ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LES SOUTIENS
PUBLICS
À L’ÉCONOMIE
SOCIALE
ET SOLIDAIRE
2018-2024
Rapport public thématique
Synthèse
Septembre 2025
2
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
g
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations, des organismes et des collectivités
concernés figurent en annexe du rapport
.
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Sommaire
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Une présence forte de l’économie sociale
et solidaire dans de nombreux secteurs,
mais un poids mal mesuré dans l’économie
7
2
Des soutiens financiers publics à l’économie sociale
et solidaire en progression mais sans stratégie d’ensemble . .11
3
Des aides spécifiques au développement
du modèle d’économie sociale et solidaire, reposant
principalement sur la mobilisation des investisseurs
publics et privés .
17
4 Récapitulatif des recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
L’économie sociale et solidaire (ESS) désigne un mode d’entreprendre qui cherche
à concilier activité économique et utilité sociale . Elle repose sur des principes de
solidarité, de coopération, de démocratie et de primauté de l’humain sur le profit .
Composée de quatre familles statutaires (associations, fondations, mutuelles,
coopératives) et d’une famille par adhésion volontaire (sociétés commerciales
dont l’activité a pour finalité une utilité sociale), elle regroupe un large ensemble
d’acteurs qui représente 13,7 % des emplois privés et 10,6 % de l’emploi salarié
en 2021 selon les dernières données disponibles de l’Insee .
Les chiffres clés de l’économie sociale et solidaire en 2021
152 979
entreprises
10,6 %
du total
de l’emploi salarié
13,7 %
du total
des emplois privés
207 894
établissements
employeurs
2 715 724
salariés
Source : Cour des comptes d’après les données
Insee 2021 et ESS France pour les sociétés
commerciales
Dix ans après la formalisation de son cadre d’action par la loi du 31 juillet 2014
relative à l’économie sociale et solidaire, celle-ci doit faire l’objet, d’ici fin 2025,
d’une stratégie nationale pour promouvoir son développement, à la suite d’une
recommandation du Conseil de l’Union européenne du 27 novembre 2023 .
Après avoir été rattachée au ministère de la transition écologique et solidaire
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
entre 2017 et 2020, la politique de soutien à l’économie sociale et solidaire est
désormais pilotée par la direction générale du Trésor depuis 2021 . Elle est animée
depuis 2023 par un délégué ministériel rattaché au ministère de l’économie et
des finances .
Pour répondre à une demande formulée sur la plateforme citoyenne des
juridictions financières, la Cour des comptes a établi un panorama des soutiens
financiers apportés par l’État, les branches de sécurité sociale, l’Union européenne
et les collectivités territoriales aux acteurs de l’économie sociale et solidaire sur
la période 2018 à 2024 . Les montants présentés ci-après correspondent aux
subventions au sens juridique du terme, comprenant les appels à projets et les
aides au poste, mais à l’exclusion de l’attribution de marchés publics qui relèvent
d’une autre logique, celle de la prestation de services .
Ce recensement des soutiens publics n’avait jamais été réalisé jusqu’ici : les
travaux inédits de la Cour permettent ainsi d’éclairer les acteurs pour contribuer à
l’élaboration de la stratégie nationale de soutien à l’économie sociale et solidaire .
Les critères distinctifs de l’ESS selon la loi du 31 juillet 2014
La définition
de l’économie
sociale
et solidaire par
la loi « Hamon »
Les trois critères distinctifs
de l’ESS par rapport au secteur
capitaliste et communs pour
les 4 familles historiques
Pour légitimer l’entrée de
certaines sociétés commerciales
dans l’ESS, ajout du critère
de « l’utilité sociale » comme
objectif poursuivi
via
l’activité commerciale
But poursuivi autre que
le seul partage des bénéfices
Gouvernance démocratique
Gestion durable des
bénéfices et constitution
de réserves obligatoires
Soutien à des personnes
en situation de fragilité
ou contribution à la lutte
contre leur exclusion
Préservation et développement
du lien social et maintien
ou renforcement
de la cohésion territoriale
Concours au développement
durable sous réserve
d’une activité liée aux
objectifs précédents
Source : Cour des comptes
Introduction
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Une présence forte
de l’économie sociale
et solidaire dans de nombreux
secteurs, mais un poids
mal mesuré dans l’économie
Un déficit de notoriété
au niveau national, malgré
une activité multisectorielle
Le périmètre de l’économie sociale et
solidaire est difficile à tracer compte
tenu de sa nature transversale et de
la grande hétérogénéité des statuts
juridiques des structures, avec des
modèles économiques aux différences
très marquées . Coexistent ainsi en
son sein des groupes coopératifs du
commerce, du secteur agricole et
du secteur bancaire et un secteur
associatif composé majoritairement
d’associations non employeuses
(1,1 million) et d’environ 170 000
associations employeuses, dont la
moitié n’a qu’un ou deux salariés .
