Chapitre XVIII
Les indemnités journalières versées au
titre de la maladie par le régime général
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_____________________
PRESENTATION
_______________________
Lorsqu’un assuré social se trouve dans l’incapacité de travailler,
soit du fait d’une maladie ordinaire, soit en raison d’une maladie
professionnelle ou d’u
n accident du travail, le médecin peut lui prescrire
une interruption temporaire d’activité professionnelle sous la forme d’un
arrêt de travail. Le régime d’assurance maladie auquel il est rattaché lui
verse alors, sous certaines conditions, une prestation en espèces sous
forme d’indemnités journalières destinées à lui assurer un revenu de
remplacement.
Il en va de même en cas de naissance d’un enfant pendant
la période de congé maternité et de congé paternité. Le montant des
dépenses d’indemnités journaliè
res de toute nature ainsi versées par
l’ensemble des
régimes s’est élevé en 2010 à 13
Md€
.
La Cour a consacré en 2011 une enquête
474
à la composante la plus
importante de cette dépense : les indemnités journalières pour maladie
servies par le régime général de la sécurité sociale, qui avec 6,4
Md€ en
2011, représentent près de la moitié de la dépense globale tous régimes et
tous motifs, près des deux tiers des montants intégrés à ce titre
475
dans
l’objectif national d’assurance maladi
e et 10
% de l’enveloppe fixée dans
ce cadre pour les soins de ville.
Alors même que ce poste a connu une vive progression au cours des
dernières années, elle a constaté que les motifs en demeuraient très
insuffisamment analysés pour permettre une action de régulation mieux
ciblée (I). La politique menée à cet égard vis-à-vis des différents acteurs
-assurés sociaux, entreprises et corps médical- lui est apparue de fait
devoir être très sensiblement renforcée de manière à maîtriser plus
efficacement la dépense (II). Dans le même temps, la gestion de cette
prestation complexe suppose de nouveaux progrès de modernisation pour
accroître la qualité du service rendu aux assurés, améliorer la productivité
des caisses et diminuer les coûts (III).
474.
Cette enquête s’est inscrite dans le cadre d’une demande de la commission des
affaires sociales et de la mission de contrôle et d’évaluation de la sécurité sociale de
l’Assemblée nationale.
475. Les indemnités journalières maternité ne sont pas dans le champ de la régulation
par l’ONDAM.
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I - Une dépense en augmentation sensible et
insuffisamment analysée
A
–
Une progression discontinue de la dépense depuis
2000
Les dépenses
d’indemnités journalières (IJ) maladie du régime
général représentent l’essentiel du montant versé à ce titre par l’ensemble
des régimes d’assurance maladie
: en 2010, les dépenses exposées par les
autres régimes
476
se sont élevées à 1
Md€, contre 6,3
Md€ p
our le seul
régime général.
Les indemnités journalières maladie du régime général
Le régime général d’assurance maladie prévoit le versement d’une
indemnité journalière maladie à partir du 4
ème
jour suivant l’acte médical
prescrivant l’arrêt de trava
il. Cette indemnité correspond à 50 % du salaire
brut journalier pour une durée maximale de trois ans (dans la limite de 360
jours). L’assiette prise en compte pour le calcul des IJ maladie est
plafonnée à 1,8 SMIC, limitant le montant de l’indemnité journalière
à
41,38
€ au 1
er
janvier 2012.
Le bénéfice des indemnités journalières maladie est soumis à une
condition d’affiliation à l’assurance maladie, mais aussi à une durée
minimale de cotisations, correspondant à un équivalent de 200 heures
travaillées sur les trois derniers mois ou de 800 heures sur une année. Les
conditions d’attribution des IJ sont exprimées en heures travaillées mais
également en équivalent de salaire assujettis à cotisations sociales, soit
1 015 fois le SMIC horaire sur les six derniers mois pour les 200 heures et
2 030 fois le SMIC horaire sur les 12 derniers mois pour les 800 heures.
Le calcul des indemnités journalières maladie repose sur les trois
derniers mois de salaire précédents l’arrêt, que ce dernier soit inférieur ou
supérieur à six mois, mais pour certains cas sur les douze derniers mois.
Une partie de la population salariée ne bénéficie pas en tout état de
cause de couverture contre ce risque. Il s’agit des salariés n’ayant pas
travaillé 200 heures au cours des trois derniers mois (ou acquitté
l’équivalent de 1
015 fois le SMIC horaire au cours des six derniers mois)
et qui ne remplissent pas les conditions d’ouverture de droit aux
indemnités journalières. Cette population à la fois précaire et mouvante ne
fait l’objet d’aucune e
stimation, alors même que la situation du marché de
l’emploi et la discontinuité accrue des parcours professionnels qui en
résulte ont pour effet vraisemblable d’accroître ce type de situations
.
476.
Le total des dépenses d’indemnités journ
alières maladie et AT-MP suivies dans
le cadre de l’ONDAM s’est élevé en 2010 à 10
Md€. Les IJ AT
-MP ont représenté
2,7
Md€ et les IJ maladie des autres régimes 1
Md€, réparties de la manière suivante
:
470
M€ pour les régimes spéciaux, 173
M€ pour les dép
enses de maintien du salaire
de la RATP et la SNCF et 383
M€ pour une partie de ces mêmes dépenses pour l’Etat.
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Les dépenses à ce titre du régime général ont progressé de
presque 50 % depuis 2000, passant de 4,3
Md€ à 6,4
Md€ en 2011, soit
une croissance moyenne annuelle de 3,4 %. Dans le même temps, le
nombre de journées indemnisées est passé de 180 millions à 204 millions,
soit une augmentation moyenne de 1 % par an.
Comme le fait apparaître le tableau ci-après, la progression de la
dépense est de fait partiellement corrélée à l’évolution de la masse
salariale globale, de 2,8 % par an sur la période, qui se décompose elle-
même entre une incidence de l’augmentation des effectifs salariés
(+0,6 % par an en moyenne) et de celle de la rémunération (+2,2 % par an
en moyenne).
Evolution comparée du nombre de journées et des dépenses
d’indemnités
journalières maladie du régime général (2000-2011)
Base 100 en 2000
100
110
120
130
140
150
160
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Dépense IJ maladie
Evolution des salaires
Journées IJ maladie
Evolution des effectifs salariés du secteur privé
Source :
Données CNAMTS et ACOSS
–
graphique Cour des comptes
Cette analyse globale ne permet pas cependant d’éclairer
l’évolution non linéaire de la
dépense au cours de la décennie passée. Des
oscillations marquées apparaissent en effet d’une année sur l’autre, même
si plusieurs périodes se dessinent. En effet, après une progression rapide
de 2000 à 2003 (+6,6 % par an), avec une augmentation culminant à
13,4 % en 2002, elle a nettement mais provisoirement diminué entre 2004
et 2006 (-1,8 % par an en moyenne), avant de reprendre une vive
croissance au rythme moyen de 4,6
% par an jusqu’en 2010, où le taux de
progression a atteint 5,6
%. L’année 2011, avec un rythme de progression
ramené à 1,8 %, traduit une nette décélération dont il est impossible
d’anticiper la prolongation, compte tenu des variations importantes
c
onstatées d’une année sur l’autre qui n’ont fait l’objet d’aucune analyse
cherchant à les expliquer.
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La caisse nationale d’assurance maladie considère certes pour sa
part que la diminution constatée de 2004 à 2006 serait liée à
l’intensification des contrô
les menés à partir de 2003, qui aurait limité la
progression du nombre de journées d’arrêt maladie. La croissance
continue du nombre de contrôles médicaux (en moyenne de +4 % par an
depuis 2003) n’a toutefois pas permis de contenir l’augmentation du
nombre de journées au-delà de 2007, ce qui tend à relativiser cette
corrélation.
B
–
Des disparités territoriales inexpliquées
Le nombre moyen de journées indemnisées au titre de la maladie
est en métropole de 9,1 par salarié
477
en 2010, mais varie de un à deux
(en isolant Paris et les Hauts-de-Seine) et même de presque un à cinq en
incluant Paris. C
es écarts observés en termes de nombre d’indemnités
journalières par salarié n’apparaissent pas
directement corrélés aux
caractéristiques socio-économiques des départements, au vu de la très
grande diversité des départements présentant les ratios les plus faibles ou
les plus élevés. Pour autant, ces disparités apparaissent structurelles
puisque le positionnement de l’ensemble des départements n’a guère
varié au cours des dernières années.
