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Chapitre IV
Le suivi des recommandations
formulées par la Cour
sur les niches sociales
Cour des comptes
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PRESENTATION
_______________________
Comme chaque année, la Cour rend compte des suites données à ses
précédentes recommandations : d’abord de manière globale, en se fondant
sur l’examen qui en est fait par l’administration (I) ; ensuite de manière
sélective en analysant des recommandations ayant eu des suites jugées
encore insuffisantes. Elle examine cette année, à ce titre, le suivi des
« niches sociales » (II).
I - Une analyse statistique globale
Afin d’apprécier le degré de mise en oeuvre de ses précédentes
recommandations, qui constitue l’un de ses indicateurs de performance
90
,
la Cour peut se fonder, dans le domaine particulier de la sécurité sociale,
sur le rapport que le Gouvernement doit établir et transmettre au
Parlement
91
« qui
présente
les
suites
données
à
chacune
des
recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport sur
l’application des lois de financement de la sécurité sociale ».
Les 156 recommandations des trois derniers rapports
92
, de 2007 à
2009, ont ainsi été examinées, en premier lieu, par la direction de la
sécurité sociale, pour apprécier si elles avaient été complètement,
seulement partiellement, ou pas du tout suivies d’effet. La traduction en
indicateurs, effectuée par la Cour, doit certes être considérée avec
prudence
93
. Ses résultats, résumés par le tableau qui suit, donnent
cependant un ordre de grandeur significatif, confirmant celui déjà signalé
90. A l’instar de nombre d’autres institutions supérieures de contrôle, la Cour a fait de
ce paramètre l’un de ses indicateurs de performance. Voir l’insertion consacrée aux
« effets des interventions de la Cour : une approche statistique », dans le rapport
public annuel de 2009 (deuxième partie, p.1 à 4).
91. Comme la Cour l’a déjà écrit les années précédentes, cette procédure prévue par
l’article 4 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 est en réalité
imparfaitement respectée, puisque le travail préparatoire effectué par l’administration,
et dont la Cour a connaissance, n’est pas transmis dans la forme requise au Parlement.
92. Le nombre total de recommandations est de 156 : 46 en 2007 ; 58 en 2008 ; 52 en
2009. Parmi elles, plusieurs orientations, ne sont cependant pas susceptibles d’un
suivi précis.
93. Dans cette approche, les recommandations ne sont pas hiérarchisées, alors qu’elles
sont d’une importance relative très variable. En outre, l’appréciation portée par la
Cour sur les évolutions constatées, peut être en partie subjective (cf. infra).
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l’an passé, d’un tiers des recommandations complètement mises en oeuvre
et d’un autre tiers seulement partiellement.
Suites données aux recommandations des trois précédents rapports
RALFSS 2007
RALFSS 2008
RALFSS 2009
Total
a) Nombre de recommandations-
orientations
46
58
52
156
b) Nombre de recommandations
examinées
46
55
52
153
c) Nombre de recommandations
suivies
26
19
10
55
d) Nombre de recommandations
partiellement suivies ou en cours
13
20
29
62
e) Indicateur synthétique
73%
53%
47%
56%
Note de lecture : b) toutes les recommandations ne donnent pas lieu à examen : les
orientations ou les recommandations réitérées en sont ainsi exclues.
e) l’indicateur synthétique valorise pour « 1 » une recommandation
suivie de manière complète (c) et pour « 0,5 » une recommandation suivie de manière
partielle et/ou en cours de mise en oeuvre (d). On rapporte le score au nombre de
recommandations examinées (b).
Source :
Cour des comptes
Un indicateur synthétique (voir la ligne en e) prend mieux en
compte le caractère souvent partiel des suites données : il reste supérieur
à 50 %. On relève d’ailleurs que les recommandations se révèlent
progressivement mieux prises en compte, leur mise en oeuvre demandant
souvent un certain délai. Ainsi, les recommandations du RALFSS de
2007 étaient suivies à hauteur de 57% l’an passé, de 73% cette année.
Plus généralement, ces résultats témoignent de la qualité
satisfaisante du dialogue entre les administrations et la Cour, en amont du
rapport, pour sa préparation, et en aval, pour la mise en oeuvre éventuelle,
nécessairement progressive, des recommandations
94
.
Pour autant il convient de mesurer que des recommandations
« partiellement suivies » peuvent recouvrir des situations qui restent
relativement insatisfaisantes. C’est par exemple le cas pour le contrôle
interne dans les centres informatiques de la branche maladie du régime
général, analysé dans ce même rapport, qui avait déjà fait l’objet de
94 . Une « coupe transversale », consistant à analyser les suites données à de
précédentes recommandations de la Cour dans la dernière LFSS, confirme cette
appréciation (voir le rapport public annuel de 2009, deuxième partie, pp. 23 à 32).
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contrôles et de recommandations de la part des COREC et de la Cour en
2006
95
: malgré des progrès réels, plusieurs insuffisances perdurent, par
exemple pour le suivi des incidents.
Compte tenu de l’importance de leur enjeu financier, dans un
contexte de déficits élevés, la Cour a cette année concentré son analyse
sur le suivi des niches sociales.
II - Le suivi des niches sociales
En 2007, la Cour des comptes avait procédé à un inventaire de
l’ensemble des exonérations, réductions ou abattements d’assiette ou de
taux applicables aux cotisations ou aux contributions sociales dites
« niches sociales
96
», qui diminuent les ressources du régime général.
Complétant la description trop partielle qui en était alors donnée par les
documents officiels d’évaluation, elle avait estimé leur incidence en
termes d’enjeu pour le régime général à 35,5 Md€, mais aussi en termes
de perte de recettes pour l’Etat à 27,5 Md€
97
, soit un enjeu total pour les
finances publiques de 63 Md€.
Les recommandations faites en conclusion de cette première
enquête étaient doubles : l’importance de cet enjeu, pour les régimes
obligatoires mais aussi pour les finances de l’Etat devait être mieux
reconnue et les effets de ces divers dispositifs mieux évalués. La Cour
appelait d’autre part à un réexamen sélectif de ces niches sociales et
notamment de celles qui apparaissaient les moins justifiées -entre autres
le niveau des exonérations générales et ciblées de cotisations sociales, les
exemptions d’assiettes relatives aux stock-options, les indemnités de
95. Voir chapitre VI, le système d’information de la branche maladie du régime
général.
