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Chapitre X
L’organisation de la protection sociale
dans les industries électriques et
gazières
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L’
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233
_____________________
PRESENTATION
____________________
Depuis 1946, le personnel des industries électriques et gazières
(IEG) est régi par un statut national fixé par un décret, pris par
habilitation de la loi de nationalisation de l’électricité et du gaz. Ce statut
s’applique aux salariés de quelque 140 entreprises (et notamment aux
sociétés anonymes EDF et GDF Suez et à leurs filiales qui représentent
94 % des 139 000 salariés à fin 2008), aux titulaires de pensions de
retraite (150 000 à fin 2008, dont 110 000 droits directs et 40 000 droits
dérivés), aux titulaires d’autres pensions (invalidité) et de rentes (accidents
du travail) ainsi qu’aux membres de leurs familles.
A titre principal, l’organisation de la protection sociale dans les
IEG repose sur un régime spécial de sécurité sociale défini notamment par
le statut national du personnel. Au cours de la décennie précédente, ce
régime a connu des évolutions importantes. Le financement des retraites et
des prestations en nature maladie a été réformé afin de réduire la portée de
l’obligation pour les entreprises des IEG de provisionner des engagements
implicites à l’égard des pensionnés et de leurs ayants droits en application
de la norme comptable IAS 19, tout en maintenant le régime spécial et le
niveau des avantages qui lui sont liés. Deux caisses de sécurité sociale
propres aux IEG ont été créées : en 2005, la caisse nationale des industries
électriques et gazières (CNIEG), compétente pour les pensions de retraite,
puis, en 2007, la caisse d’assurance maladie des IEG (CAMIEG).
Faute de rejoindre le droit commun, ces évolutions récentes ont
plutôt renforcé la complexité
214
de l’organisation de la protection sociale
(I). Surtout, elles ont accru le déséquilibre des relations financières entre
les IEG et le régime général de sécurité sociale, au détriment de ce dernier
(II).
I - Une organisation spécifique et complexe
L’organisation de la protection sociale dans les IEG repose sur des
dispositifs plus nombreux et plus complexes que ceux des autres salariés.
C’est le cas pour les prestations en nature d’assurance maladie, mais aussi
pour les prestations familiales ainsi que pour les revenus de
remplacement, notamment les pensions de retraite.
214. Cette complexité a déjà été mise en évidence dans de précédents travaux de la
Cour : voir le rapport public thématique sur les institutions sociales du personnel des
IEG (2007), puis les « adossements » au régime général dans le cadre du RALFSS
2008 (« Aspects de la gestion des régimes de retraite », p. 357).
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C
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A
Les prestations en nature d’assurance maladie -
maternité
Le statut national du personnel des IEG prévoit l’existence d’un
régime spécial des prestations en nature d’assurance maladie-maternité,
qui rassemble environ 540 000 assurés sociaux (292 000 ouvrants droit et
248 000 ayants droit aux prestations) et comprend lui-même deux
régimes obligatoires de sécurité sociale :
-
un régime de base, dans le cadre duquel sont servies les prestations
du régime général (443 M€ de prestations en 2008) ;
-
un régime complémentaire obligatoire propre aux IEG (210 M€ de
prestations en 2008).
Tandis que le régime de base est intégré financièrement au régime
général, les prestations complémentaires sont spécifiques aux IEG et
financées exclusivement par des cotisations des employeurs des IEG et
des ouvrants droit aux prestations.
1
Un régime de sécurité sociale très atypique
Le régime spécial des prestations en nature maladie-maternité
procède d’une construction doublement incohérente.
a)
L’absence d’unité du régime
Les populations des ouvrants droit et, surtout, des ayants droit du
régime complémentaire sont plus larges que celles du régime de base :
au-delà du champ du régime général, ont en effet obligatoirement la
qualité d’ayants droit du régime complémentaire les conjoints dotés de
faibles revenus d’activité et certains étudiants (environ 50 000 assurés
sociaux) ; en outre, certains tiers au statut national du personnel sont
admis à opter pour la qualité d’ouvrant droit (environ 4 000 assurés).
Pour autant, l’assiette des cotisations du régime complémentaire
est plus étroite que celle des cotisations du régime de base (régime
général).
b)
Les contradictions du régime complémentaire avec les principes
des régimes de sécurité sociale
Contrairement à tous les autres régimes de sécurité sociale, le
financement des prestations complémentaires maladie-maternité n’est pas
mutualisé entre employeurs, salariés et pensionnés.
En effet, le régime complémentaire a été réformé en 2005 afin de
prévenir une obligation pour les entreprises des IEG de provisionner des
engagements implicites à l’égard des pensionnés et de leurs ayants droit,
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en application de la norme comptable IAS 19 sur les avantages du
personnel postérieurs à l’emploi.
De ce fait, même si les prestations demeurent identiques pour tous
les assurés, le régime est désormais scindé en deux sections distinctes, qui
doivent assurer leur propre équilibre financier :
-
une section des salariés et de leurs ayants droit financée par des
cotisations des employeurs et des salariés ;
-
une section des pensionnés et de leurs ayants droit, financée par des
cotisations des pensionnés ainsi que par une cotisation de solidarité à la
charge des salariés.
Le statut national du personnel des IEG indique expressément que
les employeurs n’ont pas d’autre obligation de financement que les
cotisations affectées à la section des salariés. La solidarité envers les
pensionnés conserve un niveau élevé, mais est désormais assurée par les
seuls salariés, par la voie d’une cotisation spécifique à leur charge.
En outre, la volonté des employeurs de se désengager du
financement de la protection complémentaire santé des pensionnés a
conduit à écarter pour la CAMIEG la constitution d’un conseil
d’administration paritaire, contrairement à tous les autres organismes de
sécurité sociale de salariés, CNIEG comprise
215
.
Dès lors, la protection complémentaire santé devrait être extraite
du cadre de la sécurité sociale et être assurée par des garanties souscrites
auprès d’assureurs. Les lignes directrices de cette protection (notamment
son caractère obligatoire, y compris pour les pensionnés) pourraient
d’ailleurs être prévues par le statut national du personnel des IEG, puis les
garanties être précisées par un accord collectif de branche.
Cette modalité permettrait en outre de remédier à des ruptures
d’égalité vis-à-vis de la solidarité nationale, qui proviennent du fait que
lorsque la protection complémentaire santé est organisée dans le cadre
d’un régime obligatoire de sécurité sociale, les financements qui lui sont
consacrés ne sont pas assujettis aux prélèvements sociaux. Cela concerne
la taxe sur les contributions patronales au bénéfice des salariés pour le
financement des prestations complémentaires de prévoyance (dont le taux
a été doublé en 2010 de 8 % à 16 %) et la taxe sur le chiffre d’affaires des
complémentaires santé affectée au fonds de financement de la protection
complémentaire de la couverture universelle du risque maladie ou fonds
CMU-C (dont le taux a été porté en 2009 de 2,5 % à 5,9 %).
215. Comme ceux des institutions sociales du personnel, le conseil d’administration
de la CAMIEG comprend uniquement des représentants des salariés et des pensionnés
des IEG. Cependant, l’intérêt que portent les employeurs à la protection
complémentaire des salariés a conduit à instaurer une commission nationale paritaire
de suivi (CNPS), à caractère consultatif, compétente pour la section des salariés.