477 .
Rapport entre le nombre d’indemnités journalières payées par l’assurance
maladie et la population salariée des départements (données CNAMTS 2010 et
INSEE 2008).
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Situation des départements au regard du nombre moyen de journées
maladie indemnisées par salarié en 2010
Source :
Cour des comptes
–
données CNAMTS et INSEE
De la même manière, le
s durées moyennes d’arrêt de travail
varient fortement sur le territoire et pour chaque pathologie. Ainsi, selon
un exemple plus précisément analysé par la CNAMTS, les durées
moyennes d’arrêts post
-opératoires se caractérisent par une forte
hétérogénéité. Si une opération de la cataracte donne lieu à 21,5 jours
d’arrêts e
n moyenne, un quart des patients sont arrêtés en moyenne 6
jours, alors que 20 % le sont pour plus de 34 jours. De même les arrêts
post-opération chirurgicale de la main (canal carpien) sont en moyenne
d’une durée de 57 jours, mais varient de 29 jours pour
un quart des
patients à 123 jours pour 20
% d’entre eux
478
.
Toutes pathologies confondues, la durée moyenne de 43 jours par
arrêt maladie observée au niveau national recouvre une forte dispersion
des durées d’arrêt sur le territoire. Ainsi, la proportion d’
arrêts de longue
durée est plus importante dans certains départements. Alors que les arrêts
de plus de trois mois représentent 11 % du total des arrêts maladie en
2010, leur part est supérieure en Corse (17 %), dans les Bouches du
Rhône (15 %), dans le Var, le Vaucluse ou le Tarn (14 %). En revanche
478. Données CNAMTS 2010.
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leur proportion est sensiblement inférieure en Ile-de-France, en Alsace,
dans l’Aube et le Doubs, où les arrêts de plus de trois mois ne
représentent que 7 à 8 % du total.
Ces disparités inexpliquées soulignent
la nécessité d’approfondir
l’analyse des déterminants des arrêts maladie
.
C
–
Une analyse insuffisante des déterminants de la
dépense
Diverses études, en particulier conduites par la CNAMTS et le
ministère
479
, notamment à la suite des observations de la Cour dans les
RALFSS 2004 et 2006
480
ont apporté de premiers éclairages sur divers
facteurs d’évolution de la dépense.
Si l’évolution de l’emploi agit sur l’évolution des arrêts maladie et
de la dépense correspondante, à travers un effet volume (effectifs salariés)
et un effet prix (salaires), elle modifie également la structure des arrêts
maladie. Ainsi, le vieillissement de la population salariée tend
logiquement à accroître le nombre de journées indemnisées et leur coût
moyen. Les plus de 55 ans bénéficient en effet plus fréqu
emment d’arrêts
maladie de longue durée. Bien que ne représentant que 13 % des
bénéficiaires d’indemnités journalières en 2010, ils sont ainsi à l’origine
de 20 % du total des journées indemnisées. En outre, les niveaux
généralement plus élevés des salaires en fin de carrière contribuent à
augmenter
le montant moyen de l’indemnité journalière versée.
Si les arrêts courts sont affectés par des épidémies au caractère en
général récurrent et saisonnier, les arrêts longs évoluent tendanciellement
en fonction des pathologies chroniques ou affections de longue durée
(ALD).
La CNAMTS a estimé
ainsi à plus d’un tiers la contribution des
personnes en ALD à la croissance des indemnités journalières maladie en
2009. Les pathologies cardio-vasculaires, les tumeurs malignes et les
affections psychiatriques de longue durée figurent parmi les principales
pathologies contribuant à cette progression.
Mais l’évolution des arrêts maladie et de la dépense d’indemnités
journalières résulte aussi du comportement tant des assurés que des
entreprises et des médecins. Il serait selon la CNAMTS largement à
479. Voir notamment « Les disparités géographiques de consommation d'indemnités
journalières maladie », Point de repère, CNAMTS, novembre 2007 et « Les
indemnités journalières » etudes et Résultats, direction de la recherche, des études, de
l'évaluation et des statistiques (DREES), septembre 2007.
480. RALFSS 2004, chapitre I, «Les dépenses de la sécurité sociale» (p. 34 à 38) et
RALFSS 2006, chapitre V, « Les suites données à certaines recommandations
précédentes de la Cour » (p. 146).
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l’origine des disparités régionales observées, à hauteur d’entre un tiers et
la moitié, mais sans mesure précise du poids des différents facteurs
comportementaux. Différentes études ont cependant mis en évidence le
lien entre conditions de travail et absences pour maladie
481
ou encore la
corrélation entre l’activité des médecins et les prescriptions d’indemnités
journalières
482
ou encore entre la densité des omnipraticiens et ces
dernières. Au sein des déterminants analysés dans le cadre d’une
étude
récente de l’IRDES
483
qui permet d’expliquer deux tiers des différences
départementales, le comportement des acteurs exerce ainsi un rôle
prépondérant. Les différences
d’intensité
des contrôles et les densités
variables de médecins généralistes (une forte densité de ces derniers
entraînant un recours accru aux arrêts maladie) apparaissent en effet
comme les variables les plus déterminantes dans l’explication des
disparités.
L’extrê
me dispersion du nombre de journées prescrites par
généraliste, qu’illustre le tableau ci
-après, met en lumière à cet égard une
considérable diversité de pratiques. Celles-
ci ne font pas l’objet
d’analyses suffisamment précises, sinon pour ce qui est du co
mportement
de très gros prescripteurs susceptible de caractériser des abus. L’essentiel
de la dépense d’indemnités journalières est
cependant initié par le reste du
corps médical et de la maîtrise accrue de leur prescription dépend en
réalité la meilleure régulation de la dépense.
Nombre moyen de journées prescrites par médecin généraliste
484
IJ indemnisées
par l’assurance maladie en 2010
1
er
décile
2
ème
décile
3
ème
décile
4
ème
décile
5
ème
décile
6
ème
décile
7
ème
décile
8
ème
décile
9
ème
décile
10
ème
décile
90
534
1 072
1 571
2 059
2 572
3 178
3 952
5 071
7 952
Source :
Cour des comptes
–
données CNAMTS
481. Voir notamment « Le rôle des conditions de travail dans les absences pour
maladie », septembre 2006, document de travail, direction des études et synthèses
économiques,
INSEE
ou
«
La
progression
de
l’absentéisme
:
nouveaux
comportements des salariés ou nouvelles contraintes organisationnelles ? », 2010
(analyse réalisée sur la base de l'enquête SUMER 2002).
482. « Les indemnités journalières », DREES, septembre 2007.
483. « Arrêts maladie : comment expliquer les disparités départementales ? Premières
exploitations de la base Hygie », IRDES, juin 2012
484.
Journées indemnisées par l’assurance maladie en 2010, correspondant aux arrêts
maladie prescrits par les généralistes libéraux. Les faibles niveaux de prescriptions
des 1
er
et 2
nd
déciles sont peu significatifs car ils sont influencés par les départs à la
retraite des médecins, les installations en cours d’année ou les exercices à temps
partiel.
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*
*
*
La connaissance insuffisamment fine des déterminants
d’une
dépense dynamique fait ainsi obstacle à son pilotage et à la mise en place
d’actions de régulation p
lus efficaces parce qu
’à la fois
mieux ciblées et
s’adressant simultanément à l’ensemble des différents acteurs pour
modifier leur comportement.
II - Une stratégie de régulation globale à repenser et
à amplifier
La régulation de la dépense d’indemnités journal
ières implique une
beaucoup plus forte responsabilisation de l’ensemble des parties
prenantes : assurés, entreprises, prescripteurs, selon une stratégie
d’ensemble, qui inclut également une action plus déterminée de lutte
contre la fraude.
