C
OUR DES
C
OMPTES
Le bilan à mi-parcours de la
loi de programmation militaire
Juillet 2012
Avertissement
Synthèse
du Rapport public thématique
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et
l’utilisation du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des organismes
concernés figurent à la suite du rapport.
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
1
Un “processus vertueux” d’élaboration de la loi de
programmation militaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
2
Une révision sous double contrainte
. . . . . . . . . . . . .9
3
Des écarts par rapport à la trajectoire budgétaire de la
loi de programmation militaire . . . . . . . . . . . . . . . . .11
4
Des succès opérationnels mais une incapacité à rem-
plir les objectifs maximums des contrats opération-
nels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
5
Des économies possibles, même sans réduction du
format . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19
Conclusion
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .23
Annexes : économies possibles
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
3
Sommaire
L’année 2012 est une année importante en termes de décisions pour la politique de
défense de la France. Dans un contexte de crise des finances publiques, des arbitrages
devront être rendus à l’été 2012 en matière de programmation pluriannuelle des
finances publiques, qui affecteront probablement le volume des ressources allouées à la
défense. Par ailleurs, dans un environnement stratégique caractérisé par la forte crois-
sance des dépenses militaires ailleurs dans le monde, le gouvernement a lancé l’exercice
de révision du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui doit déboucher sur
une nouvelle loi de programmation militaire au premier semestre 2013.
La Cour a estimé que le moment était venu d’effectuer un bilan de l’exécution à
mi-parcours de la loi de programmation militaire (LPM) couvrant la période allant de
2009 à 2014, afin d’éclairer les décideurs et d’alimenter le débat public à l’approche
des échéances à venir.
Le rapport dresse d’abord un état des lieux. Il apprécie la méthode qui a conduit
à l’adoption de la loi de programmation militaire en 2009 et le contexte de sa révision
en 2012. Il présente également un bilan de l’exécution budgétaire des années 2009,
2010 et 2011 et des perspectives d’évolution sur la base des arbitrages déjà rendus au
début de l’exercice 2012. Il évalue enfin la capacité du ministère à atteindre les objec-
tifs qui lui ont été fixés par la loi de programmation, notamment dans le domaine de
la capacité des armées à remplir leurs contrats opérationnels.
La Cour n’a pas à se prononcer sur le volume global des crédits budgétaires néces-
saires à la mission “Défense”, qui relève d’un choix politique ; en revanche elle estime
que ces crédits doivent être utilisés au mieux afin de remplir les objectifs qui ont été fixés
par le Livre blanc relatif à la défense et à la sécurité nationale de 2008 ou qui le seront
par sa nouvelle version une fois que les travaux en cours seront achevés. Dans cette
optique, la dernière partie du rapport examine les pistes d’économies, qui, selon la
Cour, méritent d’être approfondies en priorité, afin de préserver au maximum ce qui
concourt le plus à la capacité opérationnelle des forces : les équipements, la disponibilité
des matériels et l’entraînement des forces.
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Introduction
5
La réflexion stratégique
a précédé la définition
des ambitions et des
moyens, favorisant la
cohérence de l’outil
militaire
La mise au point de la loi de pro-
grammation
militaire
couvrant
la
période 2009-2014 a été précédée par
l’élaboration du Livre blanc sur la
défense et la sécurité nationale en 2008.
Cet exercice, prenant la suite des Livres
blancs de 1972 et de 1994, a permis de
définir les menaces et les ambitions de la
France en matière de défense, avant d’en
déduire les contrats opérationnels et les
formats des armées, ainsi que les
moyens
budgétaires,
matériels
et
humains qui en découlent.
Cette méthode a favorisé la mise en
cohérence entre les moyens alloués et
les objectifs opérationnels fixés aux
armées. Afin de dégager des marges de
manœuvre, la loi de programmation a
prévu une importante diminution du
format des armées, avec la suppression
de 54 000 emplois entre 2008 et 2015,
qui devait engendrer des économies
concourant, notamment, au finance-
ment de l’équipement des forces. Ceci a
été réalisé au prix d’une réduction des
contrats opérationnels : l’armée de terre
a vu son contrat d’intervention maxi-
mum passer de 50 000 hommes à 30 000
hommes, tandis que celui de l’armée de
l’air passait d’une centaine d’avions de
combat engagés à 70.