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2
L’organisation de la gestion du régime spécial
Le 1
er
avril 2007, la gestion des prestations en nature d’assurance
maladie-maternité, assurée auparavant par les institutions sociales du
personnel, en l’espèce 106 caisses mutuelles complémentaires et d’action
sociale (CMCAS)
216
et leur comité de coordination, a été transférée à une
caisse de sécurité sociale dédiée aux IEG, la CAMIEG, ainsi qu’à la
CPAM des Hauts-de-Seine (92), désignée à cet effet par la CNAMTS.
La mise en place de la CAMIEG s’est accompagnée d’importantes
difficultés, qui se sont notamment traduites par des retards de
remboursement aux assurés et aux professionnels de santé (la Cour
reviendra sur les causes et les conséquences de ces difficultés). Si cette
réforme a permis des progrès notables par rapport au mode de gestion
antérieur, elle ne débouche pas sur des résultats pleinement satisfaisants.
a)
Des progrès permis par la centralisation de la gestion
La création de la CAMIEG a permis de mettre fin à la confusion de
la gestion des prestations maladie avec celle des activités sociales, de
centraliser et d’homogénéiser la gestion de ces prestations et de réduire
considérablement les coûts liés à cette gestion (18 M€ en 2008, contre
45 M€ pour le dernier exercice comptable 2006/2007 des CMCAS) ainsi
que les remises de gestion des prestations de base versées par la branche
maladie du régime général (10 M€ contre 19 M€ en 2006/2007).
En dehors d’une augmentation des taux de cotisation et de la
compression des coûts de gestion, les importants excédents dégagés en
2008 par les deux sections du régime complémentaire maladie-maternité
des IEG (57 M€ au total, soit près du quart des charges techniques)
traduisent une diminution des charges de prestations (210 M€ en 2008,
contre 230 M€ pour 2006/2007), malgré le relèvement des taux de
remboursement aux assurés (prothèses dentaires et auditives et forfait
optique). Cette diminution, dont les causes sont mal cernées, pourrait
refléter, au moins pour partie, l’application homogène et de fait plus
rigoureuse de la réglementation par la CAMIEG que par les CMCAS.
b)
Les limites imposées par le maintien du régime spécial
Cependant, l’organisation de la gestion des prestations en nature
maladie-maternité demeure complexe. Alors qu’il aurait été plus simple
et plus efficient de confier la gestion directe des prestations de base
(régime général) à une CPAM et celle des prestations complémentaires à
216. Au sein des institutions sociales du personnel des IEG, les CMCAS gèrent les
activités sociales de proximité. Sauf exception (action sociale), ces activités
s’apparentent aux activités sociales et culturelles des comités d’entreprise.
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un assureur (mutuelle, institution de prévoyance ou compagnie
d’assurance), le maintien du régime spécial impose l’existence d’une
caisse de sécurité sociale dédiée et un partage complexe et ambigu des
compétences de cette dernière avec la CPAM 92.
S’agissant des prestations du régime spécial de sécurité sociale, le
statut national du personnel des IEG ne permet pas de déterminer les
compétences respectives de la CAMIEG et de la CPAM 92 sur chacun
des deux régimes qui le composent. Le statut attribue certaines
compétences à la CAMIEG sur l’ensemble du régime spécial. D’autres
dispositions tendent au contraire à reconnaître une compétence de
première instance à la CPAM 92 sur le régime de base (régime général).
Quelle que soit l’interprétation à retenir des dispositions
statutaires, les conventions entre la CNAMTS, la CPAM 92 et la
CAMIEG dessinent une organisation complexe (voir tableau ci-après),
dans laquelle la CAMIEG effectue ou concourt aux tâches de gestion des
prestations du régime général (RG) et, inversement, la CPAM 92 à celles
relatives aux prestations du régime complémentaire des IEG (RC). En
particulier, la CAMIEG gère les bénéficiaires des prestations des deux
régimes, tandis que la CPAM 92 en assure la liquidation.
Répartition des tâches de gestion CAMIEG / CPAM 92
Processus
Régime
CAMIEG
CPAM 92
RG
X
Gestion des bénéficiaires
RC
X
RG
X
Liquidation des prestations
RC
X
RG
X
Paiement des prestations
RC
Participation
X
RG
X
Comptabilisation
RC
X
Participation
RG
X
X
Accueil téléphonique*
RC
X
X
RG
X
Accueil physique
RC
X
RG
Participation
X
Gestion du risque
RC
X
RG
X
X
Recours juridiques
RC
X
X
X
Mission effectuée par la CPAM 92 pour le compte de la CAMIEG
X
Mission effectuée par la CAMIEG pour le compte du régime général
* La CAMIEG assure l'accueil téléphonique des assurés pour ce qui concerne la
gestion de leurs droits. La CPAM assure l'accueil téléphonique des professionnels de
santé ainsi que des assurés pour les questions relatives à la liquidation des droits.
Source :
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Malgré les économies de frais de gestion précédemment évoquées,
les charges de fonctionnement du régime spécial demeurent excessives.
Certes, elles s’élèvent en 2008 à 3,7 % du montant total des charges de
prestations de base et complémentaires, ce qui peut paraître limité.
Cependant, 60 % des charges de gestion administrative sont localisées à
la CAMIEG alors que le régime complémentaire, qui constitue sa raison
d’être, représente seulement 30 % des charges de prestations.
En outre, les économies de frais de gestion réalisées sont
partiellement remises en cause par la volonté de la CAMIEG de mettre en
place un réseau de 17 antennes territoriales chargées d’assurer l’accueil
physique des assurés et d’animer une politique de gestion du risque
propre au régime spécial des IEG.
Or, ce réseau, qui est d’ores et déjà pour partie déployé, sera
surdimensionné au regard tant de la taille de la population des
bénéficiaires des prestations du régime spécial que du recours croissant
aux moyens dématérialisés d’information, sans pour autant permettre
d’atteindre l’ensemble des assurés sociaux, qui sont très dispersés sur le
territoire. Comme le prévoit le statut national du personnel des IEG, la
fonction d’accueil pourrait être confiée aux CPAM.
En outre, le développement d’une politique de gestion du risque
propre au régime spécial des IEG n’apparaît pas pertinent au regard de la
mise en oeuvre d’actions pour l’étage de base par la branche maladie du
régime général.
B
Les prestations familiales
La complexité de l’organisation est également marquée pour les
prestations familiales.
1
L’organisation en vigueur
Sauf exception
217
, les prestations familiales de droit commun
(50 M€ en 2009) ne sont pas attribuées par les CAF, mais par les
employeurs (pour les salariés) et, depuis 2005, par la CNIEG (pour les
pensionnés). Avec la SNCF et la RATP, les IEG sont le seul secteur
d’activité à bénéficier encore d’une délégation de gestion de la plupart
des prestations familiales prévue par le code de la sécurité sociale
218
.
217. Prime d’accueil au jeune enfant (PAJE) et aides personnelles au logement.
218. Cette délégation a été retirée à La Poste en 2004, puis à l’Etat et à France
Telecom en 2005.
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En revanche, les prestations facultatives dont bénéficient les
familles en fonction de critères relatifs à leur situation ne sont pas
attribuées par les employeurs ou par les CAF mais par les institutions
sociales du personnel. En effet, les électriciens et gaziers n’ont pas accès
à l’action sociale des CAF et le statut national du personnel mentionne
l’action sociale au titre des activités sociales financées par le prélèvement
de 1 % sur les recettes liées à l’électricité et au gaz dont la gestion est
confiée aux CMCAS. De même, l’action sociale en faveur des retraités
n’est pas assurée par la CNIEG, mais par les CMCAS. En revanche, les
électriciens et gaziers ont accès aux prestations d’action sanitaire et
sociale des CPAM.