A
–
Une sensibilisation des employeurs à accentuer
1
–
Des actions à développer en direction des entreprises
Les actions de régulation auprès des entreprises sont récentes et
d’ampleur
très variable selon les départements.
Depuis 2009, des actions spécifiques aux arrêts maladie sont
conduites
par l’assurance maladie
dans le cadre de la maîtrise médicalisée
en entreprise auprès des entreprises présentant le nombre le plus
important d’arrêt
s maladie. Elles consistent à apporter aux entreprises un
appui en termes d’analyse de leur a
bsentéisme et de ses causes et à leur
proposer un travail conjoint. Cette démarche semble diversement
accueillie
par
les
entreprises,
dont
les
préoccupations
portent
principalement sur l’absentéisme de courte durée, pour lequel les CPAM
ne disposent que de peu de données, notamment en termes de pathologie.
En outre, la nécessité de respecter le secret médical rend parfois les
échanges compliqués, quand la taille de l’entreprise ne permet pas de
garantir l’anonymat
.
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La contrevisite à l’initiative de l’empl
oyeur : une complémentarité à
mieux assurer avec l’assurance maladie
Les employeurs peuvent recourir à un contrôle médical réalisé à
leur initiative par des médecins mandatés, dit « contrevisite employeur ».
Cette faculté est une contrepartie de l’obligati
on de maintien de salaire
pour certains salariés. Si la possibilité pour le médecin mandaté par
l’entreprise de transmettre au service du contrôle médical de la CPAM son
avis concluant à l'absence de justification médicale de l'arrêt de travail
existe depuis 2004, le service médical était originellement libre de lui
donner les suites qu’il souhaitait. Depuis 2010, le médecin conseil peut
suspendre le versement des indemnités journalières. Si la contrevisite
présente un intérêt pour l’employeur, qui est en droit de s’assurer que ses
salariés respectent leurs obligations dans le cadre de la pratique du
maintien de salaire, cette mise en relation de la contrevisite et du seul
contrôle médical de l’assurance maladie
fonctionne mal en raison
notamment de la lourdeur de la procédure prévue.
Il est cependant regrettable que la majorité des avis négatifs émis
par les médecins mandatés sur la base de motifs non médicaux, ne puissent
pas
en l’état actuel de la réglementation
être exploités par les CPAM
comme complément aux contrôles administratifs. En effet, le constat par
un médecin mandaté de l’absence au domicile (qui confirme la proportion
de 26 % des assurés absents, mise en évidence par la CPAM de
l’Aube
)
n’est actuellement pas
directement communiqué aux CPAM (mais au seul
service du contrôle médical) et ne peut donc donner lieu à une suspension
des indemnités. Une communication systématique des avis négatifs de
contrevisites reposant sur des motifs non médicaux et une procédure de
reconnaissance de ceux-ci par les CPAM devraient être envisagées en vue
d’accroître les synergies entre les contrôles de l’assurance maladie et le
contrôle employeur.
Une relance et un enrichissement des actions de sensibilisation
conduites à l’égard des employeurs s’imposent ainsi d’autant plus qu’en
l’occurrence les intérêts de l’assurance maladie rejoignent ceux des
entreprises. Ces dernières supportent en effet pour l’essentiel les coûts de
la couverture complémentaire souvent étendue dont bénéficient les
salariés, en sus des indemnit
és journalières, en cas d’arrêt maladie.
2
–
Des couvertures complémentaires d’entreprises importantes
Les indemnités journalières versées par l’assurance maladie ne
constituent que le socle de base dans la prise en charge des arrêts maladie
pour la majorité
des salariés. La plupart d’entre eux bénéficient en effet
de compléments de couverture financés par les employeurs, soit dans le
cadre de dispositions légales, soit du fait des conventions collectives de
branches, soit par le biais d’accords d’entreprises.
La connaissance de la
réalité des couvertures complémentaires des salariés est limitée par le fait
que celles-ci varient en fonction des conventions collectives, des
entreprises et de la situation de chaque salarié, notamment en termes
d’ancienneté.
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Les couvertures complémentaires aux indemnités journalières du régime
général
Plusieurs types de dispositions conduisent les employeurs à compléter
les indemnités journalières de l’assurance maladie :
-
la loi oblige l’employeur à compléter les indemnités jo
urnalières des
salariés de plus d’un an d’ancienneté, à hauteur de 90
% de leur rémunération
brute dans les 30 premiers jours d’arrêt puis aux deux tiers dans les 30 jours
suivants (ces durées étant majorées en fonction de l’ancienneté)
485
;
- la plupart des conventions collectives prévoient des garanties
complémentaires (prise en charge du délai de carence et/ou maintien de salaire,
total ou partiel). Ces dispositions conventionnelles se caractérisent par leur
grande diversité en termes de nature des compléments et de bénéficiaires, au
regard de l’ancienneté et de la catégorie d’appartenance, les cadres se voyant
parfois appliquer des dispositions plus favorables.
La Cour a procédé à un recensement partiel des dispositions incluses
dans les conventions colle
ctives, avec l’appui de la direction générale du
travail. Le tableau ci-après recense la grande variété de couverture des délais de
carence prévus dans 14 conventions collectives regroupant au total sept
millions de salariés.
Carence pour complément de salaire employeur
Titre abrégé de la convention
collective
Carence
Ancienneté
requise
Particulier employeur salariés
7 jours
6 mois
Bureaux d’études techniques
0
1 an
Commerce détail et gros à
prédominance alimentaire
7 jours (sauf hospitalisation ou arrêt
maladie >2 mois et cadre
1 an
Transports routiers
5 jours (ouvriers, employés) mais 0
(TAM*, IC*)
3 ans
Bâtiment ouvriers (plus de 10
salariés)
3 jours
1 à 3 mois
Hôtels cafés restaurants (HCR)
10 jours
3 ans
Etablissements et services pour
personnes inadaptées et handicapées
0
1 an
Services de l’automobile
0
1 an
Métallurgie ingénieurs et cadres
0
1 an
Bâtiments ouvriers (jusqu’à 10
salariés)
3 jours
1 à 3 mois
Commerces de gros
10 jours (0 pour hospitalisation et
pour les cadres > 3 ans ancienneté
1 an
Propreté d’entreprises
7 jours (3 jours pour ETAM* et 0
pour cadres
1 an
Métallurgie OETAM région
parisienne
0
1 an
Banque
0 pour le 1
er
et 2
nd
arrêt ;
3 jours pour les arrêts suivants
1 an
*
TAM = techniciens et agents de maîtrise, IC = ingénieurs et cadres et AM = employés,
techniciens et agents de maîtrise
Source : Cour des comptes
Les accords d’entreprise peuvent également contenir des garanties
complémentaires aux indemnités journalières, mais ne font l’objet d’aucun
recensement.
485 En fonction des garanties complémentaires prévues, les employeurs peuvent être
conduits à prendre en charge le délai de carence et/ou, au-delà du délai de carence, à
compléter l’indemnité journalière versée par la sécurité sociale, correspondant à 50%
du gain journalier brut et plafonnée à 1,8 SMIC, soit 41,38 euros au 1er janvier 2012.
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527
Toutes
couvertures
complémentaires
confondues
(légales,
conventionnelles ou d’entreprise), 66
% de la population salariée
bénéficierait ainsi d’une
prise
en charge par l’employeur du délai de
carence (totale ou partielle) et 80
% d’un maintien de salaire au
-delà du
délai de carence
486
.
L’importance de ces garanties complémentaires, plus favorables
que les dispositions du régime général, constitue à certains égards un
frein à la régulation des arrêts maladie. Le rôle responsabilisant assigné à
l’origine aux jours de carence et à un taux de remplacement limité à 50
%
du salaire brut se trouve dans les faits largement érodé pour nombre de
salariés. Ce constat ne rend que plus nécessaire de renforcer l’action
conduite auprès de ces derniers, à titre individuel comme aussi
collectivement, pour mieux leur faire partager l’enjeu
de maîtrise des
arrêts maladie.
