COUR DES COMPTES
_____
Observations de la Cour des comptes
sur les comptes d’emploi pour 1994 à 1996
des fonds SIDACTION
(Articles L. 111-8 et L. 135-2 du code des juridictions financières)
_______
Le présent fascicule contient les observations arrêtées par la Cour des comptes, en application
de l’article L. 111-8 du code des juridictions financières, sur les comptes d’emploi pour 1994 à
1996 des fonds SIDACTION collectés auprès du public et les réponses que les présidents de
l’association Ensemble contre le Sida et de la Fondation pour la recherche médicale lui ont fait
parvenir au nom du conseil d’administration de celles-ci, conformément à l’article L. 135-2 du
code.
DECEMBRE 2000
TABLE DES MATIÈRES
Chapitre I .-
LA PRÉSENTATION DES COMPTES D’EMPLOI
DES FONDS SIDACTION
14
1 L'organisation de la collecte et de la répartition des fonds
15
I.
–
Le rôle de l'association Ensemble contre le sida
16
II.
–
Le rôle de la Fondation de France
21
III.
–
Le rôle de la Fondation pour la recherche médicale
28
2 Les comptes d'emploi des fonds SIDACTION
38
I.
–
Les comptes des fonds Sidaction présentés par la
Fondation de France
39
II.
–
Les états financiers présentés par ECS
49
III.
–
Les incidences des pratiques de la Fondation pour la
recherche médicale sur le compte d'emploi
53
3 Analyse des coûts d'appel à la générosité publique
56
I.
–
Les frais de traitement des dons
57
II.
–
Les frais de campagne publicitaire
58
III.
–
Les frais de compte rendu aux donateurs
60
4 Le coût de fonctionnement
62
I.
–
Les frais exposés par la FRM
62
II.
–
Les coûts de fonctionnement de l’association ECS
65
Chapitre II LE FINANCEMENT D’ACTIONS DE RECHERCHE
68
1 Les bourses et les subventions de recherche
69
I.
–
Les appels d'offres
69
II.
–
Les subventions
75
III.
–
Les bourses de recherche
80
2 Le Centre intégré de recherches biocliniques sur le sida
84
I.
–
L’affectation de 25 millions de francs au projet
84
II.
–
La construction du Centre intégré de recherches
biocliniques sur le sida
87
III.
–
Les perspectives du CIRBS
90
3 L'apport du Sidaction au financement de la recherche sur le sida
93
Chapitre III LES FINANCEMENTS D’ACTIONS ASSOCIATIVES
95
1 Analyse d'ensemble des financements d’actions associatives
95
I.
–
Évolution des financements
95
II.
–
La sélection des dossiers et l'organisation des appels
d'offres
102
III.
–
Les procédures de contrôle mises en place
106
2 Les différents appels d’offres
110
I.
–
L’appel d’offres n° 1, tranche A : fondateurs et
partenaires
110
II.
–
L’appel d’offres n° 2, tranche B : poursuite et
amélioration d’actions
111
III.
–
Les appels d'offres n° 3, tranche C1, et n° 4, tranche
C2 : projets nouveaux
112
IV.
–
L’appel d'offres « étranger » de 1995
112
V.
–
L’appel d’offres n° 5 : pourtour méditerranéen et
DOM/TOM
113
VI.
–
Le fonds d’urgence associatif
113
3 La coordination avec les intervenants publics
114
I.
–
Les relations avec la division Sida de la direction générale
de la Santé
114
II.
–
Les relations avec les directions départementales des
affaires sanitaires et sociales
115
4 Étude particulière de quelques actions associatives
117
I.
–
Un projet pilote de réduction des risques pour les usagers
de drogues par voie intraveineuse
117
II.
–
Une structure familiale d’accueil
118
III.
–
Une structure atypique pour l’accueil des populations
marginalisées
120
IV.
–
Association de recherche, de communication et d'action
pour le traitement du sida (ARCAT-sida)
121
V.
–
Les Amis du Bus des femmes
124
La loi du 7 août 1991, complétée par la loi du 24 juin 1996, a
donné compétence à la Cour des comptes pour contrôler le compte
d’emploi des ressources collectées par les organismes faisant appel à
la générosité publique, dans le cadre de campagnes menées à
l’échelon national.
Le décret du 17 septembre 1992 a fixé les conditions d’exercice
de cette mission nouvelle qui porte sur la conformité des dépenses
engagées par les organismes aux objectifs poursuivis par l’appel à la
générosité publique.
Au terme d’une procédure contradictoire, qui met les
responsables des organismes en mesure de faire connaître toutes
indications et explications sur les constatations faites au cours de
l’instruction et qui leur ouvre la possibilité d’être entendus avant que
la juridiction ne délibère, la Cour arrête, de manière collégiale, ses
observations sur le compte d’emploi et sur les opérations qu’il
retrace.
Elle les adresse aux présidents des organismes, qui sont alors
tenus de les communiquer au conseil d’administration et à
l’assemblée générale.
En application de l’article 120 de la loi du 4 février 1995, les
ministres concernés par les objectifs poursuivis par l’appel à la
générosité publique, ainsi que les présidents des commissions des
finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, sont également
destinataires, pour information, des observations de la Cour.
Ces dispositions ont été reprises aux articles L. 111-8 et
L. 135-2 du code des juridictions financières.
La Cour peut décider la publication au Journal officiel de ses
observations, suivies des réponses de l’organisme.
INTRODUCTION
La Cour a procédé au contrôle des comptes d'emploi des fonds
recueillis
auprès
du
public
dans
le
cadre
des
opérations
"SIDACTION" pour les années 1994, 1995 et 1996, sur le fondement
de l'article L. 111-8 du code des juridictions financières. Le Sidaction
est mis en oeuvre par l’association Ensemble Contre le SIDA (ECS),
créée en février 1994 pour "garantir la transparence et la fiabilité
requises pour la centralisation, la répartition et l’utilisation des fonds
collectés auprès du public" en réunissant des "personnes physiques et
morales représentatives de la lutte contre le sida, dans le domaine de
la recherche, d’une part, des activités d’entraide ou de soutien aux
personnes atteintes par l’infection VIH et/ou à leurs proches d’autre
part".
A - CADRE ET DEROULEMENT DU CONTROLE
Les opérations « SIDACTION » qui se sont tenues en 1994,
1995 et 1996 n'ont pas donné lieu à la déclaration préalable que la loi
du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des
associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des
organismes faisant appel à la générosité publique impose de faire aux
organismes qui souhaitent faire un tel appel dans le cadre d'une
campagne nationale. L’association Ensemble contre le sida a, en
revanche, souscrit une déclaration en 1997 pour ses propres
campagnes de collecte.
L’absence de déclaration ne fait pas obstacle au contrôle de la
Cour, dès lors que la juridiction a vérifié que les appels à la générosité
publique entrent dans le champ d'application de la loi et constituent
des campagnes nationales. Dans le cas des SIDACTION 1994 et 1996,
qui étaient des émissions de plusieurs heures diffusées simultanément
par toutes les chaînes hertziennes de télévision, le caractère de
campagne nationale est indiscutable. Il en va de même pour le
Sidaction 1995, même si les formes revêtues par l'appel ont été plus
légères. En ce qui concerne l'objet des campagnes, la lutte contre le
sida entre dans les causes sociales et scientifiques prévues par la loi.
Chaque année, l'association Ensemble contre le sida a d'ailleurs
FONDS SIDACTION
7
adressé spontanément à la Cour un compte rendu d'activité et un
compte d'emploi des sommes recueillies.
Le contrôle a été notifié au président de l'association Ensemble
contre le sida par une lettre du Premier Président datée du 29 octobre
1997. Mais le mécanisme de gestion des fonds Sidaction examinés est
complexe et repose sur plusieurs intervenants : ECS est responsable de
l'utilisation des sommes collectées mais ne manie pas les fonds ; la
gestion financière et comptable est assurée par la Fondation de France,
qui gère les fonds Sidaction et qui en retrace les écritures dans des
comptes distincts de ses propres comptes ; les actions menées en
faveur de la recherche médicale font l'objet de versements de la
Fondation de France à la Fondation à la Recherche Médicale (FRM),
qui est chargée d'assurer les règlements au profit des bénéficiaires
finals
1
.
Le contrôle de l'emploi des fonds Sidaction supposait donc que
les contrôles fussent poursuivis auprès de la Fondation de France et de
la Fondation pour la recherche médicale, dont les présidents ont été
avisés de l'objet de la démarche et de son cadre
2
.
La lettre de notification visait les comptes d'emploi pour les
exercices 1994 à 1996, et c'est sur ces exercices qu'a porté le contrôle.
Cependant, dans toute la mesure du possible, les données ont été
actualisées au vu des résultats 1997. En outre, les développements
intervenus en 1997 et 1998 et signalés par l'association sur des
dossiers ouverts pendant les années sous revue ont été intégrés au
rapport.
En application de l’article 10 de la loi n° 96-559 du 14 juin
1996, le contrôle de la Cour peut désormais comporter des
vérifications auprès d'organismes qui reçoivent, de la part des entités
faisant appel à la générosité publique, des ressources collectées dans
le cadre des campagnes nationales d'appel. Il a été fait usage de cette
1
La Fondation de France et la Fondation pour la recherche médicale, partenaires
d’ECS dans ces opérations, sont toutes les deux membres fondateurs du Comité de la
charte de déontologie des organisations sociales et humanitaires faisant appel à la
générosité du public.
2
La FRM a été contrôlée par l’Inspection générale des affaires sociales en application
de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social
et sanitaire (article 42-II) ; le rapport de l’IGAS a été publié en mars 2000.
8
COUR DES COMPTES
disposition auprès d'ARCAT-sida
3
et du "Bus des Femmes" pour les
actions associatives, et du Centre Intégré de Recherches Biocliniques
sur le Sida (CIRBS) en ce qui concerne les actions scientifiques.
La Cour a remis au président d’ECS le relevé de constatations
provisoires résultant de l’instruction, accompagné d’un questionnaire.
Après réception des réponses au questionnaire et des observations sur
le relevé, le président d'Ensemble contre le sida a été entendu à sa
demande le 7 juin 1999. Certaines constatations concernaient non
seulement ECS, mais aussi des personnalités et organismes tiers en
relation avec l’association. Elles leur ont été communiquées, ce qui
leur a permis de faire connaître leurs observations. Le président de la
Fondation pour la recherche médicale a lui aussi été entendu, à sa
demande, accompagné du président du comité scientifique sida, le
2 juin 1999. Enfin, le président de l'association Entraide et assistance
au centre Luc Montagnier/Saint-Joseph a également souhaité être
entendu ; l’audition a eu lieu le 12 juillet 1999.
Au terme de la procédure, la Cour, cinquième chambre, a arrêté
les présentes observations, qui ont été adressées au président d’ECS,
ainsi qu’aux présidents de la Fondation de France et de la Fondation
pour la recherche médicale, et communiquées aux ministres concernés
par l’appel d’ECS à la générosité publique, ainsi qu’aux présidents des
commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les
réponses d’Ensemble contre le sida et de la Fondation pour la
recherche médicale sont jointes ; la Fondation de France a fait
connaître que le document de la Cour n’appelait aucune remarque de
sa part.
B - SYNTHESE DES OBSERVATIONS DE LA COUR
La présentation des comptes d’emploi des fonds Sidaction
L’émission "Tous contre le sida" du 7 avril 1994 a permis de
collecter 298 MF provenant de 1 423 000 donateurs. Les émissions
1995 et 1996 ont rencontré une moindre audience. L’initiative des
SIDACTION revient très largement aux chaînes de télévision, qui ont
supporté la plus grande partie des frais.
L’association « Ensemble contre le sida » a été créée en février
1994 pour organiser la répartition des fonds collectés. L’objectif
annoncé aux donateurs était la répartition des fonds par moitié entre la
3
Association de recherche, de communication et d’action pour le traitement du sida
et des pathologies associées.
FONDS SIDACTION
9
recherche scientifique et les associations intervenant pour aider les
malades et leurs familles.
a) Pour chaque Sidaction, une convention a confié à la
Fondation de France le soin de recevoir les fonds collectés et
d’effectuer
les
paiements,
le
conseil
d’administration
d’ECS
demeurant le seul maître des décisions de financement.
La Fondation de France a établi chaque année un compte
d’emploi certifié par son commissaire aux comptes. ECS, pour sa part,
a publié des rapports d’activité destinés au grand public. Des
divergences de présentation entre ces documents ont été constatées, en
particulier en ce qui concerne le poids des frais de collecte et de
gestion et la notion d'engagement. Pour les comptes 1996, ECS s’est
rallié à la présentation de la Fondation de France. Ces divergences ont
constitué un facteur d’opacité.
Les comptes du Sidaction 1994 ont été clôturés en 1997 ; il en
ressort que 96,9
% des recettes collectées auprès du public, hors
produits financiers, ont été affectées aux missions sociales ou
opérationnelles. Toutefois, la situation au 31 décembre 1997 des trois
fonds fait apparaître que les frais d’appel à la générosité publique sont
passés de 5,1 % des ressources globales, hors produits financiers, pour
le Sidaction 1994, à 6,9 % pour le Sidaction 1995 et à 10,8 % pour le
Sidaction 1996.
Les frais de fonctionnement ont correspondu de même à 4,8 %
des dons pour le Sidaction 1994, 9,7 % pour le Sidaction 1995 et
3,1 % pour le Sidaction 1996, alors que les sommes recueillies
n'étaient qu’en partie dépensées.
b) Bien que la Fondation pour la recherche médicale (FRM) ait
été membre fondateur et membre du conseil d'administration d'ECS,
ces deux organismes ne sont pas parvenus à conclure une convention
réglant leurs responsabilités et leurs obligations respectives pour la
gestion des fonds ainsi affectés à la recherche.
Les actions menées en faveur de la recherche médicale
a) La FRM, qui faisait apport à cette opération de sa notoriété, a
été investie non seulement de la gestion scientifique mais également
de
la gestion administrative et financière des fonds Sidaction dédiés à
la recherche.
Deux cycles de négociations sur une convention réglant les
relations des deux organismes ont échoué. Ce vide juridique, conjugué
10
COUR DES COMPTES
aux approximations de la gestion de la FRM, n'a pas été sans
inconvénients au regard du compte d'emploi Sidaction. La FRM a
ainsi effectué en 1996, en l'absence de toute décision du conseil
d'administration d'ECS et de tout virement préalable de la Fondation
de France, un virement de 5 MF au profit du centre créé dans les
locaux de l'hôpital Saint-Joseph à Paris par le professeur Luc
Montagnier.
À partir de 1997 une clarification a été recherchée. En
application d’un accord de coopération du 6 avril 1999, ECS a repris
la totalité de la gestion administrative et du suivi des appels d'offres
scientifiques ; l'organisation du comité scientifique et médical SIDA
chargé de donner un avis sur les actions menées en faveur de la
recherche médicale demeure seule à la charge de la FRM.
b) Après des débuts difficiles, le comité scientifique et médical
sida a défini une politique de complémentarité avec l'Agence nationale
de recherche sur le sida (ANRS), notamment en matière de dépenses
de personnel. 113,2 MF ont ainsi été distribués de 1994 à 1996, lors
des six premiers appels d'offres, 71 % sous forme de subventions et
29 % sous forme de bourses. Sur les 334 subventions de recherche
accordées
après
une
procédure
de
sélection
des
dossiers,
160 relevaient de la recherche fondamentale, 137 de la recherche
clinique et épidémiologique et 37 des sciences sociales.
Examinant la gestion administrative et financière par la FRM
des financements alloués, la Cour a relevé une instruction financière
insuffisante
des
dossiers,
l'absence
de
conventions
avec
les
organismes attributaires précisant l'objet des subventions, leur
ventilation entre dépenses d'investissement, de fonctionnement et de
personnel ainsi que la durée d'utilisation des fonds, un manque de
vigilance dans le maniement des fonds en plusieurs circonstances, le
caractère sommaire enfin du contrôle par la FRM de leur utilisation.
L'allocation de bourses de recherche post-doctorales répondait
incontestablement à un besoin au regard de l'insuffisance du
financement public de l'aide aux jeunes chercheurs. Les difficultés
liées à la gestion de ces bourses ont toutefois conduit à soumettre
rétroactivement 3,9 MF de modifications d'engagements au conseil
d'administration d'ECS et à altérer les comptes d'emploi du Sidaction.
c) La réalisation du projet de centre de recherche intégré du
professeur Luc Montagnier figurait dans les objectifs initiaux du
Sidaction de 1994. Le comité scientifique et médical sida n'a pas
FONDS SIDACTION
11
explicitement formulé d'avis scientifique sur ce projet mais il en a
proposé le financement au conseil d'administration. ECS a consacré 25
MF au Centre intégré de recherches biocliniques sur le sida (CIRBS),
à savoir 15 MF pour l'aménagement des locaux de l'ancienne
blanchisserie de l'hôpital Saint-Joseph, 5 MF pour le fonctionnement
de la première année et 5 MF pour les salaires de la deuxième année.
Le centre a d'emblée été placé dans une situation financière et
juridique confuse. Il n'avait pas d'existence juridique, la partie clinique
de son activité relevant de l'hôpital Saint-Joseph alors que la partie
recherche relevait d'une association "Entraide et assistance au centre
Luc Montagnier / Saint-Joseph".
Ainsi mis en place sur financements précaires, le centre a été
inauguré le 22 février 1996 mais l'association Entraide et assistance au
centre Luc Montagnier / Saint-Joseph a dû déposer son bilan le 12 mai
1999. Le 12 mai 2000, le tribunal de grande instance de Paris a
finalement prononcé la liquidation judiciaire de l'association.
d) Bien que la recherche sur le sida bénéficie des financements
publics alloués par l'ANRS, la souplesse du financement privé ouvrait
une large perspective d'utilisation aux fonds Sidaction, en raison
notamment de la rigidité de l'emploi scientifique public. Le comité
scientifique et médical sida a, en outre, financé des travaux originaux
qui ont été ensuite pris en charge par l'ANRS.
Les aides accordées aux actions associatives
Il est revenu à l'association ECS, dès le lendemain du premier
Sidaction, de définir et de mettre en oeuvre des règles de sélection
applicables aux nombreux projets proposés par des associations
souvent petites et fragiles intervenant en ce domaine. Elle a su
contenir les risques les plus graves liés à cet afflux initial.
Au cours des cinq premières tranches de financement, ECS a
soutenu, avant toute reconduction, 541 projets de montants très
variables, représentant un total d’engagements de 120,1 MF.
a) Sauf pour la première tranche, attribuée aux seules
associations partenaires, ECS a utilisé la procédure de l’appel d’offres.
L’instruction des dossiers a été confiée à un comité associatif sida, au
sein duquel étaient choisis des experts rapporteurs, et à un bureau
associatif. La décision finale appartient au conseil d’administration
d’ECS. Cette procédure a fonctionné de manière satisfaisante, compte
tenu de l’afflux des dossiers - pour la tranche B, 71 dossiers retenus
12
COUR DES COMPTES
seulement sur 237 reçus -. Elle a été présentée, dans les documents
publiés par ECS, comme un des éléments de la transparence
d’ensemble du système. La Cour a cependant relevé que quelques
dossiers avaient été traités « hors procédure ».
À l’occasion des opérations de reconduction à la fin de 1996,
ECS a opportunément défini des modalités de contrôle permettant de
vérifier la manière dont les crédits ont été utilisés. L’association a
notamment chargé un cabinet d’audit de procéder, chaque année, à des
contrôles approfondis pour quelques associations. Ils ont mis à jour
des dysfonctionnements graves qui ont progressivement conduit ECS
à prendre des mesures pouvant aller jusqu’au remboursement intégral
des sommes non utilisées ou mal utilisées.
L'examen des dossiers fait apparaître que ECS a parfois accordé
des subventions à des associations fragiles sans s’entourer de garanties
suffisantes quant à la valeur des dirigeants et à la pertinence des
objectifs poursuivis par rapport à l’infection VIH, et sans s’assurer
non plus de la réalité des cofinancements annoncés.
b) Les relations avec les instances
publiques en charge du
domaine d’activité (direction générale de la santé au niveau central,
directions départementales des affaires sanitaires et sociales au niveau
local) ont été très limitées, sauf pour certains dossiers cofinancés.
Même si, s’agissant de fonds d’origine privée, une concertation avec
les financeurs publics n’était pas obligatoire, une coordination avec les
autres
intervenants
aurait
pu
permettre
d’éviter
des
dysfonctionnements dans divers cas.
c) La liberté d’action dont elle disposait a, il est vrai, permis à
ECS de soutenir des projets innovants qui n’entraient pas dans le
cadre des financements publics. Faute d'une préparation suffisante, les
résultats n’ont cependant pas toujours été à la mesure de l’effort
financier consenti. Il en a notamment été ainsi pour le financement
accordé à la création très controversée d’une salle d’injection de
produits de substitution aux drogues à Montpellier ou pour le soutien
apporté à un projet d’hébergement de personnes atteintes par le VIH
dans une famille d’accueil de l’Eure qui n’avait pas été agréée à cet
effet par les autorités sanitaires et sociales.
Membre
fondateur
d’ECS,
l’association
ARCAT-sida
a
bénéficié à ce titre de plus de 10 MF en provenance du Sidaction. En
dépit de ces financements, l’association affichait des résultats
déficitaires en 1995 et sa situation s’est aggravée en 1996. Un audit
FONDS SIDACTION
13
ayant fait apparaître qu’une partie des projets soutenus n’avaient pas
été réalisés, ECS lui a demandé le remboursement des sommes non
utilisées conformément à l’objet des subventions, soit 1,67 MF.
Déjà financée par la DDASS de Paris et d’autres financeurs
publics, l’association "Les Amis du Bus des Femmes", créée pour
faire de l’assistance et de la prévention au profit des femmes les plus
exposées, a bénéficié pour la période 1994 à 1997 de 1,44 MF en
provenance d’ECS. Une partie de ces financements était destinée à lui
permettre de se doter d’outils de gestion. Cette association a
néanmoins connu de grandes difficultés de gestion, et trois conseils
d’administration se sont succédé à sa tête en quatre ans. ECS a
finalement décidé de subordonner dorénavant ses financements à des
conditions strictes.
Pour conclure, l’évolution même des modalités de la lutte
contre le sida rend nécessaire que l’association poursuive ses efforts
pour améliorer ses procédures de gestion administrative et financière
des aides. Elle doit s’assurer que les concours à la recherche font
l'objet de la même vigilance que les financements d’actions
associatives, tout en facilitant, par leur souplesse d’utilisation, la tâche
des équipes de recherche. Il lui revient aussi de veiller à ce que
l'important investissement consenti grâce à la générosité publique pour
la création du CIRBS continue de bénéficier à la recherche contre le
sida. Elle doit enfin s'attacher à ce que ses partenaires associatifs
trouvent les modes de fonctionnement leur permettant de porter et de
conduire durablement les projets auxquels elle décide d’affecter les
ressources collectées auprès du public.
14
COUR DES COMPTES
Chapitre I
.-
LA PRÉSENTATION DES COMPTES
D’EMPLOI DES FONDS SIDACTION
FONDS SIDACTION
15
1
L'organisation de la collecte et de la
répartition des fonds
Depuis la création d'Ensemble contre le sida ont eu lieu quatre
SIDACTION télévisés, dont deux, ceux de 1994 et de 1996, ont pris la
forme d'une émission commune à toutes les chaînes de télévision.
a) Le SIDACTION 1994
La première émission, intitulée "Tous contre le sida", a duré
près de six heures le 7 avril 1994. M
me
Line Renaud, présidente de
l’Association des Artistes Contre le Sida (AACS), a présenté
Ensemble contre le sida et annoncé la répartition des dons en 50 %
pour les associations d'aide aux malades et 50 % pour la recherche
médicale. Le professeur Luc Montagnier est intervenu pour évoquer la
nécessité de trouver des "méthodes de court-circuit des délais entre la
recherche fondamentale et les essais thérapeutiques par la création de
centres pilotes".
L'émission a rassemblé plus de 33 millions de téléspectateurs et
permis une collecte d'une ampleur inattendue : 298,74 MF ont été
recueillis, fruits de 1 422 956 dons. Le don moyen s'est établi à
209,95 F.
La moitié des dons provenaient de trois régions, qui figurent
parmi les régions les plus touchées par le VIH : 30,8 % de la région
Ile-de-France, 9,9 % de la région Rhône-Alpes et 9,1 % de la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le don moyen francilien s'est établi à
259 F, contre 201 F en Rhône-Alpes et 197 F en Provence-Alpes-Côte
d'Azur.
b) Le SIDACTION 1995
En 1995, il n'y a pas eu une émission unique, mais une série
d'émissions durant la première semaine d'avril. Cette "semaine
Sidaction" a permis de recueillir 39,97 MF.
c) Le SIDACTION 1996
En 1996, il y a eu de nouveau, le 6 juin, une émission unique
sur toutes les chaînes nationales de télévision. Elle a été marquée
16
COUR DES COMPTES
notamment par la prise à partie du ministre de la culture par le
président d'une association. Les résultats du Sidaction ont été jugés
décevants, puisqu'il n'a permis de collecter que 65,23 MF, provenant
de 290 356 dons. Par rapport à 1994, si le montant moyen des dons
atteignait 225 F, le produit de la collecte était divisé par 5, tout comme
le nombre des donateurs. 52 % des donateurs de 1996 étaient de
nouveaux donateurs ; 43,5 % avaient déjà donné en 1994 et 13 % ont
donné lors des trois SIDACTION.
De nouveau, les trois régions les plus généreuses ont été l'Ile-
de-France (32,8 % dont 28 % pour la seule ville de Paris), Provence-
Alpes-Côte d'Azur (9,6 %) et Rhône-Alpes (9,4 %).
En 1997, il n'y a pas eu de Sidaction télévisé.
d) Le SIDACTION 1998
Le Sidaction de 1998 s'est, lui, soldé par un échec. Il a eu lieu le
23 avril, prenant la forme de cinq heures de programmation sur les
seules chaînes publiques. L'émission n'a été regardée que par un peu
moins de deux millions de téléspectateurs. Au 30 octobre 1998,
6,5 MF avaient été collectés.
À partir de 1997, la convention avec la Fondation de France
ayant été dénoncée, l’association Ensemble contre le sida a été
habilitée à mener ses propres campagnes de collecte.
I.
–
Le rôle de l'association Ensemble contre le sida
Ce sont les chaînes de télévision qui ont eu l'initiative du
premier Sidaction en 1994. A leurs côtés, quelques personnalités et
quelques associations ont joué un rôle prépondérant. Elles ont créé
une structure chargée de veiller à l'utilisation des fonds recueillis.
Telle est l'origine de l'association "Ensemble Contre le SIDA", qui
rassemble des personnes et organismes oeuvrant dans le domaine de la
lutte contre le sida, à qui était reconnue une légitimité pour utiliser les
fonds que le Sidaction permettrait de collecter.
Le succès du premier Sidaction a complètement modifié ce
paysage. Il est rapidement apparu que les huit fondateurs ne pouvaient
s'approprier une collecte de près de 300 MF, et qu'ils seraient conduits
à en répartir la plus grande partie entre un grand nombre de
bénéficiaires extérieurs. Certains n'ont pas spontanément adhéré à
cette nouvelle logique et ont difficilement admis que la règle posée
FONDS SIDACTION
17
lorsque l'on espérait 100 MF fût modifiée dès lors que l'on disposait
d'une somme trois fois supérieure.
ECS est devenu un organisme répartiteur, responsable de la
définition des règles qui devaient présider à cette répartition ainsi que
de leur respect. En effet, la seule règle posée au moment du Sidaction
était l'attribution de 50 % des fonds à la recherche médicale et de 50 %
à des associations intervenant dans la lutte contre le sida.
Ensemble contre le sida se trouve en position d'apprécier les
demandes de financement présentées et de se prononcer en dernier
ressort après avis d'instances spécialement mises en place. Ce pouvoir,
détenu par un nombre restreint de personnes, a suscité certaines
critiques au sein du milieu associatif, dans la mesure où les organes
dirigeants de l'association sont toujours entre les mains des fondateurs
originels, ou de personnes choisies par eux, qui n’étaient pas, à
l'origine, destinés à jouer le rôle qu'ils ont dû assumer.
A.
–
Les statuts de 1994 et la notion de membres
fondateurs
L'association a été constituée en février 1994 par huit membres
fondateurs, quatre issus du milieu associatif et quatre du milieu de la
recherche médicale.
a) Les statuts de février 1994 précisaient que l'objet de
l'association était la réunion de personnes physiques ou morales
représentatives de la lutte contre le sida, dans le domaine de la
recherche et de la prévention d'une part, de l'entraide et du soutien aux
personnes atteintes par l'infection VIH ou à leurs proches d'autre part.
L'association devait garantir la transparence et la fiabilité requises
pour la centralisation, la répartition et l'utilisation des fonds collectés
auprès du public.
L'adhésion de nouveaux membres devait se faire à l'unanimité
de l'assemblée générale ordinaire. Le conseil d'administration pouvait
comporter des personnalités extérieures, cooptées à l'unanimité. Il
disposait des pouvoirs les plus étendus.
Les fonds collectés devaient être répartis à raison de 50 % en
faveur de la recherche et de 50 % en faveur des actions de prévention
ou d'entraide. La totalité des fonds destinés à la recherche devait être
versée à la Fondation mondiale pour la recherche et la prévention du
sida (FMRPS), sise à Fribourg (Suisse) et présidée par le professeur
18
COUR DES COMPTES
Luc Montagnier. La moitié devait servir à financer les travaux de
recherche de la Fondation, et en particulier un centre à créer à
l’hôpital Saint-Joseph à Paris ; l'autre moitié devait être affectée à des
projets
développés
totalement
ou
partiellement
par
d'autres
organismes, dont les dossiers seraient instruits par un comité
scientifique
ad hoc
; les décisions seraient prises collégialement par
les quatre membres fondateurs du secteur recherche.
20 % des sommes destinées à des actions d'entraide devaient
aller à un fonds commun destiné à financer des projets qui seraient
instruits par un comité associatif
ad hoc
, la décision étant prise
collégialement par les quatre membres associatifs d’ECS ; les 80 %
restants iraient à des associations désignées par le règlement intérieur,
qui ont été ensuite appelées les "associations partenaires". Les statuts
établissaient donc une prééminence des associations fondatrices.
b) Ils
ont
été
modifiés
par
une
assemblée
générale
extraordinaire du 6 avril 1994, à la veille du premier SIDACTION.
Pour permettre une répartition plus large des fonds, il a été prévu que
les 50 % destinés à la recherche seraient affectés par le conseil
d'administration sur proposition de la Fondation pour la recherche
médicale (FRM), et après avis d'un conseil scientifique SIDA, avis qui
devait porter également sur le projet de centre à l’hôpital Saint-Joseph,
et que les 50 % destinés aux actions associatives seraient affectés pour
partie à l'Association des artistes contre le sida (AACS) en vue de
financer des projets autres que ceux émanant des fondateurs et des
partenaires, un règlement intérieur devant préciser le détail de ces
répartitions.
L'article 10 du règlement intérieur adopté le 26 mai 1994
précisait que 80 % des ressources nettes destinées aux associations
seraient réparties entre les associations fondatrices, à l'exception
d'AACS, et les associations partenaires, et que les 20 % restants
seraient affectées à un fonds commun, à charge pour l'AACS de les
recevoir et de les affecter aux associations agréées. La règle de
répartition 80/20 devait s'appliquer dans la limite d'un plafond fixé
chaque année par le conseil d'administration. Le premier plafond a été
fixé à 60 MF. Dès cette date, ECS cessait d'être un organisme
autorépartiteur et devenait un organisme redistributeur de crédits.
L'organisation décrite conduisait à une hiérarchisation des
membres : regroupés au sein du bureau associatif, les membres
fondateurs fixaient, par délégation du conseil d'administration, la liste
des associations partenaires et, après avoir recueilli l'avis du comité
FONDS SIDACTION
19
associatif dont ils étaient membres de droit, celle des membres agréés.
Les associations partenaires étaient des associations dont l'objet
principal était la lutte contre le SIDA ; la qualité de partenaire était
accordée, pour une durée d'un an, par le bureau associatif ; la liste des
partenaires participant à la répartition de la première tranche de 48 MF
a été avalisée le 6 juillet 1994. Les associations agréées étaient
financées uniquement sur projet au titre du fonds commun par
l'intermédiaire de l'AACS.
c) Dès l'automne 1994, les associations partenaires ont exprimé
leur souhait d'être associées de manière plus formelle à ECS et au
processus de décision. Leur position s’est rapidement durcie, et le
conseil d'administration du 11 octobre 1994 a mandaté le directeur
exécutif de l'association pour négocier avec elles, mais une réunion
des partenaires, en janvier 1995, a été tellement houleuse qu'elle n'a pu
aboutir.
Le 1
er
mars 1995, le conseil a décidé d'élargir le conseil
d'administration à quatre nouveaux membres, deux représentants du
collège des associations partenaires et deux représentants de la
recherche : le président du comité scientifique sida d'ECS et le
président de la Fédération nationale des centres de lutte contre le
SIDA.
Une assemblée générale ordinaire du 7 juillet 1995 a voté la
modification des statuts. Celle-ci a été retardée par l'opposition de la
FMRPS qui exigeait que les préoccupations liées à la lutte contre le
sida en Afrique figurassent dans les statuts. Les principales
modifications ont été la substitution de la règle de la majorité des deux
tiers à celle de l'unanimité pour l'assemblée générale extraordinaire et
pour la désignation de nouveaux membres, et l'extension du conseil
d'administration qui comprend désormais de douze à seize membres
élus pour deux ans par l'assemblée générale et non plus de quatre à
douze membres.
Le
conseil
d'administration
peut
ainsi
compter
jusqu'à
24 membres, avec les huit membres fondateurs, répartis en trois
collèges, deux, égaux en nombre, représentant le monde médical et le
monde associatif et un troisième, égal au maximum au tiers des
membres, comprenant des personnalités qualifiées.
d) Une nouvelle modification des statuts a été réalisée par
l'assemblée générale du 21 mars 1997, pour mettre les statuts en
conformité avec la demande de reconnaissance d'utilité publique. Les
20
COUR DES COMPTES
nouveaux statuts précisent que l'association peut recevoir des
subventions publiques.
L'association ECS a été reconnue de bienfaisance par un arrêté
préfectoral du 16 mai 1997 puis d'utilité publique par un décret du 10
mars 1998. Elle s'est trouvée de ce fait habilitée à bénéficier du régime
fiscal favorable du code général des impôts, alors réservé aux dons
effectués en faveur des associations reconnues d’utilité publique ou de
bienfaisance.
B.
–
La composition actuelle de l'association
L'assemblée générale de l’association ECS compte 18 membres
dont 17 siègent au conseil d'administration. Il y a une confusion de fait
entre les deux organes, l'assemblée générale se bornant en règle
générale à entériner des propositions du conseil.
a) L'association ne souhaite pas rompre l'équilibre existant entre
les divers collèges. Ainsi l'ancien président d'une association membre
fondateur d'ECS est devenu en janvier 1997, après la dissolution de
l'association, membre de l’association à titre personnel et continue à
siéger au collège médical.
De même, l'association AACS s'est dissoute en mars 1997 pour
s'intégrer à ECS. Sa présidente est devenue membre d'ECS à titre
personnel, participant en tant que personnalité qualifiée au conseil, où
elle siégeait au titre du collège associatif. Pour respecter l'équilibre
entre les collèges, un président d’association qui siégeait au sein du
conseil en tant que personnalité qualifiée a été alors transféré au
collège associatif alors que son association n'est pas membre d'ECS.
ECS apparaît ainsi comme une association fermée où les
adhésions sont strictement contrôlées. Par bien des aspects, ses
structures se rapprochent plus de celles d'un comité de gestion d'un
fonds que d'une association. ECS a exposé à la Cour que "le choix fait
par les fondateurs de créer une association fermée obéit à un souci de
responsabilisation de ses membres, de coopération, de connaissance
des dossiers et des procédures d’attribution des fonds et de suivi des
décisions de subvention. L’ouverture du conseil d’administration s’est
faite de façon progressive, de manière à assurer une permanence
positionnant le conseil comme interlocuteur des pouvoirs publics".
b) L'importance institutionnelle des membres fondateurs s'est
réduite. La composition du comité associatif sida a été modifiée par le
FONDS SIDACTION
21
règlement intérieur de mars 1997 : les membres fondateurs n'en font
plus partie de droit. Son président est nommé pour un an par le
président d'ECS. Le bureau associatif a été remplacé par une
commission permanente de sept membres, désignés en son sein par le
comité associatif, et présidée par le président du comité associatif.