2
L’absence de contrôle des cotisations famille des employeurs
Dans le cadre de la délégation de gestion des prestations familiales
aux employeurs, la CNIEG joue un rôle d’interface entre ces derniers et la
branche famille : les employeurs des IEG versent à la CNIEG la
différence entre les cotisations qu’ils doivent et les prestations qu’ils
versent et la CNIEG reverse ce solde à la CNAF. N’étant pas recouvrées
par les URSSAF, les cotisations famille des employeurs des IEG (290 M€
en 2009) ne font l’objet d’aucun contrôle destiné à vérifier l’exhaustivité
de leur montant. Aucun autre employeur n’est placé dans une situation
comparable.
La suppression de la délégation de gestion des prestations
familiales et du circuit de remontée des cotisations famille à la CNAF
via
la CNIEG emporterait trois séries de conséquences :
-
en matière de prestations familiales, les électriciens et gaziers
n’auraient plus qu’un seul interlocuteur administratif, la CAF, et
auraient de surcroît accès aux prestations facultatives d’action sociale
attribuées par cette dernière ;
-
dès lors, l’application aux IEG d’un taux de cotisations famille
dérogatoire à celui de droit commun (5,2 % au lieu de 5,4 %) se verrait
définitivement privée de toute justification ;
-
les cotisations famille dues par les employeurs des IEG seraient
recouvrées et contrôlées par les URSSAF.
C
Les revenus de remplacement
L’organisation est également complexe pour les revenus de
remplacement, notamment les pensions de retraite.
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240
1
Les pensions de retraite
Avant 2005, les pensions de retraite (3 152 M€ de droits directs et
531 M€ de droits dérivés en 2009) étaient attribuées par le service IEG
Pensions, rattaché au principal opérateur du secteur (EDF). A titre
exclusif, leur financement était assuré par des cotisations à la charge des
employeurs et des salariés des IEG.
La transformation d’EDF et de Gaz de France en des sociétés
anonymes par la loi du 9 août 2004 n’a pas conduit à remettre en cause
l’unité du régime d’assurance vieillesse des IEG et le niveau des
prestations qui lui est lié. En revanche, elle a conduit à bouleverser leurs
modalités de financement.
a)
La réforme du financement de 2004
Afin de déconsolider une part prépondérante des engagements de
retraite des bilans d’ouverture des nouvelles sociétés anonymes EDF et
Gaz de France, sans remettre en cause le niveau des droits sociaux, la loi
du 9 août 2004 a créé la CNIEG, caisse de sécurité sociale ayant la qualité
de personne morale de droit privé chargée d’une mission de service
public
219
, et instauré des mécanismes originaux de financement des
pensions de retraite dont elle assure la gestion :
-
un adossement de la CNIEG aux régimes de droit commun (branche
retraite
du
régime
général
de
sécurité
sociale
et
régimes
complémentaires ARRCO et AGIRC) pour le financement des
pensions de retraite, dans la limite des règles applicables aux avantages
servis par ces régimes
220
; l’adossement est transparent pour les
pensionnés, qui ont la CNIEG pour seul interlocuteur ;
-
le financement des droits spécifiques (« chapeau » correspondant aux
avantages excédant ceux des régimes de droit commun) relatifs aux
activités régulées non ouvertes à la concurrence (transport et
distribution) et acquis au 31 décembre 2004, par une imposition
nouvelle affectée à la CNIEG : la contribution tarifaire sur les
219. Cette qualité emporte la possibilité d’affecter à la CNIEG des impositions de
toute nature, en l’espèce la CTA (voir
infra
).
220. S’agissant des pensions de réversion, seules sont prises en compte au titre de
l’adossement les prestations liquidées au 31 décembre 2004 dont les titulaires
remplissent les conditions des régimes de droit commun.
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prestations d’acheminement de l’électricité et du gaz naturel (CTA),
qui est supportée par le consommateur final
221
.
Les entreprises constituent des provisions ou externalisent des
fonds destiné(e)s à couvrir leurs engagements au titre des prestations qui
demeurent financées par des cotisations sociales à leur charge et à celle
des salariés :
-
la totalité des pensions de retraite de droit propre et de droit dérivé
dont les titulaires ne remplissent pas les conditions d’âge et de durée
d’assurance pour bénéficier d’une pension à taux plein dans les
régimes de droit commun ;
-
les droits spécifiques (« chapeau ») relatifs aux activités régulées
(transport et distribution) qui sont acquis à partir du 1
er
janvier 2005 ;
-
ces mêmes droits, quelle que soit la période au titre de laquelle ils ont
été acquis, pour les activités ouvertes à la concurrence (production et
vente).
b)
Les contreparties à l’adossement aux régimes de droit commun
Compte tenu des écarts de situation démographique et de niveau
et de structure des rémunérations entre le régime spécial des IEG et les
régimes de droit commun, la loi du 9 août 2004 a posé un principe de
« stricte neutralité financière » de l’adossement pour ces derniers.
Des modalités distinctes ont été retenues pour l’application de ce
principe :
-
un arrêté a fixé en faveur de la CNAVTS une contribution
« exceptionnelle, forfaitaire et libératoire » ou « soulte » d’un montant
de 7 649 M€ en valeur actualisée au taux de 2,5 %
222
;
221. La CTA est assise sur la puissance énergétique souscrite et non sur les quantités
consommées. Elle est recouvrée et contrôlée par la CNIEG dans les mêmes conditions
que les cotisations sociales par les URSSAF.
222. La soulte en faveur de la CNAVTS comprend deux fractions :
- une fraction de 40 % (3 060 M€), versée dès 2005 au fonds de réserve pour les
retraites (FRR), qui en assure la gestion financière. A compter de 2020, le FRR doit la
reverser à la CNAVTS, augmentée des intérêts et plus values que sa gestion financière
aura permis d’engendrer, dans des conditions qui ne sont pas fixées à ce jour ;
- une fraction de 60 % (4 589 M€ en valeur actualisée ou 5 744 M€ en valeur
courante). Son versement est étalé sur 20 années et prend la forme de quotes-parts
annuelles de 287 M€ indexés sur l’inflation pour chacune des années 2005 à 2024.
Elle est financée par la CTA.
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242
-
les conventions d’adossement avec les régimes complémentaires
ARRCO et AGIRC ont pratiqué des abattements sur le montant des
droits repris par ces derniers.
c)
La retraite complémentaire
Le dispositif des retraites des IEG a été récemment complété. Un
accord collectif de branche (février 2008) a mis en place un régime
supplémentaire de retraite à cotisations définies, qui comporte des
possibilités de modulation par employeur
223
.
2
Les autres revenus de remplacement
Avant 2005, les employeurs géraient directement l’ensemble des
autres revenus de remplacement.
Sans remettre en cause leur financement intégral par les
employeurs, la loi du 9 août 2004 a confié à compter de 2005 à la CNIEG
la gestion des rentes d’accident du travail (65 M€ en 2009), des pensions
d’invalidité (20 M€ en 2009) et du capital décès (12 M€ en 2009) du
régime spécial des IEG. Les entreprises des IEG comptabilisent des
provisions au titre de ces avantages à long terme en faveur du personnel.
Par contre, les employeurs des IEG conservent la gestion directe
des indemnités journalières maladie. En application du statut national du
personnel des IEG, ces indemnités prennent la forme d’un maintien du
salaire pendant l’arrêt de travail (maintien de la rémunération complète
jusqu’à trois années, puis versement d’une demi-rémunération pendant
deux autres années au maximum).