B
–
Un contrôle des assurés à mieux structurer
Qu’il s’agisse des contrôles dits «
administratifs », réalisés par les
services de gestion des indemnités journalières des caisses, ou du contrôle
médical, de la responsabilité des médecins conseils placés auprès de ces
dernières dans le cadre des échelons locaux du service médical, les
contrôles des assurés apparaissent devoir être l’objet d’
une indispensable
modernisation. Ils se caractérisent aujourd’hui par une forte hétérogénéité
à l’origine d’une inégalité de traitement des assurés sur le territoire et
d’une absence de lisibilité de la politique de contrôle.
1
–
Un contrôle administratif à évaluer et redéfinir
Les assurés en arrêt de travail sont soumis au respect de certaines
obligations, qui ont été renforcées par la loi du 13 août 2004 relative à
l’assurance maladie, mais dont le degré de contrôle varie selon les
CPAM.
Parmi les contrôles administratifs réalisés quasi systématiquement
par les caisses, figurent notamment le respect du délai d’envoi de l’arrêt
de travail sous 48 heures et le contrôle de la cohérence des prescripteurs
en cas de prolongation de l’arrêt. Ces contrôles sont généra
lement réalisés
lors de la liquidation des indemnités journalières.
En revanche, le contrôle de la présence au domicile pendant la
durée de l’arrêt maladie
et notamment pendant les heures de sorties non
autorisées (entre 9h et 11h et entre 14h et 16h) est peu pratiqué. L
orsqu’il
486. «
L’enquête protection sociale complémentaire d’entreprise 2009
», juillet 2012.
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528
l’est, la proportion d’assurés ne respectant pas
leurs obligations apparaît
importante. La CPAM de
l’Aube
a par exemple constaté que 26 % des
assurés n’étaient pas présents à leur domicile aux horaires obligatoires
dans le cadre des contrôles réalisés en 2010.
Si le bilan économique de ces contrôles est sans doute limité
487
,
l’existence d’un contrôle des horaires de présence exerce un effet
disciplinant sur le comportement des assurés (qualifié d’«
effet radar »
par les caisses), sensible dans les départements peu étendus et qui
participe de la prévention du travail dissimulé. Ces contrôles permettent
en effet de déceler ponctuellement des situations de cumul d’activité
constituant une fraude aux indemnités journalières
488
.
La nécessité
d’une plus forte sensibilisation des assurés
Les actions de sensibilisation entreprises auprès des assurés sociaux
ont pour l’instant essentiellement consisté en des campagnes de
communication portant sur le rappel de leurs droits et devoirs ou la lutte
contre les arrêts abusifs, à visée pédagogique. Ces campagnes résultent
pour l’essentiel d’initiatives régionales dans le cadre de la politique de
gestion du risque et prennent la forme d’insertion d’informations dans les
courriers aux assurés, voire d’ajout
de volets au formulaire CERFA ou de
campagne d’affichage.
En accompagnement de ces initiatives et dans un souci de
responsabilisation des assurés, la CNAMTS envisage de communiquer sur
l’existence du «
référentiel IJ », guide de bonnes pratiques destiné à
assister les médecins
dans les prescriptions d’IJ. (cf. infra).
Une telle
communication peut en effet avoir un effet disciplinant en dissuadant de
présenter des demandes d’arrêt de travail répétées ou de durée excessive
par rapport à la pathologie et en aidant les médecins à expliquer pourquoi
ils ne peuvent y donner suite. Mais cette communication, dont les
modalités ne sont pas à ce stade définies, doit être envisagée avec
prudence, de manière à éviter que les délais préconisés par la Haute
autorité de santé ne soient compris comme créateurs de droits, ou à
l’inverse conduisant à un rationnement.
Il est
nécessaire d’évaluer précisément l’impact et la charge de
travail associée aux contrôles administratifs. Il n’existe en effet aucune
donnée nationale permettant de connaître le nombre et le type de
487.
Un bilan des contrôles à domicile réalisé par la CPAM de l’Aube en 2010 a mis
en évidence un gain net annuel de 11 000
€ pour 1
400 contrôles réalisés (après
déduction des coûts de personnels, correspondant la mobilisation de 0,68 ETP et des
pénalités annulées par la commission de recours amiable).
488.
Au terme de l’article L.
323.6 du cod
e de la sécurité sociale, l’assuré en arrêt de
travail, doit s’abstenir de toute activité non autorisée, qu’elle soit rémunérée ou
domestique.
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529
contrôles administratifs réalisés par les agents des CPAM et les résultats
de ces contrôles.
En fonction de cette évaluation, il conviendrait que la CNAMTS
redéfinisse
clairement la doctrine d’emploi de ces contr
ôles et leur mode
de ciblage, de telle manière qu’ils participent par un pilotage plus ferme à
une meilleure régulation de la dépense liée aux arrêts maladie.
2
–
Un contrôle médical à piloter de manière plus homogène
Le contrôle médical des arrêts de travail a eu tendance à se
renforcer depuis 2004, mais se caractérise par une grande hétérogénéité
des pratiques.
Pour
l’ensemble
des
indemnités
journalières
versées
par
l’assurance maladie au titre des divers risques, le nombre total d’avis sur
dossier et sur personne a significativement progressé depuis 2003, passant
de 4,9 millions en 2003 à 6,8 millions en 2011. Pour le seul risque
maladie, le service du contrôle médical a contrôlé 1,8 million d’arrêts
en
2011 (contre 1,6 million en 2008), correspondant à un quart du volume
des arrêts de travail de cette année.
Le contrôle médical des arrêts maladie
Les objectifs assignés au service du contrôle médical diffèrent
selon la durée des arrêts et ne donnent pas systématiquement lieu à un
examen sur personne (une partie importante des assurés étant contrôlés sur
dossier). Les arrêts atteignant six mois sont systématiquement contrôlés,
puisqu’une nouvelle ouverture de droits aux indemnités journalières est
réalisée par la CPAM au bout de six mois. Au-delà de six mois, les assurés
en arrêt de travail sont en principe contrôlés au bout d’un an d’arrêt puis
ensuite selon une fréquence décidée par chaque médecin conseil. Le
service médical n’est soumis à aucun objectif de contrôle sur ces arrêts de
longue durée. Or, ces derniers sont ceux qui pèsent le plus dans la dépense.
Les arrêts de plus de 45 jours (et inférieurs à six mois) sont en
principe systématiquement contrôlés, mais seulement 30 % donnent lieu à
un examen sur personne (le reste des assurés étant contrôlés sur dossier).
Les arrêts de moins de 45 jours, dits de « courte durée », qui
représentent 80 % des arrêts maladie ne sont que très marginalement
contrôlés (seuls 4
% d’entre eux l’ont été en 2010). Certes il y a quasi
-
impossibilité de contrôler les arrêts de très courte durée (moins de sept
jours) en raison du délai de réception de l’arrêt de travail et de sa prise en
charge par les CPAM et le contrôle médical et à la difficulté de cibler ces
contrôles à partir des arrêts de travail papier. Mais il est anormal que les
arrêts plus longs ne fassent pas l’objet de contrôles plus importants.
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Le caractère général et quantitatif des objectifs assignés au
contrôle médical explique les différences observées en termes de
pratiques. Se constate en effet une forte dispersion des taux
d’avis
favorables
ou
défavorables
émis
par
les
médecins
conseils,
particulièrement importante pour le contrôle des arrêts de courte durée
(inférieurs à 45 jours). Alors que le taux moyen d’avis défavorables est de
15,2 %, il varie de 4,7 % à 39,8 % selon les échelons locaux du service
médical et un quart des 106 échelons locaux
présente un taux d’avis
défavorables inférieur à 10 %.
Les économies obtenues dans un contexte de faible structuration de
la méthodologie et de ciblage du contrôle des arrêts maladie attestent
cependant
un gain potentiellement élevé d’une modernisation des
contrôles. La CNAMTS a en effet évalué à 398
M€
les économies
directes résultant des contrôles médicaux en 2010
489
, sous forme de
dépenses évitées.
