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Chapitre X
La prise en charge par l’assurance
maladie des cotisations sociales des
professionnels libéraux de santé
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L
A PRISE EN CHARGE PAR L
ASSURANCE MALADIE DES COTISATIONS
SOCIALES DES PROFESSIONNELS LIBERAUX DE SANTE
289
_____________________
PRESENTATION
_______________________
En échange,
à l‘origine
,
de leur engagement dans une relation
conventionnelle avec l’assurance
maladie, les médecins appliquant les
tarifs conventionnels sans dépassement et les autres professionnels
libéraux
de
santé
-chirurgiens-dentistes,
sages-femmes,
auxiliaires
médicaux
261
-
bénéficient de la prise en charge d’une
grande partie de
leurs cotisations sociales. Ce dispositif a donné lieu à la création de
régimes
d’assurance
spécifique
s
(maladie
en
1960,
avantage
supplémentaire retraite, à partir de 1962) et
à l’édiction de règles
particulières
(cotisations personnelles d’allocations familiales
, à partir de
1990).
Méconnues des assurés sociaux et parfois des intéressés eux-mêmes,
ces niches sociales constituent une charge annuelle importante pour
l’assurance
maladie (2,2 Md
) et devraient constituer un levier essentiel de
la politique
qu’elle mène dans le cadre conventionnel avec les
représentants de ces professions
. C’est pourquoi la Cour a décidé
d’examiner leurs modalités et leur efficacité.
Elle a constaté que la partic
ipation de l’assurance maladie au
financement de la couverture sociale des professions de santé s’est
progressivement diversifiée et étendue pour représenter désormais une
contribution substantielle au revenu des professionnels concernés (I). Dès
lors que
malgré son coût élevé elle ne joue en pratique qu’un rôle des plus
limités dans la dynamique conventionnelle et que sa contrepartie en termes
de facilité et
d’égalité
d’accès aux soins des patients apparaît peu assurée
,
il importe de remettre ces dispositifs au service des objectifs prioritaires de
l’assurance
maladie, en particulier de la lutte contre les « déserts
médicaux »
et de la régulation des dépassements d’honoraires
(II).
I - Un dispositif en expansion continue
L’accumulation et la stratification des contributions de l’assurance
maladie au financement de la protection sociale des diverses professions
de santé ont abouti à un dispositif complexe et peu lisible dont l’apport au
revenu des intéressés est important.
261. Infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et
orthoptistes.
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A
Des prises en charge croissantes
Auparavant
limitée aux cotisations d’
assurance-maladie des
médecins du secteur 1
262
et des autres professionnels de santé, la
participation de l’assurance maladie
s
’est
élargie à d’autres cotisations
(vieillesse, famille), d’abord en faveur des médecins, puis des
autres
professions. Surtout, sa logique a connu un changement profond quand
son bénéfice a été étendu à des praticiens du secteur 2 autorisés à facturer
des dépassements d’honoraires.
De fait, la loi de 2004 portant réforme de
l’assurance
maladie a accordé une grande liberté aux négociations
conventionnelles à cet égard. La
liste de prises en charge s’allonge
de fait
au fil des années,
au gré des discussions de l’assurance maladie avec les
représentants des différentes professions.
1
Les cotisations
d’assura
nce maladie : un dispositif spécifique
ancien et, par certains aspects, archaïque
Cette prise en charge, dont l’origine remonte à 1960, se fait dans le
cadre d’un régime particulier, celui des praticiens et auxiliaires médicaux
conventionnés (PAMC), géré p
ar l’assurance
maladie
263
. Sont affiliés à
ce dernier les médecins du secteur 1, les autres professionnels de santé et,
s’ils le souhaitent, les
praticiens du secteur 2, mais, en ce cas, sans le
bénéfice d’une prise en charge. Ces derniers peuvent également s’inscrire
au régime social des indépendants (RSI), ce qui est le cas de la grande
majorité d’entre eux.
La participation de l’assurance
maladie équivaut à une prise en
charge quasi complète (9,7 % pour un taux de 9,81 %). Depuis 2004, les
différentes conventions ou certains avenants ont restreint
l’assiette de
prise en charge aux seuls revenus tirés d’honoraires
conventionnels hors
dépassements, hormis le cas des forfaits CMUC : ainsi pour les médecins
en
2005
et
pour
les
chirurgiens-dentistes
et
les
masseurs-
kinésithérapeutes en 2006. Les partenaires conventionnels ont, en effet,
estimé
qu’il n’était
ni légitime ni utile que les professionnels de santé
continuent de bénéficier d’un tel avantage au titre des dépassements
262. La convention médicale de 1980 a ouvert le droit de pratiquer des « honoraires
différents ».
Il permet aux médecins qui ont choisi d’exercer dans le «
secteur 2 » de
pratiquer des dépassements, ce qui n’est pas le cas des praticiens restés dans le
« secteur 1
» à l’égard desquels les tarifs de la sécurité sociale conservent donc en
principe un caractère opposable. La convention de
1990 a limité l’accès au secteur 2
aux médecins qui s’installent et possèdent certains titres.
263. Selon des règles définies aux articles L. 722 et suivants du code de la sécurité
sociale.
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qu’ils
ont parfois le droit de pratiquer. De fait, ces derniers devenaient
particulièrement importants dans certains cas, comme celui des
chirurgiens-dentistes, dont ils représentent près de la moitié des
honoraires.
Par ailleurs, certaines professions peuvent exercer une partie
substantielle de leur activité en-dehors du cadre conventionnel et
percevoir à ce titre des honoraires non-remboursables.
Les problèmes liés aux revenus tirés d’activités non
-conventionnées.
Certains professionnels peuvent réaliser à la fois des actes
remboursables
et
non-remboursables
(par
exemple
l’implantologie
dentaire ou l’ostéopathie pratiquée par les masseurs
-kinésithérapeutes).
Ces derniers, comme les dépassements facturés à l’occasion d’actes
remboursables, se trouvaient naturellement exclus de l’assiette de
prise en
charge de cotisations. A la différence de tous les autres honoraires, ils
devaient, de plus, être déclarés à un autre régime que celui des PAMC, à
savoir le RSI, qui les assujettissait à des taux différents.