S’agissant de la protection complémentaire, celle-ci était jusqu’à
récemment entièrement assurée dans le cadre des activités sociales dont le
statut national du personnel confie la gestion aux institutions sociales du
personnel. Cela concerne notamment les indemnités de moyens
d’existence, financées par le prélèvement de 1 % sur les recettes liées à
l’électricité et au gaz, qui ont pour objet de compléter la demi-
rémunération précitée versée par l’employeur ainsi que l’adhésion
volontaire aux garanties prévues par les contrats de prévoyance
individuelle « invalidité décès complément prestations » (IDCP) négociés
avec des compagnies d’assurance.
223. Les employeurs s’engagent à consacrer une contribution globale égale a minima
à 1 % des rémunérations principales annuelles. Il revient à la négociation collective
d’entreprise d’arrêter la contribution patronale et sa répartition et de décider de la
compléter par une contribution salariale.
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243
En 2008, deux accords collectifs de branche ont complété les
pensions d’invalidité versées par la CNIEG (à hauteur de 8 M€ en 2009)
et mis en place des garanties de prévoyance décès.
A l’instar des autres prestations complémentaires, les indemnités
de moyens d’existence trouveraient plus naturellement leur place dans le
cadre de garanties souscrites auprès d’assureurs.
II - Des choix porteurs de déséquilibres financiers
pour la collectivité
La
protection
sociale
du
secteur
des
IEG
engendre
des
désavantages financiers importants pour le régime général de sécurité
sociale. En outre, le coût des avantages de retraite spécifiques à ce secteur
devient désormais visible pour les consommateurs.
A
L’insuffisance des cotisations sociales versées par
les IEG au régime général de sécurité sociale
L’assiette dérogatoire de cotisations sociales fixée en 1996, dont le
champ d’application comporte des incertitudes, et les taux de cotisation
applicables entraînent une importante minoration des cotisations et
contributions sociales des employeurs des IEG à la branche famille, aux
branches maladie et AT-MP du régime général et à la CNSA.
1
Les incertitudes relatives aux assiettes de cotisations sociales
applicables
a)
La multiplicité des assiettes de cotisations sociales
En fonction de leur objet, les cotisations sociales dans les IEG sont
assises sur trois assiettes distinctes de rémunérations :
-
l’assiette du régime spécial de sécurité sociale des IEG, qui déroge à
l’assiette de droit commun de l’article L 242-1 du code de la sécurité
sociale (CSS) en excluant l’essentiel des primes et indemnités : le
statut national du personnel des IEG prévoit son application aux
cotisations invalidité, vieillesse et décès (IVD) et aux cotisations du
régime complémentaire d’assurance maladie-maternité ;
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244
-
une assiette instaurée en 1996
224
, qui déroge également, quoique
dans une moindre mesure, à l’assiette de droit commun de l’article
L. 242-1 du CSS : le statut national du personnel des IEG prévoit son
application
aux
cotisations
d’assurance
maladie,
maternité
et
d’accidents du travail du régime général recouvrées par les URSSAF ;
-
l’assiette de droit commun de l’article L 242-1 du CSS : cette assiette
est uniquement utilisée pour déterminer les cotisations sociales à la
charge des employeurs des IEG dans le cadre de l’adossement aux
régimes de droit commun du financement des prestations d’assurance
vieillesse du régime spécial des IEG
225
.
b)
L’application incertaine de l’assiette dérogatoire de 1996 à une
partie des cotisations et contributions sociales
Avant 2007, le statut national du personnel des IEG prévoyait
l’application de l’assiette dérogatoire de 1996 aux « cotisations dues au
régime général de la sécurité sociale pour les prestations en nature des
assurances sociales et des accidents du travail ». Depuis lors, il vise « les
cotisations dues au régime général de la sécurité sociale pour les
prestations en nature des assurances maladie, maternité, accidents du
travail et maladies professionnelles ».
Ces dispositions paraissent impliquer a contrario que l’assiette de
droit commun de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale
s’applique à toutes les autres cotisations et contributions des employeurs
des IEG recouvrées par les URSSAF.
Cependant, les employeurs des IEG appliquent également l’assiette
dérogatoire de 1996 aux contributions recouvrées par les URSSAF
(contribution supplémentaire au FNAL et versement transport) et aux
cotisations famille qu’ils versent à la CNIEG et dont cette dernière
reverse à la CNAF le solde, après déduction des prestations.
Les cotisations famille ne faisant l’objet d’aucun contrôle, aucune
juridiction n’a jamais eu à se prononcer sur le bien-fondé de l’application
à ces dernières de l’assiette dérogatoire de 1996.
224. A la suite de l’annulation par le Conseil d’Etat, pour incompétence de ses
auteurs, d’un arrêté de 1960 qui prévoyait l’application de l’assiette du régime spécial.
225. Les cotisations au titre de l’adossement sont établies sur la base de l’assiette du
régime spécial des IEG. Cependant, la CNIEG doit aux régimes de droit commun des
cotisations d’un montant identique à celui qui résulterait de l’affiliation des assurés
des IEG à ces derniers. Afin de retrouver le rendement des cotisations des régimes de
droit commun, des taux majorés sont donc appliqués à l’assiette du régime spécial.
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245
S’agissant de l’application de cette même assiette dérogatoire à la
contribution supplémentaire au FNAL et au versement transport, les
URSSAF ont adopté des positions divergentes. Dans un arrêt de 2009
portant sur des périodes antérieures à 2007, la Cour d’appel de Toulouse a
fait prévaloir un principe d’unicité de l’assiette des cotisations recouvrées
par les URSSAF, qui emporte l’application de l’assiette dérogatoire de
1996. Avec l’accord de l’ACOSS, l’URSSAF de la Haute-Garonne s’est
pourvue en cassation. Cependant, l’ACOSS a admis l’application de
l’assette dérogatoire de 1996 lors de contrôles portant sur l’année 2007.
2
L’incidence de l’assiette et du taux dérogatoires sur les
cotisations aux branches maladie et AT-MP et à la CNSA
Conformément au statut national du personnel, les employeurs des
IEG déterminent les cotisations au taux de 10,1 % affectées à la branche
maladie du régime général, celles au taux de 0,3 % affectées à la branche
AT-MP du régime général et la contribution solidarité autonomie (au taux
de 0,3 %) affectée à la CNSA en faisant application de l’assiette
dérogatoire de 1996.
Le taux de la cotisation patronale d’assurance maladie-maternité
(10,1 %) constitue un facteur supplémentaire de déséquilibre financier au
détriment de la branche maladie du régime général. En effet, le taux de
cotisation qui permettrait d’assurer la neutralité financière des rapports du
secteur des IEG avec la branche maladie s’élève à 11,5 %
226
.
Pour l’année 2008, l’assiette de droit commun de l’article L. 242-1
du code de la sécurité sociale s’est élevée à un peu plus de 6,2 Md€
227
.
Si le taux de cotisation permettant d’assurer la neutralité financière
des rapports du secteur des IEG avec la branche maladie du régime
général, soit 11,5 %, avait été appliqué à cette assiette de droit commun,
les employeurs des IEG auraient versé 715 M€ de cotisations d’assurance
maladie-maternité. En outre, l’application des taux en vigueur à cette
même assiette aurait engendré 19 M€ de cotisations d’accidents du travail
comme de contribution solidarité autonomie. Au total, les employeurs des
IEG auraient versé 752 M€ de cotisations et de contributions sociales.
226. Soit le taux de la cotisation patronale au régime général (12,8 %) diminué de la
part correspondant aux prestations en espèces financées directement par l’employeur.