L'article 14 du nouveau règlement intérieur affirme de même
que le statut d'association partenaire est incompatible avec celui de
membre fondateur de l'association. L'agrément est annuel ; il est
décidé par le conseil d'administration sur proposition des associations
partenaires.
c) La liste des partenaires n'a que peu varié : deux associations
seulement ont été agréées depuis 1995. ECS a encouragé la création
d'un collectif des associations partenaires, accordant à ce collectif un
demi-poste d'assistant et des frais divers de fonctionnement, environ
143 000 F par an.
Les associations non membres ont pendant plusieurs années
réclamé une structure plus ouverte qui aurait fait d'ECS une fédération
d'associations. Il semble que la formule actuelle, pour imparfaite
qu'elle soit, soit maintenant admise par l'ensemble de la communauté
associative. Ensemble contre le sida a exposé à la Cour que sa
vocation "n'est pas, a priori, de s'établir en une sorte de confédération
nationale, même si l'association regroupe des représentants de
plusieurs réseaux nationaux de lutte contre le sida". Mais, d'une
certaine manière, à la primauté des fondateurs s'est substituée celle des
administrateurs.
II.
–
Le rôle de la Fondation de France
La Fondation de France a joué un rôle central dans le dispositif
Sidaction car elle constituait le point de passage obligé des fonds. En
amont, l'ensemble des fonds collectés transitait par un compte
"Fondation de France-Sidaction" ouvert à La Poste de Rouen
4
. En
aval, tous les paiements étaient effectués par la Fondation de France,
qu'il s'agît des dépenses liées à la collecte et à la gestion ou des
sommes versées dans le cadre des missions sociales. Cette situation
résultait de la volonté des initiateurs du premier Sidaction.
Au début de l'année 1997, il a été décidé, d'un commun accord,
de mettre fin à ce dispositif. ECS devait retrouver la plénitude de ses
4
C'est dans cette ville qu'est situé le prestataire chargé du traitement des dons.
22
COUR DES COMPTES
compétences pour procéder aux opérations de collecte et de
distribution des fonds. Des dispositions transitoires ont été définies
pour la gestion des fonds non encore dépensés. S'agissant du Sidaction
qui s'est déroulé le 22 avril 1998, le processus de collecte n'a donc
comporté aucune intervention de la Fondation de France.
Pour la Fondation de France, le volume des opérations traitées,
surtout lors du premier Sidaction, était disproportionné par rapport à
celui de ses propres collectes, et sa rémunération était limitée à
0,3 MF. Il est vrai qu'elle a pu utiliser le fichier Sidaction pour 26 de
ses publipostages en dehors de la lutte contre le sida. De plus, elle a
disposé, à partir du deuxième Sidaction, d'un prélèvement de 3 % sur
le produit net des collectes pour ses propres actions contre le sida.
La gestion par la Fondation de France s'est faite dans des
conditions techniques tout à fait satisfaisantes. Quelques points de
désaccord avec ECS sont cependant apparus au cours de la période.
A.
–
Le cadre conventionnel
a) Pour le Sidaction de 1994, une convention a été passée le 31
mars 1994 entre les chaînes de télévision TFI, France 2, France 3, M6,
Canal +, Arte et RFO, dénommées "l'organisateur", l'association
Ensemble contre le sida (ECS) et la Fondation de France. Les sociétés
de télévision apparaissaient comme les initiatrices du Sidaction.
La Fondation de France acceptait de recevoir les contributions
des donateurs, personnes privées physiques ou morales, destinées à
constituer le fonds Sidaction. Elle s'engageait à ouvrir un compte
spécial qui traduirait
les recettes et les dépenses de ce fonds. Les
fonds libres devaient être placés au fur et à mesure dans des conditions
de prudence définies avec ECS.
L'article 2 précisait que le fonds Sidaction avait pour objet de
financer des actions de lutte contre le sida, la moitié des fonds
collectés étant affectée aux recherches scientifiques et médicales sur
ce syndrome, l'autre moitié étant consacrée à des projets de
prévention, de soutien et d'accompagnement de personnes concernées
par l'infection VIH.
La Fondation de France s'engageait à exécuter les décisions
d'ECS dès réception d'instructions écrites accompagnées des pièces et
documents nécessaires sauf en cas de violation de la convention ou
d'incompatibilité avec ses statuts ou son règlement intérieur. Elle
FONDS SIDACTION
23
effectuait les règlements dans un délai de huit jours, directement au
bénéficiaire pour les associations membres d'ECS, directement au
bénéficiaire ou par l'intermédiaire d'AACS pour les autres projets
associatifs, par l'intermédiaire de la Fondation pour la recherche
médicale pour les projets de recherche médicale.
L’organisateur faisait son affaire de tous les frais d'organisation
de l'opération Sidaction, qu'il s'agît des dépenses directement engagées
par lui pour l'émission "Tous contre le sida" ou des frais exposés par
les partenaires relayant son action d'information et d'appel de fonds.
Seules les charges détaillées dans une annexe pouvaient être prélevées
sur les produits de la collecte. Elles concernaient principalement les
frais relatifs au dispositif renforcé de Sida Info Service et aux frais
d'affranchissement et de retour des enveloppes T. La Fondation de
France était autorisée à prélever sur la collecte le remboursement des
frais réels de gestion dans la limite de 5 % des sommes recueillies sur
le compte.
L’organisateur, ECS et la Fondation de France convenaient de
cosigner, à la clôture de l'opération, un document adressé à tous les
donateurs pour les informer sur le déroulement du Sidaction et sur
l'emploi des fonds.
ECS et la Fondation de France étaient, chacun et séparément,
autorisés à utiliser le fichier des donateurs dans le respect des règles
édictées par la CNIL. La Fondation de France s'engageait à ne pas
utiliser ce fichier avant le 8 décembre 1994. Au-delà de cette date, elle
ne devait pas l’utiliser pour collecter des fonds destinés à la lutte
contre le sida.
La convention était conclue pour l'opération Sidaction et
prendrait fin à la clôture des comptes qui interviendrait après
l'épuisement des fonds collectés au cours de la campagne.
b) Pour le Sidaction 1995, la convention a été conclue entre
ECS et la Fondation de France le 20 mars 1995. Le rôle d'ECS
devenait prépondérant : les sociétés de télévision n'étaient plus
"organisateur", et c'est ECS qui choisissait la Fondation de France.
La répartition des rôles entre la Fondation de France et ECS
était inchangée. La Fondation de France se voyait reconnaître le droit
de prélever et de redistribuer elle-même 3 % de la recette nette,
plafonnée à 7 MF, pour financer des projets contribuant à la
prévention de l'infection VIH, et au soutien et à l'accompagnement des
personnes concernées par la maladie.
24
COUR DES COMPTES
S'agissant des frais de gestion, il était prévu que la Fondation de
France effectuerait sur la collecte un prélèvement égal aux frais réels
engagés, correspondant à la liste des opérations visées dans une
annexe. Elle devait soumettre à ECS pour accord avant signature les
contrats de sous-traitance relatifs au traitement des dons et des reçus
fiscaux aux donateurs.
c) La convention pour le Sidaction 1996 a été passée le 6 juin
1996 entre les sociétés de télévision TF1, France 2, France 3, Canal +,
M6, la cinquième, ARTE, RFO, ECS et la Fondation de France.
Cette fois, il était précisé que les sociétés de télévision avaient
décidé de renouveler l'opération Sidaction, à la demande d'ECS. La
Fondation de France acceptait, à la demande d'ECS et des
organisateurs, d'assurer le traitement de la collecte des fonds et la
gestion des sommes recueillies.
ECS demeurait responsable de la répartition des sommes auprès
des opérateurs de terrain :
- La moitié de la collecte nette était destinée à des actions de
recherche sur le VIH et à l'amélioration de la qualité de la vie des
personnes atteintes.
Pour la recherche médicale et scientifique, les
projets seraient sélectionnés par la Fondation pour la recherche
médicale sur avis du comité scientifique sida. Pour la qualité de la vie
des personnes atteintes, qui était un thème nouveau, les projets
devaient être sélectionnés soit par la FRM et le comité scientifique
sida, soit par un comité spécialement créé par ECS ;
- Les projets associatifs devaient être sélectionnés après appel
d'offres, sur avis d'un comité créé par ECS, ou concerner des
financements structurels d'associations sélectionnées par le conseil
d'administration d'ECS. Les associations bénéficiaires devaient alors
signer avec ECS une charte de partenariat incluant un contrat
d'objectif.
La Fondation de France conservait un « droit de tirage » de 3 %
dans les mêmes conditions que dans la précédente convention.
Les
procédures
de
sélection
des
dossiers
étaient
plus
précisément décrites. Toute référence aux associations fondatrices ou
partenaires disparaissait. La convention tenait compte de l'éventualité
d'opérations de collecte effectuées par ECS pour son propre compte. Il
était prévu que tout publipostage éventuellement réalisé par ECS
serait exclu du champ de la convention.
FONDS SIDACTION
25
Ces conventions témoignent de la nécessité de préserver un
équilibre entre les différents intervenants. ECS, qui ne manie pas les
fonds, affirme son pouvoir d'organisme distributeur. Les modalités de
répartition et d'utilisation des fonds sont exposées de manière très
synthétique (50 % à la recherche, 50 % aux associations), même si la
dernière rédaction est un peu plus précise, ce qui laisse aux instances
décisionnelles une grande marge d’appréciation.
B.
–
L'application des conventions
Sur le plan de la gestion courante, l'application de la convention
a été satisfaisante. Un sondage a permis de constater que les délais
entre l'arrivée d'un dossier complet à la Fondation de France et l'envoi
du chèque au bénéficiaire avait varié entre 4 et 17 jours, les délais les
plus longs étant constatés pendant l'été. La seule période vraiment
difficile a été les premiers mois de l'année 1995, moment où la
Fondation de France a modifié son système informatique.
La Fondation de France ne s'est pas cantonnée à une fonction de
caissier et, sans entraver le fonctionnement courant du fonds, elle a, en
différentes occasions, exercé le rôle de gardien des principes que les
conventions lui avaient conféré.
a) En novembre 1993, la Fondation de France avait lancé un
appel à projets sur le thème de la lutte contre le sida pour son propre
compte. Lors de son conseil d'administration du 22 mars 1994, ECS
avait fait allusion à l'attitude "inélégante" de la Fondation de France
dans ce domaine, et il avait été apparemment admis que les sommes
collectées seraient reversées au fonds Sidaction. En fait, la Fondation
a intégré les sommes dans ses propres écritures, sans que ECS tire les
conséquences de cette décision. Ceci aboutira à une certaine ambiguïté
dans la présentation du compte d'emploi.
b) ECS a souhaité participer au financement d'un film tourné en
hommage au président d’une association fondatrice mort du sida. Le
conseil d'administration du 12 mai 1995 a accepté le principe d'une
participation de 100 000 F à ce projet hors appel d'offres.
La Fondation de France a formulé des réserves, considérant que
le projet ne correspondait pas aux objectifs du Sidaction. Déclarant
tenir compte des arguments présentés par ECS, elle a procédé
néanmoins au paiement des 100 000 F en octobre 1995 en soulignant
que le projet ne lui paraissait pas de "première nécessité".
26
COUR DES COMPTES
c) Juste avant le Sidaction 1996, ECS avait décidé d'appuyer la
collecte de fonds 1996 par l'envoi d'un publipostage adressé à un
nombre limité de donateurs des SIDACTION 1994 et 1995.
L’opération avait été préparée avec une agence de marketing et ECS
souhaitait voir la Fondation de France imputer les dépenses
correspondantes sur le fonds Sidaction.
La Fondation de France s’est déclarée "défavorable à une telle
opération" : "alors qu'il reste aujourd'hui 120 MF de fonds non encore
formellement engagés sur des actions précises, il nous paraît
inopportun de lancer un nouveau mailing. Il paraît en effet
dispendieux d'engager 800 000 F à la veille d'une opération télévisée
qui couvrira toutes les chaînes françaises pendant quatre heures et qui
recueillera des fonds sans frais techniques élevés".
ECS a dû accepter de reporter l'opération mais les frais engagés
pour la préparation de ce publipostage, soit 0,2 MF, ont été imputés au
Sidaction. ECS considère que la position de la Fondation de France lui
a été préjudiciable.
d) Début 1997, au moment où ECS a envisagé de solliciter sa
reconnaissance d'utilité publique, l’association a souhaité pouvoir
bénéficier d'une dotation statutaire de 300 000 F, qui devait selon elle
"constituer la première pierre d'un fonds associatif plus important, qui
sera constitué au fur et à mesure des apports en legs et libéralités et
des affectations prévues à l'article 16 des statuts d'ECS, et permettra à
terme de disposer d'une réelle assise financière à même de garantir la
pérennité de l'association"
5
.
La Fondation de France n'a pas fait droit à cette demande. Elle a
refusé aussi de verser la première tranche de la subvention destinée
aux frais de fonctionnement courant du collectif des partenaires
d'ECS,
organisation non mentionnée dans les accords la liant à ECS.
C.
–
La fin de l'intervention de la Fondation de France sur
les SIDACTION
En octobre 1996, la Fondation de France informait Ensemble
contre le sida de sa décision de ne pas renouveler sa participation à
l'organisation d'un nouveau Sidaction en 1997. ECS a repris la gestion
des fonds collectés à compter du 1er janvier 1997, mais la Fondation
5
Note du
trésorier de l'association au conseil d'administration en date du 23 janvier
1998.
FONDS SIDACTION
27
de France a continué de gérer les fonds déposés sur le compte
Sidaction à la date du 31 décembre 1996, ce qui correspondait aux
dispositions des diverses conventions.
Les principes retenus pour la période transitoire ont été
confirmés à l'occasion de la présentation des comptes 1997 de la
Fondation de France : tous les dons parvenus avant le 30 septembre
1997 et portant la mention "Fondation de France - Sidaction", soit
680 000 F, seraient traités par la Fondation de France ; les dons ne
portant pas la mention "Fondation de France" seraient remis à ECS
pour encaissement. Après le 30 septembre 1997, tous les dons portant
la mention "Fondation de France" devaient être retournés à leur
envoyeur avec une lettre dont le texte aurait été élaboré conjointement
par ECS et la Fondation.
- Les frais de gestion devaient être répartis proportionnellement
aux sommes dépensées, sur les trois fonds SIDACTION gérés par la
Fondation. La même règle serait appliquée pour la gestion des
sommes dépensées par ECS sur sa propre collecte.
- En application des conventions précédentes, ECS et la
Fondation de France s'engageaient à publier en 1997 et 1998 un
rapport d'activité annuel et quatre numéros de la lettre d'Ensemble
contre le SIDA. Il était prévu que les frais liés à ces communications
seraient imputés par la Fondation de France sur les fonds Sidaction,
sauf en ce qui concerne les droits d’auteur soumis à charges sociales
qui pourraient être remboursés à ECS.
- Les conventions en vigueur reconnaissaient
à ECS la capacité
d'engager dès le 1er janvier 1997 des opérations de collecte de fonds
dont le financement devait être assuré sur le fonds Sidaction 1996. En
fait, les frais de la relance de la collecte effectuée en 1997 ont fait
l'objet d'une avance remboursable du fonds Sidaction 1996 à ECS.
C'est ainsi qu'a été présenté le compte 1997 par la Fondation de
France. Il a été fait application de la règle selon laquelle les frais
"amont" ou de collecte sont imputés aux sommes qu'ils ont permis de
collecter, tandis que les frais "aval" ou de gestion sont imputés sur
chaque fonds au prorata des sommes dépensées au cours de l'année.
- Il était décidé de clôturer les fonds Sidaction dès lors que les
reliquats étaient inférieurs à 200 000 F. Les reliquats devaient être
versés au fonds Sidaction 1996. A la clôture de ce dernier, les fonds
seraient versés à ECS.
28
COUR DES COMPTES
III.
–
Le rôle de la Fondation pour la recherche
médicale
La Fondation pour la Recherche Médicale (FRM) a célébré son
cinquantenaire en décembre 1997. Créée en 1947 sous le nom
d'Association pour la recherche médicale, elle est devenue une
fondation en 1962 et a été reconnue d'utilité publique par décret du 14
mai 1965. La mission que s'est donnée la FRM est la promotion de la
recherche médicale sous toutes ses formes et dans tous les domaines.
La FRM avait déjà été impliquée dans la recherche sur le sida :
en 1987, l'Institut Pasteur avait créé avec elle un "Comité national
pour la recherche sur le sida" et une collecte nationale de fonds avait
permis de rassembler 23 MF.
A.
–
Le dispositif retenu
Dès les statuts de 1994, la FRM faisait partie des membres
fondateurs d'ECS. Le différend né en 1994 autour de la clé de
répartition des fonds destinés à la recherche scientifique et médicale a
conduit à prévoir que les 50 % destinés à la recherche médicale
seraient affectés par le conseil d'administration d'ECS sur proposition
de la FRM et après avis d'un comité scientifique sida, avis qui devait
également porter sur le projet de centre du professeur Luc Montagnier
à l’hôpital Saint-Joseph.
L'article 14 du règlement intérieur d'ECS définit le rôle de la
FRM : "La FRM est chargée de proposer au conseil d'administration
d'ECS de subventionner des projets qui lui sont soumis par le Comité
Scientifique Sida qu'elle a créé à cet effet. Elle coordonne l'activité du
Comité Scientifique en organisant notamment des appels d'offres, en
déterminant l'enveloppe disponible et en assurant le règlement des
dossiers".
La procédure adoptée pour le règlement des subventions à la
recherche médicale a donc été d'emblée différente de celle qui a été
retenue pour les subventions à l'action associative. Ensemble contre le
sida a, en effet, confié à la FRM non seulement la responsabilité
scientifique, mais également la gestion administrative et financière des
financements alloués à la recherche.
Aux termes de la convention avec la Fondation de France, le
règlement des bourses et subventions de recherche est effectué sur
décision d'engagement d'ECS et comprend deux étapes : la Fondation
FONDS SIDACTION
29
de France verse pour chaque appel d'offres le montant global de fonds
qui lui est affecté à la FRM. Cette dernière procède ensuite aux
paiements aux bénéficiaires. La FRM ne souhaitait pas voir les
chercheurs destinataires de chèques libellés "Fondation de France",
craignant un brouillage de l'image respective des deux fondations
auprès des scientifiques.
Le Comité scientifique sida est composé de 20 membres au
moins, 26 membres au plus, désignés pour une durée de quatre ans ; il
est renouvelé par moitié tous les deux ans. Deux représentants du
secteur associatif désignés pour un an par le bureau associatif d'ECS
ne disposent ensemble que d'une seule voix délibérative.
Les fonds attribués prennent la forme de
bourses de recherche,
crédits
d'aménagement,
crédits
de
fonctionnement,
crédits
d'équipement, crédits en vue de la création de centres de recherche,
crédits permettant la constitution de nouvelles équipes et contrats.
B.
–
L'absence de relations contractuelles entre la
Fondation pour la recherche médicale et Ensemble
contre le sida
ECS a expliqué à la Cour que "le choix de nouer un partenariat
avec la Fondation de France et la FRM pour l'administration et la
gestion de la générosité publique [avait] résulté d'une volonté de
bénéficier de leurs expériences et de leurs moyens étendus". Mais,
bien que la Fondation pour la recherche médicale soit membre
fondateur d'Ensemble contre le sida, aucune relation contractuelle n'a
jamais défini précisément ni réglé les relations entre les deux
organismes. Deux cycles de négociations sur ce sujet ont échoué, l'un
en 1994, le second en 1997.
a) Dès le mois de juin 1994, la FRM a souhaité se voir confier
par ECS un mandat de gestion, afin d'éviter tout risque fiscal
concernant la TVA sur la subvention qu'allait lui verser ECS pour
couvrir ses frais de gestion.
Un projet de mandat établi à la demande d'ECS par un cabinet
d'avocats n'avait pu faire l'objet d'un accord "en raison des
conséquences fiscales et du droit de suite social qui aurait pu découler
pour nos deux organismes de la signature d'un tel acte", selon ECS.
Pendant trois ans, le problème est resté en l'état et sept appels
d'offres scientifiques se sont déroulés en l'absence de tout texte
30
COUR DES COMPTES
précisant les attributions et obligations des deux partenaires. Ce vide
juridique n'a pas été sans conséquences, notamment sur le compte
d'emploi des fonds du Sidaction.
b) En 1997, lorsque la procédure de reconnaissance d'utilité
publique d'ECS a rendu nécessaire un remaniement des statuts et du
règlement intérieur, la FRM a de nouveau manifesté le souhait de
formaliser ses relations avec ECS au travers d'un mandat de gestion.
Ces discussions se sont cependant déroulées dans un contexte
différent de celui de 1994 : entre-temps avaient eu lieu les contrôles de
la FRM par un cabinet d'audit à la demande d'ECS, l'épisode du
versement sans autorisation de 5 MF au centre Luc Montagnier et la
constatation d’écarts entre les comptes d'ECS et ceux de la FRM.
ECS a écarté la proposition d'un mandat de gestion mais assuré
être prête à étudier
"la rédaction d'une convention de partenariat, dans
l'esprit de celle qui nous liait à la Fondation de France. Ce texte aurait
pour but de fixer les objectifs et les missions de chacun de nos deux
organismes, en éclaircissant nos positions respectives et en éliminant
le risque fiscal que vous estimez encourir aujourd'hui".
La FRM a rejeté en juin 1997 le projet de convention que lui
avait adressé ECS, considérant qu'il contenait "une définition
d'obligations très supérieures à celles que nous avions prévues
initialement, qui mettent clairement en cause une responsabilité de la
Fondation qu'elle ne peut statutairement assumer". Le refus de la FRM
d'être investie de toute responsabilité dans le suivi administratif des
financements à la recherche a, de nouveau, conduit à l'abandon des
négociations.
c) En l’absence de formalisation des relations entre la FRM et
ECS, les demandes d'information adressées par ECS ont été mal
ressenties par la FRM, qui n'en percevait pas la légitimité,
regrettant
que "cette aide apportée le plus diligemment possible par la FRM se
soit peu à peu transformée en un rapport de donneur d'ordre (demande
multipliée de comptes-rendus, de bilans, de reversements d'intérêts
financiers pointilleux, etc.) à prestataire, même si cette relation est non
formalisée".
L'association Ensemble contre le sida a, pour sa part, exposé
qu'elle s'est efforcée, à de nombreuses reprises, d'obtenir "une
meilleure visibilité sur la gestion des financements scientifiques"
et
qu'elle "souhaite reprendre en interne l'ensemble des missions liées à
l'exécution des décisions de son conseil d'administration. Ainsi le
FONDS SIDACTION
31
suivi des engagements financiers sera désormais entièrement assuré
par ECS. La FRM restera chargée du traitement amont des appels
d'offres scientifiques et de l'animation du Comité Scientifique SIDA
jusqu'aux propositions faites au conseil d'administration d'ECS. Une
telle répartition des tâches reportera sur ECS la charge du contrôle des
financements accordés aux organismes scientifiques à l'instar de ce
qui est pratiqué pour les financements associatifs".
Un accord de coopération a été signé le 6 avril 1999 entre ECS
et la FRM. Il prévoit la reprise par ECS de la totalité de la gestion
administrative
et
du
suivi
des
appels
d'offres
scientifiques,
l'organisation du comité scientifique et médical sida demeurant à la
charge de la FRM.
Les cinq premières années de fonctionnement, durant lesquelles
la FRM avait la responsabilité des fonds de la recherche, se sont donc
déroulées en dehors de toute convention. Un accord n'a pu intervenir
entre les deux organismes qu'à partir du moment où, ECS reprenant
l'ensemble de la gestion administrative et financière des subventions et
des bourses, la question de la responsabilité de la FRM dans le
contrôle des fonds scientifiques a pu être levée.
C.
–
Difficultés rencontrées
Le vide juridique, conjugué aux approximations de la gestion
des dossiers ECS par la FRM, ne pouvait être sans inconvénients. Des
tensions ont affecté les relations entre ECS et la FRM à l'occasion de
la remise des conclusions de l'audit demandé par ECS, du versement
incontrôlé d'une subvention de 5 MF au Centre intégré de recherches
biocliniques sur le sida, de défaillances de l'information d'ECS par la
FRM ainsi que de problèmes de communication externe.
a) Au premier trimestre de 1996, deux contrôles ont été
diligentés par ECS, l'un sur l'utilisation des subventions allouées en
matière scientifique, l'autre sur la FRM elle-même : les conclusions de
ces rapports auraient sans doute dû susciter une réaction plus rapide
d'ECS, mobilisée toutefois à l'époque par la préparation du Sidaction
1996.
Les auditeurs missionnés par ECS constataient ainsi que la
FRM n'avait pas "mis en place une procédure formalisée pour le
contrôle a posteriori de la bonne utilisation des fonds", que "les
imprécisions budgétaires du dossier de demande de subvention et du
compte-rendu financier de l'action [rendaient] difficiles les contrôles
32
COUR DES COMPTES
de conformité des dépenses aux projets financés", que "l'intégration
des écritures comptables relatives au fonds Sidaction dans la
comptabilité FRM [rendait] complexe et difficile le contrôle des flux"
et que "les états communiqués par la FRM à ECS [étaient] incomplets
et erronés".
La FRM ne paraît pas avoir perçu la portée des critiques du
rapport d'audit. À ses yeux, la présence au dossier de documents
dénommés "comptes-rendus financiers", quelles que fussent leurs
imprécisions ou leurs incohérences, suffisait à l'exonérer de toute
responsabilité.
Le rapport financier d'ECS pour l'exercice 1996 indique
seulement, il est vrai, que "dans le cadre de sa mission générale, le
commissaire aux comptes d'ECS s'est assuré que la Fondation pour la
Recherche Médicale et l'Association des Artistes contre le Sida
respectaient les engagements qui leur échoient du fait de la
distribution des fonds". Une clarification a toutefois été recherchée au
début de 1997, ainsi qu'il est exposé plus loin.
b) La convention conclue le 10 février 1995 entre ECS et
l'association Entraide et Assistance au Centre Luc Montagnier /
Saint-Joseph pour la réalisation du Centre Intégré de Recherches
Biocliniques sur le Sida (CIRBS), dont la FRM avait reçu copie,
prévoyait le versement par ECS de 25 MF selon les modalités
suivantes : 15 MF pour la construction du centre (dont 10 MF à la
signature de la convention et 5 MF au plus tard le 15 mai 1995), 5 MF
pour le fonctionnement de la première année versés à la fin des
travaux, et 5 MF pour les dépenses de personnel de la deuxième année
de fonctionnement du Centre. Cette dernière somme devait être réglée
trois mois avant la fin de la première année de fonctionnement, à une
date qu’Ensemble contre le sida préciserait à la Fondation de France
6
.
Le centre ayant été inauguré le 20 février 1996, le versement ne
pouvait en tout état de cause intervenir avant le 20 novembre 1996.
L'article 2 prévoyait que "le versement des 15 MF restant à
mettre à disposition de l'Association sera effectué en trois versements
de 5 MF par la Fondation de France, comme cela a été fait pour la
somme de 10 MF versée ce jour, à la Fondation pour la Recherche
Médicale qui en versera le montant à l'Association dans un délai de
6
Aux termes d'une lettre du 17 février 1995 d’ECS à la Fondation de France, dont
ECS a transmis copie le même jour à la FRM.
FONDS SIDACTION
33
huit jours maximum à compter de la délivrance des fonds par la
Fondation de France".
L'article 4 précisait que "l'Association s'engage à fournir à la
première demande d'ECS toute information sur l'état d'avancement du
projet et notamment sur l'exécution du marché, l'engagement du
personnel, le budget de fonctionnement et la situation de trésorerie de
l'Association".
Comme cela est relaté ci-après, ECS a rencontré de réelles
difficultés pour obtenir ces informations et nourrissait donc l'intention
de subordonner le versement des cinq derniers millions de francs à la
production de ces documents par le CIRBS.
Lors d'une réunion tenue au CIRBS le 22 novembre 1996, les
responsables d'ECS ont appris que le versement de la dernière tranche
de financement du centre avait été opéré en septembre 1996 par la
FRM, sans instruction d'ECS et sans virement préalable de la
Fondation de France.
Le président d'ECS constatait alors dans une lettre adressée au
président de la FRM que "cette action inopportune de la FRM
constituait une remise en cause importante du travail effectué […]
pour obtenir un compte-rendu circonstancié sur l'ouverture et le
fonctionnement du centre" et que plus largement, c'était la position du
conseil d'administration d'ECS vis-à-vis du CIRBS, et la recherche de
garanties de gestion, qui était "remise en question par ce virement
effectué sans autorisation".
Pour Ensemble contre le SIDA, "la liberté prise par la FRM
dans le cadre de son administration des dossiers scientifiques de
financement sur le fonds SIDACTION [constituait] donc une erreur
grave, qui [soulevait] par ailleurs le problème de la trésorerie des
fonds scientifiques".
La FRM a expliqué cette fausse manoeuvre par "un concours de
circonstances tenant au renouvellement de nos équipes scientifiques".
Ni le directeur scientifique de la FRM ni le chef du secrétariat
scientifique n'avaient, selon la FRM, été rendus conscients des
conditions de déblocage des fonds en faveur du Centre intégré de
recherches biocliniques sur le sida. Ainsi, un virement de 5 MF
pouvait être programmé dans l'application informatique de la FRM et
déclenché sans procédure de vérification des conditions de ce
versement. Entendue par la Cour, la FRM a continué d'avancer une
34
COUR DES COMPTES
erreur administrative d'un agent subalterne pour justifier ce versement
anticipé de la dernière tranche de financement.
Ce grave incident a été le point de départ du processus
d'examen détaillé de l'état des versements des subventions et bourses
des six premiers appels d'offres et de l'incidence financière des
pratiques de la FRM.
c) Dans sa communication avec les bénéficiaires des fonds du
Sidaction, la FRM a entretenu une certaine ambiguïté qui, durant les
six premiers appels d'offres, a consisté à se placer au premier plan
sans préciser les rôles respectifs d'Ensemble contre le sida et de la
FRM. Cette ambiguïté a concerné tant la diffusion des appels d'offres
que la correspondance adressée aux bénéficiaires de bourses et de
subventions.
Dans un premier texte publié le 24 mai 1994 dans différents
quotidiens, l'association Ensemble contre le sida n'est pas du tout
citée. Il est précisé que cet appel d'offres est diffusé "à la suite du
Sidaction du 7 avril 1994", mais seule la Fondation pour la Recherche
Médicale est mentionnée : "le Comité Scientifique Sida constitué sous
l'égide de la Fondation pour la Recherche Médicale a la responsabilité
de répartir les fonds destinés à la recherche avec la souplesse et la
rapidité que permet l'aide privée. Il lance un appel d'offres pour des
projets novateurs destinés à comprendre, traiter, prévenir le Sida". Le
logo de la FRM apparaît seul sur cette annonce.
Les deux parutions suivantes, pour les troisième et quatrième
appels d'offres, marquent un léger progrès puisque le nom d'Ensemble
contre le sida apparaît en tête de l'annonce. C'est seulement à partir du
cinquième appel d'offres qu'apparaissent conjointement le nom et le
logo d'ECS. Le texte de l'appel d'offres ne varie cependant pas,
demeurant centré autour du comité scientifique sida.
Rien dans ces textes ne permet de comprendre le rôle
d'Ensemble contre le sida dans la distribution des fonds du Sidaction.
La FRM apparaît comme le gestionnaire direct de ces sommes.
La FRM a exposé à la Cour que "pour aider cette nouvelle
association, dont elle était membre fondateur, elle a capitalisé sur la
notoriété et l'intégrité que le monde scientifique et médical lui portait.
Elle a donc prêté à juste titre, puisque le comité scientifique et médical
était géré par elle, sa renommée et son logo aux appels d'offres
Sidaction, en particulier aux deux premiers, pour lesquels il fallait
établir la crédibilité d'un programme".
FONDS SIDACTION
35
Les lettres d'attribution adressées aux chercheurs ou boursiers
retenus par le comité scientifique SIDA avaient la même présentation :
"Sur la proposition du Comité Scientifique Sida et après l'avis
favorable de l'Association Ensemble contre le Sida, la FONDATION
POUR LA RECHERCHE MEDICALE vient de vous attribuer une
aide à la recherche de ... ... F".
Cette rédaction, qui plaçait en première ligne la FRM comme
financeur et paraissait reléguer l'avis du conseil d'administration
d'ECS au rang de formalité, a été employée du deuxième appel
d'offres jusqu'au sixième inclus.
Les boursiers recevaient de même une lettre à en-tête de la
FRM leur annonçant que "sur la recommandation du Comité
Scientifique SIDA et après avis favorable de l'Association Ensemble
contre le SIDA, la FONDATION POUR LA RECHERCHE
MEDICALE vient de vous attribuer une bourse de ... ... ".
D.
–
Les efforts de clarification des relations en 1997
Les procès-verbaux des séances du conseil d'administration
d'ECS retracent les demandes récurrentes d'une meilleure information
de la part de la FRM.
Dès le 28 juillet 1994, à l'occasion de l'examen du premier
appel d'offres, "le Conseil d'administration demande au Comité
Scientifique Sida un minimum de formalisme à l'exemple du travail
effectué par le Comité Associatif." Lors de l'examen du deuxième
appel d'offres, le 18 janvier 1995, "le Conseil rappelle la nécessité
pour les comités associatif et scientifique de présenter des documents
complets permettant d'évaluer les projets et de comprendre les
motivations des acceptations et refus". Le 29 avril 1996 encore, le
conseil "demande à la FRM de faire figurer sur les fiches qui sont
soumises à ECS un bref exposé de l'avis du Comité Scientifique Sida
sur la qualité du projet, ainsi que la ventilation des financements".
À partir du début de 1997, des progrès sensibles ont été
accomplis en ce qui concerne le rapprochement des comptabilités
d'engagement de la FRM et d'ECS, la prise en compte des produits
financiers obtenus au profit de la FRM et l'amélioration de la
communication de cette dernière.
a) Dès le printemps 1996, à l'occasion de l'établissement du
rapport d'activité pour 1994-1995, ECS a pris conscience de
36
COUR DES COMPTES
l'existence de divergences entre les montants engagés par son conseil
d'administration et les chiffres avancés par la FRM. Ces écarts
apparaissent nettement dans le rapport d'activité, dans lequel les
montants versés au titre des quatre premiers appels d'offres sont
supérieurs aux montants engagés par le conseil d'administration. La
constatation de ces écarts, les conclusions des audits effectués à la
FRM et l'épisode du versement des 5 MF au Centre intégré de
recherches biocliniques sur le sida ont conduit ECS et la FRM à
confronter leurs comptabilités d'engagements, ce qui a mis en lumière
les
nombreuses
modifications
opérées
par
la
FRM
sur
les
engagements décidés par le conseil d'administration d'ECS.
(en millions de francs)
Versements
Fondation de
France (1)
Engagements
FRM (2)
Ecarts (1-2)
CIRBS
20,00
25,00
5,00
Organismes étrangers
0,32
0,32
0
Premier appel d'offres
20,51
20,44
- 0,07
Provision charges
sociales
0,25
0,10
- 0,15
Deuxième appel
d'offres
17,96
16,97
- 0,09
Troisième appel
d'offres
22,43
22,28
- 0,15
Quatrième appel
d'offres
15,27
13,80
- 1,46
Cinquième appel
d'offres
20,53
19,77
- 0,76
Sixième appel d'offres
16,44
16,20
- 0,24
Total
133,73
134,90
1,17
Total hors CIRBS
113,73
109,90
- 3,82
Ces modifications sont fréquemment nées de renonciations de
boursiers retenus par le comité scientifique SIDA ou de changements
de leur situation entraînant des modifications du montant de leurs
bourses. Elles ont des conséquences sur les comptes d'emploi du
Sidaction.
FONDS SIDACTION
37
En février 1997, le trésorier d'ECS informait la FRM que le
conseil d'administration d'ECS serait saisi de ces modifications – ce
qui a été fait le 4 mars 1997 – et que l'écart constaté serait "compensé
lors du versement du montant global du prochain appel d'offres". Il
ajoutait que "les modifications apportées par le Comité Scientifique
Sida ou qui naissent de changements de situation des boursiers doivent
systématiquement faire l'objet d'une décision formelle et préalable du
conseil d'administration d'ECS". Ainsi resserrée, cette procédure
fonctionnait régulièrement à la date de l'enquête de la Cour.
b) Le rapprochement des deux comptabilités a aussi conduit
ECS à demander à la FRM le remboursement des produits financiers
réalisés par celle-ci entre 1994 et 1996 en raison du décalage entre le
versement global initial de la Fondation de France effectué en une
seule fois, dès l'approbation d'un appel d'offres par le conseil
d'administration d'Ensemble contre le sida, et le rythme trimestriel de
versement des bourses.
