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Chapitre XII
Les activités de soins de suite et de
réadaptation
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LES ACTIVITES DE SOINS DE SUITE ET DE READAPTATION
341
_____________________
PRESENTATION
_______________________
Les soins de suite et de réadaptation (SSR) ont pour objet
319
de
« prévenir
ou
réduire
les
conséquences
fonctionnelles,
physiques,
cognitives ou sociales des déficiences et des limitations de capacité des
patients et de promouvoir leur réadaptation et leur réinsertion ». Dispensés
en général au sortir d’une hospitalisation de court séjour dans un service
de chirurgie ou de médecine, ils consistent en des actes de rééducation, de
réadaptation à la vie quotidienne ou de surveillance médicale de la
convalescence destinés à permettre aux patients de regagner dès que
possible leur domicile ou d’être admis dans un établissement médico
-social
si leur situation le nécessite.
Ce secteur de l’offre ho
spitalière regroupe près de 1800
établissements qui comptent 106 000 lits et places et accueillent chaque
année, en hospitalisation complète ou partielle, un peu plus de 900 000
patients (36 millions de journées en 2010 pour une durée moyenne d’un
mois environ).
La Cour avait précédemment relevé
320
le caractère méconnu de ces
activités dont le développement était à la fois nécessaire et insuffisamment
structuré. Depuis lors, leurs modalités d’organisation et de fonctionnement
ont été réformées et ce secteur a connu une expansion rapide. La dépense
d’assurance maladie qui en résulte a crû de fait de près de 16
% entre
2007 et 2011. En 2012, son montant prévisionnel
s’élève à 7,8
Md
€, soit
un
peu plus de 10
% de l’enveloppe affectée à l’ensemble des établissements
de santé ou encore un financement à peine inférieur à la contribution de
l’assurance maladie aux établissements pour personnes âgées ou pour
personnes handicapées.
Ce dynamisme a conduit les pouvoirs publics à annoncer une
réforme du financement des SSR avec un passage à la tarification à
l’activité (T2A).
Dans ce contexte, les juridictions financières ont consacré en 2011
une enquête spécifique à ce secteur, qui a porté sur les établissements
privés aussi bien que publics car les premiers représentent un peu plus de
la moitié de l’activité. A l’égard du secteur public, elle a été menée
conjointement par la Cour et quatorze chambres régionales des comptes
321
319. Art. R. 6123-18 du code de la santé publique.
320. RALFSS 2008 chapitre VII
L’accès en ligne aux dossiers médicaux.
321.
Les CRC d’Aquitaine
-Poitou-Charentes, Basse Normandie-Haute Normandie,
Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Limousin, Champagne-Ardenne-Lorraine, Ile-de-
France, Midi-Pyrénées, Nord-Pas de Calais-Picardie, Pays de la Loire et Auvergne-
Rhône-Alpes.
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auprès d’une cinquantaine d’établissements
322
et des agences régionales
de santé (ARS) qui en assurent la tutelle et ont la responsabilité de la
planification et de l’organisation de l’offre de soins.
Il résulte de ces investigations le double constat d’une extrême
hétérogénéité de ces activités en dépit de la réforme intervenue en 2008
pour mieux les spécifier et de leur très fort dynamisme, inégal cependant
selon les catégories d’établissements (I). Ce rapide développement qui a
fortement contrarié la maîtrise globale des dép
enses d’assurance maladie
n’a suscité que des réactions tardives des pouvoirs publics pour mieux
réguler les capacités d’accueil et l’activité (II), alors même que restent
encore à concevoir les voies et moyens d’un renforcement de l’efficience
globale de ce secteur (III).
I - Une offre de soins hétérogène et dynamique
A
Une réponse à des besoins très divers
1
La multiplicité des types de prise en charge
Le secteur des soins de suite et de réadaptation regroupe depuis
2008 deux ensembles auparavant distincts : celui qualifié naguère de
« convalescence » et celui de la médecine physique et de réadaptation,
dont
la
seule
caractéristique
commune
était
de
supposer
des
hospitalisations relativement longues, d’où leur désignation traditionnelle
comme « moyens séjours ».
Leur nouvelle dénomination unique continue à masquer une grande
diversité de pratiques. En effet, l’
hétérogénéité du secteur est en bonne
part inhérente aux types de soins assurés. La plupart des patients sont
admis à la suite d’une hospitalisation en méd
ecine ou chirurgie (MCO) de
court séjour ou en psychiatrie et en fonction de pathologies multiples :
affections neuromusculaires, rhumato-orthopédie et affections post-
traumatiques, qui génèrent la plus forte activité, mais aussi insuffisance
respiratoire, maladies neuro-dégénératives, les cancers, états végétatifs
chroniques, addictions
Plus de la moitié des séjours visent à des soins
de rééducation.
322 . Dont six établissements spécialisés en SSR et trois CHU. Le reste de
l’échantillon est composé d’hôpitaux généraux dotés d’une activité de SSR. A l’égard
du secteur privé la Cour a directement conduit une enquête auprès de responsables
d’établissements et de groupes d’établissements en se fondant sur l’art
icle L. 132-3-2
du code des juridictions financières
qui l’habilite à cet effet
.
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La lourdeur et la complexité des prises en charge en SSR
augmentent depuis quelques années, à cause du vieillissement de la
population mais également du fait que les patients restent moins
longtemps dans les services de médecine ou de chirurgie (la durée
moyenne de séjour a diminué de 17 % entre 2001 et 2009 dans le secteur
MCO).
Les SSR doivent ainsi rassembler -et souvent associer autour du
même patient- de multiples compétences médicales et paramédicales
(infirmières,
kinésithérapeutes,
psychomotriciens,
ergothérapeutes,
orthophonistes, diététiciennes…)
. L
’activité doit
de fait se comprendre
moins en termes
d’actes
-comme dans le MCO-
qu’en termes de
séquences, qui
sont souvent susceptibles de variantes. Elle n’est
au
demeurant que faiblement protocolisée et
n’est que marginalement
couverte par un référentiel de la Haute autorité de santé (HAS).
Un trait, cependant, est commun à
l’ensemble des
activités de
SSR
: elles sont dans une position d’intermédiaire, maillon certes
indispensable au bon fonctionnement
d’ensemble
de la filière de soins
mais aussi en situation de forte
dépendance à l’égard d’autres insti
tutions.
Les entrées directes via la médecine de ville étant minoritaires, l
’activité
des établissements de SSR et une bonne part de leurs modalités de
fonctionnement sont tributaires des prescriptions du secteur sanitaire en
amont -
c’est
-à-dire
de l’organ
isation et des optimisations, notamment de
durée de séjour, propres au fonctionnement des services de court séjour-
et des capacités d’accueil
du secteur médico-social situé en aval. Comme
le montre le schéma ci-dessous, le fonctionnement efficient des SSR
dépend fondamentalement de la bonne articulation des secteurs sanitaires
et médico-sociaux dans le parcours de soins du patient.
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344
La place des SSR dans le parcours de soins des patients
Commentaire : Le schéma propose ici une version simplifiée du parcours de soins du
patient. Des allers retours entre les différents services et établissements sont toujours
possibles notamment en cas de dégradation de son état général.
Source :
Cour des comptes
2
L’ébauche de clarification de la réforme de 2008
Deux décrets du 17 avril 2008 ont cherché à réorganiser le secteur
des SSR. Le premier a institué des normes minimales de fonctionnement
(notamment les compétences pluridisciplinaires à réunir,
l’
adaptation des
effectifs,
l’
accès à un plateau technique), inégalement précises cependant
selon les orientations. Le deuxième
a entendu structurer l’
offre suivant
une approche par discipline en distinguant neuf prises en charge
spécialisées (par exemple affections du système nerveux ou cardio-
vasculaires) en plus d’une catégorie de s
oins de suite polyvalents
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345
indifférenciés. Chaque établissement a dû alors solliciter une autorisation
d’exercice auprès de l’ARH
-
ARS au titre d’une ou plusieurs de ces
catégories.