La construction de la
loi de programmation
militaire a été coor-
donnée avec la pro-
grammation budgétaire
pluriannuelle
La loi de programmation militaire a
été également préparée en cohérence
avec la loi de programmation plurian-
nuelle des finances publiques couvrant
la période 2009-2011. Elle a englobé un
périmètre plus large que par le passé, en
incluant, au-delà des dépenses d’inves-
tissement, les dépenses de fonctionne-
ment et de masse salariale, permettant
des analyses à partir des données d’exé-
cution
de
la
mission
budgétaire
“défense”. Enfin, il a été prévu qu’au
bout de quatre ans, en 2012, cette loi
soit révisée, alors que les données d’exé-
cution budgétaire de la période 2009-
2011 seront disponibles.
1
1
Un processus vertueux
d’élaboration de la loi
Cour des comptes
7
2
2
Une révision sous double
contrainte
La crise des finances
publiques n’a pas
permis la croissance en
volume du budget de la
défense à partir de
2012
La loi de programmation militaire a
été construite sur la base des hypothèses
budgétaires de 2009 qui prévoyaient un
retour
à
l’équilibre
des
finances
publiques dès 2012, ce qui devait per-
mettre une croissance de 1 % par an du
volume du budget de la défense à partir
de 2012. Cette hypothèse n’a pu être réa-
lisée, compte tenu de la crise des
finances publiques. La loi de program-
mation
pluriannuelle
des
finances
publiques 2011-2013 a rectifié la trajec-
toire en imposant une évolution en
« zéro volume » du budget de la défense.
La révision de 2012 intervient sous
forte contrainte car le plan d’équipe-
ment des forces a donné lieu, en 2009, à
d’importantes commandes fermes dont
le volume et les calendriers résultaient
de la trajectoire de la loi de programma-
tion militaire et des objectifs du Livre
blanc. Il reste donc très peu de marge de
manœuvre pour passer de nouvelles
commandes, tandis qu’il faut trouver les
ressources financières pour honorer les
commandes en cours d’exécution.
Les dépenses militaires
ont augmenté de 50 %
dans le monde depuis
2001
Les dépenses militaires ont aug-
menté de plus de 50 % dans le monde
depuis 2001. Il s’ensuit des risques de
rupture technologique et d’évolution
des rapports de force stratégique. Cette
croissance concerne en premier lieu les
Etats-Unis, dont le budget a augmenté
de plus de 80 % depuis 2001, soit une
enveloppe de plus de 10 fois supérieure
aux budgets britanniques ou français et
qui permet le développement d’un
effort de recherche très important. Elle
concerne également la Chine, la Russie,
l’Inde et le Brésil et, de manière géné-
rale, l’ensemble des zones du monde à
l’exception de l’Europe occidentale.
Cour des comptes
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
9
Une révision sous double contrainte
10
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
En Europe, l’écart entre les efforts
de défense britannique et français s’est
creusé : le budget britannique restera
significativement plus élevé, même
après la mise en œuvre des réformes bri-
tanniques de 2010. Quant à l’Allemagne,
son budget de défense tend à devenir
plus important que le budget français,
hors sa composante nucléaire .
11
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
3
3
Des écarts par rapport à la
trajectoire budgétaire de la loi
de programmation militaire
La programmation
budgétaire a péché par
excès d’optimisme
La Cour constate que certaines
hypothèses de la programmation budgé-
taire n’ont pas été suffisamment réa-
listes.
Les recettes exceptionnelles atten-
dues des cessions des bandes de fré-
quence et des ventes immobilières
devaient apporter 2,49 Md€ entre 2009
et 2011. Seuls 0,98 Md€ ont été au ren-
dez-vous, ce qui illustre le risque qu’il y
a à compter sur des ressources hypothé-
tiques dont la réalisation ne dépend pas
du ministère de la défense. Les cessions
tardives des bandes de fréquence ache-
vées au premier trimestre 2012 ont per-
mis d’engranger une ressource de
2,27 Md€, mais les modalités d’utilisa-
tion de cette ressource par le ministère
de la défense en 2012 et 2013 demeurent
incertaines. Des risques continuent de
peser sur les cessions immobilières, dont
les principales ne devraient intervenir
qu’en 2013.
L’exportation de l’avion Rafale
devait permettre de contenir les com-
mandes annuelles françaises à un niveau
inférieur à onze appareils par an tout en
garantissant un plan de charge suffisant
à l’industriel. Ces exportations ne s’étant
pas encore concrétisées, l’armée de l’air
a dû acquérir cinq appareils de plus que
prévu entre 2009 et 2011.