96. Dans l’insertion consacrée à « l’assiette des prélèvements sociaux finançant le
régime général », p.139 à 166. L’année suivante, la Cour est revenue dans le RALFSS
de 2008 sur la question des exonérations générales et ciblées (p.54 à 57).
L’expression de « niche sociale » n’était pas employée alors. Elle n’est employée ni
dans la loi organique sur les LFSS, ni dans la loi de programmation des finances
publiques, mais elle est désormais courante et figure dans le programme de stabilité
transmis par le Gouvernement à la Commission européenne.
97. Ce montant correspond à la compensation par le budget de l’Etat ou par des ITAF
de la plus grande part des pertes de recettes sociales, liée aux exonérations (générales
et ciblées).
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départ en retraite ou de licenciement, enfin les taux et assiettes réduits des
cotisations des fonctionnaires.
Trois ans après ce premier constat, la Cour tient à rappeler, pour
des raisons qui tiennent à la fois à l’équité et à l’efficacité, qu’il convient
de
réexaminer
par
priorité
ces
dispositifs,
avant
d’augmenter
éventuellement le taux des contributions (CSG et CRDS notamment). En
effet, malgré des progrès réels, l’enjeu lié aux niches sociales reste
insuffisamment reconnu et ces dispositifs trop peu évalués. En outre, un
premier effort de réexamen des niches s’est révélé décevant, justifiant
dans un contexte de dégradation des finances publiques des mesures plus
volontaristes.
A
Des enjeux sous-estimés
1
Des pertes de recettes importantes
La Cour a procédé à une nouvelle estimation de la perte de recettes
due aux différents dispositifs d’exonération ou d’exemption des
cotisations sociales ou encore de réduction des taux et d’abattement
d’assiette des cotisations et contributions sociales. Ces dispositifs sont
divers et nombreux : au cours de cette enquête la Cour en a identifié 178
en 2010. Leur ampleur notamment est très variable
98
.
Le tableau qui suit rend compte des résultats résumés
99
. Pour
actualiser ses chiffrages, la Cour a d’abord repris les hypothèses qu’elle
avait retenues en 2007 pour définir une « norme de référence » alors
inexistante. Cette première méthode fait apparaître une augmentation des
niches, puisqu’elles représenteraient, en 2009 (colonne A), 73 Md€,
contre 63 en 2005 (colonne B). En euros 2005, on constate ainsi une
augmentation de 9,2 % de 2005 à 2009. Le pourcentage de pertes de
recettes du régime général avant compensation par l’Etat approcherait
98. 8 % des niches sociales représentent moins de 0,1 % des pertes totales de recettes.
Par ailleurs, un quart des dispositifs a un poids financier inférieur à 4 %. Les 11
dispositifs les moins coûteux (hors contrat emploi-solidarité qui est un dispositif
résiduel), font apparaître chacun une dépense inférieure à 5 M€, dans les cas extrêmes
inférieure à 1 M€. A l’inverse, le poids des exonérations générales approche 30 Md€.
99. Le détail des calculs par mesure est renvoyé dans le tableau annexé.
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ainsi 25 % (24,9 %), soit un pourcentage assez comparable à celui
représenté par les dépenses fiscales
100
.
Une deuxième estimation, fondée sur la norme de référence
101
,
telle qu’elle est désormais développée dans l’annexe au PLFSS consacrée
à ces niches, conduit à des montants un peu plus faibles, notamment dans
la mesure où la non application de la CSG sur les prestations familiales
ou de logement n’est plus considérée comme une anomalie et donc
comme une niche. Pour autant, ces résultats restent assez comparables en
ordre de grandeur. Ils mettent en évidence des tendances analogues. Le
montant total des niches sociales s’élèverait en 2009 (colonne C) à
67 Md€ (soit 22,5 % des recettes), contre 57,6 Md€ en 2007 (colonne D).
Certes, avec cette méthode, la proportion apparente des pertes de recettes
est un peu plus faible. En revanche, la progression de 2005 à 2009 est
plus marquée (+9,5 % en euros 2005).
Cette question de la méthode retenue pour estimer la perte de
recette pour le régime général est complexe, certaines conventions devant
être faites, notamment pour tenir compte (ou non) de l’élasticité des
comportements (les versements diminuent s’ils sont plus taxés) ; pour
tenir compte (ou non) des cotisations diverses prélevées au profit de Pôle
emploi, de l’AGIRC et de l’ARRCO, ou encore du versement transport ;
enfin pour tenir compte (ou non) de l’effet du plafond, l’essentiel des
cotisations retraite au régime général restant plafonnées.
Comme le montre l’annexe méthodologique jointe en fin
d’insertion, la méthode retenue par la Cour conduit à une estimation
moyenne, l’absence d’élasticité compensant l’absence de prise en compte
des autres cotisations, qui diminuent les recettes des autres régimes.
Quelle que soit la méthode retenue, il convient de souligner en
outre qu’une partie importante de ces pertes de recettes est compensée par
le versement au régime général (et aux autres régimes obligatoires de
base) d’impositions et taxes affectées ou de crédits budgétaires. Mais
l’enjeu réel pour les finances publiques est le total des exonérations de
cotisations et de leur compensation, ce qui justifie que l’on fasse
abstraction de cet effet dans les analyses qui suivent.
100. Le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2010
a analysé ces dépenses. Selon les estimations faites (p. 109 de ce rapport), elles
représentaient 17 % des recettes de l’Etat en 2004, 25 % en 2008 et 29 % en 2010.
101. Une « niche » sociale ou fiscale se définit par « un allègement de la charge par
rapport à ce qui serait résulté de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit
fiscal ou social ». Mais cette norme peut être discutée (cf. infra).