Plusieurs outils récemme
nt déployés dans le réseau de l’assurance
maladie devraient permettre un meilleur ciblage des contrôles, notamment
médicaux, en particulier la numérisation des arrêts de travai
l et l’avis
d’arrêt de travail dématérialisé
-AAT dématérialisé- (cf. infra). La CPAM
et le service médical disposant de l’arrêt de travail par voie informatique
pourront cibler leurs contrôles des arrêts maladie en fonction des
caractéristiques des assurés (par exemple en cas d’arrêts itératifs), des
prescripteurs (notamment sur les plus atypiques) ou de certaines
pathologies
490
. La diffusion
d’un référentiel à destination
des médecins,
proposant
des durées indicatives d’arrêt de travail par pathologie
dit
« référentiel IJ » (cf. infra) permettra en outre aux médecins conseils de
cibler leurs contrôles sur les arrêts
s’éloignant
sensiblement des durées
indicatives.
Enfin,
la
création
d’observatoires
locaux
des
indemnités
journalières, dits « observatoires IJ »
491
, devrait conduire les CPAM et le
489. Dont 318
M€ correspondent au passage anticipé en invalidité d’assurés en arrêt
maladie de longue durée et 80 M
€ à la dépense évitée du fait d’un avis négatif du
contrôle médical conduisant à une fin d’indemnités journalières avant le terme de
l’arrêt de travail.
490.
Il s’agit notamment des pathologies les plus fréquentes, difficiles à objectiver
(troubles mentaux et du comportement, maladies du système ostéo-articulaire, des
muscles et du tissu conjonctif, lésions traumatiques).
491 .
Expérimenté à Bayonne et généralisé fin 2011 à l’ensemble du territoire,
l’observatoire est une cellule médico
-administrative, qui administre une base de
données composée de données issues de l’application du service médical
(HIPPOCRATE) et de l’application de gestion des assurés des caisses (BDO).
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contrôle médical à développer des analyses communes sur les profils
d’assurés en arrêt maladie et de prescripteurs ainsi qu’à
cibler
conjointement leurs contrôles.
L’homogénéisation et l’amélioration du ciblage des contrôles
médicaux supposent cependant que des objectifs plus qualitatifs viennent
compléter les objectifs quantitatifs fixés aux échelons locaux du service
médical. La CNAMTS a dernièrement pris de premières orientations en
ce sens
492
dont elle devra suivre avec vigilance la mise en œuvre
effective.
C
–
La responsabilisation indispensable du
prescripteur, premier ordonnateur de la dépense
Les actions de la CNAMTS ont jusqu’alors essentiellement ciblé
les très gros prescripteurs, avec des résultats limités. Elles doivent
s’orienter vers une action plus générale et plus ferme d’incitation de
l’ens
emble des médecins au respect de bonnes pratiques en ce domaine.
1
–
Des outils contraignants à la portée limitée
Le nombre moyen d’indemnités journalières prescrites par
médecin
493
est de 2 700
par an en moyenne en 2010, mais l’hétérogénéité
des prescriptions
en matière d’arrêts de travail est forte. Ainsi, 30
% des
médecins prescrivent moins de 1 100 journées
par an, alors que près d’un
millier de médecins en prescrivent plus de 10 000.
Bien que les caisses et le contrôle médical suivent attentivement le
vol
ume et la typologie des prescriptions d’arrêts maladie des médecins,
ils
ne disposent d’outils contraignants d’intervention que vis
-à-vis des très
gros prescripteurs (qualifiés «
d’
hyper-prescripteurs » par la CNAMTS).
Avant la diffusion récente du « référentiel IJ » (cf. supra), les actions de
sensibilisation et de responsabilisation des prescripteurs reposaient
essentiellement
sur l’information des médecins
sur leurs écarts à la
pratique moyenne constatée sur le même territoire, à travers la
communication
de leur profil de prescripteur ou à l’occasion de courriers
ou d’entretiens dits d’alerte.
492.
A travers la diffusion d’une lettre réseau en date du 29 mai 2012.
493. Ensemble des généralistes libéraux.
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La mise sous accord préalable (MSAP)
494
était jusqu’en 2011 la
seule procédure contraignante à disposition des directeurs de CPAM pour
limiter les prescriptions des gros prescripteurs. Son bilan apparaît
toutefois marginal, tant au regard du nombre de médecins concernés que
de son impact global. Depuis sa mise en place effective en 2006, moins
de 500 mises sous accord préalable en matière d’arrêts de travail ont été
mi
ses en œuvre sur l’ensemble du territoire.
Si durant la durée de la
mesure (de 1 à 6 mois) les prescriptions des médecins en cause reculent
significativement (de l’ordre de 30
%), elles ont tendance à progresser à
nouveau une fois la mesure terminée, tout en se stabilisant cependant à un
niveau inférieur au niveau initial.
La CNAMTS a évalué à 9
M€ de
dépenses évitées l
’impact de
la campagne 2008 de mise sous accord
préalable.
La lourdeur de cette procédure, qui implique un contrôle exhaustif
des prescripti
ons par le service médical et surtout sa mise en œuvre sur la
base de seuils nationaux très élevés
495
limitent largement sa portée.
Un dispositif complémentaire de fixation d’objectifs de réduction
des prescriptions a été créé en 2011 : la mise sous objectifs quantifiés. Ce
dispositif apparaît comme une alternative à la MSAP que le directeur de
la caisse peut proposer aux médecins et qui consiste en une
contractualisation sur l’atteinte d’un objectif quantifié de diminution de
leurs
prescriptions d’
indemnités journalières sur une période de quatre à
six mois. Mais ce nouveau dispositif souffre de plusieurs défauts. Comme
la MSAP, il ne vise que les très gros prescripteurs. En outre, les
difficultés de mise en œuvre de cette procédure complexe par la
CNAMTS n’
ont pas encore permis son déploiement, alors même que la
campagne 2011 de mise sous accord préalable a été suspendue dans
l’attente du
nouveau dispositif.
La difficulté à identifier les médecins à l’origine des prescriptions
dans les établissements de santé limite en tout état de cause la portée de
ces dispositifs de régulation aux seuls médecins libéraux. En effet, bien
que les professionnels de santé hospitaliers puissent désormais être
identifiés par un numéro RPPS (répertoire partagé des professionnels de
santé),
l’utilisation de ce numéro
doit être développée. Si cette évolution
est nécessaire à la traçabilité de l’ensemble des prescriptions délivrées en
établissement, elle représente un enjeu particulier pour les indemnités
494.
Créée par la loi du 13 août 2004, la MSAP a été mise en œuvre pour les
prescriptions d’indemnités journalières à compter de 2006.
495.
Les médecins concernés sont ceux dont les prescriptions d’arrêt de travail sont
plus de quatre fois et demi supérieures à la moyenne de leurs confrères sur le ressort
de la même union régionale des caisses d’assurance maladie.
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journalières, car les médecins hospitaliers sont
à l’origine d’environ 20
%
des prescriptions
d’arrêt maladie. Elle permettra ainsi de soumettre les
prescriptions d’arrêt maladie de l’ensemble des médecins aux mêmes
dispositifs de régulation (par exemple de mise sous accord préalable).
2
–
Une absence de prise en compte dans les nouveaux modes de
rémunération des médecins
N
i les contrats d’amélioration des pratiques
individuelles (CAPI),
ouverts aux médecins volontaires à compter de 2009, ni la rémunération à
la performance, qui lui a succédé dans le cadre de la convention médicale
de juillet 2011
et qui s’applique à tout médecin sauf refus explicite de sa
part, n
’ont intégré d’
incitations à la
maîtrise des prescriptions d’arrêt de
travail.
La diffusion progressive du « référentiel IJ » à compter de 2009,
dont il est attendu par la CNAMTS une économie annuelle a minima de
l’ordre de 125
M€
496
, aurait dû cependant être accompagnée de la mise
en œuvre d’indicateurs à même de mobiliser le corps médical sur le
respect des bonnes pratiques recommandées par la Haute autorité de santé
en matière de durée des arrêts de travail en fonction des pathologies,
d’autant que l
a portée du référentiel devrait être accrue par le déploiement
concomitant de l’
AAT dématérialisé auprès des médecins. En effet, cet
outil proposera au prescripteur un renseignement par défaut de la durée
d’arrêt de travail en fonctio
n de la pathologie.