C
es deux textes ont participé d’un effort de médicalisation et de
technicis
ation du secteur, même si la norme qu’ils portent n’est pas très
exigeante pour la plus importante des catégories, la catégorie polyvalente.
La frontière entre cette dernière et la spécialisation de prise en
charge des personnes âgées polypathologiques dépendantes ou à risque de
dépendance n’
a de fait guère été clarifiée, avec pour conséquence de
nombreuses approximations dans l’orientation des patients.
Comme le
montre l’exemple de l’assistance publique
-hôpitaux de Paris (AP-HP), les
SSR gériatriques peuv
ent devenir des structures d’accueil pour les
pathologies les plus diverses.
L’accueil en SSR gériatriques à l’AP
-HP
Selon une étude de l’AP
-HP, 15 % de son activité en SSR pour
personnes âgées dépendantes ou à risque de dépendance concernaient en
2008 des patients de moins de 75 ans, notamment faute de place dans les
unités cancérologiques. Globalement, 40 % des prises en charge de ces
unités gériatriques avaient certes un lien avec le vieillissement mais
auraient nécessité un accueil en SSR spécialisé en cardiologie, en
neurologie ou en orthopédie.
B
Un secteur composite
1
Des statuts d’établissements différents et des profils
divergents
Les établissements de soins de suite et de réadaptation relèvent de
trois statuts juridiques : les établissements publics de santé (EPS), qui
regroupent près de 40 % des capacités, les établissements de santé privés
d’intérêt collectif (ESPIC
) qui en représentent un peu moins du tiers, les
cliniques privées à but lucratif qui en rassemblent plus du quart.
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L’offre et l’activité
en SSR
selon le statut de l’établissement
EPS
ESPIC
CLINIQUES
TOTAL
Etablissements
872
48,5 %
479
26,7 %
446
24,8 %
1 797
100%
Lits et places
42 377
39,8 %
33 833
31,7 %
30 398
28,5 %
106 608
100%
Journées
(en million)
15,1
41,4 %
10,8
29,4 %
10,7
29,2 %
36,7
100%
Source :
Cour des comptes
d’après
les données de la direction de la recherche, des
études, de l'évaluation et des statistiques (DREES)- Panorama des établissements de
santé 2011.
Ces trois catégories n’ont pas les mêmes points forts, ni sur le plan
géographique (les cliniques sont fortement représentées dans le midi, les
ESPIC en Alsace, Lorraine et Bretagne) ni sur le plan thérapeutique. Les
cliniques, notamment, ont des parts de marché approchant ou dépassant
40 % en rhumato-orthopédie, en affections post-traumatiques, en
affections de l’appareil circulatoire.
A
l’inverse
les EPS sont dominants
pour les troubles mentaux et les affections du système nerveux. Les
ESPIC ont une répartition plus égale de leur activité mais un poids
important pour l’acc
ueil des enfants et adolescents.
Le secteur public compte deux fois plus d’établissements que les
cliniques mais ses établissements sont en moyenne plus petits (48 lits et
places en moyenne contre 66) et moins spécialisés. La grande majorité
des capacités publiques est située dans des établissements pratiquant aussi
l
a médecine et la chirurgie et les admissions en SSR s’effectuent
prioritairement par ce canal.
Les grands types de SSR publics
Au-delà des fortes différences de taille, les profils des EPS relèvent
de quelques grands types divergents.
Il faut d’une part distinguer, dans
leur logique de fonctionnement, les établissements entièrement consacrés
aux SSR et ceux qui appartiennent à des centres hospitaliers comportant
du MCO. Les premiers sont en général des structures anciennes, souvent
d’anciens sanatoriums reconvertis
et leur localisation est parfois isolée.
Leur taille moyenne est importante (près de 200 lits) mais diminuera si se
confirme la perspective de conversion d’hôpitaux locaux en SSR.
Les SSR intégrés à des hôpitaux généraux sont majoritaires mais de
capacités très inégales, certains atteignant à peine 10 lits (par exemple
Montreuil-sous-Bois
jusqu’en 2011
; à l’inverse, le CHD de Vendée
compte 206 lits et places ; l
’AP
-HP en compte 4 600 sur de multiples
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347
sites
). L’essentiel de leur patientèle leur est adressé par les services de
court séjour de l’hôpital et ils appartiennent souvent à une filière locale
assez complète allant du court séjour gériatrique à l’accueil médico
-social.
Dans de nombreux cas, la taille du SSR voire son existence même
sont le produit d’une reconversion récente de lits de MCO, soit parce qu’il
a fallu créer un débouché pour des services engorgés soit parce que le
volume d’activité en médecine ou chirurgie ne justifiait
plus le maintien de
toutes les capacités de MCO (dans ce cas, le SSR peut être l’activité la
plus dynamique d’un hôpital). La mise en œuvre de la T2A dans le MCO
public
et la tendance au raccourcissement des séjours qu’elle y a impulsée
ont été un moteur puissant de ces conversions ; les ARH et ARS ont en
général œuvré en ce sens, notamment dans les régions présentant une offre
excédentaire en MCO.
Une forte proportion des établissements
323
n’assure que des soins
polyvalents
et
des
soins
de
la
spécialisation
« personnes
âgées
polypathologiques » ; ils sont alors, en général, intégrés à des hôpitaux
généraux et ont pour première fonction de faciliter la rotation dans le court
séjour. Presque tous les services intégrés
324
ont du reste des capacités
dans ce groupe de prises en charge
; lorsqu’ils assument également
d’autres orientations, c’est de façon minoritaire, à la différence de nombre
d’établis
sements indépendants.
A l’inverse, dans les établissements privés les SSR constituent
souvent la seule activité, avec fréquemment une spécialisation unique,
comme la rééducation orthopédique ou les affections respiratoires.
Si l’offre de ces trois secteurs n’est donc pas la même, il est en
revanche difficile de dire que l’un d’entre eux se distingue en termes de
lourdeur
des cas traités. Selon, en effet, qu’on retient comme critère de
cette lourdeur l’âge moyen des patients, le taux de patients dépendants ou
le nombre moyen d’actes techniques de rééducation dispensés par jour, le
classement ne sera pas le même : le secteur public
l’emporte
au regard
des deux premiers critères, le privé au regard du troisième. En tout état de
cause, les résultats diffèrent beaucoup d’un établissement à l’autre du
même secteur.
2
Des disparités dans la gestion
Une grande pruden
ce s’impose
dans la comparaison des données
de gestion du secteur public et du secteur privé, d’une part à cause de
certaines imperfections de l’appareil statistique, d’autre part parce que
l’activité des deux secteurs n’a pas une composition identique.
323 .
La moitié dans l’échantillon de l’enquête,
tous intégrés dans des hôpitaux
généraux.
324.
A l’exception, dans l’échantillon, de Dunkerque.
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348
Sous ces réserves, apparaissent néanmoins sur différents plans de
sensibles différenciations entre les catégories d’établissements
:
-
les coûts journaliers apparents obtenus en rapportant les dépenses
constatées en 2010 toutes spécialités confondues au nombre de
journées réalisées diffèrent de 40 % entre le secteur financé par
dotation globale (EPS et ESPIC) et celui financé par prix de journée
(247
et 149
) ;
-
les EPS emploient plus de personnel soignant par lit que les cliniques
(deux fois plus) et les ESPIC (1,5 fois plus). Selon la DREES, 40 %
des écarts peuvent s’expliquer par les types de prise en charge, la
patientèle accueillie et la taille des établissements ; le reste serait ainsi
lié à des différences d’organisation. Quant aux emplois médicaux,
une
comparaison a été faite par la Cour entre les données 2010 issues d’un
échantillon de 120 cliniques appartenant aux principaux groupes et
cell
es que les EPS et les ESPIC ont transmises à l’administration
: elle
fait apparaître une moyenne de 0,04 ETP de médecins par lit dans les
cliniques contre 0,05 dans les ESPIC, 0,07 dans les centres hospitaliers
généraux et 0,13 dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) ;
-
le taux d’occupation des lits dans les EPS n’est pas optimal puisque
voisin de 85 %
, certains établissements de l’échantillon ne parvenant
pas même à 75 %
325
. Cette sous-utilisation a des causes diverses, dont
parfois un manque de mo
yens d’exploitation (cf. infra), mais l’écart
avec les cliniques est de dix points, suffisant là aussi pour inciter à
penser qu’
elle résulte en partie au moins
de l’organisation des
établissements ;
-
les différences de durée moyenne de séjour (DMS) ne sont pas
considérables entre les secteurs. Cependant les cliniques évitent mieux
que les EPS et les ESPIC les séjours très longs, sans doute parce
qu’elles accueillent moins de personnes
multi-dépendantes
mais c’est
lié parce qu’elles rencontrent moins de bloca
ges dans le processus de
sortie des patients.