La FRM ne disposant ni d'une comptabilité séparée ni d'un
compte bancaire distinct pour la gestion des fonds du Sidaction, il a
été nécessaire de calculer un solde théorique des produits financiers
procurés par les fonds du Sidaction. Un accord a été trouvé sur la base
des taux de rendement de SICAV monétaires suivants : 4,93 % pour
1994, 5,75 % pour 1995 et 3,39 % pour 1996.
Le solde théorique s'élevait à 497 260 F. Le montant ainsi
dégagé devait venir en déduction des frais de gestion acquittés par
ECS. A la suite d'une erreur interne à ECS, la compensation n'a pas eu
lieu en 1997 mais en 1998.
c) La clarification a enfin porté sur les modalités de la
communication de la FRM vis-à-vis des bénéficiaires des subventions
et bourses du Sidaction. Les documents sont désormais présentés sur
papier à double en-tête FRM et Sidaction-ECS.
Le formulaire d'engagement d'une subvention précise ainsi que
"la FRM est une fondation privée. L'attribution d'aides aux jeunes
chercheurs et aux laboratoires est possible grâce à la générosité des
donateurs, en particulier, pour ce qui concerne la recherche sur le
Sida, ceux mobilisés par Ensemble contre le Sida. Ils sont sensibles à
l'information que nous pouvons leur donner sur l'utilisation de leurs
dons. Ceci nous amène, dans un souci de transparence à l'égard du
public qui accorde sa confiance au Sidaction, à lui justifier du bon
usage qui en est fait".
38
COUR DES COMPTES
2
Les comptes d'emploi des fonds SIDACTION
a) Le compte d'emploi des fonds Sidaction, par certains côtés,
est d'une analyse aisée. Les sommes provenant de la générosité
publique sont, en effet, comptabilisées à part par la Fondation de
France. Elles sont directement encaissées sur un compte spécial
aisément identifiable, et les produits financiers sont dans leur totalité
intégrés à ces recettes. Aucune ambiguïté n'existe donc quant aux
montants des recettes de la générosité publique. Le problème de la
cohérence de ce compte d'emploi avec la comptabilité générale d'un
organisme menant d'autres activités ne se pose pas.
Ce qui est vrai pour les encaissements l'est également pour les
décaissements, puisqu'il existe un organisme payeur unique, la
Fondation de France - la FRM jouant le rôle de payeur secondaire
pour les opérations d'aide à la recherche -, qui agit sur instruction d'un
organisme décideur distinct, Ensemble contre le sida. Cette distinction
qui se rapproche de la séparation de l’ordonnateur et du comptable,
pratiquée dans la comptabilité publique, constitue une garantie
certaine de fiabilité dans l'affectation des opérations.
b) La séparation des responsabilités conduit toutefois à la
production de deux comptes : le compte d'emploi établi par la
Fondation de France, d’une part, et le compte d'emploi intégré par
ECS dans les rapports d'activité adressés aux donateurs, d’autre part.
Sur le plan comptable, les documents établis par la Fondation de
France ont une valeur probante ; mais les documents présentés par
ECS font l'objet d'une large diffusion et sont les mieux connus du
public. Les documents adressés au public sont certes établis d'un
commun accord entre ECS et la Fondation de France ; néanmoins, les
deux séries de documents présentent des différences fondamentales
qui rendent parfois les rapprochements malaisés.
La Fondation de France présente une comptabilité par fonds -
Sidaction 1994, collecte 1995, Sidaction 1996 -, alors que ECS
présente une comptabilité globale cumulée. Les incidences d'une telle
différence ne sont pas neutres, en particulier en ce qui concerne
l'analyse du poids relatif des frais de collecte et de gestion.
FONDS SIDACTION
39
Pour la Fondation de France, les opérations de collecte et
d'emploi sont enregistrées sur la base de leur encaissement et de leur
"engagement", qui correspond à la prise en compte d'un dossier
complet pour paiement. Le montant des dépenses notifiées, c’est-à-
dire engagées et non encore payées, figure au bas de chaque compte
d'emploi. La comptabilité se situe donc au plus près de la situation des
versements. Ensemble contre le sida considère, de façon plus
extensive, qu'une somme est engagée dès lors que le conseil
d'administration a entendu la réserver à un objectif déterminé, dont la
réalisation pourra intervenir ultérieurement.
Si, sur le plan comptable, les deux comptes d'emploi ne
présentent pas, sauf cas particulier, de contradictions, leur lecture peut
donner lieu à des interprétations divergentes qui sont de nature à
introduire le trouble dans l'esprit du donateur, ce phénomène étant
aggravé par le fait que ECS modifie, d'année en année, sa propre
présentation.
c) Les comptes établis par la Fondation de France seront
examinés ci-après dans la mesure où ils constituent le compte d'emploi
au sens de la loi du 7 août 1991. Les documents présentés par ECS
feront l'objet de commentaires particuliers au point II.
I.
–
Les comptes des fonds Sidaction présentés par
la Fondation de France
La Fondation de France tient une comptabilité séparée pour
chaque fonds Sidaction. Il a donc fallu définir des règles pour
l'imputation des dépenses à chacun de ces fonds :
- Les frais de collecte sont imputés sur les fonds qu'ils ont
permis de collecter. Ainsi les fonds dépensés pour la collecte 1996
sont imputés sur les produits de la collecte 1996, même s'ils ont été
dépensés préalablement ;
- Les frais de gestion sont imputés sur chacun des fonds au
prorata des sommes dépensées. Les fonds sont censés être dépensés
dans l'ordre chronologique de leur réception : ainsi les fonds 1995
n'ont été entamés qu'après l'épuisement du compte 1994.
Chaque année, il est également établi, pour chacun des comptes
Sidaction, un bilan qui retrace la situation des placements. Ces règles
ont été édictées dans un souci de transparence.
40
COUR DES COMPTES
A.
–
Le compte d'emploi du Sidaction 1994
Ce compte a été soldé en 1997 et l'on dispose donc d'une vision
globale des opérations qui ont été financées. La situation définitive
arrêtée par la Fondation se présente de la manière suivante au 31
décembre 1997.
Nature des opérations (en MF)
Situation cumulée au
31/12/1997
RESSOURCES
Dons manuels
298,71
Legs, autres libéralités
Produit de la vente des dons en
nature
Produits financiers
19,79
Autres produits liés à la générosité
publique
0,61
TOTAL RESSOURCES (A)
319,11
EMPLOIS
Dépenses opérationnelles
289,40
Coûts directs d'appel à la
générosité publique, dont :
15,38
- Coûts de suivi de l'appel 1994
(compte rendu aux donateurs)
0,25
- Coûts de collecte variables
14,31
- Coûts de collecte fixes
0,82
Coûts de fonctionnement
14,33
TOTAL DES EMPLOIS (B)
319,11
(Source : comptes 1997 de la Fondation de France)
Les dons manuels recueillis se sont élevés à 298,7 MF pour près
de 1 424 000 dons. Plus de 97 % des dons ont été reçus dans les
premiers mois suivant la soirée du 7 avril 1994. Les « autres produits
de la générosité publique » correspondent à une ristourne de 20 %
environ, soit 0,61 MF, consentie par la Poste sur le coût réel des
FONDS SIDACTION
41
enveloppes T. Les produits financiers proviennent des plus-values
dégagées lors des cessions de titres. Les placements ont été effectués
en SICAV monétaires de La Poste.
90,5 % des produits disponibles ont été affectés aux missions
opérationnelles ou sociales. Le ratio est de 96,9 % si l'on exclut les
produits financiers. Cette performance résulte principalement de la
prise en charge par les chaînes de télévision de la plus grande partie
des frais de collecte
7
.
Ainsi évalués, les coûts d'appel à la générosité publique ont
représenté 5,1 % des dons et 4,8 % des ressources. Les coûts de
fonctionnement ont correspondu à 4,8 % des dons et 4,5 % des
ressources globales.
7
Pour mémoire, il peut être rappelé qu’en 1993, l’Association française contre les
myopathies avait consacré 81,1 % de ses ressources à ses missions sociales. (Source :
rapport de la Cour des comptes sur cette association, p. 6)
42
COUR DES COMPTES
Le tableau suivant présente année par année l'évolution des
recettes et des dépenses sur la période 1994-1997
8
.
(en MF)
1994
1995
1996
1997
RESSOURCES
Dons manuels
298,13
0,58
Ns
Produits financiers
1,21
7,86
7,94
2,77
Autres produits liés à la
générosité publique
0,61
Report des ressources
inutilisées de la campagne
précédente
219,16
86,66
16,26
TOTAL DES
RESSOURCES (A)
299,95
227,60
94,60
19,03
EMPLOIS
Dépenses opérationnelles
63,54
135,18
73,71
16,97
Coûts directs d'appel à la
générosité publique
14,83
0,30
0,25
- coûts de suivi de
l'opération 1994
0,25
- coûts de collecte variables
14,30
0,01
- coûts de collecte fixes
0,53
0,29
Coûts de fonctionnement
2,42
5,46
4,64
1,81
TOTAL DES EMPLOIS
(B)
80,79
140,94
78,35
19,03
Ressources restant à
reverser (C = A - B)
219,16
86,66
16,25
0
Engagements notifiés et non
versés
0
12,58
6,66
0
Source : Fondation de France, comptes 1997.
8
L’année 1997 ne fait pas partie de la période contrôlée. Elle est mentionnée pour
information.
FONDS SIDACTION
43
Si les dépenses opérationnelles sont rapprochées du montant
des dons hors frais financiers, il apparaît que, à la fin de 1994, 21,4 %
des sommes avaient été effectivement versées aux bénéficiaires, et que
fin 1995, soit 20 mois après le Sidaction, 66,7 % des montants
faisaient l'objet de décisions notifiées à leurs destinataires et 62,7 %
avaient fait l'objet d'un versement effectif. Les fonds, y compris les
frais financiers, ont été épuisés à la fin du mois d'avril 1997, soit juste
trois ans après le Sidaction, ce qui constitue un délai satisfaisant.
Rythme de consommation des fonds
1994
1995
1996
1997
21,4 %
66,7 %
91,6 %
100 %
La répartition des dépenses opérationnelles du Sidaction 1994
(289,4 MF) a été de 144,8 MF, soit 50,03 %, pour la recherche et
144,6 MF, soit 49,97 %, pour le soutien associatif. La répartition par
année a été la suivante :
en MF
1994
1995
1996
1997
Total
Recherche
20,8
70,9
42,0
11,1
144,8
Associatif
42,7
64,3
31,7
5,9
144,6
Si l'équilibre entre les deux branches est respecté pour la
période, les attributions de crédits aux associations ont démarré
beaucoup plus vite que les crédits recherche, sans doute grâce aux
attributions quasi automatiques faites aux associations partenaires
dans le cadre de la tranche A (cf. chapitre 3, les financements
associatifs).
44
COUR DES COMPTES
B.
–
Le compte d'emploi du Sidaction 1995
Les sommes collectées dans le cadre du Sidaction 1995 n'ayant
pas été totalement distribuées au 31 décembre 1997, les opérations se
sont poursuivies en 1998.
La situation au 31 décembre 1997 est extraite des comptes 1997
de la Fondation de France :
(en MF)
1995
1996
1997
Cumul
RESSOURCES
Dons manuels
39,27
0,70
39,97
Produits financiers
0,04
0,39
2,98
3,41
Report des ressources
inutilisées des campagnes
précédentes
36,21
36,09
TOTAL DES
RESSOURCES (A)
39,31
37,30
39,07
43,38
EMPLOIS
Dépenses opérationnelles
1,13
28,01
29,14
Coûts directs d'appel à la
générosité publique
2,30
0,01
0,41
2,72
- compte rendu aux
donateurs
0,41
0,41
- coûts de collecte variables
1,84
0,01
1,85
- coûts de collecte fixes
0,46
0,46
Coûts de fonctionnement
0,80
0,07
2,98
3,85
TOTAL DES EMPLOIS
(B)
3,10
1,21
31,40
35,71
Ressources restant à
reverser (C = A - B)
36,21
36,09
7,67
7,67
Engagements notifiés et non
versés au 31/12
0
0
0,50
0,50
FONDS SIDACTION
45
Les principaux ratios sont sensiblement différents de ce qui
avait pu être constaté pour le Sidaction 1994. Le rythme de
consommation des crédits a été moins rapide, du fait de reliquats
existants sur le Sidaction 1994. Le rapport entre les fonds engagés et
les fonds collectés, hors produits financiers, était de 0 % fin 1995 et de
seulement 2,8 % fin 1996 ; encore ne s’agissait-il que du prélèvement
de 3 % prévu en faveur de la Fondation de France par la convention de
1995. Fin 1997, le rapport entre les emplois opérationnels et les
ressources était de 72,9 % hors produits financiers et de 67,2 % en
incluant les produits financiers. En fait, les fonds recueillis en 1995
n'ont pas été engagés par ECS avant 1997, date de l'épuisement du
fonds 1994.
Le poids des frais de collecte et de gestion est plus lourd
également : les coûts de collecte s'élevaient fin 1997 à 6,3 % (6,9 %
hors produits financiers) ; les frais de gestion atteignaient 8,8 % des
produits globaux (9,7 % des produits de la collecte hors produits
financiers), et 10,6 % des emplois cumulés. Si la croissance relative
des coûts de collecte peut s'expliquer par la moindre importance des
fonds collectés, la progression des frais de gestion est sensible.
C.
–
Le compte d'emploi du fonds Sidaction 1996
Le compte se présente de la manière suivante :
46
COUR DES COMPTES
(en MF)
1996
1997
Cumul
RESSOURCES
Dons manuels
64,54
0,68
65,22
Legs, autres libéralités
0,01
0,01
Produits de la vente
0,08
ns
0,08
Produits financiers
0,03
0,23
0,26
Report des ressources inutilisées
des campagnes précédentes
55,03
TOTAL DES RESSOURCES
(A)
64,65
55,95
65,57
EMPLOIS
Dépenses opérationnelles
1,82
9,55
11,37
Coûts directs d'appel à la
générosité publique
6,80
0,30
7,10
- coûts de préparation et de suivi
3,24
0,14
3,38
- compte rendu aux donateurs
- coûts de collecte variables
3,40
0,03
3,43
- coûts de collecte fixes
0,16
0,13
0,29
Coûts de fonctionnement
1,00
1,03
2,03
TOTAL DES EMPLOIS (B)
9,62
10,88
20,50
Ressources restant à reverser
(C = A - B)
55,03
45,07
45,07
Engagements notifiés et non versés
au 31/12
0,38
0,38
À la fin de l'année 1996, il n'y avait pas encore eu de dépenses
opérationnelles, à l'exception du prélèvement statutaire opéré au
bénéfice de la Fondation de France. A la fin de l'année 1997, 9,55 MF,
soit 14,4 % des ressources collectées, avaient été engagés pour des
actions opérationnelles.
Les frais de collecte s'élevaient fin 1997 à 7,1 MF, soit 10,8 %
des produits de la collecte hors produits financiers. Ceci représente un
FONDS SIDACTION
47
doublement par rapport au Sidaction 1994. Cette évolution résulte de
l'apparition de "coûts de préparation et de suivi du SIDACTION
1996", pour un montant global de 3,38 MF. Il s'agit des dépenses
engagées par ECS pour participer à la préparation de l'opération
conjointement avec les chaînes de télévision.
Les coûts de fonctionnement s'élevaient, fin 1997, à 2,03 MF,
soit à 3,1 % des produits, alors qu'à la même date 14,4 % seulement
des crédits avaient été dépensés.
D.
–
Situation récapitulative des trois SIDACTION
La situation cumulée des produits et des coûts des trois
SIDACTION est récapitulée dans le tableau suivant :
Situation des fonds au 31 décembre 1997
En MF
Fonds 1994
Fonds 1995
Fonds 1996
Total
Dons et autres produits
299,32
39,97
65,31
404,60
Produits financiers
19,79
3,41
0,26
23,46
Total des produits
319,11
43,38
65,57
428,06
Coûts directs d'appel à la
générosité
15,38
2,72
7,10
25,20
en % des dons et autres produits
5,14
6,81
10,86
6,23
Coûts de fonctionnement
14,33
3,85
2,03
20,21
en % des dons et autres produits
4,78
9,64*
3,11
**
5,00
Total des coûts
29,71
6,57
9,13
45,41
en % des dons et autres produits
9,93
16,45
13,98
***
11,22
*
pour 67,7 % de crédits dépensés.
**
pour 17,4 % de crédits dépensés.
***
Ce ratio ne tient pas compte des plus-values latentes qui
étaient de 2,435 MF. Si elles sont intégrées, le ratio devient 13,4 %.
Une telle récapitulation montre l'intérêt d'une présentation par
fonds. En effet, compte tenu de l'importance du premier Sidaction, une
présentation globale lisse les évolutions. La comparaison de la
48
COUR DES COMPTES
situation globale et de la situation cumulée met en évidence un certain
nombre de tendances :
a) Avec une moyenne de 6,2 % sur les trois fonds, les frais
d’appel à la générosité publique demeurent dans une enveloppe
raisonnable. Néanmoins, cette évolution globale ne peut masquer la
forte progression de ces frais pour le Sidaction 1996, du fait des coûts
de préparation, qui ont représenté 5,15 % des produits de la collecte,
portant le montant des frais de collecte au sens large à 10,8 % des
produits globaux.
b) Les frais de fonctionnement sont en forte progression :
limités à 4,8 % sur le premier Sidaction, après clôture des opérations,
ils dépassent 9,6 % pour le second, alors que seulement 67,7 % des
crédits ont été dépensés, et 3,1 % pour l'opération 1996, alors que
17,4 % seulement des produits ont été engagés. Le pourcentage moyen
de 5 % sur l'ensemble des opérations ne peut masquer la forte
progression des coûts de fonctionnement.
c) Si, globalement, les produits financiers (23,46 MF au cours
des quatre années considérées) sont supérieurs aux coûts de
fonctionnement (20,21 MF), cette analyse ne tient pas si l'on raisonne
fonds par fonds. Pour le fonds 1994, les produits financiers ont été
supérieurs aux coûts de fonctionnement, mais pour le fonds 1995, les
coûts de gestion (3,85 MF) dépassaient les produits financiers
(3,41 MF) dès la fin 1997.
d) Le ralentissement du rythme d'engagement des ressources
résulte de l'abondance des fonds récoltés lors de la première opération.
En fait, ECS a continué d’engager ses crédits au même rythme :
Sidaction
1994
Sidaction
1995
Sidaction
1996
Dépensé au :
31 décembre n
21,4 %
0,0 %
0,0 %
31 décembre n+1
66,7 %
2,8 %
17,4 %
31 décembre n+2
91,6 %
67,7 %
ns
C'est à ce stade de l'analyse qu'il est pertinent de vérifier les
informations publiées par ECS sur la part des dons qui est affectée aux
FONDS SIDACTION
49
dépenses opérationnelles. Le mode de comptabilisation des charges ne
permet, en effet, de les évaluer avec précision qu'à la clôture des
opérations. Dans son rapport d'activité 1996, ECS avait fait une
présentation pour un don moyen de 212 F, pour l’ensemble des trois
SIDACTION, qu'il a semblé intéressant de tester au vu des chiffres
maintenant connus pour le Sidaction 1994 :
En francs
Présentation
ECS 1996
Situation
cumulée 1997
Sidaction 1994
(chiffres définitifs)
Don moyen
212
212,0
212
Produits financiers
+ 9
+ 12,4
+ 14
Coûts de collecte
et de gestion (1)
- 21
- 24,0
- 21
Disponible
200
200,4
205
(1) Hors frais exposés par les sociétés de télévision
Cette comparaison confirme l'analyse faite par ECS. Il convient
de rappeler que les chaînes de télévision prenaient en charge la plus
grande partie des frais d’appel à la générosité publique.
II.
–
Les états financiers présentés par ECS
Chaque année, Ensemble contre le sida présentait des états
financiers dans le cadre du rapport d'activité.
A.
–
Situation au 31 décembre 1995
Pour la période 1994/1995, le compte d'emploi des ressources
des fonds SIDACTION était présenté de la manière suivante :
50
COUR DES COMPTES
En MF
Engagements
Versements
Dons manuels
338,59
338,59
Produits financiers
9,11
9,11
Coûts de collecte
17,43
17,43
Frais de gestion
8,73
8,68
Ressources à affecter
321,54
321,59
Affectations aux réserves
10,00
Affectation à la Fondation de France
1,09
Affectations à la recherche
146,26
91,51
- Centre Montagnier
25,00
15,00
- Appel d’offres n° 1
20,73
20,76
- Appel d’offres n° 2
17,27
17,96
- Appel d’offres n° 3
22,34
22,44
- Appel d’offres n° 4
14,12
15,27
- Appel d’offres n° 5
20,00
- Appel d’offres n° 6
20,00
- Appel d’offres « étranger »
6,80
0,08
Affectations aux associations
146,30
107,21
- AO n° 1 (tranche A)
48,00
45,73
- AO n° 2 (tranche B)
13,41
13,66
- AO n° 3 (tranche C1)
28,94
28,57
- AO Fondation de France
1,38
- Fonds d’urgence associatif
0,50
0,26
- AO n° 4 (tranche C2)
23,18
19,99
- Appel d’offres n° 5
6,00
- Reconduction AO n° 1 (tranche A1)
19,90
- Reconduction AO n° 2 (tranche B1)
4,00
- Projets étrangers
1,00
Solde
17,89
122,87
Tel qu'il se présente, ce document ne peut être rapproché en
l’état des comptes d'emploi établis par la Fondation de France, du fait
du cumul des sommes reçues dans le cadre des deux SIDACTION.
Cependant, le montant des versements correspond au cumul des
versements 1994/1995 effectués par la Fondation de France.
Un certain nombre d'informations diffèrent de celles qui sont
présentées dans le compte d'emploi :
FONDS SIDACTION
51
a) La réserve de 10 MF a un caractère indicatif et témoigne du
souhait d'ECS de mettre une partie des fonds en réserve. Elle n'avait
pas à être formalisée dans les comptes de la Fondation de France, qui
ne décrivaient que des versements.
b) L'appel d'offres Fondation de France a déjà été évoqué. Il
s'agit de la répartition des produits d'une collecte lancée en novembre
1993 sur le thème du sida. Il semble qu'il y ait eu un malentendu sur le
traitement comptable de ces fonds. ECS considérait qu'ils devaient
être reversés au fonds Sidaction, en se fondant sur une lettre en date
du 23 mars 1994 du président de la Fondation. Mais la Fondation de
France les a conservés dans ses opérations propres et a simplement
communiqué à ECS la liste des projets retenus
.
c) L'état des engagements ou affectations prend largement en
compte des opérations qui, au 31 décembre 1995, n'avaient reçu aucun
début d'application concrète telles, en ce qui concerne les associations,
la tranche A1 qui n'a été décidée qu'en septembre 1996 et les appels
d’offres 5 et 6
ainsi que, pour les opérations scientifiques, l’appel
d’offres "étranger". ECS justifie sa conception de la notion
d'engagement en considérant que toute volonté exprimée du conseil
d'administration de réserver des crédits à une opération projetée dans
un avenir plus ou moins proche constitue un engagement. Cette
position semble trop extensive
9
. Le cas de l'appel d'offres scientifique
"étranger", programmé en 1995 et non encore réalisé à la date de
l’enquête de la Cour, constitue un exemple des distorsions qui peuvent
résulter d'une telle conception.
De plus, en ce qui concerne les appels d'offres scientifiques, le
tableau fait apparaître des montants engagés inférieurs aux montants
versés.
Les
montants
portés
dans
la
colonne
"versements"
correspondent, en effet, aux montants approuvés par le conseil
d'administration d'ECS et versés par la Fondation de France à la
Fondation pour la recherche médicale. S’agissant des montants portés
dans la colonne "engagements", Ensemble contre le sida a indiqué que
"les chiffres provenaient directement des services de la Fondation
pour la Recherche Médicale" et qu’ils "divergeaient de ceux issus des
décisions d'engagement du conseil d'administration d'Ensemble contre
le sida", mais que "toutefois, pour des questions de cohérence et de
9
Voir sur ce point les remarques présentées par la Cour sur la notion d’engagement
dans ses rapports sur l’Association pour la recherche sur le cancer (p. 5 et 16) et sur la
Ligue nationale contre le cancer (p. 58 et 59).
52
COUR DES COMPTES
représentativité d'affichage, le parti a été pris de leur publication en
lieu et place des chiffres issus des votes initiaux de chaque appel
d'offres scientifique".
Aucune de ces modifications n'a toutefois été entérinée par le
conseil d'administration d'ECS avant le 4 mars 1997. Ont ainsi été
prises en compte des modifications d’engagements non approuvées
par le conseil d'administration. Ces écarts résultent des carences de
l'information d'ECS par la FRM. Il est toutefois à noter qu’une année
s’est écoulée entre la date de rédaction du rapport financier et la mise
au point d'une procédure d'information.
Si l'on retient la position plus restrictive énoncée plus haut, le
montant des engagements est de 99,53 MF au lieu de 146,26 MF pour
les projets scientifiques et de 124,01 MF au lieu de 146,30 MF pour
les projets associatifs, soit au total 223,54 MF au lieu de 292,56 MF.
B.
–
Situation au 31 décembre 1996
(en MF)
Situation cumulée
1996
Total des ressources
421,39
196,56
Dépenses opérationnelles ou missions
sociales
275,38
76,66
- Subventions versées à la recherche
133,73
42,22
- Subventions versées à l’action associative
138,70
31,49
- Subventions versées à la Fondation de France
2,95
2,95
Coûts directs d’appel à la générosité publique
24,25
6,81
Coûts de fonctionnement
14,39
5,72
Total des emplois
314,02
89,19
Ressources restant à reverser
107,37
107,37
Engagements notifiés et non versés
6,58
6,58
La présentation 1996 ne peut être que difficilement rapprochée
de celle de 1995 : elle est établie, en effet, en paiements et non plus en
engagements. Le montant des versements affectés aux missions
opérationnelles correspond aux chiffres de la Fondation de France
pour la même période. Pour les sommes restant à engager, peu
d’explications sont fournies : sur 107 MF restant à affecter, 10 MF
FONDS SIDACTION
53
correspondraient à la réserve, 10 MF à des versements en cours sur
décisions antérieures, 80 MF étant provisionnés pour des actions à
mener en 1997 et 1998. Le montant des sommes non affectées serait
donc de 7 MF.
Les changements intervenus dans les méthodes de présentation
introduisent
une opacité certaine pour la compréhension du
mécanisme de distribution des fonds.
III.
–
Les incidences des pratiques de la Fondation
pour la recherche médicale sur le compte
d'emploi
Lors de sa séance du 4 mars 1997, le conseil d'administration
d'ECS a approuvé des modifications portant sur les montants des
engagements des six premiers appels d'offres d'un montant global de
4,45 MF. Le 23 juin 1997, il a de nouveau entériné 0,71 MF de
modifications, soit un total de 5,16 MF, qui ramène le total des
engagements des six premiers appels d'offres scientifiques de
113,41 MF à 108,25 MF.
Un décalage avait, en effet, été constaté entre les versements
effectués sur ordre d'ECS par la Fondation de France à la FRM et les
engagements comptabilisés au sein de la FRM, les écarts étant liés à
des réductions, annulations, compléments ou ajouts de bourses et
projets de recherche.
Les pratiques de la FRM à l'origine de ces modifications
résultent en grande partie d'une absence d'information d’ECS par la
FRM sur les mouvements affectant les bourses décidées par le conseil
d'administration d'ECS. A titre d'exemple, les appels d'offres de la
FRM ayant été concomitants à deux reprises de ceux de l'ANRS
(Agence nationale de recherche sur le SIDA), un grand nombre de
boursiers retenus par la FRM ont opté pour la bourse de l'ANRS, qui
offre une meilleure protection sociale, et ont donc d'emblée renoncé à
la bourse Sidaction ; le conseil d'administration du 4 mars 1997 a
entériné pour le deuxième appel d'offres 0,99 MF de réductions sur un
engagement initial de 3,95 MF, soit 25,1 % ; pour la plupart, ces
annulations avaient eu lieu deux ans auparavant.
De même, le montant initial du quatrième appel d'offres
(15,27 MF) a-t-il été réduit de 1,47 MF, soit de 9,6 %. Ces annulations
54
COUR DES COMPTES
ont concerné presque exclusivement les bourses et représentent 18 %
sur un montant global de bourses de 8,05 MF.
Par ailleurs, la FRM a procédé à des réaffectations de bourses
ou à des modifications du montant de bourses ou de subventions,
coupant
court
aux
procédures
prévues,
ce
que
le
conseil
d'administration d'ECS n'a pu constater que
a posteriori
.
L'ensemble des modifications transmises par la FRM à ECS
peut être résumé dans le tableau ci-dessous :
FONDS SIDACTION
55
(MF)
Montant
approuvé
Modifications
4/03/97
Modifications
juin 1997
Total
modifications
Montant
effectif
AO 1
19/09/1994
20,51
- 0,07
- 0,07
20,44
Subventions
18,03
- 0,03
- 0,03
18,00
Bourses
2,48
- 0,04
- 0,04
2,44
AO 2
18/01/1995
17,96
- 0,98
- 0,98
16,98
Subventions
14,01
+ 0,01
+ 0,01
14,02
Bourses
3,95
- 0,99
- 0,99
2,96
AO 3
12/05/1995
22,43
- 0,15
- 0,14
- 0,29
22,14
Subventions
19,13
- 0,14
- 0,14
18,99
Bourses
3,30
- 0,15
- 0,15
3,15
AO 4
23/11/1995
15,27
-1,47
- 0,15
- 1,62
13,65
Subventions
7,22
- 0,12
- 0,12
7,10
Bourses
8,05
- 1,47
- 0,03
-1,50
6,55
AO 5
26/04/1996
20,54
- 0,76
- 0,02
- 0,78
19,76
Subventions
13,64
- 0,18
- 0,18
13,46
Bourses
6,90
- 0,58
- 0,02
- 0,60
6,30
AO 6
19/09/1996
16,45
- 1,02
- 0,40
- 1,42
15,03
Subventions
8,20
- 0,77
- 0,77
7,43
Bourses
8,25
- 0,25
- 0,40
- 0,65
7,60
Total
113,16
- 4,45
- 0,71
- 5,16
108,00
Subventions
80,23
- 0,97
- 0,26
- 1,23
79,00
Bourses
32,93
- 3,48
- 0,45
- 3,93
29,00
Il convient de noter que la liste des modifications transmises par
la FRM aux conseils d'administration d'ECS de mars et juin 1997
n'était pas exhaustive. D’autres modifications ont dû être entérinées
lors du conseil d'administration du 26 janvier 1998.
56
COUR DES COMPTES
3
Analyse des coûts d'appel à la générosité
publique
La Fondation de France distingue trois rubriques dans les coûts
d'appel à la générosité publique : les coûts de suivi - qui deviennent,
pour l'opération 1996, les coûts de préparation et de suivi -, les coûts
fixes, les coûts variables. Elle distingue également trois donneurs
d'ordre susceptibles d'engager des dépenses à ce titre : les sociétés de
télévision et les divers partenaires de l'opération, la Fondation de
France, ECS.
Pour les SIDACTION 1994 et 1996, les chaînes de télévision
ont pris à leur charge la plus grande partie des frais. Ont cependant été
imputés sur le montant de la collecte les frais d'affranchissement
relatifs au retour des enveloppes T ainsi que les frais liés au dispositif
renforcé de permanence téléphonique. Pour le Sidaction 1995, ils ont
comporté les frais de campagne ou frais techniques de diffusion et les
frais relatifs au retour des enveloppes T.
Le tableau suivant récapitule les frais de collecte engagés lors
des trois SIDACTION, hors frais engagés par les sociétés de
télévision et demeurés à leur charge. Afin de rendre la présentation
homogène pour les trois années, les frais de permanence téléphonique
ont été maintenus en coûts variables, alors qu'en 1996 ils ont été
intégrés aux "coûts de mise en place et de suivi", et les frais de
campagne publicitaire ont été intégrés aux coûts de préparation dès
l'année 1995, alors que, dans les premiers comptes rendus, ils
figuraient en coûts de collecte fixes.
FONDS SIDACTION
57
Les coûts de collecte
En MF, au 31/12/1997
Fonds 1994
Fonds 1995
Fonds 1996
Coûts de suivi de l’opération
0,25
0,63
2,84
- compte rendu aux donateurs
0,25
0,41
0,14
- frais publicitaires
0,22
2,70
Coûts de collecte variables
14,31
1,83
3,43
- traitement des dons
7,13
0,86
1,67
- enveloppes T
3,07
0,48
0,71
- fabrication des reçus et enveloppes
0,67
0,07
0,09
- affranchissement des reçus fiscaux
3,42
0,42
0,79
- petites fournitures et fournitures
diverses
0,02
0,11
- frais de banque sur collecte
0,06
Coûts de collecte fixes
0,82
0,24
0,82
- personnel et frais généraux
Fondation de France
0,28
0,16
0,16
- permanence téléphonique
0,30
0,54
- sécurité et gardiennage des locaux
0,04
0,12
- frais informatiques
0,20
0,08
Total
15,38
2,70
7,09
I.
–
Les frais de traitement des dons
Pour le traitement des dons, il a été fait appel à un prestataire
extérieur qui disposait de références dans le domaine de l’appel à la
générosité publique. Ce prestataire a été chargé de la logistique de
l'opération, depuis l’encaissement des dons et leur remise en banque
jusqu'à l'émission des reçus fiscaux. L'application des tarifs prévus
aux conventions a été vérifiée au cours de l'instruction. Les sommes
versées ont été ventilées entre frais variables et frais fixes selon leur
nature.
58
COUR DES COMPTES
II.
–
Les frais de campagne publicitaire
Pour le Sidaction 1994, les opérations publicitaires avaient été
assurées par les seules sociétés de télévision. ECS a toutefois souhaité
participer à la préparation des émissions ultérieures, surtout en 1996.
a) L'organisation du Sidaction 1995 a été l'occasion d'une
campagne spécifique d'ECS, en préparation et en accompagnement de
l'opération télévisée elle-même. Une agence de communication,
sélectionnée dans le cadre d'un appel à projet mené conjointement par
ECS et l'Association des agences de conseil en communication, était
en charge des documents visuels et des slogans de la campagne. Cette
agence a réalisé l'ensemble des prestations à titre gracieux, pour la
totalité des supports écrits, audiovisuels ou d'affichage ayant participé
à l'opération. Ces supports ont tous été obtenus gratuitement grâce à
un démarchage systématique effectué par six salariés temporairement
recrutés à cette fin et également en charge de la gestion des opérations
de collecte spontanément mises en place partout en France.
Les frais supportés par ECS pour l'organisation du Sidaction
1995 se sont élevés à 439 710 F. Ils ont été intégralement prélevés sur
son budget de fonctionnement. Ils constituent donc des coûts de
gestion pour l'opération. De plus, 217 000 F de factures ont été réglés
par la Fondation de France et imputés directement au fonds Sidaction
au titre des frais de collecte.
b) Pour le Sidaction 1996, ECS a eu une politique plus
ambitieuse de préparation et d'accompagnement de l'opération. Une
partie des dépenses a été imputée sur le fonds Sidaction en coûts de
collecte, la Fondation de France ayant donné son accord sur un
budget. Cependant, elle a refusé de prendre directement à sa charge
des dépenses salariales ainsi que des droits d’auteur comportant des
charges sociales. Les sommes en cause ont été dans ce cas
remboursées au franc le franc à ECS. Le commissaire aux comptes de
la Fondation a vérifié la réalité des dépenses exposées.
Les dépenses remboursées à ECS par la Fondation de France
ont comporté des salaires et charges pour un montant de 387 649 F,
correspondant à la rémunération
de cinq agents pendant des périodes
variables comprises entre avril et octobre 1996, les honoraires d’un
consultant chargé d’apporter une assistance
juridique pour la
modification des statuts (50 000 F), ainsi que diverses dépenses de
fonctionnement ou de petit équipement, mobilier et matériel
bureautique. S’il est certain que la préparation du Sidaction a été à
FONDS SIDACTION
59
l’origine de frais supplémentaires pour ECS, les dépenses engagées
ont
permis
un
renforcement
de
l’ensemble
des
moyens
de
fonctionnement courant de l’association.
Afin de renforcer sa politique de communication, ECS a passé
aussi des contrats avec différentes agences.