Ce régime complexe, longtemps incertain juridiquement, peu
compréhensible par les intéressés et conduisant à une multiplicité de
déclarations a fait l’objet de critiques dans le RALFSS de 2010, à
l’occasion d’une insertion sur les chirurgiens
-dentistes
264
. En particulier,
les professionnels devaient cotiser à deux caisses (gérant respectivement le
régime des PAMC ou le RSI) tout en ne bénéficiant de prestations de
maladie que de la part d’une seule (PAMC). Conformément à une
recommandation de la Cour
265
la LFSS pour 2011 a réintégré les revenus
aff
érents dans l’assiette des cotisations au régime des PAMC, à l’instar des
dépassements, mais ce, dans une limite fixée par décret à cinq plafonds de
la sécurité sociale.
Cette simplification a donc laissé subsister un taux de 0 % pour les
revenus très éle
vés tirés d’acte
s non remboursables au-delà de cinq
plafonds, ce qui n’apparaît pas justifié. En outre, il s’en faut de beaucoup
que toutes les dispositions aient été prises afin de s’assurer que les
professionnels font une déclaration exhaustive de ces revenus auprès des
administrations tant fiscales que sociales et afin de s’assurer que ces
dernières n’assument pas de prises en charge indues de cotisations au titre
de revenus déclarés à tort
issus d’activités conventionnées.
Ces risques seraient sensiblement réduits
en imposant l’obligation
de faire figurer sur les feuilles de soins la totalité des actes effectués et des
honoraires perçus. Ceci permettrait également un meilleur suivi statistique
de l’activité des professionnels de santé et de leurs revenu
s.
264.
Voir le rapport sur l’applica
tion des lois de financement de la sécurité sociale de
2010, chapitre XIII sur les soins dentaires, p. 317 et suivantes.
265. RALFSS 2010, p. 350, recommandation n° 56.
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Le régime des PAMC est l’
un des derniers régimes de sécurité
sociale à ne pas avoir aligné sur l’année civile la période d’ouverture des
droits, avec celui des étudiants, pour lesquels cette particularité apparaît
plus justifiée.
En effet, la période d’assurance va du 1er mai de l’année N
au 30 avril de N+1. En outre, les cotisations sont calculées sur la base des
revenus de N-2 déclarés en N-1, contrairement aux cotisations
d’allocations familiales ou à la CSG
/CRDS, calculées à titre provisionnel
sur les revenus de N-
2 puis faisant l’objet d’une régularisation en N+1 sur
la base des revenus de N.
2
La prise en charge de la cotisation personnelle
d’
allocations
familiales : une extension en faveur de nouvelles professions
Cette prise en charge a été instituée initialement en faveur des
seuls médecins du secteur 1, en contrepartie du gel du secteur 2 par la
convention médicale de 1990. Elle est limitée aux seuls revenus tirés
d’honoraires conventionnels sans dépassements.
Cotisations d’allocations familiale
s des praticiens du secteur 1
En %
Taux pris en charge par
l’
assurance maladie
Taux effectif supporté
par le praticien
Sous le plafond de la sécurité sociale
5
0,4
Au-dessus du plafond de la sécurité sociale
2,9
2,5
Source :
DSS
A la suite d’un avenant à leur c
onvention nationale conclu en
septembre 2008, les infirmiers(ères) libéraux(ales) ayant adhéré au
« contrat de santé solidarité
», à raison de l’exercice de leur activité en
zone très sous dotée, bénéficient d’une prise en charge à 100
% des
cotisations d’
allocations familiales
266
assises sur les revenus tirés
d’honoraires conventionnels hors dépassement
.
Parallèlement, l’accès au
conventionnement dans les zones « surdotées » est subordonné au fait
qu’un(e) infirmier(ère) conventionné(e) y cesse définitivement
son
activité.
Des avenants, respectivement à la convention des masseurs-
kinésithérapeutes libéraux (signé en novembre 2011) et à celui des sages-
femmes (signé en janvier 2012) prévoient une prise en charge de la
266. Ils (elles) doivent tirer les deux tiers de leurs revenus liés leur activité libérale
conventionnelle de la zone très sous dotée. D’autres conditions relatives à l’exercice
de cette activité s’ajoutent par ailleurs.
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totalité des cotisations familiales dans le cadre de « contrats incitatifs »
proposés dans les zones « très sous dotées » et « sous dotées », de même
qu’une régulation des installations dans les zones
« surdotées ». Les
orthophonistes se voient offrir une aide analogue au maintien ou à
l’installat
ion en zones très sous dotées depuis un avenant à leur
convention signé en mars 2012, un encadrement du conventionnement en
zones sur dotées étant envisagé à l’issue d’une période d’expérimentation,
si les objectifs d’évolution de leur répartition démograp
hique ne sont pas
atteints.
3
Les régimes d’assurance
vieillesse supplémentaire : un
surcoût important
Ces régimes de retraite supplémentaires par points, institués par
décret en juillet 1962 puis rendus obligatoires dans les années 1970, sont
financés par des cotisations forfaitaires selon les professions. Ils
s’ajoutent, pour les intéressés, aux régimes de base des professions
libérales et aux régimes complémentaires gérés par leurs sections
professionnelles,
tous également obligatoires. L’assurance
maladie prend
en charge deux tiers de ces cotisations pour les médecins du secteur 1 et
les autres praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés, les médecins
inscrits en secteur 2 en supportant le coût à hauteur de 100 %. Comme les
autres prises en charge, ils relèvent du cadre conventionnel, mais le
niveau des cotisations est fixé par décret (article L. 645-2 du CSS).
Les perspectives financières très sombres de ces régimes ont
conduit la LFSS pour 2006 à jeter
les bases d’une réforme destinée à
garantir leu
r pérennité. Un certain nombre d’ajustements ont été
effectivement réalisés depuis. Ceux-
ci ont d’abord concerné l
es directeurs
de laboratoire d’analyse médicale non
-médecins (2007), les chirurgiens-
dentistes (2007) et les auxiliaires médicaux (2008). Ces réformes ont pris
la
forme d’accords sur une hausse
du forfait, sur
l’instauration d’une
cotisation d’ajustement proportionnelle au revenu jusqu’à cinq plafonds
de sécurité sociale,
donnant lieu l’une comme l’autre à
une prise en
charge à 50 % (et non aux deux tiers)
par l’assurance
maladie. Selon la
direction de la sécurité sociale, le surcoût annuel de ces réformes pour
l’assurance maladie atteindra 73
M
€ à la fin de la période de montée en
charge, c’est
-à-dire en 2012.