325. Taux calculé par rapport aux lits installés, donc plus fort que par rapport aux lits
autorisés.
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C
Le dynamisme de l’offre
L’accroissement récent des
capacités
d’accueil des SSR fait
contraste avec la baisse de celles du court séjour (MCO), comme le fait
apparaître le graphique ci-dessous (les capacités de SSR et de psychiatrie
se lisent sur l’échelle de gauche, celles de MCO à droite).
Capacités (lits et places) des établissements de santé par discipline
d’équipement entre 2001 et 2009
SSR
MCO
Source :
DREES
En huit ans, la capacité
d’accueil
en SSR a augmenté de 12,3 %
mais la progression n’a pas été linéaire. Une première accélération date
de 2002, une seconde a eu lieu de 2005 à 2007, après quoi la progression
a continué d’être plus rapide qu’entre 2002 et 2004.
Toutes les augmentations annuelles ont été dues au secteur privé
lucratif, seule celle de 2007 est partagée entre les cliniques et les EPS.
Année après année, la capacité des cliniques a progressé de plus de 3 % (à
l’exception de 2003 et 2005)
: 5,7 % en 2002, 5,5 % en 2006, encore
7,1 % en 2008, soit des taux de progression extrêmement dynamiques.
Sur 8 ans, la progression totale a atteint 40 %
. A l’inverse, les ESPIC
montrent une parfaite stabilité globale et l
es EPS n’ont jamais connu de
croissance annuelle supérieure à 1 % au cours de cette période, hors 2006
et 2007.
L’absence de contrainte d’enveloppe régionale limitative pour le
financement de places dans les établissements financés par prix de
journée, contrairement à ceux sous dotation globale, n’est pas sans lien
avec cette croissance dissymétrique entre les trois secteurs.
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350
Les écarts de croissance entre les capacités privées et celles du
public ont été
plus importants encore pour les places d’hospitalisation
partielle, qui ont augmenté plus de quatre fois plus vite depuis 2005 que
les lits d’hospitalisation complète.
La vive progression des capacités du secteur privé à but lucratif
s’est accompagnée d’un mouvement de concentration, comme dans le
MCO, qui a abouti à la constitution de plusieurs grands groupes de
cliniques spécialisées en soins de suite et de réadaptation dont la création
remonte à une douzaine d’années. Les quatre premiers, cotés en bourse,
détiennent un quart du parc privé et produisent près d’un tiers de
l’activité.
L’activité des SSR (+53,5
% entre 2001 et 2009) a ainsi progressé
autant que les capacités, sur un rythme qui s’est fortement accéléré après
2005 (+7,7 % annuellement), avec des écarts entre les trois secteurs à peu
près les mêmes que pour les capacités. Ils ne sont pas sans lien avec les
différences de modes de financement : EPS et ESPIC sont financées par
des dotations annuelles de financement (DAF), les cliniques le sont sur la
base de prix de journée, qui incitent davantage à développer
l’activité
puisque leur
chiffre d’affaires dépe
nd du nombre de journées réalisées.
Cette forte croissance au cours des dernières années n’a pas fait
disparaître des disparités territoriales anciennes et toujours marquées : les
densités d’équipement vont du simple au double entre régions, avec un
nombre de places particulièrement élevé en Provence-Alpes-
Côte d’Azur
et Languedoc-Roussillon.
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Densité de lits et places de SSR pour 100 000 habitants
Source :
CNAMTS : rapport
charges et produits pour l’année 2011
*
*
*
La dynamique d’expansion des activités de SS
R a eu pour
conséquence une forte progression des charges supportées à ce titre par
l’assurance maladie.
Les dépenses au titre de la DAF ont augmenté, selon
la commission des comptes de la sécurité sociale, au rythme de 2,5 % par
an entre 2007 et 2010, pour atteindre 5,64
Md€
; celles dues aux cliniques
ont connu un rythme annuel de 8,1 % (1,73
Md€
en 2010), du fait
essentiellement de la progression des volumes.
La tutelle n’a cependant pris conscience que lentement des
insuffisances de pilotage et de régulation de ce secteur.
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II - Une régulation tardive et partielle
Le
pilotage
régional
du
développement
des
SSR
a
été
insuffisamment rigoureux et ce n’est que tardivement qu’ont été mis en
place par la tutelle nationale des outils de régulation, à l’efficacité peu
probante.
A
Un pilotage sans cap précis
1
Une analyse des besoins insuffisante
La forte croissance des
capacités s’est effectuée sans que la tutelle
n’ait disposé d’une analyse des besoins globaux ni mis à la disposition
des ARH-ARS des outils à même de faciliter leur appr
éciation de l’offre
de soins de SSR en termes qualitatifs et quantitatifs.
Les indicateurs disponibles restent limités et
ne sont pas d’une
interprétation simple et univoque. Ainsi, le fait que les capacités
régionales installées soient généralement inférieures aux capacités
autorisées ne suffit pas à démontrer que tous les besoins effectifs sont
satisfaits. Il s’explique en effet par diverses contingences
: délais
d’investissement, problèmes de financement,
changements de stratégie
des établissements ou des ARS, difficultés à recruter des personnels
spécialisés…
Des difficultés de recrutement
Les difficultés de recrutement de personnel, qui comptent parmi les
facteurs expliquant les médiocres indices d’occupation voire d’installation,
sont certaines dans la plupart des régions pour quelques professions
paramédicales, au premier rang desquelles les kinésithérapeutes
326
.
Certaines régions peinent également à recruter des personnels infirmiers.
Au total, il arrive souvent que les engagements pris lors de la sollicitation
des autorisations ne puissent être tenus, ce qui explique la lenteur à
demander les visites de conformité prévues par les textes
327
. Les effectifs
de diplômés en médecine physique et de rééducation sont au demeurant
probablement insuffisants désormais pour couvrir les besoins du secteur.
326. Les établissements ne peuvent assumer des rémunérations comparables à ce
qu’offrent les cabinets de ville.
327.
La DGOS a cependant recommandé que ces visites s’attachent davantage à la
« sécurité » et à la « qualité
» des soins qu’au strict respect des engagements
contractuels.
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353
De même, les médiocres taux d’occupation des lits peuvent être
liés à des problèmes de moyens d’exploitation. Les autorisations
d’ouverture n’entraînent donc pas d’augmentation de l’offre disponible à
due hauteur.
A
l’inverse, des délais d’attente avant admission en SSR ou de
forts taux de refus ne signifient pas nécessairement une insuffisance de
capacités.
Certes,
les
attentes
d’admission
peuvent
couramment
représenter 10 % ou 20 % des patients présents dans certains services de
court séjour et les taux de refus atteignent fréquemment 50 %. Mais la
cause peut en être des adressages erronés, des demandes simultanées
d’admission dans plusieurs services de SSR ou l’exclusivité dont
bénéficient de facto les demandes émanant du court séjour du même
hôpital, aussi bien que des insuffisances de capacités, avérées elles aussi.
Il est enfin délicat d’apprécier si l’offre est suffisante dès lors que
tous les lits actuels de SSR ne sont pas occupés par des patients relevant
de ce type de soins (cf. infra).
Seule une approche fine par pathologies est de fait à même de
faciliter
l’analyse et l’interprétation de ces indicateurs
car la réalité des
difficultés d’accueil est fortement marquée par elles.
