts
inhérents à la distribution des quotidiens).
À la suite de la signature des accords d’octobre 2012, le président
du tribunal de commerce de Paris a constaté, par ordonnance du
31 décembre 2012, qu’il n’y avait pas lieu de prolonger le mandat
amiable
ad hoc
, les conditions de poursuite de l’exploitation de
l’entreprise étant réunies. La situation de Presstalis, en particulier sa
capacité à mettre en oeuvre les mesures sociales induites par les accords
d’octobre 2012, n’en suscite pas moins toujours des inquiétudes, comme
en témoignent les difficultés auxquelles cette société continue de se
heurter et qu’amplifie la persistance de mouvements sociaux affectant son
activité.
c)
L’aggravation de la situation des diffuseurs de presse
Les données globales relatives aux points de vente montrent que
les créations de points de vente ont été supérieures aux suppressions, mais
ce solde positif, élevé en 2007 et 2008, a fortement diminué depuis trois
ans. En outre, une analyse plus détaillée fait ressortir un changement de
nature des points de vente, avec un accroissement du nombre de points de
vente complémentaires, qui diffusent un nombre restreint de titres, au
détriment des points de vente spécialisés que l’État, comme le secteur de
la presse, cherche à préserver, voire à développer.
Graphique n° 4 : l’évolution du nombre total et des créations
nettes de points de vente de 2004 à 2012
Source : conseil supérieur des messageries de
presse (données Presstalis)
Source : conseil supérieur des messageries de
presse
S’agissant du pourcentage de rémunération des points de vente, le
secteur de la presse n’est pas parvenu à l’augmenter de manière notable
dans la mesure où les marges des deux premiers niveaux du système de
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
95
vente au numéro, et plus particulièrement de celles de Presstalis, ne se
sont pas redressées suffisamment. Il paraît improbable que des progrès
significatifs interviennent avant la fin du plan de restructuration de
Presstalis en 2015. En outre, les réflexions engagées par le conseil
supérieur des messageries de presse sur un allègement des contraintes
pesant sur les points de vente, notamment une limitation des quantités de
titres adressées par les éditeurs de presse, n’ont donné lieu que très
récemment à une première série de décisions.
2 -
Une progression limitée du portage dans les ventes par
abonnement
a)
Des objectifs quantitatifs incertains
Hormis la cible de l’indicateur 2.2 du programme 180, les objectifs
quantitatifs associés à la forte progression des crédits à la suite des états
généraux ont été, pour le moins, imprécis et incertains :
-
le « Livre vert » des états généraux a envisagé le doublement du
portage en sept ans, de 800 millions d’exemplaires à 1 600 millions
d’exemplaires ;
-
le rapport d’étape du 17 juin 2009, qui a suivi la mise en oeuvre des
décisions issues des états généraux, a retenu, pour les familles de
presse concernées par le fonds d’aide au portage, «
l’objectif de
porter entre 200 et 300 millions supplémentaires d’ici trois ans, soit
une augmentation de 33 %
»
.
Ces objectifs ambitieux au regard des progrès enregistrés à ce jour
n’ont jamais été repris par le ministère dans les différents documents
présentant sa politique, ni dans les documents budgétaires annuels.
b)
Des résultats modestes
S’agissant du nombre d’exemplaires portés, le tableau suivant
32
montre que sa progression annuelle est de l’ordre de 3 %, très en-deçà des
ambitions rappelées ci-dessus.
32
Pour 2011 : prévisions du projet annuel de performances 2012. Le projet annuel de
performances 2013 ne donne plus d’indication sur le nombre annuel d’exemplaires
portés. Les chiffres estimés ou réalisés pour 2012 et 2013 ne sont donc plus
disponibles.
96
COUR DES COMPTES
Graphique n° 5 : le nombre annuel d’exemplaires portés en
millions
2007
2008
2009
2010
2011
Nombre d'exemplaires
931
960
989
1025
1048
% de progression
3,0%
2,9%
3,5%
2,2%
Source : Cour des comptes (d’après les projets annuels de performances et le
rapport annuel de performance de la mission Médias, livre et industries
culturelles)
S’agissant de la place du portage par rapport à celle du postage,
un indicateur de performance du programme 180 et de la mission
Médias,
livre et industries culturelles
a été créé par la loi de finances initiale pour
2010. L’indicateur n° 2.2 mesure la part de la distribution par portage
dans l’ensemble de la presse distribuée sous forme d’abonnement
(portage et voie postale) pour la presse d’information politique et
générale
33
.
Ce ratio a certes progressé depuis les états généraux puisqu’il est
passé de 64 % en 2009 à 68,8 % en 2012 (chiffre provisoire figurant dans
le projet annuel de performances 2013). Cependant l’impact de la très
forte progression des aides au portage depuis 2009 est d’autant plus
incertain que, selon ce même indicateur, la place du portage progressait
déjà avant le plan triennal, passant de 60,1 % en 2007 à 61,1 % en 2008.
La tendance de long terme s’est donc poursuivie avec une certaine
accélération. La cible pour 2013, qui avait été fixée dans le projet annuel
de performances 2012 à 71,8 %, a d’ores et déjà été revue à la baisse dans
le projet annuel de performances 2013 à 70,1 %.
Si l’on se réfère aux données récentes de l’Association pour le
contrôle de la diffusion des médias (OJD) portant sur les familles de
presse d’information politique et générale, le constat est similaire. Pour
l’ensemble de la presse quotidienne, la diffusion annuelle de titres
payants par portage, qui était de 762,9 millions d’exemplaires en 2008, a
atteint 804,8 millions en 2012, soit une augmentation sur la période de
5,5 %.
En 2008, le portage représentait 34,8 % des exemplaires diffusés
contre 50,8 % vendus au numéro et 14,4 % vendus par abonnement. En
2012, le portage représentait 41,4 %, les ventes au numéro 45,5 %, les
ventes par abonnement 12,1 %, et la diffusion numérique 1 %, ce qui
témoigne d’une certaine progression de ce mode de diffusion. S’agissant
33
L’importance de la distribution par portage de la presse quotidienne régionale
explique que, pour l’ensemble de la presse d’information politique et générale, la part
du portage soit supérieure à celle du postage.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
97
de la presse quotidienne nationale (hors journaux du dimanche), cible
prioritaire en termes de développement du portage, celui-ci représentait
seulement 8,7 % de la diffusion en 2008, 11,4 % en 2010 et 12,5 % en
2012. Le portage de la presse quotidienne régionale et départementale,
qui représentait 44,7 % de la diffusion en 2008, a lui aussi légèrement
progressé en atteignant une proportion de 47,6 % en 2010 et de 50,8 % en
2012.
L’ensemble de ces données montre donc une progression limitée
de la place du portage par rapport aux autres modes de diffusion mais ne
rend pas compte, à due concurrence, de la progression très forte des
crédits alloués au fonds d’aide au portage de 2009 à 2011 (+ 775 %).
c)
Les conclusions de la récente étude d’impact du renforcement des
aides au portage pendant la période 2009-2011
L’étude rendue par le cabinet Arthur D. Little en mars 2013, à la
demande du ministère de la culture et de la communication, apporte les
éléments d’appréciation attendus sur l’efficacité de l’aide au portage.
Elle
conclut
d’une
manière
générale
que
cette
aide
a
principalement permis de renforcer marginalement plusieurs tendances
existantes, à savoir :
-
le développement des volumes portés ;
-
le développement du nombre de communes desservies, de 13 300
en 2008 à 15 900 en 2012 ;
-
le portage multi-titres par la presse quotidienne régionale.
L’étude observe néanmoins, comme le montre le graphique
suivant, que le développement du portage s’est fait au détriment du
postage et n’a donc pas permis de développer globalement l’abonnement.
98
COUR DES COMPTES
Graphique n° 6 : évolution des volumes postés et portés de
la presse quotidienne nationale (PQN) et de la presse quotidienne
régionale (PQR)
Source : étude d’impact de l’aide au portage sur les éditeurs de presse
quotidienne et les entreprises de portage – Arthur D. Little – Mars 2009
L’étude recommande plus particulièrement de mieux conditionner
les aides au portage à des objectifs opérationnels concrets qui seraient par
exemple de développer l’abonnement, d’augmenter les zones de
diffusion, de développer le portage multi-titres et de faciliter l’exercice
des activités de portage. Elle formule également des propositions de
modification de l’aide aux stocks et de l’aide aux flux.
D -
Une crise de la presse aggravée
La cessation de la publication de France Soir en décembre 2011 et
de la publication papier de La Tribune en janvier 2012, ou encore les
graves difficultés rencontrées par la société Presstalis, constituent des
signes visibles et récents de la crise à laquelle est confrontée la presse
écrite, et ce, malgré le soutien massif de l’État qui a pu contribuer à en
atténuer les conséquences.
Si cette crise peut être observée sur longue période dans les
principales séries statistiques du ministère
34
, il est incontestable qu’elle
34
Les données les plus récentes publiées par le ministère portent sur 2010 pour le
tirage et la diffusion et 2011 pour le chiffre d’affaires ; des statistiques plus récentes
devraient être publiées avant la fin du 1
er
semestre 2013.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
99
s’est fortement accrue à partir de 2008, sans qu’aucun signe de
redressement n’apparaisse depuis lors.
1 -
La chute du tirage et de la diffusion
La dégradation de la situation de la
presse écrite payante
remonte
au début des années 2000 comme le montre le graphique ci-après.
Graphique n° 7 : évolution 1990-2010 du tirage et de la
diffusion annuels
Ensemble de la presse et presse payante (en milliers d’exemplaires)
Source : Cour des comptes (d'après les chiffres définitifs de l’année 2010
pour la presse écrite - direction générale des médias et des industries
culturelles)
De 1990 à 2000, le tirage et la diffusion de la presse payante voient
leur niveau se maintenir autour de 6,5 milliards d'exemplaires imprimés
par an et de 5,25 milliards d'exemplaires diffusés (les exemplaires
diffusés représentent de l'ordre de 80 % du tirage). Depuis 2000,
s’agissant du tirage, et depuis 2001, s’agissant de la diffusion, la situation
se dégrade de manière continue : le nombre d’exemplaires imprimés a
chuté en 2010 à 5,32 milliards, soit une baisse de 17,5 % depuis 2000, et
le nombre d’exemplaires diffusés à 4,34 milliards (16,6 %). La baisse est
très marquée de 2008 à 2010 : - 368 000 000 exemplaires imprimés et
- 181 000 000 exemplaires diffusés.
Ce déclin de la presse payante a été pour l’essentiel compensé par
le développement de la presse gratuite d’information qui est apparue en
2002 avec trois titres. Ce nombre a augmenté régulièrement jusqu'à treize
en 2010 et la place de ce type de presse s'est accrue très rapidement
puisqu'elle représente environ un quart des exemplaires de la presse
d’information politique et générale depuis 2007. L'apport de la presse
gratuite d’information s'est traduit par une augmentation globale du
100
COUR DES COMPTES
nombre d'exemplaires diffusés jusqu'en 2007. Depuis lors, la presse
gratuite connaît à son tour une légère diminution de sa diffusion. Elle
représentait 638 667 000 exemplaires diffusés en 2010.
Les chiffres de la diffusion de la presse en 2012, rendus publics par
l’Association pour le contrôle de la diffusion des médias en mars 2013,
montrent une poursuite de la tendance des années précédentes, avec une
baisse de 3,8 % de la diffusion de la presse payante par rapport à 2011.
S’agissant de la presse gratuite d’information, ils montrent une poursuite
de la baisse de la diffusion : - 3,4 % par rapport à 2011.
2 -
La baisse du chiffre d’affaires liée à la chute des recettes de
ventes et à l’effondrement des recettes de publicité
Pendant la période 1990-2009, le chiffre d’affaires de la
presse
éditeurs
,
qui
inclut
la
presse
gratuite,
a
connu
trois
phases
distinctes, comme le montre le graphique suivant :
-
une forte progression jusqu’en 2000 en euros courants, de 6,25 Md€
annuels à 10,64 Md€ ;
-
une stabilisation de 2001 à 2007 à un niveau compris entre 10 et
11 Md€ ;
-
une chute forte à partir de 2008, le chiffre d’affaires passant de
10,86 Md€ en 2007 à 10,45 Md€ en 2008, 9,64 Md€ en 2009,
9,33 Md€ en 2010 et 9,15 Md€ en 2011.
L’évolution est similaire s’agissant plus particulièrement de la
presse payante.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
101
Graphique n° 8 : évolution 1990-2011 du chiffre d’affaires -
Presse éditeurs et presse payante (en milliers d’euros)
Source : Cour des comptes (d'après les données de la direction générale des
médias et des industries culturelles portant sur les exercices 1985-2009 et les
chiffres clés de l’année 2011)
En euros constants, la dégradation du chiffre d’affaires de la presse
éditeurs au cours de la dernière décennie apparaît plus forte encore. Pour
une base 100 en 2000, celui-ci se situe en 2011 à un niveau proche de 70.
Les deux principales ressources de la presse - les recettes de vente
et les recettes de publicité (publicité commerciale et petites annonces) -
ont connu des évolutions contrastées :
-
l’évolution des recettes provenant des ventes est assez comparable à
celle du chiffre d’affaires global de la presse ;
-
en revanche, les recettes de publicité connaissent une évolution plus
heurtée, avec trois phases de baisse intervenues en 1991, en 2001 et
en 2008. Le mouvement de baisse est particulièrement vif puisque les
recettes sont passées de 4,83 Md€ en 2007 à 4,56 Md€ et à 3,88 Md€
en 2009. L’amplitude du mouvement de baisse semble s’atténuer en
2010 (3,66 Md€) et 2011 (3,58 Md€).
Les chiffres les plus récents publiés par le ministère, qui portent
sur l’année 2011, confirment ces tendances : les recettes de vente
diminuent par rapport à 2010 de 1,81 % pour l’ensemble de la presse
éditeurs ; les recettes de publicité diminuent quant à elles de 2,16 %. En
euros constants, la baisse est encore plus importante. Pour une base 100
en 2000, les recettes de vente se situent à un niveau inférieur à 80 en
2010, alors que les recettes de publicité se situent à un niveau proche de
60.
102
COUR DES COMPTES
Les éditeurs de presse considèrent la baisse des recettes
publicitaires comme irréversible dans la mesure où ce marché est
désormais partagé avec les nouveaux médias, en particulier ceux qui sont
liés à Internet.
3 -
Une évolution contrastée de la situation des différentes
familles de presse
a)
Les difficultés particulières de la presse d’information politique et
générale
Les phénomènes observés pour l’ensemble de la presse éditeurs ou
de la presse payante sont accentués pour la presse nationale d’information
politique et générale (IPG). La part relative de celle-ci dans le chiffre
d’affaires global de la presse éditeur a fortement diminué entre 1990 et
2010, passant de 19,3 % à 14,1 % (elle remontait toutefois à 14,6 % en
2011).
En euros courants, le chiffre d’affaires de la presse nationale IPG a
fortement diminué depuis 2000, passant de 1,78 Md€ à 1,31 Md€, soit un
niveau également inférieur à celui de 1990 (1,48 Md€). On note
néanmoins une certaine stabilisation, voire une légère progression en
2011 (1,34 Md€). En euros constants, la baisse est encore plus marquée
puisqu’il chute d’un indice base 100 en 2000 à un indice de 61 en 2010 et
61,6 en 2011 ; il se situait à un indice 108,2 en 1990.
Pour sa part, le chiffre d’affaires de la presse régionale et locale
d’information politique et générale n’a pas connu, en euros courants, la
même dégradation que celle de la presse nationale IPG. Après une
progression au cours des années 1990 de 2,31 Md€ à 2,96 Md€, il s’est
ensuite stabilisé à un niveau proche de 3 Md€ : 2,96 Md€ en 2010 et
2,95 Md€ en 2011. Il baisse cependant en euros constants puisqu’il passe
d’un indice base 100 en 2000 à un indice de 81,6 en 2011.
Les chiffres de la diffusion de la presse en 2012 de l’OJD font état
d’une baisse de 3,6 % de la presse quotidienne en 2012 par rapport à
2011. Malgré une année riche en évènements nationaux et internationaux
d’importance qui auraient pu soutenir la diffusion, elle est plus forte pour
la presse quotidienne nationale payante (- 7,8 %). La presse quotidienne
gratuite d’information (-3,4 %) et la presse quotidienne régionale et
départementale (- 2,3 %) résistent mieux dans une tendance qui reste
néanmoins baissière.
UNE POLITIQUE AUX RÉSULTATS PEU PROBANTS
103
b)
Le reste de la presse aussi en difficulté
La presse magazine connaît aussi des difficultés en 2012 selon les
données de l’OJD avec une baisse globale de 4,4 % de la diffusion mais
des différences importantes selon les familles concernées : - 2,5 % pour
les «
news
»
36
, - 3 % pour la presse pour adolescents, - 3,4 % pour la
presse féminine et pour la presse de télévision, pour les familles qui
résistent le mieux, et - 33,5 % pour la presse informatique.
D’une manière générale, les données relatives à la diffusion et au
chiffre d’affaires précédemment rappelées concordent sur le constat d’une
aggravation de la crise du secteur, particulièrement marquée depuis 2008
et qui affecte l’ensemble des familles de presse, même si la presse
quotidienne nationale d’information politique et générale apparaît comme
la plus touchée. Aucune amélioration n’a été observée en 2012.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
En définitive, les aides à la presse se sont révélées peu efficaces.
Ces résultats décevants s’expliquent par de nombreux facteurs : effets
contradictoires, chiffrages initiaux défectueux, logique de « guichet »,
ciblage insuffisant.
Outre ces défauts de conception, la plupart des aides présentent
des résultats très en deçà des attentes et des moyens engagés. Les aides à
la modernisation ne paraissent pas avoir suffisamment incité les
entreprises à engager leurs nécessaires mutations technologiques. En
tout état de cause et comme en témoigne la décroissance du tirage et de
la diffusion, la crise de la presse persiste et s’accroît, en dépit des moyens
engagés par l’État.
Au regard de ces analyses, il paraît judicieux de renforcer encore
le ciblage des aides à la presse écrite sur les titres présentant le plus
d’enjeux en termes de défense du pluralisme, et d’accentuer le soutien
aux projets les plus stratégiques et les plus innovants, cette démarche
étant d’ores et déjà amorcée par les Pouvoirs publics.
Pour
accompagner
cette
évolution,
la
Cour
formule
les
recommandations suivantes :
5.
privilégier à l’avenir en faveur du portage une aide au flux qui
serait limitée à la période nécessaire au décollage de cette
activité ;
36
Hebdomadaires consacrés à l’actualité politique, économique, sociale ou culturelle.
104
COUR DES COMPTES
6.
encourager la transition du postage vers le portage par un
rééquilibrage des tarifs de ces deux modes de distribution,
obtenu par une baisse de l’aide au transport postal et la
poursuite après 2015 de la hausse des tarifs du transport postal ;
7.
mieux moduler le calcul de l’aide aux quotidiens nationaux
d’information
politique
et
générale
à
faibles
ressources
publicitaires en fonction du pourcentage de recettes publicitaires
et du nombre d’exemplaires diffusés ;
8.
mettre fin à la sous-budgétisation de la mesure d’exonération de
cotisations sociales dans le cadre du portage de la presse
(actuelle sous-action 1.4 du programme 180) en tenant compte
du niveau des dépenses réelles ;
9.
réaliser périodiquement, par exemple tous les trois ans, des
études permettant d’apprécier les niveaux de rentabilité
respectifs des différentes familles de presse, et en particulier de
celles relevant de la presse d’information politique et générale.
Chapitre III
Des ajustements insuffisants au regard
des enjeux
I
-
La réforme inachevée de la gouvernance
A - Une réforme tardive
La gouvernance des aides à la presse a constitué l’un des huit
chantiers identifiés par les états généraux de la presse de 2008 sous
l’intitulé
Repenser la gouvernance des aides publiques autour d’une
réflexion prospective
. Cette question a été abordée par plusieurs rapports
concomitants au plan d’aide à la presse de 2009 à 2011. Malgré ces
réflexions nourries, la question a fait l’objet de décisions tardives et, en
tout état de cause, postérieures au lancement du plan triennal d’aide.
Il a fallu attendre 2012 pour que de premières réponses y soient
apportées avec le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme
des aides à la presse et au fonds stratégique pour le développement de la
presse. La mise en oeuvre de ce texte n’a pas toutefois épuisé la question
de la gouvernance des aides à la presse puisqu’un groupe de réflexion a
été mis en place en janvier 2013 afin de refonder cette politique publique.
106
COUR DES COMPTES
1 -
L’absence de réforme à la suite des états généraux
Une mission de réflexion destinée à repenser la gouvernance des
aides publiques à la presse a été confiée à M. Aldo Cardoso en juin 2009.
Au vu des premiers constats de la mission, il est apparu nécessaire
d’établir au préalable un diagnostic de l’impact socio-économique des
aides à la presse. Ce travail a été confié en septembre 2009 à l’inspection
générale des finances.
Le rapport de l’inspection, déposé en décembre 2009 par
MM. Bruno Mettling et David Lubek, met en lumière une répartition très
hétérogène des aides entre les différents titres de presse. Il montre que
certaines aides sont concurrentes (aides au portage et au transport postal),
induisent des effets contre-productifs (soutien aux imprimeries dans un
contexte de baisse de la diffusion sur support papier) ou souffrent d’une
absence de ciblage (guichet des aides à la presse en ligne).
S’appuyant sur ce diagnostic, le rapport de la mission Cardoso,
intitulé
La gouvernance des aides publiques à la presse
, a été déposé en
septembre 2010. Il souligne que la stratification des dispositifs et la
diversité des bénéficiaires empêchent une réelle gouvernance des fonds
publics. Il relève l’insuffisante expertise des services administratifs pour
apprécier les stratégies d’investissement des entreprises, mais aussi la
faiblesse des indicateurs associés aux financements, ce qui ne permet pas
une véritable évaluation de l’efficacité des aides publiques. Le rapport se
prononce en faveur d’un pilotage plus global des aides à la presse avec la
création d’un fonds stratégique de la presse destiné à coordonner les
différentes aides à la modernisation.
En janvier 2011, soit cinq mois après la publication du rapport
Cardoso, le ministre de la culture et de la communication a installé une
instance de concertation professionnelle chargée de définir les modalités
de réforme de la gouvernance des aides publiques à la presse. Cette
instance a réuni les représentants des différentes familles de presse écrite
et numérique bénéficiaires des aides, ainsi que des personnalités
qualifiées.