1) Un contrat passé pour le suivi des actions de communication
de presse liées au Sidaction recoupait très largement la mission
confiée à l’équipe recrutée par ECS. Le budget prévisionnel, accepté
par la Fondation de France et fixé à 110 000 F, a été dépassé. La
Fondation de France n’a accepté de prendre à sa charge que la moitié
du dépassement. L’autre moitié, soit 24 120 F, a été réglée par ECS et
intégrée à son budget de fonctionnement. Un tel
fractionnement nuit à
la lisibilité de l’opération.
2) Une consultation organisée en février 1996 a conduit à
sélectionner une agence à laquelle a été confiée, par une convention
toutefois non datée, une mission très large, comportant le conseil en
stratégie, la conception, la création graphique et la rédaction d'une
campagne publicitaire pour le Sidaction 1996, s’appuyant sur des
annonces de presse, du « couponning », des affiches et un message
radio, ainsi que la mission de réalisation de cette campagne, à savoir
l'exécution des différents supports de campagne. La convention
prévoyait également la collaboration de l'agence pour la recherche
d'annonceurs.
Les paiements effectués en application de cette convention se
sont élevés à 759 166 F, dont 400 000 F de frais d'agence et 359 166 F
de frais techniques de réalisation des outils.
3) Dans
sa
séance
du
25
janvier
1996,
le
conseil
d'administration d'ECS a décidé la réalisation d'un publipostage
d'appel aux dons sur un échantillon de 200 000 donateurs des
SIDACTION 1994 et 1995. "Cette opération", selon lui, "constituait
un test visant à qualifier la réactivité des donateurs des SIDACTION
1995 et 1996 à une sollicitation directe par mailing", à "préparer la
fidélisation de ces personnes à la cause de notre association" et à "les
préparer à l'édition prochaine du SIDACTION 1996."
ECS n’a pas eu le temps d'organiser un appel d'offres, mais
l’association a déclaré avoir procédé à diverses consultations
concernant les tarifs applicables pour une telle opération, en
particulier auprès des membres du conseil d'administration ayant
recours aux services de prestataires de cette nature. Une agence a été
60
COUR DES COMPTES
contactée pour créer, mettre au point et suivre une opération de
publipostage. En fait, un premier projet de contrat avait été établi dès
le 12 décembre 1995, soit avant l'information du conseil. Le montant
prévisionnel du projet était de l'ordre de 800 000 F TTC.
La Fondation de France a refusé d’avaliser cette opération et a
mis un terme aux opérations le 12 mars 1996. A cette date, 200 847 F
de travaux avaient déjà été engagés par l'agence, et il a été convenu
avec la Fondation de France de les prélever sur le Sidaction. Les
documents présentés lors de l'enquête de la Cour attestent de la réalité
des prestations réalisées, mais il n’a pas été produit de convention
signée.
III.
–
Les frais de compte rendu aux donateurs
Les comptes rendus aux donateurs sont arrêtés d'un commun
accord entre la Fondation de France et ECS, et les frais sont imputés
sur les produits de la collecte.
a)
Le rapport 1995,
SIDACTION 94,
comprenait trois
documents dans une jaquette : le rapport financier et les comptes
financiers d'ECS, le compte d'emploi des ressources du fonds
Sidaction, établi conjointement par la Fondation de France et ECS, et
la liste des bénéficiaires des bourses et projets subventionnés.
Pour les insertions dans la presse nationale, la solution retenue
en 1994 a consisté en une publication synthétique des résultats du
Sidaction 1994 dans six journaux et magazines couvrant l'ensemble du
territoire national. Chacune de ces insertions mentionnait la possibilité
pour toute personne d'obtenir un document détaillé sur l'emploi des
fonds collectés, en fait l'ensemble des documents mentionnés plus
haut. Le montant total des frais engagés par ECS en 1995 pour remplir
ces obligations contractuelles a été de 378 701 F, intégralement
prélevés sur le budget de fonctionnement.
b) En 1996, les comptes rendus aux donateurs ont compris les
documents ou publications suivants :
- Comme en 1995, des insertions financières ont mentionné la
possibilité de se procurer un rapport financier, sur les fonds
SIDACTION 1994 et 1995. Les mêmes supports ont été sélectionnés.
Les frais se sont élevés à 468 362 F ;
- Les documents financiers se composaient d'un rapport
d'activité de 38 pages, d'un condensé de ce rapport (12 pages) et d'une
FONDS SIDACTION
61
pochette cartonnée. Le rapport d'activité lui-même, édité à 4 000
exemplaires, a été expédié, accompagné du numéro 3 de "La lettre
d'ECS", aux journalistes de la presse écrite et audiovisuelle, ainsi qu'à
un certain nombre de personnalités et d’institutions. Le condensé de
ce rapport d'activité était tenu à la disposition du public qui pouvait en
faire la demande auprès de la Fondation de France, d'Ensemble contre
le SIDA, directement sur le 36-15 SIDACTION, ou dans une
enveloppe T diffusée à l'occasion du Sidaction 1996. Il a également
servi à l'information du public présent lors de l’émission télévisée. La
conception, l'édition et l'expédition de ces documents, financées sur le
fonds Sidaction, ont coûté 213 984 F ;
- Le bulletin trimestriel "La lettre d'ECS", dont le premier
numéro est daté de novembre 1995, a été financé en 1996 directement
sur le fonds SIDACTION. Les numéros 2 (14 000 exemplaires),
3 (7 000 exemplaires) et 4 (5 000 exemplaires) ont été expédiés aux
destinataires du rapport d'activité. Le numéro 2 a servi aussi au
démarchage des partenaires de l'opération télévisée du 6 juin 1996.
c) Pour les années 1997 et 1998, il a été décidé que le compte
rendu officiel financé sur le fonds Sidaction comporterait un rapport
d'activité et quatre numéros de la Lettre d'ECS. Les insertions dans la
presse, jugées trop coûteuses par la Fondation de France, ne font plus
partie de ce dispositif ; mais l’association ECS, si elle le souhaite, peut
les financer sur son propre budget de communication. Des
informations aux donateurs sur l'utilisation des fonds ont également
été diffusées lors de l'émission Sidaction 1996.
62
COUR DES COMPTES
4
Le coût de fonctionnement
Les frais de gestion du Sidaction ont, conformément aux
dispositions des contrats, été engagés par les acteurs suivants :
- la Fondation de France ;
- ECS ;
- l'Association des artistes contre le sida (AACS) qui, dans un
premier temps, était chargée de redistribuer aux associations les fonds
versés par la Fondation de France, mais qui a rapidement renoncé à
cette mission, car elle ne disposait d'aucun moyen matériel ;
- la Fondation pour la recherche médicale (FRM).
La répartition des charges entre ces différentes parties prenantes
a été la suivante au cours de la période considérée suivant les comptes
de la Fondation de France :
En MF
Sidaction
1994
Sidaction
1995
Sidaction
1996
Total
ECS
10,85
3,01
1,50
15,36
AACS
0,12
0,12
FRM
2,99
0,63
0,31
3,93
Fondation de
France
0,37
0,21
0,22
0,80
Total 31/12/97
14,33
3,85
2,03
20,21
I.
–
Les frais exposés par la FRM
a) Aucun dispositif contractuel n'ayant réglé les relations entre
la FRM et ECS, un accord paraît avoir été trouvé, concernant les frais
de gestion, sur un montant forfaitaire d’un million de francs par an
FONDS SIDACTION
63
fixé quels que soient le nombre d'appels d'offres et celui de dossiers
traités dans l'année et les montants à distribuer.
La FRM a transmis à ECS des budgets prévisionnels et des
comptes de résultat pour les exercices considérés, aboutissant tous à la
somme de 1 MF même si les montants des rubriques étaient sujets à
d'importantes variations et même s'il existait des versions différentes
pour un même exercice.
Si le montant des frais de gestion perçus par la FRM est
rapporté au montant des sommes qu’elle a distribuées, on aboutit à un
taux global pour les trois exercices considérés de 2,6 % :
(en milliers de francs)
1994
1995
1996
Total
Montants reçus de la Fondation
de France
20 153
55 665
36 982
113 160
Frais de gestion
969
1 001
998
2 968
%
4,7 %
1,8 %
2,7 %
2,6 %
ECS considère que ces proportions attestent de l'économie
réalisée
pour
la
gestion
des
fonds
scientifiques,
mais
les
approximations relevées dans la gestion des fonds Sidaction
10
par la
FRM conduisent à relativiser l'économie ainsi réalisée.
b) En outre, les budgets réalisés transmis par la FRM à ECS
font apparaître le poids grandissant des charges de personnel dans les
frais de gestion, et notamment du montant des salaires de personnels
titulaires de la FRM refacturés à ECS comme "complément ECS".
10
Ces approximations sont détaillées dans la deuxième partie du rapport.
64
COUR DES COMPTES
Les trois principaux postes de ces frais de gestion ont, en effet,
évolué ainsi :
1994
1995
1996
Informatique
240 127 F
-
-
en %
24,8 %
Publicité
278 932 F
280 949 F
120 451 F
en %
28,8 %
28,1 %
12,1 %
Personnel
319 249 F
560 044 F
700 661 F
en %
32,9 %
55,9 %
70,2 %
Les dépenses informatiques n'ont eu lieu qu'en 1994 : elles ont
consisté en une extension réalisée très rapidement de l'application
existant à la FRM pour les besoins de la gestion des fonds du
Sidaction. Les frais de publicité ont fortement diminué à partir de
1996 lorsque la FRM a abandonné la stratégie de diffusion des appels
d'offres dans les quotidiens nationaux pour une diffusion directe et
moins coûteuse auprès des organismes de recherche.
Après la disparition des frais informatiques et la diminution des
frais de publicité, le poste "dépenses de personnel" a fortement
progressé, si bien que le montant de 1 MF est resté inchangé, ainsi que
le montre le tableau ci-dessous :
En francs
1994
1995
1996
1997
Total dépenses de personnel
319 249
560 044
700 661
467 380
dont salaires personnel Sidaction
140 229
241 042
264 041
231 380
dont "complément ECS"
83 615
150 140
229 298
236 000
Total frais de gestion
969 183
1 001 742
998 242
831 000
Dépenses de personnel/frais de
gestion
32,9 %
55,9 %
70,2 %
56,2 %
Complément ECS/frais de gestion
8,6 %
15,0 %
23,0 %
28,4 %
La part des salaires de membres du personnel de la FRM
refacturés à ECS dénommée "complément ECS" dans le total des frais
de gestion est passée de 8,6 % en 1994 à 28,4 % en 1997.
FONDS SIDACTION
65
En 1996, ce "complément" comprenait 1/5
ème
du salaire du
directeur scientifique de la FRM (52 000 F), 1/3 du salaire des
responsables successives du secrétariat scientifique (118 650 F),
1/10
ème
du salaire des deux comptables (58 648 F). En 1997, le
"complément ECS" incluait en outre 1/10
ème
du salaire de la
responsable administrative et financière de la Fondation (48 700 F).
c) Dès janvier 1995, le trésorier d'ECS constatait que la FRM
était "dans l'impossibilité de fournir des états détaillés sur le
financement
scientifique
Sida,
et
des
statistiques
précises,
synthétiques ou croisées sur leur travail", ce qui empêchait Ensemble
contre le sida "d'orienter sa politique de subvention en matière
scientifique et de cibler sa communication dans ce domaine" malgré
un coût élevé des développements informatiques.
ECS n’a pas pour autant demandé d'informations sur le contenu
des budgets prévisionnels et leur exécution. Les raisons de ce silence
sont sans doute à rechercher dans l'économie des relations entre une
petite association naissante, démunie de compétences dans le domaine
médical, et une fondation réputée.
II.
–
Les coûts de fonctionnement de l’association
ECS
a) Les produits et les charges de l’association ont évolué de la
manière suivante au cours des trois années sous revue :
En MF
1994
(sept mois)
1995
1996
Produits d’exploitation
1,71
4,31
5,49
Charges d’exploitation
1,71
4,26
5,49
Dont notamment :
- autres achats et charges
externes
1,03
1,64
1,89
- salaires et charges sociales
0,66
2,38
3,23
Les recettes d'exploitation proviennent d'un prélèvement sur les
produits du fonds Sidaction versé par la Fondation de France au vu
66
COUR DES COMPTES
des budgets prévisionnels établis par le conseil d’administration
d’Ensemble contre le sida.
Même si la première année n'est guère significative, le passage
de 1994 à 1995, c'est-à-dire de sept mois à un an, provoque plus qu'un
doublement des charges d'exploitation qui se trouvent multipliées par
2,5 d'une année sur l'autre. En 1996, la croissance des charges est
encore de 28,9 %.
b) L’augmentation des charges de fonctionnement résulte
principalement du poste de personnel. Elle est en grande partie due au
renforcement du service chargé des appels d'offres associatifs, ainsi
qu’au recrutement d’agents en charge de la publicité et de la
communication.
Compte tenu du recours important à des personnels temporaires,
l'effectif réel était, en 1995, de 8 cadres et 17 non-cadres. La
campagne de préparation du Sidaction 1996 a entraîné le recrutement
de six personnes de niveau cadre sur CDD. La masse salariale,
charges comprises, est passée de 2,4 MF en 1995 à 3,2 MF en 1996.
Le niveau moyen des rémunérations demeure dans des limites
raisonnables. Les rémunérations sont cependant d'un niveau supérieur
au marché pour les non cadres :
Niveau moyen des
rémunérations brutes (en francs)
1994
1995
1996
Cadres
15 092
17 782
17 223
Non cadres
7 988
12 579
11 120
Une tendance nette à la hausse s'est manifestée en 1995,
contenue en 1996. Ces moyennes intègrent les rémunérations des
agents sur CDD. Début 1997, ECS s’est engagé dans une politique de
réduction des effectifs.
c) Les honoraires sont versés notamment en vue du contrôle de
l’emploi des subventions.
FONDS SIDACTION
67
(en francs)
1995
1996
Honoraires commissariat aux comptes
94 353
122 324
Honoraires juridiques
60 100
154 131
Honoraires conseil technique
49 748
37 988
Honoraires contrôle des subventions
81 284
237 853
TOTAL
285 485
552 296
d) Les actions de communications engagées par ECS se sont
élevées à 992 512 F en 1995, principalement pour des publications
financières et dépliants (378 705 F), la
campagne Sidaction 1995
(439 710 F), la Journée mondiale contre le sida du 1er décembre 1995
(154 508 F) et la publication de l'appel d'offres associatif n° 5
(18 904 F). Le premier numéro de "La lettre d'Ensemble contre le
sida" est paru à l’occasion de la journée mondiale. En outre, des
conférences de presse régionales ont été tenues à Lyon et Marseille.
En 1996, la plus grande partie des actions de communications a
été supportée par le fonds Sidaction à hauteur de 2,7 MF. Ce transfert
de charges vers le fonds Sidaction, en particulier pour les publications
financières, ne s'est pas traduit par une diminution corrélative du
budget de fonctionnement : le poste des "autres achats et charges
externes" a progressé de 14,6 % en 1996.
En marge de ces actions, ECS a financé sur son propre budget
plusieurs opérations, notamment une conférence de presse en
collaboration avec le coordinateur du Sidaction 1996 pour les chaînes
de télévision (50 670 F) et la participation à la journée mondiale de
lutte contre le sida du 1
er
décembre 1996 (46 223 F).
ECS finance aussi sur son budget la conception, l'édition et
l'expédition du bulletin trimestriel "Ensemble contre le SIDA" adressé
à 150 000 donateurs qui ont effectué des dons multiples et récents.
Son envoi est systématiquement accompagné d'un appel aux dons ; le
total des dons parvenus directement à ECS grâce à ce périodique en
1997 s’est élevé à 7,5 MF. Cet outil s'inscrit dans la nouvelle politique
de collecte de fonds décidée par le conseil d'administration du 6
janvier 1997.
68
COUR DES COMPTES
Chapitre II
LE FINANCEMENT D’ACTIONS DE
RECHERCHE
Les actions en faveur de la recherche médicale se sont déclinées
en deux grandes rubriques :
- les bourses et subventions de recherche attribuées lors des
appels d'offres organisés par la Fondation pour la Recherche Médicale
: ceux-ci ont été au nombre de six jusqu'en 1996 pour un total de
113 MF ;
- l'aide à la création du Centre intégré de recherches
biocliniques sur le sida, soutenu par Sidaction à hauteur de 25 MF.
FONDS SIDACTION
69
1
Les bourses et les subventions de recherche
I.
–
Les appels d'offres
Se fondant sur les indications recueillies au cours de l’enquête
auprès du directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida
(ANRS), ainsi que du président et de certains membres du comité
scientifique, la Cour estime que ce comité a défini, après des débuts
difficiles,
une
véritable
politique
scientifique
en
réelle
complémentarité avec l'ANRS.
En revanche, l'examen de la gestion administrative et financière
par la FRM des financements alloués a mis en évidence des
défaillances, même si des efforts de remise en ordre ont été accomplis
depuis le début de 1997.
A.
–
Le comité scientifique sida
a) Un comité scientifique provisoire de 27 membres avait été
mis en place dans les jours précédant le Sidaction du 7 avril 1994. Le
président de la FRM en avait confié la présidence à un professeur
hématologiste non spécialiste du sida.
Selon les différentes relations consultées ou recueillies au cours
de l’enquête, les premiers travaux de ce comité se sont déroulés dans
une ambiance survoltée. Composé de fortes personnalités, dont le
codécouvreur du VIH, qui considérait que sa présence depuis les
débuts d’ECS lui ouvrait droit à 50 % des crédits scientifiques, ce
comité a travaillé sous une pression très forte causée par le
développement de l'épidémie et son caractère incurable à l'époque
ainsi que par l’afflux de projets suscité par l'ampleur de la collecte.
Des demandes portant sur des montants très élevés ont été
déposées. Des projets que l'ANRS n'avait pas acceptés - ou qu'on
n'avait pas osé lui soumettre - ont été présentés à SIDACTION. Un
projet a ainsi été financé à hauteur de 0,4 MF alors que 7 MF étaient
demandés ; il était exposé au comité scientifique par son rapporteur
qu’il y avait « un trou d’air entre l’énormité des sommes demandées et
70
COUR DES COMPTES
la concision pour ne pas dire l’absence de description de la recherche
envisagée ».
Certains membres de l'équipe de l'Institut Pasteur ayant
découvert le VIH n'ont pas admis que cette seule qualité ouvre à
l'ancien directeur de l’équipe un "droit de tirage" si élevé pour son
projet de centre de recherche (voir 2). Les premières réunions ont
donc été « houleuses » selon les déclarations faites à la Cour par les
responsables de la FRM, ce qui a conduit rapidement à la démission
de la présidente du comité. Plusieurs départs et un renouvellement
partiel en janvier 1997 ont ramené l’effectif du comité scientifique à
20 membres.
b) Après plusieurs mois, un professeur spécialiste du sida, déjà
très impliqué à l'ANRS, a accepté de devenir le président du comité
scientifique sida, qui a pu alors trouver son équilibre.
Le président du comité a souligné auprès de la Cour les efforts
déployés pour adopter un mode de fonctionnement rigoureux analogue
à ceux de l'INSERM et de l'ANRS. Chaque demande de subvention a
été examinée par deux rapporteurs, trois lorsque la demande excédait
un million de francs. Le comité a toujours fonctionné en séance
plénière. Sa multidisciplinarité lui a permis d'être un lieu d'échanges
permanents entre fondamentalistes et cliniciens.
Il
est
rapidement
apparu
nécessaire
au
comité
d'être
complémentaire de l'ANRS en raison de la plus grande souplesse du
financement privé. Alors que le texte des deux premiers appels
d'offres indiquait que d'une façon générale, les projets aidés par
l'ANRS
ne
seraient
subventionnés
"que
dans
un
souci
de
complémentarité",
le texte du troisième a précisé que celle-ci
concernait
en particulier le personnel.
Le président du comité scientifique sida a exposé à la Cour qu’il
s'agit là d'un point fondamental. "Plutôt que de rentrer dans une
compétition absurde entre organismes publics et privés, le souhait de
la majorité des membres du comité était de mettre en place et de
contribuer à une recherche scientifique et/ou à une recherche clinique
de qualité tournée vers les patients." C'est dans cette optique de
complémentarité que "le comité scientifique SIDA a fait un effort
notable pour l'attribution de bourses (en sachant que le nombre de
bourses attribué par l'ANRS était relativement limité) et de
subventions permettant de financer du personnel". De même l’ancien
directeur de l'ANRS a indiqué que "Sidaction a rendu un grand service
FONDS SIDACTION
71
en termes d'emploi dans des secteurs où l'ANRS ne pouvait intervenir.
Cette aide était malheureusement sans possibilité de relais, pour des
raisons de rigidité de l'emploi scientifique dans ce pays".
À partir du cinquième appel d'offres, il a été confirmé que
"d'une façon générale les projets déjà financés par l'ANRS ne seront
aidés que dans un souci de complémentarité au niveau des moyens en
personnel".
La plus grande souplesse du financement apporté par ECS
apparaît sous deux aspects. En premier lieu, alors que l'ANRS ne
faisait qu'un appel d'offres par an, ECS en a fait deux en 1994, deux
en 1995, deux en 1996
11
. Cette fréquence plus élevée des appels
d'offres a permis à Sidaction d'engager des projets que l'ANRS a
ensuite financés.
La complémentarité s'est exprimée aussi au travers des types de
financements octroyés : ainsi le comité scientifique sida a-t-il accordé
des financements complémentaires à ceux de l'ANRS en matière de
personnel. Tous les intervenants interrogés au cours de l’enquête ont
insisté sur le caractère crucial pour la recherche sur le sida de la
possibilité de recruter sous contrat à durée déterminée des techniciens
ou des ingénieurs, notamment pour le suivi épidémiologique de
"cohortes". Seul SIDACTION a offert cette possibilité. En ce sens, le
financement privé a permis d'accompagner l'effort public. Le directeur
de l'ANRS a reconnu d’ailleurs l'apport essentiel de SIDACTION en
matière de dépenses de personnel.
Une comparaison de la liste établie par l'Agence nationale de
recherche sur le sida des laboratoires ayant reçu d’elle plus de 2 MF
de 1989 à 1997 et de la liste établie par la Fondation pour la recherche
médicale des laboratoires ayant reçu du SIDACTION plus de
900 000 F du premier au septième appel d'offres, c'est-à-dire de 1994
à 1997, fait apparaître des correspondances concernant 17 équipes. Le
fait que des montants importants de fonds Sidaction aient été attribués
à des équipes très soutenues par l'ANRS n'est toutefois pas jugé
anormal par l'ancien directeur de l'ANRS qui a exposé à la Cour que
"s'il en avait été autrement, cela aurait signifié que d'un côté ou de
l'autre l'évaluation avait été contestable". Le seul cas particulier est
celui de l'équipe du Centre intégré de recherches biocliniques sur le
11
La diminution des ressources disponibles a fait toutefois qu'il n'y en a eu qu'un en
1997 et un en 1998, à la date de l’enquête de la Cour. Depuis 1999, l'ANRS organise,
quant à elle, deux appels d'offres annuels.
72
COUR DES COMPTES
sida (CIRBS). Encore l'ANRS en a-t-elle financé l'équipement lourd,
considérant que, dès lors que ce centre existait, il fallait lui permettre
de fonctionner.
c) Le texte des appels d'offres, à l'exception du quatrième, était
très ouvert puisque les demandes de subventions pouvaient porter "sur
différents aspects de la recherche concernant le sida : recherche
clinique, thérapeutique,
fondamentale, recherche rattachée aux
sciences de l'homme et de la société".
Seul le quatrième appel d'offres ne comportait que trois thèmes
: "l'évaluation de marqueurs virologiques ou immunologiques pour le
suivi des patients", "la recherche clinique ou en sciences sociales sur
la précarité, l'exclusion, la toxicomanie et les migrants dans le cadre
de l'infection à VIH" et "la recherche clinique pour les services ou
unités cliniques particulièrement impliqués dans la prise en charge des
patients" afin "de favoriser, au niveau de différents sites hospitaliers,
la recherche clinique et/ou une interface avec des structures de
recherche plus fondamentale."
Cet appel d'offres qui "excluait la recherche fondamentale pour
viser spécifiquement la recherche clinique et la recherche en sciences
sociales" a suscité peu de demandes. Le président du comité
scientifique sida faisait valoir toutefois que "malgré ce demi-succès
(54 demandes de subvention), 31 projets ont été retenus visant la
recherche clinique, la toxicomanie et l'étude des populations
migrantes", pour un montant global de 7,22 MF. Des administrateurs
d’ECS s'étonnaient cependant de l’absence de projets sur la douleur ou
sur la nutrition.
d) La politique scientifique du comité s'est donc conformée
dans l'ensemble à celle de l'ANRS. La tentative effectuée lors du
quatrième appel d'offres pour développer des projets de recherche
clinique n'a pas rencontré l'écho souhaité. Le président du comité
scientifique sida considère "qu'il est illusoire de croire que les
thématiques scientifiques proviennent d'un comité quelle que soit sa
qualité" et qu’il "est donc tout à fait logique que le comité scientifique
et médical FRM-Sidaction ait proposé des appels d'offres généraux".
FONDS SIDACTION
73
Les financements attribués
a) Le tableau ci-dessous récapitule les montants distribués lors
des six premiers appels d'offres tels qu'ils ont été acceptés par le
conseil d'administration d'ECS et virés à la Fondation pour la
recherche médicale par la Fondation de France
12
.
Subventions
%
Bourses
%
Total (MF)
Nombre
Montant
Montant
Nombre
Montant
Montant
moyen
moyen
(MF)
(francs)
(MF)
(francs)
AO 1
54
18,03
333 907
87,9%
25
2,48
99 280
12,1%
20,51
AO 2
62
14,01
225 984
78,0%
39
3,95
101 282
22,0%
17,96
AO 3
85
19,13
225 047
85,3%
30
3,30
110 193
14,7%
22,43
AO 4
31
7,22
232 863
47,3%
73
8,05
110 301
52,7%
15,27
AO 5
60
13,64
227 366
66,4%
63
6,90
109 457
33,6%
20,54
AO 6
42
8,20
195 125
49,8%
73
8,25
113 013
50,2%
16,45
Total
334
80,23
70,9%
303
32,93
29,1%
113,16
Sur les 113,2 MF distribués lors des six premiers appels
d'offres, 71 % l'ont été sous forme de subventions et 29 % sous forme
de bourses. Cette répartition a été variable toutefois selon les appels
d'offres : le montant distribué en bourses dépasse les 50 % lors des
quatrième et sixième appels d'offres.
Le montant moyen des subventions a diminué, passant de
333 907 F lors du premier appel d'offres à 195 125 F lors du sixième,
soit une baisse de 41,6 %.
Le tableau ci-dessous récapitule les disciplines dont relèvent les
subventions attribuées (en nombre de subventions) :
12
La FRM a fait état de 1 064 demandes pour les six appels d'offres.
74
COUR DES COMPTES
1994/95
1996
Total
Recherche fondamentale
112
48
160
Virologie fondamentale
46
23
69
Immunologie
58
19
77
Recherche thérapeutique
6
6
12
Vaccins
2
0
2
Recherche clinique et
épidémiologique
97
40
137
Recherche clinique
63
34
97
Virologie clinique
34
6
40
Sciences sociales
24
13
37
TOTAL
233
101
334
(Source : rapports d'activité d'ECS 1994/95 et 1996)
b) L'utilisation de ce type de crédits risque d’entraîner deux
types de dérives : l'autodistribution et le financement d'équipements
lourds.
Lorsqu’il a été entendu par la Cour, le président du comité
scientifique sida a exposé que le problème de l'autodistribution n’a pas
de solution satisfaisante. Le milieu de la recherche sur le sida est
relativement restreint et le président a déclaré assumer le fait qu'il y a
eu autodistribution.
De fait, le rapprochement entre la liste des membres du premier
comité
scientifique
et
celle
des
laboratoires
ayant
reçu
de
SIDACTION plus de 900 000 F au cours des six premiers appels
d'offres fait apparaître des correspondances significatives : 47 des 334
subventions accordées lors des six premiers appels d'offres l'ont été à
des membres du comité, soit 14,7 % ; elles ont été d'un montant plus
élevé que la moyenne des subventions accordées par le comité
scientifique, puisqu'elles ont représenté 17,5 MF sur un total de
81 MF, soit 21,6 % des financements ; les demandes des membres du
comité scientifique ont été acceptées à 61 % contre 56 % pour les
autres équipes.
FONDS SIDACTION
75
Le président du comité considère cette proportion comme "tout
à fait raisonnable en termes de représentation au sein de la
communauté scientifique et médicale nationale". Il a souligné que
toutes les subventions dont ont bénéficié ses collègues ont donné lieu
à des publications, dans des revues majeures pour plusieurs d’entre
elles. Il convient cependant d'exclure de ce bilan satisfaisant la
subvention d’un million de francs accordée pour la réalisation d'un
"hôpital sur rue" traitée plus loin.
c) Les membres du comité scientifique ont fréquemment été en
désaccord
sur
le
financement
d'équipements
lourds,
les
uns
considérant que les demandes de ce type étaient à prendre en compte
dès lors qu'elles servaient la recherche sur le sida, d'autres regrettant
que l'argent du Sidaction ne soit pas utilisé pour encourager des
recherches plus originales.
Les crédits du Sidaction ont, de fait, été parfois utilisés au
financement d’équipements lourds dont l’utilité n’apparaissait pas
établie aux rapporteurs du comité scientifique sida. Telle demande de
3 MF était jugée "hors de propos et de prix", mais le comité l’a
retenue pour 0,8 MF.
L'ancien directeur de l'ANRS a cependant fait valoir à la Cour
que, même non directement et entièrement dévolus à la recherche sur
le sida, les investissements que le Sidaction a contribué à financer, tels
un trieur de cellules ou une banque de tissus cryopréservés, auraient
pu être pris en charge par le budget de l'agence : "le budget
d'équipement de l'ANRS était tout à fait susceptible de prendre en
charge de telles demandes, si elles étaient justifiées. Il me paraissait
inutile que SIDACTION s'en charge. A cette remarque près,
intrinsèquement ce financement n'était pas scandaleux".
II.
–
Les subventions
Durant les six premiers appels d'offres aucune procédure n'avait
été mise en place afin de s'assurer de la conformité de l'usage des
fonds. Un certain nombre des dossiers consultés à la Fondation pour la
recherche médicale au cours de l'instruction de la Cour présentaient un
caractère désordonné ou incomplet.
Ainsi le désordre des nombreux dossiers de subventions à deux
chercheurs, père et fils, travaillant dans le même laboratoire mais sur
des projets distincts était tel qu'il a fallu à la FRM, pour répondre aux
questions de la Cour, établir un récapitulatif de l'ensemble des
76
COUR DES COMPTES
financements accordés. Il n’a pas été possible de retrouver le dossier
du cinquième appel d'offres, soit qu'il ait été définitivement perdu, soit
qu'il n'ait jamais existé.
A.
–
L'instruction financière des dossiers
L'instruction financière des dossiers de demande de subvention
était effectuée en même temps que l'instruction scientifique. La FRM
ne demandait que des devis ou un curriculum vitae, suivant que la
demande se rapportait à un investissement ou à du personnel. Les
informations à fournir sur les autres financements de l'équipe qui
présentait le projet étaient très sommaires.
Alors même qu'il existait une procédure spécifique pour les
demandes
de
bourse,
des
demandes
de
subventions
visant
explicitement à payer des "allocations de recherche" ont été jugées
conformes. L'attribution d'une subvention de recherche explicitement
destinée à financer des revenus de transition à des étudiants paraît à la
Cour constituer un dévoiement dans la mesure où il existait une
procédure spécifique pour les bourses. De surcroît, les étudiants
débutant leur thèse étaient explicitement inéligibles aux bourses
Sidaction. Or le phénomène s'est répété à maintes reprises. La
définition préalable de la ventilation des financements accordés aurait
permis de garantir une utilisation conforme.
Lors du troisième appel d'offres, une demande de subvention
avait été placée en attente, mais une lettre de refus figurait dans le
dossier. Interrogée par la Cour, la FRM a exposé que la lettre de refus
avait été envoyée par erreur : "le comité scientifique qui avait accordé
0,5 MF avait demandé des éclaircissements au demandeur. Après un
nouvel examen des rapporteurs et du Président
13
, la somme a été
définitivement allouée. Entre temps une réponse négative a été
adressée automatiquement avant décision définitive du président."
Dans un autre cas, deux projets avaient été soumis en même
temps par un même laboratoire, mais la FRM s’est contentée
d'indiquer un montant attribué sans préciser lequel des deux projets
avait été retenu.
13
Dont la trace ne figure pas au dossier.
FONDS SIDACTION
77
B.
–
La mise en place des fonds
a) Les bénéficiaires de subventions recevaient une lettre de la
FRM les informant du montant attribué sans préciser d’ailleurs le
projet financé, même lorsque l'organisme demandeur avait déposé
deux projets, mais la FRM n’établissait pas de convention avec
l'organisme attributaire précisant l'objet de la subvention, sa
ventilation
entre
dépenses
d'investissement,
dépenses
de
fonctionnement et dépenses de personnel, ainsi que la durée
d'utilisation des fonds, toujours versés en une seule fois.
b) Différents exemples caractéristiques d’un manque de rigueur
dans le maniement des fonds ont été relevés.
La menace de gel des crédits inutilisés en fin d'exercice par le
comptable d'une université avait conduit les attributaires d'une
subvention de 150 000 F au titre du second appel d'offres à en "prêter"
le montant à un autre laboratoire. La FRM n'a obtenu d’information
précise sur l'utilisation de ces crédits que pour répondre à la Cour deux
ans plus tard.
Une autre subvention avait été versée au compte personnel du
directeur du laboratoire de Guyane où devait se dérouler la recherche.
Aucun document en retour, ni scientifique ni financier, ne figurait
dans le dossier présenté à la Cour en 1998. L’enquête a fait apparaître
qu’un compte-rendu scientifique et financier avait été adressé en
novembre 1997 mais n'avait pas été classé dans le dossier. Le compte-
rendu financier ne porte toutefois que sur 144 267 F, alors que
200 000 F avaient été alloués.
c) Les subventions ont très fréquemment été versées à des
associations. Aux grandes associations telles l'Association Claude
Bernard, l'Institut de Médecine et d'Epidémiologie Africaine -
Fondation Léon M'Ba ou Naturalia et Biologia s’ajoutent de
nombreuses associations constituées notamment auprès des hôpitaux
publics (Saint-Antoine, Broussais, Cochin, Bichat à Paris, Raymond
Poincaré à Garches, Henri-Mondor à Créteil, l’Archet à Nice).
En l'absence d'instruction financière, la FRM n’exerçait aucun
contrôle sur le montant des frais de gestion prélevés par ces
associations, qui pouvaient atteindre 10 %.
Dans le cadre du quatrième appel d'offres thématisé, une
association avait ainsi obtenu 121 400 F pour la coordination médicale
de ses actions de recherche. Cette association était liée à une grande
78
COUR DES COMPTES
association intervenant dans le domaine des maladies infectieuses et
tropicales, le demandeur de la subvention étant le directeur général de
cette grande association.
L'un des rapporteurs du comité scientifique déclarait douter que
les donateurs eussent envisagé que les collectes de S
IDACTION
pouvaient recevoir un tel usage "dont le bénéfice immédiat ou plus
lointain pour les patients inclus dans les essais n'est pas manifeste". La
FRM n’a pu transmettre à la Cour les statuts de cette association ni
apporter des précisions sur les dépenses de personnel, qui formaient la
plus grande partie des emplois, tandis qu’un prélèvement de 7 % était
opéré sur la subvention pour frais de gestion.
C.
–
Le contrôle de l’utilisation des fonds
Les bénéficiaires s’engageaient à faire parvenir à la Fondation
pour la recherche médicale dans le délai de douze mois un « compte-
rendu clair sur l'emploi fait de cette aide à la recherche » et à lui
indiquer en quoi cette aide à la recherche avait "permis de faire
progresser la recherche médicale".
a) En l'absence de toute sanction de la non production des
comptes-rendus financiers, ces documents ne figuraient pas dans
nombre des dossiers examinés au cours de l’instruction de la Cour.
Ceux qui avaient été transmis avaient été classés sans examen. Il a été
constaté que ces bilans étaient fréquemment succincts et imprécis.
Ainsi, dans le cadre du premier appel d'offres, le Sidaction avait
financé à hauteur de 800 000 F un équipement pour lequel la demande
initiale s'élevait à 2,5 MF. Dans le dossier figurait un devis s'élevant à
2 478 740 F. La facture correspondante (établie par une entreprise
autre que celle qui avait fait le devis) était de 799 999,99 F, réglée par
deux chèques tirés sur deux comptes différents d'une même
association parahospitalière. La FRM n'a pu indiquer le coût global du
matériel acheté ni la part de Sidaction dans son financement.
b) Même lorsqu’un laboratoire signalait l'existence d'un
reliquat, cela n'entraînait pas de réaction particulière de la FRM.