La DREES
n’
a que
tout récemment
étudié l’adéquation de l’offre
de SSR aux réalités
pathologiques régionales en comparant
l’
activité et les capacités des SSR
aux statistiques de mortalité pour certaines maladies. Le résultat
n’
est que
relatif puisqu’il n’aboutit qu’à un classement des
régions
328
.
Et l’éven
-
tuelle diffusion nationale d’outils développés localement comme
l’instrument élaboré en Rhône
-Alpes et appelé « Trajectoire » est restée,
malgré leur apport, au stade de l’étude par l’administration centrale.
L’aide à l’orientation des p
atients en région Rhône-Alpes
En région Rhône-
Alpes a été déployé un logiciel d’aide à l’orientation
des patients, dénommé « Trajectoire
», dont l’objectif est de faciliter le circuit
des patients entre les services de court séjour et les unités de SSR. Déployé
dans tous les hôpitaux de Rhône-Alpes, il permet à la fois de connaître en
temps réel les disponibilités des lits en SSR et de procéder aux demandes
d’admission. L’extraction des données relatives aux demandes d’admission
qui subissent de longs délai
s d’attente et/ou n’aboutissent pas à l’orientation
souhaitée a montré en Rhône-Alpes que certaines catégories de pathologies
souffraient particulièrement d’un manque de
places en SSR (neurologie et
cancérologie). Profitant du déploiement en cours de Trajectoire ou
d’instruments comparables dans tout le pays, la systématisation d’études
précises devrait améliorer la connaissance des besoins.
328. Publication DREES de décembre 2011. Les résultats les moins favorables sont
ceux de Champagne-Ardenne, Franche Comté et Haute Normandie.
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354
La défaillance du niveau national
dans l’analyse des besoins a
conduit à valoriser une approche relativiste fondée sur le constat
d’inégalités entre régions et, à l’intérieur d’une même région entres
territoires et à enclencher un mouvement d’expansion mal maîtrisé.
2
Une planification régionale largement empirique
L’élaboration des schémas régionaux
d’organisation des soi
ns a été
l’occasion
de la part des ARH-ARS
d’un t
ravail volumineux, fondé sur
un examen souvent minutieux des problématiques locales. Mais les
diagnostics portés ont souffert de plusieurs limites :
-
la démarche suivie tient souvent pour une analyse des besoins de la
population ce qui n’est qu’un tableau des inégalités intra
-régionales.
Les deux notions ne sont certes pas dénuées de correspondances mais
l’outil de régulation qui découle de la seconde est nécessairement
imparfait et court le risque d’être inf
lationniste ;
-
les analyse
s n’ont pas utilisé toute l’information disponible
. Elles ont
à juste titre intégré les perspectives démographiques ainsi que des
paramètres épidémiologiques et comportementaux (par exemple le
taux de fuite de la patientèle) mais n
’ont pas exploité les données
issues du programme de médicalisation des systèmes d'information
(PMSI) du secteur MCO
, pourtant riches d’informations sur les besoins
prévisibles en SSR ;
-
si l’expression des besoins d’équipement a souvent tenu compte de la
sous-
occupation chronique des lits, elle n’en a pas fait autant du
phénomène tout aussi constant des hospitalisations inadéquates en
SSR, qui amplifient artificiellement les apparences de pénurie.
Dans ces conditions d’analyse très imparfaite de la réalité
des
besoins, la réforme de 2008 qui imposait à tous les établissements de
solliciter une autorisation pour leurs activités existantes de manière
notamment à vérifier la conformité aux nouvelles normes réglementaires
n’ a pu entraîner à ce stade une réelle optimisation de l’offre. D’une part
en effet la démarche a été progressive puisque les autorisations ont été
délivrées à titre provisoire et à charge pour les établissements de SSR qui
ne satisfaisaient pas aux normes d’y parvenir avant la réalisation d’un
e
visite de conformité à effectuer dans les trente mois.
D’autre part, e
n ce
qui concerne le remodelage de l’offre
, pour répondre aux besoins des
régions, cette revue générale a été neutre : elle a majoritairement
reconduit
l’existant au lieu d’aider à la
suppression de capacités
excédentaires dans certains territoires. En tout état de cause, les
autorisations ne portent plus mention, depuis la mise en œuvre des
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355
schémas régionaux d’organisation des soins (SROS), des capacités
d’accueil des établissements, q
ui ne sont donc pas une variable régulée.
3
Des impacts financiers mal appréhendés
Se limiter à une estimation empirique des besoins locaux peut
difficilement
permettre le pilotage d’
une politique nationale, surtout
quand l
’absence de consolidation
prive en réalité
l’administration
centrale, par ailleurs fortement mobilisée sur les problématiques de l’offre
MCO et traditionnellement soucieuse d’accélérer la baisse de la durée
moyenne de séjour dans ce secteur, de toute visibilité sur les évolutions
en cours,
de possibilité d’impulsion raisonnée et de capacité d’arbitrage
sur le volume de financements à mobiliser.
Il n’est donc guère étonnant que ni les
schémas régionaux ni leur
traduction contractuelle avec chaque établissement -les OQOS-volume,
exprimés en jo
urnées d’activité
pour l’hospitalisation complète et en
venues pour celle à temps partiel-
n’aient intégré la dimension
économique et financière du développement des SSR.
Les objectifs quantifiés de l’offre de soins (OQOS)
Institués par l’ordonnance n°2003
-853 promulguée dans le cadre du
plan Hôpital 2007 en septembre 2003, les objectifs quantifiés de l’offre de
soins
(OQOS)
sont
de
trois
types :
ceux
relatifs
au
nombre
d’implantations, ceux relatifs à l’accessibilité et ceux relatifs à l’activité,
communément désignés comme les « OQOS-volume ». Ils sont annexés
aux SROS et ont été déclinés dans le contrat d’objectifs et de moyens de
chaque établissement. Les OQOS-
volume ont été affectés d’une borne
haute et d’une borne basse, correspondant aux volumes d’act
ivité
maximum et minimum réputés en adéquation avec les besoins sanitaires
identifiés dans les SROS, chacune des bornes augmentant annuellement.
Un dépassement de la borne haute doit donner lieu en principe à une
sanction financière, aux termes de l’articl
e R. 6114-10 du code de la santé
publique.
De fait les OQOS ont pris la forme de fourchettes assez larges pour
que la plupart des établissements y satisfassent au terme convenu, le fait
que les dépassements de la branche haute de la fourchette soient rares ne
signifiant au demeurant pas nécessairement que le dispositif ait été
correctement calibré.
En tout état de cause, jusqu’en 2010, il n’a jamais
été question de sanctionner les dépassements d’activité contractualisés,
malgré les dispositions règlementaires qui le prévoyaient.
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356
B
Une réaction tardive et aux effets incertains
Les conséquences en termes de dépenses d’assurance maladie de la
faiblesse du pilotage de la dynamique des SSR ont conduit à un brusque
coup de frein en mai 2010. Cette soudaine prise de conscience est
intervenue
cependant après que la plupart des demandes d’autorisation
requises par le décret de 2008 aient été instruites, ce qui restreignait
nécessairement la capacité à agir. Une note de la direction générale de
l’organisation des soins (
DGOS) aux ARS leur a demandé de ralentir ce
qui restait à mener, de limiter les OQOS-
volume susceptibles d’être
contractualisés au niveau d’activité atteint en 2009 et d’appliquer les
sanctions réglementaires en cas de dépassement. De fait, les autorisations
non encore accordées sont restées en suspens
jusqu’à l’élaboration
des
SROS suivants (soit 2012).
Un mécanisme d’accord préalable a par ailleurs été institué
par la
loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 pour les admissions en
SSR consécutives à certains actes de MCO.
Il n’a à ce jour été mis en
œuvre que pour les quatre types d’actes orthopédiques ayant fait l’objet
de référentiels de la HAS, dans une partie seulement des établissements
SSR les pratiquant.