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Estimation de l’évolution des pertes de recettes entre 2005 et 2009
En Md€
Catégories générales
Types de dispositifs
en jeu
Perte de
recettes
sociales 2009
(A)
Perte de
recettes
sociales en
2005
(B)
Perte de
recettes
sociales 2009
(C)
Perte de
recettes
sociales en
2005
(D)
Dont mesures pour
l'emploi
31,9
22,4
31,9
22,4
Dont association des
salariés au résultat
6,5
8,3
6,5
8,3
Dont protection sociale
en entreprise
6,0
5,1
6,8
5,9
Dont salaires affectés
3,1
2,7
3,1
2,7
Dont fin du contrat de
travail
4,3
4,1
4,5
4,2
Valable pour
tous
TOTAL revenus
d'activité généraux
51,8
42,6
52,7
43,5
Dont populations
spécifiques
1,1
1,0
1,1
1,0
Dont cotisations des
employeurs publics
6,5
6,0
6,5
6,0
Revenus du travail
Caractéristiques
à certaines
catégories
professionnelles
TOTAL revenus
d'activité spécifiques
7,6
7,0
7,6
7,0
Dont prestations sociales
12,9
12,0
3,2
3,2
Dont revenus des
capitaux
0,7
0,6
2,6
2,4
Dont revenus fonciers
0,1
0,8
0,1
0,8
Autres revenus
TOTAL
Autres revenus
13,7
13,5
5,9
6,5
Enjeux des ITAF
Total ITAF
N/A
N/A
0,8
0,8
TOTAL
73,0
63,0
67,0
57,6
Colonne A : Périmètre identique à 2007, même méthode de calcul, mais assiettes
issues du PLFSS 2010.
Colonne B : RALFSS 2007, Cour des Comptes
Colonnes C et D : périmètre corrigé, estimation Cour des comptes à partir des
données PLFSS 2010
Source :
Cour des comptes
2
Une sous-estimation du nombre et de l’incidence des niches
L’évaluation qui précède est relative au seul régime général
102
.
Elle devrait donc être inférieure à celle qui est produite dans les
102. Sauf pour les exonérations. Les montants en 2010 comme en 2007 intègrent tous
régimes (l’écart avec les données du seul régime général est d’un peu plus d’1 Md€).
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documents annexés au PLFSS. On constate cependant, pour l’ensemble
des régimes, que l’estimation globale annexée au PLFSS pour 2010 est
beaucoup plus basse, de l’ordre de 42 Md€, ce qui traduit des progrès
encore insuffisants depuis 2007, d’abord dans le recensement des niches
et ensuite dans les méthodes retenues pour estimer leur incidence
financière.
a)
Le recensement des niches
Les progrès réalisés
La réforme des lois de financement de la sécurité sociale, adoptée
en août 2005, a reconnu l’importance des niches sociales. En effet,
l’article 2 5° de la loi organique relative aux lois de financement de la
sécurité sociale a prévu, parmi les annexes obligatoires au projet de loi,
un document d’information « énumérant
l’ensemble
des mesures de
réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité
sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes
concourant à leur financement et de réduction de l’assiette ou
d’abattement sur l’assiette de ces cotisations ou contributions, (…)
évaluant l’impact financier de l’ensemble de ces mesures, et précisant les
modalités et le montant de la compensation financière à laquelle elles
donnent lieu (…) ».
La variété des termes utilisés souligne la volonté d’intégrer, à juste
titre, dans une même démarche des dispositifs très variés, notamment par
les recettes concernées (cotisations, mais aussi contributions comme la
CSG et la CRDS, et même ITAF).
La mise en oeuvre progressive de cette disposition de la loi
organique a démontré une volonté de mieux appréhender les divers
dispositifs : si seules les exonérations étaient présentées dans l’annexe au
PLFSS pour 2007, les exemptions et les divers abattements sont
désormais listés depuis 2009. Nombre de dispositions relatives à d’autres
régimes que le régime général sont mentionnées (il est vrai sans élément
quantitatif précis, le plus souvent), depuis l’annexe au projet pour 2010.
Enfin, des niches relatives à certains ITAF commencent à être évoquées.
Les insuffisances
Ces progrès demeurent cependant insuffisants, d’abord parce que
le nombre de dispositifs d’exonération totale ou partielle est sous-estimé
par un regroupement en « fiches » : pour 69 fiches, la Cour a distingué en
effet 178 dispositifs différents. De plus, certains des dispositifs, dont la
portée est parfois significative, notamment ceux relatifs aux revenus de
remplacement, ne sont pas identifiés dans cette annexe.
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En outre, ce recensement reste incomplet, pour des catégories
entières : pour les régimes autres que le régime général, qui ne font
l’objet que d’une évocation sommaire, d’une part ; pour des ITAF,
d’autre part, qui ne sont plus décrits dans le tome 2 du fascicule « voies et
moyens », annexé à la loi de finances depuis qu’ils ont été transférés au
régime général, mais qui pour autant n’ont fait l’objet que d’une analyse
sommaire dans les annexes aux PLFSS.
Ainsi les exonérations relatives à la taxe sur les salaires, par
exemple, étaient analysées dans l’annexe relative aux « voies et
moyens », pour une dépense fiscale évaluée en 2006 à plus d’1 Md€
lorsque le produit de cette taxe était affecté à l’Etat (et encore à environ
59 M€ en 2008, en fonction de la part résiduelle alors affectée à l’Etat).
Depuis son affectation aux régimes de base (pour plus de 11 Md€), les
écarts par rapport à la norme fiscale ne sont pas signalés dans l’annexe au
PLFSS.
b)
L’estimation de la perte de recettes
Deuxième cause de la sous-estimation persistante des enjeux, les
progrès constatés dans les évaluations quantitatives restent encore
insuffisants.
Des progrès
Alors que les premiers documents produits par le gouvernement à
l’intention du Parlement se limitaient à une information relative à
l’assiette non taxée, les annexes au PLFSS, depuis 2009, ont intégré une
estimation des pertes de recettes.
Deuxième progrès, la norme de référence, par rapport à laquelle on
peut apprécier s’il y a écart et donc perte de recette, est explicite. On note
d’ailleurs que tel n’est toujours pas le cas pour les dépenses fiscales
retracées en annexe au projet de loi de finances dans le fascicule « voies
et moyens ».