Une subvention d’un million de francs a ainsi été accordée dans
le cadre du second appel d'offres, au début de 1995, pour un projet
"Prévention et réduction des risques pour les usagers de drogues par
voie intraveineuse" présenté par le chef du service des maladies
infectieuses d'un hôpital parisien. Il s'agissait de la construction d'un
FONDS SIDACTION
79
"hôpital sur rue" destiné à améliorer l'accès aux soins de toxicomanes
séropositifs et de patients marginalisés. Le projet comportait des
actions médico-sociales, pour lesquelles 2 MF étaient sollicités du
comité associatif d’ECS, et une recherche universitaire sur les
pharmacodépendances. La subvention à ce titre devait principalement
financer
la
construction
de
locaux
réservés
à
un
centre
d'épidémiologie et de recherche sur les toxicomanies.
Aucun compte-rendu d'utilisation des fonds versés (1 MF) ne
figurait au dossier, malgré deux demandes de la FRM en février et
mars 1996. L’enquête de la Cour a fait apparaître que l’opération
n'avait toujours pas reçu de permis de construire en 1998, mais qu'une
partie de la subvention (250 000 F) avait été utilisée pour "l'accueil
des toxicomanes au service des maladies infectieuses".
Plus de trois ans après avoir été versée sur le compte d'une
association, la subvention restait en grande partie inutilisée, tandis
qu'une fraction avait été utilisée à autre chose qu'au projet financé. Le
bénéficiaire de la subvention a informé la Cour en 1999 que le permis
de construire avait été délivré "près de quatre ans après son dépôt".
Une instruction de la demande aurait sans doute fait ressortir que le
projet n’était pas prêt.
c) La FRM a accordé des autorisations de prolongation de la
durée
de
l'utilisation
des
fonds
sans
informer
le
conseil
d'administration d'ECS.
Une association qui avait obtenu 165 000 F lors du sixième
appel d'offres, en octobre 1996, pour la réalisation d'une étude
"prévention du sida auprès de jeunes Thaï : recherche et formation" a
finalement averti la FRM en juillet 1997 que le travail ne démarrerait
pas avant juillet 1998. De même, l'utilisation d'une subvention de
265 661 F obtenue en octobre 1996 pour une recherche intitulée "les
médecins et les soins aux malades du sida" a été différée jusque en
octobre 1998 "en raison des changements considérables dans le champ
des traitements du SIDA".
Le conseil d'administration d'ECS n'a pas été informé de ces
autorisations de prolongation de la durée d'utilisation des fonds.
d)
La
FRM
n'a
demandé
qu'exceptionnellement
le
remboursement de subventions inutilisées. Le cas ne semble s'être
présenté qu'à deux reprises, ce qui contraste avec la pratique constatée
pour les financements associatifs d’ECS.
80
COUR DES COMPTES
Ainsi un projet subventionné dans le cadre du quatrième appel
d'offres à hauteur de 140 000 F n'avait pu être réalisé. 116 162 F
seulement ont été restitués : la subvention avait, en effet, été versée
sur le compte d'une association parahospitalière qui a prélevé 8 400 F,
soit 6 % de la subvention inutilisée, au titre de ses frais de gestion et a
dépensé 23 838 F en frais divers. La FRM a accepté que le
remboursement ne soit pas intégral, laissant à l'association le bénéfice
du prélèvement de frais de gestion d'une subvention en fait inutilisée.
III.
–
Les bourses de recherche
En palliant l'absence de financement public de bourses de
recherche post-doctorales, SIDACTION répondait incontestablement
à la demande de telles aides qu’expriment les jeunes chercheurs. Les
difficultés liées à la gestion de ces bourses ont toutefois conduit le
conseil d'administration d'ECS à devoir entériner, en mars et juin
1997, des modifications d'engagements s'élevant à 3,9 MF.
A.
–
Critères d'attribution et grilles tarifaires
a) Pour les trois premiers appels d'offres, les bourses étaient de
niveau strictement post-doctoral. A partir du quatrième appel d'offres,
le bénéfice en a été ouvert aux pharmaciens et aux étudiants dans leur
dernière année de thèse ayant besoin d’une bourse de relais.
L'exclusion des chercheurs n'ayant pas soutenu leur thèse a
toutefois donné lieu à de nombreux détournements de procédures déjà
relatés, les directeurs de laboratoires ayant fréquemment utilisé les
subventions de recherche pour financer des allocations à de jeunes
chercheurs.
En 1996, les montants mensuels variaient de 7 500 F, pour les
scientifiques dans leur dernière année de thèse, à 14 000 F, pour les
chefs de clinique assistants.
b) Les jeunes chercheurs auxquels une bourse était attribuée
recevaient de la FRM une lettre soulignant que "cette aide [constituait]
une libéralité exclusive de toute obligation ou contrepartie et qu’ils
[avaient] à assurer personnellement leur couverture sociale".
Si les positions de l'URSSAF et de la CNAMTS tendraient à
assujettir les bourses aux cotisations de sécurité sociale, la Cour de
cassation refuse de soumettre à cotisation de sécurité sociale la bourse
FONDS SIDACTION
81
de recherche allouée par une association à un étudiant effectuant des
recherches dans un laboratoire, en considérant qu'il n'existe pas de lien
de subordination entre lui et le chef du laboratoire, ses travaux étant
destinés à l'élaboration de sa thèse de doctorat.
Cette absence de statut social avait conduit le conseil
d'administration d'ECS à voter en septembre 1994 une provision de
250 000 F destinée à apporter une aide aux jeunes chercheurs pour le
financement de leur assurance personnelle, à hauteur de 10 000 F par
bourse. 122 242 F avaient été consommés au 31 décembre 1998. La
FRM a précisé qu’à compter de la mi-1996, elle n’a plus proposé cette
possibilité aux bénéficiaires de bourses, après que plusieurs dossiers
ont été remis en cause par l'administration fiscale.
B.
–
Gestion des bourses
La gestion des bourses par la FRM a été émaillée de
nombreuses approximations et irrégularités, favorisées par l'absence
de règles écrites autres que le texte des appels d'offres et les grilles
tarifaires. Ce flou concernait notamment la prise en compte des
ressources extérieures dont disposaient parfois les boursiers.
L'information d'ECS et de son conseil d'administration par la
FRM au sujet des nombreuses modifications de situation des boursiers
a été tardive, lacunaire et parfois erronée.
a) Les critères d'attribution et la grille tarifaire n'ont pas
toujours été respectés parfois au détriment des chercheurs, parfois à
leur avantage, ce que la FRM n'a pas contesté sans apporter
d’explication pour autant.
Interrogée sur le cas d’une bourse de 14 000 F par mois
attribuée en 1997 lors du sixième appel d'offres à un chercheur qui a
déclaré à la FRM des vacations d'un montant mensuel de 3 000 F,
mais n’a reçu qu’une bourse de 9 000 F par mois, soit selon une pièce
du dossier "14 000 F – 3 000 F = 9 000 F", la Fondation pour la
Recherche Médicale s’est ainsi bornée à répondre : "erreur de calcul à
laquelle il n'est pas prévu de donner suite".
De même, les modalités de la prise en compte des autres
ressources des boursiers ont été fluctuantes. La défalcation du montant
des bourses non plus de la moitié - règle adoptée lors du premier appel
d’offres - mais de l'intégralité des ressources annexes déclarées par les
candidats a parfois vidé de leur sens les décisions du comité
82
COUR DES COMPTES
scientifique. En revanche, un boursier du sixième appel d'offres a
bénéficié d'un complément de 48 000 F pour "réévaluation du montant
de la bourse" en 1997, la FRM acceptant de ne pas défalquer du
montant mensuel de la bourse les vacations de 4 000 F que percevait
par ailleurs ce médecin. La FRM a exposé à la Cour que la pratique
des déductions a cessé.
Ces rectifications de bourses n'ont été présentées au conseil
d'administration d'ECS qu’en mars 1997. Il convient de noter
l'absence fréquente dans les dossiers de toute trace écrite des décisions
modificatives, dont il n’est pas précisé si elles émanent du comité sida
ou du secrétariat scientifique de la FRM.
b) Des virements de bourses ont continué d'être opérés à des
boursiers qui avaient signalé leur renoncement.
Un boursier du troisième appel d'offres avait signalé par lettre
qu'il avait trouvé un poste de maître de conférences mais sa bourse a
continué de lui être virée et il a dû rembourser la FRM par chèque.
Après le quatrième appel d'offres, une bourse a été virée à une
candidate qui n'avait pas signé de lettre d'acceptation et qui avait
signifié par écrit sa renonciation à la bourse.
La seconde erreur ferait "suite à un changement de personnel au
sein de l'équipe Sidaction de la Fondation pour la recherche médicale"
selon la Fondation qui a exposé, au sujet du premier cas, qu’à
"l'occasion d'une réparation de l'ascenseur, les techniciens ont retrouvé
deux dossiers qui avaient glissé sous la cabine".
c) L'information du conseil d'administration d'ECS par la FRM
a été à la fois très tardive et incomplète.
Les nombreuses renonciations aux bourses Sidaction résultant
de la concomitance déjà signalée des second et quatrième appels
d'offres Sidaction (janvier et novembre 1995) avec ceux de l'ANRS
n'ont été soumises au conseil d'administration d'ECS qu’en mars 1997,
soit respectivement deux ans et un an plus tard.
Lors de cette séance, le président du comité scientifique sida et
le directeur scientifique de la FRM ont présenté au conseil
d'administration les modifications intervenues dans les attributions de
bourses de recherche, de 1994 à décembre 1996, pour un montant de
3,6 MF. Le conseil d'administration en a pris acte et a demandé à être
informé trimestriellement sur les modifications de bourses. La
FONDS SIDACTION
83
régularisation de ces mouvements a laissé subsister plusieurs erreurs
au détriment d'ECS jusqu’en 1998.
Contrairement à ce qui était indiqué au conseil d'administration
d'ECS, les modifications ne naissaient pas seulement de l’obtention de
bourses auprès d'autres organismes. Les modifications du montant de
la bourse représentaient, en effet, la moitié environ des cas soumis au
conseil d'administration. Ainsi le secrétariat scientifique avait-t-il pris
l'initiative de porter à 12 mois la durée de versement d'une bourse de
3 000 F par mois attribuée lors du troisième appel d'offres pour sept
mois seulement.
d) Les boursiers étaient invités à signer un engagement
d'adresser, un an après l'attribution des fonds, un rapport scientifique
d'une à deux pages sur les travaux de recherche réalisés et à préciser
en quoi l'aide reçue avait éventuellement contribué à faire progresser
la recherche médicale. Les dossiers consultés ont fait apparaître que
les boursiers n'avaient pas toujours respecté cet engagement. En tout
état de cause, les rapports scientifiques n’ont fait l’objet d’aucune
exploitation par la FRM.
84
COUR DES COMPTES
2
Le Centre intégré de recherches biocliniques
sur le sida
La réalisation de ce Centre figurait parmi les objectifs du
Sidaction de 1994, puisque dès la constitution d'Ensemble contre le
sida, le professeur Luc Montagnier en était l'un des deux vice-
présidents.
Les statuts d'ECS dans leur rédaction de mars 1994 prévoyaient
que "l'affectation de 50 % des ressources nettes destinées à la
recherche" serait décidée par le conseil d'administration d'ECS sur
proposition de la FRM et après avis de son comité scientifique sida.
"Celui-ci […] est chargé d'apprécier la qualité scientifique des projets
qui
lui seront soumis,
notamment
celui
de
création
et
de
fonctionnement du centre pilote français de recherche de la Fondation
Mondiale
Recherche
et
Prévention
SIDA.
Ces
avis
seront
accompagnés d'une évaluation financière des projets concernés."
Le professeur Luc Montagnier, dont le rôle dans la découverte
en 1983 du VIH est bien connu, a exposé à la Cour qu’il a conçu dès
cette époque le projet d'un centre pilote où seraient étroitement
associées recherche et clinique, "un lieu où les patients orientent nos
recherches fondamentales et où les découvertes sont immédiatement
mises en application".
I.
–
L’affectation de 25 millions de francs au projet
a) L'affectation de 25 MF au projet du professeur Montagnier a
résulté de tractations laborieuses et mouvementées dont les procès-
verbaux du conseil d'administration d'ECS conservent la trace.
Les tensions sont nées de l'ampleur de la collecte : les
organisateurs du Sidaction du 7 avril 1994 comptaient réunir une
centaine de millions de francs, et un accord semblait avoir été trouvé
sur une proportion de 25 % pour le futur centre du professeur
Montagnier. Le produit de la collecte ayant atteint 300 MF, la
proportion de 25 %, soit 75 MF, a paru excessive. De très vifs débats
ont eu lieu à ce sujet au sein d’ECS.
FONDS SIDACTION
85
Le comité scientifique a rendu en septembre 1994, après "une
large discussion et un vote", que ne retrace pas toutefois le procès-
verbal de la réunion, un avis selon lequel il "accepte, à titre
d'opération pilote, la création du centre de recherche clinique
expérimentale de Luc Montagnier comme cela était prévu dans les
statuts d'ECS. Une contribution de 20 MF paraît adaptée pour la
construction et le fonctionnement initial de ce centre pour une période
de deux ans. Cela devrait permettre à Luc Montagnier de développer
des outils d'investigation clinique en comparaison avec des marqueurs
déjà validés par ailleurs".
Le conseil scientifique n'a jamais délivré un véritable avis
scientifique sur le projet de centre intégré mais, en proposant un
montant financier au vote du conseil d'administration d'ECS, il a
implicitement approuvé le projet, même si la somme accordée était
largement en deçà de la demande de son promoteur.
Le
projet
fut
longuement
examiné
par
le
conseil
d'administration d'ECS lors de sa séance du 19 septembre 1994 : "Les
membres du conseil d'administration reconnaissent le rôle important
du professeur Montagnier dans la création d'ECS et pour la réalisation
de l'opération SIDACTION. Ils réitèrent l'engagement de principe qui
avait été pris de financer à partir des fonds collectés le projet du
professeur Montagnier".
Le
conseil
d'administration
d'ECS
alloua
20 MF
pour
l'investissement et le fonctionnement du centre pendant la première
année. L’association n’entendait pas supporter seule les coûts
d'investissement et de fonctionnement du centre. Le conseil se
proposait de réexaminer au premier trimestre de 1995 les coûts de
fonctionnement complémentaires du centre pour un second exercice à
partir de juillet 1996. Les 20 MF devaient être fractionnés en plusieurs
échéances conditionnées par la production de rapports d'étape et une
convention établie entre ECS et l’hôpital Saint-Joseph. Le conseil
accepta, en octobre 1994, de financer aussi les salaires de la deuxième
année de fonctionnement du centre.
De façon générale, le concept d'un tel centre suscitait de
profondes divergences au sein de la communauté scientifique.
Certains spécialistes de la recherche clinique rencontrés au cours de
l'enquête considèrent que si l'idée d'un centre intégré pouvait avoir un
sens dans les premiers temps de l'épidémie, l'interaction recherche
fondamentale - recherche clinique s'était largement réalisée depuis
lors. Le directeur de l'ANRS de 1988 à 1998 a ainsi exposé à la Cour
86
COUR DES COMPTES
que "les réticences scientifiques étaient très importantes dès l'origine
sur l'utilité d'un tel centre. […] Je crois qu'on pouvait légitimement le
considérer comme le rêve d'un scientifique habitué à la recherche
fondamentale mais pas du tout à la recherche clinique et aux soins et
ignorant de plus les règles du système hospitalier français".
Une convention fut signée le 10 février 1995 entre ECS et
l'Association Entraide et assistance au Centre Luc Montagnier /
Saint-Joseph.
b) Le professeur Montagnier avait créé en janvier 1993 avec
l’UNESCO la Fondation mondiale pour la recherche et la prévention
du sida (FMRPS), qu’il préside. Cette fondation de droit privé sans
but lucratif, dont le siège se trouve à Fribourg, a pour objet de
"mobiliser des moyens supplémentaires pour la lutte contre le sida en
faisant appel à l'initiative privée dans un esprit de complémentarité
vis-à-vis des actions publiques et des réalisations déjà existantes".
Il a paru difficile au conseil d'administration d'ECS de passer
convention avec une fondation étrangère pour la construction d'un
centre privé situé en France ; une association française a donc été
créée afin d'offrir un support juridique au futur centre. L'Association
Entraide et assistance au Centre Luc Montagnier / Saint-Joseph a, en
conséquence, été déclarée en octobre 1994. Domiciliée à l'hôpital
Saint-Joseph, elle avait pour objet de "mettre en oeuvre des
programmes de recherches sur le sida par la création et le
fonctionnement d'un centre de recherches ; l'association (pouvait)
mener toute opération ou activité se rapportant directement ou
indirectement à son objet". Les membres fondateurs de l'association
étaient le professeur Montagnier et la FMRPS.
L'article 2 des statuts précisait que "l'Association pourra
entreprendre des opérations de promotion de la Fondation Mondiale
Recherche et Prévention SIDA et participer avec elle à l'organisation
des programmes de recherche sur le sida dans les pays en
développement les plus touchés par l'épidémie, notamment en
Afrique, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine".
Le Président était "investi des pouvoirs les plus étendus pour
prendre toutes les décisions qui ne sont pas réservées à l'assemblée
générale des membres" (article 12). Le règlement intérieur était
"librement établi et modifié par le Président pour fixer les modalités
d'exécution des statuts et des activités de l'Association, sans avoir à
FONDS SIDACTION
87
être approuvé par l'assemblée générale des membres de l'Association"
(article 16).
Le professeur Montagnier a exposé à la Cour que cette
association était une émanation de la Fondation mondiale destinée à
recueillir les fonds du Sidaction et reconnu qu'elle aurait dû être
davantage structurée. Il avait ainsi, lors de son audition, annoncé la
création
prochaine,
après
cinq
ans
d'existence,
d'un
conseil
d'administration indépendant composé de sept ou huit membres.
c) Au vu d'un bilan prévisionnel de l'opération, le conseil
d'administration d'ECS a accepté d'allouer la somme de 25 MF à
l'association Entraide et assistance au Centre Luc Montagnier /
Saint-Joseph.
Cette somme était destinée à couvrir les coûts de construction
du centre de recherche et à contribuer au fonctionnement de celui-ci
pour une année pleine à compter de la date de son ouverture, ainsi qu'à
assurer le financement des salaires du personnel du centre pour une
seconde année. Dix millions de francs devaient être versés le jour de
la signature de la convention, cinq millions au plus tard le 10 mai
1995, cinq millions à l'achèvement des travaux et cinq millions en vue
du paiement de la charge de personnel pour la seconde année de
fonctionnement trois mois avant la fin de la première année de
fonctionnement. Dès l'origine, le financement du fonctionnement du
Centre reposait donc sur les seuls financements privés du Sidaction.
II.
–
La construction du Centre intégré de
recherches biocliniques sur le sida
a) Aménagé dans les locaux de l'ancienne blanchisserie de
l'hôpital Saint-Joseph à Paris, le Centre intégré de recherches
biocliniques sur le sida a été inauguré le 20 février 1996. Il a
réellement commencé ses activités en mars 1996. La mise à
disposition des locaux faisait l'objet d'un contrat de commodat d'une
durée de dix ans signé en janvier 1995 entre l’hôpital et l’association.
Un contrat de maîtrise d'ouvrage déléguée a été conclu en mars
1995 pour la transformation du bâtiment dénommé "ancienne
buanderie" en Centre pilote de la recherche intégrée.
Les établissements de soins privés, même participant au service
public hospitalier, ne sont pas assujettis au code des marchés publics.
Le règlement intérieur de l'hôpital Saint-Joseph a cependant prévu la
88
COUR DES COMPTES
mise en place d'une commission des marchés et des travaux. C'est la
procédure d'appel d'offres restreint sans appel de candidatures qui a
été retenue. Après négociations, le total des marchés de base s'est
élevé à 14,88 MF TTC, et le coût effectif global des travaux à
16,17 MF.
Compte tenu des frais de contrôle technique et de la
rémunération du maître d'oeuvre (1,31 MF), le coût total de
construction du CIRBS s'est élevé à 17,5 MF. Ces 17,5 MF ont été
financés
pour
15 MF
par
la
subvention
d'ECS,
les
2,5 MF
supplémentaires provenant de dons et legs, suivant les indications de
l’association.
b) Le Centre a par ailleurs bénéficié pour son équipement de
quatre concours de l'ANRS d'un montant total de 4,7 MF.
L’ancien directeur de l'ANRS a expliqué à la Cour que, bien
qu’elle fût en désaccord avec le projet d'un tel centre, il avait paru
souhaitable à l'Agence, dès lors qu'il existait, de le soutenir : "on
pouvait certes avoir des doutes très sérieux sur les objectifs proposés
par Luc Montagnier, mais on pouvait espérer que les équipes une fois
installées évolueraient plus raisonnablement vers d'autres recherches".
En outre, "il lui paraissait regrettable que, dans une ambiance aussi
abusivement médiatisée, apparaisse l'idée que les pouvoirs publics, à
travers l'ANRS, bloquaient une opération privée".
Enfin "il était logique de penser que devant cette situation
irréaliste du centre de Saint-Joseph, les responsables prendraient très
vite la mesure de la situation et qu'une solution pourrait être trouvée
en retournant dans un cadre normal, avec l'INSERM par exemple. Ce
n'est malheureusement pas ce qui a été fait et la volonté de rester un
centre "personnel" ne le permettait pas".
Enregistrées dans les comptes de la Fondation Saint-Joseph, les
subventions ont été versées sur un compte bancaire distinct de la
Fondation Hôpital Saint-Joseph, dont l'Association était le seul
ordonnateur. Les matériels acquis ne figuraient pas cependant au bilan
de l'association, pas plus que les financements correspondants.
c) Les relations entre le CIRBS et ECS, tendues dès l'origine,
ont été émaillées de différents incidents.
La convention prévoyant le versement de 5 MF à la fin des
travaux, le président du comité scientifique sida effectua une visite en
janvier 1996 dont il rendit compte au conseil d'administration d'ECS.
FONDS SIDACTION
89
Il indiquait
que
le
centre,
outre
sa
vocation
de
recherche
fondamentale, recevrait des patients asymptomatiques, auxquels
seraient appliqués des traitements sur lesquels le monde scientifique
était partagé. Il se disait toutefois rassuré quant au devenir de ces
malades puisque leur suivi se ferait en collaboration avec l'hôpital
Saint-Joseph.
Après l'ouverture du Centre, ECS a cependant éprouvé des
difficultés à obtenir du CIRBS les documents justificatifs de
l'utilisation des fonds reçus. En septembre 1996 encore, le conseil
d'administration d'ECS devait subordonner son accord à une
subvention de 770 000 F pour un projet de recherche à l'obtention
d'informations administratives et financières précises sur le centre
intégré. Il découvrait en novembre 1996 que le versement de la
dernière tranche de 5 MF avait été effectué plusieurs semaines
auparavant par la FRM sans l’accord explicite d’ECS.
Après
diverses
mesures
de
pression
pour
obtenir
des
informations sur le CIRBS, le conseil d'administration d'ECS a
finalement considéré en juin 1997, au vu d'extraits du rapport du
commissaire aux comptes sur les comptes annuels, que les
subventions avaient été utilisées conformément à leur objet.
Le professeur Montagnier a soutenu devant la Cour que "ECS
en vérité faisait monter sa pression bureaucratique sur le CIRBS sans
une réelle justification objective. Cette pression s'exerçait depuis (sa)
démission d'ECS et était une manière d'exprimer un ressentiment à
(son) égard. Le CIRBS ayant toujours privilégié l'aspect scientifique
sur l'aspect administratif, seule une gestionnaire avait été recrutée par
le CIRBS qui, pour répondre aux demandes d'ECS, avait dû avoir
recours à des comptables extérieurs".
La subvention d'ECS paraît avoir été employée conformément à
la convention. Les 15 MF ont été consacrés à la rénovation des locaux
de l'ancienne buanderie. La subvention de 5 MF pour la première
année de fonctionnement (février 1996 à février 1997) a été utilisée à
raison de 2 898 000 F en dépenses de personnel et de 1 978 000 F en
achats et charges externes. Les dépenses de personnel payées en 1997
sur la dernière tranche de 5 MF se sont élevées à 4,3 MF.
Le nombre de salariés du CIRBS est passé de 12 à la fin de
1996 à 17 à la fin de 1997.
90
COUR DES COMPTES
III.
–
Les perspectives du CIRBS
Le 4 juin 1999, le tribunal de grande instance de Paris a placé
en redressement judiciaire l'association Entraide et assistance au
Centre Luc Montagnier / Saint-Joseph et désigné un administrateur
judiciaire. Faute de plan de redressement et devant l'alourdissement de
son passif, la liquidation judiciaire de l'association a finalement été
prononcée le 12 mai 2000.
Si
le
CIRBS
faisait
état
d'un
programme
scientifique
substantiel, son financement n'a pu être assuré de façon durable.
a) Les objectifs majeurs du CIRBS étaient la réduction du coût
et de la durée des traitements afin de les adapter aux conditions des
pays en développement et la mise au point d'un vaccin.
Le rapport d'activité du CIRBS pour 1996 et 1997 indique ainsi
que "pendant les deux premières années d'activité, le CIRBS a
développé un savoir-faire spécialisé sur le phénomène de résistance
naturelle à l'infection par le VIH. Nous avons identifié un nouveau
gène qui confère la résistance à l'infection. Nous avons étudié les
réponses immunes de personnes exposées non infectées et identifié
une séquence de l'enveloppe du virus reconnue par les cellules T de la
majorité des individus résistants au VIH".
Le professeur Montagnier exposait en avril 1998 à ECS que les
deux principaux objectifs à moyen terme du Centre étaient, d’une part,
"la mise au point par la recherche en laboratoire et des essais cliniques
de traitements complémentaires de la trithérapie antirétrovirale
actuellement existante, qui visent à rendre les effets antiviraux plus
durables, en particulier par une vaccino-thérapie" et, d’autre part, de
"servir de pilote pour le fonctionnement du Centre intégré de
recherches biocliniques d'Abidjan", le CIRBS étant "appelé à jouer un
rôle toujours plus important pour la coopération Nord-Sud dans le
domaine du sida".
Invité à préciser la nature de l'innovation dont était porteur ce
Centre, le professeur Montagnier a expliqué lors de son audition par la
Cour que c'est l'idée de l'intégration qui était nouvelle, l'arrivée au
laboratoire du sang dans les minutes qui suivent le prélèvement, la
facilitation du dialogue entre les médecins et les chercheurs étant à ses
yeux des conditions favorables à la mise au point de traitements et à la
découverte du vaccin. Il a cependant reconnu que, si l'équipe de
recherche du centre pouvait se prévaloir de publications importantes,
aucune n'avait porté sur le projet initial de centre intégré.
FONDS SIDACTION
91
Le professeur Montagnier a fait parvenir à la Cour l'évaluation
portée en octobre 1998 par une commission scientifique de l'INSERM
sur une demande d'équipement présentée pour une équipe réunie au
CIRBS : "L'équipe mène une thématique de recherche fondamentale
sur le sida, à la fois originale et de très grande qualité, intégrée à une
approche de recherche clinique. Le projet a des implications
potentiellement importantes dans le domaine de la pathogenèse et des
approches d'immunothérapie de l'infection par le VIH. […] Au total,
la commission estime qu'il s'agit d'une équipe et d'un projet de très
grande qualité dont la reconnaissance par l'INSERM permettrait de
favoriser le développement et la pérennité."
b) La situation juridique et financière du CIRBS était irréaliste
et confuse. Le centre n'avait, en effet, pas d'existence juridique. Son
activité clinique était rattachée à l'hôpital Saint-Joseph alors que son
activité de recherche relevait de l'association Entraide et assistance au
centre Luc Montagnier / Saint-Joseph.
Du point de vue financier, les charges de fonctionnement de
l'activité clinique étaient assumées par l'Hôpital Saint-Joseph et
enregistrées dans sa comptabilité, alors que l'activité de recherche,
notamment les dépenses de personnel, était décrite dans la
comptabilité de l'association Entraide et assistance.
Le financement durable de celle-ci a soulevé des problèmes
délicats. L’ancien directeur de l'ANRS entre 1988 et 1998 a souligné
ainsi qu’un "financement exceptionnel [avait] d'autant moins de
raisons d'être que le centre pour le moment tient une place fort
modeste dans les recherches menées en France, malgré des
déclarations quelque peu optimistes à ce sujet". C'était également
l’analyse de la direction de la recherche du ministère de l'éducation
nationale, de la recherche et de la technologie qui notait que plusieurs
centres de ce type étaient implantés en 1999 dans les centres
hospitaliers universitaires.
Conformément
au
contrat
de
commodat
conclu
entre
l'association Entraide et assistance et la fondation hôpital Saint-
Joseph, le bâtiment rénové dans lequel est installé le CIRBS est
immédiatement revenu à l'hôpital Saint-Joseph.
Au total, 25 MF ont été employés pour la création et les deux
premières années de fonctionnement d'un centre dont l'utilité était
controversée dans la communauté scientifique et dont les modalités de
financement n’étaient pas assurées.
92
COUR DES COMPTES
La Cour ne peut que constater le caractère inadapté des
modalités juridiques, administratives et financières de la mise en place
du Centre intégré de recherches biocliniques sur le sida : un centre par
définition durable a été mis en place sur financement précaire. Il reste
à clarifier le sort de l’important investissement consenti sur les fonds
apportés par la générosité publique pour lutter contre le sida.
FONDS SIDACTION
93
3
L'apport du Sidaction au financement de la
recherche sur le sida
a) A partir de 1987 a eu lieu une progression notable des crédits
consacrés à la recherche sur le sida, avec notamment la mise en place
par le ministère de la Recherche d'un Programme national de
recherche sur le sida. La création de l'ANRS fut annoncée en
novembre 1988. Elle prit la forme juridique d'un groupement d'intérêt
public en juillet 1992.
C'est à un effort financier public substantiel que sont venus
s'ajouter les crédits du Sidaction. Entre 1988 et 1998, le total des
dotations destinées à l'ANRS s'est, en effet, élevé à plus de 2 milliards
de francs. A ces crédits s'ajoutent ceux des organismes de recherche
(CNRS,
INSERM,
Institut
Pasteur notamment),
à
travers
la
rémunération des personnels et les dotations de fonctionnement des
laboratoires dont les recherches portent, en totalité ou en partie, sur le
sida.
Après le succès du Sidaction de 1994, le directeur de l'ANRS
avait exprimé publiquement ses réserves quant à l'affectation de
sommes importantes à la recherche médicale, se déclarant préoccupé
par les risques de double financement de certains projets. Les crédits
du Sidaction destinés à la recherche lui semblaient devoir être
attribués selon des critères non discordants avec ceux de l'Agence. En
1999, il a confirmé à la Cour que "les sommes brusquement affectées
à la recherche sur le sida en juin 1994 par SIDACTION" lui étaient
apparues "excessives par rapport aux besoins".
b) Les fonds privés ont néanmoins trouvé une fenêtre
d’utilisation dans les caractéristiques de l’emploi scientifique.
L’ancien directeur de l’ANRS a souligné à l’intention de la Cour "la
rigidité des modalités de création des équipes, les difficultés du
recrutement des chercheurs, qui ne peut s'effectuer que dans le cadre
du plein temps - situation unique à la France – et les extrêmes
contraintes de l'emploi des techniciens et ingénieurs", ajoutant que
"cette carence concerne particulièrement le passage du fondamental à
l'appliqué, par exemple dans le domaine de la recherche vaccinale, ou
94
COUR DES COMPTES
celui des avancées de la virologie appliquée à l'exploration des
patients sous traitement".
En second lieu, le grand nombre des décès induisait, en 1994,
une sensation d'échec profond de la part du corps médical et, dans une
moindre
mesure,
des
chercheurs
engagés
dans
la
recherche
fondamentale. Cette impuissance médicale provoquait une grande
impatience des malades et des milieux associatifs qui débouchait sur
la notion d'urgence de financement, en dépit du fait que l'afflux de
fonds publics, à travers l'ANRS, à partir de 1989, avait saturé les
possibilités des équipes existantes. A défaut de dynamiser la recherche
en l'absence d'appels d'offres publics, les financements privés
pouvaient donc accompagner l'effort public.
c) Le comité scientifique sida d’ECS a mis en place en janvier
1997 un groupe de travail chargé d'élaborer un double bilan,
scientifique et financier, des recherches financées. La Cour n'a pu
disposer des résultats de ce travail à la date de rédaction de ses
observations définitives, mais le président du comité scientifique en a
transmis certains éléments. Sur 334 subventions accordées lors des six
premiers appels d'offres, 312 ont donné lieu à au moins une
publication dans une revue à comité de lecture sur l'infection à VIH.
Le président du comité scientifique sida a ajouté que celui-ci "a
largement financé, et pratiquement seul au début, des travaux
originaux en servant un peu de "start up", ces travaux pouvant être
repris ensuite par l'ANRS par exemple". Il a cité notamment les
thèmes "immunogénétique et VIH" et "récepteurs de chémokines et
VIH", les études épidémiologiques de cohortes MANIF 2000, suivi de
toxicomanes unique en France, et GRIV (génétique et résistance à
l'infection), ainsi que l'ensemble des travaux portant sur la restauration
immunitaire sous traitement antirétroviral efficace.
FONDS SIDACTION
95
Chapitre III
LES FINANCEMENTS D’ACTIONS
ASSOCIATIVES
La seule obligation d'ECS en ce qui concernait l'emploi des
fonds était la répartition par moitié entre les projets scientifiques et les
projets associatifs. Pour ces derniers, les statuts initiaux prévoyaient
l'affectation d'une somme de 48 MF au profit des associations
partenaires et fondatrices. ECS disposait donc d'une assez grande
liberté pour choisir les thèmes et les associations qu’elle souhaitait
soutenir.
Les projets ont afflué dès le lendemain du Sidaction 1994, et
ECS a dû organiser la sélection dans des conditions de transparence
acceptables par l'ensemble du milieu associatif, qui, compte tenu de
l'abondance des fonds disponibles, était peu disposé à cautionner une
politique de rigueur. L'association a su éviter l'écueil du financement
de projets trop controversés et peu réalistes, comme un financement
de 15 MF pour la création d'une structure de diffusion de préservatifs
en Afrique. Cependant, compte tenu de sa structure et de l'influence en
son sein des membres fondateurs, il ne lui était pas aisé de concilier
les options militantes et les exigences de qualité et d'efficacité
indispensables dans l'affectation de fonds issus de la générosité
publique.
1
Analyse d'ensemble des financements
d’actions associatives
I.
–
Évolution des financements
A.
–
Analyse quantitative
Les financements ont été accordés aux actions associatives par
appels d'offres ou par tranches, la dénomination ayant changé sur ce
point. Le tableau ci-dessous les récapitule. Les lignes marquées d’un
96
COUR DES COMPTES
astérisque contiennent des données postérieures à la période contrôlée,
qu’ECS a communiquées en vue d’éclairer l’analyse.
FONDS SIDACTION
97
LES APPELS D'OFFRES DES PROJETS ASSOCIATIFS
Numéro AO – Dénomination
Objet
Nombre de
projets
Montant
accordé
Date de décision
AO 1 - Tranche A
Partenaires et fondateurs
273
47,8 MF
Juillet 1994
AO 2 - Tranche B
Poursuite et amélioration
d'actions
71
13,9 MF
Juillet/octobre 1994
AO 3 - Tranche C 1
Projets nouveaux
134
28,8 MF
Février 1995
AO 4 - Tranche C 2
Projets nouveaux
117
22,7 MF
Juillet/septembre
1995
Complément AO 3 et 4
Projets étrangers
6
0,9 MF
Mars 1996
AO 5 - Tranche D
Projets pourtour méditerranéen
- DOM/TOM
35
6,0 MF
Mai 1996
Reconduction AO 1 - Tranche A1
Partenaires et fondateurs
117
20,4 MF
Septembre/novembre
1996
Reconduction AO 2 - Tranche B1
Poursuite actions tranche B
34
4,9 MF
Janvier/mai 1996
*Reconduction AO 3 - Tranche
RTC
Poursuite actions tranche C1
42
7,0 MF
Janvier 1997
*Reconduction AO 4 - Tranche
RTC
Poursuite actions tranche C2
36
4,9 MF
Janvier 1997
*Reconduction AO 5 - Tranche
RTD
Poursuites actions tranche D
17
2,2 MF
*2
ème
reconduction AO 2 –
tranche B2
Poursuite actions tranche B et
B1
31
2,6 MF
Mai 1997
*Charte d'objectifs
Aide à la gestion et à l'animation
des associations – AGA
(poursuite A et A1)
47
13,5 MF
1997
*AO 7
Projets innovants
Non dét.