Ce durcissement relatif a été contemporain de la mise en place au
sein de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM)
d’un
sous-objectif spécifique aux activités de SSR, désormais distinct de
celui de la psychiatrie et du remplacement -en cours de mi
se en œuvre
-
des OQOS par les «
indicateurs de pilotage d’activité
» (IPA) destinés à
permettre
une meilleure maîtrise du volume d’activité parce qu
e fondés
sur une concertation locale autour d’un niveau d’évolution de l’activité
et
donc de la dépense.
Ces inflexions importantes traduisent le passage, tardif, à une
régulation privilégiant le respect de l’ONDAM. L’approche des besoins
eux-
mêmes s’en trouve modifiée
: il devient crucial d’en resserrer la
mesure. La DGOS a ainsi commandé une étude nationale pour vérifier si
les besoins de débouchés du MCO vers le SSR étaient aussi considérables
qu’on se l’était représenté jusqu’
alors. Cette étude, livrée à la fin de 2011,
évalue à 10 % la proportion de lits de court séjour
dont l’occupation est
inadéquate (17 % pour la médecine). Dans la plupart des cas, la
prolongation inadaptée des séjours en est la cause. Cette durée de séjour
excessive n’est pas imputée au seul manque de lits de SSR car elle résulte
souvent, semble-t-il, de défauts
d’organisation
internes au MCO.
Néanmoins, l’étude évalue à 3600 le nombre de lits qu’il faudrait créer
en
SSR pour résorber cette inadéquation.
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357
Il est cependant difficile de tirer des enseignements de ce travail
tant que l’équivalent n’aura pas été
mené à propos des occupations
inadéquates de lits de SSR, qui sont également nombreuses. Si le principe
de ce second volet a été décidé, il est fort dommageable que sa réalisation
ait été reportée. Elle permettrait en effet de mieux mesurer les obstacles à
surmonter pour améliorer l’efficience globale du secte
ur au regard du
parcours de soins du patient comme dans son fonctionnement et son
organisation.
III -
Un renforcement de l’efficience du secteur qui
doit constituer la priorité
La pertinence d’une régulation peut se juger à son aptitude à
assurer non seulement une offre suffisante mais encore la fluidité des
parcours des patients, depuis le court séjour jusqu’au retour vers le lieu de
vie, avec un dispositif de financement incitant à la bonne allocation des
ressources. A ce jour
, l’administration centrale semble
avoir fait de la
réforme du financement sa priorité, comptant expressément sur une
tarification à l’activité inspirée de celle du MCO pour générer un
fonctionnement efficient de la filière.
La
question
se
pose
toutefois
si
l’amélioration
de
ce
fonctionneme
nt n’est pas un préalable à la mise en œuvre d’un nouveau
système de financement plutôt qu’un des effets à en attendre.
A
L’enjeu
du parcours des patients
1
Des difficultés pouvant entraîner des risques pour les patients
Dans l’articulation entre court séjour
et SSR, le problème actuel
n’est pas seulement l’encombrement des lits d’amont, précédemment
décrit, bien que ce soit celui que l’administration
a objectivé. Vu du
côté
des structures d’accueil, l
es difficultés résultent de deux défauts
majeurs, qui engage
nt aussi bien l’amont que l’aval
.
T
out d’abord les inadéquations d’admission sont nombreuses
mais leur niveau est cependant mal connu, faute de mesure sous forme
d’une coupe à un moment donné
. Elles sont souvent, par expérience,
estimées à 10 ou 20 % des lits.
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358
L’admission en SSR comme solution d’attente
Le service SSR du CH de Blois estime à 20 % la proportion des
demandes d’admission qui lui sont i
nadéquatement adressées et à 10 % la
proportion de celles qu’il refuse.
La première cause d’inadéquation réside dans le fait qu’on lui
adresse des malades qui attendent une admission dans un établissement
hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou qui se heurtent
à la saturation des places de soins infirmiers à domicile (SSIAD).
Dans le cas du CH de Saint-Yrieix-la Perche, une des causes
identifiées des inadéquations est que l’admission en SSR permet
d’attendre la libération de lits en unité de soins de longue durée (USLD).
D’autre part, les admissions
précoces en provenance du MCO de
patients non stab
ilisés, c’est
-à-dire ne relevant pas encore, pour la plupart,
des soins de SSR et encourant de ce fait des risques de dégradation de
leur état de santé, sont elles aussi nombreuses et, semble-t-il, de plus en
plus (par exemple Les Tilleroyes pour les sorties du court séjour du CHU
de Besançon ou les CH de Blois et de Dijon). La généralisation
d’instruments tels que Trajectoire
devrait cependant améliorer la qualité
des orientations décidées par l’amont
, ce qui apportera progressivement
une réponse au moins partielle à cette inadéquation.
La difficulté
est plus manifeste encore à l’égard des sorties de SSR
puisqu’en ce qui les concerne
, aucun instrument de mise en transparence
n’existe ni n’a été ébauché.
Les durées de séjour inadaptées, dues aux
difficultés de sortie, sont très peu objectivées par les établissements.
L’enquête
des juridictions financières
a néanmoins montré qu’elles
pouvaient couramment concerner entre 10 et 30 % des patients, qui
attendent une place en EHPAD ou dans des unités de long séjour (40 %
aux Tilleroyes, 50 %
à Meaux au moment de l’enquête). La durée
d’attente peut être très longue
: aux Tilleroyes, 22 % des patients en
attente l’étaient depuis plus de trois mois. En outre, la structure de sortie
finalement trouvée ne correspond pas toujours au besoin (par exemple
Blois
: taux d’insatisfaction de 20
%). Ces difficultés se rencontrent
moins souvent dans les SSR spécialisés qu’en gériatrie mais avec plus
d’acuité.
Parmi les raisons invoquées de ces blocages, la saturation des
structures médico-sociales est malaisé
e à vérifier en l’absence de système
d’information indiquant les disponibilités en temps réel. En revanche, la
difficulté de trouver des places pour les patients très dépendants et ceux
atteints de démence est certaine (les CH de Vendôme, Blois et Dijon font
même état d’une impossibilité). Le mode de financement des structures
médico-
sociales est aussi en cause, du fait de la contribution qu’il exige
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359
des intéressés ou de leur famille. En cas de demande d’aide sociale, la
sortie est retardée pa
r les délais d’attribution (de quatre
à six mois au CH
de Meaux). De même les demandes de protection juridique imposent-
elles de longs délais du fait de leurs procédures complexes. Il arrive enfin
que des patients en situation d’«
impasse sociale » ne soient acceptés dans
aucune structure (AP-HP). Pour autant le retour à domicile, qui représente
souvent moins de la moitié des sorties en gériatrie, n’est pas toujours
possible sans de longs délais
, faute d’aide mobilisable sur place (
par
exemple CHI du Haut-Limousin). Les sorties vers une hospitalisation à
domicile (HAD) sont extrêmement rares (toujours moins de 1 %),
notamment à cause de conditions contraignantes en termes de présence
médicale.
De nombreux établissements se sont donné ou pensent se donner
des moyens de rendre plus fluide le processus de sortie, en renforçant la
présence d’assistantes sociales ou en mettant en place des équipes
mobiles de gériatrie. En revanche, peu de partenariats solides comme
ceux constatés aux CH d’
Albertville, de Versailles, de La Roche-sur-Yon
ont été développés avec des structures d’aval
.
En fait, malgré l’existence
d’une convention type élaborée par la direction générale de l’organisation
des soins (DGOS), diffusée tardivement et encore assez peu connue ainsi
que l'élaboration souvent annoncée de filières gériatriques, nombre de
SSR fonctionnent avec ces dernières selon une logique informelle de
réseau (par exemple
Brive, Blois) qui reste fragile, n’autorise pas de
véritable évaluation et, au total, n’est pa
s durablement à la hauteur du
problème.
Cette situation, dans son ensemble, est une illustration aiguë des
difficultés souvent considérables
d’articulation entre le secteur sanitaire et
le secteur médico-
social puisque n’existent
encore à ce jour ni logique
commune ni instruments concrets de mise en cohérence.