L’avis d’arrêt d
e travail dématérialisé
Permettant aux médecins de transmettre par internet les arrêts de
travail, l’utilisation de l’AAT dématérialisé, outil déployé en 2010, est
encore très faible. Moins de 3 % du total des arrêts de travail étaient ainsi
transmis aux caisses fin 2011. Si la CNAMTS escomptait une montée en
charge avec la mise à disposition
d’une nouvelle version de l’outil
fin
2011 (dit « AAT en 5 clics »), cette version doit encore gagner en
ergonomie et stabilité. En
l’état, aucune action incitative ou contraignante
vis-à-vis des éditeurs de logiciels pour une intégration de cet outil aux
logiciels métiers des médecins
n’
a été entreprise.
Au-delà de sa contribution à la maîtrise des prescriptions, l
’
AAT
apparaît comme un levier de modernisation de la gestion des indemnités
journalières et des arrêts de travail, qui justifierait une incitation plus vive
des médecins à y recourir, dès que «
l’AAT en 5 clics
» sera stabilisé ou
496.
Propositions de l’assurance maladie sur les charges et les produits de l’année
2012, juillet 2011.
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si une obligation d’intégration de ses fonct
ionnalités par les éditeurs de
logiciels médicaux est définie. Elle justifierait que soit alors inclus dans la
rémunération à la performance des médecins un objectif chiffré de
transmission dématérialisée des arrêts de travail.
D
–
La nécessité de reconsidérer la démarche de lutte
contre la fraude
Les éventuels comportements dits « abusifs » reposent toujours sur
la prescription d’un médecin et ne peuvent être sanctionnés au titre de la
fraude. Ils ne peuvent en effet être remis en cause que par le contrôle
mé
dical et ceci uniquement pour l’avenir, sur la base d’un examen
médical de l’assuré, la prescription médicale et le bénéfice des indemnités
journalières ne pouvant être remis en cause de manière rétroactive.
En revanche la fraude dite administrative expose en fonction de
son type et de sa gravité à des sanctions financières, voire à une sanction
pénale.
La faible proportion des fraudes détectées en matière d’arrêts de
travail prive cependant ce dispositif de tout effet dissuasif d’autant que les
sanctions effectives sont peu nombreuses et inégales : seulement 292
pénalités financières ont été prononcées en 2010 et un tiers des CPAM
n’en ont infligé aucune. En 2011, le nombre de pénalités s’élève à 420
mais l’essentiel des fraudes détectées donne lieu à des s
uites non
contentieuses (avertissements, retenues financières ou récupérations
d’indus).
Au terme d’une enquête nationale conduite par la CNAMTS
en
2010, une fréquence de 0,16 %
d’arrêts maladie fraudés a été de fait mise
en évidence, correspondant à 0,05 % des indemnités journalières maladie
versées (soit environ 3
M€). Selon cette enquête, les fraudes constatées
sont de trois types
: le cumul de l’indemnité journalière avec une activité
(63 %) ; la falsification des pièces justificatives (22 %) nécessaires au
calcul et au paiement de l’indemnité journalière
; l’abse
nce de déclaration
du salarié par l’employeur (15
%
) et/ou l’absence d’existence légale de
l’entreprise.
Ce faible pourcentage de fraude constatée semble révéler une
bonne sécurisation de la chaîne des arrêts maladie, qui fait intervenir trois
acteurs en
plus de l’assuré bénéficiaire, à savoir le médecin à l’origine de
la prescription, l’entreprise qui transmet les éléments de salaire et
confirme l’absence et la CPAM qui liquide la prestation et la contrôle.
Il doit inviter cependant la CNAMTS
à s’interrog
er au contraire
sur le dispositif de détection des fraudes
qu’elle met en œuvre. L
es
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fraudes les plus fréquemment mises en évidence sont celles d’acteurs
isolés, pour l’essentiel des assurés,
et sont facilement décelées par le
croisement des données de prescription ou de paie, ou par des contrôles
sur place quand il s’agit de cumul d’activité
497
. La détection des fraudes
aux indemnités journalières ne déc
oule de fait que rarement d’une
recherche systématique mais de la remontée de signalements, qui
déclenchent ensuite des investigations. Faute de vigilance spécifique à cet
égard, il est possible en particulier
qu’une partie des fraudes, qui
reposerait notamment sur des systèmes organisés sur une plus vaste
échelle impliquant des entreprises fictives et des salariés, ne puisse pas
être repérée.
Au-delà du développement de méthodes de détection plus
sophistiquées, sur lesquelles travaille la CNAMTS
498
, qui devraient
permettre de mieux cibler la recherche de fraudes selon une logique de
détection des profils à risque, il est ainsi nécessaire de renforcer les
échanges systématiques de données avec les autres administrations
sociales (notamment les URSSAF et Pôle emploi), pour croiser les
informations relatives aux bénéficiaires et aux entreprises.
*
*
*
L’intensific
ation des contrôles, tant sur les assurés que sur les
prescripteurs et l’amplification de la lutte contre la fraude dans le cadre
d’une démarche cohérente doivent ainsi constituer une priorité forte de
l’assurance
maladie
de
manière
à
mieux
réguler
la
dépe
nse.
L’accélération de la modernisation de la gestion de la prestation elle
-
même est au demeurant à intégrer dans cette stratégie d’ensemble dès lors
qu’elle diminue ses coûts de liquidation, autorise des gains de
productivité importants et permet de redéployer vers les actions de
régulation une partie des agents.
497 . Ainsi sur les 2000 fraudes détectées en 2011, 1980
ont été commises par des
assurés sociaux.
498 . Les expériences à partir de détection de profils (« datamining ») menées
récemment par la CNAMTS n’ont, pour l’instant, pas donné de résultats probants.
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536
III - Rendre la gestion plus efficiente en simplifiant
la réglementation
La gestion des indemnités journalières est coûteuse pour
l’assurance maladie du fait de l’extrême complexité de la r
églementation
à appliquer, qui pour l’essentiel n’a pas été modifiée depuis la création de
la sécurité sociale.
Cette activité a jusqu’ici
été peu modernisée et les
efforts récents entrepris à cet égard trouvent leurs limites, faute qu’ait été
mise en œuvre dans le mê
me temps une simplification indispensable de la
législation.
A
–
Une gestion coûteuse et complexe
L
’activité de l
iquidation des indemnités journalières (tous risques
confondus) mobilise 5 330 équivalents temps plein (ETP) dans le réseau
de l’assurance maladie
en 2010.
Alors que l’ensemble des dépenses
d’indemnités journalières, tous risques confondus, représente en 2010
6 % du total des charges des branches maladie et AT-MP, près de 10 %
des effectifs des caisses sont affectés à cette activité. Celle-ci reposait
jusqu’en 2011 sur l’arrivée de flux papier d’arrêt de travail et
d’attestations de salaires et sur leur intégration manuelle dans les
systèmes d’information de l’assurance maladie. La dématérialisation en
cours de certains processus ne permet pas encore de parvenir à un niveau
satisfaisant d’automatisation de la liquidation, faute que la réglementation
ait été parallèlement simplifiée contrairement à l’objectif fixé par la
dernière convention d’objectif et de gestion de la CNAMTS.
1
–
Une réglementation caractérisée par sa complexité
Le bénéfice des indemnités journalières étant soumis à de strictes
conditions de durée d’affiliation et de cotisation au régime général
d’assurance maladie, l’ouverture de droits à cette prestation implique la
communication par
l’employeur à l’assurance maladie des éléments
actualisés de rémunération à travers la transmission d’une «
attestation de
salaire
». La vérification des conditions d’ouverture des droits est
cependant une tâche particulièrement complexe, notamment au regard de
certaines situations professionnelles comme celles des salariés présentant
les parcours les moins stables
(successions de période d’activité et
d’inactivité) et dépendant de plusieurs employeurs.