6,5 MF
Janvier 1998
98
COUR DES COMPTES
a) Les cinq premiers appels d'offres
Les appels d'offres 1
(tranche A)
et 2
(tranche B) découlaient
des statuts et du règlement intérieur qui prévoyaient que, dans le cadre
d'une enveloppe de 60 MF, 80 % seraient affectés aux associations
fondatrices et partenaires, et le surplus à un fonds commun géré par
l’Association des artistes contre le sida (AACS) pour être réparti entre
des associations intervenant dans le domaine de la lutte contre le sida.
C'est en application de ces dispositions qu'ont été affectés les fonds
des appels d'offres 1 et 2, qui concernaient la poursuite ou
l'amélioration de projets existants.
La tranche C
concernait des projets nouveaux ; elle était ouverte
à l'ensemble des associations, fondatrices, partenaires ou autres.
L'afflux des dossiers a amené ECS à la scinder en deux : AO3 (tranche
C1), AO4 (tranche C2). En complément ont été financés quelques
projets étrangers, la possibilité d'une intervention à l'étranger ayant
toujours été réclamée par certains membres d'ECS.
L'appel d'offres 5 (tranche D) était réservé à des projets
émanant des régions du pourtour méditerranéen et des DOM-TOM. Le
lancement de cet appel d'offres, à la fin de l'année 1995, faisait suite à
la constatation du déséquilibre entre le volume des aides accordées à
ces départements et l’ampleur de l'épidémie.
Le tableau fait ressortir que de nombreux projets ont été
soutenus, 636 pour les cinq premiers appels d’offres avant toute
reconduction, ce qui semble témoigner d’une certaine dispersion dans
les actions.
L'impact et la pertinence de certains projets ne sont pas établis
par les pièces des dossiers. Dans le cadre de la tranche C2, ECS a ainsi
accordé 30 000 F à une association pour un projet intitulé "K-potes
pour oiseaux nocturnes" qui consistait à installer des préservatifs dans
des nids d'oiseaux sur les lieux de rencontre homosexuels de plein air,
afin de préserver l’environnement naturel. Les comptes d’emploi
produits attestent que l’association n’a utilisé les fonds que très
lentement : un an et demi plus tard, un reliquat de 8 423 F subsistait.
L’association a fait valoir que la réalisation avait été retardée «
compte tenu de la difficulté de trouver des nids en septembre ».
b) Les actions de reconduction
À la fin de l'année 1996, ECS est entrée dans une logique de
reconduction et a accordé des financements pour poursuivre les
FONDS SIDACTION
99
actions engagées, les premiers financements n’ayant
été alloués que
pour
une
année.
Cette
démarche
s’est
accompagnée
d’une
professionnalisation de l'instruction des dossiers : l'évaluation des
résultats obtenus est devenue une priorité, les dossiers de demandes se
sont
étoffés
et
des
procédures
de
contrôle
sont
apparues
indispensables. En revanche, les associations ont eu tendance à
considérer
que
les
financements
étaient
systématiquement
et
intégralement reconductibles, et la réduction des montants accordés à
l'occasion des reconductions a été à l’origine, pour certaines, de
difficultés financières.
Le tableau ci-après permet de constater que la première
reconduction, au bénéfice des partenaires et fondateurs, a été de 42 %
de la dotation initiale. La sélection a été plus forte pour les tranches
suivantes.
(en MF)
Tranche A
Tranche B
Tranche C
Tranche D
1. Montant initial
47,8
13,9
51,5
6
2. Première reconduction
20,4
4,9
11,9
2,2
2/1
42,6 %
35,2 %
23 %
36,6 %
3. Deuxième reconduction
sans objet
2,6
sans objet
sans objet
3/2
28,7 %
c) L’aide à la gestion et à l’animation
Une réflexion sur les moyens de garantir un fonctionnement
sain et stable de certaines associations, parmi lesquelles des
partenaires d’ECS, a conduit, postérieurement à la période contrôlée, à
réserver une partie des crédits pour des actions d'aide à l'animation et
à la gestion (AGA). Ces financements sont destinés à des associations
adhérant à une charte d’objectifs, définie par ECS, qui énonce des
règles de bonne gestion et de transparence financière. Cette initiative a
été favorablement accueillie par les associations qui ressentaient le
besoin d’une certaine stabilisation du financement de leurs charges de
structure. En 1997, 42 associations avaient
adhéré à la charte
d’objectifs.
Les reconductions non automatiques et la mise en oeuvre des
« chartes d'objectifs », combinées aux effets de la réduction des crédits
disponibles, rendent inéluctable un recentrage des financements au
100
COUR DES COMPTES
profit d’un nombre plus restreint d’associations, politique en rupture
par rapport aux pratiques antérieures.
B.
–
La répartition par thèmes
Le tableau ci-après indique la répartition des projets financés en
1994 et 1995 par thèmes d'intervention, telle qu’elle est constatée
a
posteriori
, les appels d’offres n’étant pas thématiques.
Nombre de projets
Montants
(milliers de francs)
Montant moyen par
projet
(milliers de francs)
% du total
Accueil
107
18 492
173
12,5 %
Aide thérapeutique
37
8 846
239
6,0 %
Hébergement
120
27 139
226
18,3 %
Information/ défense des droits
51
13 292
260
8,9 %
Information/ prévention
199
31 487
158
21,2 %
Actions de proximité
81
12 171
150
8,2 %
Réduction des risques
UDVI
62
11 168
180
7,5 %
Soutien psychologique
64
8 785
138
5,9 %
Suivi social
56
12 855
229
8,7 %
Vie quotidienne
39
4 158
107
2,8 %
Total
827
148 393
180
100 %
(Source : rapport d'activité ECS)
Ces données mettent en évidence le grand nombre de dossiers et
la modicité relative du montant moyen par dossier. La fourchette du
montant unitaire des aides est toutefois très large. C'est dans le secteur
de la défense des droits ainsi qu’en matière d'aide thérapeutique et
d'hébergement que l'on constate le montant moyen le plus élevé. Pour
la tranche C2 de l’appel d’offres 4, l'aide la plus faible s'est ainsi
élevée à 2 000 F pour l'organisation d'une soirée d'animation autour du
sida (rubrique information/prévention), et la plus élevée à 750 000 F
pour la création d'une structure d'accueil (rubrique hébergement).
FONDS SIDACTION
101
L'examen du contenu de la rubrique information/défense des
droits de l’appel d’offres 4 tranche C fait ressortir d’ailleurs son
caractère hétéroclite.
Nature du projet
Montant en francs
Publication d’un journal
50 000
Séminaire « Sida en prison »
125 000
États généraux de la toxicomanie
250 000
Journal gratuit de prévention
350 000
Développement auto-support des usagers de drogues
340 000
Diffusion d’informations
50 000
Local pour l’association
70 000
Création d’une association
250 000
États généraux « homosexualité et sida »
300 000
Cette rubrique n'a pas vraiment de logique interne : les aides
accordées en vue de l’auto-support des usagers de drogues pourraient
aussi bien être classées en "réduction des risques chez les usagers de
drogue par voie intraveineuse (UDVI)". Si l'aide destinée à
l'observatoire des prisons semble bien positionnée, les autres
colloques ou séminaires se rattachent plutôt à des actions de
prévention. L'aide versée pour les « états généraux de la toxicomanie »
a consisté en la prise en charge a posteriori du déficit de cette
opération.
L'hébergement, qui fait l'objet d'une seule rubrique, a bénéficié
de 18,2 % des crédits, qui ont permis le financement de places
d'hébergement thérapeutique ou social, d'appartements ou de centres
d'accueil et de centres sociaux. Dans ce domaine, ECS a été conduite à
financer en partenariat des dépenses d'investissement, car les dépenses
de fonctionnement étaient, dans la plupart des cas, prises en charge
par les pouvoirs publics.
Une présentation plus recentrée sur quelques thèmes peut
contribuer à une meilleure vision des axes d'intervention privilégiés.
102
COUR DES COMPTES
Thèmes
Montant
(milliers de
francs)
% du total
Accueil, suivi psychologique et social,
vie quotidienne
44 290
29,8 %
Hébergement
27 139
18,3 %
Prévention, information, actions de
proximité
56 950
38,4 %
Aide thérapeutique
8 846
6,0 %
Réduction des risques UDVI
11 168
7,5 %
Total
148 393
100 %
Ce regroupement met en évidence la priorité donnée aux actions
de prévention et d'encadrement des personnes touchées.
II.
–
La sélection des dossiers et l'organisation des
appels d'offres
La procédure a évolué d'un appel d'offres à l'autre. Après le
Sidaction 1994, la principale préoccupation était de faire vite. Les
règles
concernant les documents à produire et la rédaction des
conventions ont été définies au vu de l’expérience.
A.
–
La procédure définie
a) L’examen des dossiers
La publication des appels d'offres par la presse nationale a été
abandonnée
parce
que
trop
coûteuse
et
peu
efficace
selon
l’association. ECS a diffusé les appels d’offres à partir de son propre
fichier comportant les références de plus de 900 associations actives
dans le domaine de la lutte contre le sida. La diffusion s’est faite
également par la presse associative et par les grandes associations qui
disposent de leurs propres réseaux. Les DDASS auraient été associées
aux diffusions, mais plusieurs d’entre elles ont déclaré au cours de
l’enquête n’avoir pas eu connaissance des appels d’offres d’ECS.
Le service des appels d’offres de l’association reçoit les
dossiers de candidature, procède à un premier examen, met à jour le
FONDS SIDACTION
103
fichier des associations et assure le secrétariat du comité associatif
sida, ainsi que l'établissement et le suivi des conventions. C'est à
l'usage, à compter des appels d'offres 3 et 4, que s'est fait sentir la
nécessité de disposer d'une capacité d'examen interne à l'association.
Pour les premiers appels d'offres au moins, la procédure
d'enregistrement des dossiers n’était pas exhaustive, et les données
statistiques fournies par l'association ne correspondent pas exactement
aux chiffres qui ont été reconstitués à partir des documents d'appel
d'offres consultés.
Pour chaque dossier, deux experts sont désignés de manière
aléatoire parmi les membres du comité associatif. Ils doivent se
récuser lorsqu'ils sont impliqués dans le dossier. Chaque expert
remplit une fiche d'analyse destinée au comité associatif. Les experts
rapportent en outre oralement devant ce comité. Pour les dossiers au
dessus de 300 000 F, ou lorsqu'il n'y a pas unanimité entre experts, un
troisième expert est désigné. Dans le cas de l’appel d’offres
« étranger », des experts spécifiques ont été choisis.
b) Le comité associatif sida
Le comité associatif sida, instance consultative dont la
composition est fixée par le règlement intérieur, constitue la pièce
maîtresse du processus de sélection et en garantit la transparence.
Sa composition, fixée par un règlement intérieur du 26 mai
1994, article 13, est la suivante :
- les représentants des quatre associations fondatrices, membres
de droit ;
- trois représentants des associations partenaires, choisis par ces
dernières parmi elles ;
- deux membres cooptés par les sept précédents, en raison de
leur compétence dans le domaine de la lutte contre le sida, désignés
pour une durée d’un an ;
- deux représentants d'associations dont l'expérience et les
actions dans le domaine de la lutte contre le sida justifient la
présence ;
- deux représentants du secteur de la recherche choisis parmi les
membres du comité scientifique sida, et qui ne disposent à eux deux
que d'une voix délibérative.
104
COUR DES COMPTES
Le conseil d'administration reçoit communication du dossier
complet comprenant l'avis du comité associatif et celui du bureau
associatif, instance plus restreinte qui regroupe les quatre associations
fondatrices. Il examine surtout les dossiers pour lesquels il n'y a pas
unanimité, et il peut assortir sa décision de conditions suspensives, qui
souvent concernent l'obtention de cofinancements. C'est la décision du
conseil d'administration, statuant comme conseil de gestion du fonds
Sidaction, qui a force exécutoire. Sur sa base sont préparées les
conventions et établis les bordereaux adressés en vue du paiement à la
Fondation de France. Cette dernière, avant de procéder à un paiement,
s'assure de l'existence de cette décision.
B.
–
La mise en oeuvre du processus contradictoire
d’instruction
Même
si
la
décision
finale
appartient
au
conseil
d'administration,
le
respect
de
la
procédure
d’instruction
et
l'indépendance des diverses instances fondent, pour l’association, la
transparence du processus et la légitimité des choix opérés. Il a été
constaté que la liste des projets effectivement financés a différé
parfois de celle qui avait été arrêtée par le conseil d'administration :
ainsi, le financement du film "Portrait d'une présidente" a été intégré à
l'appel d'offres C1 alors qu'il avait été décidé hors appel d'offres ; il en
est allé de même pour le dossier du groupe Traitement et recherche
thérapeutique (TRT 5) ; ces deux projets faisaient toutefois l'objet d'un
consensus au sein de l'association.
Dans d’autres cas en revanche, l’indépendance respective des
organes n’a pas été respectée du fait d’interventions des associations
sur
le
pouvoir
décisionnel
ou
d’interventions
du
conseil
d’administration sur les instances d’instruction.
a) L'association "Le Bus des Femmes" (cf. ci-après) avait
présenté, dans le cadre de la tranche B, une demande de subvention
qui devait servir pour partie à combler son déficit antérieur. ECS a
signifié un refus, par une lettre du 6 octobre 1994, en précisant qu'elle
ne finançait aucun déficit. Cette décision a soulevé un concert de
protestations au sein du bureau associatif, et ECS s'est vu reprocher
"de s'enfermer dans des règles qui sont préjudiciables à l'action et de
ne pas aller jusqu'au bout de ses idées". A la suite de ces interventions,
le conseil d'administration a approuvé le principe d'une subvention.
FONDS SIDACTION
105
b) ECS a un soutenu un projet d’hébergement en milieu familial
présenté par une association vis-à-vis de laquelle les pouvoirs publics
et le monde associatif avaient une attitude réservée (voir ci-après). Le
projet déposé avait été refusé plusieurs fois par le comité associatif,
mais il a été imposé ultérieurement par le vice-président d’ECS qui
considérait que « l'association [...] était fortement médiatisée tant sur
le plan local que national, et qu’un refus catégorique, conformément à
la demande du Bureau associatif, pourrait entraîner un éclat sur la
position d'ECS, alors qu'un plan de communication était en cours ».
Les financements ont ainsi été poursuivis en dépit de l'avis contraire
réitéré du bureau associatif.
c) Le projet de création d'un foyer pour mères séropositives et
leurs enfants, présenté par une association en cours de création qui
sollicitait une aide de 1,5 MF sur un financement global de 2,5 MF,
avait fait l'objet d'un refus en présélection dans le cadre de la tranche
C1, notifié à l'association par lettre du 28 décembre 1994. Bien qu’il
ne fît pas partie de la liste des dossiers approuvés par le conseil
d'administration le 8 juin 1995, ce dossier figure pourtant avec un
financement de 500 000 F dans la liste récapitulative fournie pour la
tranche C2.
Le président de l’association déboutée avait, en effet, demandé
au président d’ECS le 3 janvier 1995, de
« soumettre ce dossier à un
nouvel examen », se déclarant « très déçu si nous n'obtenions rien
alors que la commission de Bruxelles nous octroie 60 000 écus et que
la Fondation de France nous promet son concours ».
Le président
d’ECS a alors déclenché un processus d'octroi de subvention extérieur
aux instances délibératives, bien qu'une association dont le dossier a
été refusé mais qui présente une nouvelle demande appuyée
d'éléments nouveaux doive reprendre la procédure d'instruction dans
son intégralité.
Le 7 juillet 1995, saisi d’une question diverse concernant
l’examen
des
modifications
apportées
au
projet,
le
conseil
d’administration décidait une subvention de 500 000 F. L’instruction
n’a pourtant fait apparaître aucune trace d'une modification du projet
antérieure à cette décision. Il était d’ailleurs noté à la fin du même
mois :
«
il sera important de préciser le contenu du dossier, les critères
d'entrée et de renouvellement du séjour ainsi que la solution apportée
à des demandes émanant de mères sans droits », autant de points qui
avaient motivé le rejet par les instances associatives.
106
COUR DES COMPTES
III.
–
Les procédures de contrôle mises en place
A.
–
Les contrôles effectués
L'examen d'un nombre significatif de dossiers a permis de
constater que, dans la plupart des cas, les justifications prévues aux
conventions étaient fournies, même si leur contenu, s'agissant de
petites associations, demeurait assez sommaire, et qu'elles étaient en
général exploitées. La sanction du non respect des obligations peut
aller jusqu'au remboursement des aides, mesure à laquelle ECS a eu
recours à plusieurs reprises. ECS demande désormais que les dossiers
soient détaillés conformément aux rubriques du plan comptable.
Dès 1994, ECS a confié à son commissaire aux comptes une
mission d'audit des organismes subventionnés, portant sur les aides
accordées en matière scientifique, comme déjà exposé, et sur les aides
associatives. Au cours de la période 1994-1997, ce cabinet a procédé
au contrôle d’une vingtaine d’associations, membres fondateurs,
membres partenaires et membres agréés. Certains de ces audits ont
mis en évidence des dysfonctionnements graves. Les conséquences
pratiques à en tirer ont parfois été lourdes et délicates à mettre en
oeuvre (cf.. ci-après les observations sur ARCAT-sida).
Dans le courant de l'année 1997, ECS a mis en place trois
équipes de bénévoles. Ces personnes, retraitées ou en activité, sont
spécialisées dans le domaine de la comptabilité et de la gestion.
B.
–
Les suites des contrôles
Les contrôles peuvent déboucher sur une dénonciation de la
convention et sur la demande de restitution des sommes utilisées à tort
ou des reliquats non employés. L’analyse de quelques exemples
montre qu’ECS a donné des suites aux contrôles, mais a fait preuve de
son pouvoir d’appréciation pour autoriser ou non des réaffectations de
subventions, pour exiger ou non des remboursements, et pour juger du
retard tolérable dans l’exécution d’un projet.
a) Dans le cadre de l'appel d'offres 3, tranche C1, une
association de gestion d’appartements de coordination thérapeutique
avait bénéficié d'une somme de 500 000 F pour équiper une "Maison
de vie, lieu de répit" ; elle a souhaité modifier le projet
et ouvrir les
possibilités d'hébergement temporaire à d'autres types de populations.
La division Sida du ministère des affaires sociales et la DDASS n'ont
FONDS SIDACTION
107
pas souhaité soutenir ce projet ; l'association a alors demandé à ECS
de reporter les fonds versés sur l'ameublement et l'équipement d'autres
sites. Le bureau associatif a décidé, en septembre 1996, que la
subvention ne pourrait être affectée à un autre projet qu’après la
restitution des fonds et une nouvelle instruction. L’association a
reversé l’aide en novembre 1996.
b) Une association qui avait bénéficié dans le cadre du troisième
appel d'offres d'une aide de 215 000 F pour diverses actions de
prévention de la toxicomanie menées dans les Bouches-du-Rhône s'est
trouvée disposer de crédits inutilisés à hauteur de 165 000 F fin 1996.
Elle a demandé à pouvoir réaffecter une somme de 85 000 F sur un
projet similaire. Le bureau associatif a autorisé ce report, sans exiger
une nouvelle instruction, et a demandé la restitution des 80 000 F
restants.
c) Une aide de 120 000 F avait été accordée à une association
de Loire-Atlantique en vue de la mise en oeuvre d'actions de
prévention et de soutien auprès des personnes sur les lieux de
rencontre. Lors de l’examen de la demande de reconduction, il est
apparu que l'association conservait un reliquat de
96 877 F en raison
d’un retard dans le démarrage des actions. ECS en a demandé la
restitution en 1997 en notant que des modifications substantielles
avaient été apportées au projet : "Le caractère de proximité des actions
n'apparaît plus et le public touché par cette action est différent (les
prostituées et les lesbiennes ne sont plus concernées). Seul le rendu de
l'activité sur un site Minitel Gay est accessible". Toutefois, des
éléments nouveaux fournis par l’association ont conduit ECS à
ramener le montant réclamé à 36 630 F.
d) ECS avait accordé, en tranche C, une aide de 200 000 F à
une association située en Gironde, en vue de la création d’un lieu de
convivialité. Cette somme devait couvrir les frais de location et
d’aménagement du local et l’embauche d’un salarié à mi-temps.
Quand une demande de reconduction a été présentée, ECS a constaté
qu’il n’existait ni partenariats ni cofinancements, et que les objectifs
de lutte contre le sida ne ressortaient pas vraiment de l’action menée.
En janvier 1998, la commission permanente, nouvelle forme du
bureau associatif, a demandé le remboursement de 58 091,52 F.
L’association n’a pas procédé au remboursement demandé, et le
dossier a été transmis aux avocats d’ECS.
e) Une association de Poitou-Charentes avait obtenu 29 300 F
en tranche B avec une reconduction de 10 000 F en B1, et 124 000 F
108
COUR DES COMPTES
en tranche C2. En juin 1996, sa vice-présidente faisait part à ECS de
détournements de fonds commis par le président aux dépens de
l’association, qui déposait une plainte. À la suite de cette information,
ECS a diligenté une mission d’audit, qui a confirmé la disparition de
9 000 F ainsi qu’une situation budgétaire ne permettant pas à
l’association de poursuivre son activité. L’association n’a jamais
produit les documents qui lui avaient été demandés, mais aucune
procédure de remboursement n’a été engagée contre elle, ECS
attendant les suites de la plainte dirigée contre l’ancien président.
f) Une fédération nationale avait obtenu une aide de 300 000 F
dans le cadre de l’appel d’offres C2 pour un projet portant sur sept
sites de prévention et d’écoute sur les problèmes VIH dans des
banlieues où la précarité était forte. Le comité associatif a ensuite
refusé la reconduction et un audit a été diligenté par ECS.
Cet audit a fait apparaître, en janvier 1997, que sur les sept sites
prévus, un seul avait été créé, et que « les fonds d’ECS avaient été
affectés en grande partie à des frais généraux ou à des réalisations
déconnectées du projet pour lequel l’association avait reçu cette
subvention ».
En particulier, la fédération avait organisé un tournoi de
football à Toulouse non prévu dans la convention ; elle n’avait pas
réalisé les formations convenues, et diffusé un journal qui abordait des
sujets s’écartant très largement de la prévention SIDA. L’audit mettait
aussi en évidence les lacunes de la gestion, en particulier en ce qui
concernait "la bonne séparation des fonctions entre la détention des
moyens de paiement et la comptabilité".
La fédération a exposé que «
pour mener jusqu’au bout (son)
action contre le SIDA, (elle a) préféré modifier (sa) méthodologie
plutôt que de respecter à la lettre des objectifs devenus hors de portée
dans la réalité, la logique arithmétique ne s’appliquant pas à un tel
projet ».
En
mars
1998,
aucun
document
n’avait
été
produit.
L’estimation
du montant de la restitution à demander était comprise
entre 122 800 F, montant utilisé à des projets étrangers à la
convention, et 215 800 F, montant incluant les dépenses pour
lesquelles les pièces comptables n’avaient pu être produites. Le
dossier a été transmis à l’avocat d’ECS.
g) Une grande association avait bénéficié d’une subvention de
352 626 F en tranche C2 pour l’extension d’un lieu d’accueil et
d’hébergement. Un audit qu’ECS a fait réaliser en 1996 a conduit à
FONDS SIDACTION
109
constater que les travaux prévus avaient été réalisés mais que les
sommes versées par ECS n’avaient pas été dépensées pour autant. En
effet,
l’association
avait
bénéficié
d’un
financement
DDASS
(1,35 MF) et avait reporté l’intégralité du financement ECS sur
l’exercice 1996. ECS n’a pas sollicité la restitution des fonds,
préférant laisser à l’association la possibilité de consommer la
subvention allouée dans le respect de l’affectation initiale sur
l’exercice 1996.
Ces exemples permettent de considérer :
- que dans certains cas, et s’agissant d’associations fragiles,
ECS a accordé des financements en ne s’entourant pas de garanties
suffisantes quant à la valeur des dirigeants, à la pertinence des
objectifs poursuivis par rapport à l’infection VIH et à la réalité des
cofinancements annoncés ;
- que les contrôles diligentés par ECS ont mis en lumière de
nombreux dysfonctionnements, mais que la situation juridique ou
financière de l’association concernée n’a pas toujours permis de
récupérer les sommes litigieuses ;
- que la pratique d’ECS en matière de sanction du non respect
des conventions a été fluctuante, mais qu’elle n’a pas été, le plus
souvent, laxiste.
110
COUR DES COMPTES
2
Les différents appels d’offres
I.
–
L’appel d’offres n° 1, tranche A : fondateurs et
partenaires
a) Modalités d’attribution
Les subventions ont été attribuées sans examen du comité
associatif ; les 48 MF réservés par les statuts - 48,7 MF en définitive -
ont été répartis entre 15 associations en fonction de quantièmes définis
comme le rapport entre le montant des ressources d’une association et
les ressources totales de l’ensemble des associations concernées. Il a,
en effet, été considéré que les fondateurs et les partenaires n’avaient
pas à faire preuve de la pertinence de leur action par rapport à
l’épidémie. Dans tous les cas, les sommes attribuées, censées répondre
aux besoins de financement des projets pour l’année 1994, étaient
substantielles par rapport aux ressources habituelles des associations.
Les subventions étaient attribuées au vu de projets. Une
importante fédération a présenté 223 projets, dont certains de faible
montant, ce qui a entraîné une grande complexité dans la gestion.
Les dossiers fournis étaient souvent peu détaillés sur la
répartition des demandes entre les divers postes de dépenses, et les
justifications produites ont parfois été insuffisantes, dans la mesure où
il n’y avait pas d’obligation de produire un compte d’emploi visé par
le commissaire aux comptes.
Une part importante des fonds était destinée à des travaux
d’équipement ou à des frais de fonctionnement. Une association de
Champagne-Ardenne a ainsi reçu 311 000 F pour le recrutement de
personnel et le déménagement de ses locaux à Reims puis 352 000 F
pour leur équipement, dont 190 000 F de charges d’accueil mal
définies.
b) Conditions d’utilisation
ECS a cherché à savoir en 1998 quelle avait été l’utilisation des
crédits de la tranche A. Les programmes initiaux ont été rapprochés
FONDS SIDACTION
111
des documents de mise à jour fournis par les associations, et de leurs
rapports d’activité ou financiers. Deux grandes rubriques ont été
isolées, le soutien aux programmes et le soutien aux structures.
L’étude fait apparaître que 69,95 % des sommes sont allées au soutien
des programmes. En dépit de son intérêt, elle doit être relativisée, du
fait de l’imprécision à la fois des dossiers d’origine et des comptes-
rendus d’exécution.
c) La tranche A1 de reconduction
Les projets de reconduction de la tranche A ont fait l’objet de
plusieurs décisions du conseil d’administration : 26 avril, 14 mai et 19
novembre 1996. Le montant total accordé a été de 20,36 MF, soit
42,6 % du montant effectif de la tranche A ; il a porté sur 114 projets.
Des reliquats non utilisés en tranche A ont pu être reportés, pour un
montant de 0,72 MF.
Une partie des financements a concerné des dépenses
administratives : 128 000 F pour la gestion administrative et financière
d’une association de Bourgogne, 100 000 F pour le poste de directeur
d’une association de la région Rhône-Alpes, 298 000 F pour un poste
comptable dans une association de Midi-Pyrénées qui faisait partie de
la même fédération que les deux précédentes. Une association a reçu
608 072 F pour le "fonctionnement des services généraux" et
354 217 F
pour
"l’amélioration
des
services
généraux" ;
un
financement de 1 010 000 F lui avait déjà été accordé en tranche A
pour le même objet. Pour l’association ARCAT-sida, la tranche A1 a
permis de combler le déficit constaté sur les projets de la tranche A
(voir ci-après).
II.
–
L’appel d’offres n° 2, tranche B : poursuite et
amélioration d’actions
Avec l’appel d’offres n° 2, ECS est entré dans une procédure
généralisée d’appels d’offres pour la sélection des projets. La tranche
B était destinée à des associations qui n’avaient pu bénéficier de la
tranche A. 237 dossiers ont été reçus, 163 ont été transmis pour
examen au comité associatif. 71 dossiers ont fait l’objet d’une
décision positive du conseil d’administration, soit 43 % des dossiers
examinés par le comité. Le montant des subventions accordées a été
de 13,9 MF.
112
COUR DES COMPTES
Au titre de la reconduction de la tranche B (tranche B1), 38
associations ont bénéficié d’un financement, pour un montant global
de 4,98 MF, soit 35,8 % des montants accordés pour la tranche B,
proportion inférieure à celle de la tranche A.
III.
–
Les appels d'offres n° 3, tranche C1, et n° 4,
tranche C2 : projets nouveaux
L’appel d’offres à projets nouveaux a connu un tel succès qu’il
a dû être scindé en deux tranches (C1 et C2). Ces appels d’offres
étaient ouverts à toutes les associations, y compris les fondateurs et les
partenaires. Le comité associatif opérait une présélection. 87 dossiers
sur 261 ont été refusés en présélection pour l’appel d’offres n° 3, et
169 sur 335 pour l’appel d’offres n° 4.
Pour l’appel d’offres n° 3, 134 dossiers ont été acceptés, soit
77 % des dossiers complets examinés par le comité associatif, pour un
montant global de 28,8 MF. Pour l’appel d’offres n° 4, 117 dossiers
ont été retenus par le conseil d’administration en juillet et septembre
1995, pour un montant global de 22,7 MF.
Les reconductions des appels d’offres C1 et C2 sont intervenues
après la période contrôlée.
IV.
–
L’appel d'offres « étranger » de 1995
Une enveloppe spécifique avait été réservée à des dossiers
étrangers. 35 projets ont été admis à l’instruction dans le cadre de la
tranche C, représentant une demande globale de 11,7 MF. 16 experts
issus du monde associatif et médico-social ont été désignés, dont 9
résidaient hors des frontières. Tous les projets retenus bénéficiaient
également de cofinancements des pouvoirs publics français ou
d’organisations non gouvernementales.
Le conseil d’administration a décidé, en mars 1996, de financer
six projets pour un montant total de 923 199 F :
- actions de prévention au Maroc : 150 000 F ;
- prise en charge communautaire au Cameroun : 367 699 F ;
- prévention MST/SIDA en Haïti : 100 000 F ;
FONDS SIDACTION
113
- information et prévention à l’intention des jeunes au Malawi :
70 000 F ;
- prévention spécifique SIDA au Laos : 110 000 F ;
- activités médicales en Côte d’Ivoire : 50 000 F.
V.
–
L’appel d’offres n° 5 : pourtour
méditerranéen et DOM/TOM
Compte tenu de l'importance de l'infection VIH dans les régions
du pourtour méditerranéen et dans les DOM-TOM, un appel d’offres
spécifique a été lancé (tranche D). Dans ce cadre, 64 dossiers ont été
reçus, et 35 dossiers ont bénéficié d’un financement en mai 1996, pour
un montant global de 6 MF.
VI.
–
Le fonds d’urgence associatif
Le conseil d’administration a décidé de doter à hauteur de
500 000 F un fonds destiné à faire face à des situations d’urgence. Sur
chaque dossier, l’avis du bureau associatif était sollicité, et la décision
était signée par le trésorier. ECS a toujours essayé de ne pas utiliser ce
fonds pour faire face à des urgences de trésorerie. Au 30 septembre
1997, 503 660 F avaient été versés, correspondant à onze dossiers. Le
conseil d’administration abonde le fonds d’urgence au fur et à mesure
des utilisations.
Dans certains cas, le rôle du fonds d’urgence associatif a pu
paraître ambigu vis-à-vis des associations bénéficiaires. Ainsi, une
association avait obtenu en tranche C1 une aide de 405 200 F pour la
création et l’extension d’un site Internet sur le sida. La somme devait
couvrir le fonctionnement pour 1995 et 1996. Début 1996,
l’association a sollicité une aide d’urgence pour pouvoir poursuivre
son activité. En effet, la DDASS n’avait pas apporté le soutien qui
était espéré et aucun autre partenariat n’avait pu être mis en place. Le
bureau associatif a refusé l’aide et a conseillé à l’association
d’attendre la reconduction. Entre-temps l’association a été dissoute.
Les sommes investies l’ont donc été en pure perte, pour un projet
financé sans que l’environnement et les perspectives en soient
suffisamment étudiés.
114
COUR DES COMPTES
3
La coordination avec les intervenants publics
L’association ECS a constamment été conduite à intervenir
dans des domaines concernés par les réglementations ou par les
financements publics. L’analyse a fait apparaître une absence quasi
totale de concertation au niveau national, sauf sur certains projets
ponctuels. Au niveau local, des collaborations se sont parfois
instaurées.
I.
–
Les relations avec la division Sida de la
direction générale de la Santé
Avec 300 MF à répartir, Ensemble contre le sida disposait,
après le premier Sidaction, d’une capacité financière comparable à
celle de la division Sida de la direction générale de la santé, dont les
crédits disponibles étaient de 376 MF en 1994 et 392 MF en 1995
14
.
De plus, ECS pouvait faire preuve d’une plus grande souplesse dans
l’utilisation de ses fonds. Ses dirigeants considéraient même que
l’association, par la qualité de ses modes d’intervention, permettait de
compenser les effets négatifs - "délais, retards et régulations" - des
subventions de l’administration.
Même si la division Sida estimait que, dans la mesure où ECS
avait vocation à financer ce que l’État ne pouvait financer, une
coordination n’était pas nécessaire, une concurrence de fait s’est
installée entre ces deux systèmes parallèles de distribution d’aides.
Les services du ministère déplorent que les financements du
Sidaction aient encouragé certaines associations à développer leurs
dépenses de siège
dans des proportions trop élevées, ce qui était de
nature à susciter des difficultés financières en cas de réduction des
ressources d’ECS, éventualité qui s’est réalisée pour certaines
associations. Les services de l’État redoutaient d’avoir alors à prendre
le relais de ces financements. La division Sida a fait étudier par les
DDASS
en
1994/1995
l’impact
des
fonds
d’ECS
sur
le
14
Chapitre 47-18, « Programmes et dispositifs de lutte contre le SIDA », du budget
des affaires sociales et de la santé.
FONDS SIDACTION
115
fonctionnement des associations, afin de mesurer le coût éventuel pour
le budget de l’État d’un échec du Sidaction 1996. L’enquête, effectuée
dans 63 départements et concernant 215 associations, a fait ressortir
que sur 200 postes - en équivalent temps plein (ETP) - recensés, entre
80 et 100 auraient été financés par ECS. L’extrapolation de ces
données à l’ensemble des associations conduisait à estimer qu’il y
avait entre 160 et 200 postes ETP (toutes natures de postes
confondues et hors vacations) financés sur fonds du Sidaction, pour un
montant compris entre 30 et 38 MF.
II.
–
Les relations avec les directions
départementales des affaires sanitaires et
sociales
ECS affirme que l’avis des DDASS est régulièrement sollicité
pour des dossiers sensibles et que, dans de nombreux cas, ses
financements sont subordonnés à l’obtention de concours publics. La
plupart des DDASS consultées au cours de l’enquête ont, pour leur
part, déploré que la gestion d’Ensemble contre le sida ait été trop
centralisée et que, s’agissant de dossiers concernant des associations
petites ou moyennes, ses instances n’aient pas cherché à profiter de
l’expérience de terrain des DDASS.
Ainsi, la DDASS de Paris n’a pas de relations suivies avec les
instances d’ECS, sauf pour certains dossiers cofinancés, comme le
« Bus des femmes » (cf. ci après). À Lyon, la DDASS n’a eu aucun
contact avec l’association avant le printemps 1998, en dépit de
l’importance des financements consacrés par ECS à la région Rhône-
Alpes. La DDASS de Seine-Maritime n’aurait eu, elle non plus,
aucune information directe sur les actions d’ECS, assez faibles il est
vrai dans le département. À Bordeaux en revanche, les responsables
des actions Sida de la DDASS de la Gironde ont déclaré avoir
régulièrement échangé des informations sur les dossiers sensibles avec
ECS.
La DDASS des Alpes-Maritimes, deuxième département touché
par l’épidémie après Paris, a exposé pour sa part qu’ECS ne s’est
jamais rapprochée de la DDASS, a pris délibérément le contre-pied de
ses décisions et fait preuve de partialité dans ses choix. Dans
l’ensemble, les financements ECS auraient été « décalés » par rapport
à la politique menée dans le département.