2
Une dépendance à l’égard des établissements de l’amont et de
l’aval
La conséquence de ces dysfonctionnements sur la gestion des
établissements peut s’apprécier à travers les durées moyennes de séjour
(DMS).
Globalement, ces dernières stagnent, par contraste avec la nette
diminution de celles du court séjour : en huit ans, selon la DREES, la
DMS des SSR a à peine baissé (3 %, soit près de six fois moins en
proportion que dans le MCO). La différence ne s
’explique pas seulement
par des progrès de la médecine plus rapides en court séjour. La stagnation
de la performance du SSR, quant à elle, provient notamment de la
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360
persistance et parfois de
l’augmentation des séjours très longs, c’est
-à-
dire des difficultés de sortie : en effet, les séjours de plus de trois mois,
qui impactent fortement les DMS du secteur public sont en général moins
dus au fait qu’un état de santé requiert vraiment des soins de SSR qu’à
l’absence de disponibilités connues dans des structur
es plus adéquates.
Cependant, plus encore que par le niveau préoccupant des DMS, la
situation actuelle se caractérise par la maîtrise imparfaite qu’en ont les
services de SSR. La fréquence des admissions inadéquates, pourtant
souvent repérées comme telles
dès l’origine, celle aussi des admissions de
patients non stabilisés montrent que les SSR n’ont pas les moyens ni
peut-
être l’intention d’imposer leurs propres contraintes d’organisation.
Cela tient notamment à des raisons structurelles : les SSR intégrés aux
hôpitaux représentent la majorité des structures publiques. Les services de
MCO du même établissement assurent entre 80 et 100 % de leur activité.
Il n’est donc guère étonnant qu’ils offrent souvent l’image d’un simple
exutoire du court séjour. Sans al
ler toujours jusqu’à cette
situation,
nombre d’établissements n’ont qu’une
faible maîtrise des admissions.
Cette situation de dépendance n’est certes pas irrémédiable.
Progressivement
s’accroît la faible part des admissions directes, dues à la
qualité de la relation des établissements avec la médecine de ville. En
revanche, rien de tel ou presque ne se constate pour les recrutements
venant d’autres centres hospitaliers et a fortiori fort peu d’accords
sont
formalisés pour organiser les flux. Cette situation structurelle ne peut
évoluer que lentement ce qui marque une différence essentielle avec le
secteur MCO aux débuts de la T2A.
Comme on l’a vu précédemment, les SSR n’ont pas non plus la
maîtrise des sorties de leurs patients, alors que le développement des
capacités en soins de suite et de réadaptation a au contraire permis de
renforcer l’aval des services de cout séjour.
Les activités de soins de suite et de réadaptation sont ainsi au sein
de la filière de soin dans une situation de double dépendance qui a
nécessairement une incidence sur la problématique de leur financement,
ne serait-ce que parce que la réduction des durées de séjour, principal
levier de rationalisation qui a accompagné la mise en place de la T2A
pour le MCO, n’est pas à la portée de la
plupart des services de SSR.
B
Un secteur à la recherche
d’un
financement adapté
Les modes actuels de financement souffrent de plusieurs défauts
mais on ne peut pour autant en déduire que la solution réside dans un
passage à une T2A structurée comme celle du MCO.
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361
1
Les défauts des modes actuels de financement
a)
La dotation annuelle de fonctionnement
La DAF se présente comme la somme d’une base et de multiples
mesures nouvelles, positives ou négatives, qui peuvent être mécaniques
(mesures salariales, contribution
à l’effort national d’économies…),
correspondre à des plans de santé publique ou, au contraire, être
spécifiques pour chaque établissement. Les ARS pratiquent des modalités
différentes d’attribution des mesures nouvelles et l
a détermination de leur
dotation manque de transparence pour les établissements, EPS et ESPIC,
qui sont financés selon cette modalité.
De fait, cette dotation
varie beaucoup d’un établissement à l’autre
sans qu’on puisse toujours en discerner les raisons. Une exploitation
statistique r
éalisée par la Cour à partir des données de l’
agence technique
de l’information sur l’hospitalisation (
ATIH)
montre en tout cas qu’il n’y
a pas de corrélation entre ces différences et les lourdeurs relatives des
prises en charge. Les variations interannuel
les sont également d’ampleur
très inégale, parfois parce que l’activité des établissements a elle
-même
connu de fortes variations (par exemple du fait de fermetures de lits),
parfois du fait de décisions de la tutelle (par exemple lorsque les mesures
nouve
lles servent en fait de subvention d’équilibre).
Cependant, les
causes ne sont pas toujours identifiées par les établissements et
l’instabilité de la DAF finit par conférer de l’imprévisibilité à leur
financement.
En sens inverse, la DAF est souvent décalée par rapport aux
évolutions des structures et notamment à celles de leurs capacités. Il en
découle parfois des effets d’aubaine, dont certains établissements savent
jouer, puisqu’une diminution du nombre de lits ouverts et donc des
charges n’entraîne pas
de réduction immédiate de la dotation. Il arrive
que le résultat des établissements ne soit équilibré que du fait de ce
décalage temporel, ce qui, d’une part, peut leur donner une impression
faussée de leur situation économique et, d’autre part, constitue
une
incitation paradoxale à la sous-optimisation des capacités opérationnelles.
Le changement de politique nationale en 2010 s’est cependant
répercuté dans l’évolution des ressources
, du moins pour les EPS et les
ESPIC : la progression moyenne de la DAF a décéléré en 2010 et 2011.
Sur l’échantillon de l’enquête, les mesures nouvelles n’atteignent pas 2
%
de la DAF en 2011, contre 6 % en 2008.
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362
b)
Le prix de journée
Le dispositif tarifaire applicable aux cliniques est plus complexe
encore que la DAF. Il est articulé en trois parties, elles-mêmes
composites : les frais de structure et de soins, qui comprennent un prix de
journée proprement dit et six forfaits et suppléments divers ; la facturation
en sus de certains médicaments et dispositifs médicaux ; les honoraires
des professionnels et les actes médico-techniques (qui relèvent du sous-
objectif « soins de ville
» de l’ONDAM).
Certaines ARS ont opté pour
des tarifs « tout compris » ou des systèmes hybrides, sans base
réglementaire.
Les tarifs « tout compris » de
l’Ile
-de-France
La région Ile-de-France a instauré son propre système de
tarification à partir de
1995, sous la forme d’un tarif «
tout compris »,
c’est
-à-dire intégrant toutes les dépenses liées à la prise en charge des
patients admis en SSR, qu’il s’agi
sse des médicaments, des actes médico-
techniques, des transports ou de la rémunération des médecins. Ces tarifs
sont déterminés à partir de cahiers des charges définis lors de l’élaboration
du SROS pour chaque spécialité ; ils étaient au nombre de neuf en 2011. Il
s’agissait d’inciter des établissements de court séjour à se reconvertir en
SSR grâce à des tarifs attractifs -ce que le cadre de droit commun des tarifs
de convalescence ne permettait pas-, de manière à résorber des excédents
en chirurgie et à atteindre à un meilleur niveau de médicalisation des soins
de suite.
Les prix de journée se rapportent encore aux anciennes
« disciplines médico-tarifaires » (DMT)
329
, au nombre de 45, qui ont
l’inconvénient de ne correspondre ni
à la nomenclature en vigueur dans
l’octroi des autorisations ni aux catégories cliniques du PMSI. Pour une
même orientation au sens du décret de 2008 peuvent être utilisées
différentes DMT, au gré des ARS. On compte finalement presque autant
de panachages de catégories que de cliniques, ce qui rend les
comparaisons difficiles pour les agences.
Les niveaux tarifaires, qui sont essentiellement le reflet de
pratiques régionales remontant à l’époque où la compétence appartenait
aux CRAM
330
, sont disparates. Une étude de la DGOS en 2010, par
exemple, trouvait pour la DMT « moyen séjour indifférencié » des tarifs
allant de 1 à 2,7.
329
. Par
exemple
« convalescence »,
« repos-convalescence
indifférenciés »,
« chroniques
et
convalescents
indifférenciés »,
mais
aussi
« post-cure
pour
alcooliques ».