Les acteurs de l’économie sociale et
solidaire ont des finalités diverses et
une activité multisectorielle . Outre
leur rôle majeur dans l’action sociale,
le secteur des sports et des loisirs
ou encore l’enseignement privé, ils
représentent une part importante
des effectifs du secteur des activités
financières et des assurances .
Malgré une présence dans tous
les territoires et un rayonnement
international de la définition
française de l’économie sociale et
solidaire, celle-ci souffre d’un déficit
de visibilité et de notoriété au plan
national . Les différences entre ce mode
d’entreprendre et les pratiques des
entreprises conventionnelles sont
plus difficiles à cerner en raison de
la généralisation des démarches de
responsabilité sociétale au sein des
entreprises et de l’apparition des
« entreprises à mission » depuis 2019,
qui sont des entreprises dont l’objet
social intègre des enjeux sociaux et
environnementaux, en plus de la
recherche de profit financier .
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Répartition territoriale de l’ESS dans l’emploi salarié
de 12 ou plus
de 11 à moins de 12
de 10 à moins de 11
de 9 à moins de 10
moins de 9
Part de l’ESS dans
l’emploi salarié (en %)
Source : site internet de l’Insee, données 2021
Les représentants de l’économie
sociale et solidaire mettent pourtant
en avant une dynamique propre au
sein des structures, fondée sur
l’engagement personnel et collectif
des salariés mais aussi de bénévoles,
ainsi qu’une meilleure résilience en
termes économiques et en termes
d’emploi, comparée aux entreprises
conventionnelles . Constatant
cette situation, la Cour invite à
promouvoir les spécificités de ce
mode d’entreprendre, notamment au
moyen du guide des bonnes pratiques
des acteurs de l’économie sociale et
solidaire élaboré seulement en 2017, en
application de la loi du 31 juillet 2014 .
L’échec du changement
d’échelle de l’économie sociale
et solidaire et de la mesure
de ses impacts sociaux
Alors que la loi du 31 juillet 2014
avait pour objectif d’encourager
un changement d’échelle de
l’économie sociale et solidaire, la
part des établissements relevant
de cette famille au sein du total
des établissements employeurs est
passé de 10 % à 9 % sur la période
2018-2021 . La part de l’économie
sociale et solidaire dans l’emploi salarié
(en retenant le champ de la définition
légale) est restée stable à 10,6 % .
Une présence forte de l’économie sociale
et solidaire dans de nombreux secteurs,
mais un poids mal mesuré dans l’économie
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Une présence forte de l’économie sociale
et solidaire dans de nombreux secteurs,
mais un poids mal mesuré dans l’économie
Ces chiffres ne reflètent pas l’évolution
de la part des richesses produites par
l’économie sociale et solidaire qui ne
fait pas l’objet d’un suivi statistique
spécifique et régulier . La dernière
estimation par l’Insee du poids de ce
mode d’entreprendre dans l’économie
remonte à 2014 et porte sur des
données de 2012 . Il serait pourtant
nécessaire de mesurer régulièrement
les apports de ce tiers secteur au
développement économique et social
et à la cohésion territoriale . En 2025,
la direction générale du Trésor a
obtenu avec d’autres États membres
de l’Union européenne (Portugal,
Croatie, Grèce, Belgique) un soutien
financier au titre de l’instrument
d’appui technique de la Commission
européenne pour les travaux
préparatoires à la mise en place d’un
compte satellite : l’Organisation de
coopération et de développement
économiques (OCDE) va lui fournir
un accompagnement dans ce
cadre pendant deux ans à compter
du second semestre 2025 . La Cour
invite donc la direction générale du
Trésor à mettre à profit ces moyens
nouveaux pour poursuivre avec l’Insee
le travail de définition des indicateurs
économiques pertinents permettant
de faire aboutir ce projet de compte
satellite et de mesurer le poids de
l’économie sociale et solidaire dans
l’économie nationale .