Par ailleurs, salariés et pensionnés des IEG acquittent la CSG de droit commun.
227. Dans le cadre de l’adossement du régime spécial d’assurance vieillesse, les
employeurs des IEG déclarent à la CNIEG l’assiette qui résulterait de l’application de
l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Pour 2008, le montant de l’assiette
déclarée au titre des salariés s’élève à 6 216 M€.
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246
Or, le montant effectivement versé par les employeurs des IEG au
titre des cotisations d’assurance maladie-maternité, des cotisations
d’accident du travail et de la contribution de solidarité autonomie s’élève
au total à 588 M€ pour cette même année 2008.
En première analyse, l’avantage ainsi procuré au secteur des IEG
par une assiette dérogatoire à l’assiette de droit commun et par un taux de
cotisation d’assurance maladie-maternité inférieur au taux qui assurerait
la neutralité financière (11,5%) atteindrait 164 M€ (dont 160 M€ pour la
branche maladie, 2 M€ pour la branche AT-MP et 2 M€ pour la CNSA).
Sans doute convient-il de tenir compte du fait qu’en contrepartie
les employeurs des IEG ne sont pas éligibles aux allègements généraux au
titre des bas salaires. Selon les fédérations d’employeurs des IEG, « le
montant des « allègements Fillon » pourrait s’élever à plusieurs dizaines
de millions d’euros » par an. En outre, l’assiette de cotisations de droit
commun précédemment évoquée intègre les salaires maintenus durant les
arrêts de travail, alors que les indemnités journalières n’entrent pas dans
l’assiette des cotisations au régime général.
Cependant, en sens inverse, les cotisations versées par les
employeurs des IEG pour l’année 2008 précitée n’intègrent qu’une part
très limitée de l’avantage en nature correspondant à l’application de tarifs
préférentiels d’électricité et de gaz en faveur des salariés, des pensionnés
et de certains ayants droit en application du statut national du personnel
des IEG. En effet, à la suite d’échanges avec les entreprises des IEG, des
instructions ministérielles ont fixé début 2009 une évaluation plus
réaliste
228
du montant de cet avantage pour l’année 2009 et pour les
années non prescrites dans le cadre de contrôles d’assiette (2006 à 2008).
Pour l’avenir, il conviendrait que les montants ainsi évalués, qui résultent
d’une négociation, soient rapprochés de données réelles.
En définitive, l’existence d’un avantage important en faveur des
employeurs des IEG apparaît peu discutable. Dès lors, les cotisations
d’assurance-maternité et d’accident du travail et la contribution solidarité
autonomie à la charge des employeurs des IEG devraient être établies en
fonction de l’assiette de droit commun de l’article L 242-1 du code de la
sécurité sociale et, s’agissant des cotisations d’assurance maladie-
maternité, d’un taux plus élevé que celui en vigueur.
228. Jusqu’en 2009, était déclarée une somme forfaitaire portée sur le bulletin de paie
des agents, qui correspondait à l’évaluation fiscale de cet avantage en nature. Or, cette
évaluation ne tenait pas compte de la consommation réelle des agents et du prix de
vente facturé à la clientèle et donc de l’avantage réellement consenti.
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3
L’incidence de l’assiette et du taux dérogatoires sur les
cotisations versées à la branche famille
Comme précédemment indiqué, l’assiette de cotisation de droit
commun de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale s’est élevée à
un peu plus de 6,2 Md€ en 2008
229
. Si le taux de droit commun (5,4 %)
avait été appliqué à cette assiette, le produit des cotisations famille aurait
atteint 336 M€.
Or, au titre de l’année 2008, les employeurs des IEG ont versé
282 M€ de cotisations famille, en faisant application sans texte de
l’assiette dérogatoire de 1996 et, comme le prévoient les textes, d’un taux
dérogatoire de 5,2 %. En première analyse
230
, l’avantage procuré au
secteur des IEG par ces dérogations au droit commun atteindrait 54 M€.
L’assiette et le taux de droit commun devraient s’appliquer au
calcul des cotisations famille à la charge des employeurs des IEG.
4
Les fragilités du contrôle des cotisations versées à la branche
retraite
La loi du 9 août 2004 et ses textes réglementaires d’application ont
prévu la possibilité pour la CNIEG de déléguer à l’activité de
recouvrement du régime général la réalisation de contrôles portant sur les
cotisations du régime spécial de sécurité sociale (invalidité, vieillesse et
décès) et les cotisations dues à la CNAVTS au titre de l’adossement.
Cependant, c’est seulement à fin 2007 que l’ACOSS et la CNIEG ont
conclu une convention de délégation des contrôles.
En 2008 et 2009, les URSSAF ont effectué à ce dernier titre des
contrôles portant sur les déclarations des principaux employeurs au titre
de la seule année 2007, les deux années précédentes de l’adossement
(2005 et 2006) étant dès lors prescrites. Les mises en demeure adressées
en fin de procédure comportent des redressements importants, suscités
soit par une sous-évaluation de l’avantage énergie (voir 2. supra), soit par
la détermination par certains employeurs des cotisations par référence à
l’assiette du régime spécial, et non celle du régime général.
Certains employeurs contestent les redressements pour des motifs
de procédure. Des modifications réglementaires destinées à sécuriser les
229. Voir note de bas de page 220.
supra.
230. Hors prise en compte des effets de sens opposé, dont le montant est inconnu, liés
à l’absence d’éligibilité des employeurs des IEG aux allègements généraux sur les bas
salaires et à la minoration de l’avantage « énergie » par rapport à l’avantage réel.
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résultats des contrôles délégués par la CNIEG avaient été demandées à la
tutelle, mais ne sont pas intervenues. Les contestations en cours rendent
incertaine l’effectivité des redressements notifiés par les URSSAF.
B
La contribution négative de l’adossement aux
résultats de la branche retraite
Par nature, l’adossement du régime spécial d’assurance vieillesse
des IEG aux régimes de droit commun diffère fondamentalement d’une
intégration financière à ces derniers. En effet, il a permis de maintenir le
caractère unitaire du régime et n’a pas conduit, comme cela aurait été le
cas pour une intégration, à en scinder les prestations entre des prestations
de base et complémentaires respectivement intégrées au régime général et
à l’ARRCO/AGIRC et des prestations sur-complémentaires financées par
les seuls employeurs et salariés, à l’exclusion de toute imposition
affectée
231
.
L’étendue des avantages économiques et sociaux que retire le
secteur des IEG de l’adossement justifie l’examen, non seulement de sa
neutralité actuarielle pour les régimes de droit commun mais aussi, plus
largement, de sa contribution à leurs résultats.
Depuis 2005, l’adossement contribue notablement aux déficits de
la branche retraite du régime général. Cet état de fait est inhérent au
dispositif mis en oeuvre et ne comporte pas de perspective d’amélioration.
1
Une contribution négative refinancée par la CADES
a)
Des déséquilibres cumulatifs (2005-2009)…
La contribution négative de l’adossement aux résultats de la
branche retraite du régime général a deux composantes :
-
comme le montre le tableau ci-après, les produits d’exploitation de la
branche retraite liés à l’adossement sont chaque année inférieurs aux
charges d’exploitation qu’elle supporte à ce titre :
231. Ce qui est le cas avec la CTA (voir I. C. 1.
supra
).