Des dépenses prévisibles comme
celles liées à la pleine participation de la
France aux structures de l’OTAN,
même si elle n’était pas encore officielle-
ment annoncée, et à l’ouverture de la
base d’Abu Dhabi, n’ont pas été prises
en compte dans la programmation bud-
gétaire.
La programmation du surcoût des
opérations extérieures, bien qu’en pro-
gression (630 M€ en 2011 contre
460 M€ en 2008) demeure insuffisante
pour couvrir un socle d’opérations exté-
rieures, dont le surcoût s’est élevé au
cours des derniers exercices à environ
870 M€ par an. L’écart entre la program-
mation
et
la
réalisation
s’accroît
lorsqu’une opération imprévue survient,
comme ce fut le cas avec l’intervention
en Libye en 2011, qui a engendré un
surcoût additionnel de 370 M€.
Le pilotage des
réformes est insuffisant
L’équilibre de la loi de programma-
tion militaire reposait sur l’hypothèse
structurante selon laquelle les écono-
mies attendues des réformes du minis-
tère seraient affectées à l’équipement
des forces et à la revalorisation de la
condition des personnels. Le ministère
de la défense attendait ainsi une écono-
mie nette cumulée de 6,68 Md€ entre
2008 et 2015, issue principalement de la
suppression de 54 000 emplois, soit
17 % des effectifs du ministère.
Pour la masse salariale, une écono-
mie nette cumulée de 1,1 Md€ était
attendue entre 2008 et 2011. Or, il appa-
raît que, si le ministère tient jusqu’à pré-
sent les objectifs en termes de réduction
des effectifs, avec plus de 29 000
emplois supprimés à la fin de l’exercice
2011, la masse salariale continue sa pro-
gression, avec une augmentation de
1 Md€ entre 2008 et 2011, ce qui
conduit à douter de la réalisation effec-
tive d’économies et de leur affectation
au profit de l’équipement des forces.
L’identification des derniers emplois à
supprimer pour atteindre la cible de
54 000 n’est pas achevée. De manière
générale, le suivi des réformes est insuf-
fisamment précis pour offrir aux déci-
deurs des éléments fiables d’aide à la
prise de décision, malgré la mise en
œuvre du projet Aramis de renforce-
ment de la fonction financière du minis-
tère.
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Des écarts par rapport à la
trajectoire budgétaire de la loi de
programmation militaire
12
13
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Des écarts par rapport à la
trajectoire budgétaire de la loi de
programmation militaire
1,89 Md€ de res-
sources manquantes à
la fin 2011 par rapport
à la trajectoire de la loi
de programmation
Le tableau ci-après qui compare les
ressources budgétaires prévues par la loi
de programmation militaire entre 2009
et 2011 et les dépenses réellement effec-
tuées montre un écart de 1,89 Md€ à la
fin de l’exercice 2011. L’utilisation de
reports de crédits, les crédits complé-
mentaires alloués par les lois de finances
rectificatives et une inflation moins
forte que prévue n’ont donc pas suffi à
compenser les effets liés aux retards de
perception des recettes exceptionnelles
et aux arbitrages de la loi de program-
mation des finances publiques 2011-
2013.
Exécution budgétaire 2009-2011 de la loi de programmation militaire
Crédits de paie-
ment
(en milliards d’euros courants)
2009
2010
2011
Total
2009-2011
Ressources de la
loi de program-
mation militaire
(1)
Crédits budgétaires
29,82
30,35
30,94
91,11
Recettes exceptionnelles
1,64
1,26
0,57
3,47
Plan de relance de l'économie
0,99
0,77
1,76
Total des ressources prévues
32,45
32,38
31,51
96,34
Exécution budgé-
taire sur le même
périmètre (2)
Crédits budgétaires
31,43
30,27
30,01
91,71
Recettes exceptionnelles
0,56
0,20
0,22
0,98
Plan de relance de l'économie
0,99
0,77
0,00
1,76
Total des dépenses exécutées
32,98
31,24
30,23
94,45
Ecarts (2)-(1)
Crédits budgétaires
1,61
- 0,08
- 0,93
0,60
Recettes exceptionnelles
- 1,08
- 1,06
- 0,35
- 2,49
Plan de relance de l'économie
0
0
0
0
Total des écarts
0,53
- 1,14
- 1,28
- 1,89
Ecart en pourcentage
- 2 %
Source : Secrétariat général pour l’administration du ministère de la défense
14
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Un écart d’au moins
4,10 Md€ à fin 2013 sur
la base des seuls arbi-
trages rendus avant mi-
2012
Les arbitrages déjà rendus lors des
votes de la loi de programmation plu-
riannuelle des finances publiques pour la
période 2011-2013, de la loi de finances
initiale pour 2012 et de la loi de finances
rectificative de février 2012 montrent
que l’écart pourrait atteindre au moins
4,10 Md€ à fin 2013, du seul fait des
décisions déjà prises. De façon plus glo-
bale, le maintien d’une trajectoire de sta-
bilisation budgétaire en euros constants
crée un écart de l’ordre de 15 Md€
2008
à
l’horizon 2020 par rapport aux ambi-
tions du Livre Blanc, tandis que le pas-
sage à une trajectoire de stabilisation en
euros courants porterait cet écart à envi-
ron 30 Md€
2008
.