116
COUR DES COMPTES
Dans les Pyrénées-Atlantiques, une aide de 150 000 F avait été
accordée par Ensemble contre le sida à un projet de réduction des
risques pour les usagers de drogue par voie intraveineuse (UDVI),
sous réserve que des financements régionaux fussent sollicités en vue
de
la
pérennisation
du
projet.
L’association
ayant
demandé
ultérieurement le report d’une partie des fonds sur un autre projet, il a
alors été constaté que la CPAM et les collectivités locales avaient
refusé leur appui et que la DDASS n’avait jamais été sollicitée. Dans
ces conditions, le conseil d’administration d’ECS a dû annuler en
octobre 1997 l’engagement pris.
FONDS SIDACTION
117
4
Étude particulière de quelques actions
associatives
I.
–
Un projet pilote de réduction des risques pour
les usagers de drogues par voie intraveineuse
a) Présentation du projet
Lors de la réunion du conseil d’administration d’ECS du 6 juin
1994, le principe d’une aide d’urgence de 15 000 F à une association
de l’Hérault intervenant dans le domaine de la réduction des risques a
été arrêté. Cette aide d'urgence n'a pas été incluse dans le fonds
d'urgence associatif. Les membres du comité associatif soulignaient le
caractère remarquable de cette action de limitation des risques auprès
de la population toxicomane, et ce malgré une situation financière très
critique.
L’association, créée fin 1993, avait participé à plusieurs actions
de prévention des risques. Elle était présidée par une ancienne
toxicomane exerçant des responsabilités associatives au niveau
national. En octobre 1994, elle a ouvert une salle d’injection propre,
couramment appelée « salle de shoot », dans laquelle des toxicomanes
ayant « décroché » de l’héroïne pouvaient s’injecter des médicaments
de substitution dans des conditions d’hygiène contrôlées. La présence
de personnel formé devait permettre d’intervenir de manière
appropriée en cas d’overdose. Cette initiative a bientôt fait l’objet
d’une polémique, qui a eu des échos dans la presse nationale. Le
principal
point
de
contestation
résidait
dans
l’injection
des
médicaments alors qu’en principe ils devaient être administrés par
voie orale. Les défenseurs du projet le justifiaient par les retards de
l’ouverture d’un centre de méthadone dans le CHU de Montpellier.
Fin octobre 1994, le Préfet de Région a voulu faire fermer la
salle ; le ministre de la Santé a estimé que la méthode pratiquée n’était
pas illégale, mais comportait des risques et n’avait pas fait l’objet
d’une évaluation ; le Préfet a donc décidé de subordonner le
versement d’une subvention de 150 000 F par la DDASS, à la
118
COUR DES COMPTES
cessation des activités. Dans le même temps, le projet de centre de
méthadone, jusque-là bloqué, pouvait aboutir. Dès lors, l’intérêt
suscité par cette expérience déclinait, et l’association allait connaître
des difficultés financières.
b) Les financements ECS
En plus de l’aide d’urgence de 15 000 F, Ensemble contre le
sida a décidé, dans le cadre de la tranche B, l’octroi d’une subvention
de 350 000 F versée en septembre 1994. Une somme de 300 000 F a
été accordée dans le cadre de la tranche C en mai 1995. Quelques
semaines plus tard, le bureau associatif, saisi par l’équipe de direction
d’ECS, constatait que « l’association ne (contrôlait) plus sa gestion »
et que « la subvention de 300 000 F (s’était) rapidement transformée
en
gouffre ».
Il
estimait
cependant
l’action
de
l’association
« essentielle pour la région ». Un audit diligenté par ECS a eu lieu les
25 et 26 juillet 1995. Le rapport d’audit mettait en évidence plusieurs
dysfonctionnements, et en particulier la gestion très personnelle de la
présidente de cette association, ainsi que l’absentéisme du personnel.
Le 31 août 1995, la présidente démissionnait. L’arrêté des
comptes présenté le 5 octobre par l’expert comptable de l’association
faisait apparaître que la présidente avait confondu son patrimoine et
celui de l’association et devait rembourser à celle-ci près de 30 000 F ;
les comptes des deux exercices décrivaient une situation financière
dégradée. La part d’ECS dans les ressources a été de 75 % en 1994 et
de 70 % en 1995. En novembre, l’association, mise en examen pour
« avoir facilité l’usage de stupéfiant », a dû procéder à sa dissolution.
ECS a alors annulé le montant de l’engagement de 120 000 F qui
subsistait en sa faveur.
II.
–
Une structure familiale d’accueil
a) Présentation du projet
La présidente d’une association créée en 1993 dans l’Eure
accueillait sous son toit des personnes séropositives, six hommes ainsi
qu’une mère et son bébé, tous en situation précaire. Ces personnes
auraient été envoyées à l’association par les services sociaux de divers
hôpitaux de Paris ou de Normandie.
Le ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville
indiquait en janvier 1994 à un parlementaire du département qui
l’avait saisi qu’il avait « été demandé à Mme X. de présenter un projet
FONDS SIDACTION
119
de création d’une structure familiale d’accueil qui serait susceptible
d’être financée au début 1994 à hauteur de 50 % par des crédits d’État,
sous réserve que le dossier présente des garanties suffisantes ». À la
fin de l’année 1994, l’activité n’avait pu être reconnue par la DDASS,
du fait de sa non conformité avec les règles posées par la direction
générale de la santé.
À la suite du premier Sidaction, l’association a demandé une
subvention pour l’achat d’une maison et le fonctionnement. Le projet
global s’élevait à 1 360 000 F et la demande portait sur 50 % de ce
montant. Un rejet lui a été signifié en septembre 1994, ECS
considérant
que
le
projet
ne
présentait
aucun
cadre
précis
d’accompagnement des personnes en grande difficulté, que la
formation des intervenants n’était pas envisagée et que le projet ne
s’inscrivait pas suffisamment dans un travail en réseau.
À l’occasion d’une émission de télévision, le vice-président
d’ECS s’est toutefois engagé auprès de la présidente de l’association,
au nom d’ECS, à soutenir son action. Le conseil d’administration a
dès lors approuvé en mars 1995 le financement d’une aide
exceptionnelle de 200 000 F subordonnée à la mise en place d’un
comité de pilotage. Une somme de 50 000 F a été immédiatement
versée à l’association pour assurer son fonctionnement pour les trois
mois à venir. L’association a également reçu une aide complémentaire
de 10 000 F sur le fonds d’urgence.
b) Les difficultés rencontrées
Le comité de pilotage n’a pu être mis en place que très
difficilement. La DDASS a refusé d’y participer, ainsi que d’autres
associations et personnalités sollicitées. Ses réunions avaient pour
principal objet de faire comprendre à l’association la nécessité de
respecter les règles du fonctionnement associatif, d’établir des
comptes financiers et de se mettre en conformité avec les demandes de
la DDASS, notamment en ce qui concernait le nombre des personnes
accueillies et la formation de l’encadrement. La présidente de
l’association, pour sa part, souhaitait pouvoir louer une seconde villa,
la première étant trop exiguë et ne disposant pas d’un confort
suffisant, et acquérir un véhicule "monospace".
Le bureau associatif d’ECS déclarait, en septembre 1995, qu’il
ne désirait pas financer une association qui ne respectait pas les
normes
sanitaires
en
matière
d’hébergement
des
malades.
120
COUR DES COMPTES
L’hébergement simultané de personnes malades et d’une enfant de 20
mois était notamment constaté.
Les dirigeants d’ECS ont alors fait valoir que l’arrêt des
financements pourrait être préjudiciable à l’image d’Ensemble contre
le sida au moment où l’association avait pratiquement respecté, selon
eux, les conditions posées par le comité de pilotage. Un avenant à la
convention passé en novembre 1995, a modifié la répartition des
150 000 F restant à verser. La dernière tranche des crédits (40 000 F) a
été versée en avril 1996 pour financer des aménagements immobiliers.
En fait, pour l’essentiel, la subvention a servi à couvrir des dépenses
de fonctionnement.
La DDASS de l’Eure confirmait en décembre 1996 au président
d’ECS que l’association n’avait jamais été reconnue ou agréée par le
ministère de la Santé, du fait de nombreuses objections relevées au
plan de l’installation matérielle, des compétences, de l’éthique et de la
confidentialité.
L’association ECS a, au total, été seule à apporter un soutien
financier à cette structure, en dépit de l’opposition de ses organes
consultatifs et alors qu’elle était informée de sa situation irrégulière au
regard des normes sanitaires.
III.
–
Une structure atypique pour l’accueil des
populations marginalisées
Une subvention de 471 000 F avait été accordée, dans le cadre
de l’appel d’offres n° 3, à une association de Bourgogne pour la mise
en place par un collectif associatif d’une structure atypique assurant
notamment
des
soins
médicaux
gratuits
aux
populations
marginalisées.
Ce projet n’a pu démarrer qu’en janvier 1996 après un an de
discussion avec la commune concernée, qui s’est écartée du projet.
Dès le 9 mai, l’une des associations partenaires informait ECS de son
retrait au motif que le comité de gestion, qui devait être l’organisme
de pilotage, n’aurait pas été à même de jouer son rôle et que des
décisions non concertées avaient été prises dans le domaine de la
communication. La même association ajoutait qu’elle n’avait pu
exercer aucun contrôle sur l’activité de la personne, se déclarant
ancien toxicomane, en charge de la coordination de la fonction
réduction des risques du volet médical du projet. Ces affirmations
FONDS SIDACTION
121
étant contestées, le bureau associatif d’ECS renvoyait en septembre
1996 le projet aux instructeurs pour étude.
En décembre 1996, il prenait acte de la fermeture de l’accueil
de jour. Le remboursement alors demandé s’est limité à 153 000 F,
ECS admettant la prise en compte d’un salaire pendant l’année 1995,
alors que le projet n’avait démarré qu’en janvier 1996, et celle du
loyer jusqu’en février 1997. Le coût pour ECS de ce projet
controversé s’est au total élevé à 318 000 F pour quatre mois de
fonctionnement seulement.
IV.
–
Association de recherche, de communication
et d'action pour le traitement du sida
(ARCAT-sida)
Créée en 1984 et "refondée" en 1986, l'association ARCAT-sida
a été l'un des initiateurs du premier Sidaction. Elle a acquis une
notoriété certaine dans le domaine de l'information scientifique et
médicale, par son « Journal du sida » et son répertoire des essais
thérapeutiques. Une nouvelle version du répertoire a d’ailleurs été
présentée dans le cadre de la préparation du Sidaction 1998.
Les dérives constatées dans la gestion de cette association et la
restructuration intervenue appellent un examen particulier.
A.
–
Les financements ECS
Depuis 1994, ECS a accordé 10 104 447 F à ARCAT-sida.
a) Partenaire et membre fondateur d’Ensemble contre le sida,
ARCAT-sida a participé à la tranche A qui était attribuée sans appel
d'offres. A ce titre, l’association a bénéficié de 4 126 000 F, répartis
sur cinq projets, la plus grosse partie de ces sommes ayant été versée
avant le 7 octobre 1994.
Il faut signaler la grande légèreté du contenu des dossiers
présentés en appui des demandes : absence de répartition précise des
sommes
entre
les
postes
prévisionnels
de
dépenses,
grande
imprécision quant aux cofinancements, pour la plupart portés comme
simplement espérés.
ARCAT-sida a comptabilisé dans son compte 1994 uniquement
les sommes qui étaient nécessaires à l'équilibre de ses actions, soit
122
COUR DES COMPTES
2,28 MF, 1,7 MF étant mis en réserve sur un compte de recettes à
affecter. Les sommes utilisées ont été réparties entre les programmes
au vu du déficit analytique de chacun, les fonds d'ECS apparaissant
alors comme une subvention d'équilibre. Il a été procédé de la même
manière en 1995.
Un audit externe a été effectué en septembre 1995. Il a été
rendu plus difficile par l'absence de concordance entre les projets et
les sections de la comptabilité analytique de l'association, ainsi que
par l'absence de compte d'emploi des subventions ECS. Aucune
anomalie n’a toutefois été décelée au cours des contrôles de cohérence
effectués.
b) Les versements de la tranche A1 sont intervenus en mai 1996
pour 2,15 MF. Les demandes tendaient à équilibrer les projets de la
tranche A. Les subventions de la tranche A1 ont donc eu le caractère
de subvention d'équilibre pour l'exercice 1995, sans qu’il puisse être
déterminé si la dérive dans l'exécution des programmes de la tranche
A était due à l'augmentation du train de vie de l’association ou à un
réel développement des programmes initiaux. Il peut seulement être
noté que le montant de la tranche A1 est pratiquement égal à
l'imputation sur les programmes de charges de frais communs et de
frais généraux (2,18 MF). En tout état de cause, les outils analytiques
en place en 1994 et 1995 ne permettaient pas un suivi des fonds.
c) Pour l'attribution des tranches C1 et C2, les associations
partenaires d’ECS ont dû présenter, comme les autres candidats, des
dossiers structurés. Dans ce cadre, ARCAT-sida a bénéficié de
financements importants : 3,25 MF pour la tranche C1 et 0,58 MF
pour la tranche C2.
B.
–
L’utilisation des fonds
a) En dépit de la mise à niveau pour les programmes de la
tranche A, les comptes d'ARCAT-sida pour 1995 se soldaient par un
déficit de 1,75 MF. Les subventions des tranches A et A1, bien
qu’affectées à des programmes, ont servi en fait au développement des
moyens matériels de l'association.
Le rapport moral présenté en 1995 à l’assemblée générale
d'ARCAT-sida conforte cette interprétation : "L'année 1994 aura été
pour ARCAT-sida celle du premier Sidaction […]. Dans la pratique,
le mécanisme de répartition des fonds d'ECS […] n'a pas permis à
ARCAT de faire mieux que colmater les brèches en 1994, autrement
FONDS SIDACTION
123
dit d'assurer l'équilibre de la trésorerie et de permettre les réformes
administratives".
Le déficit de l'exercice 1996 a atteint 3,47 MF. Depuis l'été,
l’association était en crise et envisageait un plan social visant huit à
dix personnes. Une grève, qui devait durer jusqu'en février 1997, était
en cours. En septembre 1996, l'association a sollicité d’ECS une aide
d'urgence de 3 MF, dont un apport d’argent frais de 1,6 MF. ECS a
demandé un nouvel audit.
Cet audit a constaté l'inexécution totale ou partielle de plusieurs
projets. Pour sept projets, il mettait en évidence d'importants soldes
non utilisés, pour un montant total de 1 549 605 F au 31 décembre
1996, soit 63 à 73 % des programmes en cause.
b) Confrontée à l'afflux de fonds de diverses origines, ARCAT-
sida avait augmenté considérablement son train de vie et ses frais de
siège. La croissance de la masse salariale, en particulier, était
rapidement devenue non maîtrisable, passant de 6,1 MF en 1993 à
9,3 MF en 1994 et à 14,4 MF en 1996. Pendant la même période,
l'évolution des effectifs en équivalents temps plein est passé de 21 à
40,3 ETP. La moyenne annuelle brute des salaires était de 211 000 F,
et les salaires des dirigeants (388 000 F à 522 000 F) étaient
comparables
à
ceux
des
entreprises
du
secteur
marchand.
Globalement, les charges de structures, qui représentaient 28 % des
ressources globales en 1994, en absorbaient 43 % en 1996.
Sur le plan de la gestion, des lacunes sérieuses pouvaient être
constatées, ainsi qu’en témoignaient les retards constatés dans
l’établissement de la comptabilité, alors que l’effectif des services
administratifs et comptables était de 12 ETP.
c) Au vu de ces analyses, ECS n'a pas consenti aux
réaffectations demandées et s'est au contraire orienté vers une
demande de remboursement des fonds non utilisés. Le montant
restituable était estimé à 1,89 MF, somme sensiblement supérieure au
montant retenu par le rapport d’audit.
Un protocole d'accord du 3 décembre 1997 a finalement fixé à
1 667 209 F le montant des sommes dont le remboursement était
demandé. Les remboursements étaient échelonnés par mensualités
jusqu'en juin 2001. En outre, des mesures de restructuration devaient
être mises en oeuvre à ARCAT-SIDA.
Les principales ont été :
124
COUR DES COMPTES
- le licenciement de la directrice générale et du délégué
général ;
- un plan social réalisé en deux vagues, qui avait pour objet de
ramener l'effectif de 40 à 26 ETP ;
- le déménagement du siège, qui a procuré une économie de
300 000 F ;
- la
signature
d’une
charte
d'objectif,
subordonnant
un
financement de 930 000 F pour l’aide à la gestion et à l’animation, à
l’abandon par les salariés d'ARCAT de leur treizième mois, ce que le
personnel a majoritairement ratifié.
Les difficultés rencontrées par ARCAT-sida témoignent des
dérives qui ont pu être induites dans le train de vie et la gestion des
associations par une abondance de fonds qu'elles ont pu considérer
comme automatiquement renouvelables. Ce cas constitue également
un exemple caractéristique du processus de contrôle, par ECS, des
fonds qu'elle attribue. Les fonds des tranches A et A1, attribués de
manière quasi automatique, n'ont pu être contrôlés ; pour les fonds de
la tranche C, des contrôles, suivis de demandes de remboursement, ont
été effectués ; plus récemment, l'attribution des fonds d'aide à la
gestion et à l'animation a été assortie de conditions très strictes.
ARCAT-sida
a
indiqué
à
la
Cour
que
le
conseil
d’administration et la direction en fonction depuis 1997 « ont assuré
une importante restructuration de l’association et assumé les dettes de
celle-ci » et que « l’association est en train de sortir de cette mauvaise
passe ».
V.
–
Les Amis du Bus des femmes
a) Présentation du dispositif
Le "Bus des femmes", dont l'objet est de faire de l'assistance et
de la prévention vis-à-vis des prostituées parisiennes en se rendant sur
leurs lieux de travail - d'où la nécessité d'un véhicule d'accueil, le Bus
-, est né en 1990 d'une réflexion menée par l'Association française de
lutte contre le sida (AFLS), l'Organisation mondiale de la Santé
(OMS) et 90 femmes prostituées. Ces réflexions ont conduit à
considérer que les femmes les plus exposées étaient celles qui se
trouvaient sur les zones périphériques de la capitale, et qu'il fallait
venir à elles car elles ne feraient pas la démarche inverse. Le Bus met
à leur disposition un accueil ; au cours des premières années, des
FONDS SIDACTION
125
consultations médicales étaient effectuées par un médecin vacataire.
Les intervenants du Bus sont susceptibles d’apporter une aide dans les
domaines de la prévention VIH, mais aussi de l'accès aux soins, des
aides d'urgence ou même de l'assistance juridique. Le dispositif repose
sur des "femmes relais", issues du milieu de la prostitution. La notion
de "bus", en tant qu'antenne mobile de prévention, a été reprise par
d'autres associations s'adressant à des populations de prostitués ou de
toxicomanes.
Pendant quatre ans, ces actions n'ont pas eu de support juridique
propre, et ont été hébergées, sur le plan administratif, par une
association support. Les "femmes relais" étaient rémunérées par une
association intermédiaire proche de celle-ci. Les actions étaient
largement menées par elles et en particulier par l'une des
cofondatrices, ancienne prostituée et ancienne toxicomane, qui était
chef de projet. Les actions ont bénéficié de financements importants
des pouvoirs publics, en provenance notamment de la DDASS de
Paris, qui a accordé des concours de l'ordre de 1,6 à 1,7 MF par an
pendant les années considérées, mais aussi d’autres organismes,
comme la caisse primaire d’assurance maladie. Les fonds du Sidaction
ont eu une importance moindre, mais au cours des années 1994-1997,
ils ont représenté 1 436 200 F, et ils ont permis de financer des actions
qui ne pouvaient être prises en charge par les financements publics
15
.
En 1994, le "Bus des femmes" a souhaité devenir une structure
juridique indépendante. C'est alors qu'a été créée l'association "Les
amis du Bus des femmes". Elle s'est adressée à ECS pour obtenir une
partie des fonds qui lui permettraient de réaliser ce projet.
b) Les différents financements d’ECS
Dès le mois de juillet 1994, l’association des Amis du Bus des
femmes a obtenu d'ECS une aide d'urgence de 51 700 F. Cette aide,
qui n'a pas été imputée sur le fonds d'urgence associatif, concernait les
personnes en fin de vie ainsi que les réparations et l'essence d'un
véhicule qui servait à emmener les femmes malades à l'hôpital. La
subvention n’avait, en fait, été utilisée qu'à hauteur de 13 258 F au 31
décembre 1994.
15
Interrogée lors du Sidaction du 6 juin 1996, la chef de projet a expliqué que "c'est
vrai que l'État nous finance. Mais le Sidaction a permis d'acheter des jouets pour les
enfants, des paquets de cigarettes, de financer la voiture d'accompagnement […]".
126
COUR DES COMPTES
Le Bus des femmes a présenté, dans le cadre de la tranche B,
"poursuite et amélioration d'actions", une demande de financement qui
comportait, pour 230 000 F, le déficit de sa gestion vis-à-vis de
l’ancienne association support. Après un premier refus, en octobre
1994, et à la suite d’interventions des associations fondatrices, le
conseil d'administration a approuvé le principe d'une subvention de
370 000 F, dont 230 000 F pour rembourser le déficit, 100 000 F pour
les actions urgentes et 40 000 F pour l'acquisition d'un nouveau bus.
L'ancienne
association
support,
après
avoir
prélevé
les
230 000 F qui lui étaient destinés, a reversé aux "Amis du Bus des
femmes" une somme de 123 320 F. Le surplus, soit 16 680 F, a été
directement remis à la chef de projet pour des actions de prévention.
Ensemble contre le sida a donc assumé, sous la pression des
membres fondateurs, un déficit dont les composantes n'étaient pas
exactement connues, et que les pouvoirs publics ne souhaitaient pas
prendre en charge. Aucune certitude n'existe quant à la cohérence des
dépenses ainsi couvertes par rapport à l'objet de l'appel à la générosité
publique.
L'association des Amis du Bus a présenté une demande pour
"projets nouveaux" sur la tranche C2 du 4
è
appel d’offres. Le projet a
été
retenu,
les
instances
délibérantes
s'étant
déclarées
très
favorablement impressionnées par le compte-rendu d'activité 1994.
Une somme de 378 000 F a été accordée en juin 1995 pour un projet
d'équipement des locaux ; 133 000 F étaient destinés au financement
d’un poste comptable et au concours d’un commissaire aux comptes.
Les Amis du bus des femmes ont également bénéficié en avril 1996
d'une aide de 55 500 F du fonds d'urgence associatif pour des
réparations à effectuer sur le bus.
En avril 1996, le Bus des femmes a présenté une demande de
reconduction de la tranche B. Le bureau associatif constatait que la
viabilité de l'action n’était toujours pas établie. Il a été décidé de
financer le projet à hauteur de 441 000 F, dont 140 000 F destinés au
financement d’un poste comptable et au concours d’un commissaire
aux comptes, d’en fractionner le versement en deux tranches et de
subordonner le versement de la seconde à un plan de restructuration et
au résultat d'un audit de gestion.
En juillet 1997, le conseil d'administration accordait au Bus des
femmes une subvention de 140 000 F pour l'achat d'un minibus. Il
était expressément prévu que la facture devait être envoyée à ECS.
FONDS SIDACTION
127
c) Les difficultés de la gestion
L'équipe, mise en place lors de la création de l'association en
1994, a démissionné en bloc en décembre 1995. En janvier 1996, un
nouveau conseil d'administration a été constitué, avec un bureau
restreint. Les financeurs publics ont exigé le départ de la chef de
projet, pour cause de perte de confiance. La DDASS de Paris a
accepté de prendre en charge son indemnité de licenciement à hauteur
de 197 000 F. C'est elle cependant qui a parlé au nom du Bus des
Femmes lors du Sidaction de juin 1996.
L'orientation
plus
"administrative"
de
l'association
s’est
concrétisée par l'arrivée, en avril 1996, d'une déléguée générale,
précédemment trésorière de l'association, le licenciement de la chef de
projet et celui de l'un des médecins. Le rapport d'audit demandé par
ECS a été rendu en octobre 1996. Les comptes certifiés par le
commissaire aux comptes faisaient apparaître un excédent de
190 000 F, tandis qu’un cabinet d'expert-comptable aboutissait à un
déficit de 23 000 F. L’auditeur mandaté par ECS, après avoir procédé
à diverses rectifications, concluait à un résultat positif de 131 167 F.
Son
rapport
signalait
de
nombreuses
incohérences
entre
la
comptabilité générale et les comptes d'emploi adressés à ECS.
Certaines utilisations surprenantes des subventions étaient constatées.
Ainsi, pour la tranche B, sur 100 000 F destinés à des secours de
première urgence, 24 000 F avaient été affectés à une provision sur
honoraires d'avocat dans une affaire d'homicide perpétré par une
prostituée fréquentant le Bus.
L'audit déplorait aussi la faiblesse des mesures de contrôle
interne, et la difficulté de vérifier la réalité des dépenses de voyages
liées aux subventions de l'Union européenne, et celle des heures
d'animatrices facturées à l'association intermédiaire qui rémunérait les
« femmes relais ». S’il se félicitait de l'action de la nouvelle déléguée
générale, devenue entre temps directrice générale, il notait que les
chéquiers étaient détenus par cette personne, ce qui constituait un
cumul de fonctions non souhaitable.
À la suite des conclusions de l’audit et après avoir réclamé, en
complément, un rapport au président du "Bus des femmes", le bureau
associatif autorisait le deuxième versement de la tranche B1. Il
estimait que des efforts avaient été accomplis pour stabiliser le cadre
de travail de l'association, mais il recommandait une grande attention
sur les comptes 1997 et un suivi des activités de terrain. Selon ses
informations,
712
femmes
prostituées
fréquentaient
le
Bus
128
COUR DES COMPTES
régulièrement et un local d'accueil de jour, "l'abri bus", avait été
ouvert.
Dès le printemps 1997, de nouvelles difficultés apparaissaient.
En effet, les comptes de l'exercice 1996 mettaient en évidence un
déficit de 569 000 F, correspondant à 23 % des charges de l'année,
largement dû à la suspension par la DDASS de sa subvention pendant
cinq mois en 1996, en pratique jusqu’au départ de la chef de projet.
Refusant de s’engager dans la voie d’un financement inconditionnel,
ECS a limité son soutien pour 1997 à 140 000 F.
En 1997, le président du "Bus des femmes" prenait la direction
d'une grande association et décidait d'emmener avec lui la directrice
comme chargée de mission. Une coordinatrice médicale, médecin de
santé publique, devait être recrutée. En décembre 1997, des
vérifications effectuées par le cabinet d’expertise comptable mettaient
en évidence des détournements effectués par la directrice en 1996 et
1997. Déjà, en juillet 1997, la comptable en poste avait écrit au
président du "Bus des femmes" qu'elle ne pouvait pas couvrir
"certaines écritures comptables qui ne correspondaient pas à la réalité"
et avait donné sa démission. Le président a déclaré n'avoir attaché
aucune importance à ces allégations, qui ont toutefois appelé
l'attention de l’expert comptable sur deux chèques déposés en banque
et non encaissés (9 000 F et 11 000 F), émis par la directrice générale
en remboursement d'avances sur salaires qu'elle s'était consenties sans
autorisation.
Le 23 décembre 1997, le conseil d'administration et le bureau
démissionnaient. La nouvelle présidente et le bureau poussaient plus
loin leurs investigations, qui mettaient à jour des détournements
effectués par l’ancienne directrice générale. Le montant connu et étayé
par des pièces probantes était estimé, en avril 1998, à environ
130 000 F, correspondant en particulier à l’utilisation à des fins
personnelles
du
fonds
d’urgence
destiné
au
financement
de
l’hébergement des prostituées en chambres d’hôtel. L'association des
Amis du Bus des femmes a porté plainte avec constitution de partie
civile.
Le cabinet d’expertise comptable, qui a facturé 86 891 F pour
ses interventions en 1996, n’avait pas fait d’observations sur
l'existence d'un chèque de 9 000 F "en rapprochement" depuis octobre
à la fin de l'exercice. En 1997, il n’a été consulté que pour la clôture
des comptes. Le commissaire aux comptes, pour sa part, a déclaré
qu’il avait remarqué les chèques non encaissés, mais qu’il ne s’en était
FONDS SIDACTION
129
pas inquiété compte tenu de leur date d’émission. Pourtant, deux
années consécutives, ECS avait financé un poste comptable et le
concours d’un commissaire aux comptes afin d'éviter ce genre
d'accident.
Le Bus des femmes bénéficie d'un soutien de la DDASS de
Paris, pour laquelle la prévention tournée vers les milieux de la
prostitution constitue une
priorité.
Mais,
depuis
sa
création,
l'association n'a jamais trouvé son équilibre. Entre août 1994 et
décembre 1997 trois conseils d'administration se sont succédé. ECS a
voulu renforcer la structure comptable de l’association. En l'absence
d'une implication réelle des organes délibérants de celle-ci, ces efforts
sont demeurés insuffisants, et la situation demeurait préoccupante à la
date de l’enquête.
130
COUR DES COMPTES
CONCLUSION
Le succès du Sidaction 1994, qui a permis de collecter près de
300 MF émanant de 1 420 000 donateurs, témoignait d’une profonde
adéquation
entre
l’objet
de
l’appel
à
la
générosité
et
les
préoccupations du moment de la population au regard de la
progression de l’épidémie VIH, à laquelle ne pouvait alors être opposé
aucun traitement efficace. Les deux éditions suivantes du Sidaction
ont procuré 40 MF en 1995 et 65 MF en 1996, soit un total, pour les
trois années, légèrement supérieur à 400 MF.
Fondée parallèlement à la préparation du premier Sidaction,
début 1994, par huit personnalités ou organismes représentatifs de la
recherche médicale dans ce domaine ou fortement engagés dans la
prévention et l’accompagnement des personnes atteintes du sida,
l’association Ensemble contre le sida s’est vu confier la responsabilité
de l’utilisation des fonds importants apportés par la générosité
publique, dans le respect du principe d’une répartition par moitié entre
les actions de recherche médicale et les actions menées par les
associations, répartition qui avait été annoncée lors de la première
campagne télévisée.
a) La gestion financière a été confiée par convention à la
Fondation de France, qui a joué un rôle central dans le dispositif
Sidaction puisqu'elle était chargée d’effectuer toutes les opérations
liées à l’encaissement des fonds et au versement des subventions. La
Cour considère que les documents comptables produits par cet
organisme constituent le compte d’emploi au sens de la loi du 7 août
1991, mais constate qu'ECS a publié dans ses rapports d'activité des
documents financiers différents, qui globalisent la présentation pour
les trois SIDACTION.
FONDS SIDACTION
131
Le compte d’emploi définitif du Sidaction 1994, établi fin 1997
après l’épuisement des fonds collectés, met en évidence une
affectation de ces fonds, hors produits financiers, aux actions
opérationnelles
à
hauteur
de
96,9 %.
Ce
résultat
s’explique
principalement par la prise en charge par les chaînes de télévision
organisatrices de l’émission de la plus grande partie des frais afférents
à la collecte. Il a, en revanche, été relevé qu’au cours des années
ultérieures, les charges de collecte et de gestion imputées au compte
d’emploi ont augmenté. Les frais de gestion prélevés par la Fondation
de France sont restés d'un niveau modéré.
b) Les équipes de recherche médicale qui ont reçu des
subventions et des bourses allouées par l'intermédiaire de la Fondation
pour la recherche médicale (FRM) ont incontestablement bénéficié de
la politique de complémentarité avec l'Agence nationale de recherche
sur le sida (ANRS) qu'a définie, après des débuts difficiles, le comité
scientifique sida mis en place auprès du conseil d'administration de
l'association, ainsi que de la plus grande souplesse du financement
privé. Les bourses accordées aux jeunes chercheurs ont en partie pallié
l'insuffisance du financement public de bourses de recherche post-
doctorales.
La Cour a toutefois constaté de nombreuses anomalies dans la
gestion administrative et financière de ces financements par la FRM.
Le virement de 5 MF opéré en septembre 1996, sans l'accord d'ECS,
en faveur du Centre intégré de recherches biocliniques sur le sida
(CIRBS) en constitue un exemple caractéristique. Il est vrai que la
FRM a fait face, dans des conditions difficiles, à la charge de travail
importante et nouvelle qu'ont été pour elle les appels d'offres de
Sidaction.
ECS a dépensé 25 MF pour le CIRBS. Le concept de "centre
intégré" associant fondamentalistes et cliniciens avait été présenté par
le promoteur du projet comme une novation majeure rendant possible
la mise au point de traitements et d'un vaccin. Cette affectation a fait
l'objet de critiques du milieu de la recherche sur le sida ; il était
notamment fait observer que cette interaction était déjà largement
réalisée dans plusieurs centres hospitaliers.
132
COUR DES COMPTES
Le centre a par ailleurs été constitué dans des conditions
juridiques et financières inadaptées : l'association sur laquelle reposait
la partie recherche de son activité a déposé son bilan dès 1999 et sa
liquidation judiciaire a été prononcée en mai 2000.
c) Pour le financement des actions associatives, de nombreuses
demandes se sont spontanément manifestées dès le lendemain du
premier Sidaction. Des erreurs étaient sans doute difficilement
évitables dans la phase initiale. ECS a su en contenir l'importance.
L'association a progressivement mis en place des procédures de
sélection, de décision et de contrôle, dont le respect contribue à la
transparence du processus et fonde la légitimité des choix opérés. Si la
Cour a relevé qu’elles avaient été méconnues dans un nombre limité
de cas, elle a constaté, en revanche que l'association avait diligenté des
audits sur d'autres actions et qu'elle leur avait donné des suites.
ECS dispose d’une grande liberté dans l’affectation de ses
fonds. L'association a financé des expériences innovantes qui ne
pouvaient trouver d’autres financeurs. Dans plusieurs cas, elle a
toutefois soutenu des projets intéressants sur le fond, mais gérés dans
des conditions qui ne leur permettaient pas d’obtenir l’agrément des
pouvoirs publics. Les échecs constatés montrent que, même si elle
n’était pas juridiquement indispensable, une meilleure coordination
avec les intervenants publics au niveau national ou au niveau local
aurait sans doute permis une utilisation plus pertinente des fonds.
d) La Cour ne sous-estime pas l’importance de l’oeuvre que
l’association ECS, épaulée par les deux grandes fondations auxquelles
elle avait choisi de s’adresser dans une première phase, a accomplie
pour définir et tenter de généraliser des procédures de sélection des
projets, scientifiques et associatifs, de suivi des utilisations et de
constatation des résultats. Intervenant dans un secteur de la recherche
qui bénéficie de financements publics substantiels, le comité
scientifique et médical sida a su trouver une fenêtre d'utilisation dans
les caractéristiques de l’emploi scientifique public et financer
différents travaux originaux qui ont été poursuivis par l’ANRS. Les
affectations aux actions associatives se sont, quant à elles, largement
appuyées sur la connaissance approfondie que les membres fondateurs
d’ECS avaient de la lutte contre le sida.
FONDS SIDACTION
133
L’évolution même des modalités de celle-ci rend toutefois
nécessaire que l’association poursuive ses efforts pour améliorer ses
procédures de gestion administrative et financière des aides. ECS,
reconnue d'utilité publique en 1998, a repris à la Fondation de France
en 1997 la gestion des fonds collectés, et à la Fondation pour la
recherche médicale en 1999 la totalité de la gestion administrative et
du suivi des appels d'offres scientifiques. L'association doit s’assurer
que les concours à la recherche font l'objet de la même vigilance que
les financements d’actions associatives tout en facilitant par leur
souplesse d’utilisation la tâche des équipes de recherche. Il lui revient
aussi de veiller à ce que l'important investissement consenti grâce à la
générosité publique pour la création du CIRBS continue de bénéficier
à la recherche contre le sida. Elle doit enfin s'attacher à ce que ses
partenaires associatifs trouvent les modes de fonctionnement leur
permettant de porter et de conduire durablement les projets auxquels
elle décide d’affecter les ressources collectées auprès du public.