Par ailleurs, la démarche d’évaluation
de leur impact et de leur utilité sociale
demeure complexe et cloisonnée entre
les acteurs de l’économie sociale et
solidaire . La Cour invite l’État à les
accompagner dans l’élaboration de
référentiels communs d’évaluation
de leurs impacts sociaux et sociétaux
selon leurs domaines d’activités .
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Entre 2018 et 2024, les aides versées
aux acteurs de l’économie sociale et
solidaire par l’État, ses opérateurs,
les branches de sécurité sociale et les
collectivités territoriales représentent
des enjeux financiers importants,
illustrant le rôle central que les acteurs
de l’économie sociale et solidaire
jouent pour faire face à des besoins
sociaux croissants . Ces soutiens, y
compris dépenses fiscales et aides
aux postes et contrats aidés, s’élèvent
à 16 Md€ pour l’État en 2024 (hors
dépenses des opérateurs qu’il n’a
pas été possible de consolider) et à
près de 6,7 Md€ pour les collectivités
territoriales en 2023 .
Des subventions de l’État
majoritairement destinées
aux associations employeuses
répondant à des besoins
sociaux croissants
En euros constants par rapport à 2018,
ces aides ont progressé de 4,7 % pour
l’État entre 2018 et 2024, en dépit
d’une baisse marquée des contrats
aidés (- 80 %) . Elles sont composées
majoritairement de subventions
(8 Md€ en 2024) . Ces subventions,
dont les bénéficiaires sont à 93 % des
associations et à 98 % des structures
employeuses, ne concernent que 4 %
des acteurs de l’économie sociale et
solidaire .
Près de 80 % de ces subventions
sont des dépenses pour garantir des
droits ou assurer des services dans le
prolongement de l’action de l’État :
l’hébergement d’urgence (18 % des
subventions en 2024), le soutien à
l’enseignement privé et à l’éducation
(15 %), l’accompagnement social et
l’aide alimentaire (13 %), l’accueil
et l’orientation des réfugiés et des
demandeurs d’asile (12 %) .
Des soutiens financiers publics
à l’économie sociale et solidaire
pour déployer des politiques
publiques mais sans stratégie
d’ensemble
2
12
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Répartition des subventions de l’État à l’ESS (hors outre mer)
par mission budgétaire en 2024
Cohésion des territoires
Enseignement scolaire
Solidarité, insertion et égalité des chances
Immigration, asile et intégration
Autres
Culture
Recherche et enseignement supérieur
Travail et emploi
Sport, jeunesse et vie associative
Aide publique au développement
0 %
5 %
10 %
15 %
20 %
25 %
30 %
35 %
33 %
14 %
12 %
12 %
8 %
7 %
4 %
4 %
3 %
2 %
Source : Cour des comptes
Les acteurs bénéficient également de
crédits en provenance d’opérateurs,
tels que l’Agence de la transition
écologique (Ademe) dont 6 % du
budget (62,5 M€ en 2024) a bénéficié
à des structures de l’économie sociale
et solidaire . En outre, les branches
de sécurité sociale versent à ces
structures des subventions (420 M€ en
2023) pour contribuer à leurs travaux
de recherche et d’innovation . Enfin,
les acteurs de l’économie sociale
et solidaire peuvent émarger à de
nombreux fonds européens selon les
politiques publiques auxquelles ils
contribuent, notamment le Fonds
social européen et le Fonds européen
de développement régional, sans faire
l’objet d’un suivi spécifique .
Des soutiens financiers publics à l’économie sociale
et solidaire pour déployer des politiques publiques
mais sans stratégie d’ensemble
13
Des soutiens financiers publics à l’économie sociale
et solidaire pour déployer des politiques publiques
mais sans stratégie d’ensemble
Soutiens de l’État aux acteurs de l’ESS de 2018 à 2024 (en Md€)
En Md€
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
Évol.