Dans le cas des médecins libéraux, un décret du 26 novembre 2011
a prévu une hausse des cotisations et une baisse de la valeur de service du
point de retraite. Ces mesures entraîneront un surcoût annuel de 190
M€ à
partir de 2017 pour l’assurance maladie, qui continuera à prendre en
charge ces cotisations (dans le cas des praticiens du secteur 1) à hauteur
des deux tiers. Ceci correspond à une hausse de la charge actuelle
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supportée au titre de l’ensemble des régimes d’assurance vieillesse
supplémentaire (ASV) supérieure à 50 % et à une augmentation du coût
de toutes les formes de prise en charge de cotisations, de l’ordre de 10
%.
4
L
’option de coordination
et sa réforme récente : un
changement fondamental avec l’élargissement des prises en
charge de cotisations au secteur 2
Depuis la réforme
de l’assurance
-maladie de 2004, plus aucune
disposition législative ne s’oppose à la prise e
n charge par les caisses
d’une partie des cotisations dues par les professionnels du secteur 2, cette
participation (et ses modulations) relevant désormais de la politique
conventionnelle
267
. Cette disposition a été utilisée
en 2005 à l’occasion
de la mise en place de l’option de coordination
destinée à limiter les
dépassements d’honoraires
.
L’assurance
-maladie prend à sa charge une partie des cotisations
sociales acquittées par les médecins en secteur 2 qui y ont adhéré et qui
ont respecté les conditions posées par la convention médicale pour
l’exercice de cette
option
, notamment le respect d’un plafond de
dépassement par acte de 20 % du tarif conventionnel
268
. Les médecins du
secteur 2 sont éligibles à cet avantage sur la fraction des revenus tirés des
honoraires sans dépassement,
qu’ils soient affiliés
au régime des PAMC
ou au RSI.
Cependant, ce dispositif a eu peu de succès puisqu’en
2011, le
nombre de praticiens ayan
t adhéré à cette option n’était que de
1 300.
Un décret du 21 mars 2012 a toutefois étendu l’option de coordina
-
tion aux médecins exerçant une spécialité chirurgicale, obstétricale et
d’anesthésie
-
réanimation qui s’engagent à respecter un plafond de
dépassement de 50 % de sa valeur (et non plus de 20
%), tandis qu’un
décret du même jour prévoit que ces dépassements seront pris en charge
267.
Selon l’article L.
162-14-1, les conventions définissent « les conditions dans
lesquelles les caisses d’assurance maladie p
articipent au financement des cotisations
dues par les professionnels de santé au titre de leurs honoraires en application des
articles L. 242-11 (allocations familiales), L. 645-2 (ASV) et L. 722-4 (maladie,
maternité, décès) ; la ou les conventions fixen
t l’assiette et le niveau de cette
participation et les modalités de sa modulation, notamment en fonction du lieu
d’exercice
; elles fixent également les modalités de calcul et de répartition entre
régimes de cette participation ».
268. Les trois conditions fixées par la convention médicale sont
: 1) d’appliquer les
tarifs opposables pour les actes cliniques dispensés dans le cadre du parcours de soins
coordonnés
; 2) d’appliquer des dépassements maîtrisés plafonnés, par acte facturé, à
20 % des tarifs opposables pour les actes techniques dispensés dans ce cadre ; 3) de
réaliser au moins 30 % de son activité en tarifs opposables.
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par les organismes complémentaires dans le cadre des contrats dits
« responsables »
269
. Un nouveau décret doit étendre une telle disposition
aux dépassements autorisés par l’option de coordination pour l’ensemble
des praticiens du secteur 2, mais cette fois-ci sous une condition de
plafond, maintenue, de 20 % de la valeur des actes.
Pour les trois spécialités mentionnées ci-dessus, en contrepartie de
l’engagement de réaliser
au moins 30
% de l’activité à tarif opposable,
sans
précision
quant
aux
patients
concernés,
de
plafonner
les
dépassements à 50 % dans les autres cas, les médecins de secteur 2
bénéficieront de la prise en c
harge par l’assurance
maladie de leurs
cotisations sociales (maladie, famille, ASV), comme pour les praticiens
du secteur 1.
L’impact financier de ce dispositif n’est pas connu.
Ces initiatives font suite aux discussions, anciennes et laborieuses,
qui ont eu lieu entre partenaires conventionnels sur un projet de secteur
dit « optionnel », intermédiaire entre secteurs 1 et 2. Les syndicats
médicaux voulaient que ce nouvel espace tarifaire soit ouvert aux
praticiens du secteur 1 possédant les titres pour exercer en secteur 2 mais
restés « prisonniers
» de leur choix d’origine. De leur côté, les
représentants
des
organismes
complémentaires
estiment
qu’il
ne
permettrait pas de limiter efficacement les dépassements d’honoraires
mais pourrait même contribuer à leur accroissement dans les zones où ils
sont les plus faibles, ce qui les obligerait à augmenter leur taux de
cotisation.
*
*
*
Comme le fait apparaître le tableau récapitulatif ci-après, la prise
en charge par l’assurance maladie de leurs cotisations ne
laisse désormais
supporter aux professionnels libéraux de santé qu’une part réduite du coût
de leur protection sociale.
269. Ces derniers (90 % du marché des couvertures complémentaires) donnent droit à
un taux minoré de taxe sur les contrats d’assurance
et certains avantages fiscaux et
sociaux au titre des contrats collectifs obligatoires en entreprise.