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249
Contribution de l’adossement IEG aux résultats d’exploitation de la
branche retraite du régime général
En M€
2005
2006
2007
2008
2009
Produits
Quote-part annuelle 60 % soulte
287
292
297
301
309
Cotisations des employeurs IEG
817
845
851
865
891
FSV (majorations. pour enfants)
48
48
49
49
49
(1) Total
1 151
1 186
1 197
1 214
1 249
Charges
Rentes garanties (droits propres+dérivés)
1 354
1 328
1 300
1 266
1 222
Equivalents pensions (droits propres)
23
76
144
211
287
(2) Total
1 377
1 404
1 444
1 477
1 509
(3)=(1)-(2) Contribution aux résultats
-225
-218
-247
-262
-260
Source :
Comptes de la branche retraite
A fin 2009, le montant cumulé des contributions négatives de
l’adossement IEG aux résultats d’exploitation de la branche retraite
s’élève à -1 213 M€ (dont -953 M€ à fin 2008). Cette situation contraste
avec celle des régimes complémentaires ARRCO et AGIRC, qui
dégagent chaque année des soldes positifs de leurs relations financières
avec les IEG (667 M€ en cumul à fin 2009).
-
les écarts annuels entre les charges et les produits d’exploitation liés à
l’adossement engendrent des frais financiers cumulatifs pour la
branche retraite. Selon l’ACOSS, le montant cumulé de ces frais
financiers s’élève à 74 M€ à fin 2009 (dont 65 M€ à fin 2008).
b)
…repris par la CADES (2005-2008)
En application de la LFSS pour 2009 et d’un décret du
28 juillet 2009, la CADES a repris 13 930 M€ de déficits cumulés de la
branche retraite à fin 2008 (exercices 2005 à 2008). Ces déficits
incorporent donc une charge nette de 1 018 M€ au titre de l’adossement
IEG (exercices 2005 à 2008), soit 7,3 % du montant total de la reprise.
2
Une contribution négative à la branche retraite inhérente aux
modalités d’évaluation et d’affectation de la soulte
La contribution négative de l’adossement aux résultats de la
branche retraite est inhérente à l’architecture du dispositif d’adossement.
En effet, la soulte due par les entreprises des IEG a été déterminée à partir
d’une évaluation actuarielle tenant compte de perspectives financières
dégradées du régime général. En outre, les produits de la branche retraite
intègrent à ce jour uniquement 60 % de la soulte.
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250
a)
L’évaluation de la soulte
La loi du 9 août 2004 a prévu que la CNIEG « verse, le cas
échéant, conformément au principe de stricte neutralité financière », à la
branche retraite du régime général et aux régimes complémentaires, « des
contributions exceptionnelles, forfaitaires et libératoires destinées à
couvrir les charges de trésorerie et les charges permanentes résultant de la
situation démographique, financière et économique respective » de ces
régimes et de celui des IEG, « ainsi que du niveau et de la structure des
rémunérations respectifs de leurs affiliés ».
La soulte en faveur de la branche retraite du régime général a été
évaluée selon une méthode actuarielle dite « prospective » consistant à
projeter sur une période de 25 ans
232
, en appliquant un taux
d’actualisation de 2,5 %, le déséquilibre induit par la structure
démographique et de rémunérations du régime des IEG
233
sur le rapport
prestations / cotisations du régime général (dit « rapport de charges »). Le
calcul tient compte d’un niveau de prestations de référence et n’inclut pas
la compensation démographique inter-régimes (celle-ci est demeurée à la
charge du régime des IEG, comme la compensation spécifique entre
régimes spéciaux).
Cette méthode a pour objet de placer le régime d’accueil dans une
situation démographique et financière identique à celle qu’il aurait eue si
les ressortissants des IEG en avaient relevé depuis sa création. Elle a
également été employée pour déterminer les abattements appliqués aux
droits repris par les régimes complémentaires ARRCO et AGIRC, mais
en fonction de paramètres (voir RALFSS 2008, p. 372-375) et avec des
résultats différents (voir 1. a)
supra
).
S’agissant du régime général, le rapport de charges prévisionnel
était déséquilibré. Dès lors, la soulte a eu pour objet de couvrir, pour les
années 2005 à 2029, la dégradation supplémentaire du déficit du régime
général imputable à l’existence d’un rapport démographique plus
défavorable dans les IEG que dans le régime général, et non les coûts
supplémentaires pour le régime général, pris en tant que tels, liés à cette
différence démographique. Le fait que le régime général était affecté par
un déséquilibre prévisionnel avant l’adossement a ainsi rendu admissible
une augmentation de ce déséquilibre du fait de l’adossement.
232. Ces 25 années sont considérées comme la limite temporelle des possibilités de
prévision. L’Etat avait d’abord proposé une période de 20 ans, ce qui aurait réduit le
montant de la soulte d’environ 1 Md€.
233. Conformément au souhait de l’Etat, le salaire de référence retenu est égal à
100 % du plafond de la sécurité sociale. La CNAVTS avait proposé un taux de 95 %.
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En outre, la neutralité financière de l’adossement n’a pas été
effectivement assurée sur un plan actuariel. En effet, le montant des écarts
entre les flux effectifs et les flux prévisionnels de la CNAVTS vers la
CNIEG pris en compte pour le calcul de la soulte s’élève à 283 M€ en
cumul à fin 2009, soit 23,3 % de la contribution négative de l’adossement
aux résultats d’exploitation de la branche retraite en cumul à la même
date (dont le montant s’élève à 1 213 M€). Cet état de fait reflète
notamment une sous-estimation, dès l’entrée en vigueur de l’adossement,
du montant - pourtant le plus prévisible - des rentes garanties à la charge
du régime général
234
, sous l’effet d’erreurs affectant les paramètres pris
en compte pour la détermination de la durée d’assurance validée dans le
régime des IEG au regard des règles applicables sous le régime général.
b)
L’indisponibilité jusqu’en 2020 de 40 % de la soulte
En dehors de l’incidence des modalités de calcul de la soulte (prise
en compte de perspectives dégradées du régime général et erreurs
affectant
certains
paramètres),
les
contributions
négatives
de
l’adossement aux résultats de la branche retraite depuis 2005 traduisent le
fait que seule la fraction de 60 % de la soulte est versée à ce jour à la
branche retraite, sous la forme de quotes-parts annuelles (287 M€
actualisés en fonction de l’inflation, soit 309 M€ en 2009).
En effet, la LFSS pour 2005 a fait du FRR, et non de la branche
retraite, le bénéficiaire en première instance du versement par les
entreprises des IEG de la fraction de 40 % de la soulte afin :
-
d’augmenter sur le long terme le montant de la soulte pour le régime
général, grâce aux intérêts et aux éventuelles plus-values que
permettrait d’engendrer sa gestion financière par le FRR ;
-
d’afficher une dotation importante au FRR dans le contexte d’une
affectation modeste de ressources permanentes à ce dernier
235
, sachant
toutefois que la fraction de la soulte versée au FRR ne constitue pas
pour ce dernier un produit, mais une dette à l’égard de la branche
retraite qui est retracée comme telle dans leurs comptes respectifs ;
-
d’éviter qu’une partie de la soulte versée en 2005 par les IEG ne se
transforme en un produit du FRR : le code de la sécurité sociale prévoit
que les excédents de la branche retraite sont obligatoirement affectés
234. Partie des droits adossés correspondant à des pensions de droit propre et de droit
dérivé attribuées au 31 décembre 2004.
235. Pour l’essentiel, les ressources permanentes du FRR sont constituées par une
fraction de 65 % du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital. Le solde du
prélèvement est affecté à la branche retraite du régime général et au FSV.
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252
au FRR ; or, le déficit prévisionnel de la branche retraite pour 2005
était inférieur à la fraction de la soulte versée au FRR
236
.