Des insuffisances persistantes
Pour autant, des progrès sont encore indispensables : les taux qui
accompagnent cette norme sont implicites, la méthode retenue pour
estimer la perte de recettes en sous-estime l’incidence
103
. En outre, la
103. Le taux pris en considération dans cette annexe n’intègre pas les cotisations
retraite plafonnées. Ce choix correspond dans certains cas à l’effet d’élasticité, ou de
diminution des bases en cas de hausse des taxes (voir l’encadré méthodologique en fin
d’insertion).
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fiabilité plus ou moins bonne de l’information n’est pas signalée (alors
que c’est le cas, de manière utile, pour les dépenses fiscales). Enfin et
surtout, de nombreux dispositifs ne sont toujours pas chiffrés. C’est en
particulier le cas pour les cotisations des fonctionnaires, dont l’incidence
est estimée par la Cour, en 2007 comme en 2009, à plus de 6 Md€
104
.
3
Des efforts insuffisants pour évaluer et maîtriser les niches
Au-delà du recensement, qui constitue un préalable, des premiers
efforts ont été entrepris pour évaluer l’impact ou maîtriser le coût des
niches sociales. Mais ils restent très insuffisants par rapport aux enjeux.
a)
Des évaluations très limitées
Un enjeu majeur
Si un bon système de prélèvements (fiscaux et sociaux), simple et
lisible, doit avoir une assiette aussi large que possible permettant de
contenir les taux, des niches peuvent cependant contribuer à mobiliser les
prélèvements au service d’objectifs économiques ou sociaux (généraux,
ou sectoriels).
La question centrale, dès lors, n’est pas tant celle du niveau absolu
ou même relatif des niches, par rapport aux recettes, que celle de
l’efficacité ou de l’efficience de chacun de ces dispositifs. Il faudrait donc
avant tout évaluer de manière périodique ces niches et apprécier ainsi leur
adéquation aux objectifs fixés, sur le plan économique et social, ainsi que
leur coût pour les finances publiques
105
.
Des progrès encore apparents
Cet enjeu avait été reconnu dès la loi de financement pour 2003 qui
avait prévu le principe d’une évaluation quinquennale de l’ensemble des
dispositifs. Mais la première évaluation soumise au Parlement, à
l’automne 2007, est restée sommaire. Les fiches se limitaient à un rappel
des textes applicables et à une estimation de la seule assiette.
104. L’extension aux cotisations maladie et famille des dispositions qui limitent la
cotisation vieillesse au seul traitement indiciaire doit être considéré comme un écart à
la norme. Les taux restent également minorés par rapport au régime général.
105. L’indicateur d’objectif le plus pertinent serait donc la part des niches évaluées et
parmi elles la part reconnue pertinente. Tel n’est pas le parti retenu par le PQE
« financement » qui présente plusieurs indicateurs relatifs aux exonérations, et un
relatif aux exemptions, mais sans qu’il soit possible d’en retirer une appréciation utile.
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La loi de programmation des finances publiques (LPFP) de février
2009 (dans ses articles 10 à 12) a reformulé cet objectif d’évaluation des
niches, en précisant que les dispositifs nouveaux devraient être réévalués
au bout de trois ans et que l’ensemble des dispositifs existants devraient
être évalués, quant à eux, d’ici juin 2011.
Mais les réalisations sont encore très limitées. On peut certes citer
une enquête relative aux exonérations ciblées en zone de revitalisation
rurale, achevée fin 2009. Plus récemment, au cours des premiers mois de
2010, plusieurs enquêtes ont été menées, pour trois domaines (les
exonérations générales, les revenus de remplacement et l’épargne),
intégrant l’analyse des dépenses fiscales et des niches sociales.
Le travail mené jusqu’ici demeure donc encore assez restreint par
rapport aux enjeux et sa diffusion est très limitée, même dans les
administrations appelées à préparer les réformes éventuelles des
prélèvements.
Cependant, un comité de pilotage des évaluations a été constitué, à
l’été 2010, afin d’établir le programme des évaluations à mener dans le
cadre de la LPFP et de répartir la tâche entre les différentes
administrations.
b)
La maîtrise financière
Au-delà de l’évaluation des niches, qui constitue un préalable, la
LPFP précitée de février 2009 a posé une exigence nouvelle de
maîtrise
financière
de ces niches, en prévoyant que l’effet global en soit plafonné
et que les nouveaux dispositifs soient gagés par la réduction des anciens.
Le programme de stabilité relatif aux finances publiques pour la période
2010-2012, a même fixé un objectif de réduction du montant cumulé des
dispositifs, dépenses fiscales et niches sociales conjointes, de 5 Md€ sur
deux ans.
Mais l’effet contraignant est en l’état limité. Selon l’article 10 II de
la LPFP, les niches sociales ne devaient pas avoir pour effet de réduire les
recettes de base des régimes obligatoires en deçà de 445,4 Md€ pour
2010. Or la prévision associée à la LFSS pour 2010 est de 403,7 Md€.
Cela signifie qu’aucune mesure nouvelle de réduction des cotisations
n’était possible. Pourtant, la LFSS pour 2010 a bien prévu l’extension de
trois dispositifs
106
, en violation de ce principe. Il est vrai que la portée
106. La réforme du volontariat par la création du service civique, la réforme des
exonérations des travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi en agriculture ou
l’ouverture du régime de l'auto-entrepreneur aux professions libérales affiliées à la
caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV).
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juridique d’une loi cadre n’est à ce jour
107
pas supérieure à celle d’une loi
ordinaire ou à celle d’une loi de financement de la sécurité sociale.
Même en supposant cette difficulté juridique surmontée, la
maîtrise de l’incidence financière globale des niches sociales ne peut se
limiter à un décompte des flux nouveaux créés ou supprimés. Cet objectif
implique dès lors de rendre plus rigoureuse la définition des niches,
l’estimation de leur incidence et l’appréciation de leur efficacité et de leur
efficience.