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Modalités de prise en charge des cotisations sociales des professionnels
de santé
Type de
cotisation
Professionnels concernés
Prise en
charge par le
professionnel
Prise en
charge par
l’assurance
maladie
Assiette de calcul
Maladie
Médecins du secteur 1 et praticiens
du secteur 2 affiliés au régime des
PAMC ayant adhéré à «
l’option
de coordination »
Chirurgiens-dentistes, sages-
femmes et auxiliaires médicaux
0,11 %
9,7 %
Revenu tiré
d’honoraires
conventionnés
sans
dépassements
de N-2
Médecins du secteur 2 affiliés au
RSI ayant adhéré à l’option de
coordination
0%
6,5% jusqu’à
un plafond de
de la sécurité
sociale,
5,9% jusqu’à
5 plafonds
Revenu tiré
d’honoraires
conventionnés
sans
dépassements de
N
Famille
Médecins du secteur 1 et du
secteur 2 ayant adhéré à «
l’option
de coordination »
0,4 % sous
plafond,
2,5 % au-
dessus du
plafond
5 % sous
plafond,
2,9 % au-
dessus du
plafond
Revenu tiré
d’honoraires
conventionnés
sans
dépassements
de N
Infirmiers(ères) ayant adhéré au
« contrat de santé solidarité »,
masseurs-kinésithérapeutes
(« contrat incitatif masseur-
kinésithérapeutes »), sages-
femmes (« contrat incitatif sage-
femme »), orthophonistes
(« contrat incitatif orthophoniste »)
0%
5,4%
Revenu tiré
d’honoraires
conventionnés
sans
dépassement de
N
ASV
Médecins du secteur 1, sages-
femmes
270
1/3 du forfait
prévu pour la
profession
2/3 du forfait
prévu pour la
profession
Forfait par
profession
Médecins du secteur 2 ayant
adhéré à «
l’option de
coordination »
1/3 du forfait
des médecins
modulé
2/3 du forfait
des médecins
modulé
Forfait modulé =
(forfait prévu
pour les
médecins) X
(revenu tiré
d’honoraires sans
dépassements sur
le total des
honoraires)
Source :
DSS, Cour des comptes
L’élargissement de ces prises en charge aux médecins du secteur 2
modifie fondamentalement la logique du dispositif, en ne faisant plus
270. Pour certaines autres professions (chirurgiens dentistes, auxiliaires médicaux)
cette répartition des prises en charges des cotisations ASV est différente.
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dépendre les prises en charge du strict respect du cadre conventionnel
mais de l
a limitation des dépassements d’honoraires.
B
Une contribution substantielle au revenu des
professions de santé
En 2011, le coût de ces différentes prises en charge pour
l’assurance
maladie a atteint 2,2
Md€. Les cotisations d’assurance
maladie en représentent la part la plus importante (66%), devant les
cotisations vieillesse (21%) et
les cotisations personnelles d’allocations
familiales des médecins du secteur 1 (13 %)
271
.
Ce
total s’est accru de 13
% entre 2003 et 2011, passant de
1,75
Md€ à 2,2
Md€
(+1,5 % par an), alors
que s’éteignait le dispositif
MICA
272
, qui représentait encore 5 % de ce coût global en 2003. Hors
MICA, la charge liée à ces niches sociales a augmenté de près de 19 %,
soit +2,5 % par an.
Pour les médecins du secteur 1, cette participation
de l’assurance
maladie représente une part conséquente des revenus : 17,2 % en 2008
dans le cas des généralistes et de près de 16 % dans celui des
spécialistes
273
. Constituant 34 %
de l’ensemble des professionnels
libéraux de santé éligibles à celle-ci
274
, ils ont été destinataires, en 2010,
de 61 % de
l’effort global à ce titre de l’assurance maladie (1,2
Md€). De
fait, ils
bénéficient d’une prise en charge des cotisations d’allocations
familiales, qui leur est assez largement spécifique et
, au titre de l’ASV
,
d’une prise en charge aux
deux tiers du forfait le plus élevé des
professions de santé
275
.
271.
Les cotisations prises en charge au titre du mécanisme d’incitation à la cessation
d’activité des médecins (MICA), en extinction, en représentent par ailleurs 1
%.
272. Le MICA mis en place en 1988 pour réguler la démographie médicale, finançait
un revenu de remplacement au profit des médecins qui cessaient leur activité
professionnelle avant 60 ans et ce, jusqu’à l’âge de 65 ans. Son accès a été fermé en
2003.
273. Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin
2009.
274. Soit environ 86 000 praticiens (53 500 généralistes et 32 300 spécialistes) sur
250 000 professionnels, hors médecins du secteur 2 (encore peu concernés en 2010).
275. 2 400
€ par an pour un médecin du secteur 1 (contre 150
€ pour un masseur
-
kinésithérapeute). Par ailleurs, la pension afférente représente en moyenne 1 000
€,
soit 39 % du total de sa retraite et à peu près autant que celle que lui verse le régime
complémentaire (19 % pour la pension du régime de base).
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298
Part des cotisations 2010 prises en charge par l'assurance maladie dans
le revenu libéral annuel moyen de chaque profession en 2008
Source :
ACOSS, CAVP, calculs DSS
L’a
vantage correspondant atteint 5,6 % du revenu des pédicures,
11,1 % pour les sages-femmes et un peu plus de 10,3 % pour les
masseurs-kinésithérapeutes ainsi que pour les infirmier(ère)s. Il est
moindre pour les chirurgiens-dentistes (7,9 %) depuis la réforme de
l’assiette de participation puisque leurs
honoraires se composent de
dépassements pour près de la moitié.