/2018
en euros
bruts
Évol. €
constants
/2018
Subventions en
faveur de l'ESS
hors outre-mer
5,5
5,63
5,33
6,78
7,55
7,95
7,96
46 %
23 %
Dépenses
fiscales
3,97
4,02
4,33
4,36
4,58
4,63
4,96
25 %
7 %
Aides au poste
et exonérations-
insertion
par l’activité
économique
1,00
1,50
0,79
0,98
1,20
1,30
1,34
34 %
14 %
Aides au
poste pour les
établissements
d'aide par le
travail à statut
associatif
1,10
1,10
1,20
1,20
1,30
1,30
1,20
9 %
-7 %
Aides au
poste pour les
entreprises
adaptées à
statut associatif
0,19
0,27
0,19
0,21
0,24
0,24
0,23
20 %
2 %
Contrats aidés
1,30
0,60
0,40
0,60
0,90
0,30
0,30
-77 %
-80 %
Total en euros
bruts
13
13,12
12,24
14,13
15,77
15,72
15,99
23 %
Total en euros
constants / 2018
13
12,96
11,75
13,4
14,48
13,71
13,63
4,7 %
Source : Cour des comptes
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
14
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des subventions
des collectivités territoriales
en forte progression
sur la période, malgré
une légère baisse en 2023
Les subventions versées par l’ensemble
des collectivités territoriales aux
structures de l’économie sociale
et solidaire entre 2018 et 2023 ont
progressé de 25,7 % en euros constants .
Parmi les collectivités, ce sont les
communes et intercommunalités
ainsi que les régions qui attribuent
annuellement le plus de subventions
aux structures de l’économie sociale et
solidaire, respectivement 47 % et 30 %
du total en 2023 .
Les subventions versées par les
collectivités territoriales bénéficient
en priorité aux associations (95 % des
6,7 Md€ en 2023) . Quatre thématiques
d’action publique locale – les « arts,
spectacles et activités récréatives »,
les « autres activités de service », la
« santé humaine et action sociale »
et « l’enseignement » – représentent
86,3 % du total des subventions
en 2023 .
Évolution des subventions annuelles versées par les collectivités locales
aux structures de l’ESS (en M€ )
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Évolution
2018 - 2023
%
moyenne
annuelle
Communes
1 275,30
1 515,77
1 437,97
1 705,21
2 274,57
2 088,74
%
10,63
Intercom-
munalités
641,68
750,00
736,36
887,14
1 044,87
1 018,45
58,72
9,79
Départements
970,41
1 058,93
1 045,46
1 276,43
1 538,77
1 425,40
46,89
7,81
Régions
1 654,70
1 874,46
1 500,38
1 702,61
1 934,91
1 994,59
20,54
3,42
Autres
88,65
103,74
95,21
122,59
147,89
145,93
64,61
10,77
Total
4 630,73
5 302,9
4 815,38
5 693,98
6 941,02
6 673,11
44,10
7,35
Total en euros
constants 2018
4 630,73
5 239,50
4 620,21
5 397,25
6 374,01
5 819, 37
25,67
4,28
Source : Cour des comptes
Le rôle spécifique des régions
Au sein des collectivités territoriales,
les régions ont un rôle particulier .
La loi du 31 juillet 2014 leur confie
la mission d’élaborer une stratégie
régionale de l’économie sociale et
solidaire et de réunir, tous les deux
ans, une conférence régionale sur ce
thème, conjointement avec l’État .
Elles se sont saisies de ce sujet à des
intensités diverses, généralement
dans le cadre de leurs compétences en
matière de développement économique .
Au-delà de la stratégie régionale propre
à l’économie sociale et solidaire, les
régions ont systématiquement fait
de l’affirmation de l’économie sociale
et solidaire un des objectifs de leur
schéma régional de développement
économique, d’innovation et
d’internationalisation (SRDEII) .
Des soutiens financiers publics à l’économie sociale
et solidaire pour déployer des politiques publiques
mais sans stratégie d’ensemble
15
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Des soutiens financiers publics à l’économie sociale
et solidaire pour déployer des politiques publiques
mais sans stratégie d’ensemble
Régions de France estime à 138 M€
les dépenses des régions consacrées
aux politiques en faveur de l’économie
sociale et solidaire en 2023 au titre
du développement économique .
Dans le cadre des autres politiques
régionales (formation professionnelle,
enseignement notamment), les
acteurs reçoivent des soutiens
financiers beaucoup plus importants
(1,94 Md€ en 2023 selon l’analyse de
la Cour) . Pour mener leurs actions
en faveur de l’économie sociale et
solidaire, les régions s’appuient sur les
collectivités territoriales, notamment
le bloc communal, ainsi que sur l’État
et ses opérateurs .