A cet effet, le comité de pilotage, créé pour seulement évaluer d’ici
juin 2011 les dépenses fiscales et les niches sociales, pourrait voir ses
missions prolongées dans le temps et élargies. Il pourrait notamment
s’efforcer de garantir une plus grande cohérence, entre les dépenses
fiscales et les niches sociales. En effet, alors même que nombre de
dispositifs interviennent concomitamment, la cohérence des chiffrages
n’est pas vérifiée et le total des effets fiscaux et sociaux n’est pas affiché.
En complément et afin de garantir une transparence accrue des
travaux réalisés, une mission périodique de synthèse des évaluations
existantes pourrait être confiée au conseil des prélèvements obligatoires.
107. A cependant été annoncée une perspective de révision constitutionnelle, qui
introduirait une nouvelle catégorie de loi, des « lois cadres pluriannuelles » de
programmation des finances publiques. Il est probable que des objectifs de réduction
ou de maîtrise des niches sociales y seraient repris.
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B
Une réduction nécessaire des niches
Sans attendre que soient achevées les évaluations nécessaires, la
Cour préconisait en 2007 de réexaminer à la baisse plusieurs dispositifs,
dont la pertinence paraissait discutable. Etaient ainsi cités en particulier
les gains liés aux stocks options, aux indemnités de rupture du contrat de
travail ou le niveau réduit des cotisations sociales des fonctionnaires.
Des efforts ont bien été réalisés dans le sens des orientations de la
Cour, mais leurs résultats sont restés modestes, en raison à la fois d’un
nombre trop limité des niches concernées et de la création concomitante
de nouveaux dispositifs. Au final, le coût des mesures nouvelles se révèle
plus élevé que celui des révisions. C’est pourquoi un effort plus soutenu
est désormais indispensable.
1
Des résultats décevants
a)
Les données générales
Le tableau suivant identifie l’ensemble des mesures nouvelles
contenues dans les lois de financement successives.
Certes, les données qui suivent résultent d’une appréciation faite
lors de la création des différentes mesures, qui n’a pas été toujours
vérifiée ex post (on constate à nouveau que des niches nouvelles sont
créées,
sans
que
leur
incidence
ait
toujours
été
évaluée
par
l’administration). De plus, certaines données sont manquantes
108
. Malgré
ces limites, cette première comparaison entre les mesures de création et
d’extension de niches et celles de suppression ou de réduction fait
apparaître un solde d’un peu plus d’1 Md€ d’aggravation du coût global
des niches sociales, de 2007 à 2010.
108. C’est en particulier le cas lorsque les outils statistiques disponibles ne permettent
pas, même de manière approchée, d’estimer le coût des mesures.
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97
Estimation du coût des mesures intervenues depuis 2007
En M€
Source :
Présentation Cour des comptes à partir de données DSS
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98
b)
L’effort de réduction de l’impact des niches sociales
Les mesures adoptées par les LFSS 2008, 2009 et 2010 pour
supprimer ou réduire plusieurs niches sont restées trop limitées.
Certes, la taxation sociale de l’épargne, par exemple, jusque là très
favorable, a été rapprochée du droit commun pour les contrats
d’assurance vie multi-supports ou les plus-values de cession de valeurs
mobilières.
De même, sans être supprimées, la plupart des exemptions (à
l’exception notable des tickets restaurant, des chèques vacances ou des
chèques emplois services distribués par les comités d’entreprise) ont fait
l’objet d’une taxation nouvelle, dans le cadre d’un forfait social (d’abord
fixé à 2 %, pour 2009, puis porté à 4 % pour 2010).
Enfin, la taxation des stocks options, des retraites chapeau ou
encore des indemnités de départ en retraite a également été accrue, avec
des taux spécifiques. Des annonces récentes ont en outre été faites, dans
le cadre du projet de loi sur les retraites, prévoyant une augmentation de
ces taux, pour les stocks options
109
et les retraites chapeau
110
.
c)
La croissance du coût des niches
Dans le même temps, cependant, des dispositifs ont été étendus,
voire créés. Le principal concerne l’exonération de charges sociales des
heures supplémentaires et leur détaxation fiscale. L’incidence pour les
régimes sociaux est évaluée à 3 Md€ et donne lieu à compensation par
l’Etat
111
.
De même, diverses mesures, les unes indirectes (comme celles
liées à la hausse du SMIC, dans le cadre de la sortie des mesures liées à la
réduction du temps de travail), les autres directes, par modification de
certains paramètres, expliquent l’augmentation très vive des exonérations
générales dont l’incidence est ainsi passée de 17 à 25 Md€, comme le
montre le tableau ci-après.
L’effet global sur les recettes du régime général en est nul, puisque
ces pertes nouvelles sont compensées par l’Etat. Au total, pour le régime
général le solde est même légèrement positif, puisque les suppressions ou
réductions de niches, quant à elles, ont produit un effet direct sur ses
109. Passage de la contribution patronale sur les stock-options de 10 à 14 %, et
passage de la contribution du salarié de 2,5 % à 8 %.
110. Mise en place d’une contribution sociale de 14 % pour le bénéficiaire.
111. L’incidence fiscale est de son coté évaluée à 1 Md€.
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99
recettes (hors exonérations, le coût global passe de 35,2 Md€ en 2007 à
un coût de 34,9 Md€ en 2009, en euros courants).
A nouveau, cependant, il faut souligner que c’est l’analyse globale,
du point de vue des finances publiques, qui doit être privilégiée. Or, sous
cet aspect, du fait de la hausse des exonérations, une aggravation du coût
des niches est constatée.
Evolution de la perte de recettes en raison des exonérations
En M€
Perte de recettes
en
2005
Perte de recettes
en 2009
Evolution
Réduction générale des cotisations
patronales de sécurité sociale
17 147
22 357
30%
Exonération d'allocations familiales
(exos AF)
30
26
-13%
Heures supplémentaires/
complémentaires (loi TEPA)
0
2 953
N/A
Aide incitative à la RTT (« Aubry I »)
175
0
N/A
Réduction des cotisations en faveur de
l'aménagement et de la réduction du
temps de travail (exonération
« Robien »)
87
0
N/A
Réduction bas salaires (« RBS » - Loi
de 1995)
-11
0
N/A
RTT Aubry II
11
0
N/A
Total I
17 439
25 336
45%
Source :
Cour des comptes (à partir de données ACOSS)
2
La définition d’une stratégie plus volontariste
L’objectif posé par la Cour en 2007 de mettre la révision des
niches sociales au service de l’objectif de retour à l’équilibre des comptes
sociaux demeure plus que jamais essentiel. Il suppose une approche
renouvelée, qui pourrait se fonder sur les principes qui suivent.
a)
Rechercher une meilleure lisibilité d’ensemble
L’effort de réduction des niches s’est réalisé sans alignement sur
les taux de droit commun. De ce fait, on a multiplié les taux spécifiques et
les cas particuliers, comme pour la taxation des retraites chapeau ou des
départs en retraite.