Les conclusions de cette concertation, remises en juillet 2011,
s’articulent autour de trois grands axes : une gouvernance rénovée, des
instruments plus efficaces et un partenariat renouvelé. Dans ce cadre, les
mesures suivantes ont été proposées : création d’une conférence des
éditeurs de presse, mise en oeuvre d’une évaluation régulière des
différents systèmes d’aide, renforcement des moyens de contrôle,
publication annuelle des montants des aides attribuées, création d’un
fonds stratégique fusionnant le fonds d’aide à la modernisation et le fonds
d’aide au développement des services de presse en ligne, mise en place
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
107
d’un conventionnement triennal pour les titres de presse bénéficiant des
aides de l’État les plus importantes.
2 -
Le décret du 13 avril 2012 : une première étape vers une
réforme de la gouvernance
Ces propositions ont débouché sur la parution du décret
n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et
au fonds stratégique pour le développement de la presse. Ce texte reprend
les préconisations de la concertation de 2011 et prévoit notamment la
création de la conférence nationale des éditeurs de presse, celle du fonds
stratégique pour le développement de la presse ainsi que la mise en place
d’une contractualisation entre l’État et les entreprises les plus soutenues.
En définitive, le processus qui, depuis les états généraux de 2008,
n’a abouti que quatre ans après, avec le décret du 13 avril 2012, conduit à
s’interroger sur la logique qui a prévalu pour engager un plan d’aide à la
presse d’un coût budgétaire élevé, avant d’avoir décidé des mesures
d’amélioration de la gouvernance. Il aurait probablement été plus
rationnel, du point de vue de l’économie des deniers publics, de s’assurer
d’abord de la pertinence et de la cohérence des différentes aides à la
presse avant de décider une aussi forte augmentation des dépenses
publiques. S’il était urgent de répondre à une situation de crise, il reste
que le plan de soutien a été mis en oeuvre sans en corriger les défaillances
qui pourtant avaient été mises en lumière, dès 2009, par le rapport de
l’inspection générale des finances.
En outre, si les mesures retenues dans le cadre du décret du
13 avril 2012 constituent un progrès très notable dans l’amélioration de la
gouvernance des aides à la presse, leur mise en oeuvre, plus d’un an après,
n’est que très partielle.
B - Des réalisations encore modestes à ce jour
1 -
Les instances : le chemin étroit entre la cogestion et le
renforcement du pilotage par l’État
La réforme de la gouvernance des aides à la presse de 2012 s’est
tout d’abord attachée à revoir le cadre institutionnel chargé de la
régulation des aides à la presse : création d’une instance annuelle de
concertation entre l’État et le secteur de la presse, réforme du conseil
supérieur des messageries de presse (CSMP). Si cette réorganisation est
trop récente pour être parfaitement appréciée, elle ne remet pas
fondamentalement en cause le principe d’une cogestion entre l’État et le
108
COUR DES COMPTES
secteur de la presse, limitant de fait les prérogatives de la puissance
publique pour affirmer ses priorités stratégiques.
a)
Un secteur marqué par une certaine cogestion
De manière traditionnelle, la politique d’aide à la presse fait l’objet
d’un certain degré de cogestion, les professionnels du secteur étant
associés à plusieurs instances. Des représentants du secteur sont ainsi
membres de la commission paritaire des publications et des agences de
presse (CPPAP), chargée de délivrer les agréments aux titres de presse et
aux titres d’information politique et générale susceptibles de recevoir des
aides de l’État. Ils siègent également dans les comités d’orientation des
fonds qui attribuent les aides à la modernisation.
Cette association étroite du secteur présente les avantages et
inconvénients habituels de schémas de ce type. Elle permet utilement
d’éclairer l’administration sur les aspects les plus techniques de la
production et de la diffusion de la presse, et de faciliter l’acceptation par
le secteur professionnel des décisions prises. Cependant, l’examen des
décisions prises par les fonds de modernisation successifs montre qu’elle
peut conduire à des décisions de compromis tendant à une certaine
répartition
des
aides
à
l’ensemble
des
familles
de
presse,
indépendamment de la qualité intrinsèque des dossiers.
b)
La création d’une instance annuelle de concertation entre l’État et
le secteur de la presse
Le rapport Cardoso avait recommandé d’unifier la gouvernance
des aides à la presse afin de
«
créer les conditions d’un pilotage effectif
du dispositif
»
.À cet effet, il proposait, d’une part, l’organisation d’une
conférence annuelle au cours de laquelle serait présentée et discutée la
stratégie d’intervention de l’État et, d’autre part, la création d’un forum
permanent, lieu d’échanges réguliers favorisant la confrontation et
l’expression des points de vue, la transparence, la lisibilité et
l’acceptabilité du processus de décision. La création d’une conférence
annuelle a été reprise par l’instance de concertation réunie au premier
semestre 2011 qui a proposé la création d’une conférence des éditeurs de
presse.
Ces propositions ont trouvé une concrétisation dans l’article 7 du
décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la
presse et au fonds stratégique pour le développement de la presse qui
retient le principe d’une réunion annuelle avec les représentants du
secteur de la presse. En revanche, la proposition de création d’un forum
permanent ne figure pas dans le décret.
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
109
Le Gouvernement a opté pour une formule de concertation assez
souple et peu formalisée. En effet, si le décret mentionne le principe de
réunions périodiques et en définit l’objet, il ne crée pas une instance
précisément nommée ; l’appellation « conférence des éditeurs », qui était
généralement employée, n’est du reste pas retenue explicitement dans le
décret.
La direction générale des médias et des industries culturelles, qui
avait initialement envisagé de réunir cette instance en fin d’année 2012, a
estimé préférable de repousser cette échéance dans l’attente des résultats
du groupe de réflexion sur la refondation des aides à la presse constitué
début 2013. L’annonce de mesures de réforme des aides à la presse étant
intervenue, l’instance pourrait être réunie prochainement.
Il n’en demeure pas moins que plus d’un an après la parution du
décret, l’une de ses principales mesures n’est toujours pas effective.
c)
La réforme du conseil supérieur des messageries de presse et la
création d’une autorité de régulation
Le conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) a été créé
en 1947 par la loi du 2 avril 1947, dite « loi Bichet », comme l'autorité
garante du pluralisme de la presse et de l'impartialité de sa distribution.
La réforme de ce conseil a constitué l’un des objectifs définis par
le Président de la République dans son discours de clôture des états
généraux de 2008. Il préconisait le remplacement du conseil par une
nouvelle instance réellement indépendante avec une composition
renouvelée, dotée de compétences effectives, chargée de concilier une
distribution efficace de la presse et le respect du pluralisme, de veiller à
ce qu’aucun éditeur ne fasse l’objet de mesures arbitraires et de garantir
des conditions concurrentielles saines entre les acteurs.
Afin de préciser les contours de cette réforme, le Gouvernement a
sollicité M. Bruno Lasserre, président de l’autorité de concurrence. Celui-
ci a recommandé la création d'une autorité administrative indépendante
sous la forme d'un collège resserré de cinq membres, seul cadre adapté
permettant selon lui d’exercer à la fois une mission de régulation
sectorielle efficace et une mission de règlement incontestable des
différends.
Toutefois, ce schéma n’a pas été retenu par le Gouvernement en
raison de l’hostilité des professionnels qui auraient été en partie écartés
du dispositif : les membres du collège n'auraient eu aucun lien avec les
intérêts du secteur, les professionnels n’intervenant qu'au sein de
110
COUR DES COMPTES
commissions consultatives statutaires et de groupes de travail pour
préparer les décisions de l'instance collégiale.
Le Gouvernement a donc opté pour un dispositif à deux « étages »
qui a été instauré par la loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la
régulation du système de distribution de la presse : une instance
professionnelle rénovée (le conseil supérieur des messageries de
presse), et une nouvelle autorité administrative, l’Autorité de régulation
de la distribution de la presse (l’ARDP), composée de trois magistrats,
appelée à donner force exécutoire aux décisions du conseil supérieur des
messageries de presse et à arbitrer les différends professionnels que celui-
ci n’aurait pu préalablement concilier.
La loi a fait du conseil supérieur des messageries de presse une
instance professionnelle dotée de la personnalité morale dont les missions
générales sont redéfinies et les compétences renforcées. Cette instance
n'est plus composée que de professionnels, assistés d'un commissaire du
Gouvernement (représentant de la direction générale des médias et des
industries culturelles). Quant à l’Autorité de régulation de la distribution
de la presse (ARDP), elle est indépendante de l’instance professionnelle,
et son pouvoir couvre aussi bien le règlement des différends que la
validation des normes de portée générale édictées par le conseil.
Le nouveau conseil reste cantonné dans le domaine de la
distribution de la presse au numéro. Il ne répond donc pas à l’une des
propositions du rapport Cardoso qui suggérait de développer une vision
d’ensemble des sujets relatifs à la distribution de la presse d’information.
La première délibération de l’Autorité de régulation de la
distribution de la presse, le 10 janvier 2012, a eu un certain retentissement
puisqu’elle a rendu partiellement exécutoire la décision n° 2011-03 du
22 décembre 2011 du conseil qui portait principalement sur la situation de
Presstalis.
Sans porter d’appréciation sur le fond de ce dossier, il peut être
observé que le positionnement respectif des deux instances a été conforté,
l’ARDP jouant pleinement son rôle. Depuis lors, au vu des sujets traités
depuis un an et demi, le dispositif paraît beaucoup plus performant que le
précédent, ce qui justifie pleinement la réforme conduite en 2011.
Le rapport d’avril 2013 sur la refondation des aides à la presse
recommande d’unifier la régulation sectorielle (CSMP et ARDP) afin de
rendre celle-ci
«
plus puissante et plus efficace
»,
c'est-à-dire d’évoluer
vers la solution initialement proposée par M. Bruno Lasserre. Afin de
corriger les quelques défauts actuels du dispositif - d’une part la longueur
des procédures alors que la crise du secteur appelle le plus souvent des
décisions rapides, d’autre part, la difficulté pour le conseil supérieur des
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
111
messageries de presse, instance issue du secteur de la presse, à apparaître
totalement indépendante dans ses décisions, quelle que soit la qualité de
son travail - plusieurs solutions sont à l’étude. Elles vont du simple
renforcement des pouvoirs de l’ARDP dans un schéma qui resterait à
deux étages à une fusion des deux instances. En tout état de cause, un
bilan approfondi de l’architecture actuelle devra précéder toute
modification substantielle du dispositif existant.
2 -
La transparence : des progrès à conforter
La transparence de la politique d’aide à la presse écrite passe
d’abord par une bonne information budgétaire. À cet égard, des avancées
significatives peuvent être constatées depuis 2010 : en réponse aux
observations formulées par la Cour, la justification au premier euro
figurant dans les documents budgétaires annexés au projet de loi de
finances explicite désormais la méthode de calcul ayant permis de
déterminer le montant des crédits demandés.
Par ailleurs, la Cour a critiqué chaque année depuis 2008 le choix
de scinder l’aide au transport postal en deux dotations inscrites dans des
programmes
budgétaires
relevant
de
ministères
différents
37
.
Ses
recommandations ont été suivies d’effet : la loi de finances initiale pour
2013 a procédé au regroupement de l’ensemble des crédits d’aide au
transport postal au sein du programme 180 -
Presse
.
La transparence de la politique publique en faveur de la presse
passe tout autant par une information sur le montant des aides octroyées.
Or le dispositif des aides d’État à la presse s’est historiquement
caractérisé par son absence d’information publique sur les montants
accordés aux différents éditeurs et titres de presse.
Depuis les états généraux, les professionnels, mais aussi l’État, ont
progressivement admis la nécessité de corriger cette anomalie. La
publication du montant des aides à la presse attribuées à chaque éditeur
de presse a toutefois suscité des interrogations juridiques qui ont été
levées par un avis du 11 mars 2010 de la commission d'accès aux
documents administratifs (CADA). Cette instance a considéré que les
documents relatifs aux aides à la presse étaient communicables à toute
37
Le programme 180 -
Presse
de la mission
Médias
, pour un montant de 83 M€ en
autorisation d’engagement et crédit de paiement en loi de finances initiale pour
2008 et de 80 M€ en loi de finances initiale pour 2012 ; le programme 134 -
Développement des entreprises et de l’emploi
de la mission
Economie
pour un
montant de 159 M€ en autorisation d’engagement et crédit de paiement en loi de
finances initiale pour 2008 et de 152 M€ en 2012.
112
COUR DES COMPTES
personne qui en fait la demande, après occultation des mentions couvertes
par le secret en matière industrielle et commerciale, telles que le détail
des matériels subventionnés. En revanche, elle a estimé que le montant et
la nature des subventions accordées sont communicables, dès lors que ces
données permettent aux citoyens d'apprécier l'utilisation des deniers
publics.
L’instance de concertation sur la gouvernance des aides à la presse
de 2011 a proposé que chacune des aides fasse l'objet d'un rapport annuel
précisant le nom des bénéficiaires et les montants alloués à chacun d'eux.
Cette recommandation a été reprise le décret du 13 avril 2012 qui indique
dans son article 7 que la future instance réunissant les représentants du
secteur de la presse et de l’État se fera communiquer un état annuel du
montant des aides directes ou indirectes à la presse et leur ventilation par
bénéficiaire, dans le respect du secret des affaires, ainsi que les
conclusions des contrôles et des évaluations réalisés au cours de l’année
écoulée.
La direction générale des médias et des industries culturelles a mis
progressivement en ligne sur son site Internet les montants des aides
directes par bénéficiaire pour l’année 2012 et en a averti l’ensemble des
syndicats de presse. Si cette initiative témoigne d’un effort récent de
transparence, il reste que cette publication est réalisée sous la forme de
tableaux distincts pour chaque aide gérée par la direction générale des
médias et des industries culturelles et ne consolide donc pas l’ensemble
des soutiens directs, ni
a fortiori
les soutiens indirects consentis par les
pouvoirs publics.
3 -
La contractualisation : un dispositif à élargir
La signature de documents contractuels entre l’État et les
entreprises bénéficiaires d’aides à la presse est récente. En 2010, soit
après une décennie de fonctionnement, le fonds de modernisation de la
presse s’est doté d’une convention-cadre type précisant les objectifs à
atteindre et les indicateurs de suivi. S’agissant du fonds d’aide à la presse
en ligne, une démarche similaire a été adoptée et, depuis 2010, les
entreprises de presse doivent compléter une grille d’évaluation et la
joindre à leur dossier de demande de paiements sur convention.
Avec la publication du décret du 13 avril 2012, le ministère de la
culture et de la communication a étendu le recours aux conventions-
cadres. Ces dernières doivent comporter des annexes sur le contexte
économique, social et industriel, la stratégie de développement des
entreprises, les objectifs poursuivis par les projets pour les trois années à
venir. En raison des données confidentielles qu’elles peuvent contenir, les
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
113
conventions ne sont pas publiées par la direction générale des médias et
des industries culturelles.
Le dispositif retenu constitue donc une étape positive dans la
définition d’objectifs partagés entre l’État et les éditeurs. Le périmètre des
conventions-cadres demeure cependant trop limité. D’une part, ces
conventions ne portent que sur les aides du fonds stratégique pour le
développement de la presse, et le tableau en annexe qui récapitule
l’ensemble des aides directes et indirectes dont le titre de presse signataire
a bénéficié au cours de la période récente regroupent des données qui ne
sont qu’indicatives. D’autre part, les conventions-cadres ne concernent
que les principaux bénéficiaires d’aides, à savoir les entreprises de presse
ou les services de presse en ligne remplissant l'une des trois conditions
fixées par le décret
38
. À ce jour, 51 titres remplissent ces conditions.
En mars 2013, on comptait seulement 15 conventions-cadres en
vigueur (certaines couvrant des groupes éditant plusieurs titres), deux en
cours de signature et quatre en cours de rédaction, soit en tout environ
40 % des titres susceptibles d’être signataires. L’effort doit être poursuivi
en 2013 pour couvrir l’ensemble des titres concernés.
Le ministère de la culture et de la communication doit désormais
également assurer le suivi de ces conventions-cadres. Ces dernières
entraînent trois tâches nouvelles : leur préparation ; l’examen périodique
de leur mise en oeuvre ; le contrôle ou l’évaluation de leurs résultats.
Conformément au décret du 13 avril 2012 qui aborde, dans son article 2,
les modalités d’évaluation des conventions-cadres, cette dernière activité
impose à la direction générale des médias et des industries culturelles de
demander chaque année aux éditeurs concernés un compte rendu
d’exécution des projets. Un rapport d’exécution doit être dressé six mois
avant l’échéance de la convention-cadre afin de préparer, le cas échéant,
son renouvellement. Enfin un rapport final d’exécution est prévu.
Ces nouvelles procédures devront être mises en oeuvre au fur et à
mesure de la montée en charge des conventions-cadres, mais une question
se pose d’ores et déjà sur le degré d’expertise que les services
administratifs devront atteindre pour apprécier les informations très
techniques qui sont contenues dans ces documents. Il serait souhaitable
que des experts soient associés au suivi des conventions-cadres.
38
Avoir bénéficié d'un montant d'aides supérieur à 1,5 M€ en moyenne annuelle sur
les trois années précédant la demande d'aide ; avoir bénéficié d'un montant d’aides
représentant un taux d'au moins 20 % du chiffre d'affaires du titre et supérieur à
0,5 M€ en moyenne annuelle sur les trois années précédant toute nouvelle demande
ou bénéficier au cours de l'année civile d'une aide supérieure à 1,5 M€ au titre du
fonds stratégique pour le développement de la presse.
114
COUR DES COMPTES
Enfin, une extension de ce dispositif paraît nécessaire et la
direction générale des médias et des industries culturelles envisage à ce
titre d’abaisser le montant global d’aides reçues qui conditionne
aujourd’hui leur signature.
4 -
La globalisation : le fonds stratégique pour le développement de
la presse
Le décret du 13 avril 2012 relatif à la réforme de la gouvernance
des aides à la presse a créé un nouveau fonds stratégique pour le
développement de la presse (FSDP). Cette mesure reflète une volonté de
surmonter les cloisonnements qui existaient entre les différents dispositifs
consacrés à la modernisation de la presse. En effet, ce fonds fusionne
plusieurs aides antérieures : le fonds de modernisation de la presse
quotidienne et assimilée d’information politique et générale, le fonds
d’aide au développement des services de presse en ligne, ainsi que la
deuxième section du fonds d'aide à la distribution et à la promotion de la
presse française à l'étranger.
Doté d’un comité d’orientation qui émet un avis sur les décisions
d’attribution d’aides, le fonds stratégique pour le développement de la
presse comporte trois sections respectivement consacrées au soutien des
opérations de mutation et de modernisation industrielles, des projets de
développement et d'innovations technologiques des services de presse en
ligne, enfin, des projets de conquête de nouveaux lectorats.
Le fonds stratégique pour le développement de la presse est
davantage orienté vers la presse d’information politique et générale que
les anciens fonds auxquels il a succédé. Sa première section est consacrée
à cette famille de presse mais s’adresse également aux titres apportant
régulièrement des informations et des commentaires sur l'actualité de
l'ensemble des disciplines sportives, ainsi qu’aux quotidiens gratuits
d’information politique et générale. La deuxième section garantit, à la
différence de l’ancien fonds d'aide au développement des services de
presse en ligne, que la presse d’information politique et générale devra
bénéficier
d’au
moins
80 %
du
montant
global
des
aides
au
développement de la presse en ligne. En outre, le fonds stratégique pour
le développement de la presse vise à recentrer les aides sur les projets
innovants en termes technologiques. Le principe général est que les
dépenses correspondant à la gestion normale des entreprises ne sont plus
prises en compte. Les dépenses de simple maintenance technologique ne
sont pas prises en charge, car les projets soutenus doivent constituer un
véritable saut technologique. Sont désormais exclues les rémunérations
des journalistes.
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
115
Le fonds d'aide au développement des services de presse en ligne
n’en demeure pas moins limité dans son périmètre puisqu’il ne prend pas
en compte les aides à la diffusion, les aides au pluralisme, ni même les
crédits liés à la modernisation sociale qui relèvent pourtant de
préoccupations voisines. L’organisation du fonds stratégique pour le
développement de la presse en sections présente le risque d’un
fonctionnement séparé de ces dernières, le décret d’avril 2012 prévoyant
que leurs crédits fassent l’objet d’une ventilation initiale par la direction
générale des médias et des industries culturelles, même si cette répartition
peut évoluer en cours d'année en fonction des besoins. En tout état de
cause, le comité d’orientation du fonds stratégique a, lors de ses
premières séances courant 2012, examiné les projets des entreprises au
sein de ces différentes sections et ne s’est pas encore réuni en formation
plénière, ce qui pourrait pourtant favoriser un examen plus global des
dossiers.
Le périmètre d’action du fonds stratégique pour le développement
de la presse présente l’inconvénient de ne pas coïncider avec celui que le
décret de 2012 a défini en matière de procédures de contrôle et
d’évaluation. En effet, ces dernières doivent porter simultanément sur
l’ensemble des aides, et non plus sur des dispositifs examinés isolément.
Le risque pour le fonds stratégique pour le développement de la presse est
donc de se fonder sur la seule expertise technique des dossiers présentés
par les entreprises, sans prendre en compte les résultats des contrôles et
des évaluations qui concerneront l’ensemble des aides, y compris d’ordre
social, dont bénéficient ces mêmes entreprises. Enfin, le fonds stratégique
pour le développement de la presse n’a aucun droit de regard sur les
opérations capitalistiques que l’État encourage par d’autres canaux (fonds
stratégique
d’investissement
(FSI),
comité
interministériel
de
restructuration industrielle (CIRI)).
Les
moyens
d’intervention
du
fonds
stratégique
pour
le
développement de la presse peuvent paraître limités au regard des enjeux
technologiques de la presse. En 2012, le fonds a disposé en gestion de
28,6 M€, alors que 38,3 M€
avaient été inscrits en loi de finances initiale.
En fait, dans le cadre de la recherche de réduction des aides à la presse, le
fonds stratégique pour le développement de la presse a été sollicité de
façon importante. De même, pour 2013, si 33,48 M€ ont été inscrits en loi
de finances initiale, les crédits s’élèvent à 21,50 M€ après mesure de
surgel.
S’agissant des aides attribuées en 2012, l’essentiel des crédits ont
été mobilisés par des dossiers qui étaient antérieurs à la création du fonds
stratégique pour le développement de la presse. Au titre de la première
section, 17,5 M€ ont été payés sur des engagements pris au titre de
116
COUR DES COMPTES
l’ancien fonds de modernisation de la presse, contre seulement 0,1 M€
payés sur des engagements pris au titre du nouveau fonds stratégique pour
le développement de la presse. De même, 5,6 M€ ont été acquittés sur des
engagements pris au titre de l’ancien fonds stratégique pour le
développement de la presse, contre seulement 0,2 M€ payés sur des
engagements pris au titre de la deuxième section du fonds stratégique
pour le développement de la presse. Aussi est-il difficile de se prononcer
sur l’efficacité du nouveau fonds.