Un pilotage de la politique
de soutien à l’économie sociale
et solidaire à stabiliser
et à renforcer
L’augmentation des soutiens
publics constatée sur la période
ne traduit pas une préférence
affichée des acteurs publics pour ce
mode d’entreprendre et ne s’inscrit
pas dans une stratégie . L’absence de
vision d’ensemble au niveau de l’État
s’explique par l’instabilité politique de
son pilotage ainsi que par la faiblesse
du positionnement du délégué
ministériel et des moyens du réseau
des correspondants chargés du
soutien à l’économie sociale et solidaire
dans les préfectures . La vérification
insuffisante de la conformité du statut
des sociétés commerciales aux principes
de gouvernance de la loi du 31 juillet
2014 par les greffes des tribunaux de
commerce conduit en outre à ce que
soient parfois enregistrées comme
sociétés commerciales relevant de
l’économie sociale et solidaire des
entreprises qui n’en respectent pas les
critères . Le ministère de l’économie
et le ministère de la justice devraient
renforcer l’accompagnement des greffes
des tribunaux de commerce pour leur
permettre de mieux assurer leur mission
de vérification de ces statuts .
Le Conseil supérieur de l’économie
sociale et solidaire n’est pas
suffisamment consulté par les pouvoirs
publics tandis que les chambres
régionales de l’économie sociale et
solidaire exercent diversement leurs
missions sans que l’État n’ait clarifié ses
attentes à leur égard .
De plus, l’encouragement à la
diversification des sources de
financement des structures ne s’est
pas accompagné d’une réflexion
au sein de l’État sur les moyens
d’alléger la charge administrative
qui découle de la multiplication
des dossiers de financement et de
la production requise des différents
livrables pour justifier de l’utilisation
de ces subventions . Différents
portails ont été développés selon
les politiques publiques et selon les
catégories d’acteurs économiques .
La Cour invite à interconnecter ces
différents guichets pour permettre une
mutualisation des pièces justificatives
issues des dossiers de candidature
dans le respect du principe « dites-le
nous une fois » .
La stratégie nationale de soutien au
développement de l’économie sociale
et solidaire, qui doit être remise à la
Commission européenne fin 2025,
devra être co-construite avec les
collectivités territoriales, notamment
les régions et les intercommunalités
au vu de leur rôle majeur dans son
développement .
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
3
Des aides spécifiques
au développement du modèle
d’économie sociale et solidaire,
reposant principalement sur
la mobilisation des investisseurs
publics et privés
Des aides à la structuration
du secteur, sans priorité accordée
à l’innovation sociale
Les soutiens financiers de l’État
pour favoriser spécifiquement
le développement de ce mode
d’entreprendre représentent un
montant de 20,1 M€ en 2024, soit
une progression de 10 % depuis
2018 en euros constants . Ils sont
majoritairement composés de crédits
pour le cofinancement du dispositif
d’accompagnement local qui soutient
les acteurs grâce à des prestations
d’ingénierie assurées par un réseau
de 120 opérateurs régionaux et
départementaux . L’État apporte
également un soutien financier aux
têtes de réseau associatives et aux
chambres régionales de l’économie
sociale et solidaire .
Depuis 2021, l’État a relancé
sa politique de soutien au
développement des pôles territoriaux
de coopération économique
(2,5 M€ en 2024) : ceux-ci sont des
regroupements d’acteurs (collectivités
locales, entreprises, universités,
centres de recherche) en vue de
développer des projets économiques
et sociaux innovants sur un territoire .
Le suivi de ces pôles met en évidence
des demandes de prolongation de la
période de financement au-delà des
deux premières années, ce qui montre
la nécessité pour l’administration
d’ajuster les modalités de financement
au rythme de développement des
pôles (émergents ou matures) .
Enfin, le soutien à l’innovation sociale
reste limité (2,7 M€ en 2024) et
restreint au seul champ économique et
entrepreneurial du fait de la définition
partielle de l’innovation sociale retenue
à l’article 15 de la loi du 31 juillet 2014 .
Il repose principalement sur deux outils .