A titre illustratif, la contribution financière que représente cette
prise en charge a été comparée au tarif de certaines prestations, parmi les
plus courantes effectuées par les différentes professions concernées :
Montant de prise en charge de cotisations maladie et famille pour
certains actes courants
En €
Profession
Prestation
Tarif
conventionnel
Prise en charge de
cotisations sociales
Médecin du secteur
1
Consultation
23
3,38 en dessous du plafond
de la sécurité sociale,
2,90 au-dessus
Médecin
spécialiste du
secteur 1
Avis ponctuel de
consultant
46
6,76 en dessous du plafond
de la sécurité sociale,
5,80 au-dessus
Chirurgien-dentiste
Traitement d’une carie une
face
16,90
(tarif opposable)
1,64
Infirmier(ère)
Séance de soins infirmiers
(y compris un déplacement
de 10 km en plaine)
14,95
1,45
Masseur-
kinésithérapeute
Séance de rééducation
d’un membre
15,30
1,48
Sage-femme
Consultation dans le cadre
du suivi d’une grossesse
19
1,84
Sage-femme
Surveillance d’un
accouchement
106
10,28
Source :
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299
Par ailleurs, ces différentes professions bénéfic
ient d’une prise en
charge de cotisations retraite au titre des régimes ASV, à caractère
forfaitaire et donc, en première analyse, indépendante de la valeur des
actes. Toutefois, si l’on rapportait le montant de l’avantage ainsi accordé
à un médecin du secteur 1
au (seul) nombre moyen de consultations qu’il
donne au cours d’une année, il conviendrait d’ajouter
0,68
aux 3,38
déjà pris en charge, pour une consultation au tarif de 23
(en-deçà du
plafond de la sécurité sociale), soit 4,06
€ au total
.
Le coût des actes pour l’assurance maladie ne se réduit pas à la
question du montant opposable sur lequel se cristallisent les négociations
conventionnelles. Les assurés sociaux et souvent les professionnels de
santé eux-
mêmes, n’en ont aucune perception, faute que l’assurance
maladie mette en valeur cet effort pourtant particulièrement coûteux.
Les « niches fiscales » des médecins
Certaines d’entre elles ont pour objectif d’inciter les médecins au
conventionnement avec la sécurité sociale afin d’améliorer la connaissance
des revenus de cette catégorie de professionnels. En cas d’adhésion à une
association agréée de gestion, les médecins conventionnés du secteur I
peuvent bénéficier d’une dispense de majoration de 25
% des revenus et
d’une déduction de 3
% sur leurs recettes conventionnelles au titre de la
première année d’adhésion. De plus, ils sont autorisés à prat
iquer sur leurs
revenus un abattement forfaitaire ainsi qu’un abattement de 2
%
représentatif de certains frais. Le coût total de ces mesures est estimé à
40 M
276
. L’existence de ces niches, compte tenu de la modernisation de
l’administration fiscale
,
a aujourd’hui peu de raison de perdurer.
Une autre niche fiscale créée en 2005 permet aux médecins
installés dans certaines zones de bénéficier d’une exonération d’
impôt sur
le revenu (à hauteur de 60 jours par an) pour la rémunération perçue au
titre de la permanence des soins. Son coût est estimé à 5
M€ par an.
*
*
*
Malgré leur coût élevé pour l’assurance maladie, de telles prises en
charge sont peu visibles et peu lisibles pour leurs bénéficiaires et pour les
assurés. De fait, ces avantages sociaux coûteux sont aujourd’hui
essentiellement devenus une modalité de soutien aux revenus, d’autant
plus facilement substituable à une hausse des honoraires qu’elle ne se
traduit pas, à la différence d’un ajustement tarifaire, par une hausse du
ticket modérateur pesant sur les assurés sociaux.
276 . Rapport du conseil des prélèvements obligatoires « Entreprise et « niches »
fiscales et sociales », octobre 2010, p. 225 et p. 241.
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300
II - Des prises en charge ayant perdu leur raison
d’être, qui doivent être fermement recentrées sur
des objectifs de facilité et
d’égali
d’accès aux soins
La substitution de l’assurance maladie aux professionnels de santé
pour l’acquittement de leurs cotisations sociales est
devenue inopérante
au regard de son objectif initial : favoriser un égal accès aux soins.
A
Un dispositif désormais sans réelles contreparties
de meilleur accès aux soins
1
Un rôle désormais mineur pour l’adhésion aux conventions
La prise en charge de cotisations sociales dues par les professions
de santé s’inscri
vait initialement
dans la montée en puissance d’une
démarche conventionnelle promue par les pouvoirs publics, qui visait à
un certain encadrement de leur liberté tarifaire (sous-tendue par le
principe de l’«
entente directe » sur les honoraires entre professionnel et
patient).
C
ette participation de l’assurance
maladie ne constitue plus un
élément déterminant du choix ultra-majoritaire des professionnels de
santé libéraux, du conventionnement au moment de leur installation, qui a
pour facteur essentiel la solvabilisation de la demande qu’autorise
le
remboursement
des soins aux patients par l’assurance
maladie. Du fait
d’une absence de conventionnement, la fuite de sa patientèle
-hormis pour
quelques spécialistes renommés- lui serait bien plus préjudiciable que la
perte de la prise en charge de cotisations sociales. Au final, cet avantage
social ne joue plus véritablement de rôle dans l’engagement dans le cadre
conventionnel.
De fait, si
un règlement conventionnel minimal pris faute d’accord
conventionnel peut prévoir une prise en charge minorée des cotisations
sociales
277
, cette minoration est restée extrêmement modérée quand les
pouvoirs publics ont fait application de cette décision lors du blocage des
discussions avec les médecins spécialistes à la fin des années 1990 et au
début des années 2000 : le taux de prise
en charge n’a été réduit, pour les
cotisations d’assurance
maladie, que de 9,7 % à 8,2 % (le taux du
prélèvement supporté par les spécialistes du secteur 1 passant donc de
0,11 % à 1,61 %) et
pour les cotisations personnelles d’allocations
familiales, de 5 % à 4,3 % dans la limite du plafond de sécurité sociale et
277. Articles L. 162-5-11 et L. 722-4-1 du code de la sécurité sociale.
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301
de 2,9 % à 2,5 %, au-delà.
A l’évidence, les avantages sociaux pris en
charge par l’assurance maladie n’ont pas alors été considérés comme un
levier essentiel pour obtenir la finalisation d’une co
nvention.
2
Un faible impact sur le choix des médecins de leur mode
d’exercice
Entre 1980 et 1990, tous les médecins conventionnés pouvaient
décider de s’installer en secteur 2, ce qui leur ouvrait
le droit de pratiquer
des dépassements mais leur faisait pe
rdre l’avantage lié à la prise en
charge de cotisations. Devant le succès trop important de cette formule, la
convention médicale de 1990 a fortement encadré
l’exercice d’une telle
option, en la subordonnant à la possession de certains titres liés à une
activité dans un établissement hospitalier public ou privé participant au
service public hospitalier. L
’avantage social lié à l’appartenance au
secteur 1, à savoir la prise en charge de certaines cotisations, a clairement
alors
pesé d’un faible poids dans le
choix des médecins pendant la
période où leur était laissé
e une liberté d’option entre les secteurs
.