Toutefois, des évolutions sont d’ores et déjà tangibles si l’on
examine la nature des nouveaux dossiers qui ont été acceptés par les
sections du fonds stratégique pour le développement de la presse.
S’agissant de la première section, 72 % des dossiers financés en
2012 ont concerné des projets de modernisation dans le domaine de la
fabrication. Dans ce cadre, le fonds a notamment eu à traiter les
demandes du groupe Ouest-France concernant le remplacement de
rotatives. La modernisation des rédactions n’a mobilisé que 5,4 % des
aides.
S’agissant de la deuxième section, les dépenses relatives aux
équipements et aux développements informatiques ont représenté 88 %
des aides versées, alors qu’en 2010 et 2011 près du tiers des dépenses de
l’ancien fonds SPEL avait été mobilisé par la rémunération de
journalistes. Comme l’a indiqué le président du comité d’orientation du
FSDP, ces dépenses ont souvent concerné l’équipement des équipes de
rédaction en tablettes ou en téléphones intelligents («
smartphones
») ou
la mise en place d’installations permettant la production de vidéos, alors
qu’il aurait pu sembler préférable d’inciter les entreprises à moderniser
leur ligne éditoriale.
S’agissant de la troisième section, 87 % des subventions accordées
ont été consacrées aux projets de développement du lectorat à l’étranger.
L’examen des titres ayant bénéficié d’aides en 2012 fait apparaître
que le recentrage du fonds stratégique sur la presse d’information
politique et générale a été effectif en ce qui concerne la première section.
En effet, 84,4 % des aides allouées ont bénéficié à cette famille de presse.
Cette évolution est moins nette s’agissant de la deuxième section qui a
financé des projets de développement de sites en ligne dont l’intérêt paraît
limité en termes de pluralisme : subvention de 182 777 € accordée au site
paris-turf.com consacré aux courses hippiques, subvention de 81 282 €
accordée globalement à plusieurs sites parmi lesquels figurent Voici.fr ou
Gala.fr relevant de la presse de divertissement consacrée aux célébrités.
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
117
5 -
Le contrôle, l’évaluation et la connaissance économique du
secteur : des avancées insuffisantes
a)
Des moyens de contrôle limités
Jusqu’à la publication du décret du 13 avril 2012, seuls le fonds de
modernisation de la presse et le fonds de modernisation sociale de la
presse quotidienne étaient dotés de commissions de contrôle. Ce
dispositif lacunaire était également d’une portée limitée.
S’agissant du fonds de modernisation, sa commission de contrôle
était composée d’un membre de la Cour des comptes qui en assurait la
présidence, d’un représentant du ministre de l’économie et des finances et
d’un représentant du ministre chargé de la communication. La présence
de ce dernier constituait une anomalie dès lors qu’il appartenait à
l’administration gestionnaire des crédits. La commission devait remettre
chaque année au ministre de la culture et de la communication un rapport
mesurant l’impact économique, financier et social des aides accordées par
le fonds. Elle pouvait faire appel, de façon ponctuelle, à des organismes
extérieurs afin d'évaluer l'impact des aides à la presse. Les contrôles
étaient réalisés par des experts rémunérés par la direction générale des
médias et des industries culturelles, issus généralement de la direction
générale des finances publiques du ministère chargé des finances. Le
contrôle se fondait essentiellement sur l’exploitation de questionnaires, la
commission ne disposant donc que des données déclaratives des
entreprises. La commission pouvait également procéder à des contrôles
sur place.
Toutefois, en raison de moyens de fonctionnement insuffisants, ce
mode d’investigation est resté très limité. Une difficulté supplémentaire
résidait dans l’accès aux données financières des entreprises. À ce titre, la
commission de contrôle avait, à plusieurs reprises, fait état dans ses
rapports des réticences des entreprises à fournir des données précises sur
les coûts d’impression, ceci afin d’éviter toute comparaison en termes de
productivité.
La commission de contrôle du fonds de modernisation sociale,
présidée également par un magistrat de la Cour des comptes, devait
veiller au respect des engagements des entreprises, en premier lieu de la
clause de non-embauche. Elle était composée de quatre membres : outre
le président, un membre de l’inspection générale des affaires sociales, un
membre de l’inspection générale des affaires culturelles et le contrôleur
général, économique et financier du ministère de la culture et de la
communication. Elle exploitait des questionnaires déclaratifs et effectuait
des visites sur place. Elle a rendu deux rapports, l'un sur les contrôles
118
COUR DES COMPTES
réalisés en 2009-2010 et centrés sur la presse parisienne et, plus
particulièrement, sur la situation sociale du journal
Le Monde
, l'autre sur
les contrôles réalisés en 2011, essentiellement dans la presse quotidienne
régionale et départementale. En fait, ces rapports sont intervenus trop tôt
pour pouvoir réellement mesurer l’impact des aides sociales sur la
réduction des coûts d’impression, ce qui constituait pourtant l’objectif
premier de ce dispositif d’accompagnement.
Les autres aides ne faisaient l’objet d’aucun contrôle externe. À ce
titre, l’absence de commission de contrôle du fonds d’aide à la presse en
ligne constituait une anomalie, puisque ce dispositif suivait des
procédures similaires à celles du fonds de modernisation qui, lui, en était
doté.
b)
Les dispositions du décret du 13 avril 2012 et leur mise en oeuvre
Le décret du 13 avril 2012 prévoit que la DGMIC peut confier
l’évaluation des différents dispositifs d’aide à la presse, sur la base d’un
cahier des charges, à un cabinet spécialisé, disposant de compétences
d’ingénierie financière, sociale, technique et organisationnelle. Ce cabinet
est tenu au secret professionnel et au secret des affaires en ce qui
concerne les informations dont il a connaissance.
Des interrogations peuvent être formulées sur la séparation opérée
entre les démarches de contrôle et d’évaluation, le risque étant
d’empêcher le dialogue entre ces fonctions qui sont complémentaires et
s’enrichissent mutuellement. Outre le fait que ce dispositif risque d’être
très
coûteux,
l’administration
devra
s’assurer
au
préalable
de
l’indépendance des cabinets privés vis-à-vis du secteur de la presse afin
d’éviter que les études rendues ne soient sujettes à contestation.
Les premières démarches d’évaluation faisant suite au décret du
13 avril 2012 sont intervenues en 2013. Ainsi, une mission d’évaluation
de l’aide au portage a été confiée au cabinet Arthur D. Little. L’étude
rendue récemment est de qualité et est susceptible d’éclairer à l’avenir les
choix de la direction générale des médias et des industries culturelles,
même si certaines de ses analyses ont été contestées par certaines familles
de presse. Par ailleurs, le cabinet Deloitte a fourni une évaluation de
l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse sur la base d’un
questionnaire adressé aux bénéficiaires. Si la réalisation de cette étude par
le titulaire de la délégation de service public, chargé de gérer cette aide,
peut soulever des interrogations, elle a néanmoins permis à la direction
générale des médias et des industries culturelles de disposer d’éléments
d’appréciation utiles sur les modalités de gestion de l’aide et sur son
impact.
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
119
De telles initiatives en matière d’évaluation devront à l’avenir être
confortées afin d’éclairer l’administration sur les conditions de mise en
oeuvre et sur l’impact de ses principaux dispositifs d’aide.
S’agissant du contrôle des aides à la presse, le décret du
13 avril 2012 a supprimé les deux commissions de contrôle qui existaient
et a prévu que les opérations de contrôle, sur pièces et sur place, soient
désormais confiées aux corps d'inspection, notamment l'inspection
générale des affaires culturelles (IGAC) et le contrôle général
économique et financier (CGEFI). Ces opérations de contrôle font l’objet
d’un
rapport
annuel
qui
est
remis
au
ministre
chargé
de
la
communication. Les résultats en sont communiqués aux représentants du
secteur de la presse, dans le respect du secret des affaires.
Le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de
l’État et le ministre de la culture et de la communication ont demandé en
janvier 2012 au contrôle général et à cette inspection générale une
« mission de préfiguration » consistant à proposer une méthodologie de
contrôle et d’évaluation des aides à la presse. Un rapport d’étape a été
remis en mars 2012. Il suggérait d’engager une concertation avec les
éditeurs de presse et d’accompagner les services de la direction générale
des médias et des industries culturelles dans la mise au point détaillée des
procédures. Or le rapport définitif ne semble pas avoir été établi à ce jour.
Au titre de l’année 2013, le contrôle des aides à la presse aurait été
intégré dans le plan de travail du contrôle interne du ministère, selon la
direction générale des médias et des industries culturelles, mais ce plan
n’était toutefois pas encore formalisé à l’issue de l’enquête de la Cour.
Des interrogations demeurent donc, tant sur la méthodologie de
contrôle que sur le calendrier de mise en oeuvre des procédures de
contrôle.
c)
La connaissance économique du secteur de la presse
La direction générale des médias et des industries culturelles
dispose de nombreuses données statistiques sur le secteur de la presse
écrite, couvrant l'ensemble de ses composantes et de ses marchés
(volumes et modes de diffusion, consommation de papier, recettes de
ventes, recettes de publicité).
120
COUR DES COMPTES
Les enquêtes statistiques de la direction générale des médias et des
industries culturelles
La direction générale des médias et des industries culturelles réalise deux
enquêtes annuelles auprès des éditeurs de presse écrite :
- une enquête dite « rapide », qui a pour objet d’estimer les principales
données de cadrage pour l'ensemble de la presse et ses six grandes catégories 39 avant
la fin du premier semestre N+1 ; elle est réalisée auprès de 300 éditeurs qui
représentent environ 80 % du chiffre d'affaires du secteur. Les résultats sont présentés
par catégorie de titres ;
- une enquête dite « détaillée », qui fournit un bilan complet et annuel de la
situation économique des grandes familles de presse.
Le champ de ces deux enquêtes est celui de la presse éditeur écrite en France :
il couvre les différents journaux (nationaux et locaux, gratuits ou non), magazines, à
l'exception de la presse de groupement, de la presse administrative, de la presse
d'entreprise et des lettres confidentielles. Environ 2 500 éditeurs sont interrogés
pour 4 500 titres.
Depuis 2010, la direction générale des médias et des industries culturelles
réalise aussi une enquête sur les services de presse en ligne, dont les résultats ont été
publiés en 2012. Les résultats sont publiés, accessibles en ligne et téléchargeables à
partir du site de la direction générale des médias et des industries culturelles, sous la
rubrique
Chiffres et statistiques
. Ils sont également repris par l'INSEE, notamment
dans les « Tableaux économiques de la France » et dans l'Annuaire statistique de la
France.
Cet appareil statistique appelle toutefois des observations. Le
document statistique intitulé « Séries chronologiques », actuellement en
ligne et téléchargeable sur le site de la direction générale des médias et
des industries culturelles, porte sur la période 1985-2009, en raison de
l’absence d’archivage des données antérieures. Il détaille, par famille de
presse, des variables telles que le nombre de titres, les diffusions, les
recettes de vente et de publicité et des charges comme les frais d'achat de
papier et d'impression. Ces statistiques sont toutefois tributaires des
données fournies par les éditeurs. Aussi les questions relatives aux frais
d’impression et aux salaires des imprimeurs et journalistes ne sont-elles
que très peu renseignées pour des raisons de secret industriel.
La direction générale des médias et des industries culturelles a des
données pertinentes sur la répartition par titre de presse des aides directes.
En revanche, elle ne dispose pas de toutes les données relatives aux aides
indirectes, en l’absence d’informations sur l’avantage fiscal retiré par
39
Presse d’information politique et générale nationale, presse d’information politique
et générale locale et régionale, presse gratuite d’information, presse gratuite
d’annonces, presse d’information spécialisée technique et professionnelle et presse
d’information spécialisée grand public.
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
121
chaque titre de presse de l’application du taux de TVA de 2,1 % au
secteur de la presse. En matière d’aide postale, ce n’est que depuis 2011
que la direction générale des médias et des industries culturelles dispose
d’une décomposition par titre de l’avantage tarifaire issu de l’application
des accords État-presse-La Poste de 2008.
Si le programme 180 est doté de sept indicateurs et de dix-sept
sous-indicateurs, ceux-ci ne permettent pas réellement d’apprécier
l’impact des aides publiques à la presse sur la situation économique des
entreprises. Cela tient d’abord au fait qu’en sont exclues les exonérations
fiscales hors impôts d’État, notamment les exonérations de contribution
économique territoriale. L’inadaptation des indicateurs tient aussi au fait
que, si importantes soient-elles, les aides publiques ne représentent
qu’une fraction des ressources des éditeurs de presse et que les évolutions
concernant ce secteur dépendent d’autres facteurs que les seules aides.
En outre, la Cour a déjà observé dans ses travaux budgétaires que,
s’agissant notamment des aides à la modernisation, l’indicateur
concernant l’effet de levier de ces aides ne mesurait en réalité que les
moyens mis en oeuvre. Or l’aptitude de l’aide publique à générer une
contrepartie privée n’est pas en soi une indication de la pertinence de
l’investissement entrepris, ni de son résultat. Aussi paraît-il indispensable
que le ministère de la culture et de la communication se dote
d’indicateurs qui permettent réellement de mesurer l’effet des aides à la
presse sur l’amélioration de l’équilibre économique des entreprises
soutenues.
II
-
Une redéfinition encore limitée de la stratégie
d’intervention de l’État
Si la publication du décret du 13 avril 2012 a permis de renforcer
la gouvernance des aides à la presse, les interrogations sur la stratégie
d’intervention de l’État sont nombreuses. À la suite des recommandations
formulées par la Cour dans son rapport public annuel pour 2013, le
ministère de la culture et de la communication a engagé une réflexion
pour refonder les aides à la presse.
Cette démarche a débouché sur des propositions adéquates dans
l’optique d’une mise en oeuvre rapide. Toutefois des évolutions plus
fondamentales, qui sous-tendent les réflexions du gouvernement,
devraient être envisagées à moyen terme en vue de simplifier et de
renforcer l’efficacité de cette politique tout en en maîtrisant le coût.
122
COUR DES COMPTES
A -
Les suites données par le ministère de la culture et
de la communication aux orientations suggérées par la
Cour
La Cour des comptes a publié, dans son rapport public annuel pour
2013, un chapitre intitulé « Le plan d’aide à la presse 2009-2011 : une
occasion manquée de réforme
»
40
.
Au terme d’un examen critique de la mise en oeuvre de ce plan
triennal, la Cour a souligné qu’une approche plus sélective et une plus
forte concentration des moyens sur les objectifs fondamentaux de la
politique d’aide à la presse lui apparaissaient désormais souhaitables.
A ce titre, elle a recommandé trois grandes voies de réforme :
-
pour le développement de la diffusion, la réorientation doit passer par
une mise en cohérence des nombreux dispositifs existants et par
l’élaboration d’outils de pilotage global d’ici 2015, date à laquelle les
accords relatifs à l’aide au transport postal viendront à échéance ;
-
pour la préservation du pluralisme, une réflexion sur le périmètre
d’application des tarifs postaux préférentiels et du taux de TVA
« super réduit » à 2,1 % s’impose afin de mieux prendre en compte la
situation propre à chaque famille de presse au regard de cet objectif ;
-
pour la modernisation du secteur de la presse écrite, le fonds
stratégique pour le développement de la presse créé en avril 2012 doit
désormais mieux orienter ses interventions sur les projets innovants
et la presse d’information politique et générale.
En réponse à ces recommandations, la ministre de la culture et de
la communication est convenue des limites du dispositif mises en lumière
par la Cour et a annoncé, conformément au mandat fixé par le Président
de la République, le lancement d’une réflexion visant à refonder les aides
à la presse. À ce titre, elle a notamment indiqué que le nouveau régime
économique de la presse devrait rechercher un plus grand ciblage des
aides, une meilleure prise en compte de l’innovation technologique, tout
en intégrant les nécessaires impératifs de consolidation des finances
publiques.
Conformément aux annonces de la ministre, un groupe de réflexion
sur la refondation des aides à la presse s’est vu confier une triple
mission :
-
élaborer un constat partagé sur les difficultés actuelles du
secteur et ses perspectives ;
40
Rapport public annuel pour 2013 – Tome I – Les observations – pages 621 à 657.
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
123
-
réaliser une analyse critique des dispositifs d’aides existants ;
-
élaborer des pistes de réforme, autour d’un certain nombre de
principes : cohérence des aides à la diffusion, amélioration du
soutien au réseau des diffuseurs de presse, réflexion sur le
ciblage et le soutien au pluralisme, recentrage sur les projets
innovants.
Installé le 28 janvier 2013, le groupe a rendu le résultat de ses
réflexions à la fin du mois d’avril suivant.
Dans ce rapport remis à la ministre de la culture et de la
communication, le groupe de réflexion a formulé quatre grandes
propositions : harmoniser le régime de TVA de la presse ; faire du fonds
stratégique l’instrument central ; rationaliser les aides à la distribution et à
la diffusion ; affermir la gouvernance.
La ministre de la culture et de la communication a présenté en
conseil des ministres, le 10 juillet 2013, les principales orientations
retenues. Le détail des mesures n’était cependant pas connu à la date
d’achèvement du présent rapport de la Cour pour le Parlement.
Ces orientations s’inscrivent dans la continuité des propositions
formulées par le groupe de réflexion.
B - Une première étape de réforme
1 -
Un recentrage en cours des aides à la modernisation sur les
projets les plus innovants
La création par le décret du 13 avril 2012 du nouveau fonds
stratégique pour le développement de la presse (FSDP) a constitué une
première étape vers un renforcement des aides à la presse en faveur des
projets les plus innovants. En effet, ce fonds stratégique vise trois
objectifs : augmenter la productivité des entreprises de presse ; améliorer
et diversifier les publications imprimées et les services de presse en
ligne ; assurer la diffusion auprès de nouvelles catégories de lecteurs.
Au terme d’une première année de fonctionnement, le fonds a
montré ses limites. Aussi le groupe de réflexion sur la refondation des
aides à la presse a-t-il proposé d’en revoir le périmètre et l’organisation.
Le groupe souligne tout d’abord que le fonds ne doit plus
constituer une variable d’ajustement pour financer les mesures de gel et
de surgel, comme cela a été le cas en 2012 et 2013. À ce titre, il estime
que
le
fonds
devrait
être
soumis
aux
régulations
budgétaires
proportionnellement à celles appliquées à l’ensemble du programme 180.
124
COUR DES COMPTES
Il recommande également un plafonnement du montant total des aides
que l’État accorde à chaque titre, en référence, par exemple, à un
pourcentage du prix au numéro vendu.
Par ailleurs, le groupe de réflexion estime que le fonds doit
prioritairement soutenir les projets comportant un effet de mutualisation
et d’intérêt général. À ce titre, son action doit se réorienter sur des projets
structurants pour l’ensemble de la filière de la presse. Il ne doit donc plus
assurer le financement de matériels concernant une seule entreprise et
dont l’obsolescence risque d’être rapide, comme c’est le cas des rotatives
offset
. À l’inverse, les projets mutualisés, surtout s’ils visent le
développement de capacités d’impression numériques légères et réparties
au plus près des lieux de diffusion et de distribution, justifient un soutien
croissant. Une autre question abordée par le groupe de réflexion réside
dans la possibilité de financer désormais les dépenses internes des
entreprises qui concernent la refonte des supports éditoriaux, ainsi que les
projets rédactionnels visant la diffusion d’informations en langues
étrangères.
Une autre piste proposée par le groupe de réflexion est d’élargir le
périmètre du FSDP en lui rattachant les aides au pluralisme, à la
modernisation sociale, à la modernisation de la distribution de la presse
quotidienne nationale, au portage, à la modernisation de la diffusion ainsi
que la réduction du tarif SNCF. Ce périmètre, dont les aides postales
seraient toutefois exclues, devrait conduire à en modifier la composition
et la gestion.
Le groupe de réflexion préconise d’ouvrir le comité d’orientation
du fonds à des experts et à des économistes. Deux commissions
d’instruction pourraient être créées. La première serait consacrée à
l’innovation et reprendrait les compétences des trois sections actuelles du
fonds stratégique afin d’avoir une approche plus globale des aides à la
modernisation. La seconde se concentrerait sur les dossiers d’aide relatifs
à la distribution et à la diffusion de la presse papier. Si cette proposition
paraît intéressante pour assurer une plus grande cohérence entre les
dispositifs, la Cour estime que sa mise en oeuvre concrète risque d’être
délicate, étant donné que cette commission aurait à gérer des formes de
soutien dont les objectifs ne sont pas forcément homogènes.
Enfin, le groupe de réflexion préconise, pour démultiplier l’action
du fonds stratégique pour le développement de la presse, de tirer parti des
dispositifs en faveur de l’innovation industrielle tels que le crédit d’impôt
compétitivité emploi, le crédit d’impôt innovation, le statut de jeune
entreprise innovante, ou les aides proposées par Oséo. La banque
publique d’investissement pourrait être également sollicitée pour soutenir
des appels à projets expérimentaux. Enfin, l’accès aux aides de l’institut
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
125
pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC)
pourrait être élargi au bénéfice des diffuseurs de presse. Le groupe de
réflexion souligne qu’il appartient à la direction générale des médias et
des industries culturelles de diffuser auprès des entreprises de presse des
informations sur toutes ces formes d’aide de droit commun, au moyen
d’un vade-mecum régulièrement mis à jour. La direction générale des
médias et des industries culturelles a précisé que, d’ores et déjà, ce vade-
mecum est en cours de réalisation dans le cadre d’un recensement des
aides concernant les industries culturelles.
Si, au moment de l’achèvement du présent rapport, certaines
mesures retenues par la ministre de la culture et de la communication
restaient encore à préciser
41
, l’orientation générale des aides directes en
faveur de la modernisation a été confirmée, de même que l’ouverture de
la gouvernance du fonds stratégique à des personnalités extérieures,
spécialistes de la transition numérique et la priorité accordée aux projets
mutualisés et technologiquement innovants.
2 -
Une amorce de mise en cohérence des aides à la diffusion
Contrairement aux aides à la modernisation, les aides à la diffusion
n’ont pas fait l’objet de mesures particulières dans le cadre du décret du
13 avril 2012. Le rapport sur la refondation des aides à la presse remis à
la ministre de la culture et de la communication comporte donc diverses
recommandations les concernant, ainsi que des actions relevant de la
responsabilité des acteurs du secteur de la presse. Certaines de ses
propositions ont d’ores été déjà été retenues, en juillet 2013, par le
ministère de la culture et de la communication
a)
Une réforme de l’aide au transport postal en deux phases
Conformément au cadre défini par la lettre de mission, le rapport
recommande de respecter ces accords jusqu’à leur terme, fin 2015, ce qui
induit une réforme en deux temps.