330.
Jusqu’à la création des ARH.
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363
La situation n’est donc pas sans rappeler celle du
court séjour
avant l’introduction de la T2A, même si elle est un peu plus complexe.
Elle est en tout cas inflationniste. Les ARS sont mal armées pour
maîtriser complètement la négociation tarifaire lorsqu’il y en a une, ce qui
ajoute ses effets à ceux de l’absence d’enveloppe régionale limitative
pour les cliniques. Ainsi dans le cas de la fixation des tarifs initiaux
applicables aux créations d’activité,
l’ARS ignore souvent la réalité des
coûts et ne dispose pas toujours des compétences nécessaires pour
détecter
d’éventuels
biais du budget prévisionnel présenté
; il n’est
ensuite pas systématiquement vérifié que tous les emplois sont
effectivement pourvus et une éventuelle baisse des coûts de ce fait
n’entraînera pas de révision tarifaire.
Les suppléments hôteliers
Un poste de recettes ne fait l’objet d’aucun suivi
par les tutelles :
les prestations hôtelières, notamment les suppléments pour chambre
particulière, parfois justifiées
par l’idée qu’est ainsi financée une partie des
charges de soins et d’investissement.
Ils sont déterminants désormais pour
la rentabilité d’établissements à but lucratif puisqu’
ils représentent environ
20 %
du chiffre d’affaires
331
proportion qu’on ne retrouve pas dans le
MCO.
Alors même que certains établissements publics commencent à
facturer ce type de prestation, i
l n’est sans doute pas souhaitable que ce
modèle de financement devienne la ré
férence, à l’image d’autres secteurs
de la santé qui ont pu jouer de la liberté des prix laissée à une partie de
leur activité.
Il rend en tout cas encore plus complexe la définition d’un
futur système harmonisé de financement du SSR.
2
L’orientation vers la
T2A
Après avoir été plusieurs fois repoussée dans le temps, la mise en
œuvre de la T2A
-SSR a été annoncée pour 2013
avant d’être de nouveau
reportée en 2016
332
. Il
est prévu qu’elle assure dès ses débuts la
convergence entre secteur public et secteur privé. Dans cette attente, la
DGOS a défini en 2009 un modèle intermédiaire fondé sur un mécanisme
de modulation des recettes.
331.
Le pourcentage du chiffre d’affaires est corroboré par l’
enquête EUROSTAF
réalisée à l’initiative du groupe Les Echos publiée en mars 2011 et les informations
financières pour les groupes cotés. Dans l’échantillon de l’enq
uête de la Cour, le
supplément pour chambre particulière varie de 20 à 160
€ journaliers. Ils peuvent être
fonction, entre autres, de la couverture par les mutuelles.
332. DGOS, comité de pilotage SSR du 28 juin 2012.
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364
a)
La modulation « IVA »
L’objectif de cette modulation est de commencer à mieux prendre
en compte l’activité effective dans l’allocation
des ressources aux
établissements, que celle-ci prenne la forme de dotations annuelles ou de
tarifs. Elle est réalisée en usant d’un «
indice de valorisation de
l’activité
» (IVA) calculé sur la base des données PMSI et intégrant entre
autres les caractéri
stiques de morbidité, d’âge, de dépendance et le
nombre d’actes. Cet indice permet de déterminer les ressources
« théoriques
» qui devraient être attribuées à l’établissement. La
comparaison de ces dernières aux ressources effectivement perçues
débouche sur un indice de modulation qui sera appliqué à la DAF ou aux
tarifs prévus. De ce fait, les ressources d’un établissement peuvent être
revues à la baisse si le calcul a montré qu’il était «
sur-doté ». Cependant,
l’effet est atténué par deux facteurs
: d’un
e part la modulation porte sur
une petite partie de la DAF ou du taux d’évolution des prix de journée
(respectivement 2 % et 0,5 % pour 2009, 5 % et 0,5 % en 2010 et 2011) ;
d’autre part, la réduction peut être compensée et au
-
delà par l’octroi de
mesures nouvelles (cf. supra), qui portent sur des montants plus
importants que la fourchette de modulation.
En partie dissuadées par la faiblesse des montants concernés, les
ARS n’ont guère assuré d’accompagnement pédagogique de la
modulation et
n’ont pas non plu
s
utilisé les marges de manœuvre
expressément laissées par le ministère. Celle-ci leur est apparue comme
une expérimentation vouée à laisser rapidement la place à un dispositif
plus complet, plutôt que comme un moyen de corriger certains défauts
des modes de financement actuels.
L’implication limitée
des ARS peut aussi tenir à ce que la
modulation par les points IVA a été lancée sur des fondements
quantitatifs (PMSI-
SSR) manifestement imparfaits, dont la fiabilité n’a
pas manqué d’être contestée
333
et dont l’
abandon était déjà programmé
au moment où on l’appliquait aux établissements.
333.
L’AP
-HP, par exemple, a élaboré son propre critère de modulation de répartition
de la DAF. La contestation du point IVA a été le fait, parmi les établissements touchés
par l’enquête, de structures de taille très diverse.
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365
Les lacunes du PMSI-SSR
Le PMSI-SSR est fondé sur une description hebdomadaire des
séjours des patients, qui sont ensuite classés dans 13 catégories majeures
cliniques (CMC) et 52 groupes de morbidité dominante (GMD) adultes ou
31 GMD enfants. Ces données sont complétées par des informations
permettant de mesurer la dépendance et concernant les actes médicaux ou
de rééducation effectués.
Il soulève plusieurs problèmes : un manque de précision sur la
nature des prises en charge du fait des définitions de CMC (p.ex. un
patient atteint de la maladie d’Alzheimer pourra être classé dans trois
CMC différentes) et du caractère sommaire de la description par les GMD
(les patients sont souvent classés dans un GMD « Autres », faute de
rubriques adaptées)
; l’incertitude sur la fréquence réelle des relevés, qui
sont très lourds ; la difficulté du contrôle de la conformité des activités
avec les autorisations parce que les CMC ne correspondent pas aux
catégories des décrets de 2008. Une refonte du PMSI doit aboutir en 2012.
Avec toutes ses limites, cet exercice de modulation a mis en
lumière l’existence de substantiels écarts de sur
-dotation et de sous-
dotation entre établissements ainsi que d
’une forte dispersion des coûts.
Un quart des établissements sous DAF ont reçu en 2011 une dotation
inférieure de plus de 20 % à leur dotation théorique et la situation des
cliniques ne paraît pas essentiellement différente.
L’approche
consistant
à
ne
prat
iquer
la
modulation
que
marginalement et selon une méthodologie fragile n’est pas satisfaisante.
Compte tenu des difficultés d’application d’une tarification à l’activité de
type MCO dans les SSR (cf. infra), on ne peut exclure que la modulation
des dotati
ons et prix de journée s’avère une voie incontournable, une fois
le PMSI-SSR rendu complètement pertinent, à utiliser alors plus
pleinement que cela n’a été le cas depuis 2009.
b) La préparation technique de la T2A-SSR
Le schéma cible de la T2A-SSR est présenté comme proche du
modèle MCO
334
. Il reposerait sur quatre compartiments
: l’activité, com
-
partiment
prépondérant ;
les
molécules
onéreuses ;
les
plateaux
techniques ; les
missions d’intérêt général et aides à la contractualisation
(MIGAC)
. Chacun fait l’objet d’
études spécifiques depuis 2011.
L’instauration d’une tarification à l’activité suppose remplies deux
conditions
: d’une part, disposer d’une classification assez précise qui
334 . Cf. RALFSS 2011, chapitre VII
Tarification à l’activité et converge
nce
tarifaire, p. 199.
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366
permette de décrire les différents processus de prise en charge
; d’autre
part, identifier des groupes médico-économiques de patients homogènes
ou des coûts par type de prises en charge pour fixer ensuite les tarifs.
Aucune de ces deux conditions n’est à ce jour atteinte. La version actuelle
du PMSI-SSR étant inadaptée, il faut donc élaborer une nouvelle
classification et un nouveau catalogue des actes de rééducation, dont une
première version provisoire est a été diffusée par l’ATIH fin
mars 2012.