134
COUR DES COMPTES
GLOSSAIRE
AACS
Association des artistes contre le sida
ANRS
Agence nationale de recherche sur le sida
ARCAT-sida
Association de recherche, de communication et
d’action pour le traitement du sida et des
pathologies associées
CHU
Centre hospitalier universitaire
CIRBS
Centre intégré de recherches biocliniques sur le
sida
DDASS
Direction départementale des affaires sanitaires et
sociales
DGS
Direction générale de la santé
ECS
Ensemble contre le sida
ETP
Équivalent temps plein
FMRPS
Fondation mondiale pour la recherche et la
prévention du sida
FRM
Fondation pour la recherche médicale
OMS
Organisation mondiale de la santé
Sida
Syndrome d’immunodéfience acquise
UDVI
Usager de drogue par voie intraveineuse
VIH
Virus de l’immunodéficience humaine
FONDS SIDACTION
135
ANNEXE
COMPTES D’EMPLOI DES FONDS SIDACTION
POUR
1994 A 1996
(Document établi par la Fondation de France)
136
COUR DES COMPTES
COMPTE D’EMPLOI DES RESSOURCES DU FONDS SIDACTION
(données comptables de la Fondation de France au 31 décembre 1997 en francs)
Exercice 1997
Situations cumulées au 31 décembre 1997
ACTIVITE DES TROIS
FONDS CONSOLIDES
SIDACTION
1996
COLLECTE
1995
SIDACTION
1994
Dons manuels
680 943
65 214 551
39 967 481
298 711 175
(1)
Legs, autres libéralités
9 000
9 000
Produits de la vente des
dons en nature
112
80 147
Produits financiers
5 981 509
262 691
3 415 525
19 784 396
(2)
Autres produits liés à la
générosité publique
613 315
Report des ressources non
utilisées des campagnes
antérieures
107 370 855
(3)
TOTAL DES
RESSOURCES (A)
114 042 418
65 566 389
43 383 006
319 108 886
Réserves (B1)
Dépenses opérationnelles
ou missions sociales (B2)
54 524 876
11 370 479
29 134 036
289 399 042
(4)
Subventions versées à la
recherche scientifique
24 422 516
13 312 516
144 842 603
Subventions versées à
l’action associative
30 102 360
9 547 685
15 821 520
144 556 439
Subventions versées aux
programmes sida de la
Fondation de France
1 822 794
1 129 538
Coûts directs d’appel à la
générosité publique (B3)
949 676
7 095 073
2 723 008
15 377 534
(5)
Coûts de fonctionnement
(B4)
5 825 718
2 033 627
3 851 024
14 332 310
(6)
TOTAL DES EMPLOIS
(B = B1 + B2 + B3 + B4)
61 300 270
20 499 179
35 708 068
319 108 886
RESSOURCES
RESTANT A
REVERSER (C = A – B)
52 742 148
45 067 210
7 674 938
0
Engagements notifiés et
non versés
877 734
377 734
500 000
FONDS SIDACTION
137
La Fondation de France a établi pour les trois opérations de
collecte Sidaction 1994, 1995 et 1996 des comptabilités séparées
(comptes
d’emploi
des
ressources,
bilans
et
notes
annexes)
approuvées par son conseil d’Administration et certifiées par
François Kremper, son commissaire aux comptes. Elles sont
disponibles sur demande à la Fondation de France.
NOTES SUR LE COMPTE D’EMPLOI ANNUEL DES
RESSOURCES DU FONDS SIDACTION
NOTES SUR LES RESSOURCES
Le total des ressources collectées grâce aux opérations de 1994, 1995
et 1996 se monte à 428 058 281 francs.
!
Information sur les dons manuels
Les dons manuels recueillis depuis 1994 se sont élevés à
403 893 207 francs, dont 680 943 francs correspondent aux dons
encaissés en 1997. Ces dons, parvenus en début d’exercice 1997 aux
adresses postales du Sidaction 1996, ont été intégrés à la comptabilité
de cette opération.
"
Information sur les produits financiers
Les produits financiers
de
l’exercice
1997
(5 981 509 francs)
correspondent aux plus-values dégagées lors des cessions de sicav
monétaires « Trésorys » et « Poste Première » de La Poste. Au total,
depuis 1994, la prudente gestion des dons du public a permis de
générer 23 462 612 francs de
ressources
complémentaires.
Les
plus-values latentes constatées au 31 décembre 1997 se montent à
2 467 150 francs, qui seront réalisés au cours de l’exercice 1998.
#
Information sur les ressources non-utilisées des campagnes
antérieures
Au 31 décembre 1996, le total des ressources restant à verser sur les
Fonds Sidaction était de 107 370 855 francs. Les décaissements
réalisés au cours de l’exercice 1997 (61 300 270 francs) ont porté ce
montant à 52 742 148 francs au 31 décembre 1997. Il sera reporté
dans le compte d’emploi des ressources des Fonds Sidaction pour
l’exercice 1998.
138
COUR DES COMPTES
NOTES SUR LES EMPLOIS
Le cumul des emplois des 4 exercices constatés sur les Fonds
Sidaction au 31 décembre 1997 est de 375 316 133 francs. Il se
compose des versements réalisés aux programmes associatifs et de
recherche (329 903 557 francs) et des coûts de traitement des
collectes, de gestion et de répartition des fonds prélevés par la
Fondation de France, Ensemble contre le Sida et la Fondation pour la
Recherche Médicale.
$
Information sur les affectations aux missions sociales
En 1997, sur ordre du Conseil d’Administration d’Ensemble Contre le
Sida,
la
Fondation
de
France
a
procédé
au
versement
de
54 524 876 francs
aux
missions
sociales.
24 422 516 francs
correspondent à des subventions et bourses de recherche scientifique
et médicale et 30 102 360 francs à des subventions versées aux
associations pour des programmes de lutte contre le sida.
Ces versements portent le total des emplois affectés aux missions
sociales, depuis 1994, à 329 903 557 francs.
%
Information sur les coûts directs d’appel à la générosité publique
Les « coûts directs d’appel à la générosité publique » consistent
essentiellement dans le traitement des collectes et le compte rendu
d’information au public. Ils sont prélevés sur les Fonds Sidaction et
versés par la Fondation de France directement aux prestataires ou à
Ensemble Contre le Sida en remboursement de leurs frais. En 1997,
ces coûts représentent un montant de 949 676 francs, exclusivement
constitué des frais de compte rendu aux donateurs sur les opérations
Sidaction de 1994, 1995 et 1996. Depuis 1994, le cumul de ces coûts
représente 6,2 % des dons du public.
&
Information sur les coûts de fonctionnement
Les frais de gestion des fonds collectés sont engagés par trois
organismes intervenant dans le traitement de la collecte et la gestion
(Fondation de France), l’administration et la répartition des fonds
(Ensemble Contre le Sida et la Fondation pour la Recherche
Médicale). En 1997, ces frais représentent un total de 6 471 586 francs
qui se décomposent comme suit :
1. 1 602 francs pour la Fondation de France.
2. 5 541 086 francs pour Ensemble Contre le Sida.
FONDS SIDACTION
139
3. 928 898 francs pour la Fondation pour la Recherche Médicale.
Une part de ces frais correspondant à 645 868 francs a été imputée
directement sur les collectes menées par Ensemble Contre le Sida
pendant l’exercice 1997. L’impact résultant sur les Fonds Sidaction
est de 5 825 718 francs.
NOTES SUR LES RESSOURCES RESTANT À REVERSER
Au 31 décembre 1997, sur les 52,7 millions de francs en cours
d’affectation :
1. 0,9 million de francs était en cours de versement par la Fondation
de France.
2. 8,3 millions
de
francs
étaient
affectés
par
le
Conseil
d’Administration d’Ensemble Contre le Sida à des programmes de
recherche ou associatifs.
3. 31,5 millions de francs étaient réservés pour le financement d’un
nouvel d’appel d’offres associatif (5 millions de francs), d’un nouvel
appel d’offres scientifique (20 millions de francs) et d’un appel
d’offres scientifique en direction des pays étrangers (6,5 millions de
francs), 6,9 millions de francs étaient provisionnés pour couverture
des frais de compte rendu aux donateurs et de gestion des fonds sur
l’exercice 1998.
NOTES SUR LA CLÔTURE DES FONDS
Au 31 décembre 1997, l’ensemble de ses ressources nettes ayant été
reversé, le Fonds Sidaction 1994 a fait l’objet d’une clôture définitive.
Les affectations aux missions sociales de ce fonds ont représenté
289 399 042 francs, dont 50 % pour la recherche scientifique et
médicale et 50 % pour les programmes associatifs, conformément à la
convention signée avec la Fondation de France.
Le total des frais prélevés sur ce fonds a été de 29 709 844 francs, et
représente 9,3 % des ressources.
Les fonds Sidaction 1995 et 1996 restent ouverts jusqu’à leur
complète affectation, qui devrait intervenir dans le courant de
l’exercice 1998.
140
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE L’ASSOCIATION ENSEMBLE CONTRE
LE SIDA
AUX OBSERVATIONS DE LA COUR DES COMPTES
FONDS SIDACTION
141
Réponse du Président de l’association Ensemble
contre le sida
Dans la période sur laquelle a porté le contrôle de la Cour des
Comptes, Ensemble Contre le Sida a collecté et redistribué plus de
400 millions de francs au bénéfice de la lutte contre le sida.
Conformément à l’engagement pris publiquement lors des opérations
Sidaction de 1994, 1995 et 1996, les subventions ont été versées à
parité (50%) entre les programmes de recherche scientifique et
médicale et les actions associatives de prévention et d’aide aux
malades. Les affectations aux missions sociales ont représenté près de
95% des dons collectés entre 1994 et 1996.
L’organisation retenue par Ensemble Contre le Sida et ses
partenaires pour la gestion de la générosité publique a permis de
répondre rapidement à l’urgence de l’épidémie de sida, tout en
garantissant la sécurité de la distribution et du contrôle des fonds.
Malgré quelques erreurs isolées, qui restent tout à fait marginales au
regard des sommes gérées et du nombre de dossiers étudiés et
financés, le système conçu par Ensemble Contre le Sida a démontré sa
performance et son adéquation aux besoins de la lutte contre le sida
depuis 1994. L’évolution de ceux-ci amène naturellement Ensemble
Contre le Sida, tel que le préconise la Cour des Comptes, à améliorer
encore ses procédures de gestion, notamment par l’intégration
progressive des tâches administratives et financières jusqu’ici
réalisées en partenariat avec la Fondation de France et la Fondation
pour la Recherche Médicale.
En faisant appel à d’éminents scientifiques et à des experts de
la prévention et de la prise en charge des malades pour constituer ses
comités d’instruction ; en recourant à l’expérience de gestion acquise
sur plusieurs décennies par
deux fondations reconnues ; en
s’inspirant du système comptable public ; et en s’appuyant sur des
procédures strictes de contrôle des fonds versés, Ensemble Contre le
Sida a su prendre la juste mesure de la mission d’intérêt général qui
lui était confiée par les donateurs des Sidaction de 1994, 1995 et
1996.
L’association se félicite que la Cour des Comptes ait pris la
mesure du travail accompli, notamment pour la définition et la
généralisation des procédures de sélection et de contrôle des projets
financés. Elle prend note des avis de la Cour des Comptes concernant
142
COUR DES COMPTES
le Centre Intégré de Recherches Biocliniques sur le Sida (CIRBS) et le
renforcement
des
structures
associatives,
qui
recoupent
ses
préoccupations. Ensemble Contre le Sida a déjà oeuvré avec la
Fondation Hôpital Saint-Joseph et l’Agence Nationale de Recherche
sur le Sida (ANRS) pour la sauvegarde des investissements consentis
au CIRBS, et a mené une consultation de ses partenaires associatifs
visant à définir un nouveau mode de financement leur permettant
d’inscrire leurs programmes dans une vision pérenne. Celui-ci est en
vigueur depuis l’an 2000.
I- Une organisation sûre et performante
I-a) Un système inspiré de la comptabilité publique
Sur la période du contrôle, l’organisation retenue distingue
clairement la personne morale qui détient la propriété des fonds et
décide de leurs affectations (Ensemble Contre le Sida) de celle qui
comptabilise
et
réalise
les
opérations
de
gestion
financière
correspondantes (la Fondation de France). Les modalités de cette
répartition sont retracées dans les conventions successivement signées
en 1994, 1995 et 1996 avec la Fondation de France. Elles instituent
clairement la Fondation de France comme comptable des opérations
Sidaction, lui conférant l’obligation légale de production et de
publication des comptes.
Ainsi que le note la Cour des Comptes, la Fondation de France
s’acquitte régulièrement de cette obligation, conformément aux
exigences légales tant en termes de forme que de fond : l’information
financière sur l’utilisation des fonds issus de la générosité publique
(Compte d’emploi) est produite annuellement, certifiée par le
Commissaire aux Comptes de la Fondation de France, publiée dans le
rapport annuel de la Fondation de France et tenue à disposition des
donateurs des
opérations
Sidaction.
Cette
information
figure
d’ailleurs sur les communications financières liées aux opérations
Sidaction (Cf. rapports d’activité d’Ensemble Contre le Sida).
I-b) Une information détaillée
Hors les publications de la Fondation de France, Ensemble
Contre le Sida – avec l’accord de cette dernière – publie
régulièrement les éléments propres à sa comptabilité d’engagements,
ce qui est conforme à son rôle d’ordonnateur.
FONDS SIDACTION
143
Les divergences notées par la Cour des Comptes correspondent
en fait aux différences de présentation entre la comptabilité des
versements, tenue par la Fondation de France, et la comptabilité des
engagements, tenue par Ensemble Contre le Sida. Loin de créer une
opacité, le souci d’Ensemble Contre le Sida d’une présentation
exhaustive
de
ces
deux
comptabilités
constitue
un
élément
fondamental de l’information du public tant sur la consommation des
fonds que sur le travail réalisé en matière de sélection de projets et de
programmation d’affectations. Dans tous les cas, les éléments
analytiques issus de la comptabilité d’Ensemble Contre le Sida ne se
sont jamais substitués à la comptabilité établie par la Fondation de
France. Ils apportent des compléments d’information utiles qui
s’ajoutent aux données figurant sur l’état des paiements.
I-c) Un contrôle rigoureux
Cette comptabilité analytique tenue par Ensemble Contre le
Sida, reflet de son activité d’engagement des fonds Sidaction, est un
élément majeur du contrôle apporté à l’utilisation des fonds issus de
la générosité publique. Elle permet notamment de contrôler la
cohérence des engagements avec les règles statutaires d’affectation
des fonds (qui prévoient une répartition paritaire (50%) entre les
programmes de recherche et les actions associatives) et la validité des
prévisions financières réalisées par l’association. C’est grâce à la
connaissance détaillée et actualisée de ces éléments qu’Ensemble
Contre le Sida est assurée de ne jamais engager de fonds au delà des
ressources effectivement disponibles pour ses missions sociales.
Cette comptabilité est certifiée par le Commissaire aux
Comptes de l’association
1
, de la même manière que la comptabilité de
la Fondation de France est certifiée par son propre Commissaire aux
Comptes
2
. Par ailleurs, le Commissaire aux Comptes d’Ensemble
Contre le Sida – dans le cadre de sa mission générale – certifie le
rapprochement des comptabilités d’engagements et de paiements.
1
de 1994 à 1996 : cabinet KPMG Fiduciaire de France, Monsieur Jacques Bendavid
de 1997 à 2000 : cabinet Deloitte Touche Tohmatsu Audit, Monsieur Jean-Pierre
Vercamer
2
de 1994 à 2000 : cabinet BDA, Monsieur François Kremper
144
COUR DES COMPTES
I-d) Une affectation optimale aux missions sociales
Les comptes clôturés des trois fonds Sidaction de 1994, 1995 et
1996 (données comptables de la Fondation de France au 31 mars
2000) laissent respectivement apparaître des affectations aux missions
sociales s’élevant à 96,9% , 89,9% et 86,9% des dons collectés auprès
du public. Ce point, mentionné par la Cour des Comptes dans ses
observations, souligne la faiblesse des frais de collecte et de gestion
prélevés sur les collectes Sidaction et le soin apporté par Ensemble
Contre le Sida à sa gestion de la générosité publique.
La Cour des Comptes prend le parti de rapporter le montant
des frais de fonctionnement à chaque collecte, notant la variation du
ratio entre les fonds Sidaction 1994, 1995 et 1996. En fait, cette
variation en pourcentage est autant due à la fluctuation des frais
affectés à ces collectes qu’à celle des ressources de ces opérations.
Elle ne remet pas en question la faiblesse du prélèvement effectué sur
les dons du public par Ensemble Contre le Sida pour son
fonctionnement, qu’il convient de souligner. Ce résultat favorable a
notamment été obtenu grâce aux partenariats actifs de la Fondation
de France et de la Fondation pour la Recherche Médicale.
II- Un apport majeur à la recherche
La Cour des Comptes souligne l’importance de l’apport
d’Ensemble Contre le Sida à la recherche contre le sida et la
complémentarité voulue et trouvée avec les pouvoirs publics. La
qualité du travail réalisé par Ensemble Contre le Sida depuis 1994
tient en partie au partenariat conclu avec la Fondation pour la
Recherche Médicale qui apporte à l’association son expérience et ses
compétences en matière de gestion des affectations à la recherche
scientifique et médicale.
II-a) Un partenariat encadré
Le partenariat existant avec la Fondation pour la Recherche
Médicale pour la gestion des financements scientifiques des fonds
Sidaction 1994, 1995 et 1996 n’est pas comparable à celui conclu
avec la Fondation de France. La Fondation de France est partie aux
conventions signées avec les chaînes de télévision et uniquement liée à
Ensemble Contre le Sida par un rapport contractuel. A l’inverse, la
Fondation pour la Recherche Médicale est membre d’Ensemble
Contre le Sida et de son Conseil d'Administration. Elle est liée à ce
titre par le Contrat d’association qui lui fait obligation d’apporter son
FONDS SIDACTION
145
aide pour la gestion des dossiers scientifiques en qualité d’expert et
pour le versement des subventions au monde scientifique. En ce qui
concerne l’absence de convention portant sur la gestion des
subventions scientifiques avec la Fondation pour la Recherche
Médicale que relève la Cour des Comptes dans son rapport incombait
sans doute à la Fondation de France – en tant qu’elle avait la
responsabilité comptable des opérations – de formaliser un tel acte
instituant la Fondation pour la Recherche Médicale comme comptable
délégué ou secondaire. Pour Ensemble Contre le Sida, ses rapports
avec la Fondation pour la Recherche Médicale sont en revanche
clairement définis et encadrés par les statuts et le règlement intérieur
de l’association.
Dans ce cadre juridique général, Ensemble Contre le Sida a
tenté à trois reprises de formaliser plus précisément certains aspects
de sa relation avec la Fondation pour la Recherche Médicale. En
1994, tout d’abord, afin d’organiser le travail du Comité Scientifique
et Médical Sida et d’encadrer mieux les modalités de défraiement de
la Fondation pour la Recherche Médicale : ce premier projet ne
portait en aucune manière sur la chaîne comptable des versements,
liquidés par la Fondation de France. En 1997, ensuite, Ensemble
Contre le Sida a cherché, en substitution de la Fondation de France et
par souci de simplicité, à établir la Fondation pour la Recherche
Médicale comme comptable de premier rang des fonds scientifiques
des opérations Sidaction. Cependant, dans l’attente d’un agrément
public de la Fondation pour la Recherche Médicale comme fondation
relais, ce projet n’a pu être finalisé. En 1999, un accord a pu être
conclu entre Ensemble Contre le Sida et la Fondation pour la
Recherche Médicale. Il est actuellement en vigueur. Dans ce
document, la Fondation pour la Recherche Médicale apporte
exclusivement son conseil et son expertise en matière scientifique dans
le choix des projets à subventionner. Cependant, la Fondation pour la
Recherche Médicale comme la Fondation de France, n’intervient plus
désormais dans la procédure de versement des aides ni de leur suivi
comptable.
II-b) Des procédures efficaces, en constante amélioration
Les procédures établies en 1994 prévoyaient le rapprochement
annuel des travaux du Commissaire aux Comptes d’Ensemble Contre
le Sida avec ceux du Commissaire aux Comptes de la Fondation pour
la Recherche Médicale. C’est à l’occasion de cet audit annuel,
demandé par Ensemble Contre le Sida et accepté par la Fondation
146
COUR DES COMPTES
pour la Recherche Médicale, que certaines difficultés ont été
constatées concernant la gestion des bourses de recherche. A aucun
moment le contrôle demandé par Ensemble Contre le Sida ne s’est
heurté à un quelconque blocage ou à une quelconque volonté de
dissimulation de la Fondation pour la Recherche Médicale. Bien au
contraire, il a permis de faire apparaître une limite des procédures
d’instruction conçues en 1994 et l’acceptation de la Fondation pour
la Recherche Médicale de rectifier le système d’affectation des
financements scientifiques. Les écarts constatés dans les engagements
respectifs de la Fondation pour la Recherche Médicale et d’Ensemble
Contre le Sida portent sur 3,4% seulement des crédits versés à la
recherche sur une période de quatre années (6 appels d’offres). Ces
écarts s’expliquent principalement par les ajustements qu’implique
une gestion attentive et personnalisée des bourses de recherche
(annulation, prorogation, reports, etc.). Ces écarts ont tous été
régularisés par le Conseil d'Administration d’Ensemble Contre le
Sida. Une modification des procédures prévoit d’ailleurs que les
ajustements décidés ou constatés par la Fondation pour la Recherche
Médicale font l’objet depuis 1997 d’une régularisation trimestrielle
après approbation du Conseil d'Administration d’Ensemble Contre le
Sida.
II-c) Un respect des engagements pris
Le financement d’un centre intégré de recherche fondamentale
et thérapeutique sur le sida, présidé par le Professeur Luc
Montagnier, est un engagement du Sidaction de 1994, pris devant les
téléspectateurs et les donateurs de cette opération. Ensemble Contre
le Sida a cependant veillé à ce que la parole donnée soit respectée
dans des conditions juridiques et financières acceptables. L’action
d’Ensemble Contre le Sida a permis de ramener le financement de ce
projet dans des limites raisonnables et de contrôler la réalisation du
projet. C’est ainsi que, dès 1995, le Conseil d'Administration
d’Ensemble Contre le Sida s’est prononcé pour un financement par
tranches, retracé dans une convention de financement.
C’est pourquoi il serait inexact de penser que le versement
effectué par la Fondation pour la Recherche Médicale de la dernière
tranche de ce financement en septembre 1996 l’ait été en dehors de
tout engagement d’Ensemble Contre le Sida : la Fondation pour la
Recherche Médicale a en fait respecté les échéances initialement
fixées par la convention de financement. En revanche, la Fondation
pour la Recherche Médicale a manqué de vigilance dans la mesure où
FONDS SIDACTION
147
le Conseil d'Administration d’Ensemble Contre le Sida avait
conditionné le dernier versement à la production de justificatifs qui
n’étaient pas encore parvenus à la date de mise au paiement. Les
documents requis par Ensemble Contre le Sida ont cependant été
obtenus ultérieurement.
Plus généralement, Ensemble Contre le Sida a veillé à
rationaliser et à étager le projet du Professeur Montagnier. Ce projet
a été porté en partenariat avec la Fondation Hôpital Saint-Joseph et
l’Agence Nationale de Recherche sur le Sida (ANRS) ; le montant du
financement a été ramené au tiers des estimations initialement
avancées et versé à un organisme de droit français. La liquidation
récente de cet organisme ne remet évidemment pas en question la
destination des investissements financés par Ensemble Contre le Sida
qui s’emploie, en partenariat avec la Fondation Hôpital Saint-Joseph
et l’ANRS, à implanter de nouvelles activités de recherche cohérentes
avec son objet et l’engagement pris devant les donateurs.
III- Un acteur incontournable
Si pour Ensemble Contre le Sida, les actions en matière de
recherche sont venues naturellement compléter une politique publique
clairement organisée, en revanche l’association a dû faire face dans
le domaine social à certaines carences des pouvoirs publics. Les
financements d’Ensemble Contre le Sida pouvaient difficilement se
fonder sur les orientations imprécises d’une politique de l’Etat
souvent défaillante, ni s’appuyer sur des interlocuteurs publics stables
(dissolution de l’Association Française de Lutte contre le Sida en
1994 et reprise progressive de ses compétences par le Ministère de la
Santé).
III-a) Un fonds privé indépendant
La constitution d’un pôle privé de lutte contre le sida autour
d’Ensemble Contre le Sida a permis de répondre dans l’urgence de
l’épidémie à des situations graves souvent au bénéfice de populations
précarisées. L’inexistence ou l’incohérence de la coordination des
politiques publiques nationales et/ou locales ne sauraient être
reprochées à Ensemble Contre le Sida à qui il ne revenait pas de
suppléer l’action de définition, d’impulsion ou de coordination des
opérateurs publics. A ce titre, il appartenait bien à l’Etat d’organiser
la consultation avec Ensemble Contre le Sida et non l’inverse. Or
jamais Ensemble Contre le Sida n’a été conviée aux réunions
148
COUR DES COMPTES
organisées par la Direction Générale de la Santé (DGS) - ni n’a été
consultée lorsque des enquêtes portant sur les financements de la lutte
contre le sida ont été organisées par la DGS auprès des associations
de lutte contre le sida. Ceci alors même qu’Ensemble Contre le Sida
se voyait octroyer un agrément de Bienfaisance sur avis de la
Direction des Affaires Sanitaires et Sociales (DASS) de Paris, et que
le caractère d’Utilité Publique de sa mission était reconnu sur avis du
Ministère de la Santé. En outre, l’Administration était nécessairement
au courant de l’action d’Ensemble Contre le Sida puisque
l’association envoyait systématiquement ses rapports d’activité et le
texte de ses appels d’offres aux Directions Départementales des
Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS) et aux Directions Régionales
des Affaires Sanitaires et Sociales (DRASS) et que de nombreux
contacts ont été sollicités et établis par les responsables d’Ensemble
Contre le Sida avec les différents Ministres chargés de la Santé depuis
1994. Malgré ce défaut d’initiative de la puissance publique,
Ensemble Contre le Sida a toujours tenu compte, notamment dans les
dossiers d’instruction des projets, des financements attribués par
l’Etat ou les collectivités. Bien souvent d’ailleurs, pour les projets les
plus importants et à vocation pérenne, Ensemble Contre le Sida
conditionnait le versement d’une aide à un soutien ou un engagement
public, souvent déclenché par son action et sa mobilisation.
Dans de nombreux cas, il faut noter que l’action d’Ensemble
Contre le Sida est venue purement et simplement suppléer l’absence
d’action ou une action défaillante des opérateurs publics sur le
terrain.
Dans le cas particulier des Alpes-Maritimes, Ensemble Contre
le Sida a délibérément pris le parti de ne pas cofinancer les
programmes soutenus par la DDASS, pour réserver ses aides à des
réseaux existants auxquels aucun concours public n’était alloué.
Ensemble Contre le Sida s’interroge d’ailleurs sur la politique de
distribution des fonds publics menée dans ce département entre 1994
et 1998.
III-b) Une réponse rapide et ciblée
La politique d’Ensemble Contre le Sida a consisté en une
intervention d’urgence, ciblée au plus près des besoins. Elle s’est
traduite par l’utilisation de structures associatives existantes, la
consolidation des grands réseaux de lutte contre le sida et la sélection
de programmes de lutte contre le sida permettant de couvrir
l’ensemble du territoire national. Son action s’est voulue structurante,
FONDS SIDACTION
149
dans le but de stabiliser et d’entretenir un tissu d’associations de lutte
contre le sida dans toute la France.
Pour ce faire toutefois, le Conseil d'Administration a pris les
garanties nécessaires et a doté l’association de procédures précises.
L’exigence d’un dossier de demande complet et détaillé, le respect de
procédures d’instruction précises impliquant l’avis d’éminents
experts, l’établissement systématique de conventions de financement
détaillées, l’exercice d’un contrôle d’utilisation des fonds, les
éventuelles demandes de restitution ou actions en justice sont
d’ailleurs reconnus par la Cour des Comptes comme une garantie de
bonne gestion de la générosité publique.
S’agissant de l’évaluation de la valeur des dirigeants ou de la
solidité des organismes, Ensemble Contre le Sida s’est trouvée
confrontée à une problématique commune à l’ensemble du monde
associatif, spécifiquement accrue du fait de l’implication personnelle
des personnes touchées par le VIH et des bouleversements que les
effets de la maladie ont pu causer souvent dans la continuité de
l’administration de ces structures.
Ce dernier point, conjointement avec le souci de consolidation
et de structuration du milieu associatif de lutte contre le sida, explique
qu’Ensemble Contre le Sida ait procédé d’une part à une sélection des
associations éligibles au fonds et d’autre part, pour renforcer leur
assise, décidé de financer des postes salariés permanents, d’acteurs
sociaux ou d’administratifs. Ce double choix a permis de stabiliser
des structures parfois fragiles et de concentrer progressivement les
aides financières réservées aux actions associatives. En la matière, le
cas d’Arcat-Sida a valeur d’exemple, puisque les fonds d’Ensemble
Contre le Sida ont aussi permis de consolider l’association et de
sauvegarder l’investissement financier préalablement consenti.
III-c) Une difficulté à intervenir dans certains cas
La Cour des Comptes, dans l’exercice de son contrôle, a relevé
quelques rares anomalies s’agissant des subventions aux associations,
qui sont peu significatives au regard de l’importance du travail
réalisé par Ensemble Contre le Sida (960 subventions accordées entre
1994 et 1997, pour un montant de 175,6 millions de francs). Ces
quatre cas consistent en :
’
un programme de prévention communautaire de distribution de
préservatifs, pour lequel la Cour des Comptes semble minorer
l’objectif d’Ensemble Contre le Sida en matière de prévention par
150
COUR DES COMPTES
la distribution de seringues et de préservatifs gratuits. En la
matière, l’action d’Ensemble Contre le Sida non seulement a été
reconnue comme pionnière mais a ensuite été relayée par les
pouvoirs publics qui ont ainsi validé ce type de programme ;
’
l’association « Le Bus des Femmes », pour laquelle la présentation
de la Cour des Comptes met bien en évidence la difficulté du
travail dans certains milieux associatifs où l’action est pourtant
nécessaire. Ces difficultés existent également pour les pouvoirs
publics qui ont d’ailleurs adopté la même attitude qu’Ensemble
Contre le Sida dans ce dossier ;
’
un lieu d’hébergement de personnes atteintes par le VIH dans
l’Eure, pour lequel, s’agissant du seul lieu de ce type existant
dans la région, Ensemble Contre le Sida devait choisir entre
laisser les choses en l’état ou intervenir afin de faire évoluer une
structure
accueillant
déjà
cinq
adultes
et
deux
enfants
séropositifs. Ce choix a permis la mise en place rapide d’un
Comité de pilotage, de nombreuses visites sur place et le
conditionnement du financement à des améliorations du lieu
d’hébergement et de la prise en charge des malades. Ici, et en
dépit d’une convergence fructueuse des efforts de la DDASS,
Ensemble Contre le Sida n’a pu parvenir, avec la responsable de
l’association, à la mise en conformité du lieu d’accueil ;
’
l’association « Asud Montpellier », pour laquelle le financement
d’Ensemble Contre le Sida n’a pas servi à la création d’une salle
d’injection, mais a permis de pallier les retards des services
publics
hospitaliers
dans
la
distribution
de
produits
de
substitution. Toutefois, le dossier était difficile et la Cour des
Comptes rappelle la vigilance d’Ensemble Contre le Sida qui,
après avoir diligenté un audit, a su réagir en moins d’un an pour
obtenir l’annulation des subventions programmées dès les
dérapages connus.
D’une manière générale, les observations de la Cour des
Comptes, qui ne mettent en cause ni le dynamisme ni l’honnêteté de
l’ensemble des acteurs intervenant dans la gestion et la distribution
des fonds collectés grâce au Sidaction, soulignent les difficultés qui
existent à intervenir dans certains milieux exposés ou socialement
précaires. Elles rendent compte, en relevant certains incidents ou
certaines erreurs isolées, du travail réalisé pour honorer le mieux
FONDS SIDACTION
151
possible les engagements pris devant les donateurs, qu’il s’agisse de
l’instauration de procédures précises et fiables, de la capacité de
réaction rapide, du contrôle de l’utilisation des fonds versés ou des
sanctions infligées dans certains cas. Le contrôle effectué par la Cour
des comptes valide implicitement l’organisation retenue par Ensemble
Contre le Sida et les modes de gestion utilisés pour l’administration
des fonds issus de la générosité publique.
Ensemble Contre le Sida se positionne comme un véritable pôle
privé de lutte contre le sida qui intervient soit en complémentarité des
pouvoirs publics, soit pour combler certaines carences ou certaines
difficultés de l’action publique. Elle a un rôle dynamique indiscutable
et est reconnue par la communauté scientifique en matière de
recherche sur le VIH. Elle sait intervenir au plus proche des besoins
des malades, avec le maximum de sécurité. Les conclusions de la
Cour des Comptes l’engagent, par la validation de ses méthodes de
gestion, à poursuivre son objet jusqu’à l’extinction définitive de
l’épidémie de sida.
152
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA FONDATION POUR LA RECHERCHE
MEDICALE
AUX OBSERVATIONS DE LA COUR DES COMPTES
FONDS SIDACTION
153
Réponse du Président de la Fondation pour la
recherche médicale
L’analyse du rôle de la Fondation pour la Recherche Médicale
doit être remise dans le contexte de la lutte contre le Sida en 1994.
A l’époque, la Fondation pour la Recherche Médicale avait été
sollicitée pour s’engager dans le combat contre le Sida, alors même
qu’aucun organisme public ou privé n’était, semble-t-il, disposé à
assumer la responsabilité de la distribution des budgets du Sidaction
destinés à la Recherche. Face à cette carence, la FRM a voulu
répondre aux souhaits des donateurs et à la volonté des chaînes de
télévision.
La Fondation a jugé, en effet, qu’il était de son devoir de
s’engager, compte tenu de son expérience de financement des projets
de recherche. Elle apportait de surcroît à ECS sa renommée, en
quelque sorte sa garantie, auprès des scientifiques alors qu’ECS
n’était pas encore connu.
Le succès considérable du premier Sidaction, qui a surpris tous
les observateurs, traduisait bien la sensibilité et la volonté d’action
rapide du public devant ce fléau. Ce succès, reflétant bien l’ambiance
dramatique qui existait alors face au Sida, donnait à la Recherche un
budget trois fois supérieur aux estimations les plus optimistes (et très
largement supérieur aux budgets annuels de la FRM).
Dès lors, la Fondation pour la Recherche Médicale avait un
devoir d’urgence et d’efficacité pour répondre aux souhaits de
l’opinion publique, alors même que ses moyens administratifs ne
pouvaient plus gérer « avec les moyens du bord », comme elle l’avait
prévu sur la foi des estimations précédentes, des sommes aussi
importantes. Elle a choisi de privilégier la qualité de la sélection des
projets par rapport au suivi administratif.
Le progrès scientifique pour lutter contre cet horrible fléau
constitue bien sûr la priorité absolue. Pour le reste, il fallait « se
débrouiller » grâce à l’expérience et au dévouement du personnel de
la Fondation qui a souvent pris sur son repos et sa vie privée. Ces
personnes ont largement mérité considération et gratitude dans les
circonstances où elles ont dû travailler.
154
COUR DES COMPTES
La Cour veut bien donner acte des résultats scientifiques
obtenus
qui
constituent
l’objectif
essentiel.
Les
quelques
dysfonctionnements administratifs dus à l’urgence ont été réglés dès
fin 1996, début 1997, comme l’indique le rapport. Le rapport de l’Igas
sur la Fondation pour la Recherche Médicale, paru en mars 2000,
indique bien d’ailleurs tout le travail accompli par la Fondation pour
la Recherche Médicale pour parfaire entre 1993 et 1997 ses méthodes
de gestion et de suivi.
Enfin, nous avons atteint l’objectif initial : confier à ECS,
devenue une grande association reconnue de tous, l’outil dont elle a
besoin au plan de la Recherche contre le Sida, le Comité Scientifique
et Médical Sida que la FRM avait crée sous son égide.
Ce complément d’information au rapport de la Cour, permet de
comprendre les raisons et les difficultés de la tâche de la Fondation
pour la Recherche Médicale qui a scrupuleusement respecté la
volonté des chaînes de télévision et les souhaits des donateurs.
FONDS SIDACTION
155
Collectes nationales : comment sont employés les fonds ?
Le contrôle du compte d’emploi des ressources recueillies lors
des collectes nationales permet de vérifier la conformité des dépenses
engagées par ces organismes aux objectifs poursuivis par l’appel à la
générosité publique.
La loi du 7 août 1991, complétée par celles des 4 février 1995,
28 mai et 24 juin 1996, donne compétence à la Cour des comptes pour
contrôler les comptes d’emploi que doivent établir les organismes
faisant appel à la générosité publique. Le décret du 17 septembre
1992 en a fixé les conditions d’exercice.
Ces dispositions ont été reprises aux articles L. 111-8 et
L. 135-2 du code des juridictions financières.