Des écarts par rapport à la
trajectoire budgétaire de la loi de
programmation militaire
Crédits de
paiement
(en milliards d’euros cou-
rants)
2009 et
2010
2011
2012
2013
Total
2009-2013
Ressources
de la loi de
program-
mation mili-
taire
Crédits budgétaires
60,17
30,94
32,14
33,08
156,33
Recettes exceptionnelles
2,9
0,57
0,22
0,11
3,80
Plan de relance de l'économie
1,76
1,76
Total des ressources pré-
vues
64,83
31,51
32,36
33,19
161,89
Ressources
révisées à
la baisse
par le trien-
nat 2011-
2013
Crédits budgétaires
61,7
30,16
30,52
31,02
153,4
Recettes exceptionnelles
0,76
1,02
1,17
1,07
4,02
Plan de relance de l'économie
1,76
1,76
Total des ressources pré-
vues
64,22
31,18
31,69
32,09
159,18
Exécution
budgétaire
(LFI pour
2012, trien-
nal pour
2013)
Crédits budgétaires
61,7
30,01
30,03
31,02
152,76
Recettes exceptionnelles
0,76
0,22
1,22
1,07
3,27
Plan de relance de l'économie
1,76
0
0
0
1,76
Total des dépenses exécutées
64,22
30,23
31,25
32,09
157,79
Ecarts
Crédits budgétaires
1,53
- 0,93
- 2,11
- 2,06
- 2,7
Recettes exceptionnelles
- 2,14
- 0,35
1
0,96
- 0,53
Plan de relance de l'économie
0
0
0
0
0
Total des écarts
- 0,61
- 1,28
- 1,12
- 1,10
- 4,10
Evolution de la trajectoire sur la période allant de 2011 à 2013
Source : secrétariat général pour l’administration du ministère de la défense
15
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
4
4
Des succès opérationnels mais
une incapacité à remplir les
objectifs maximums des
contrats opérationnels
De nombreux matériels
de premier rang ont
été livrés entre 2009 et
2011 bien que des
lacunes persistent
Des équipements de premier rang
ont été livrés aux forces entre 2009 et
2011, concrétisant la priorité à l’équipe-
ment des forces qui avait été fixée par la
loi de programmation militaire. Les
deux composantes de la dissuasion
nucléaire ont été modernisées. L’armée
de terre disposait à la fin de l’année 2011
de 5 776 équipements du fantassin
FELIN, de 18 hélicoptères de combat
TIGRE et de 345 véhicules blindés
VBCI. La marine nationale dispose à
présent de deux frégates de défense
aérienne HORIZON, de 33 avions
Rafale et des trois bâtiments de projec-
tion et de commandement BPC. Elle a
passé des commandes fermes pour onze
frégates FREMM et pour trois des six
sous-marins nucléaires d’attaque BAR-
RACUDA prévus. L’armée de l’air a
reçu de 68 avions Rafale avant fin 2011.
Certains retards ou certaines incohé-
rences demeurent cependant. Les capa-
cités de ravitaillement en vol et de trans-
port de l’armée de l’air demeurent insuf-
fisantes du fait du vieillissement de la
flotte résultant du retard pris par le pro-
gramme A400M et par le programme de
ravitailleurs MRTT qui n’a pas été lancé.