Tel est
toujours le cas aujourd’hui pour ceux qui
continent à jouir
de cette faculté
et peuvent s’inscrire en secteur 2
sous condition d’un
exercice préalable et à un certain niveau en milieu hospitalier, aux fins de
pourvoir aux besoins de ces établissements. En regard du droit à
dépassement d’honoraires alors consenti
, la prise en charge des
cotisations d’assurance
maladie
s’ils s’inscrivaient en secteur
1 ne joue à
l’évidence
qu’un
rôle réduit dans le cas de nombreuses spécialités. De
fait,
20 ans après le durcissement des conditions d’accès au secteur 2,
se
constate toujours
278
un accroissement continu de la proportion de spécia-
listes inscrits au secteur 2 (quatre médecins sur dix mais six sur dix parmi
ceux qui se sont installés en 2010), particulièrement élevée dans certaines
zones ou dans le cas de certaines disciplines : 85 % des chirurgiens, plus
de 50 % des ORL, des ophtalmologues et des gynécologues.
L’avantage financier retiré des dépassements excède en effet le
plus souvent de manière sensible, pour un praticien du secteur 2, la perte
liée à l’absence de prise en charge de cotisations plus encore s’il a choisi
d’adhérer au RSI, dont les taux de c
otisation sont inférieurs à ceux du
régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés -ce qui limite
ladite perte. En effet, si j
usqu’en 1987
tous les médecins devaient
s’affilier au
régime des PAMC, depuis cette date, ceux du secteur 2, ainsi
que les pédicures podologues (depuis le 1er janvier 2012), ont le choix
lors de leur première installation d’adhérer au régime des PAMC ou au
278.
Point d’information de la CNAMTS du 17 mai 2011.
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régime des non-salariés non agricoles, devenu le RSI. Une telle
possibilité de choisir son régime d’assurance
maladie obligatoire est une
exception dans le paysage de la protection sociale en France.
Les données du choix entre le régime des PAMC et le RSI
Les taux de cotisation du RSI sont moins élevés que ceux qui
s’appliquent dans le cadre du régime des PAMC (9,81
% sans plafond). En
effet, jusqu’à un plafond de sécurité sociale, le taux atteint 6,5
%. Pour des
revenus dont le montant dépasse un plafond de sécurité sociale et jusqu’à
cinq plafonds, le taux est de 5,9 %. Les revenus supérieurs à cinq fois le
plafond ne sont pas assujettis à cotisation ; ce type de disposition, qui
limite le caractère redistributif de l’assurance
-
maladie, n’a plus cours dans
le cas du régime général des salariés depuis 1984.
Pour un médecin touchant le revenu libéral moyen, estimé à
94 110
€ en 2010, net de charges de fonctionnement et de cotisations
sociales, l’affiliation au régime des PAMC conduisait à une cotisation de
9 232
€ (taux de 9,81
%), contre 5 760
€ en cas d’affiliation au RSI (soit
un taux de prélèvement apparent de 6,1 %),
d’où un gain de 3
471
(3,7 % du revenu libéral). Or, les médecins pouvant exercer ce choix sont
essentiellement des spécialistes dont les revenus moyens excèdent ceux de
l’ensemble des praticiens. Ainsi, pour un anesthésiste (revenu moyen de
190
200€),
la cotisation est respectivement de 18 658
€ (taux de 9,81
%)
au régime des PAMC et de 10 420
€ (cotisation maximale au RSI en 2010,
correspondant ici à un taux de prélèvement apparent de 5,5 %). Ceci
représentait une économie de 7 946
€ dans le second cas
(4,3 % des
recettes nettes). Du fait du plafonnement des cotisations au RSI, ce gain
croît avec le revenu libéral en montant absolu comme relatif (pour tendre
en
pourcentage
vers
9,81 %).
Cette
évaluation
le
sous-estime
probablement encore car, faute de données, on a dû utiliser ici les revenus
libéraux moyens de tous les praticiens et non de ceux, ordinairement
supérieurs, du secteur 2, pourtant seuls concernés par cette faculté
d’arbitrage.
En regard, il existe désormais peu de différences entre les
pres
tations offertes par les deux régimes, ce qui n’était pas le cas il y a un
quart de siècle, quand les droits reconnus par la CANAM apparaissaient
sensiblement moins généreux. Elles sont totalement identiques s’agissant
des prestations en nature. Pour ce qui est des indemnités journalières de
maladie, ni le RSI n’en verse, comme pour toutes les professions libérales,
ni le régime des PAMC. Tout au plus doit-
on relever que le RSI n’attribue
pas de capital décès et que les indemnités journalières de maternité
qu’il
prévoit sont un peu moins avantageuses que dans le cas des PAMC,
puisque établies sur une base de calcul identique mais versées sur une
durée plus courte.
Aussi il n’est pas étonnant qu’e
n pratique les nouveaux praticiens
de secteur 2 s’affilient sys
tématiquement au RSI. Si des médecins de
secteur 2 continuent de cotiser au régime du PAMC,
c’est seulement
parce qu’ils n’ont plus la possibilité de le
quitter pour le RSI, tout choix
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fait lors de l’installation étant définitif
. Au 31 décembre 2008, le nombre
de professionnels du secteur 2 affiliés au régime des PAM est de 2 506
(8,7 %) et de 26 160 au RSI (91,3 %).
L’existence d’un avantage à l’affiliation
au RSI quand on décide
s’installer en secteur 2 prive ainsi de tout effet l’incitation à opter pour
le
secteur 1, que devrait constituer la prise en charge de certaines
cotisations. Cette faculté de choix conduit inévitablement à des formes
d
« optimisation sociale
» et crée des inégalités d’autant plus injustifia
-
bles que parallèlement le droit à dépassement de ces praticiens aboutit à
des difficultés préoccupantes d’accès aux soins pour certains assurés
sociaux.