Les éléments d’une échelle de coûts à méthodologie commune ont
commencé d’être ras
semblés en 2009 mais leur traitement est toujours en
cours au sein d’un comité technique. Certains prérequis à la construction
du modèle tarifaire ne sont pas encore stabilisés, notamment le choix de
l’unité de valorisation (le séjour, la semaine, la journ
ée, la ou les
séquence(s) de soins...).
L’ATIH a mené en 2011 deux enquêtes sur les compartiments
« molécules atypiques ou coûteuses » et « plateaux techniques et
appareillages »,
auprès
de
la
quasi-totalité
des
établissements.
L’exploitation a cependant pris du retard et n’est pas terminée.
Au-delà de ces difficultés techniques, des questions essentielles et
complexes, qui déterminent le contenu de la réforme et le scénario cible,
n’ont pas encore été tranchées : le rythme de montée en charge de la
réforme, le périmètre de la convergence, le poids respectif des quatre
compartiments,
d’éventuels
mécanismes
amortisseurs
et
mesures
d’accompagnement, le montant de la nouvelle enveloppe financière
consacrée au SSR.
Le report de 2013 à 2016, annoncé en juin dernier, devrait
permettre de limiter l’incidence
des difficultés opérationnelles qui
pourraient survenir dans les établissements -et singulièrement les petits-
du fait de l’application de nouvelles nomenclatures et règles de codage et
de la refonte des système
s d’information. L’assurance maladie elle
-même
aura besoin d’un temps d’adaptation.
Il conviendra notamment de mettre à profit ce nouveau délai pour
évaluer les effets des nouveaux outils et en corriger les défauts. Plus
fondamentalement cependant, cette réforme peut paraître mal adaptée à la
réalité actuelle du fonctionnement des SSR.
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367
3
Des problèmes de fond laissés sans réponse par le projet de
T2A
La T2A, qui enlève à la tutelle la responsabilité de décider de
l’allocation des ressources en conditionnant
celles-
ci à l’activité des
établissements, n’a de sens qu’avec des opérateurs capables de choix
autonomes, de finesse de pilotage et de détermination d’une stratégie et
dont
la gestion ne soit pas essentiellement contrainte par celle d’autres
secteurs.
For
ce est de constater que le SSR, notamment public, n’est pas
aussi avancé que le MCO en termes d’instruments de pilotage. Les
établissements sur lesquels a porté
l’enquête se sont souvent montrés
incapables de fournir des données précises sur les taux d’ina
déquation de
séjours, les délais d’admission, les surcoûts des attentes de sortie, le
nombre de réhospitalisations subséquentes.
L’aptitude à concevoir une
stratégie,
notamment dans les structures dont la patientèle n’est pas
automatiquement procurée par les services voisins de court séjour,
dépend aussi d’outils d’analyse des besoins qui restent à ce stade très
insuffisants (cf. supra).
En l’état actuel,
bien des établissements ne paraissent pas
susceptibles, à court et moyen terme, d’
adapter assez finement leur offre,
d’optimiser leurs capacités
ni de faire en sorte de fluidifier les parcours. Il
serait peu réaliste de penser que la mise sous tension inhérente à la T2A
suffira à les en rendre capables. Elle ne suffira pas davantage à révéler
des disponibi
lités à l’aval ni n’affranchira de la relation asymétrique avec
les services MCO.
Les défauts des modes actuels de financement -
pour l’essentiel
manque d’équité, de transparence et de prévisibilité
-
n’impliquent pas à
eux seuls qu’on transpose aux SSR le modèle de la T2A dont l’exemple
du MCO montre clairement les conditions de mise en œuvre et les
risques.
Un dispositif de tarification à l’activité dans un secteur qui ne
maîtrise pas le parcours de soins de ses patients ni en amont ni en aval en
raison d
es difficultés d’articulation entre les différents maillons de la
chaîne de prise en charge risque immédiatement d’être rendu inopérant
par ces dysfonctionnements mêmes et ne pourra être à lui seul l’outil
d’une réorganisation efficiente de l’offre
. Il risque cependant de
provoquer les mêmes effets inflationnistes que ceux constatés pour le
MCO s’il n’est pas assorti d’un mécanisme de régulation budgétaire
reposant sur un système de dotations forfaitaires analogues aux MIGAC
du MCO.
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368
La mise au point d’un sy
stème de financement pertinent suppose
ainsi encore de gros efforts de conception et d’expérimentation au
-delà
des problématiques techniques à régler. Plus essentiellement, sa mise en
œuvre nécessite sans doute le préalable d’une meilleure fluidité du
parc
ours de soins des patients qui constitue tout l’enjeu des projets
régionaux de santé en cours d’élaboration par les agences régionale de
santé, mais dont l’effet concret reste à venir.
______________________
CONCLUSION
________________________
Le secteur des soins de suite et de réadaptation
n’est pas
encore au
bout de son processus de spécification
: il vient en grande part d’un
ensemble indifférencié, le « moyen séjour » et
n’en est pas encore
complètement sorti, malgré l’effort réglementaire de 2008. Cela ne l’a pas
empêché de connaître récemment une forte croissance, largement sous
l’impulsion du secteur privé mais aussi parce que la composante MCO du
secteur public en a exprimé le besoin. Cette dynamique a été encouragée
par une planification
qui a manqué d’outils d’analyse des besoins, avec
pour c
onséquence une dépense en progression d’autant plus forte et rapide
que les efforts de régulation ont été particulièrement tardifs.
Pour autant, les patients continuent à subir blocages, délais et
orientations inadéquates dans leur entrée en SSR comme pour leur sortie.
L’enjeu est majeur pour les ARS de parvenir à une meilleure fluidité dans
une trajectoire de soins articulant de manière cohérente MCO et SSR, SSR
et médico-
social, SSR et dispositifs de soutien au retour à domicile, qu’il
s’agisse des profes
sionnels de santé libéraux ou des travailleurs sociaux
gérés notamment par les départements.
Sans ce meilleur fonctionnement global, la mise en œuvre d’une
tarification à l’activité, qui suppose en tout état de cause d’importants
arbitrages de fond qui n’ont pas encore été rendus et l’achèvement d’un
travail technique très lourd et complexe, risque fort d’augmenter les
multiples dysfonctionnements constatés plus qu’elle ne contribuerait à les
résoudre.
Dans ce contexte, la priorité réside dans une amélioration rapide de
l’efficience de la filière en identifiant les inadéquations de séjours liés tant
aux défauts d’orientation en amont que des difficultés de sortie en aval et
en fixant aux ARS des objectifs précis à cet égard. Parallèlement doit être
mise en
œuvre dans un premier temps une modulation plus pertinente et
plus forte des DAF et des prix de journée en fonction des soins dispensés,
de manière à préparer des évolutions plus profondes du mode de
financement de ce secteur, tenant compte de ses spécificités et éclairée par
des expérimentations préalables.
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369
___________________
RECOMMANDATIONS
____________________
46.
Evaluer sur le plan national et selon une méthodologie homogène
les inadéquations de séjours en SSR et en déduire les besoins réels de
capacités d’accueil, en fonction des pathologies
à traiter.
47.
Fixer en conséquence des objectifs précis aux ARS pour résoudre
les difficultés d’orientation vers l’aval des patients dont l’état permet une
sortie des SSR. A cette fin mettre rapidement en œuvre les instruments de
transparence opérationnelle (Trajectoire ou autre) sur les disponibilités
en lits et places :
-
entre MCO et SSR, d’une part
;
-
entre les SSR et l’aval médico
-
social, d’autre part
.
48.
Faire précéder l’engagement de la réforme du financement par
des
expérimentations
propres
à
garantir
qu’ell
e
rationalisera
effectivement ce dernier sans induire de problèmes supplémentaires en
termes de parcours des patients. Dans l’intervalle, rendre plus
opérationnelle la modulation des DAF et du prix de journée en fonction
notamment de la lourdeur des soins dispensés.
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