A court terme, il propose deux mesures :
-
la première, d’ordre technique, consiste à appliquer dorénavant les
mesures de « gel budgétaire » à la dotation budgétaire consacrée à
l’aide au transport postal. Sur la base de ces taux de gel budgétaire
appliqués en 2012, cette mesure pourrait représenter de l’ordre de
14,2 M€. Compte tenu du poids de l’aide au transport postal dans
41
Notamment en ce qui concerne les modalités pratiques de fonctionnement de la
section « distribution » du fonds stratégique pour le développement de la presse.
126
COUR DES COMPTES
l’ensemble des aides à la presse, l’exonérer d’une mesure de gel,
voire d’annulation de crédits, revient en effet à reporter la charge sur
les autres aides dans des proportions qui seraient excessives ;
-
la seconde mesure consiste en l’abandon dès 2014 du moratoire sur la
hausse des tarifs postaux, qui outre son coût élevé pour le budget de
l’État, a conduit à retarder le développement du portage au détriment
du postage. Elle constitue la principale proposition d’économie
budgétaire chiffrée par la DGMIC à 32,5 M€ en 2014 et à 33 M€ en
2015.
La mise en oeuvre de cette seconde mesure pose néanmoins la
question de sa prise en charge financière : si la remise en cause du
moratoire sur la hausse des tarifs postaux était décidée, il conviendrait
d’opérer un rattrapage des hausses de tarifs non réalisées en 2009, auquel
cas la charge financière serait supportée par les éditeurs de presse ; s’il
était plutôt décidé de revenir sur le principe d’une compensation du
surcoût par l’État, sans rattrapage de la hausse des tarifs non effectuée en
2009, sa prise en charge incomberait alors à La Poste.
A moyen terme, c’est-à-dire à l’échéance des accords tripartites, le
rapport recommande la normalisation de la relation commerciale presse –
La Poste et la poursuite des efforts de La Poste pour réduire ses coûts.
Le rapport donne à ce stade une orientation générale qu’il restera à
quantifier tant en ce qui concerne l’importance de la différenciation des
tarifs entre les familles de presse (presse très ciblée, presse d’information
politique et générale et presse non d’information politique et générale)
que la réduction progressive du montant de l’aide de l’État. Or à ce stade,
ni la direction générale des médias et des industries culturelles, ni les
représentants de la presse écrite, ne semblent en mesure d’envisager des
scénarii précis sur l’évolution de l’aide au transport postal au-delà de
2015, en l’absence de données récentes et incontestables sur l’économie
générale actuelle du transport postal de la presse écrite. Dans ce cadre, la
réalisation d’une étude incontestable apparaît donc nécessaire.
Lors
de
sa
communication
en
conseil
des
ministres
du
10 juillet 2013, la ministre de la culture et de la communication a
confirmé la fin du moratoire sur l’aide postale, le rattrapage des tarifs
étant, semble-t-il, échelonné sur les deux dernières années de mise en
oeuvre de l’accord tripartite (2014 et 2015). Les conditions de sa prise en
charge n’étaient pas connues au moment de l’achèvement de la présente
enquête.
Si l’évolution des tarifs du transport postal au-delà de 2015 n’a pas
donné lieu à des orientations précises à ce stade, une réflexion sur la
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
127
complémentarité entre modes de diffusion, portage, postage et vente au
numéro devrait être bientôt lancée sous l’égide du ministère.
b)
L’amélioration des dispositifs d’aide au portage
Le rapport recommande le maintien du dispositif d’aide au portage
en le réformant selon trois orientations qui prennent en compte les
conclusions de l’évaluation récente réalisée par le cabinet Arthur D. Little
pour le compte de la direction générale des médias et des industries
culturelles ainsi que les principales critiques formulées au sujet des deux
mesures existantes :
-
accentuer son effet incitatif et amplifier, par la mise en place d’une
bonification et l’extension à la presse magazine de l’exonération des
charges patronales pour les porteurs de presse, le portage multi-
titres ;
-
accompagner la refonte du dispositif de l’aide au portage par un volet
social relatif à la situation des vendeurs-colporteurs de presse ;
-
procéder à un contrôle et à une évaluation annuelle du dispositif
réformé afin de s’assurer de son efficacité.
Ces recommandations ont été reprises par le Gouvernement. Celui-
ci a annoncé, à l’issue de la communication en conseil des ministres du
10 juillet 2013, que l’aide au portage serait réformée dans son calcul pour
mieux inciter au portage multi-titres et cibler plus efficacement les
situations dans lesquelles l’aide est pertinente. Il a aussi indiqué que la
situation sociale des vendeurs-colporteurs de presse ferait l’objet d’une
attention particulière.
c)
Les autres aides à la diffusion
Le rapport recommande la suppression de l’aide au transport par la
SNCF aux motifs qu’elle n’a aucun effet incitatif et qu’elle provoque un
fort effet d’aubaine. Les crédits correspondants seraient reversés au fonds
stratégique. Il s’agit donc d’une première étape dans la simplification des
aides à la diffusion et à la distribution de la presse.
Il recommande, en revanche, le maintien de l’aide à la
modernisation de la distribution, en l’intégrant au fonds stratégique pour
le développement de la presse et avec pour objectif d’en reconsidérer
l’existence au terme des restructurations en cours. Il propose enfin le
maintien des dispositifs de soutien en faveur des diffuseurs (points de
vente) en procédant à une évaluation externe afin, le cas échéant, de
mieux les ajuster aux besoins de la profession. Le groupe de réflexion
prend acte des faibles marges de manoeuvre de l’État à brève échéance
128
COUR DES COMPTES
compte tenu de ses engagements au titre du plan de restructuration de
Presstalis et du risque d’aggravation de la situation des diffuseurs de
presse.
Le
Gouvernement
a
fait
connaître,
à
l’occasion
de
la
communication en conseil des ministres du 10 juillet 2013, que ces
recommandations du groupe de réflexion seraient mises en oeuvre.
d)
La gestion de plusieurs aides à la diffusion dans le cadre du fonds
stratégique pour le développement de la presse
Le rapport sur la refondation des aides à la presse recommande la
gestion de plusieurs aides à la diffusion dans le cadre du fonds stratégique
pour le développement de la presse, à savoir l’aide à la modernisation de
la distribution de la presse quotidienne nationale, les crédits jusqu’alors
consacrés à l’aide au transport par la SNCF qui serait supprimée, et l’aide
au portage, hors mesure d’exonération des charges patronales pour les
porteurs de presse. Cette recommandation rejoint celle qui avait été
formulée en septembre 2010 dans le rapport de M. Aldo Cardoso visant
au regroupement du plus grand nombre possible d’aides destinées aux
éditeurs dans un fonds stratégique unique permettant de gérer selon un
principe de fongibilité l’essentiel des aides à la presse.
Si l’objectif poursuivi tend à juste titre à limiter les conséquences
du morcellement des aides en donnant à l’administration les moyens
d’une appréciation globale des aides accordées à chaque titre de presse, la
recommandation présente à ce stade plusieurs limites :
-
l’aide au transport postal demeurerait gérée hors du fonds stratégique,
alors qu’elle constitue la principale aide à la diffusion ;
-
il reste, dans l’hypothèse suggérée, à statuer sur le maintien ou non
des modalités de calcul actuelles de chacune de ces aides, et sur leur
degré de fongibilité au sein du fonds ;
-
le regroupement des trois aides au sein d’un même fonds ne répond
pas pleinement à l’objectif de neutralité de la politique d’aide
publique vis-à-vis des choix de mode de distribution des éditeurs de
presse, défendu par la direction générale des médias et des industries
culturelles.
La mise en oeuvre des mesures proposées par le groupe de
réflexion marquerait une étape dans la réforme des aides à la presse. Elle
n’opèrerait pas pour autant un choix clair entre les deux approches
possibles d’une politique d’aide à la diffusion : l’une, veillant à la
neutralité de l’État à l’égard des choix stratégiques des éditeurs de presse
concernant les modes de distribution, l’autre, plus interventionniste,
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
129
cherchant à favoriser tel ou tel mode de distribution en fonction de
l’intérêt qu’il présente. Les suites données par le ministère de la culture et
de la communication à cette recommandation n’étaient pas encore
connues au moment de l’achèvement de la présente enquête de la Cour.
3 -
Une démarche prudente de renforcement du ciblage
En matière de ciblage, le groupe de réflexion sur les aides à la
presse devait, selon la lettre de mission établie par la ministre de la
culture et de la communication, formuler des propositions tendant à « un
renforcement des aides liées aux enjeux du pluralisme, avec en particulier
une réflexion sur le ciblage de l’ensemble des dispositifs d’aide afin de
mieux prendre en compte la situation particulière de chaque famille de
presse au regard de l’objectif de préservation du pluralisme et des
contraintes pesant sur le niveau de rentabilité économique de leur
activité.
»
La première étape de la réflexion concerne l’étendue du ciblage. Si
le ciblage sur la presse d’information politique et générale est le ciblage
traditionnellement retenu, en particulier parce que sa mise en oeuvre est
assurée en permanence par la commission paritaire des publications et des
agences de presse, un ciblage un peu plus large est parfois envisagé.
La deuxième étape de la réflexion consiste à déterminer si le
ciblage doit porter sur la TVA, au moyen d’une différenciation des taux,
ou sur l’aide au transport postal par une différenciation accrue des tarifs
ou par la suppression de tarifs préférentiels pour certaines familles de
presse. L’annexe n°6 au présent document présente une analyse
approfondie des avantages et inconvénients de ces deux leviers de
renforcement du ciblage ainsi que les économies pour l’État qui
pourraient en résulter.
Le rapport sur la refondation des aides à la presse comporte des
mesures assez prudentes concernant le renforcement du ciblage qui ont,
pour l’essentiel, été retenues par le ministère de la culture et de la
communication.
a)
Le choix d’un renforcement du ciblage par l’aide au transport
postal plutôt que par les taux de TVA
S’agissant du taux « super réduit »
de TVA à 2,1 %
, le rapport
recommande le
statu quo
et écarte l’hypothèse de l’application d’un taux
réduit de 5,5 % (ou 5 % à compter de 2014) pour la presse non
d’information politique et générale.
130
COUR DES COMPTES
Il avance à ce titre plusieurs arguments :
-
une utilisation généralisée en Europe des taux de TVA préférentiels,
même si ceux-ci sont variables selon les pays ;
-
la difficulté de définir les familles de presse bénéficiant du ciblage
qui pourraient être, soit la presse d’information politique et générale,
soit plus largement la « presse non récréative »
42
;
-
l’irréversibilité du changement de taux au regard des textes de
l’Union européenne ;
-
le choix d’une neutralité fiscale entre les éditeurs par l’application
d’un taux unique, y compris pour la presse en ligne actuellement
assujettie au taux normal (19,6 %).
Le rapport établit aussi un lien direct entre l’existence d’un taux
« super réduit » de TVA pour l’ensemble des titres et le principe de
solidarité dans le système de distribution de la presse au numéro qui
conduit la presse magazine à assumer une partie des surcoûts liés au
transport de la presse quotidienne nationale.
Le rapport recommande donc que le renforcement du ciblage passe
par la poursuite de la différenciation des tarifs entre la presse ciblée et la
presse non ciblée au-delà de 2015, terme des accords tripartites de
juillet 2008, sans en préciser à ce stade l’ampleur.
Ces recommandations prudentes s’expliquent sans doute par les
difficultés actuelles du secteur qui rendent très difficile une mesure
radicale et de très court terme telle que la différenciation des taux de
TVA, ou la suppression de tarifs préférentiels de transport par voie
postale pour la presse non d’information politique et générale. Elles
s’expliquent aussi par le cadrage initial de la mission qui prévoyait
d’appliquer les accords tripartites sur le transport postal jusqu’à leur
terme.
Dans le cadre de sa communication en conseil des ministres du
10 juillet 2013, la ministre de la culture et de la communication a
confirmé le maintien du taux de TVA à 2,1 % pour l’ensemble des
familles de presse écrite avec comme contrepartie attendue du secteur à la
42
Dans le premier cas, le rapport estime que le périmètre de la presse d’information
politique et générale tend à devenir plus incertain dès lors que des quotidiens
nationaux et régionaux publient des suppléments à thèmes en concurrence directe
avec des magazines portant sur les mêmes thèmes, et a contrario, que des titres non
classés actuellement comme des titres d’information politique et générale publient des
articles et des enquêtes de qualité. Dans le second cas, la définition de la presse non
récréative serait encore plus complexe et pourrait donner lieu à des contentieux
importants.
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
131
poursuite du financement solidaire du système de distribution au numéro.
S’agissant de l’abaissement de la TVA sur la presse en ligne de 19,6 % à
2,1 %, le Gouvernement a indiqué qu’il en faisait un objectif mais
qu’aucune décision formelle ne pourrait intervenir avant 2014 compte
tenu de la nécessité pour la France de reprendre les discussions avec la
Commission européenne et avec ses partenaires.
Ces orientations n’impliquent toutefois pas de nouvelle évolution
du ciblage avant 2016
43
et ne devraient pas dégager d’économie pour
l’État
44
. Au contraire, elles induiraient une augmentation des dépenses,
certes d’un coût limité et estimée à environ 5 M€, dans l’hypothèse où la
TVA sur la presse en ligne serait abaissée à 2,1 %.
b)
La gestion des aides au pluralisme dans le cadre du fonds
stratégique
Le rapport recommande la gestion des trois « aides au pluralisme »
dans le cadre du fonds stratégique et estime que cette forme d’aide
« devrait s’inscrire, sans être remise en cause, comme dans le cas des
autres titres, dans une approche conventionnelle, afin de rechercher avec
chaque éditeur les ajustements utiles pour soutenir plus efficacement leur
évolution ».
Si l’objectif répond aux préoccupations exprimées par la Cour dans
son rapport public annuel de 2013, la recommandation appelle à ce stade
deux observations :
-
dès lors que les aides au pluralisme restent des aides automatiques,
sous réserve du respect des critères fixés par les textes sont
remplis, l’utilité de les gérer dans le cadre du fonds stratégique
paraît limitée ; elle se justifie uniquement par la possibilité de
moduler l’enveloppe globale de chacune des trois aides au
pluralisme dès lors que les crédits du fonds seraient fongibles ;
-
la refonte du régime des aides au pluralisme, en particulier de
l’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale
à
faibles
ressources
publicitaires
n’est
pas
explicitement
mentionnée, alors que ce régime présente des défauts.
La gestion des trois aides actuelles au pluralisme dans le cadre du
fonds stratégique aurait donc – semble-t-il –des effets très limités.
43
Il convient néanmoins de rappeler que les accords de 2008 prévoient une
augmentation différenciée des tarifs du transport postal jusqu’en 2015.
44
Les économies suggérées par le rapport proviennent pour l’essentiel de l’abandon
du moratoire sur les tarifs postaux.
132
COUR DES COMPTES
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
________
Ce n’est qu’avec la publication du décret du 13 avril 2012, soit au
terme du plan d’aide à la presse 2009-2011, que des mesures ont été
décidées afin d’accroître la transparence sur le montant des aides
allouées et de mettre en place une contractualisation avec les
bénéficiaires. Pour autant, ces démarches présentent encore des lacunes
dans le domaine du contrôle et de l’évaluation des aides allouées.
Une nouvelle étape a été franchie au début de 2013 dans le cadre
des propositions du groupe de réflexion sur la refondation des aides à la
presse. Ces propositions allaient dans le même sens que les
recommandations formulées par la Cour dans le chapitre de son rapport
public annuel de février 2013 relatif au bilan du plan d’aide à la presse
écrite 2009-2011. Les décisions ministérielles prises en juillet 2013
laissent entrevoir de nouveaux progrès.
Toutefois, ces préconisations et les décisions ministérielles qui en
sont résultées, traduisent davantage la volonté de procéder à des
ajustements ou à des réorientations dans le cadre des dispositifs existants
que celle de revoir les fondements mêmes des aides à la presse.
Dans l’immédiat, la Cour formule les recommandations suivantes,
visant à mener à son terme la mise en oeuvre des dispositions du décret du
13 avril 2012, au regard de l’état de lieux réalisés par la Cour :
10.
rendre public le montant annuel des aides accordées à chaque
titre de presse, en consolidant dans un même document
l’ensemble des financements alloués, qu’ils soient directs ou
indirects, et en faisant également apparaître le montant des aides
par exemplaire ;
11.
approfondir
la
contractualisation
avec
les
entreprises
bénéficiant de subventions, en élargissant leur périmètre à
l’ensemble des aides allouées et en renforçant l’expertise
technique pour en déterminer le contenu et en analyser
l’exécution ;
12.
mettre en oeuvre des procédures effectives d’évaluation et de
contrôle et améliorer la cohérence du dispositif ;
13.
examiner l’utilité d’inclure des aides automatiques, octroyées au
vu de critères objectifs, telles que les aides au pluralisme et à la
diffusion dans le périmètre du fonds stratégique ;
14.
réaliser une évaluation en vue de préparer la sortie des accords
tripartites relatifs au transport postal, sur :
DES AJUSTEMENTS INSUFFISANTS AU REGARD DES ENJEUX
133
le coût réel pour La Poste de la mission de service public de
transport de la presse et son financement par l’État, au regard
notamment des autres missions de service public assurées par
cette entreprise publique, et sur les marges de productivité et
économies attendues ;
l’écart subsistant à l’issue des augmentations annuelles
prévues par les accords tripartites de 2008 entre les tarifs de
service public applicables aux trois catégories de presse
(presse d’information politique et générale pour les titres ayant
de faibles ressources publicitaires ou de petites annonces,
autres titres d’information politique et générale et titres non
d’information politique et générale) et les tarifs du service
universel.
Conclusion générale
La publication du décret du 13 avril 2012 a constitué une avancée
incontestable pour améliorer la gouvernance des aides à la presse. Faisant
écho aux recommandations formulées par la Cour dans le chapitre de son
rapport public annuel de février 2013 consacré au bilan du plan d’aide à
la presse 2009-2011, les récentes annonces de la ministre de la culture et
de la communication marquent de nouvelles évolutions du dispositif des
aides à la presse.
Le système des aides à la presse n’en continue pas moins de
reposer, pour l’essentiel, sur des principes forgés à l’issue de la Seconde
guerre mondiale, alors même que le contexte dans lequel évolue ce
secteur économique a profondément changé, l’obligeant à engager une
transition économique et technologique sous l’empire d’une situation
concurrentielle de plus en plus vive.
Alors que la situation de crise de la presse écrite justifierait une
refondation de la politique d’intervention de l’État en sa faveur, les
craintes d’une déstabilisation du secteur conduisent à en repousser
toujours la mise en oeuvre.
Au terme de ses investigations et sans occulter les difficultés de
réalisation, la Cour estime souhaitable et possible d’engager une réforme
plus profonde des aides à la presse, dès lors que le cap en serait fixé
clairement, en concertation avec les principaux acteurs et dans une
perspective de moyen terme.
Les objectifs d’une refondation des aides à la presse
Les évolutions des décennies passées permettent de cerner les
objectifs autour desquels pourrait être articulée une refondation des aides
à la presse.
Un premier objectif procèderait des principes fondamentaux qui
ont justifié les aides de l’État à la presse, c’est-à-dire la défense du
pluralisme, principe consacré par le Conseil constitutionnel. Cet objectif
pourrait avoir pour point d’application essentiel un soutien spécifique à la
presse d’information politique et générale, qui présente le plus d’enjeux
en termes de pluralisme et doit supporter dans sa production (conditions
d’impression,
équipes
éditoriales
importantes),
comme
dans
sa
distribution (horaires particuliers et délais courts), des surcoûts par
rapport aux autres familles de presse, lesquels contribuent à expliquer sa
moindre rentabilité économique, voire sa fragilité.
136
COUR DES COMPTES
Un deuxième objectif résulterait de la nécessité de considérer, plus
que ce n’est le cas aujourd’hui, le secteur de la presse comme une filière
économique en tant que telle, laquelle à l’instar d’autres domaines de
production, doit être à même de développer des stratégies innovantes,
d’adapter son offre à un environnement concurrentiel, tout en recherchant
une mutualisation des investissements et, par là-même, une rationalisation
des outils de conception, de production et de diffusion.
Un troisième objectif consisterait à ramener les dépenses de l’État
au niveau antérieur à la mise en oeuvre du plan triennal 2009-2011. Celui-
ci avait été conçu comme un effort massif mais limité dans le temps. Il
s’ensuivrait une limitation du nombre de dispositifs et une baisse des
montants alloués.
Un quatrième objectif viserait à mieux respecter les choix de
diffusion retenus par les éditeurs de presse et à éviter les phénomènes de
distorsion induits par la multiplicité des aides actuelles à la diffusion et
par l’existence de tarifs plus ou moins administrés.
Deux principes d’action débouchant sur une rénovation pérenne du
dispositif des aides à la presse
Le plan d’action pour améliorer l’efficacité et rendre moins
coûteux le dispositif d’aides pourrait être fondé sur deux grands
principes :
-
simplifier les aides directes à la presse, pour en faciliter le pilotage et
pour
concentrer
leur
impact
autour
de
deux
objectifs
complémentaires : le soutien à la presse d’information politique et
générale et l’appui à la transition technologique de la filière ;
-
réexaminer et supprimer les aides fiscales dont la pertinence ne serait
pas avérée.
Un schéma-cible à moyen terme simplifié et moins coûteux
La mise en oeuvre de ces principes pourrait viser un schéma-cible
constituant l’horizon à moyen terme (trois à cinq ans) de la réforme
engagée et de la programmation budgétaire qui y serait associée. Ce
schéma aurait l’avantage de répondre au souhait légitime des entreprises
de presse d’avoir, de la part de l’État, des perspectives claires quant aux
soutiens publics sur lesquels ils puissent compter, leur permettant ainsi de
disposer des délais suffisants pour s’y adapter. Il pourrait être le suivant :
CONCLUSION GÉNÉRALE
137
Schéma n° 1 : Le schéma-cible de la réforme de la
presse écrite
Source : Cour des comptes
Les
aides indirectes, c’est-à-dire fiscales
, auraient vocation à
soutenir le développement de la diffusion de la presse sans distinction
selon les familles de presse et les modes de diffusion, alors que les aides
directes seraient sélectives. Dans ce cadre, l’ensemble du secteur de la
presse écrite continuerait à bénéficier du taux de TVA à 2,1 % et la presse
en ligne devrait bénéficier d’un alignement sur ce taux super-réduit,
comme c’est le cas dans la majorité des autres pays européens, la France
devant faire valoir avec force dans les enceintes communautaires les
enjeux de concurrence internationale et de diversité culturelle par rapport
à la presse de langue anglaise. Il en irait de même pour le bénéfice de la
mesure d’exonération de contribution économique territoriale (CET) qui
devrait être identifiée en tant que telle comme une dépense fiscale dont la
charge serait répartie entre l’État et les collectivités territoriales. Tout ceci
OBJECTIF
AIDES
-
Toute la presse
TVA à 2,1 % +
Exonération de
contribution
économique
territoriale
Développement
économique
de la presse
Maintien
du pluralisme
-
Presse d’information politique et
générale
-
Aide liée aux surcoûts de fabrication
et de diffusion
-
Aide forfaitaire avec un nombre
limité de correctifs
-
Conventions pluriannuelles avec les
principaux titres concernés
Fonds de soutien du
pluralisme
-
Presse principalement d’informa-
tion politique et générale, acteurs
du réseau de distribution et de
diffusion
-
Aide aux projets
Modernisation
du secteur
Fonds stratégique
138
COUR DES COMPTES
serait cohérent avec les propositions du groupe de réflexion sur les aides à
la presse et les orientations annoncées en juillet 2013 par la ministre de la
culture et de la communication.