Les travailleurs intérimaires et saisonniers ont ainsi accès à la
prestation sans condition de durée d’immatriculation sous réserve d’avoir
travaillé 800 heures dans l’année écoulée, mais les éléments de preuve
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537
sont souvent difficiles à réunir. La situation des salariés ayant de
multiples employeurs et des sa
lariés changeant fréquemment d’employeur
soulève quant à elle des difficultés particulières du fait de la complexité à
reconstituer les salaires des trois ou douze derniers mois. Pour les salariés
ayant eu plusieurs employeurs sur les trois ou douze derniers mois,
chaque employeur doit ainsi communiquer une attestation de salaire. Il en
va de même pour les demandeurs d’emploi qui
bénéficient en effet d’un
maintien de droit au titre de leur activité antérieure à leur période de
chômage, le service des indemnités journalières suspendant le versement
de l’allocation chômage
.
Ces situations concernent au minimum 15 % des indemnités qui
sont en pareil cas réglées après des délais souvent très longs au vu de la
difficulté à réunir et à vérifier des éléments de salaires souvent anciens.
L
es copies des bulletins de salaires étant, en l’absence d’employeur,
communiquées directement par l’assuré, le risque de fraude est
au
demeurant
plus important que dans le cadre d’une attestation de salaire
par l’
employeur.
L’existence d’assiettes et de périodes de référence différentes pour
les indemnités journalières maladie, maternité et AT-MP apparaît par
ailleurs comme un élément majeur de complexité.
Une assiette et des taux d’indemnités journalières différentes pour la
maladie de celle de la maternité et des AT-MP
Pour les IJ maladie, l’assiette de calcul est le salaire brut (en
principe des trois derniers mois), c'est-à-dire le salaire servant de base au
calcul des cotisations dues pour les risques maladie, maternité, invalidité et
décès dans la limite du plafond vieillesse correspondant. Pour les IJ
maternité/paternité, l’assiette est le salaire brut minoré des cotisations
salariales et de la CSG, mais pas de la CRDS. L’assiette retenue pour le
calcul des IJ AT-MP correspond au salaire brut du dernier mois, augmenté
des primes annuelles proratisées.
A ces différences d’assiette s’ajoutent des différences de modalités
de calcul conduisant à des taux de remplacement et des plafonds de
sécurité sociale appliqués selon des modalités différentes. Les indemnités
journalières maladie correspondent à 50 % du salaire brut, alors que celles
des AT-
MP s’élèvent à 60
% pour les 28 premiers jours d’arrêt puis à
80 % au-delà. Les indemnités journalières maternité sont quant à elles
égales à 100 % du salaire net.
Ces différences en termes d’assiette et de calcul justifient
l’existence de formulaires différents pour les attestations de salaires à
transmettre par les employeurs. Cette complexité explique qu’une part
importante des attestations de salaire soit mal renseignée, alourdissant
très notablement la gestion des prestations dans les CPAM.
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538
Concrètement en effet,
les différences d’assiette pour les IJ
maladie, maternité et AT-MP peuvent conduire un employeur ayant trois
employés absents à chacun de ces titres à devoir :
-
renseigner
l’attestation
de
salaire
maladie
-maternité
pour
y
mentionner les salaires bruts sous plafond des 3 mois précédant l’arrêt
de travail ;
-
renseigner la même attestation, pour un salarié en congé maternité ou
paternité, en y mentionnant les salaires sous plafond des 3 mois
précédant
l’arrêt mais déduction fa
ite des cotisations salariales légales
ou conventionnelles et de la CSG mais pas de la CRDS) ;
-
renseigner l’attestation de salaire spécifique aux arrêts AT
-MP, en y
mentionnant le salaire brut du mois précédent l’arrêt de travail
.
2
–
Des chantiers de modernisation encore inaboutis
Pour aller au-delà de la numérisation des documents papiers reçus
dans les caisses, qui inclut progressivement les arrêts de travail et les
attestations de salaire, la CNAMTS déploie en parallèle deux outils
structurants de dématérialisation à la source de la chaîne des indemnités
journalières. Ceux-
ci concernent d’une part les médecins, à travers la
transmission d’arrêts de travail dématériali
sés, encore à ses débuts (cf.
supra) et d’autre part les entreprises pour la communication des
attestations de salaire.
Cette dernière, réalisée actuellement sur le portail Net-entreprises,
concerne 67 %
de l’ensemble des attestations de salaire en 2011. A
fin
d’accroître encore cette dématérialisation
, la CNAMTS travaille sur une
solution complémentaire d’échange direct de fichiers avec les logiciels de
paie des entreprises (solution répondant au besoin des plus grosses
entreprises).
Au-delà de la simplification de cette démarche
pour l’entreprise et
de la réduction du délai de paiement de l’assurance maladie, au bénéfice
du salarié ou de l’entreprise en cas de subrogation, l’intérêt de la
dématérialisation à la source réside dans la possibilité d’une intégr
ation
des données de salaire dans les applications de liquidation de la
CNAMTS,
qui permet d’automatiser la liquidation de l’indemnité
journalière.
Les premiers résultats montrent cependant
qu’une reprise manuelle
est encore nécessaire pour 60 % des dossiers du fait de mauvais
renseignements portés sur les attestations ou de la complexité de
situations individuelles. Seules 40 % des attestations dématérialisées,
concernant les dossiers les plus simples, sont liquidées automatiquement.
Ce constat ne rend que plus pressante une simplification de la
réglementation sur certains points.
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539
B
–
Une nécessité de simplification
Malgré les recommandations de la Cour dans les RALFSS 2004 et
de 2006
499
et l’objectif posé à cet égard par la convention d’objecti
f et de
gestion de la CNAMTS pour 2010-2013, le dossier de la simplification de
la ré
glementation n’a guère progressé
.
Les pistes explorées par la caisse nationale en 2003 pour une
simplification a minima de la réglementation n’ont pas été examinées
plus avant. La possibi
lité de servir une indemnité journalière d’un
montant équivalent à la précédente en cas de pluralité d’arrêts sur une
période donnée
était alors envisagée afin d’éviter de procéder à un
nouveau calcul à chaque arrêt maladie, alors même que le dernier arrêt est
récent et qu’un nouveau calcul conduit pour la plupart des assurés à un
montant équivalent. Les réflexions portaient aussi sur la simplification du
contenu des attestations de salaire, comme par exemple la règle du
rétablissement de salaire en cas d’a
bsence autorisée qui conduit
l’employeur à reconstituer un salaire en réintégrant certaines absences de
congés entraînant de nombreuses erreurs de renseignement et des reprises
manuelles par les CPAM. La relance de cette démarche apparaît
indispensable à l
a poursuite et à l’accélération de la modernisation de la
gestion de la prestation.
A ce titre, une évolution vers une logique de plus
grande forfaitisation pourrait apparaître, sur certains points, préférable au
maintien de modalités de calcul parfois inutilement complexes et qui
obligent à de délicates appréciations au cas par cas.
Au-delà, le recours à une seule assiette de calcul des indemnités
journalières devrait constituer un objectif majeur car cette harmonisation
faciliterait grandement la gestion tant des entreprises que des caisses, tout
en assurant une rapidité accrue de versement pour les assurés. La piste la
plus simple consisterait sans doute à cet égard à retenir le salaire brut -
déjà utilisé pour le calcul des IJ maladie - comme assiette des IJ maternité
et AT-MP, en modulant les taux de remplacement de manière à garantir le
même niveau de couverture. Mais il est aussi possible d’envisager une
harmonisation sur la base du salaire net, après déduction forfaitaire du
salaire brut du montant de
s cotisations sociales (comme c’est déjà le cas
pour les indemnités journalières maternité).
La simplification de la réglementation doit ainsi nécessairement
accompagner le projet de déclaration sociale nominative (DSN) qui
permettra à terme une déclaration mensuelle et unique des données
499. RALFSS 2004, chapitre I, « Les dépenses de la sécurité sociale » (p. 34 à 38) et
RALFSS 2006, chapitre V, « Les suites données à certaines recommandations
précédentes de la Cour » (p. 146).
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540
sociales et facilitera une automatisation plus poussée de la gestion des
indemnités journalières.