La marine nationale ne peut assurer la
permanence à la mer du groupe aérona-
val avec un seul porte-avions et les
retards pris sur le programme FREMM
conduisent à différer l’obtention du for-
mat à 18 frégates à la fin de la décennie
2010. L’armée de terre n’a pas encore
bénéficié du lancement du programme
SCORPION qui doit notamment per-
mettre de renouveler les véhicules blin-
dés VAB qui constituent l’ossature de
ses régiments; ses capacités de frappe
dans la profondeur n’ont pas été renfor-
cées. Enfin, la priorité donnée à l’espace
ne s’est pas traduite par le doublement
des crédits qui était initialement envi-
sagé.
16
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Les armées sont
intervenues de façon
décisive en Côte
d’Ivoire et en Libye
L’année 2011 a montré les capacités
opérationnelles des armées, qui, tout en
maintenant un niveau d’engagements
élevé
sur
plusieurs
théâtres
(Afghanistan, Liban notamment), sont
intervenues de façon décisive avec un
faible préavis en Côte d’Ivoire et en
Libye.
Les dimensions les plus
exigeantes des contrats
opérationnels
conventionnels sont
pourtant hors
d’atteinte
La loi de programmation militaire a
fixé comme objectif à l’armée de terre
de disposer d’une force opérationnelle
de 88 000 hommes capable de mener
avec un préavis de six mois une inter-
vention de 30 000 hommes sur une
année à une distance de 7 000 à 8 000
km, de conduire une opération en appui
aux autorités civiles sur le territoire
national avec 10 000 hommes et de dis-
poser d’une force de réaction de 5 000
hommes capables d’intervenir dans des
délais courts. Il apparaît, que, bien que
ces objectifs aient été réduits en 2008,
l’hypothèse de 30 000 hommes ne pour-
rait être tenue en raison de difficultés
logistiques prévisibles pour soutenir la
force dans la durée.
La marine nationale doit pouvoir
déployer, à une distance de 7 000 à
8 000 km, le groupe aéronaval et enga-
ger un ou deux groupes navals amphibie
ou de protection. Au-delà de la présence
d’un seul porte-avions, la faible disponi-
bilité des sous-marins nucléaires d’at-
taque et le nombre de frégates disponi-
bles empêchent la réalisation de ces
objectifs en permanence.
L’armée de l’air a comme objectif de
déployer 70 avions de combat, de proje-
ter deux bases aériennes et de pouvoir
envoyer en 5 jours une force de 1 500
hommes équipés à une distance de 7 000
à 8 000 km. Les faiblesses relevées dans
le domaine du transport et du ravitaille-
ment en vol ne permettent pas de rem-
plir les dimensions les plus exigeantes
des contrats de projection.
La disponibilité des
matériels et l’entraîne-
ment des forces sont
insuffisants
Les arbitrages effectués ont conduit
trop souvent à sacrifier les dépenses
d’entraînement des forces et de maintien
en condition opérationnelle des maté-
riels. Pour l’entraînement, la situation est
Des succès opérationnels mais une
incapacité à remplir les objectifs maxi-
mums des contrats opérationnels
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Des succès opérationnels mais une
incapacité à remplir les objectifs
maximums des contrats opérationnels
17
particulièrement éloignée de l’objectif
dans l’armée de terre avec 117 jours
d’activité en 2011 et 111 en 2012, quand
la loi de programmation militaire en pré-
voyait 150, même si les unités partant en
opérations bénéficient d’un entraîne-
ment adapté. La situation est aussi cri-
tique pour les pilotes de transport de
l’armée de l’air qui effectuent 287 heures
de vols par an alors que l’objectif est de
400 heures. La Cour relève également
que le niveau de disponibilité est très fai-
ble pour certains matériels de premier
rang : blindés VAB et chars LECLERC
dans l’armée de terre, avions de
patrouille maritime et sous-marins
nucléaires d’attaque dans la marine, héli-
coptères de l’armée de l’air.
19
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
5
5
Des économies possibles,
même sans réduction du
format
Les efforts pour réduire
les coûts doivent être
accentués
Les dépenses de personnel
doivent être réduites,
notamment par un resser-
rement de l’encadrement
supérieur du ministère
Le taux d’encadrement du ministère
de la défense s’est renforcé entre 2008 et
2011, avec une augmentation sur la
période du nombre d’officiers généraux
et d’officiers supérieurs, ainsi que des
personnels civils de catégorie A et A+,
dans un contexte où, par ailleurs, le
ministère a supprimé plus de 29 000
emplois.