S’agissant des
aides directes
, l’action de l’État pourrait être
réorganisée autour de deux fonds :
-
l’un en faveur de la presse d’information politique et générale ;
-
l’autre destiné à renforer l’action du fonds stratégique pour le
développement de la presse dans le domaine des innovations
technologiques.
La création d’un
fonds de soutien du pluralisme
,
exclusivement
consacré à la presse d’information politique et générale, permettrait de
recentrer et de globaliser les aides en faveur de cette famille de presse.
Cette aide serait justifiée, d’une part, par la légitimité d’un soutien
de l’État à la presse d’information politique et générale au nom du
maintien du pluralisme, et, d’autre part, par le constat que cette forme de
presse présente une moindre rentabilité économique.
Elle serait à la fois une aide ciblée sur la presse d’information
politique et générale et une aide globale à la diffusion. Dans ce cadre, les
différentes aides à la diffusion et à la distribution pourraient être
supprimées, les titres de la presse d’information politique et générale
recevant une aide globalisée et forfaitaire par exemplaire payant diffusé
leur permettant de choisir les modalités de distribution les plus adaptées à
leurs besoins et les plus intéressantes au plan commercial (transport
postal, portage, transport par la SNCF).
Dans cette optique, la suppression des aides actuelles au transport
postal et au portage pourrait être envisagée, celle du transport par la
SNCF étant d’ores et déjà décidée par le ministère de la culture et de la
communication. De ce fait, la question du maintien d’une mission de
service public du transport postal en tant que telle devrait être posée, étant
par ailleurs observé que l’acheminement de la presse dans les zones peu
denses pourrait, le cas échéant, relever de la mission de service public de
« contribution à l’aménagement du territoire » assurée par La Poste.
L’activité de transport postal de la presse serait, dans ces conditions,
appelée à s’inscrire dans le cadre de relations commerciales normales
entre les éditeurs de presse concernés et La Poste, comme l’envisage déjà
le groupe de réflexion sur les aides à la presse, l’offre tarifaire pour le
transport de la presse au titre de la mission de service universel assurée
par La Poste étant en tout état de cause dans ce cadre applicable.
La loi de finances définirait l’enveloppe globale de ce fonds de
soutien au pluralisme et les modalités de sa répartition de façon à éviter
CONCLUSION GÉNÉRALE
139
des effets d’aubaine. À ce titre, elle pourrait fixer des taux forfaitaires
distincts selon les familles de presse concernées (notamment la presse
quotidienne nationale et la presse quotidienne régionale) pour tenir
compte de contraintes financières différentes dans la fabrication et la
diffusion des journaux, ceci en fonction d’études périodiques sur la
situation économique des familles de presse qu’elle ferait réaliser.
Au sein de ce fonds, les aides actuelles au pluralisme pourraient
être intégrées soit sous la forme d’une section du fonds, soit sous la forme
d’une bonification à l’aide forfaitaire afin de préserver le soutien à un
nombre limité de titres à fort enjeu de pluralisme. Tout en veillant à ce
que le dispositif reste simple, l’État pourrait assortir l’octroi de cette aide
d’un nombre limité de bonifications pour tenir compte d’engagements
particuliers de la part d’un titre (par exemple le maintien des équipes
rédactionnelles).
Selon le principe défini dans le décret du 13 avril 2012, il paraît
nécessaire que les aides soient liées, au moins pour les principaux titres, à
la signature de conventions pluriannuelles avec l’État.
Le
fonds stratégique pour le développement de la presse
verrait
son action renforcée sous la forme d’appels à projets porteurs
d’innovations, conformément aux annonces ministérielles de juillet 2013.
Ce second fonds serait centré sur la presse d’information politique
et générale. Toutefois, il pourrait également soutenir des initiatives
d’entreprises relevant d’autres familles de presse, à la condition qu’elles
se situent dans un cadre collectif qui intègre des titres de la presse
d’information politique et général. La dotation de ce fonds pourrait, le cas
échéant, être augmentée à partir des économies résultant de la réforme
des aides à la presse.
Le régime d’aide à la presse devrait, en tout état de cause, être
compatible avec la règlementation européenne, ce qui nécessiterait une
déclaration préalable à la Commission européenne, et son autorisation,
dans le cadre du régime des aides d’État.
Estimation des économies susceptibles d’être réalisées
Dans l’hypothèse où seraient supprimées les aides à la diffusion et
les mesures fiscales existantes, pour lesquelles une évaluation est
préconisée par la Cour, les moyens dégagés pourraient être, à titre
principal, réaffectés au nouveau fonds de soutien du pluralisme et, dans
une moindre proportion, en fonction des besoins constatés en matière de
modernisation, à une augmentation de la dotation du fonds stratégique. Le
solde constituerait une économie pour l’État qui, dans une première
approche, pourrait s’élever à environ 150 M€ par rapport aux dotations de
140
COUR DES COMPTES
la loi de finances initiale pour 2013 et à 135 M€ par rapport aux
évolutions d’ores et déjà connues à l’horizon de 2015, sans se traduire par
une baisse notable de l’efficacité de la politique d’aide à la presse.
Les hypothèses retenues pour ce chiffrage sont présentées en
annexe n°7.
Les conditions à réunir pour une politique rénovée
La mise en oeuvre d’une politique rénovée des aides à la presse
nécessiterait une action conjuguée de l’État et du secteur de la presse
afin :
-
d’appliquer toutes les dispositions du décret du 13 avril 2012 en
matière de gouvernance des aides à la presse ;
-
de favoriser l’essor du portage ;
-
d’achever la restructuration du système de distribution au numéro.
S’agissant de la gouvernance, une publication consolidée des aides
directes et indirectes par titre semble un préalable indispensable à la mise
en place d’une gestion véritablement transparente des aides. Les montants
des aides seraient rapportés aux volumes de journaux diffusés, afin
d’apprécier et de comparer le degré de soutien de l’État entre les titres
bénéficiaires. Les démarches de contrôle et d’évaluation prévues par le
décret du 13 avril 2012, mais dont la mise en oeuvre reste limitée, seraient
également menées à bien.
S’agissant du portage, il y a lieu de ne pas réitérer les défauts de
calibrage ou de calcul des aides constatés depuis 2009, qui n’ont pas
permis le développement significatif de ce mode d’acheminement de la
presse alors que celui-ci avait été considéré comme une priorité et était
doté de moyens importants. Les évolutions suivantes pourraient être
envisagées :
-
la structuration du portage autour de plusieurs opérateurs nationaux ;
-
le renforcement de la mutualisation des réseaux, notamment l’accès
accru de la presse nationale aux réseaux de portage de la presse
quotidienne régionale ;
-
l’augmentation progressive des tarifs administrés du transport postal,
afin que concomitamment avec les deux conditions précédentes, et
sans soutien de l’État, le coût du portage soit proche, voire moins
élevé, que celui du transport postal, et économiquement viable pour
ses opérateurs.
Dans cette perspective, l’État pourrait réunir les principaux acteurs
concernés (éditeurs de presse et opérateurs) afin d’envisager les
CONCLUSION GÉNÉRALE
141
orientations et les mesures à prendre pour faire réellement émerger une
activité structurée de portage en France. Il pourrait s’appuyer, le cas
échéant, sur le fonds stratégique pour encourager les projets les mieux à
même de structurer le secteur et de renforcer la mutualisation des réseaux
de portage et y améliorer les conditions sociales.
S’agissant de la distribution au numéro, les effets des réformes en
cours sont attendues d’ici 2016 :
-
Presstalis devra avoir achevé sa restructuration des niveaux 1 (celui
des messageries de presse) et 2 (celui des dépôts qui jouent un rôle de
grossistes au plan local) et trouvé l’équilibre financier dans son
activité de transport de la presse quotidienne nationale ;
-
les mesures à l’étude dans le cadre du conseil supérieur des
messageries de presse relatives à l’allègement des contraintes pesant
sur les diffuseurs et les marges financières dégagées par la
restructuration des deux premiers niveaux, à défaut par les éditeurs de
presse eux-mêmes, devront conduire à une amélioration de la
rémunération des diffuseurs de presse.
Si ces résultats escomptés ne se concrétisaient pas, l’État devrait
reconsidérer les conditions de son soutien à ce secteur de la diffusion afin
de ne pas financer à fonds perdus des restructurations toujours plus lentes
que les mutations.
Une réflexion sur la pertinence du maintien en l’état actuel de la loi
Bichet dans un contexte de transformation majeure de la presse écrite
serait également souhaitable.
ANNEXE N° 1
ECHANGES DE COURRIERS
ANNEXES
149
ANNEXE N° 2
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES
Direction générale des médias et des industries culturelles
Mme Laurence FRANCESCHINI, directrice générale
Mme Sylvie CLEMENT-CUZIN, sous-directrice de la presse
écrite et des métiers de l’information
Direction du budget
M. Julien DUBERTRET, directeur
M. Alexandre TISSERANT, chef du bureau de la justice et des
médias
M. Julien NEUTRES, adjoint au chef du bureau en charge des
industries culturelles
Direction de la législation fiscale
Mme Véronique BIED-CHARRETON, directrice
M. Louis-Olivier FADDA, chef du bureau des politiques
sectorielles et taxes sur les transactions
Autorité de la régulation de la distribution de la presse
M. Roch-Olivier MAISTRE, Président de l’Autorité de régulation
de la distribution de la presse (ARDP)
Conseil supérieur des messageries de presse
M. Jean-Pierre ROGER, président
M. Guy DELIVET, directeur général
150
COUR DES COMPTES
Fonds stratégique pour le développement de la presse
M. Dominique ANTOINE, président du comité d’orientation
La Poste
M. Jean-Paul BAILLY, président-directeur général
M. Marc-André FEFFER, directeur général adjoint du groupe
chargé de la stratégie du développement, des affaires internationales et
juridiques et de la régulation
M. Nicolas ROUTIER, directeur général adjoint du groupe,
directeur général du courrier.
Presstalis
Mme Anne-Marie COUDERC, présidente
M. Vincent REY, directeur général
Mme Karine BOUBEL, directrice juridique
M. Xavier VERET, directeur financier
Mme Frédérique GIRARD, ancienne directrice financière
Expert
M. Patrick EVENO, professeur des universités à Paris I, historien
des médias
Editeurs de Presse
M. Louis DREYFUS, directeur de la publication du journal
Le
Monde
M. Marc FEUILLEE, directeur général du journal
Le Figaro
M. Georges SANEROT, directeur de la publication du journal
La
Croix
M. Arnaud BROUSTET, administrateur général du journal
La
Croix
M. Hubert CHICOU, directeur général de Bayard Presse
ANNEXES
151
M. Patrick Le HYARIC, président du directoire, directeur de
publication du journal
L’Humanité
M. Edwy PLENEL, président de
Médiapart
M. Maurice BOTBOL, directeur d’
Indigo Publications
Agence France-presse
M. Emmanuel HOOG, président-directeur général
M. Emmanuel MARCOVITCH, directeur général adjoint
Syndicats et organisations représentatives des personnels de la presse
Syndicat général du livre et de la communication écrite (SGLCE)
M. Marc NORGUEZ, secrétaire général
Syndicat national des journalistes (SNJ)
M. Anthony BELLANGER, premier secrétaire général
Mme Dominique PRADALIE, porte-parole du SNJ et secrétaire
générale
M. Jean-Pierre FRAPPIER, membre du bureau national
Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN)
M. Marc FEUILLEE, président
M. Denis BOUCHEZ, directeur
Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR)
M. Jean VIANSSON-PONTE, président
M. Jean-Pierre RAFFOUX, responsable des études
Mme Haude d’HARCOURT, conseillère en charge des relations
avec les pouvoirs publics
152
COUR DES COMPTES
ANNEXE N° 3
CREDITS BUDGETAIRES OUVERTS ET CONSOMMES
DE 2006 A 2013
Crédits ouverts 2006-2013
Programme 180 « Presse »
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
Abonnements de l’État à l'AFP
107 795 977
107 795 977
109 412 916
109 412 916
109 412 916
109 412 916
111 382 348
111 382 348
111 382 348
111 382 348
113 387 230
113 387 230
113 387 230
113 387 230
115 428 200
115 428 200
117 505 908
117 505 908
119 621 014
119 621 014
Aides à la presse
170 850 145
170 850 145
162 799 805
162 799 805
175 148 421
170 148 421
171 309 003
166 309 003
183 468 039
163 315 186
354 777 042
329 624 189
302 924 107
304 424 107
23 700 000
13 700 000
326 624 107
318 124 107
306 049 226
304 494 360
268 314 134
272 814 134
394 780 620
394 780 620
Aides à la diffusion
90 683 595
90 683 595
94 550 000
94 550 000
99 000 000
99 000 000
98 700 000
98 700 000
94 868 039
95 150 000
193 568 039
193 850 000
200 750 000
200 750 000
1 593 500
1 593 500
202 343 500
202 343 500
198 839 818
198 839 818
173 212 190
173 212 190
308 000 000
308 000 000
Aide au transport postal
71 483 595
71 483 595
76 000 000
76 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
25 400 000
25 400 000
108 400 000
108 400 000
111 000 000
111 000 000
-1 720 500
-1 720 500
109 279 500
109 279 500
109 489 818
109 489 818
107 212 190
107 212 190
249 000 000
249 000 000
dont trajectoire prévue par les accords
presse-Poste
83 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
79 570 248
79 570 248
217 000 000
217 000 000
dont moratoire d'un an sur les accords presse-
Poste
25 400 000
25 400 000
25 400 000
25 400 000
28 000 000
28 000 000
-1 720 500
-1 720 500
26 279 500
26 279 500
26 489 818
26 489 818
27 641 942
27 641 942
32 000 000
32 000 000
Aide au portage de la presse
8 250 000
8 250 000
8 250 000
8 250 000
8 250 000
8 250 000
8 250 000
8 250 000
61 750 000
61 750 000
70 000 000
70 000 000
70 000 000
70 000 000
-2 100 000
-2 100 000
67 900 000
67 900 000
67 900 000
67 900 000
45 000 000
45 000 000
37 600 000
37 600 000
Exonération charges patronales pour les porteurs
7 718 039
8 000 000
7 718 039
8 000 000
12 000 000
12 000 000
5 414 000
5 414 000
17 414 000
17 414 000
14 000 000
14 000 000
15 500 000
15 500 000
16 900 000
16 900 000
Réduction du tarif SNCF pour le transport de presse
7 300 000
7 300 000
7 300 000
7 300 000
5 800 000
5 800 000
5 500 000
5 500 000
5 500 000
5 500 000
5 800 000
5 800 000
5 800 000
5 800 000
5 500 000
5 500 000
5 500 000
5 500 000
4 500 000
4 500 000
Aide à l'impression décentralisée des quotidiens
350 000
350 000
200 000
200 000
0
0
0
0
Aide à la distribution et à la promotion de la
presse française à l'étranger
3 300 000
3 300 000
2 800 000
2 800 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
Aides au pluralisme
9 975 000
9 975 000
9 975 000
9 975 000
9 975 000
9 975 000
9 675 000
9 675 000
0
0
9 675 000
9 675 000
11 975 000
11 975 000
3 000 000
0
14 975 000
11 975 000
11 975 000
11 975 000
11 975 000
11 975 000
11 975 000
11 975 000
Aide aux quotidiens nationaux d'information politique
et générale à faibles ressources publicitaires
7 155 000
7 155 000
7 155 000
7 155 000
7 155 000
7 155 000
7 055 000
7 055 000
7 055 000
7 055 000
9 155 000
9 155 000
3 000 000
0
12 155 000
9 155 000
9 155 000
9 155 000
9 155 000
9 155 000
9 155 000
9 155 000
Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et
locaux d'information politique et générale à faibles
ressources de petites annonces
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 300 000
1 300 000
1 300 000
1 300 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
Aide à la presse hebdomadaire régionale
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 320 000
1 320 000
1 320 000
1 320 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
Aides à la modernisation
70 191 550
70 191 550
58 274 805
58 274 805
66 173 421
61 173 421
62 934 003
57 934 003
88 600 000
68 165 186
151 534 003
126 099 189
90 199 107
91 699 107
19 106 500
12 106 500
107 705 607
103 805 607
95 234 408
93 679 542
83 126 944
87 626 944
74 805 620
74 805 620
Aide à la modernisation sociale
31 000 000
31 000 000
20 774 805
20 774 805
26 673 421
26 673 421
24 703 989
24 703 989
24 703 989
24 703 989
22 699 107
22 699 107
-345 500
-345 500
22 353 607
22 353 607
27 616 357
27 616 357
24 493 241
24 493 241
18 415 457
18 415 457
Aide à la distribution de la presse
8 000 000
8 000 000
8 000 000
8 000 000
12 000 000
12 000 000
11 000 000
11 000 000
11 000 000
11 000 000
12 000 000
12 000 000
20 000 000
14 600 000
32 000 000
26 600 000
18 000 000
18 000 000
18 850 000
18 850 000
18 850 000
18 850 000
Aide à la modernisation des diffuseurs
3 660 000
3 660 000
2 000 000
2 000 000
2 000 000
2 000 000
1 730 014
1 730 014
11 300 000
11 300 000
13 030 014
13 030 014
11 800 000
11 800 000
-1 180 000
-1 180 000
10 620 000
10 620 000
10 108 051
10 108 051
6 000 000
6 000 000
4 000 000
4 000 000
Aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse
52 600 000
32 165 186
52 600 000
32 165 186
0
0
SPEL (SEL)
790 000
790 000
500 000
500 000
500 000
500 000
500 000
500 000
19 700 000
19 700 000
20 200 000
20 200 000
19 500 000
20 200 000
19 500 000
20 200 000
19 500 000
17 945 134
Aide à la modernisation de la presse (FDM)
26 741 550
26 741 550
27 000 000
27 000 000
25 000 000
20 000 000
25 000 000
20 000 000
5 000 000
5 000 000
30 000 000
25 000 000
24 200 000
25 000 000
-968 000
-968 000
23 232 000
24 032 000
20 000 000
20 000 000
Fonds stratégique pour le développement
de la
presse
33 777 353
38 277 353
33 485 163
33 485 163
réserve parlementaire
10 000
10 000
6 350
6 350
55 000
55 000
Crédits non affectés
1 600 000
TOTAL crédits
PRESSE
PROGRAMME 180
278 646 122
278 646 122
272 212 721
272 212 721
284 561 337
279 561 337
282 691 351
277 691 351
183 468 039
163 315 186
466 159 390
441 006 537
416 311 337
417 811 337
23 700 000
13 700 000
440 011 337
431 511 337
421 477 426
419 922 560
385 820 042
390 320 042
514 401 634
514 401 634
Aide au transport postal crédits du programme 134
166 000 000
166 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
152 429 752
152 429 752
0
0
TOTAL crédits
budgétaires PRESSE
438 212 721
438 212 721
443 561 337
438 561 337
441 691 351
436 691 351
183 468 039
163 315 186
625 159 390
600 006 537
575 311 337
576 811 337
23 700 000
13 700 000
599 011 337
590 511 337
580 477 426
578 922 560
538 249 794
542 749 794
514 401 634
514 401 634
LFR 2009* = LFR mars 2009 + décret d'avance novembre 2009 + LFR décembre 2009
LFR 2010* = LFR mars 2010 + LFR décembre 2010
Dotation = LFI + LFR pour chacun des exercices
LFI 2006
LFI 2007
LFI 2008
LFI 2009
LFR 2009*
Dotation 2009
LFI 2010
LFR 2010*
Dotation 2010
LFI 2011
LFI 2012
LFI 2013
Crédits consommés 2006-2012
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
AE
CP
Abonnements de l'Etat à l'AFP
107 795 945
107 795 944
109 412 883
109 412 883
109 412 883
109 412 883
111 382 319
111 382 319
113 387 230
113 387 230
115 428 168
115 428 168
117 902 769
117 902 769
Aides à la presse
223 173 626
145 624 805
154 771 594
154 312 724
167 161 416
164 642 058
327 077 657
324 334 175
335 420 632
329 088 556
314 722 724
298 132 594
256 982 437
267 013 682
Aides à la diffusion
99 879 223
95 984 050
93 550 000
94 299 843
99 000 000
99 302 731
186 779 294
188 013 282
199 328 761
199 316 768
199 817 847
200 391 478
173 201 476
173 201 476
Aide au transport postal
81 237 452
77 342 279
75 000 000
75 749 843
83 000 000
83 302 731
106 277 273
107 511 261
107 342 604
107 330 611
109 586 982
110 260 613
109 092 358
109 092 358
dont trajectoire prévue par les accords presse-Poste
75 000 000
75 749 843
83 000 000
83 302 731
83 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
83 000 000
79 570 248
79 570 248
dont moratoire d'un an sur les accords presse-Poste
23 277 273
24 511 261
24 342 604
24 330 611
26 586 982
27 260 613
29 522 110
29 522 110
Aide au portage de la presse
7 858 385
7 858 385
8 250 000
8 250 000
8 250 000
8 250 000
65 052 021
65 052 021
67 236 157
67 236 157
66 691 329
66 691 329
44 539 118
44 539 118
Exonération charges patronales pour les porteurs
8 000 000
8 000 000
17 000 000
17 000 000
16 089 536
16 089 536
14 570 000
14 570 000
Réduction du tarif SNCF pour le transport de presse
7 290 032
7 290 032
7 300 000
7 300 000
5 800 000
5 800 000
5 500 000
5 500 000
5 800 000
5 800 000
5 500 000
5 500 000
5 000 000
5 000 000
Aide à l'impression décentralisée des quotidiens
350 000
350 000
200 000
200 000
Aide à la distribution et à la promotion de la presse française à
l'étranger
3 143 354
3 143 354
2 800 000
2 800 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 950 000
1 850 000
Aides au pluralisme
10 457 595
10 457 595
10 399 245
10 399 245
12 975 000
12 975 000
16 200 000
16 200 000
19 453 508
19 453 508
11 975 000
11 975 000
12 020 669
12 014 762
Aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale
à faibles ressources publicitaires
7 705 000
7 705 000
7 705 000
7 705 000
10 155 000
10 155 000
13 001 492
13 001 492
16 155 000
16 155 000
9 155 000
9 155 000
9 155 000
9 155 000
Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux
d'information politique et générale à faibles ressources de petites
annonces
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 878 508
1 878 508
1 878 508
1 878 508
1 400 000
1 400 000
1 400 000
1 400 000
Aide à la presse hebdomadaire régionale
1 352 595
1 352 595
1 294 245
1 294 245
1 420 000
1 420 000
1 320 000
1 320 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 420 000
1 465 669
1 459 762
Aides à la modernisation
112 836 808
39 183 160
50 822 349
49 613 636
55 186 416
52 364 327
124 098 363
120 120 893
116 638 363
110 318 280
102 929 877
85 766 116
71 760 292
81 797 444
Aide à la modernisation sociale
9 457 106
9 457 106
12 338 710
12 338 710
14 081 196
14 081 196
24 905 910
24 905 910
29 918 136
29 918 136
28 150 583
28 150 583
23 400 000
23 400 000
Aide à la distribution de la presse
8 000 000
8 000 000
8 000 000
8 000 000
12 000 000
12 000 000
11 000 000
11 000 000
45 000 000
45 000 000
18 000 000
18 000 000
23 850 000
23 850 000
Aide à la modernisation des diffuseurs
3 660 000
3 660 000
4 000 000
4 000 000
3 998 121
3 998 121
7 012 586
7 012 586
6 487 638
7 733 892
19 308 768
14 036 000
5 640 000
10 912 768
Aide exceptionnelle aux diffuseurs de presse
51 320 540
48 558 286
SPEL (SEL)
599 649
380 420
322 530
411 463
377 841
304 289
63 345
41 848
17 867 158
2 731 818
17 460 977
7 907 868
Aide à la modernisation de la presse (FDM)
91 120 053
17 685 634
26 161 109
24 863 463
24 729 258
21 980 721
29 795 982
28 602 263
17 365 431
24 934 434
19 999 549
17 661 665
Fonds stratégique pour le développement
de la presse
18 863 942
23 628 326
réserve parlementaire
10 000
10 000
6 350
6 350
Crédits non affectés
TOTAL crédits
PRESSE
PROGRAMME 180
330 969 571
253 420 749
264 184 477
263 725 607
276 574 299
274 054 941
438 459 976
435 716 494
448 807 862
442 475 786
430 150 892
413 560 762
374 885 206
384 916 451
Aide au transport postal crédits du programme 134
166 000 000
166 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
159 000 000
152 000 000
152 000 000
TOTAL crédits
budgétaires PRESSE
430 184 477
429 725 607
435 574 299
433 054 941
597 459 976
594 716 494
607 807 862
601 475 786
589 150 892
572 560 762
526 885 206
536 916 451
LFR 2009* = LFR mars 2009 + décret d'avance novembre 2009 + LFR décembre 2009
LFR 2010* = LFR mars 2010 + LFR décembre 2010
Dotation = LFI + LFR pour chacun des exercices
Exécuté 2007
Exécuté 2008
Exécuté 2009
Exécuté 2010
Exécuté 2011
Exécuté 2012
Exécuté 2006
ANNEXES
155
ANNEXE N° 4
COMPARAISONS INTERNATIONALES ETABLIES PAR LA
DGMIC
DGMIC-BREP
Mars 2013
Comparaisons internationales sur les dispositifs d’aide publique à la
presse
La presse écrite connaît ces dernières années un lent déclin lié en
particulier à l’apparition de nouveaux médias et à de profonds
changements des modes de consommation de l’information (Internet,
presse gratuite…).