Acceptable dans une première phase, cette diversité des taux est
contestable à plus long terme. Il conviendrait de viser désormais un
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100
principe de lisibilité, en veillant à aligner les différents taux et à les
fonder, autant que possible sur des principes généraux.
b)
Calibrer les avantages en fonction des objectifs prioritaires
Les niches sociales constituent un ensemble hétérogène, stratifié et
répondant à des objectifs très divers, économiques ou sociaux. Il paraîtrait
dès lors utile d’expliciter et de clarifier ces objectifs, ce qui permettrait de
les prioriser, en donnant la préférence aux objectifs de maintien ou de
développement de l’emploi ou de redistribution sociale.
Certes, des niches qui visent à soutenir l’emploi ne sont pas, de ce
seul fait, justifiées, si leur effet n’est pas ciblé de manière adaptée. En
particulier, la Cour ne peut que confirmer ici ses analyses antérieures des
exonérations générales et sa recommandation d’un meilleur ciblage, ce
qui peut passer par une baisse du seuil de sortie
112
.
Sous réserve d’une analyse attentive des modalités, une telle
révision permettrait de mieux proportionner les avantages aux objectifs.
Ainsi, pour ne donner que cet exemple, des objectifs tels que
l’intéressement et la participation, méritent sans doute d’être encouragés,
mais de manière plus réduite.
Enfin, certaines finalités comme le maintien dans la même
entreprise des cadres jusqu’à leur retraite (avec les retraites chapeau) sont
contraires à des politiques publiques qui visent à encourager la mobilité
des salariés et à harmoniser pour ce faire les règles des divers régimes de
retraite. Il en va de même pour les indemnités de rupture du contrat de
travail : la très large exonération de fait de ces indemnités, qui ne sont
soumises à cotisation qu’au-delà de seuils élevés, va à l’encontre de
l’objectif de favoriser le maintien des seniors dans les entreprises (pour
les indemnités de départ en retraite) ou le maintien dans l’emploi (pour
celles de licenciement).
3
Des pistes de mesures de réduction
A titre indicatif, la Cour a estimé l’incidence de plusieurs mesures
de réduction des niches actuelles qui permettraient, dans le sens des
orientations exposées, de réduire les pertes globales pour les finances
publiques.
112. Voir RALFSS de 2008, p. 57.
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101
a)
Le niveau du forfait social
Le forfait social a été appliqué aux divers dispositifs d’association
des salariés au résultat (intéressement, participation, PEE, etc.) à un taux
limité qui n’a d’ailleurs pas contrarié la progression des sommes
distribuées à ces divers titres. Comme le montre le tableau en annexe,
malgré le forfait, de 2 % en 2009, la perte de recettes liées à la
participation et à l’intéressement a progressé de 12 % entre 2005 et 2009.
Or les objectifs poursuivis, s’ils sont légitimes, ne sont peut-être pas
prioritaires.
On pourrait dès lors envisager de porter ce forfait au niveau des
taux cumulés des cotisations maladie et famille (soit 19 % environ), c’est-
à-dire celles des branches qui versent des prestations non liées aux
revenus professionnels, pour lesquelles donc une contribution de
l’ensemble des revenus paraît logique. Le gain total d’un tel relèvement a
été estimé par la Cour à 4 Md€.
Ce forfait social devrait par ailleurs être élargi aux rémunérations
affectées (titres restaurant, chèques vacances, etc.), totalement exonérées
de prélèvement sociaux jusqu’à présent, alors même que leur usage
s’élargit progressivement et qu’il s’écarte de leur finalité première
113
. Le
gain d’une telle extension du forfait social a été estimé par la Cour à
230 M€, au taux actuel de 4 %, et à 980 M€, au taux cible de 19 %
environ.
b)
Le taux de la CSG sur les retraites
Le taux de CSG appliqué aux revenus de remplacement est plus
bas que le taux de droit commun, sans que cet avantage paraisse justifié
d’un point de vue économique ou social (en tout cas pour les retraites les
plus élevées, les taux de CSG appliqués tenant d’ailleurs compte des
revenus des retraités). La contribution d’un relèvement de la CSG, de
6,6 % à 7,5 % sur les retraites de base et complémentaires, serait d’un
rendement de 1,1 Md€ environ (1,5 Md€ en faisant passer le taux réduit
de CSG de 3,8 à 5 %).
Des mesures analogues pourraient également être envisagées pour
les autres revenus de remplacement (les indemnités de chômage, même
élevées, ne sont taxées à la CSG qu’au taux de 6,2 %, de même pour les
rentes d’invalidité ou les indemnités journalières pour ALD…).
113. Du fait d’un usage progressivement élargi des tickets restaurant à l’achat en
supermarchés de fruits et légumes, voire de produits laitiers, le lien avec la
restauration professionnelle se distend.
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102
c)
La taxation limitée des indemnités de rupture du contrat de travail
et des retraites chapeau
Pour les indemnités de départ en retraite ou de licenciement,
l’usage (consacré par la jurisprudence) a conduit à ne pas les soumettre à
taxation sociale, ou seulement à partir de niveaux très élevés. Cet usage
paraît en réalité peu fondé. La détermination par la loi de cette franchise
au niveau des indemnités légales contribuerait pour un montant
significatif (près de 3 Md€) à l’amélioration des recettes sociales.