3
La limitation insuffisante de certains dépassements autorisés
à d’autres professions de santé
Les prises en charge de cotisations ne sont au demeurant pas mises
au service
d’une politique de limitation des dépassements d’honoraires
pratiqués par certaines professions sur certains actes, par exemple dans le
cas des actes prothétiques effectués par les chirurgiens-dentistes.
Si les différentes conventions ont progressivement exclu ces
derniers de l’assiette afférente
au calcul des cotisations prises en charge,
ce qui constitue une économie des plus normales pour les finances
sociales, l
’assurance maladie
n’ayant pas à subventionner la pratique des
dépassements,
elle n’a, en réalité, pas exercé
réellement
d’influence
sur
l’évolution de ces dépassements.
La masse des dépassements facturés par
les chirurgiens-dentistes avoisinait ainsi 4,2
Md€
, essentiellement au titre
des soins prothétiques (pour lesquels le prix peut être de plusieurs fois
supérieur au tarif de référence)
et il n’y a aucun signe de ralentissement
.
De fait, le prélèvement supplémentaire correspondant ne représente par
définition
qu’une part limitée du revenu net de charges (hors cotisations)
procuré par les dépassements. Il en va de même pour les actes hors
nomenclature ou ce qu’il convenu
d’appele
r plus généralement
l’
« activité non-conventionnée ».
Il apparaît nécessaire pour limiter ces pratiques de dépassement
d’honoraires de conditionner les prises en charges de cotisations au
respect de certains plafonds de dépassements.
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B
Un maintien conditionné à un ciblage rigoureux
sur les problématiques d’égalité d’accès aux soins
La situation des finances sociales et l’avantage important conféré
aux professionnels par ces dispositifs exigent des pouvoirs publics et de
l’ensemble des partenaires conventionnels qu’ils veillent à rétablir un lien
clair et étroit de ceux-
ci avec les objectifs de l’assurance maladie. A
défaut, leur existence n’aurait plus de justification.
1
Moduler les prises en charge en fonction de la répartition
territoriale des professionnels de santé
Dans le prolongement de ce que la convention infirmière avait déjà
organisé pour cette profession, des dispositions récentes (cf. supra) ont
prévu une extension de la prise en charge des cotisations sociales de
certains masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes et orthophonistes: dès
lors en effet que ceux-ci sont installés en zones « très sous dotées » voire
« sous dotées », leurs cotisations familiales sont aussi réglées par
l’assurance maladie
. Ce premier mouvement ne va cependant pas assez
loin pour donner une pleine efficacité incitative à ces dispositifs onéreux
au regard des impératifs d’une meilleure répartition territoriale des
professionnels libéraux de santé et des enjeux essentiels de plus grande
égalité dans l’accès aux soins. Il maintient en effet l’intégralité des prises
en charge antérieurement accordées aussi aux professionnels installés en
zones denses.
C’est pourquoi la Cour a recommandé en 2011
279
d’introduire une
modulation généralisée sur l’ensemble des avantages sociaux dont
bénéficient les médecins, y compris ceux qui sont déjà installés, selon
qu’ils exercent dans des zones plus ou moins dotées sur la base d’une
cartographie beaucoup plus fine que l’identification des seuls
« déserts
médicaux »
d’un côté, des territoires
« surdotés »
d’un autre, dès lors en
particulier que certains territoires peuvent être globalement en surdensité,
mais connaître un déficit de médecins en secteur I. Une telle modulation
portant sur la totalité
du dispositif devrait s’appliquer à l’ensemble des
professions qui connaissent des déséquilibres géographiques tels qu’ils
font obstacle à l’égalité d’accès aux soins. Elle permettrait, tout en
laissant subsister une prise en charge réduite au bénéfice des praticiens
installés ou s’installant dans les zone
s denses, de redéployer vers ceux
installés ou s’installant dans les territoires en situation de désertification
soit généralisée, soit au regard de la présence de médecins à tarifs
279. RALFSS 2011, Chapitre V - La répartition territoriale des médecins libéraux,
p. 147 et suivantes.
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opposables, des sommes nettement plus considérables que l’effort public
actuellement consacré à cet objectif.
La participation financière de l’assurance maladie aurait ainsi à
nouveau une raison d’être clairement identifiée et reconnue tant pour les
professionnels que pour les assurés. A défaut, comme la Cour l’a
souligné, d’y s
uffire à elle seule, elle serait un levier important pour une
répartition mieux équilibrée sur le territoire des professionnels de santé
qui constitue un objectif essentiel de la politique de soins.
2
Mettre ces avantages sociaux au service de la régulation des
dépassements d’honoraires
Les avantages sociaux conventionnels pourraient être réservés à
des catégories d’actes auxquels les tarifs de la sécurité sociale sont
réellement opposables (cf. supra). De fait, la participation financière de
l’assurance mal
adie paraît injustifiée quand le professionnel jouit en
pratique d’une liberté tarifaire très étendue.
Par exemple, dans le cas des
chirurgiens-
dentistes, l’assurance maladie pourrait ne plus prendre à son
compte les cotisations dues sur la partie des revenus afférents aux soins
prothétiques
hors
dépassement
s
d’honoraires
.
Les
sommes
ainsi
économisées par l’assurance
-maladie pourraient servir plus utilement à la
revalorisation des soins conservateurs à tarifs opposables, voire à
l’extension du champ des act
es remboursables, la nomenclature ayant pris
d’importants retards par rapport aux nouvelles pratiques
. La situation
financière des professionnels resterait globalement inchangée mais
l’accès des patients à des soins
souvent jugés importants
s’en trouverait
amélioré, grâce à un meilleur remboursement de certains actes et à une
plus forte incitation des professionnels
à en pratiquer d’autres
.
La question du renforcement de ce lien revêt une acuité particulière
depuis la récente réforme de l’option de coordina
tion, qui consacre
l’élargissement des prises en charge de cotisations par l’assurance
maladie à des praticiens du secteur 2. Cette modification très profonde de
la finalité de ce dispositif ne peut apparaître justifiée que si elle se traduit
par une baiss
e du prix effectif des soins pour l’assuré d’une ampleur
comparable à l’effort financier consenti à la fois par l’assurance maladie
et par les organismes d’assurance complémentaire.