Les aides accordées par l’État au secteur de la presse constituent
l’un des volets de la politique de la communication, qui vise à faciliter
l’exercice de la liberté d’expression et de la liberté d’information
indispensables à la vie démocratique.
1 -
Le soutien public à la presse en Allemagne
En Allemagne, la presse écrite ne bénéficie d’
aucune aide directe
de l’État
. Selon l’article 5 alinéa 1 de la constitution allemande :
«
Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement son opinion par la
parole, par l’écrit et par l’image, et de s’informer sans entraves aux
sources qui sont accessibles à tous.
La liberté de la presse et la liberté
d’informer par la radio, la télévision et le cinéma sont garanties.
Il n’y a
pas de censure
». Ce dispositif permet en France de justifier les aides à la
presse. Les autorités allemandes, pour préserver la liberté de presse et une
couverture médiatique critique, s’interdisent au contraire d’exercer une
quelconque influence et ne versent donc pas à ce titre de subvention
directe au secteur.
Trois dispositifs d’aides indirectes à la presse
ont néanmoins été
mis en place.
D'une part,
le transport de la presse écrite
est considéré comme
un service universel et bénéficie d’une exonération de TVA auprès de la
Deutsche Post. Selon le § 1 alinéa 1 No 3 du règlement sur le service
universel postal allemand (PUDLV) du 15 décembre 1999 et le § 4 alinéa
156
COUR DES COMPTES
1 N° 11 b de la loi relative à l’impôt sur le chiffre d’affaires du 26
novembre 1979, la distribution de la presse d’information politique et
générale est un service universel, exempt de TVA. Il doit être assuré par
la Deutsche Post AG de manière rentable et à des prix réduits.
D’autre part,
la vente de la presse
écrite bénéficie d’un
taux
réduit de TVA généralisé de 7 %
. En effet, selon le § 12, alinéa 2 No 1,
et annexe 2 N° 49 de la loi relative à l’impôt sur le chiffre d’affaires du
26/11/1979, un taux de TVA réduit à 7 % au lieu de 19 % est appliqué à
la vente de journaux, de livres et de magazines.
Enfin,
la vente de la presse
bénéficie d’une disposition légale
particulière qui constitue en soi une aide indirecte : la loi sur la
concurrence économique (
Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen,
GWB
) du 26 août 1998. Selon le § 30 de la GWB relatif à la formation
des prix dans la presse – exception au droit des cartels –, les prix de vente
de journaux et de magazines, fixés par les maisons d’édition de presse,
doivent être appliqués sur l’ensemble du territoire et ne peuvent varier ni
en fonction du lieu de vente (commerçant) ou du mode de distribution, ni
au niveau du système de distribution (chaîne de revente). Cela implique
qu’une maison d’édition fixe un prix qui intègre les coûts de portage.
L’Allemagne compte actuellement dix titres d’envergure
nationales
(Bild, Frankfurter Allgemeine Zeitung, Die Welt, Süddeutsche
Zeitung, Frankfurter Rundschau, Handelsblatt, Die Tageszeitung, Spiegel
et Financial Times Deutschland)
et quelque 335 titres régionaux et
locaux
qui
assurent
une
diffusion
quotidienne
de
25
millions
d’exemplaires. Environ 16,5 millions d’exemplaires sont distribués par
abonnement tandis que près de 8,5 millions sont achetés en kiosque. Près
des trois-quart des Allemands âgés de plus de 14 ans affirment lire
régulièrement un journal. La presse régionale possède également une
assise importante en Allemagne.
La presse écrite voit toutefois son influence en tant que vecteur
d’information diminuer de manière continue au profit d’Internet,
notamment auprès des jeunes générations. Ainsi, aujourd’hui, il existe
environ 660 sites internet d’informations, le plus visité étant
Bild.be
.
Pour plus de la moitié, le secteur de la presse quotidienne est
contrôlé par dix maisons d’édition, qui réalisent à elles seules un tiers des
ventes :
Bertelsmann,
Axel Springer AG, Westdeutsche Allgemeine
Zeitung, DuMont Schauberg, Gruner & Jahr, Süddeutsche Zeitung,
Frankfurter
Allgemeine
Zeitung,
Dirk
Ippen,
Holtzbrinck
et
Madsack/Gerstenberg
. En ce qui concerne les périodiques, les quatre
principaux groupes (61 % des tirages) sont
Springer
,
Bauer
,
Burda
et
Gruner
&
Jahr
.
ANNEXES
157
La presse allemande, qui a traversé ces dernières années une crise
financière sans précédent, a renoué avec une certaine stabilité, bien que
les ventes aient toujours tendance à reculer d’une année sur l’autre. Le
repli économique général avait également conduit à un véritable
effondrement du marché allemand des annonces et de la publicité –
marché qui représente les deux tiers du chiffre d’affaires des journaux. À
cela s’étaient ajoutées la forte hausse du prix du papier, une baisse des
ventes en kiosque et une augmentation des parts de marché de l’Internet
pour les annonces professionnelles, conduisant à une évolution
structurelle importante. Ainsi, sur ces cinq dernières années, on constate
une évolution des parts de marché de la publicité en faveur de l'internet
(13 % en 2007 – 19,8 % en 2010) au détriment des journaux et magazines
(53,6 % en 2007 – 47,1 % en 2010). La part de marché de la publicité
pour la télévision est quant à elle restée stable aux alentours de 23 %.
Face au
déclin de la presse quotidienne payante,
à l’
essor des
nouvelles technologies
comme Internet et au développement d’une
culture de la gratuité dans la consommation de l’information, certaines
initiatives ont été encouragées par le gouvernement. Le ministère d'État
chargé de la culture et des médias (BKM) a notamment lancé fin 2008
une opération de promotion de la presse écrite dans le cadre de
l’« initiative nationale de la presse écrite – journaux et revues périodiques
au miroir de la démocratie », afin de promouvoir cette technique de
communication politique et culturelle auprès des jeunes (voir site
www.nationale-initiative-printmedien.de
).
Cette
initiative
vise
en
particulier à éveiller l’intérêt des jeunes pour la lecture des journaux et
des magazines ; les sensibiliser à l’importance de la diversité d’opinions
et des médias ; leur faire prendre conscience du rôle et de la fonction des
médias comme instruments d’éducation politique et culturelle.
Un réseau informel a par ailleurs été créé, réunissant divers acteurs
comme le BKM, des maisons d’édition de presse, des fédérations
professionnelles de journaux et autres organisations comme la centrale
fédérale pour la formation politique (BPB), la fondation Presse-Grosso et
la fondation Lire
46.
Ces différents membres encouragent un grand nombre
de projets de promotion de la presse écrite, comme « Journal à l’école »,
« Revues dans les écoles ». Des rencontres annuelles sont organisées et
permettent de présenter et évaluer les résultats de ces initiatives.
46
Parmi ces fédérations professionelles, on trouve :
Bundesverband deutscher
Zeitungsverleger BdZV, Verband deutscher Zeitschriftenverleger VDZ, Verband
Deutscher Lokalzeitungen VDL, Bundesverband Presse-Grosso, Deutscher Presserat,
Verband Jugendpresse Deutschland JPD, Deutscher Journalistenverband DJV,
Deutsche Journalisten Union, Verdi dju
.
158
COUR DES COMPTES
2 -
Le soutien public à la presse en Espagne
Les dispositifs d’aides publiques directes de l’État central en
faveur de la presse ne sont plus en vigueur en Espagne depuis 1989
, la
loi 37/1988 du 29 décembre 1988 les ayant supprimés
47
.
Les Communautés autonomes
dotées d´une langue officielle
propre, aux côtés du castillan (soit la Catalogne, le Pays Basque, la
Galice), ou d’une langue qui bénéficie d´un certain degré d´implantation
(Asturies, Navarre),
ont mis en place des mécanismes d´aides
publiques directes à la presse pour la promotion de leurs langues
régionales
. Ces aides permettent également de compenser le désavantage
que suppose la part de marché réduite des entreprises et des entités
éditoriales utilisant les langues propres à la Communauté autonome.
À titre d’exemple, le Gouvernement autonome de la Catalogne
(
Generalitat
) finance la presse régionale
via
deux lignes de crédit, la
première portant sur la promotion des activités d’édition et de
commercialisation de la presse catalane et aranaise et la seconde relative
au soutien des entreprises journalistiques et des entités éditoriales de
presse en catalan et aranais. Le financement a atteint 5,2 M€ en 2006.
Seuls deux mécanismes d’aides indirectes existent en Espagne :
-
l'application du
taux de TVA super-réduit de 4 %
aux livraisons,
acquisitions intracommunautaires ou importations de livres, de
périodiques et de revues, lorsque ces derniers ne contiennent pas
uniquement ou fondamentalement de la publicité (article 91.dos.1.2º
de la loi 37/1992 sur la TVA) ;
-
des subventions accordées au titre de l´affranchissement postal
(la loi 24/1998 du 13 juillet 1998 sur le service postal universel et la
libéralisation des services postaux)
48
.
Il existe aujourd’hui 4 grands
journaux nationaux
en Espagne (
El
Pais, El Mundo, ABC
et
La Razon)
mais la
presse régionale
tient une
part essentielle dans le panorama de la
presse quotidienne espagnole
.
Par exemple, le
journal
La Vanguardia,
qui est un
quotidien catalan
a
une
diffusion
qui dépasse largement les limites de la
Catalogne
. À noter
47
Les principales modalités d´aides directes mises en place par les gouvernements
UCD (Union de centre démocratique) et PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) dans
les années 1970 et 80 concernaient les aides accordées au titre de soutien à la
diffusion, à la consommation de papier pour la presse nationale et la reconversion
technologique. Les grandes entreprises de presse ont majoritairement bénéficié de ce
dispositif d´aides directes.
48
La répercussion de cette mesure reste néanmoins minime étant donné que les
entreprises disposent de leur réseau de distribution.
ANNEXES
159
que la
presse sportive
tient une part essentielle. Les
journaux sportifs
espagnols
sont très nombreux et très lus.
La presse espagnole en crise :
La crise économique de ces dernières années affecte durement les
médias espagnols.
En effet, le journal gratuit « Metro » a fermé, des journaux
nationaux ont d’importants plans de licenciement en discussion et le
premier quotidien national, « El Pais », a annoncé le 30 mars 2009 une
augmentation de son prix de 1,10 à 1,20 euro, pour faire face à la chute de
ses revenus publicitaires. La plupart des grands groupes de presse
espagnols ont négocié ou annoncé des suppressions de postes, tout en
imposant dans certains cas des baisses de salaires.
De plus, la Fédération des associations des journalistes d’Espagne
(FAPE) a révélé au printemps 2010 que 3.350 postes de journalistes,
environ 10 % du total, ont été supprimés dans le pays depuis novembre
2008.
C'est pourquoi, celle-ci a, en mai 2010, demandé des aides
publiques pour faire face à ce contexte difficile. Regrettant qu’aucun plan
public de soutien à la presse n’ait été mis en place depuis l’éclatement de
la crise, contrairement à la France, elle a réclamé un «
plan d’aides aux
médias conditionné au maintien des postes de travail
». Pourtant, un plan
d’aide publique avait été proposé, en Espagne, mais rejeté par les
dirigeants de médias, en 2009.
3 -
Le soutien public à la presse aux États-Unis
Aux États-Unis, la liberté de la presse est un droit fondamental
garanti par le Premier Amendement de la Constitution américaine. Cet
amendement dispose que le «
Congrès ne fera aucune loi
(…)
qui
restreigne la liberté de la presse ou de la parole
».
Cette limitation des pouvoirs du Congrès sur la liberté de la presse
s’explique par des raisons historiques. Pour le constituant, il s’agissait en
effet de mettre un terme au contrôle de la liberté de la presse par les
institutions des colonies anglaises.
Cette idée d’une presse libre exempte de toute intervention du
Congrès est aujourd’hui toujours respectée. Il en découle, tant au niveau
fédéral qu’au niveau étatique, une
absence d’influence directe sur la
presse écrite, que ce soit au travers de subventions publiques, de
licences pour imprimer ou d’immatriculation des journalistes
.
160
COUR DES COMPTES
S’agissant des aides indirectes, aucune n’existe au niveau
fédéral
.
Au niveau étatique
en revanche, trente États de l'Union
exemptent les sociétés de presse ressortissantes d’impôts sur les ventes
(«
sales tax
»).
Par ailleurs, une autre forme de subvention indirecte peut être
décelée avec le développement de sociétés de presse créées sous la forme
de «
not-for-profit organizations
». Cette forme de sociétés de presse,
financées généralement par des fondations, permet en effet une
exonération de l’impôt sur les sociétés («
tax-exempt corporation
»)
49
.
Par ailleurs, quelques dérogations aux tarifs généraux de la Poste
américaine (USPS) sont pratiquées dans le cas des publications
périodiques.
Face au déclin de la presse, un débat a été lancé sur la mise en
oeuvre de subventions publiques. Parmi les défenseurs d’une aide
publique à la presse américaine, le président de la prestigieuse université
américaine Columbia, Lee C. BOLLINGER, a publié un article dans le
“Wall Street Journal” intitulé “Le journalisme a besoin de l'aide du
gouvernement” en juillet 2010. M. Nicholas Lemann, doyen de l’École de
journalisme de l’Université de Columbia, explique également que les
subventions gouvernementales directes représentent le seul moyen pour
limiter la baisse des ventes de la presse écrite américaine («
The Uncle
Sam solution – Can the government help the press ? Should it ? Columbia
Journalism Review, October 2007
»).
Dans le camp des défenseurs d'une aide publique à la presse, une
étude de l'
USC Annenberg School for Communication and Journalism
« Politique publique et financement de l'information » tend à démontrer
comment, depuis le
Postal Act
de 1792, qui permet à la presse de
bénéficier de réduction sur la distribution, à nos jours, la presse
américaine reçoit des aides publiques (réduction de taxe, achat d’espace
publicitaire par le gouvernement, annonces judiciaires légales, …). Selon
les auteurs, à la fin des années 1980, le service postal américain
subventionnait jusqu’à près de 75 % du coût de distribution des journaux,
soit environ 2 milliards de dollars, contre une subvention de 11 %
aujourd’hui, soit 288 millions de dollars.
Les systèmes de subventions publiques directes et indirectes de
certains pays européens tels que la Suède, la France et le Royaume-Uni
49
La création fin 2007 de ProPublica a, à cet égard, provoqué beaucoup d’intérêt.
Créée par l’ancien directeur de la rédaction du Wall Street Journal, Paul Steiger, et
subventionnée par des donations de la fondation Sandler, ProPublica est une agence
de presse indépendante, à but non lucratif, qui pratique le journalisme d’investigation
dans l’intérêt général.
ANNEXES
161
sont à cet égard cités comme exemples. Au contraire, les opposants à
l’intervention des pouvoirs publics continuent de s’appuyer sur les
dispositions du Premier Amendement de la Constitution américaine pour
refuser une telle intervention.
4 -
Le soutien public à la presse en Finlande
En Finlande, jusque fin 2007, il existait deux types de dispositifs
d’aides à la presse : les aides sélectives et les aides parlementaires.
Les aides sélectives étaient accordées aux journaux les plus
modestes afin de réduire, entre autres, leur coût de publication, de
transport et de diffusion. Les principaux critères d’éligibilité étaient
calculés en fonction des états financiers de l’entreprise (le rendement du
capital, le taux d’autofinancement, le ratio de liquidité). Les aides
parlementaires étaient accordées aux partis politiques représentés au
Parlement en fonction du nombre de sièges, selon la base des conditions
générales de financement des partis politiques en Finlande. Par la suite,
les partis politiques décidaient de l’attribution des aides financières. Ces
aides étaient destinées à soutenir les journaux orientés politiquement (y
compris leur édition électronique) mais qui n’appartenaient pas
directement à un parti. En 2007, les aides parlementaires ont représenté
8,1 millions d’euros.
Le 25 janvier 2008, le Gouvernement a présenté une loi de
finances rectificative au Parlement, où 18 millions d’euros (l’équivalent
du montant accordé précédemment à la presse sous forme d’aides
parlementaires) ont été alloués aux partis politiques.
Le budget des aides
parlementaires en 2008 était ainsi intégré au budget de financement
général des partis politiques
(approuvé par le Parlement le 20 février
2008). Désormais, les partis peuvent gérer leur budget d’une manière
autonome et les aides destinées aux journaux ne sont plus imputables au
Gouvernement.
Les aides sélectives ont également été modifiées pour mieux faire
face au nouvel environnement médiatique (développement des médias
électroniques) et dans le but de renforcer la position du suédois et des
langues minoritaires. Depuis 2008, les aides sélectives sont accordées
uniquement aux journaux (et aux médias électroniques correspondants)
publiés dans certaines langues minoritaires (telles que le same et la
romani) et en suédois ainsi qu’aux services d’information en suédois. Le
budget a été réduit de 6,1 millions d’euros en 2007 à 0,5 million d’euros
en 2008. Le critère selon lequel seuls les journaux à faibles ressources
étaient éligibles aux aides sélectives n’est plus valable.
162
COUR DES COMPTES
En Finlande, les aides à la presse ne sont pas fixées par la loi. Le
Parlement détermine les aides chaque année (budget de l'État). Les
conditions et les mesures pratiques sont définies dans le décret 1481/2001
sur les aides à la presse, établi en vertu du
Act on Discretionary
Government Transfers
(688/2001). Ce décret définit un journal comme
une publication imprimée et publiée en Finlande, accessible à tous pour
un prix d’abonnement raisonnable, publié au moins trois fois par semaine,
couvrant l’actualité nationale et internationale et présentant différents
aspects de la société. Une publication numérique est un journal mis à jour
au moins trois fois par semaine et disponible au public par l’intermédiaire
d’un réseau ouvert d’information.
L’aide aux journaux est accordée par le Ministère des transports et
des communications, qui, avant d’accorder une subvention, consulte le
Swedish Assembly of Finland
50
ainsi que le
Sámi Parliament
51
.
Les coûts pouvant être couverts sont les frais d’édition,
d’imprimerie, de marketing, d’administration et de distribution. Le tirage
ne doit pas dépasser 15 000 exemplaires. Les aides sont versées en deux
fois : durant les deux semaines suivant la prise de décision puis le
15 octobre de l’année pour laquelle la subvention a été accordée. Si un
journal, une publication numérique ou un service d’information a
bénéficié d’autres aides, celles-ci ne peuvent excéder 40 % des frais
couverts par la subvention. Les journaux subventionnés sont soit des
publications locales ou régionales, soit des publications nationales avec
des tirages moins importants. Ainsi il n’y a pas de risque que les aides
accordées perturbent le marché. Les bénéficiaires doivent remettre un
rapport sur l’utilisation de l’aide (au plus tard le 30 avril de l’année
suivante) au Ministère des transports et des communications. Le rapport
doit inclure bilans et comptes de résultats.