D’une part, l’État encourage l’essor des
contrats à impact social qui permettent
le préfinancement par un investisseur
privé d’un projet innovant porté
par un acteur de l’économie sociale
et solidaire . D’autre part, il soutient
l’investissement à impact social
via
des subventions à l’association France
active (réseau d’accompagnement et
de financement des entrepreneurs
sociaux) et l’association Fair (collectif
engagé pour la finance à impact
social) . L’État gagnerait à avoir une
approche plus large de l’innovation
sociale en favorisant une démarche
18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
interministérielle et en mobilisant
d’autres leviers que les subventions,
tel que le soutien par la commande
publique .
Une offre de financement
des investisseurs publics qui
exclut une partie des acteurs
de l’économie sociale et solidaire
Alors qu’il était prévu la mise en place
de dispositifs adaptés aux particularités
de l’économie sociale et solidaire dans
la doctrine d’intervention de Bpifrance,
tous les outils spécifiques mis en place
ont été abandonnés depuis 2018 au
profit d’une offre de financements
généraliste . Si les flux annuels investis
par Bpifrance au profit des acteurs
de l’économie sociale et solidaire
représentent des montants importants
(453,9 M€ en 2023), ils ne couvrent que
les besoins de financement des acteurs
rentables .
Le refus de Bpifrance de comptabiliser
les titres participatifs comme des
fonds propres est préjudiciable pour
de nombreuses coopératives pour
lesquelles ces titres représentent le
levier le plus efficace pour attirer des
financeurs privés et publics . La Cour
invite le ministère chargé de l’économie
à travailler avec Bpifrance à une
évolution de sa doctrine pour intégrer
ces titres dans les fonds propres des
coopératives que la banque publique
prend en compte dans l’examen des
demandes de soutien .
La Caisse des dépôts et consignations
donne davantage de visibilité à
l’économie sociale et solidaire dans
son offre de services . Elle verse des
subventions annuelles aux réseaux
des acteurs (30 M€ en 2023) et investit
des fonds propres (92 M€ de flux
annuels en 2023) dans des secteurs
structurants pour l’économie sociale
et solidaire (tels que la transition
écologique, la cohésion sociale et
territoriale) et auprès d’acteurs
tels que l’association France active .
Toutefois, son soutien ne couvre pas
l’amorçage des projets très risqués
ni les projets des associations
non employeuses et des petites
associations .
Des efforts à poursuivre
pour orienter les financements
privés vers l’économie sociale
et solidaire
L’État a mis en place des dispositifs
incitatifs pour orienter les financements
privés vers l’économie sociale et
solidaire . Ce fléchage a eu des effets
positifs sur la dynamique de l’encours
de l’épargne solidaire qui a atteint
27,5 Md€ en 2023, soit quasiment un
doublement depuis 2019 . L’épargne
solidaire ne représente toutefois que
0,5 % de l’épargne financière des
Français .
Depuis 2020, les établissements
distribuant le livret de développement
durable et solidaire ont l’obligation
de proposer annuellement à leurs
clients d’utiliser les sommes qui y sont
déposées pour faire un ou plusieurs
dons à des entreprises de l’économie
sociale et solidaire ou d’utilité sociale .
Sur un total de 26,6 millions de livrets
en 2024, le nombre de dons reste
faible (2 600) et leur montant limité
(2 M€) par rapport à un encours de
149 Md€ en 2023 . De même, depuis
janvier 2022, les assureurs doivent
obligatoirement proposer à leurs
clients des fonds solidaires dans leurs
Des aides spécifiques au développement du modèle
d’économie sociale et solidaire, reposant principalement
sur la mobilisation des investisseurs publics et privés
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
unités de compte d’assurance-vie . Or
la part d’unités de compte solidaires
dans les contrats d’assurance vie
(2,3 Md€) ne représente que 0,4 % du
montant des placements en unités
de compte (541 Md€ en 2023) . Le
ministère chargé de l’économie devrait
s’assurer d’un renforcement de la
communication des établissements
financiers sur les possibilités de dons
solidaires et sur les fonds solidaires
auprès de leur clientèle .
L’État encourage également
l’investissement en fonds propres
des particuliers dans les entreprises
de l’économie sociale et solidaire qui
ont obtenu l’agrément d’entreprises
solidaires d’utilité sociale,
via
un
dispositif de réduction d’impôt pour
les particuliers qui y investissent, pour
une dépense fiscale estimée à 14,8 M€
par an en 2021 .