De même, et malgré les mesures déjà prises ou envisagées, les
retraites chapeau continuent de bénéficier d’un écart favorable, par
rapport aux taux de droit commun qui peut être évalué à environ 9 %. En
alignant les taux de prélèvement sur les retraites chapeau sur ceux de
droit commun, le rendement serait d’environ 820 M€
114
.
d)
La détaxation de certaines plus-values
La détaxation de certaines formes de plus values pourrait
également être réexaminée, en particulier pour celles liées à la cession de
fonds de commerce ou d’entreprises, aujourd’hui exonérées de
prélèvements sociaux (le taux de droit commun sur les revenus de
placement et du patrimoine est de 12,1 %). L’objectif invoqué lors du
vote de la loi était de favoriser les transmissions de petites entreprises et
de faciliter la reprise par des cessionnaires qui doivent exercer la même
activité que le cédant. L’avantage bénéficie donc au cédant et ne facilite
pas spécialement la reprise de l’activité. Sa remise en cause réduirait
d’environ 185 M€ le coût des niches.
*
*
*
Au total, malgré des évolutions récentes, la Cour est amenée à
réitérer
ses
recommandations
antérieures.
En
premier
lieu,
des
évaluations
périodiques
et
complètes
des
niches
sociales
sont
indispensables. En outre, et sans exclure la nécessité d’une mesure
générale de réduction, elle souhaite que soit engagé leur réexamen
sélectif.
114. Le gouvernement évalue à 110 M€ en 2011 le rendement d’une telle mesure,
mais son estimation repose sur un chiffrage de l’assiette concernée d’environ 600 M€,
valeur largement sous-évaluée au vu du nombre de bénéficiaires de retraites chapeau
(2 millions selon la fédération française des sociétés d’assurance). L’avant projet de
loi relatif à la réforme des retraites a annoncé cependant une hausse des taxes
appliquées, pour un montant d’environ 500 M€.
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103
La Cour réitère en particulier sa recommandation relative au
relèvement du taux et à l’extension de l’assiette des cotisations maladie et
famille des fonctionnaires. L’incidence de ces deux mesures pour les trois
fonctions publiques (de l’Etat, des collectivités territoriales et des
hôpitaux) a été évaluée à 6 Md€. Certes, les recettes supplémentaires
issues de cet alignement auraient un coût pour l’Etat, pour les hôpitaux
(donc l’assurance maladie) et les collectivités territoriales. Mais cette
clarification paraît indispensable.
D’autres mesures sont également envisageables avec, cette fois, un
effet plus direct sur les finances publiques. La liste récapitulative ci-
dessous montre en effet que l’incidence potentielle des principales pistes
d’évolution examinées par la Cour dépasse 15 Md€. Ce montant
résulterait de :
-
la baisse du seuil de sortie des exonérations générales (à 1,4 SMIC)
qui pourrait rapporter de l’ordre de 5 Md€ ;
-
l’élévation du forfait social à 19 % qui pourrait rapporter au RG de
l’ordre de 4 Md€ ; l’étendre aux rémunérations affectées rapporterait
en outre de l’ordre de 1 Md€ ;
-
l’alignement du taux maximal de CSG sur les retraites sur le taux de
droit commun qui rapporterait de l’ordre de 1 Md€ ;
-
la révision du seuil d’exonération des indemnités de rupture des
contrats de travail qui rapporterait de l’ordre de 3 Md€, des mesures
complémentaires sur les retraites chapeau de l’ordre de 1 Md€.
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104
Annexe : Eléments de méthode
En 2007 comme en 2010, la Cour a dû résoudre des questions de
méthode complexes, les unes liées à la qualité de l’information
disponible, les autres aux modalités d’estimation d’assiette ou de pertes
de recettes.
a)
La qualité de l’information disponible
La disponibilité de l’information comme sa qualité ont posé des
difficultés en 2010 comme elles en avaient posé en 2007. Cela tient en
partie à la multiplicité des producteurs de cette information et à la
capacité parfois réduite de la direction de la sécurité sociale à valider ou
corriger les données qui lui sont transmises.
On peut citer à titre d’exemple les indemnités de licenciement ou
de mise à la retraite. Selon les sources utilisées, les calculs tant des
assiettes que des pertes de recettes induites par les exonérations diffèrent
dans des proportions notables.
Dans le RALFSS pour 2007 la Cour évaluait cette assiette à
7,8 Md€. L’estimation retenue dans le PLFSS pour 2010 s’élève à
3,4 Md€. Les données les plus récentes collectées par la DARES, même
si elles sont peu nombreuses, ont conduit la Cour à reconstituer une
assiette du même ordre que celle de 2007 (6,7 Md€ en 2007, 7,3 Md€ en
2008).
b)
L’appréciation de l’élasticité
Le passage d’une assiette (déjà parfois difficile à évaluer) à une
estimation de la perte de recettes induites est une source supplémentaire
de difficultés et d’incertitude. En effet, il faut prendre en compte dans les
évaluations l’impact qu’aurait la suppression des exonérations et
exemptions d’assiette sur les recettes prélevées, par la modification ou
non du comportement des personnes assujetties. On peut en effet
assimiler à un coefficient « d’élasticité » la variation de l’assiette, et donc
du produit des prélèvements, après mise en oeuvre de ce prélèvement. Cet
effet ne joue pas, en principe, pour les revenus de remplacement et les
autres revenus. Mais il est potentiellement important, s’agissant des
diverses formes de rémunération du travail, du fait de leur substituabilité.
Pour prendre en compte cet effet, le rapport de 2007 proposait une
méthode, fondée sur une fourchette :
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105
-
dans l’hypothèse la plus favorable d’absence d’élasticité, les
montants distribués restaient identiques, l’employeur acceptant de
supporter la charge des cotisations ou contributions accrues ;
-
dans l’hypothèse la plus pessimiste, la somme globale versée par
l’employeur est considérée comme fixe, les avantages accordés étant
réduits du montant de l’augmentation des cotisations.
Une deuxième interrogation porte sur le point de savoir si
l’évaluation ne doit considérer que les seules cotisations aux régimes
obligatoires de base (en privilégiant le point de vue de ces régimes) ou si
l’on doit estimer également l’effet des autres cotisations (pour le chômage
et la retraite complémentaire obligatoire, mais aussi notamment
l’apprentissage, la formation continue ou les transports publics en
agglomération). Un calcul approché a estimé en moyenne à 22,75 % les
taux cumulés de ces diverses cotisations en faisant abstraction des
différences de plafonds et de taux, variables notamment selon la taille des
entreprises.