Enfin, en plus des aides directes, il existe une
aide indirecte pour
les journaux et magazines
. Les publications servies sur abonnement sont
en effet
exemptées de la TVA
(VAT Act 1501/1003, 55 & 56 §).
50
Forum de discussion et de coopération en charge de la défense des droits des
populations de langue suédoise.
51
Organe de défense des droits des Lapons.
ANNEXES
163
5 -
Le soutien public à la presse en Italie
a)
Les aides directes en faveur du secteur de la presse en Italie sont
nombreuses et ont des objectifs variés.
Certaines constituent des
aides pour la diffusion des idées et des
programmes politiques :
-
les aides pour les titres (quotidiens, magazines, revues, etc.) liés à des
partis ou des mouvements politiques qui ont un groupe parlementaire
représenté dans une des chambres ou au Parlement européen ou qui
sont l’expression de minorités linguistiques reconnues ayant au
moins un représentant au Parlement européen
52
. Cette contribution
est double : une partie fixe, annuelle, dont le montant est égal à 40 %
des dépenses totales, les amortissements étant inclus ; une partie
variable dépendant du nombre d’exemplaires tirés par le quotidien ou
l’hebdomadaire ;
-
les aides pour les quotidiens ou les périodiques liés à des
mouvements politiques
53
. Les quotidiens et périodiques organes de
mouvements politiques, enregistrés au tribunal, peuvent faire des
demandes de contributions, non cumulables avec une autre demande
analogue, qui seraient égales à 60 % des dépenses totales de la
maison d’édition.
D’autres constituent des
aides au pluralisme :
-
les aides pour les quotidiens ou les périodiques édités par des
coopératives journalistiques ou de journalistes
54
. Depuis le 1
er
janvier
2002, les contributions ne peuvent pas être supérieures à 50 % des
dépenses totales, amortissements inclus, résultant du bilan de
l’entreprise. Elles sont accordées aux maisons d’édition de quotidiens
sous certaines conditions mais sont limitées à un seul titre par
éditeur ;
-
des aides pour les quotidiens dont la majorité du capital est détenue
par des coopératives, des fondations ou des personnes morales sans
but lucratif
55
;
-
des aides pour les entreprises de périodiques édités par des
coopératives, fondations ou personnes morales sans but lucratif ou
52
Loi du 7 août 1990, n° 250, article 3 alinéa 10.
53
Loi du 23 décembre 2000, n° 388, article 153.
54
Loi du 7 août 1990, n° 250, article 3 alinéa 2.
55
Loi du 7 août 1990, n° 250, article 3 alinéa 2-bis.
164
COUR DES COMPTES
bien par des sociétés qui sont majoritairement détenues par des
coopératives, des fondations ou des personnes morales sans but
lucratif
56
. Depuis le 1
er
janvier 1991, les maisons d’édition de
périodiques qui ont ce statut reçoivent 0,2 € par exemplaire imprimé
et
par
an
jusqu’à
30
000
exemplaires
de
tirage
moyen,
indépendamment du nombre de titres ;
-
des aides pour les associations de consommateurs et d’usagers
inscrites sur la liste des associations représentatives au niveau
national
57
.
Enfin, l'Italie attribue des
aides à l’accès à l’information et à la
diffusion de l’information en italien à l’étranger :
-
des aides pour les quotidiens édités dans des régions frontalières et de
minorités linguistiques
58
; les subventions ne peuvent être supérieures
à 50 % des dépenses totales, amortissements inclus, résultant du bilan
de l’entreprise : elles sont attribuées aux maisons d’édition qui
éditent des quotidiens en langue française, slovène et allemande dans
les régions autonomes de Val d’Aoste, de Frioul-Vénétie Julienne et
de Trentin-Haut-Adige ;
-
des aides pour les journaux italiens publiés et diffusés à l’étranger
59
.
Depuis le 1
er
janvier 2002, les subventions, qui ne sont pas
supérieures à 50 % des dépenses totales, amortissements compris,
sont accordées aux quotidiens italiens édités et diffusés à l’étranger ;
-
des aides pour les journaux édités en Italie et diffusés à l’étranger
60
. 4
M€ par an sont destinés à subventionner les quotidiens qui sont
diffusés en dehors des frontières italiennes.
-
des aides pour l’édition spéciale de périodiques destinés aux non-
voyants
61
. Une subvention annuelle de 1 M€ est dédiée à ce type
d’éditions.
56
Loi du 7 août 1990, n° 250, article 3 alinéa 3.
57
Décret législatif du 6 septembre 2005, n° 206, article 137 et 138.
58
Loi du 7 août 1990, n° 250, article 3 alinéa 2-ter.
59
Cf. supra.
60
Loi du 5 août 1981, n°416, article 26 ; loi du 25 février 1987, n° 67, article 19 et
loi du 7 mars 2001, n° 62, article 3 alinéa 2.
61
Loi du 25 février 1987, n° 67, article 28 alinéa 5 ; décret-loi du 23 octobre 1996,
n° 542, article 8 modifié par la loi du 23 décembre 1996 ; loi du 23 décembre 2005,
n° 266, article alinéa 462.
ANNEXES
165
b)
Les dispositifs d’aides indirectes au secteur de la presse sont
divers : crédits d’impôt, réductions des tarifs du postage ou encore
aides au crédit :
-
la réduction des tarifs postaux pour l’expédition de produits
éditoriaux en abonnement
62
. Les maisons d’édition de quotidiens et
de périodiques inscrites au Registre unique des Opérateurs de
Communication (ROC), les associations et les organisations sans but
lucratif, les associations qui publient des périodiques ayant été
reconnus de caractère politique par les groupes parlementaires de
référence, les organisations professionnelles, les syndicats, les
associations professionnelles liées à une catégorie de personnels et
les associations d’anciens combattants qui publient des bulletins
d’information sur leurs organisations peuvent se prévaloir de la
réduction des tarifs postaux. Pour chaque exemplaire expédié par les
Postes italiennes, l’entreprise ne paie que 11 centimes sur les 26 que
devrait leur coûter normalement ce service. La différence par rapport
au tarif normal est compensée aux Postes italiennes par l'État ;
-
la réduction de 50 % des coûts de communication téléphonique pour
les entreprises éditoriales
63
. Les entreprises éditoriales inscrites au
ROC peuvent bénéficier de cette réduction à condition que leur titre
paraisse au moins neuf fois dans l’année et qu'il ne s'agisse pas de
catalogues ou de titres liés à un parti politique ou visant à faire de la
propagande. Cette mesure peut également prendre la forme d’une
mise à disposition de lignes téléphoniques. Elle a été estimée à 35 M€
en 2006 ;
-
les aides au crédit pour les entreprises opérant dans le secteur de
l’édition
64
. Cette mesure consiste en une prise en charge partielle par
l’État des intérêts liés à un crédit d’entreprises participant au cycle de
production, de distribution et de commercialisation de produits
éditoriaux et dont le projet d’investissement a été sélectionné ;
-
le taux de TVA réduit à 4 % pour les journaux et bulletins quotidiens,
les dépêches des agences de presse, les livres et les journaux
périodiques
(les
journaux
et
les
magazines
à
caractère
pornographique ainsi que les catalogues étant exclus)
65
;
62
Décret législatif n° 353 du 24 décembre 2003 converti en loi n° 46 du 27 février
2004.
63
Précédemment article 28 de la loi n° 416 du 5 août 1981.
64
Articles 4, 5, 6 et 7 de la loi n° 62 du 7 mars 2001 et décret du Président de la
République n° 142 du 30 mai 2002.
65
Article 1 alinéa 6 du décret législatif n° 328 du 29 septembre 1997.
166
COUR DES COMPTES
-
enfin, les administrations centrales et les organismes publics non
territoriaux, les organismes publics économiques étant exclus, sont
tenus de consacrer au moins 50 % de leurs dépenses publicitaires à
l’achat d’encarts dans les quotidiens et les périodiques
66
.
A noter que certaines régions ont également pris des dispositions
de soutien de la presse régionale
67
.
Enfin, afin de faire face au déclin de la presse quotidienne payante,
le législateur a promulgué le
décret législatif n° 170 du 24 avril 2001
réorganisant le système de vente de la presse quotidienne et
périodique
. Outre les points de vente exclusifs, les possibilités de vendre
la presse dans les points de vente non exclusifs ont été élargies. Ainsi,
désormais, les bureaux de tabac, les stations essence, les librairies dont la
taille ne dépasse pas un certain seuil ou encore les magasins spécialisés
pour la presse spécialisée, sous réserve d’obtenir l’autorisation de la
Commune, sont autorisés à vendre des journaux. Par ailleurs, cet
élargissement est également valable pour la vente de journaux spécialisés
dans des lieux tels que sièges des partis politiques, églises, syndicats,
associations ou la vente ambulante de tels journaux. La presse peut
également être vendue dans les hôtels et les auberges lorsqu’elle constitue
un service pour les clients et dans les édifices publics lorsque les journaux
sont destinés uniquement aux personnes ayant accès à de tels bâtiments.
La vente à la criée est également légale. L’ambition de ce décret législatif
est de multiplier les canaux de vente de la presse quotidienne et
périodique afin de la rapprocher le plus possible des citoyens et, ainsi,
d’endiguer son déclin.
c)
Dans un contexte de restriction budgétaire, l’Italie n’envisage pas
de créer de nouveaux dispositifs de soutien à la presse et vise plutôt à
réduire leurs subventions
Le soutien public à la presse écrite a été modifié dans le décret de
loi 112/2008, qui stipule désormais que l’accès aux fonds publics sera lié
au nombre de titres vendus (et non plus en fonction du tirage), l’accès à
des prêts avantageux sera plus strict, et les avantages postaux seront
indexés à l’inflation. Cet effort, qui vise de manière plus générale à
redistribuer les ressources publiques de manière plus efficace, tend à
favoriser les grands quotidiens à forte exposition au détriment de titres
66
Article 5 de la loi n° 67 du 25 février 1987.
67
Exemple : la loi de la région Piémont n° 52 du 30 juillet 1990 relative aux
interventions pour l’information locale.
ANNEXES
167
plus modestes et aux moyens déjà limités, malgré une presse régionale et
locale de qualité.
Le secteur de la presse écrite en Italie traverse une période de
turbulences, même si le nombre de titres disponibles est l’un des plus
importants
d’Europe
et
si
la
diffusion
reste
encore
élevée
quantitativement. Cependant, la qualité des quotidiens est critiquée et le
nombre de lecteurs est en baisse. Plusieurs titres de la presse écrite
d’opinion
(
Liberazione,
Manifesto,
Europa
…)
sont
exsangues
financièrement.
Ainsi, privé de l’essentiel de ses aides publiques, le quotidien
Liberazione
a dû suspendre sa parution le 1er janvier 2012. D’autres
journaux d'opinion sont, eux aussi, menacés de disparition. Ces
quotidiens sont en grande difficulté depuis que les aides publiques à la
presse ont été considérablement réduites. Les coupes dans le budget 2012
prévoient une baisse de presque 70 millions des subventions publiques à
la presse (de 117 millions d’euros en 2011 à 53 millions cette année). Le
gouvernement entend notamment octroyer à l’avenir les subventions en
fonction des ventes effectives et non du tirage annoncé. Au siège du
Manifesto
, on estime que le problème est en amont, à savoir
«un marché
publicitaire confisqué par la télévision»,
qui absorbe près de 50 % du
total.
La presse écrite propose environ 120 titres
. Pour l’année 2010,
les plus importants sont : 1/ Le
Corriere della sera
, 490 000 copies
tirées ; 2/
La Repubblica
, 449 000 copies tirées ; 3/
La Gazzetta dello
Sport
, 328 000 copies tirées ; 4/
La Stampa
, 280 000 copies tirées ; 4/
Il
Sole 24 Ore
, édité par la Confindustria, équivalent du MEDEF : 267 000
copies tirées.
Les grands quotidiens nationaux disposent d’éditions
régionales, avec un carnet central destiné à l’information régionale sur le
modèle du Parisien par exemple.
Il existe également une presse locale très développée. Pour l’année
2008/2009, on retrouve : 1/
Il Messaggero
De Lazio, Ombrie
,
Marche
,
Abbruzzes
: 207 000 exemplaires en moyenne ; 2/
Il resto del Carlino
,
Emilie-Romagne
,
Marche et Veneto
, 158 000 exemplaires en moyenne ;
3/
La Nazione
,
De Toscane
,
Ombrie
et
Ligurie
, 129 000 exemplaires en
moyenne ; 4/
Il Secolo XIX
,
De Ligure
, 98 000 exemplaires en moyenne.
Enfin, un certain nombre de quotidiens sont directement détenus
par des partis politiques, et constituent ainsi leurs organes officiels :
La
Padania
pour la Ligue du Nord,
Europa
pour le Parti Démocratique ou
encore
Notizie Verdi
pour les Verts.
168
COUR DES COMPTES
A titre d’exemple, en 2004/2005, le groupe RCS (
Corriere della
Sera-Gazzetta dello Sport
) a reçu 23,5 millions d’euros de subventions,
Sole 24 Ore
près de 19 millions, et 16 millions pour
la Repubblica
. Les
journaux partisans comme
Padania
,
Unità
ou
Europa
ont reçus
respectivement 4 millions d'euros, 6 millions et 3 millions. Quant aux
journaux régionaux, à part pour l’
Avvenire
(6 millions d’euros),
Italia
oggi
(5 millions) ou
Il manifesto
(4 millions), leurs subventions ne
dépassent pas les 2 millions d’euros en général, et la plupart reçoivent des
sommes comprises entre 50 000 euros pour les plus petits, liés à l'Église,
et 2 millions pour les têtes de liste des titres régionaux (source : ADS :
Accertamenti diffusione stampa, association qui contrôle la diffusion de
la presse écrite, et notamment le tirage et les ventes).
A l’opposé, on peut souligner quelques exceptions comme
Il fatto
quotidiano
, nouveau quotidien polémique d’opposition. Lancé en
septembre 2009, il revendique une liberté éditoriale permise par le fait
qu’il ne reçoit aucun financement public. Actif aussi via son site internet
(www.ilfattoquotidiano.it, semblable à Mediapart ou Rue89), sa diffusion
dépasse désormais les 150 000 exemplaires (2009).
6 -
Le soutien public à la presse aux Pays-Bas
Les aides directes sont gérées et par le Fonds de revitalisation
de la presse
,
«
Stimuleringsfonds voor de Pers
». Ce Fonds a été créé le
16 septembre 1974 comme fondation (de droit privé). Jusqu’en 1991, le
Fonds était financé par le gouvernement néerlandais, en vertu du «r
èglement statutaire pour la compensation des quotidiens ». Ce règlement
a été conçu par le gouvernement néerlandais pour aider les quotidiens en
compensation de la perte de revenus qu'ils ont subi. Le Fonds a reçu ses
contributions fondées sur cette disposition, tout au long des années
soixante-dix et quatre-vingts, jusqu’en 1988. Depuis le 1
er
janvier 1988,
le Fonds fonctionne sur la base de la Loi sur les médias («
Mediawet
») en
tant qu’organisme indépendant d’administration (de droit public).
Le Ministère de l'Éducation, de la Culture et de la Recherche est
responsable du financement du Fonds. Jusqu’en 1990, la dotation
annuelle du Ministère au Fonds de revitalisation de la presse provenait
des bénéfices de la fondation STER, qui vend les publicités sur les
chaînes publiques de télévision et de radio, comme indiqué par la loi
néerlandaise sur les médias. À partir de 1991 et jusqu’en 2008, le Fonds
n’a plus reçu de dotations de l'État, les gouvernements successifs étant
d’avis que le Fonds disposait de suffisamment de moyens pour mener à
bien ses tâches légales (moyens issus de la vente des quotidiens aux Pays-
Bas). Depuis 2008, en raison d'une crise dans le secteur de la presse
néerlandaise qui a engendré une baisse importante des ressources du
ANNEXES
169
fonds, le ministre de la Culture a décidé de reprendre la contribution
annuelle qui existait avant 1991. Ainsi, en 2009, 1 million d'euros a été
transféré au fonds, provenant comme prévu par la loi sur les médias de
recettes publicitaires générés par les chaînes publiques de radiodiffusion.
À partir de 2010, la contribution annuelle du fonds s'élève à 2,3 millions
d’euros. Par ailleurs, le gouvernement a versé au fonds un supplément de
8 millions d’euros en 2010, pour stimuler l'innovation journalistique. Le
fonds a également reçu un supplément de 4 millions d'euros en 2010 pour
répondre à une problématique touchant les jeunes reporters, ce qui a
permis à tous les quotidiens néerlandais d’engager deux jeunes
journalistes pendant deux ans, ceux-ci étant directement financés par cette
dotation exceptionnelle.
Le Fonds de revitalisation de la presse est chargé d’offrir un
soutien, sous forme de subvention ou de crédit, aux organes de presse
qui répondent aux critères légaux d’éligibilité.
Ces critères sont
énumérés à l’article 129 de la Loi sur les médias « Mediawet » de 1988.
À titre principal, les organes de presse doivent être édités aux Pays-Bas et
destinés au public des Pays-Bas (principalement en langue néerlandaise,
ou dans la langue d’une minorité), ils doivent contenir essentiellement
(dans la pratique, un minimum d’environ 75 % de l’espace rédactionnel)
des nouvelles, des analyses, des commentaires et des informations sur le
fond concernant l’actualité dans différents secteurs de la société
néerlandaise, en vue, entre autres, de contribuer à la formation des
opinions politiques, doivent être rédigés par une rédaction indépendante
sur la base d’un statut qui exprime l’identité rédactionnelle et doivent
paraître régulièrement et au moins une fois par mois.
Cette réglementation distingue les
aides directes
suivantes :
-
l’aide aux organes de presse individuels, sous forme de crédits ou de
facilités de crédit, au profit d’un projet visant une exploitation
rentable dans un proche avenir ;
-
l’aide aux organes de presse individuels, sous forme de subventions,
au profit d’une réorganisation unique de l’organe de presse, pourvu
que ce projet ne puisse pas être exécuté à l’aide d’un crédit ou d’une
facilité de crédit ;
-
l’aide aux groupements d’organes de presse, sous forme de
subventions, au profit d’un projet conjoint visant l’amélioration
structurelle de l’exploitation de ces organes de presse dans un proche
avenir ;
-
l’aide, sous forme de subventions, au profit de la recherche sur
l’organisation visant l’amélioration structurelle de l’exploitation d’un
organe de presse ;
170
COUR DES COMPTES
-
l’aide à la recherche, sous forme de subventions, au profit de
l’ensemble du secteur de la presse écrite, pourvu que la recherche
réponde aux objectifs du Fonds.
-
Depuis 2002, un règlement temporaire est en vigueur, permettant
deux nouvelles formes d’aide directe à la presse écrite :
-
l’aide aux organes de presse destinés aux minorités culturelles et
ethniques ;
-
l’aide à la réalisation et à la distribution de produits journalistiques
d’information diffusés par Internet.
-
L’objectif du soutien offert par le Fonds est la protection et la
revitalisation de la diversité de la presse. Toute aide attribuée par le
Fonds est, sur le principe, d’une nature temporaire afin de prévenir
toute perte d’indépendance des organes de presse vis-à-vis des
pouvoirs publics.
En 2002, le champ d’application des aides directes attribuées
par le Fonds de revitalisation de la presse a été élargi pour inclure les
produits journalistiques d’information par Internet et les organes de
presse destinés aux minorités culturelles et ethniques.
Par ailleurs, depuis juillet 2007, le gouvernement néerlandais offre
aux éditeurs de presse écrite la possibilité de se développer en sociétés de
multimédias en permettant à ces éditeurs de prendre des participations
dans des sociétés actives sur les marchés de la télévision ou de la radio. À
cet effet, les obstacles légaux au «
cross ownership
», créés pour assurer
le pluralisme de l’information, ont été assouplis. Toutefois, afin de
prévenir une concentration excessive de « pouvoir d’opinion », l’étendue
des participations est limitée. La part de marché sur le marché des
quotidiens ne peut pas excéder 35 % et une société qui opère sur au moins
deux des trois marchés précités (presse écrite, télévision, radio) peut
détenir au maximum 90 % des trois marchés cumulatifs (c’est-à-dire sur
un total de 300 %). De cette façon, le gouvernement veut garantir la
présence d’au moins trois acteurs sur chacun des trois marchés, tout en
permettant un élargissement d’échelle favorable au développement
économique du secteur.
Enfin, à noter qu’aux Pays-Bas,
le taux de TVA réduit,
actuellement de 6 %,
s’applique, entre autres, à tous les organes de
presse. Les Pays-Bas suivent avec intérêt la discussion au niveau
européen sur l’éventuelle application du taux réduit aux produits d’édition
numériques. Selon le Ministère des Finances, cette aide indirecte
représente une somme de 200 millions d’euros par an (chiffres de 2004,
derniers chiffres disponibles) en ce qui concerne la presse écrite.
ANNEXES
171
7 -
Le soutien public à la presse au Royaume-Uni
La
presse
écrite
britannique
ne
reçoit
pas
d’aides
gouvernementales directes
.
La presse écrite, au même titre que toute production écrite,
bénéficie au Royaume-Uni d’une
TVA à taux 0
dans le cadre du
dispositif réglementaire «
the Value Added Tax Act 1994, section 30,
appendice 8, group 3
»
68
.
Bien que la presse écrite observe depuis 10 ans un déclin de ses
ventes au Royaume-Uni, les pouvoirs publics n’envisagent pas la mise en
place d’un dispositif d’aides. Le déclin des ventes a été compensé par une
augmentation des prix qui a été acceptée par les lecteurs réguliers.
8 -
Le soutien public à la presse en Suède
Un régime d’aides publiques en faveur de la presse a été
introduit
en
1969
pour
enrayer
la
multiplication
des
faillites
d’entreprises de presse.
Les aides concernent d’une part l’exploitation
et le fonctionnement
(
driftstöd
)
et d’autre part la distribution
(
distributionsstöd
).
Les aides à l’exploitation et au fonctionnement représentent
généralement plus de 80 % des aides publiques globales accordées à la
presse quotidienne.
L’objectif visé par la politique en faveur la presse est la défense du
pluralisme afin d’assurer une représentation de tous les courants
d’opinions. Il existe aujourd’hui en Suède 170 quotidiens qui assurent un
tirage global de l’ordre de 4 millions d’exemplaires par jour pour une
population limitée à 9,2 millions d’habitants.
Les aides directes sont assurées par la dotation annuelle du budget
de l’État au Conseil des aides à la presse (
Presstödsnämnden
), sous
tutelle du ministère de la Culture, chargé de traiter les demandes et
d’allouer les aides aux acteurs du secteur.
Le montant global des aides à la presse quotidienne représente un
peu plus de 551 MSEK (65,51 M€) en 2010. Ce niveau reste stable en
valeur depuis plusieurs années.