***
Ce panorama des flux financiers vers
les acteurs de l’économie sociale et
solidaire montre leur rôle central dans
la mise en œuvre de nombreuses
politiques publiques, sans que le
changement d’échelle souhaité par
le Gouvernement n’ait eu lieu . Au
vu de ces constats, la Cour formule
quatre orientations, déclinées en dix
recommandations :
l
rendre visibles le poids économique et
les apports de ce mode d’entreprendre ;
l
stabiliser le pilotage de la politique de
soutien à l’économie sociale et solidaire
et renforcer la coordination entre l’État
et les collectivités territoriales ;
l
améliorer l’organisation et l’efficacité
des services de l’État chargés de
l’économie sociale et solidaire ;
l
lever les freins à l’accès aux
financements des acteurs et amplifier
la communication des établissements
financiers sur les dons et fonds
solidaires .
Des aides spécifiques au développement du modèle
d’économie sociale et solidaire, reposant principalement
sur la mobilisation des investisseurs publics et privés
20
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Récapitulatif
des recommandations
Mettre en valeur le poids écono-
mique et les apports
de ce mode
d’entreprendre
2 . Promouvoir dès l’adoption de
la stratégie nationale de soutien à
l’économie sociale et solidaire en
2025 les spécificités du mode
d’entreprendre de l’économie sociale
et solidaire, notamment au moyen
du guide des bonnes pratiques
prévu par la loi du 31 juillet 2014
(ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique)
3 . Faire aboutir d’ici 2027 le projet
de compte satellite avec l’Insee et
encourager les acteurs à élaborer des
référentiels communs d’évaluation de
leur impact selon la politique publique
concernée
(ministère de l’économie,
des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique).
Stabiliser le pilotage de la politique
de soutien à l’économie sociale et
solidaire et renforcer la coordination
entre l’État et les collectivités
territoriales
5 . Assurer un pilotage stable de la
politique de soutien à l’économie
sociale et solidaire en tant que
mode d’entreprendre et donner au
délégué chargé de l’économie sociale
et solidaire un positionnement
interministériel d’ici 2026
(ministère
de l’économie, des finances et de
la souveraineté industrielle et
numérique).
7 . Co-construire en 2025 avec
les représentants des régions et
des intercommunalités la stratégie
nationale de soutien au développement
de l’économie sociale et solidaire
(ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique) .
Améliorer l’organisation et l’efficacité
des services de l’État chargés de
l’économie sociale et solidaire
1 . Outiller en 2026 les greffes des
tribunaux de commerce pour le
contrôle des critères d’appartenance
des sociétés commerciales à
l’économie sociale et solidaire au
moment du dépôt de leurs statuts
(ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique - ministère de la justice).
4 . Interconnecter d’ici 2027 les
portails de demandes de subvention
ou de réponse à des appels à
projet lancés par l’État en direction
des acteurs de l’économie sociale
et solidaire et mutualiser les
pièces justificatives issues de leurs
dossiers de candidature
(ministère
de l’économie, des finances et de
la souveraineté industrielle et
numérique).
6 . Clarifier en 2025 le rôle et les
missions des correspondants
régionaux au sein des services
déconcentrés de l’État et renforcer
l’animation territoriale des chambres
régionales de l’économie sociale
et solidaire en harmonisant et en
hiérarchisant leurs missions au
regard de leurs moyens
(ministère
de l’économie, des finances et de
la souveraineté industrielle et
numérique).
21
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
8 . Adapter en 2026 les modalités de
financement des pôles territoriaux
de coopération économique à
leurs besoins et à leur rythme de
développement
(ministère de
l’économie, des finances et de
la souveraineté industrielle et
numérique).
Lever les freins à l’accès aux finan-
cements des acteurs et amplifier la
communication sur les dons et fonds
solidaires
9 . Revoir d’ici 2026 la doctrine de
Bpifrance pour intégrer les titres
participatifs et associatifs dans
les quasi fonds propres et ainsi
favoriser l’accès des coopératives et
des associations aux financements
(ministère de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et
numérique, Bpifrance).
10 . S’assurer que les établisse-
ments financiers renforcent la
communication dès 2025 sur les dons
solidaires auprès des détenteurs de
livret de développement durable et
solidaire et sur les fonds solidaires
auprès des détenteurs de contrats
d’assurance-vie
(ministère de
l’économie, des finances et de
la souveraineté industrielle et
numérique).