La LFSS pour 2005 a prévu qu’à compter de 2020, le FRR
reversera la soulte à la branche retraite, dans des conditions qui ne sont
pas définies à ce jour. Fixée par référence à la date à partir de laquelle le
FRR doit contribuer au financement des pensions de retraite du régime
général, cette échéance de 2020 est décalée par rapport à la temporalité
des besoins de financement de la branche retraite liés à l’adossement :
-
depuis 2005, l’adossement IEG engendre chaque année une
importante contribution négative pour la branche retraite ;
-
à partir de 2025, la contribution négative de l’adossement IEG aux
résultats de la branche retraite va plus que doubler (pour atteindre au
moins 600 M€ en euros constants), sous l’effet de l’achèvement du
versement de la fraction de 60 % de la soulte (suppression de la quote-
part annuelle de 287 M€ actualisés).
Certes, les produits financiers issus de la gestion par le FRR de la
fraction de 40 % de la soulte pourraient
in fine
permettre d’assurer la
neutralité financière de l’adossement dans son acception actuarielle, en
compensant l’incidence des erreurs ayant affecté certains paramètres de
calcul de la soulte. Il s’agit cependant là d’une éventualité, alors que les
impacts négatifs de l’adossement, tous facteurs explicatifs confondus, sur
les résultats de la branche retraite sont, eux, certains et durables.
3
La nécessaire couverture des coûts supportés par le régime
général au titre de l’adossement
L’impact négatif de l’adossement IEG sur la situation financière de
la branche retraite du régime général va se poursuivre :
-
le rapport démographique entre cotisants et titulaires d’une pension
de droit direct des IEG (1,26 en 2008) est appelé à se dégrader
jusqu’en 2024, avant de se redresser, sans pour autant retrouver son
niveau antérieur à l’adossement (1,37 en 2004) ;
-
le montant total des pensions de retraite versées aux ressortissants des
IEG est appelé à augmenter jusqu’au milieu de la décennie 2020, avant
de se tasser à un niveau très supérieur à celui antérieur à l’adossement.
De manière spécifique, l’absence de neutralité actuarielle de
l’adossement
ne
sera
pas
corrigée :
contrairement
aux
régimes
complémentaires, les dispositions juridiques qui régissent l’adossement
25. Le déficit effectif s’est établi à -1 881 M€.
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253
au régime général ne prévoient pas de réexamen ultérieur des paramètres
pris en compte pour en déterminer les conditions
237
.
Ces perspectives, sur lesquelles la réforme des retraites du régime
spécial des IEG intervenue en 2008 n’a eu qu’une incidence limitée,
appellent des décisions à court et à moyen terme.
a)
Anticiper le versement des 40 % de la soulte avant 2020
Sans attendre 2020, des prélèvements sur la fraction de 40 % de la
soulte gérée par le FRR devraient être effectués à compter de 2011 afin de
compenser la contribution négative de l’adossement IEG aux résultats de
la branche retraite.
En effet, il serait difficilement justifiable que la collectivité soit
sollicitée afin de compenser la part des déficits de la branche retraite
imputable à l’adossement, alors que les IEG se sont acquittées d’une
ressource qui a pour objet de compenser partiellement l’incidence
défavorable de l’adossement sur ses résultats.
b)
Assurer une participation équitable des IEG au financement du
régime général
La fin programmée pour 2024 du versement annuel par les IEG de
la fraction de 60 % de la soulte entraînera, à compter de l’année 2025,
une forte augmentation de la contribution négative de l’adossement aux
résultats de la branche retraite (au moins 600 M€ en euros constants), tout
en libérant des ressources disponibles pour les IEG.
Dans ce nouveau contexte, un réexamen des relations financières
des entreprises des IEG avec la branche retraite devrait intervenir.
Certes, comme le soulignent l’Etat et les employeurs des IEG, la
mise en oeuvre de mesures de redressement des comptes de la branche
retraite du régime général est de nature à réduire l’impact défavorable de
l’adossement IEG sur cette dernière : compte tenu de l’application à
l’adossement des règles du régime général, le secteur des IEG subirait
également
une
réduction
du
niveau
des
prestations
et/ou
une
augmentation de celui des cotisations.
237. Les conventions passées par la CNIEG avec l’ARRCO et l’AGIRC prévoient des
« clauses de revoyure », qui consistent en un calcul définitif en 2010 des taux
d’abattement sur les droits repris par comparaison du rapport de charges actualisé des
IEG avec les rapports de charges moyens des régimes complémentaires. Ces clauses
s’imposent aux signataires des conventions.
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254
Cependant, comme il a été souligné, la neutralité actuarielle de
l’adossement n’est pas assurée pour la branche retraite du régime général
en raison d’erreurs initiales de prévision (voir 2. a)
supra
).
En outre, si le redressement des comptes de la branche retraite
devait reposer en partie sur l’affectation d’impositions à la charge
d’autres acteurs économiques, les IEG seraient partiellement exonérées de
l’augmentation de l’effort de redressement imputable à l’adossement.
Dès lors, la question de l’affectation de ressources supplémentaires
des IEG au régime général devrait être posée. Afin de ne pas remettre en
cause la déconsolidation partielle des engagements de retraite des bilans
des entreprises des IEG effectuée par la loi du 9 août 2004, ces ressources
supplémentaires devraient prendre la forme d’une imposition, comme la
CTA, voire être intégrées à cette dernière : parce qu’elle est une
imposition, la CTA dispense les entreprises des IEG de constituer des
provisions ou d’externaliser des fonds en vue de couvrir les droits
spécifiques du secteur régulé (transport et distribution) dont elle assure le
financement.
c)
Assurer un financement incontestable et effectif des majorations
pour enfants
La détermination des prélèvements sur la fraction de la soulte
gérée par le FRR comme celle des ressources supplémentaires affectées
par les IEG au régime général (voir a) et b)
supra
) devraient tenir compte
des modalités particulières de financement, dans la limite des règles du
régime général, des majorations pour trois enfants du régime spécial des
IEG (49 M€ en 2009).
En effet, les charges supportées à ce titre par la branche retraite du
régime général ont été reportées sur un tiers, en l’espèce le FSV, afin de
minorer le montant de la soulte due par les entreprises des IEG à la
branche retraite.
A cette fin, la convention d’adossement CNAVTS-CNIEG-
ACOSS de 2005 approuvée par les ministres, à laquelle il n’est pas partie,
prévoit que le FSV compense auprès de la branche retraite les majorations
pour enfants au titre de l’adossement IEG. Par ailleurs, ces mêmes
majorations sont intégrées à la participation de la branche famille au
financement par le FSV des majorations pour enfants en faveur des
retraités du régime général, dont le taux s’élève à 70 % depuis 2009.
La LFSS pour 2007 a fourni un fondement juridique approprié au
refinancement partiel du FSV par la branche famille. En revanche, la
différence de nature entre l’adossement et une intégration financière au
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régime général conduit à voir dans le refinancement de la branche retraite
par le FSV un financement indirect du régime des IEG par ce dernier. Or,
pas plus que les autres régimes spéciaux, la loi ne mentionne celui des
IEG au nombre des régimes qui bénéficient des concours du FSV, dont
elle fixe une liste limitative.
Qu’il s’agisse de la part des majorations pour enfants imputée
in
fine
à la branche famille ou bien de celle qui demeure à la charge du FSV,
elles n’ont en tout état de cause pas donné lieu à l’attribution de
ressources supplémentaires destinées à les couvrir. De ce fait, elles
concourent à leurs déficits.