Une dernière interrogation est relative à l’effet du plafond pour les
cotisations retraite plafonnées. Avec les données de 2009, le taux de
cotisations apparent serait alors d’un peu plus de 34%, et non de 37,88%.
Cet effet n’a pas été pris en considération, compte tenu de son niveau
relativement limité.
Le tableau qui suit résume l’effet des diverses approches : les
estimations incluses dans le PLFSS sont les plus réduites, dans la mesure
où elles se fondent sur un taux de cotisation plus réduit, censé refléter une
élasticité maximale (voir colonne 1, prise comme base 100).
Les deux colonnes suivantes correspondent à deux estimations
différentes, faites par la Cour. La colonne centrale (3) correspond au
calcul le plus simple, qui est détaillé dans le tableau détaillé, aux deux
pages qui suivent. Les pertes de recettes y sont évaluées pour les seuls
régimes obligatoires, mais sans élasticité aucune.
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Evaluation des pertes de recettes (comparaison 2005-2009)
Dispositif
Pertes brutes de recettes
(RALFSS 2007)
Pertes brutes de recettes
(Evaluation à périmètre constant
2010)
Pertes brutes de recettes
(corrections du RALFSS 2007)
Pertes brutes de recettes
(Evaluation affinée 2010)
Mesures pour l’emploi
22 408
31 897
22 408
31 897
Association des salariés au résultat
8 268
6 450
8 268
6 450
Dont participation
2 437
2 763
2 437
2 763
Dont intéressement
2 247
2 476
2 247
2 476
Dont abondement PEE
534
538
534
538
Dont PERCO
50
72
50
72
Dont Stock-options et actions gratuites
3 000
601
3 000
601
Protection sociale en entreprise
5 114
5 950
5 936
6 769
Dont retraite
1 049
1 106
1 049
1 106
Dont prévoyance
4 065
4 844
4 065
4 844
Dont retraite chapeau
N/A
N/A
822
819
Salaires affectés
2 672
3
119
2 672
3 119
Dont titres restaurant
926
1 232
926
1 232
Dont frais de transport
265
380
265
380
Dont chèque vacances
119
183
119
183
Dont comité d'entreprise
1 362
1 324
1 362
1 324
Fin du contrat de travail
4 129
4 334
4 198
4 507
Dont retraite
537
1 009
537
1 009
Dont licenciement
3 592
3 325
3 592
3 325
Dont autres dispositifs de licenciement et
reclassement
N/A
N/A
69
173
Populations spécifiques
970
1 065
970
1 065
Dont professions spécifiques
800
1 065
800
1 065
Dont apprentis
170
N/A
170
N/A
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Dispositif
Pertes brutes de recettes
(RALFSS 2007)
Pertes brutes de recettes
(Evaluation à périmètre constant
2010)
Pertes brutes de recettes
(corrections du RALFSS
2007)
Pertes brutes de recettes
(Evaluation affinée 2010)
Prestations sociales
11 994
12 880
3 221
3 184
Dont pensions de retraite et d’invalidité
5 908
7 126
2 534
2 629
Dont allocations de chômage
1 480
1 625
180
92
Dont IJ et rentes AT/MP
507
464
507
464
Dont allocations logement
1 100
1 149
N/A
N/A
Dont prestations familiales
2 518
2 184
N/A
N/A
Dont RMI/RSA
481
332
N/A
N/A
Revenus de capitaux
622
713
2 387
2 586
Revenus fonciers
820
100
820
100
Cotisations des employeurs publics
6 001
6 513
6 001
6 513
Dont Etat
3 827
4 398
3 827
4 398
Dont collectivités territoriales
683
1 034
683
1 034
Dont établissements publics hospitaliers
1 206
779
1 206
779
Dont secteur public marchand
285
302
285
302
ITAF
N/A
N/A
757
803
Total
62 998
73 021
57 638
66 993
% des recettes du régime général
24,2%
24,9 %
21,8 %
22,5 %
L
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La colonne (2) à l’inverse, intègre cette élasticité. Quant aux deux
dernières colonnes, elles retracent les pertes de recettes en incluant les
diverses autres cotisations complémentaires ou supplémentaires, avec ou
sans élasticité.
Evaluations selon l’élasticité (évaluation DSS = base 100)
(1)
PLFSS pour 2010
- Taux de cotisations
de 22,93%
- Taux de CSG-
CRDS de 8%
(2)
Evaluation basse
élasticité maximale
- Taux de cotisations
de 37,88%
- Taux de CSG-
CRDS de 8%
(3)
Evaluation haute
sans élasticité
- Taux de cotisations
de 37,88%
- Taux de CSG-
CRDS de 8%
(4)
avec taux autres régimes
Evaluation basse avec
élasticité maximale
Méthode Cour des
comptes
- idem (3) pour les
cotisations et CSG-CRDS
- 22,75% d’exemption
supplémentaire
(5)
avec taux autres régimes
Evaluation haute sans
élasticité
Méthode Cour des
comptes
- Taux de cotisations
de 37,88%
- Taux de CSG-CRDS
de 8%
- 22,75% d’exemption
supplémentaire
100
102
148
132
222
Source : Cour des comptes
Comme on le voit, l’estimation détaillée par la Cour est centrale,
par rapport aux diverses méthodes possibles. Quelle que soit la méthode
de chiffrage qui sera retenue, à l’avenir, pour les évaluations des futurs
PLFSS, il conviendrait qu’elle soit explicitée et que la manière dont elle
répond aux diverses contraintes méthodologiques soit mise en évidence.
Cette exigence paraît importante pour garantir de nouveaux progrès dans
le suivi des niches sociales.
Cour des comptes
Sécurité sociale 2010 – septembre 2010
13 rue Cambon 75100 PARIS CEDEX 01 - tel : 01 42 98 95 00 - www.ccomptes.fr
DEUXIEME PARTIE
LA GESTION DES CAISSES ET
DES REGIMES
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