La Cour estime qu’il est essentiel
que le ministère de la défense parvienne
à maîtriser sa masse salariale afin de réa-
liser les économies attendues des
réformes. Cela passe par une réduction
volontariste de l’encadrement supérieur
du ministère, notamment dans l’admi-
nistration centrale et les échelons inter-
médiaires, par la poursuite des réformes
afin d’atteindre l’objectif de 54 000 sup-
pressions d’emplois à l’horizon 2015 et
par la revue de certains aspects de la
politique des ressources humaines, dans
le domaine de la formation et des muta-
tions notamment.
Les réformes de rationali-
sation entreprises doivent
être conduites à leur
terme, notamment dans le
domaine des achats
Le ministère de la défense a entre-
pris une politique de revue de l’ensem-
ble de ses processus dans les fonctions
de soutien afin de réduire ses frais de
fonctionnement.
Certaines
de
ces
réformes commencent à porter leur
fruit comme celle du service de santé
des armées, lancée en 2011. Il est donc
important de les mener à terme.
La Cour estime notamment qu’il
existe des possibilités de gains, notam-
ment, dans la fonction « achat », en uti-
lisant pleinement les dispositions per-
mettant au ministère de la défense d’al-
ler enquêter sur les marges des fournis-
seurs pour les marchés non concurren-
tiels. Les travaux sur les processus liés
aux fonctions restauration, habillement
et infrastructure méritent également
d’être approfondis: les possibilités d’ex-
Des économies possibles, même sans
réduction du format
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
20
ternalisation de ces domaines doivent
être étudiées.
La politique immobilière du
ministère doit être revue à
la baisse
Le ministère de la défense a consa-
cré près d’1Md€ en 2011 à sa politique
immobilière, soit une part importante
des investissements. Même si une
grande partie de ces crédits est directe-
ment liée aux infrastructures nécessaires
à l’accueil des nouveaux équipements, il
conviendrait de s’interroger sur la possi-
bilité de faire des économies dans ce
domaine, notamment pour ce qui
touche au logement et à l’hébergement,
ainsi qu’à la rénovation de bâtiments ter-
tiaires.
Les dépenses ayant le
moins de lien avec la capa-
cité opérationnelle des
forces doivent être revues
L’examen des dépenses du ministère
de la défense fait apparaître un certain
nombre de dépenses dont le lien avec la
capacité opérationnelle des forces est
faible et qui pourraient être réduites. Il
s’agit de dépenses liées au paiement d’in-
térêts de retard aux fournisseurs, à la
politique culturelle du ministère, aux
actions de communication, au lien entre
la Nation et son armée et à l’action
sociale et à l’aménagement du territoire.
Au total, ces postes représentent envi-
ron 500 M€ par an.
Les tentatives de
mutualisations euro-
péennes doivent être
poursuivies, mais n’au-
ront des effets qu’à
moyen terme
Même si des mutualisations sont
possibles avec les principaux partenaires
de la France en Europe, notamment
ceux qui consacrent le plus de moyens
financiers à la défense, le Royaume-Uni
et l’Allemagne, il est probable que les
économies éventuelles liées à ces projets
ne se concrétiseront qu’à moyen et long
termes et ne constituent donc pas une
réponse aux enjeux budgétaires à court
terme du ministère de la défense.
Les marges de
manœuvre sur les
équipements sont très
faibles et leur mobili-
sation suppose d’ache-
ver au préalable la
révision du Livre blanc
Les dépenses d’équipement des
forces ont souvent servi de variables
d’ajustement lorsque le ministère de la
défense a été confronté à des difficultés
budgétaires. La Cour estime que le
21
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Des économies possibles, même sans
réduction du format
recours à cette solution coûteuse, aux
niveaux financier et opérationnel, ne
doit se faire, le cas échéant, qu’après
avoir achevé l’exercice de Livre blanc et
de révision de la loi de programmation
militaire, de manière à préserver la cohé-
rence d’ensemble de l’outil militaire.
Sur le plan financier, la Cour a noté
que
les
importantes
négociations
conduites en 2009 ont abouti à la passa-
tion de nombreuses commandes fermes,
contraignant les marges de manoeuvre
de l’Etat, à un fort renchérissement du
coût unitaire des équipements en
contrepartie de la baisse des volumes (la
suppression de deux unités permettant
en moyenne d’économiser moins que le
coût d’une unité) et à la constitution
d’importantes échéances de paiement à
moyen terme, sous l’effet des reports de
livraisons négociés.