C
L’apparition de coûts visibles pour les
consommateurs
L’augmentation des charges de la CNIEG financées par la CTA
conduit à faire apparaître une partie des coûts supportés par les
consommateurs au titre des spécificités du régime spécial d’assurance
vieillesse des IEG.
1
Un déséquilibre financier croissant de la CNIEG
En application des textes, les sections comptables dédiées aux
pensions de retraite, aux rentes d’accident du travail, aux pensions
d’invalidité et au capital décès sont strictement équilibrées sur un plan
financier
238
.
En revanche, il n’existe pas de contrainte juridique à l’équilibre de
la section comptable consacrée à la CTA, qui finance la section des
pensions de retraite pour ce qui concerne les droits spécifiques des
activités régulées (transport et distribution). Or, après avoir enregistré des
excédents entre 2005 et 2007, la section CTA a dégagé des déficits en
2008 et 2009 :
-
entre 2005 et 2009, le produit de la CTA a pratiquement stagné
(1 025 M€ en 2009, ou 1 038 M€ hors régularisations sur exercices
antérieurs, contre 1 011 M€ en 2005) ; en 2006 et 2007, il a même
diminué en valeur absolue ;
-
les charges financées par la CTA augmentent sous l’effet de
mécanismes d’indexation prévus par la loi (actualisation de la quote-
238. Avant le début de l’exercice comptable, des taux de cotisation provisionnels sont
fixés. Avant la clôture des comptes de l’exercice, ces taux sont ajustés à la hausse ou à
la baisse en fonction du montant effectif des charges.
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part annuelle de la fraction de 60 % de la soulte versée à la CNAVTS)
et, plus encore, de l’incidence de l’évolution de la population
(incidence de l’âge de départ en retraite et de l’espérance de vie) et du
montant moyen des droits (incidence de la carrière) des nouveaux
pensionnés sur les droits spécifiques acquis au 31 décembre 2004 au
titre des activités régulées (transport et distribution).
De ce fait, après avoir vu ses résultats excédentaires se contracter
rapidement (122 M€ en 2005, 101 M€ en 2006 et 23 M€ en 2007), la
CNIEG dégage désormais des résultats négatifs (-52 M€ en 2008 et
-77 M€ en 2009), dont le montant pourrait doubler d’ici à 2014. Encore
positifs à fin 2009, les capitaux propres de la CNIEG paraissent appelés à
disparaître à fin 2011, voire dès fin 2010.
2
Les solutions envisageables
La CNIEG a demandé à ses autorités de tutelle un relèvement des
taux de la CTA, avec effet au 1
er
janvier 2010.
Sauf à peser sur leurs résultats, l’augmentation de la CTA sera
reportée par les entreprises des IEG sur les prix de l’électricité et du gaz
facturés aux consommateurs. Depuis qu’elle a été soustraite des tarifs
réglementés de l’électricité (à compter du 15 août 2009) et du gaz (depuis
le 1
er
janvier 2010), la CTA figure en tant que telle sur les factures
adressées aux consommateurs, ce qui conduit ainsi à faire apparaître le
coût des avantages spécifiques de retraite lié au secteur régulé (transport
et distribution). Fortement mise en avant au moment de la présentation du
projet de loi, devenu la loi du 9 août 2004, la notion de neutralité pour le
consommateur de la réforme du financement du régime de retraite des
IEG n’avait donc qu’un caractère temporaire.
A court terme, une augmentation des taux de CTA apparaît
inéluctable afin de rétablir l’équilibre financier de la CNIEG. Une
dégradation continue des résultats de la CNIEG serait d’autant moins
opportune que cet organisme connaît un profil infra-annuel de trésorerie
défavorable en raison du versement des pensions de retraite à terme à
échoir au début de chaque trimestre, tandis que les cotisations sociales et
les prises en charge de prestations par les régimes de droit commun sont
recouvrées à terme échu selon une périodicité mensuelle
239
.
Cependant,
l’augmentation
des
taux
de
la
CTA
devrait
s’accompagner d’une clarification, par la CNIEG et les principaux
239. En 2010, la CNIEG est autorisée à emprunter jusqu’à 1,25 Md€ afin de couvrir
en cours d’année les besoins de trésorerie liés à ses différents compartiments
financiers.
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257
opérateurs du secteur, des facteurs explicatifs de l’évolution de la CTA
depuis sa création et, le cas échéant, de la mise en oeuvre de corrections
dans l’éventualité où d’autres erreurs de calcul que celles déjà identifiées
et corrigées seraient découvertes (y compris pour les années prescrites).
En effet, alors que la nature de l’assiette
240
devrait lui imprimer un profil
linéaire, l’évolution du produit de la CTA se caractérise par des atypies
marquées (diminution en 2006 et en 2007, instabilité infra-annuelle).
En outre, ce relèvement ne saurait constituer qu’une mesure
transitoire. Afin de rétablir durablement l’équilibre financier de la
CNIEG, il convient d’envisager la réforme du régime spécial d’assurance
vieillesse des IEG, et notamment des avantages spécifiques existant dans
ce régime par rapport aux régimes de droit commun. Une telle évolution
serait d’ailleurs en concordance avec la volonté affichée par les pouvoirs
publics de faire converger les retraites des régimes spéciaux vers celles
des régimes de droit commun.
________________________
SYNTHESE
_________________________
L’organisation de la protection sociale dans les IEG se caractérise
par une complexité excessive, manquant de cohérence et souvent porteuse
de déséquilibres financiers au détriment de la collectivité. A l’heure
actuelle, le surcoût supporté par le régime général de sécurité sociale au
titre des choix de diverse nature retenus pour l’organisation de la
protection sociale des électriciens et gaziers atteint au moins 500 M€ par
an (dont plus de 300 M€ au titre de l’adossement, le solde correspondant
aux insuffisances d’assiette et de taux de cotisation maladie et famille) .
Depuis le début des années 2000, les simplifications qui ont été
apportées à cette organisation ont uniquement visé la définition des
organismes qui gèrent les prestations. Elles n’ont pas abordé le cadre
juridique des droits. Les modalités de financement ont, quant à elles, été
rendues plus nombreuses et complexes. Par ailleurs, les contrôles mis en
oeuvre sur les prélèvements dus par les employeurs des IEG couvrent un
champ encore incomplet et connaissent des aléas.
240. Qui porte sur les tarifs d’abonnement et non sur la consommation.
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258
___________________
RECOMMANDATIONS
____________________
38.
Confier aux CAF la gestion des prestations familiales et aux
URSSAF le recouvrement des cotisations famille.
39.
Transformer le deuxième étage du régime spécial des prestations
en nature d’assurance maladie en une protection complémentaire santé à
caractère obligatoire dans le cadre de la branche des IEG.
40.
Asseoir sur l’assiette de droit commun du régime général
l’ensemble des cotisations et contributions sociales dues par les IEG qui
sont recouvrées par les URSSAF, ainsi que les cotisations famille.
41.
Fixer le taux des cotisations d’assurance maladie dues par les
employeurs des IEG au niveau correspondant aux prestations en nature du
régime général et celui des cotisations famille au niveau de droit commun.
42.
Compenser l’impact négatif de l’adossement du financement des
pensions de retraite des IEG sur le régime général et le FSV par un
prélèvement sur la fraction de la soulte gérée par le FRR et par une
participation à due proportion des IEG au redressement financier du
régime général et du FSV.
43.
Fixer un cadre juridique incontestable à la prise en charge des
majorations pour enfants par le FSV.
44.
Assurer l’équilibre financier de la CNIEG par une augmentation de
ses ressources et par une réforme des droits spécifiques.
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