La déclaration sociale nominative (DSN)
La DSN a vocation à remplacer la quasi-totalité des déclarations
sociales actuelles. La loi Warsmann adoptée le 29 février 2012 prévoit
l’utilisation de la DSN à compter du 1
er
janvier 2013 sur la base du
volontariat des entreprises et sa mise en œuvre obligatoire à compter du
1
er
janvier 2016. La DSN présente le double intérêt de simplifier les
déclarations des entreprises qui n’auront qu’une déclaration mensuelle à
réaliser et de dématérialiser leur transmission. La centralisation de la
source de l’assiette devrait permettre un accès direct et immédiat des
données de salaires, ce qui devrait sécuriser le processus et permettre de
procéder plus rapidement au calcul et au paiement des IJ.
Mais la mise en œuvre de la déclaration sociale nominative
est
actuellement prévue à réglementation constante ce qui ne supprimerait
pas les difficultés rencontrées par les caisses et les obligerait à demander
aux employeurs la transmission de données supplémentaires, qui
compléteraient les DSN mensuelles communes aux organismes sociaux,
avec pour effet de ne pas alléger la charge administrative des entreprises
contrairement à l’objectif recherché.
Les réelles complexités de mise en œuvre de la déclaration sociale
nominative, qui constitue un projet très ambitieux, peuvent en tout état de
cause faire craindre un sensible décalage dans sa généralisation. Il serait
ainsi opportun à cet égard de conduire en parallèle une étude de faisabilité
sur l’utilisation éventuelle de données fiscales (salaire net imposable),
ainsi que la CNAMTS le propose, comme assiette éventuelle de
substitution pour le calcul des indemnités journalières.
C
–
Des gains d’efficience indispensables
La simplification de la réglementation ne conditionne pas
seulement la réalisation de gains de productivité nécessaires pour alléger
le coût de gestion élevé des indemnités journalières. A ce stade, les gains
en ETP attendus par la CNAMTS des nouveaux outils informatiques
qu’elle déploie
sont déjà de l
’ordre de 300 ETP
de 2011 à 2013
500
, mais
une
automatisation
plus
poussée
du
processus
de
liquidation
qu’autoriserait une r
églementation moins complexe permettrait de réaliser
des progrès de productivité substantiellement supérieurs.
500 .
165 ETP au titre de la dématérialisation et de l’injection automatique des
attestations de salaires et 120 ETP au titre de l’arrêt de travail dématérialisé.
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541
Elle aurait aussi pour avantage de limiter la fréquence des erreurs
de liquidation des indemnités journalières. Comme l’a souligné la Cour
dans son rapport de certification des comptes 2011 du régime général de
sécurité sociale
501
, l’indicateur de fiabilité de cette prestation révèle sur
la période récente (août 2010-
septembre 2011), un taux d’anomalie non
négligeable (entre 0,73 % et 0,89 % du montant des dépenses), soit par
extrapolation une incidence financière de 46 à 56
M€ en 2011.
Elle autoriserait enfin une amélioration qui s’impose des délais de
règlement aux assurés. En 2011, le délai moyen de paiement était de 38,5
jours pour un objectif national de 35 jours. Un tiers des caisses ont
cependant un délai moyen supérieur à 40 jours, alors que seulement 18
caisses paient dans un délai moyen inférieur à 30 jours. Le délai moyen
masque en outre des retards anormaux pour une partie des assurés. Ainsi,
20 % des dossiers étaient réglés en 2010 dans un délai supérieur à 70
jours. Dans un certain nombre de cas ce délai est encore bien plus
important : des délais de 727, 420 et 891 jours ont été constatés par la
Cour dans trois CPAM et n’apparaissent pas comme des
cas marginaux.
Il est regrettable à cet égard que la CNAMTS ne fasse pas
systématiquement renseigner par les caisses le délai moyen de paiement
des 10
% de dossiers les plus tardivement réglés, ce qui la prive d’une
information essentielle pour remplir les objectifs de qualité de service qui
lui ont été fixés dans la convention d’objectif et de gestion.
*
*
*
La simplification de la réglementation apparaît ainsi désormais
comme un préalable indispensable à la poursuite du processus de
modernisation de la gestion des arrêts maladie,
à l’améliorat
ion de la
qualité de service envers les assurés
et à l’accélération des gains de
productivité des caisses.
501. Rapport de certification des comptes 2011 du régime général de sécurité sociale,
juin 2012, p. 76 à 78.
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542
______________________
CONCLUSION
________________________
Malgré leur poids financier considérable pour l’assurance maladie
et leur progression continue, les arrêts de travail pour maladie demeurent
une réalité très insuffisamment analysée dans ses déterminants pour
permettre la mise en œuvre d’actions de régulation plus efficaces dans le
cadre d’une stratégie d’ensemble qui reste largement à construire.
Certes de nombreux dispositifs de contrôle et de maîtrise de la
dépense ont été mis en place au fil du temps. Ils se superposent cependant
plus qu’ils ne se complètent au détriment d’une démarche cohérente qui
sensibilise en parallèle, selon des dispositifs appropriés pour
chacun d’eux,
l’ensemble des acteurs
: assurés sociaux, employeurs, largement impliqués
du fait de l’importance de la couverture complémentaire qu’ils assurent à
la grande majorité des salariés, médecins, qui sont les premiers
ordonnateurs de la dépense. A
bsence de continuité, défaut d’homogénéité,
manque de ciblage, insuffisance d’articulation entre services administratifs
et contrôle médical caractérisent trop souvent les actions menées, en
particulier en matière de lutte contre la fraude qui doit être amplifiée et
repensée.
Un pilotage plus ferme et plus constant est à tous égards
indispensable. Il doit se fixer en particulier comme priorité une action plus
volontariste vis-à-vis du corps médical, sans se limiter aux seuls gros
prescripteurs ni aux seuls médecins libéraux. Cette dimension de
régulation des arrêts de travail est à intégrer pleinement dans la
négociation conventionnelle : le respect du référentiel de bonnes pratiques
doit devenir l’un des paramètres de la rémunération à la performance issue
de la récente convention médicale. Les médecins hospitaliers ne sauraient
pour leur part rester plus longtemps à l’écart de tout mode de régulation
en ce domaine.
La modernisation de la gestion de la prestation elle-même est une
composante essentielle de la stratégie à construire pour maîtriser plus
rigoureusement la dépense. Elle représente en effet une charge élevée pour
l’assurance maladie qui y consacre, tous risques confondus, pas moins de
5 300 ETP. Pour autant, les erreurs de liquidation sont nombreuses et ont
une incidence financière loin d’être négligeable et les délais de règlement
aux assurés sont parfois beaucoup trop longs, en particulier pour le
salariés les plus fragiles pour lesquels une rupture de rémunération est
encore plus lourde de consé
quences que pour d’autres.
La trop grande complexité de la réglementation compromet de fait
la
qualité
du
service
rendu,
en
dépit
d’initiatives
récentes
de
dématérialisation de certains processus qui ont permis un début
d’automatisation de la liquidation.
Sa simplification, toujours évoquée,
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PAR LE REGIME GENERAL
543
toujours repoussée, ne saurait attendre davantage d’autant qu’elle
conditionne largement le bon aboutissement du projet de déclaration
sociale nominative.
La préparation de la prochaine convention d’objectifs et de ge
stion
de la CNAMTS doit ainsi être l’occasion d’une modernisation en
profondeur d’une prestation qui, dans ses caractéristiques essentielles, n’a
guère évolué depuis la création de la sécurité sociale.
___________________
RECOMMANDATIONS
____________________
68.
Affiner et actualiser les études sur les déterminants des arrêts
maladie.
69.
Généraliser et amplifier les actions de responsabilisation du
corps médical, notamment en intégrant dans la rémunération à la
performance des médecins libéraux un objectif de respect du référentiel
de prescription et en mettant sous contrainte de régulation les médecins
hospitaliers, en particulier les gros prescripteurs.
70.
Evaluer et redéfinir la doctrine d’emploi des contrôles
administratifs des assurés sociaux et redéfinir les objectifs et les
méthodes du contrôle m
édical en termes de ciblage et d’homogénéité de
pratiques.
71.
Mettre en place les outils et la méthodologie nécessaires à une
détection systématique des fraudes, notamment organisées.
72.
Moderniser et simplifier la réglementation, notamment par
l’harmonisation
des
assiettes
des
différents
types
d’indemnités
journalières.
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