La Cour constate également que la
marge de manœuvre pour les nouveaux
investissements est très faible, ainsi que
l’illustre l’échéancier des besoins de
paiement résultant des engagements pris
avant fin 2011.
Echéanciers des paiements liés aux engagements pris avant 2012
Programmes
budgétaires (en
millions d’euros
courants)
Engagements
fermes à fin
2011
Echéancier des paiements
2012
2013
2014
2015
2016
Post
2016
Prog. 146 “équi-
pements des
forces”
37 997
9 815
6 530
5 218
3 995
2 720
9 659
Prog. 178 “pré-
paration et
emploi des
forces”
7 245
3 646
1 685
689
1 042
86
97
Total
45 182
13 461
8 215
5 907
5 037
2 806
9 756
Source : direction des affaires financières du ministère de la défense
Les renégociations des contrats d’ar-
mement pèsent également sur notre
industrie de défense, encore insuffisam-
ment concentrée et insuffisamment per-
formante à l’exportation, ainsi que sur
les bassins d’emplois concernés sur le
territoire national.
22
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Conclusion
M
ême si les trois premières années de la loi de programmation militaire ont per-
mis, jusqu’à la fin de 2011, de presque respecter la trajectoire financière du
Livre blanc de 2008, d’effectuer un effort important en faveur de l’équipement des
forces et de mettre en œuvre des réformes de grande ampleur, le ministère de la défense
se trouve confronté en 2012, à l’approche de la révision de la loi de programmation
militaire, à des défis majeurs liés à la conjonction de la crise des finances publiques en
France et de la forte augmentation des dépenses militaires ailleurs dans le monde.
Si les ambitions budgétaires du Livre blanc ne pouvaient pas être honorées à court
et moyen termes, il est important que les révisions à venir préservent la cohérence capa-
citaire de l’outil militaire, ce qui suppose de prendre quelques mois pour achever le tra-
vail de définition des menaces et des ambitions de la France avant de pouvoir en déduire
les contrats opérationnels et les formats des armées, ainsi que les besoins en termes
d’équipements, de personnels et de budgets qui en découlent.
Afin de ménager le temps nécessaire à cet exercice tout en répondant à court terme
aux besoins d’économies liés à la crise des finances publiques, la Cour recommande
d’examiner sans délai les pistes qu’elle a formulées dans la quatrième partie de ce rap-
port. Le retour au taux d’encadrement de 2008, des économies sur la politique immo-
bilière, la poursuite de la rationalisation des achats notamment dans le domaine du
maintien en condition opérationnelle des matériels, l’approfondissement des rationalisa-
tions du soutien entreprises en 2008 et la révision des dépenses les plus éloignées des
besoins opérationnels devraient pouvoir dégager une marge de manœuvre récurrente
supérieure à 1 Md€ par an.
A contrario, l’ensemble des éléments touchant à l’équipement, à la disponibilité des
matériels et à l’entraînement des forces devrait, autant que possible, être sauvegardé,
avant que ne soit achevé l’exercice de révision du Livre blanc et de la loi de program-
mation militaire. Si cette révision devait conduire à de nouvelles réductions de volumes
pour les grands équipements déjà commandés, les pistes alternatives aux révisions des
contrats, toujours très coûteuses financièrement, devraient être explorées : il s’agit
notamment de la revente par l’Etat des matériels en surplus pour les contrats en cours
et du recours à des « achats sur étagères » pour les équipements dont les contrats ne sont
pas conclus et qui concernent des domaines ne concourant pas directement à l’autono-
mie stratégique de la France.