Il conviendrait donc
que les pouvoirs publics fassent rapidement un premier bilan de sa mise
en œuvre sur la base d’une analyse coût
-avantages rigoureuse et en
fonction des constats ainsi faits, ne pas hésiter à revoir au besoin les
paramètres au regard de l’objectif
de régulation des dépassements, qui
seul peut légitimer la prise en charge de cotisations sociales de médecins
habilités à en pratiquer.
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3
En l’absence de progrès dans ces directions, supprimer ces
prises en charge ou, à tout le moins, les plafonner par
professionnel
Si l’utilité et l’efficacité de ces dispositifs au
regard de ces
différents objectifs n’apparaissaient pas pouvoir être sensiblement
renforcées, leur existence devrait être remise en cause.
Au minimum, il faudrait s’efforcer d’en réduire le coût. En
particulier, puisqu’il ne s’agirait en fin de compte que
de pures mesures
de pouvoir d’achat au bénéfice des professionnels
280
, il deviendrait
logique d’en plafonner le bénéfice par professionnel, alors qu’il peut
atteindre des montants élevés, en prévoyant
de plafonner l’assiette
afférente et/ou de généraliser dans le calcul des prises en charge une
forme de dégressivité, comme dans le cas des cotisations personnelles
d’allocation
familiales.
Le système actuel conduit, en effet, à des inégalités fortes dans le
montant d’aide entre praticiens, au sein d’une même
discipline et entre
disciplines. L
’inflation des actes et la hausse des ta
rifs conventionnels se
traduisent en effet par des suppléments importants de prises en charge en
faveur de professionnels touchant parfois déjà des revenus élevés.
Les effets pour l’assurance maladie d’un plafonnement sont
éclairés par le tableau ci-après.
Moindre dépense pour l’assurance maladie au titre des cotisations
maladie et famille selon le plafond de revenus des médecins
En M€
Plafond
Economie totale
Economie sur les
cotisations maladie
Economie sur les
cotisations famille
100
000 €
193
158
35
120
000 €
131
107
24
150
000 €
75
61
14
180
000 €
42
34
8
200
000 €
28
23
5
Champ : tous régimes, médecins de secteur 1, France métropolitaine.
Source :
Estimation DSS sur données SNIR et CARMF.
Si le plafond
de revenus tirés d’honoraires sans dépassement
était
fixé à 100 000
281
, ce qui est supérieur au revenu libéral moyen constaté
280 . Certes préférable du point de vue des assurés à une revalorisation de la
tarification des actes qui pourrait laisser à leur charge un ticket modérateur.
281. Ce qui correspond à un montant maximal.
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en 2010 (94 110
€)
, il concernerait 28 % des praticiens de secteur 1, soit
24 080 sur environ 86 000, 36 % des chirurgiens-dentistes et seulement
1 % des sages-femmes.
Les intéressés perçoivent un montant de prise en charge de
9 700
€, au titre des cotisations d’assurance
maladie et de 3 642
, au titre
des c
otisations d’allocations
familiales, soit un total de 13 342
€, c’est
-à-
dire plus de 1 000
par mois
282
. En cas de plafonnement, le montant
individuel moyen d
’économie de prise en charge
serait de 6 306
€, d’où
une moindre dépense totale de 193
M€ pour l’as
surance maladie, dont
près de 160
M€ sur les cotisations maladie
.
______________________
CONCLUSION
________________________
Les prises en charge de certaines cotisations sociales dues par les
professionnels de santé représentent aujourd’hui un élément conséquent de
leurs revenus et un coût très élevé
pour l’assurance maladie, sans favoriser
significativement l’accès aux soins des assurés. Or
elles ne se justifient, à
l’instar des autres niches sociales, que si elles contribuent clairement et
efficacement à un ou plusieurs objectif(s) de politique publique.
Dans ce contexte particulièrement peu satisfaisant, remettre
l’ensemble de ces dispositifs au service de ses objectifs doit être une
priorité de l’assurance maladie, en premier lieu en les modulant en
fonction de la répartition territoriale des professionnels de santé et au
premier chef des médecins, y compris dans le cas de ceux qui sont déjà
installés et en les conditionnant beaucoup plus étroitement à une réelle
limitation des dépassements d’honoraires.
A défaut de véritables avancées, la question du maintien de ces
avantages sans contrepartie devra être posée. Au minimum, il conviendrait
de les plafonner par professionnel. En effet, ils n’ont pas pour vocation de
procurer un revenu complémentaire aux professions en cause sans aucun
bénéfice pour les assurés sociaux.
282.
La mise en œuvre du plafonnement concernerait dans ce cas de figure 10
% des
pédiatres, 10 % des dermatologues, 20 % des omnipraticiens, 70 % des radiologues.
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___________________
RECOMMANDATIONS
____________________
34.
Réformer le dispositif pour faciliter l’accès aux soins
:
-
en modulant le montant des prises en charge en fonction de la densité
des professionnels de santé sur un territoire donné ;
-
en excluant de leur bénéfice les rev
enus tirés de catégories d’actes
donnant lieu à des dépassements quasi-systématiques ;
-
ou en les conditionnant au respect de certains plafonds de
dépassement.
A défaut, supprimer ces prises en charge, ou, à tout le moins, les
plafonner par professionnel de santé.
35.
Affilier
obligatoirement
tous
les
professionnels
de
santé
conventionnés au régime des PAMC en mettant fin à la liberté d
’adhérer
au RSI laissée aux praticiens du secteur 2.
36.
Rendre plus visibles ces prises en charge, à
l’instar des
cotisations patronales sur les bulletins de salaires, en faisant apparaître
leur coût dans un relevé annuel fourni par
l’assurance
maladie aux
professionnels.
37.
S’agissant des règles propres au régime des PAMC
:
-
les harmoniser en matière de pé
riode d’assurance et d’assiette avec
celles qui s’appliquent aux autres prélèvements sociaux
;
-
déplafonner cette assiette dans le cas des revenus issus d’actes non
-
remboursables ;
-
imposer l’obligation de faire figurer sur les feuilles de soins la
totalité des actes effectués et des honoraires professionnels perçus
.
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