68
Des explications sur le texte de loi sont consultables en ligne sur :
fpb=true&_pageLabel=pageLibrary_PublicNoticesAndInfoSheets&propertyType=do
cument&columns=1&id=HMCE_CL_000102#P37_3148
172
COUR DES COMPTES
Pour pourvoir bénéficier du régime d’aides publiques à la presse, il
faut généralement répondre aux critères suivants :
-
publication d’au moins un numéro par semaine ;
-
textes rédactionnels essentiellement en suédois ;
-
diffusion du quotidien pour l’essentiel au sein de la Suède ;
-
assurer un contenu rédactionnel équivalent à au moins 51 % du
contenu du quotidien.
Plus précisément, pour bénéficier des
aides à l’exploitation et au
fonctionnement
(quotidiens
publiant entre 3 et 7 numéros par
semaine), il faut également :
-
assurer un tirage minimum de 2 000 exemplaires et disposer d’un
taux d’abonnement représentant au moins 70 % du tirage global ;
-
ne pas proposer un prix d’abonnement sensiblement en dessous de
ceux de quotidiens similaires ;
-
ne pas être le premier quotidien de la zone géographique concernée et
disposer d’un taux de couverture des ménages ne dépassant pas 30 %
de la zone considérée.
Pour les publications journalistiques à faible fréquence (publiant
un ou deux numéros par semaine), les critères sont un peu différents, à
savoir :
-
assurer un tirage minimum de 2 000 exemplaires et disposer d’un
taux d’abonnement représentant au moins 51 % du tirage global ;
-
proposer un prix d’abonnement annuel supérieur à 350 SEK (près de
40 €/an) ;
-
disposer d’un taux de couverture des ménages ne dépassant pas 25 %
de la zone considérée.
Pour bénéficier du régime d’
aides à la distribution
, il faut
transférer l’activité de distribution à une société de « distribution
commune », elle-même détenue par les quotidiens concernés, qui assure
le service de codistribution des quotidiens. L’objectif est d’harmoniser les
coûts de la distribution des journaux afin de mieux garantir le pluralisme
de la presse suédoise.
Si les principaux quotidiens régionaux reçoivent en moyenne
environ 1,5 M€ en aides annuelles, le montant attribués aux 65
bénéficiaires restants (régionaux/locaux) se limite en moyenne à
300 000 €. Exceptions à la règle,
Svenska Dagbladet
(quotidien national
de tendance conservatrice avec un tirage journalier de 195 000
exemplaires) et
Skånska Dagbladet
(quotidien régional de Malmö avec un
ANNEXES
173
tirage journalier de seulement 37 500 exemplaires) bénéficient d’un
régime particulièrement favorable (plus de 7 M€ d’aides chacun), ce qui
est, en partie, contesté par le gouvernement actuel. Toutefois, il semble à
l’heure actuelle peu probable que le dispositif d’aides à la presse écrite
connaisse de modification substantielle à court terme.
Il existe également
des aides pour favoriser le développement
des journaux parlés
(
taltidningar
),
conçus pour des déficients visuels,
aveugles ou malvoyants
. Le montant global de ce type d’aides atteint
126 MSEK et concerne 90 quotidiens qui proposent cette formule en
complément du quotidien traditionnel. La diffusion de la subvention est
assurée par un organisme intitulé
Taltidningsnämnden
(Conseil des
journaux parlés).
Les quotidiens (et revues/magazines) bénéficient d’une aide
indirecte sous forme d’une
TVA réduite
(
6 %
au lieu du taux normal de
25 %). Le taux de TVA réduit a été ainsi à l’origine d’une économie
globale moyenne de 1,5 MdSEK (160 M€) par an durant la période de
2003 à 2005.
Le dispositif d’aides en Suède ne tient pas compte du
développement de la presse numérique et concerne exclusivement la
presse imprimée
. Toutefois, une Commission nationale a étudié, en
janvier 2006, la possibilité d’introduire une aide temporaire pour
favoriser la distribution de quotidiens au format électronique (« e-
paper »). En dépit de recommandations pour favoriser le développement
de la presse en ligne, aucune mesure concrète n’a été prise en ce sens
pour faciliter la mutation du secteur de la presse suédoise.
A noter qu'en juillet 2010, la Commission européenne a
approuvé le système d’aides publiques à la presse de la Suède, après
avoir demandé à la Suède de le modifier. La Suède a dû consentir à
certains aménagements de son dispositif d’aide aux grands groupes
de presse publiant des journaux métropolitains à large diffusion
. Au
nom du pluralisme, ce dispositif suédois aide les journaux occupant la
deuxième position (ou une position inférieure) sur le marché de chaque
ville ou province. Suite aux remarques de la Commission, les principaux
aménagements apportés par la Suède sont les suivants :
-
le
niveau
d’aide
pour
grands
journaux
métropolitains
est
progressivement réduit de 63,9 millions de SEK (en 2009) à 45
millions de SEK (approximativement 4,8 millions d’euros) à partir de
2011 sur une période de cinq ans ;
-
en plus de l’aide provinciale, une aide additionnelle ne peut être
octroyée que pour couvrir maximum 40 % des coûts additionnels
résultant de la situation spécifique sur le marché des grands journaux
174
COUR DES COMPTES
métropolitains (ex. : des coûts de rédaction additionnels et des
éditions du dimanche) ;
-
des plafonds d’aide de 40 % du total des coûts opérationnels pour des
journaux à grand et moyen tirage et de 75 % de ces coûts pour des
journaux à faible tirage ont été introduits ;
-
des rapports obligatoires sont demandés aux bénéficiaires de l’aide,
afin de permettre au Conseil des aides à la presse de vérifier
l’utilisation de l’aide et d’établir les rapports annuels à transmettre à
la Commission européenne.
ANNEXES
175
ANNEXE N° 5
LES PRINCIPES ISSUS DE LA LOI BICHET
La distribution de la presse au numéro repose sur les dispositions
de loi du 2 avril 1947, dite « loi Bichet » qui garantit le pluralisme de la
presse. Si la loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation du
système de distribution de la presse a récemment adapté le système
existant, celui-ci reste en vigueur dans ses principes fondamentaux.
La liberté de distribution
La loi Bichet dispose que toute entreprise de presse est libre
d’assurer elle-même la distribution de ses propres journaux et
publications périodiques et que, dans l’hypothèse d’une distribution
groupée de plusieurs journaux et publications périodiques, ces opérations
ne peuvent être assurées que par des coopératives de messageries de
presse. Elle a conduit à des schémas d’organisation de la distribution très
différents selon les familles de presse.
Une garantie d’impartialité et d’égalité dans la diffusion des
titres
L’ensemble du système a été conçu pour permettre aux éditeurs de
garder la maîtrise et le contrôle de la chaîne de distribution. Il s’est
d’abord traduit par le contrôle intégral des éditeurs sur les messageries,
par un libre accès de chaque éditeur à la coopérative de son choix et par
un principe d’égalité qui donne à chaque éditeur, quelle que soit son
importance, le même poids au sein de la coopérative.
Ce choix explique aussi le système de mandats successifs souscrits
par les acteurs des trois niveaux de distribution, appelé statut de
mandataire
commissionnaire
ducroire,
par
lequel
l’éditeur
reste
propriétaire des exemplaires jusqu’à leur achat par le lecteur. Chaque
niveau reçoit une commission portant sur un pourcentage du prix de vente
des titres déterminée par les messageries. Il se traduit enfin par le droit de
chaque titre à être diffusé dans l’ensemble du réseau sans pouvoir faire
l’objet d’une discrimination.
Une mutualisation des coûts
Même si la loi Bichet ne le prévoit pas explicitement, un
mécanisme de solidarité financière s’est rapidement instauré entre la
presse quotidienne nationale et la presse magazine avec une mutualisation
des coûts. Les coûts supplémentaires de distribution des quotidiens liés
notamment aux délais et aux horaires particuliers d’acheminement sont en
176
COUR DES COMPTES
partie assumés par les magazines, qui bénéficient pour leur part du réseau
de distribution de la presse quotidienne mis en place dans l’après-guerre
pour couvrir le territoire national.
ANNEXES
177
ANNEXE N° 6
AVANTAGES ET INCONVENIENTS D’UN
RENFORCEMENT DU CIBLAGE PAR LES TAUX DE TVA
ET PAR LES TARIFS POSTAUX
A)
L’hypothèse d’une différenciation des taux de TVA
La seule estimation demeure celle réalisée par la DGMIC à partir
des données provisoires portant sur le chiffre d’affaires de 2010 qui
montre que la recette fiscale actuelle est presque équivalente pour la
presse IPG et la presse non IPG (agréée par la CPPAP), soit
respectivement 55,5 M€ et 54,6 M€. En conséquence, le coût fiscal pour
l’État du taux à 2,1 % par rapport au taux de 5,5 %, est comparable pour
chacune de ces deux familles et ressort à environ 100 M€.
La
DGMIC
a
étudié
au
premier
trimestre
2013
quatre
hypothèses
69
en chiffrant l’économie budgétaire qui en résulterait :
-
l’hypothèse d’un passage au taux réduit (qui sera ramené en 2014 de
5,5 % à 5 %
70
) pour tous les titres agréés dégagerait une recette
fiscale de l’ordre de 152 M€ ; il s’agit toutefois de l’hypothèse la
moins vraisemblable puisqu’elle n’a aucun effet en termes de
ciblage ;
-
l’hypothèse d’un maintien du taux « super réduit » pour la seule
presse IPG, les autres familles de presse devenant assujettis au taux
réduit (5 %), dégagerait une recette de 75 M€ pour l’État ;
-
l’hypothèse d’un maintien du taux « super réduit » pour la presse IPG
et la presse « jeunesse », dégagerait une recette de 69 M€ ;
-
l’hypothèse d’un maintien du taux « super réduit » pour la presse IPG
et la presse « grand public « non récréative », qui inclurait la presse
jeunesse, culturelle, scientifique, économique et le journal l’Équipe,
se traduirait par une recette de 60 M€.
L’introduction d’une différenciation des taux de TVA présenterait
un certain nombre de difficultés, de nature diverse, qui ont été identifiés
par la DGMIC :
-
une difficulté, voire une impossibilité, de revenir un jour au taux de
TVA « super réduit » pour les titres assujettis au taux réduit au regard
69
Sur la base des chiffres d’affaires des entreprises de presse de 2010.
70
En application de l'article 68 de la loi de finances rectificative n° 2012-1510 du 29
décembre 2012.
178
COUR DES COMPTES
de la position traditionnelle de la Commission européenne ; cet
argument est très certainement pertinent puisque l’application de taux
« super réduits » se limite à des situations historiques ;
-
une difficulté à identifier la presse jeunesse éducative ; si cet
argument peut être retenu à court terme, la CPPAP qui serait amenée
à se prononcer au cas par cas sur les demandes d’agrément à ce titre
devrait progressivement établir avec précision les contours du
nouveau périmètre sur la base des critères définis par la loi ;
-
un afflux vraisemblable de déclarations adressées à la CPPAP ou aux
services fiscaux à la suite de la définition d’un nouveau périmètre ; là
encore, ces difficultés indéniables pourraient être surmontées à
moyen terme ;
-
les difficultés économiques actuelles de l’ensemble des familles de
presse, même si la presse quotidienne nationale demeure la plus
fragile ; à cet égard, l’absence d’analyse récente de la situation
économique et financière de chaque famille de presse est
préjudiciable ;
-
la capacité d’absorption de la hausse par les lecteurs ; même si celle-
ci n’a pas, à ce jour, été estimée, l’écart entre le taux « super réduit »
et le futur taux réduit à 5 %, soit 2,9 %, ne semble pas
a priori
de
nature à avoir un effet dissuasif sur le lectorat ;
-
le risque d’atteinte au principe de solidarité entre les familles de
presse, en particulier la presse quotidienne et la presse magazine, issu
de la loi Bichet, qui serait historiquement lié à l’octroi par l’État d’un
taux de TVA unique et très favorable.
D’une manière générale, ces difficultés apparaissent au moins
autant liées à la difficulté pour l’État de modifier les équilibres d’un
système en vigueur depuis près de 65 ans qu’à de réelles contraintes
techniques ou administratives.
B)
L’hypothèse d’un ciblage accru de l’aide au transport
postal
Si cette aide n’est pas versée par l’État directement aux titres de
presse mais à La Poste, le ministère (DGMIC) a demandé à cette dernière
d’établir un tableau présentant le gain tarifaire lié à l’application des tarifs
préférentiels de presse (tarifs de service public).
ANNEXES
179
La méthode retenue
71
consiste à calculer l'avantage représenté pour
les éditeurs par le tarif de service public postal par rapport au tarif de
service universel appliqué aux publications de presse qui ne relèvent pas
du périmètre de la CPPAP. Pour reconstituer l’aide dont a indirectement
bénéficié chaque titre de presse, le ministère affecte cet avantage
économique consenti à chaque titre d’un coefficient correspondant à la
contribution de l’État divisée par l'avantage global pour les publications
bénéficiant d'une homologation de la CPPAP (hors IPG, IPG,
QFRP/QFRPA
72
). Ce coefficient est respectivement de 0,48 en 2009 et de
0,50 en 2010 et 2011, la subvention publique couvrant de fait environ la
moitié du coût du tarif de service public dans les comptes de La Poste
73
.
Cette méthode permet de montrer aux éditeurs l’effort financier
important de l’État en leur faveur, qui n’apparaît pas de manière
suffisamment explicite sur la base d’une enveloppe globale attribuée à La
Poste.
Le tableau ci-dessous compare le chiffre d’affaires réalisé par La
Poste en fonction des catégories ciblées et en application des tarifs de
service public préférentiels en vigueur (CASP) au chiffre d’affaires
qu’elle réaliserait si elle appliquait les tarifs du service universel (CASU).
71
Suivant les recommandations du rapport de l’Inspection générale des finances et du
CGTI du 26 février 2008 (rapport CHARPIN) sur « le coût du service universel postal
et des autres obligations de service public de La Poste » et l’engagement pris dans
l’Accord État-presse-La Poste du 23 juillet 2008, La Poste a mis en place en 2009 une
gamme de prestations à destination des publications de presse, inscrite au catalogue
du service universel. Cette offre répond à l’ensemble des exigences du service
universel (tarifs abordables orientés sur les coûts, distribution en tous points du
territoire 6 jours sur 7).
72
QFRP : quotidiens à faibles ressources publicitaires ; PIPG hors QFRP : autres
titres d’information politique et générale ; CPPAP hors PIPG : autres titres agréés par
la CPPAP.
73
Dans le cadre de la présente enquête, la Cour n’a pas cherché à déterminer les
causes de ce déficit dans les comptes de la Poste qui aurait nécessité un examen
approfondi de la comptabilité analytique de l’opérateur.
180
COUR DES COMPTES
Répartition par familles de presse du coût des tarifs
préférentiels d’aide postale en 2011
Source : DGMIC (données provenant de La Poste)
Il ressort de ce tableau que la presse d’information politique et
générale (les deux premières catégories) représente un peu plus de la
moitié du coût liée aux tarifs préférentiels (53,4 %) pour un peu moins de
400 titres agréés par la CPPAP (4,5 %) et 36,3 % des exemplaires
transportés par voie postale en 2011.
En effet, si l’aide au transport postal est ouverte à tous les titres
inscrits auprès de la CPPAP, elle prévoit trois tarifs préférentiels, dont
deux
très
favorables
et
donc
coûteux
pour
l’État,
bénéficient
respectivement à la presse d’information politique et générale et aux
quotidiens d’information à faibles ressources provenant de la publicité ou
des petites annonces.
L’autre moitié du coût du dispositif (46,6 %) concerne des titres
non ciblés (troisième ligne) parmi lesquels :
-
les magazines : 19,1 % des exemplaires transportés pour 17,9 % du
coût (85,6 M€) ;
-
les publications de programmes de radio et télévision : 13 % des
exemplaires transportés pour 11,7 % du coût (55,9 M€) ;
-
les publications techniques et professionnelles : 8,4 % des
exemplaires transportés pour 6,6 % du coût (31,4 M€).
Une première hypothèse consisterait à maintenir des tarifs
préférentiels mais en accroissant la différenciation entre la presse ciblée
et la presse non ciblée, déjà engagée depuis 2009 dans le cadre des
accords tripartites sur le transport postal de la presse. À ce stade, cette
hypothèse paraît être celle retenue par le groupe de réflexion sur la
refondation des aides
la presse.
Une deuxième hypothèse consisterait à réserver des tarifs
préférentiels aux familles de presse bénéficiant d’un ciblage, les autres se
voyant appliquer le tarif du service universel approuvé par l’autorité de
Catégories de Presse
CA SP
CA SU
∆
CA SP & CA SU
QFRP
7 383 348,95 €
46 627 795,97 €
39 244 447,02 €
PIPG Hors QFRP
116 592 991,53 €
333 091 483,67 €
216 498 492,14 €
CPPAP Hors PIPG
296 361 466,25 €
519 300 080,58 €
222 938 614,33 €
CPPAP Régime de droit commun
246 506 673,47 €
441 474 319,25 €
194 967 645,78 €
CPPAP Régime Dérogatoire
49 857 049,78 €
77 829 782,13 €
27 972 732,35 €
Total
420 337 806,73 €
899 019 360,22 €
478 681 553,49 €
ANNEXES
181
régulation (ARCEP). Elle dégagerait des économies plus importantes
pour le budget de l’État qui peuvent être estimées à environ la moitié du
montant de son aide, soit de l’ordre de 100 M€. Elle serait moins aisée à
mettre en oeuvre compte tenu de l’écart qui subsistera fin 2015, au terme
des accords tripartites, entre les tarifs préférentiels dont bénéficie la
presse non IPG en dépit de leur augmentation régulière depuis 2010, et le
tarif de service universel. Cet écart serait de l’ordre de 70 % à cette
échéance selon des indications données par La Poste.
Enfin, une troisième hypothèse conduirait à supprimer les tarifs
préférentiels de service public non seulement pour la presse non IPG mais
aussi pour la presse IPG. Elle nécessiterait en contrepartie, pour cette
dernière, la mise en place d’une aide directe destinée à compenser une
partie de l’écart entre les tarifs de service public et les tarifs du service
universel.
182
COUR DES COMPTES
ANNEXE N° 7
HYPOTHESES RETENUES POUR LE CHIFFRAGE DES
ÉCONOMIES LIÉES AUX ORIENTATIONS SUGGÉRÉES PAR
LA COUR
L’estimation des
mesures fiscales
dont la suppression pourrait être
envisagée après évaluation de leur justification, serait de l’ordre de 60
M€, selon la DGFiP, pour l’abattement fiscal en faveur des journalistes,
et d’environ 1 M€ pour les deux mesures fiscales en faveur de
l’investissement.
Le montant des
aides directes
à la diffusion supprimées serait, sur
la base des montants de la loi de finances initiale pour 2013, de 249 M€
pour l’aide au transport postal (dont 32 M€ au titre du moratoire), de 4,5
M€ pour l’aide au transport par la SNCF et 37,6 M€ pour l’aide au
portage, soit environ 291 M€. Toutefois, en 2015, en application des
accords tripartites et compte tenu de la décision du Gouvernement de
mettre un terme au moratoire sur la hausse des tarifs postaux, le montant
de l’aide au transport postal ne serait plus que de 180 M€ et le montant
total des économies réalisées proche de 222 M€ en considérant que le
coût des deux autres mesures serait constant.
Ces économies pourraient être employées pour abonder le nouveau
fonds de soutien au pluralisme et, de manière plus limitée, le fonds
stratégique.
Dans l’hypothèse où les aides bénéficiant actuellement aux titres
IPG (aides à la diffusion, hors moratoire, et aides au pluralisme) seraient
intégralement réaffectées au fonds de soutien au pluralisme, celui-ci
représenterait de l’ordre de 170 M€ sur la base des données de la loi de
finances initiale pour 2013 ou 150 M€ en tenant compte de la diminution
de l’aide au transport postal prévue à l’horizon de 2015.
Le solde, qui correspond à la part de l’aide au transport postal
bénéficiant aux titres non IPG, serait proche de 100 M€ sur la base des
données de la loi de finances initiale pour 2013 et de 84 M€ en tenant
compte de son évolution déjà prévue pour 2015. Sous réserve d’un
abondement de la dotation du fonds stratégique qui pourrait être décidé si
la qualité des projets présentés le justifiait (à titre d’hypothèse de l’ordre
de 10 M€), ce solde constituerait l’économie budgétaire sur aides directes
au terme de la réforme.
Au total, les économies globales susceptibles d’être réalisées
seraient de l’ordre de 150 M€ sur la base des données de la loi de finances
initiale pour 2013 (hors moratoire) et 135 M€ sur la base de l’évolution
de l’aide au transport postal prévue pour 2015.
ANNEXES
183
ANNEXE N° 8
LISTE DES SIGLES
ACOSS : agence centrale des organismes de sécurité sociale
AE : autorisation d’engagement
AFP : Agence France-Presse
ARDP : autorité de régulation de la distribution de la presse
CADA : Commission d’accès aux documents administratifs
CCIJP : commission de la carte d’identité des journalistes professionnels
CDD : contrat à durée déterminée
CDI : contrat à durée indéterminée
CET : contribution économique territoriale
CGEFI : contrôle général économique et financier
CIRI : comité interministériel de restructuration industrielle
CLEMI : Centre de liaison de l’enseignement et des moyens de
l’information
CNDP : centre national de documentation pédagogique
COM : contrat d’objectifs et de moyens
CP : crédits de paiement
CPPAP : commission paritaire des publications et des agences de presse
CSMP : conseil supérieur des messageries de presse
DADS : déclaration annuelle de données sociales
DB : direction du Budget
DGFIP : direction générale des finances publiques
DGMIC : direction générale des médias et des industries culturelles
DLF : direction de la législation fiscale
FDES : fonds pour le développement économique et social
FDM : fonds d’aide à la modernisation de la presse
184
COUR DES COMPTES
FSDP : fonds stratégique pour le développement de la presse
FSI : fonds stratégique d’investissement
IGAC : inspection générale des affaires culturelles
IGF : inspection générale des finances
INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques
IPG : information politique et générale
LFR : loi de finances rectificative
MLP : Messageries lyonnaises de presse
NMPP : Nouvelles messageries de la presse parisienne
PAP : projet annuel de performances
PLF : projet de loi de finances
PQN : presse quotidienne nationale
PQR : presse quotidienne régionale
QFRP : quotidien à faibles ressources publicitaires
RAP : rapport annuel de performances
SPEL : fonds d’aide au développement de la presse en ligne
SPPS : Société Presse Paris Services
TVA : taxe sur la valeur ajoutée