23
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Recommandations
La Cour formule un ensemble de
recommandations détaillées à la fin de
chaque chapitre du rapport :
1. mettre à jour le plus rapidement
possible le Livre blanc de 2008, afin de
réévaluer la nature et le niveau des
menaces et des ambitions pour la
France, et d’en déduire un format pour
les armées et leurs moyens matériels et
humains dans le cadre d’un processus
itératif avec les données budgétaires ;
2. simultanément, préparer dès
l’été 2012 des simulations physico-
financières permettant aux décideurs
d’apprécier globalement le niveau de
ressources à allouer à la défense, en
fonction de différents niveaux d’ambi-
tion et des contraintes des finances
publiques;
3. adopter des hypothèses réalistes
et prudentes dans la construction bud-
gétaire en évitant le recours à des res-
sources hypothétiques, dont la réalisa-
tion ne dépend pas du seul ministère
de la défense ;
4. concentrer les moyens budgé-
taires sur les capacités opérationnelles
de l’outil de défense en adéquation
avec les priorités que devra dégager le
nouveau Livre blanc et en préservant
au maximum l’équipement des forces,
la disponibilité des matériels et l’entraî-
nement ;
5. si le volume d’équipements des
armées devait in fine être réduit, étu-
dier les solutions alternatives aux rené-
gociations des contrats, telles que la
revente à l’exportation des matériels
excédentaires. Pour les nouveaux pro-
grammes, privilégier les achats sur éta-
gère pour les équipements ne touchant
pas l’indépendance stratégique de la
France ;
6. accepter dans l’intervalle un
budget d’attente qui comportera déjà
des économies immédiates, notam-
ment sur les dépenses de personnel, les
dépenses immobilières et les dépenses
ayant le moins de lien avec l’opération-
nel ;
7. aider au reclassement des per-
sonnels du ministère et “dépyramider”
la structure en réduisant fortement, au
moyen d’arrêté de contingentement
pluriannuels, le nombre d’officiers
généraux et d’officiers supérieurs, ainsi
que le nombre de cadres civils de caté-
gorie A et A+ ;
8. améliorer les méthodes d’achats,
notamment dans le domaine de la
maintenance, en s’appuyant sur les
études d’analyse de marges des princi-
paux fournisseurs et explorer les possi-
bilités d’externalisation, en particulier
pour la restauration et l’habillement ;
9. réaliser un bilan de l’activité du
service d’infrastructure de la défense
(SID), afin d’étudier sa réorientation
vers un rôle de maîtrise d’ouvrage et
vers les savoir-faire liés aux infrastruc-
tures de la défense.
24
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Annexes : économies possibles
Mesures
Calendrier
Occurrence
Chiffrage
Réduction des dépenses de
personnel :
- réduction du taux d’enca-
drement supérieur civil et
militaire
- maintien de l’objectif de
54 000 réductions d’emplois
- réduction des dépenses de
formation
- réduction de la mobilité
-suppression des niches fis-
cales
Court terme
Economies récur-
rentes chaque
année
Environ
300 M€
Réduction des dépenses
d’investissements en immo-
bilier et infrastructure
- réduction des investisse-
ments les moins liés aux
besoins opérationnels
Court terme
Economies récur-
rentes chaque
année
Environ
200 M€
Poursuite de la rationalisa-
tion
- révision des méthodes
d’achat pour acheter au meil-
leur prix
- réexamen des fonctions
habillement et restauration
- bilan de l’activité du service
d’infrastructure de la défense
- poursuite du plan de
réforme du service de santé.
Moyen et long
terme
Economies récur-
rentes chaque
année
Non chif-
fré mais
potentiel
élevé
supérieur
à 350 M€
Mesures ayant un faible impact sur la capacité opérationnelle des
forces, proposées par la Cour dans la quatrième partie du rapport.
25
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Annexes : économies possibles
Mesures
Calendrier
Occurrence
Chiffrage
Réduction des dépenses
ayant le moins de lien avec
l’opérationnel :
- intérêts moratoires
- politique culturelle
- action sociale
- enveloppe du FRED
- lien Armée Nation
- communication
Court et long terme
Economies récur-
rentes chaque
année
Environ
150 M€
Mutualisation dans le cadre
de la coopération euro-
péenne :
- partage de capacités
- programmes d’armement
Long terme
Economies non
récurrentes
Non chif-
fré car
incertain
Mesures
Calendrier
Occurrence
Chiffrage
Renégociation des pro-
grammes d’armement
- réduction des volumes
- étalement des livraisons
- annulation de programmes
Très long terme,
sauf à obtenir une
révision coûteuse
des échéanciers
pour obtenir des
effets à court terme
Economies non
récurrentes
Non chif-
fré, risque
de sur-
coûts éle-
vés et de
report de
dépenses
Réduction du format en lien
avec les réductions de pro-
grammes d’armement
- diminution des effectifs
- diminution des coûts de
fonctionnement
Moyen et long
terme
Economies récur-
rentes
Non chif-
fré
Mesures ayant un fort impact sur la capacité opérationnelle des forces,
déconseillées par la Cour, tant que les processus de révision du Livre blanc et
de la loi de programmation militaire n’auront pas été terminés.